borne [ bɔrn ] n. f.
• v. 1180; bodne 1121; lat. pop. °bodina, p.-ê. d'o. gaul.
1 ♦ Pierre ou autre marque servant à délimiter un champ, une propriété foncière. ⇒ limite, terme. Borne témoin. Bornes d'une parcelle. Planter, poser, déplacer une borne.
2 ♦ Pierre plantée, petite butte de ciment servant de limite, de repère. Monument entouré de bornes et de chaînes. Bornes empêchant les automobiles de monter sur le trottoir. Borne milliaire des voies romaines. Borne kilométrique, hectométrique, indiquant les distances sur une route. Borne d'incendie. ⇒ bouche, région. hydrant. — Loc. fig. Rester planté comme une borne : être immobile. — Bornes de protection des murs, des portes. ⇒ chasse-roue.
♢ Dispositif de communication placé dans un lieu public. Borne téléphonique des stations de taxis. Borne interactive. Borne minitel.
3 ♦ (1926) Fam. Kilomètre. C'est à six cents bornes d'ici.
4 ♦ Électr. Serre-fils pour brancher un fil conducteur sur un appareil électrique.
♢ Chacune des deux pièces d'un appareil générateur d'électricité auxquelles est relié un circuit extérieur. ⇒ pôle. — Par ext. Point d'un circuit électrique. Mesurer une tension aux bornes d'un composant.
5 ♦ Fig. (Plur.) Frontières. Les bornes d'un État. ⇒ limite, 1. marche, terme. Reculer les bornes de la connaissance. « la patience humaine a des bornes, et la mienne est à bout » (Proust). — Loc. adv. Sans borne(s) : infini, très grand. Une joie sans borne. « Une tristesse sans bornes » (Goncourt). — Spécialt Limite permise. Vous dépassez les bornes. ⇒ exagérer.
6 ♦ Math. Borne inférieure ou supérieure d'un ensemble, d'une suite : élément extrême, inférieur ou supérieur, de cet ensemble, de cette suite.
● borne nom féminin (bas latin bodina, d'origine celtique) Pierre ou autre marque servant à indiquer la limite de deux propriétés contiguës. Pierre servant, avec d'autres, à maintenir une chaîne qui réserve un emplacement, barre un passage, etc. Pierre indiquant une distance, une direction, etc. : Borne kilométrique. Familier. Kilomètre. Électricité Point d'un circuit électrique destiné à établir une connexion. Chacun des deux composants destinés à raccorder un dispositif à des conducteurs extérieurs. Mobilier et décoration Siège collectif circulaire à dossier central (XIXe s.). Pendule dont la forme rappelle celle d'une borne en pierre (XIXe s.). ● borne (difficultés) nom féminin (bas latin bodina, d'origine celtique) Orthographe 1. On écrit le plus souvent bornes, au pluriel, dans les expressions de sens négatif sans bornes, (qui n'a) pas de bornes : il est d'une grossièreté sans bornes ; son audace ne connaît plus de bornes. 2. On écrit sans trait d'union : borne frontière, borne témoin. ● borne (expressions) nom féminin (bas latin bodina, d'origine celtique) Rester planter (là) comme une borne, rester immobile, sans réaction. Borne inférieure d'une partie minorée A d'un ensemble E muni d'une relation d'ordre, plus grand des minorants de A (s'il existe), noté InfEA. Borne supérieure d'une partie majorée A d'un ensemble E muni d'une relation d'ordre, plus petit des majorants de A (s'il existe), noté SupEA. (Si InfEA [respectivement SupEA] appartient à A, on l'appelle plus petit [respectivement grand] élément de A. Quand A est l'ensemble des valeurs f(x) d'une fonction numérique f pour x ∊ D, on parle de borne inférieure [notée ] et de borne supérieure [] de f sur D ou de supremum.) Borne géodésique, borne cadastrale, borne en pierre ou en béton matérialisant la position précise d'un point de triangulation géodésique ou cadastrale. Borne du cirque, chacune des deux bornes situées aux deux extrémités de l'arène, autour desquelles tournaient les chars. Borne milliaire, chacune des pierres qui, sur les voies romaines, marquaient chaque distance de mille pas (= 1 481,50 m). Borne d'amarrage, synonyme de bollard. Borne d'incendie, prise d'eau, à l'usage des pompiers, dont l'orifice est situé à un mètre du sol. Borne interactive, appareil équipé d'un écran vidéo et d'un ordinateur spécifique, qui permet de délivrer à un utilisateur des informations sur un ou plusieurs sujets donnés. Borne d'alarme, dispositif implanté dans un moyen de transport public qui permet aux voyageurs de communiquer avec la gare ou la station et, si nécessaire, de couper l'alimentation électrique. ● borne (synonymes) nom féminin (bas latin bodina, d'origine celtique) Électricité. Chacun des deux composants destinés à raccorder un dispositif à...
Synonymes :
- pôle
Marine. Borne d'amarrage
Synonymes :
- bollard
Technique. Borne d'incendie
Synonymes :
n. f.
d1./d Marque qui matérialise sur le terrain les limites d'une parcelle. Planter, reculer une borne.
d2./d Borne kilométrique, indiquant les distances en kilomètres sur les routes.
|| Fam. Kilomètre. C'est à trois bornes d'ici.
d3./d Grosse pierre plantée au pied d'un mur, d'un bâtiment, pour les protéger des roues des voitures.
d4./d ELECTR Pièce de connexion (d'une pile à laquelle est relié un circuit extérieur).
d5./d MATH Borne supérieure d'un ensemble: plus petit des majorants d'un ensemble; borne inférieure d'un ensemble: plus grand des minorants d'un ensemble.
d6./d (Plur.) Limites, frontières. Les bornes d'un état.
— Un horizon sans bornes.
|| Fig. Une ambition sans bornes.
— Passer, dépasser les bornes: exagérer.
⇒BORNE, subst. fém.
I.— [L'idée dominante est celle de limite et/ou de séparation]
A.— Bloc de pierre, poteau, etc. indiquant la limite d'un champ. Borne mitoyenne; planter, déplacer une borne :
• 1. En Normandie, quand deux paysans se sont mis d'accord sur leurs limites, ils font un trou de six pieds, y déposent une marque, par exemple, des bouteilles, recouvrent le tout avec de la terre et plantent une borne visible au-dessus. Tous les deux sont voleurs, et voudraient bien reculer la borne; en ce cas, la marque sert de témoin. Mais souvent, dès la première nuit, le plus rusé se relève, déterre les bouteilles, va les enfouir dix mètres plus avant dans le champ du voisin, laisse soigneusement la borne en place. Un an après, il se plaint qu'on a déplacé la borne. Enquête, vérification; la marque fait foi, et c'est le volé qui passe pour le voleur.
TAINE, Notes sur Paris, Vie et opinions de M. F.-T. Graindorge, 1867, p. 273.
• 2. Chaque hectare a son propriétaire, et l'on se dispute autour des bornes et des canaux d'irrigation.
T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, p. 65.
♦ P. métaph. :
• 3. ... l'oncle Gustave, l'astronome, nous montrait, délimité entre des bornes que deux savants allemands déplaçaient chaque nuit, le petit champ obscur qu'il explorait et où il découvrait, avec des étoiles de onzième ou de dix-septième grandeur, le vrai journal du ciel.
GIRAUDOUX, Bella, 1926, p. 18.
— P. compar., expr. (Être, rester) planté comme une borne. (Être, rester) debout et immobile. Qu'est-ce que tu fais là, planté comme une borne? (MIOMANDRE, Écrits sur de l'eau, 1908, p. 81).
♦ P. métaph. :
• 4. Ton extase opposait à mes brûlants esprits
D'une entière beauté le marbre et le mépris...
Mes pleurs n'ébranlaient point cette invincible borne!
VALÉRY, Cantate du Narcisse, 1939, p. 257.
B.— P. ext. [Le plus souvent au plur.]
1. [Pour indiquer les limites d'un territoire, d'un État, etc.] :
• 5. Regardez un peu ici, docteur Parpalaid. Vous connaissez la vue qu'on a de cette fenêtre. (...). Tout là-bas, le mont Aligre marque les bornes du canton.
ROMAINS, Knock, 1923, p. 18.
♦ Borne internationale :
• 6. Une cabane de terre et de pierres crevée, inhabitée, ancien poste de frontière sans doute, en face de la borne internationale, se montre seule, et dit en raccourci la désolation du lieu.
PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1925, p. 178.
— P. anal. Les bornes du ciel, de l'horizon :
• 7. Le plus bel effet est au fond de la grotte dont il s'agit, quand le soleil y donne. J'en ai vu les rayons s'amortir insensiblement dans ce long détroit; comme on voit aux bornes de l'horizon, et sur le déclin du jour, cet astre radieux éteindre son flambeau dans les ondes frémissantes.
DUSAULX, Voyage à Barège, t. 2, 1796, p. 94.
• 8. La rêverie devint solennelle et profonde, vague comme le lac brumeux, immense comme le ciel sans bornes.
G. SAND, Lélia, 1833, p. 37.
2. Au fig. [Domaine moral] Les (dernières) limites (de quelque chose). Sa passion n'eut désormais ni bornes, ni mesure (STENDHAL, Le Rouge et le Noir, 1830, p. 471); sa corruption semblait ne pas avoir de bornes (BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, p. 78); mais la patience humaine a des bornes, et la mienne est à bout (PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, p. 287) :
• 9. Un jour viendra, et tout prochain qu'il est il me semble encore bien éloigné, où mes désirs n'auront plus de bornes comme mon bonheur, où ma vie sera complète, où mon âme appartiendra à ton âme, perpétuellement et éternellement.
HUGO, Lettres à la fiancée, 1822, p. 225.
• 10. ... le pays devait fixer à l'assemblée constituante une limite à sa durée, des bornes à ses attributions, un règlement quant à ses rapports avec l'exécutif.
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 264.
a) Loc. verbales. [Le compl. du nom est un subst. abstr.]
— Franchir les bornes de. Je ne crois pas franchir les bornes du respect dont je fais profession pour le prince (PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 471) :
• 11. Telle est la faiblesse humaine, que le talent, le génie, la vertu même, peuvent quelquefois franchir les bornes du devoir.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 276.
— Passer, dépasser les bornes de. ,,Passer les bornes de la raison, de la modestie`` (Ac. 1835-1932). Monsieur, dit le prince, vos équipées dépassent les bornes (T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 424); le lendemain, Paul se sentit ridicule. Il s'avouait que son algarade passait les bornes (COCTEAU, Les Enfants terribles, 1929, p. 120) :
• 12. ... toutes les lettres qu'il [Malherbe] a écrites sont d'un négligé et d'un trivial qui passent les bornes de la licence épistolaire.
SAINTE-BEUVE, Tabl. hist. et crit. de la poésie fr. et du théâtre fr. au XVIe s., 1828, p. 163.
• 13. ... une veuve de trois mois ne doit pratiquer aucun exercice, mais se promener à cheval sans garde du corps, cela dépassait les bornes.
MAURIAC, Le Nœud de vipères, 1932, p. 124.
♦ Absol. Aller trop loin :
• 14. ... vous en arrivez à vouloir me faire croire que la femme de mon neveu est ma femme! Vous comprenez que cela dépasse les bornes!
FEYDEAU, La Dame de chez Maxim's, 1914, p. 72.
— Sortir des bornes de. Le discours ne sortit pas encore des bornes de la civilité (BALZAC, La Peau de chagrin, 1831, p. 51) :
• 15. « Pourquoi ai-je été si long-temps sans vous voir? ... » Il y avoit, dans cette interrogation, toute la finesse, toute l'innocente coquetterie qu'une vierge, pure comme Annette, pouvoit y mettre sans sortir des bornes de la décente tendresse; ...
BALZAC, Annette et le criminel, t. 2, 1824, p. 171.
— Reculer les bornes de. Le vacillement crapuleux des bougies reculait à l'infini les bornes de l'audace (MONTHERLANT, Le Songe, 1922, p. 208).
— Mettre des bornes à. Mettre des bornes à son ambition; mettre des bornes au despotisme, à la puissance de quelqu'un. M. Necker cherchait sans cesse à mettre des bornes au pouvoir ministériel (Mme DE STAËL, Considérations sur les princ. événements de la Révolution fr., t. 1, 1817, p. 70) :
• 16. Simple commis parfumeur, il ne mettait point de bornes à son ambition; il avait embrassé la société par un coup-d'œil haineux en se disant : tu seras à moi! et il s'était juré à lui-même de ne se marier qu'à quarante ans.
BALZAC, César Birotteau, 1837, p. 58.
b) Loc. adv. Sans bornes. Sans mesure; au plus haut degré. Une joie, un dévouement sans bornes.
II.— [L'idée dominante est celle de repère]
A.— Bloc de pierre, de maçonnerie, etc. servant de repère sur une voie, un parcours, etc.
1. ANTIQ. ROMAINE. Borne milliaire. Pour indiquer les milles sur les voies romaines. Borne du cirque. Bloc de pierre ou colonne placée à l'extrémité de la carrière et que devaient doubler les coureurs.
2. Moderne
— Borne kilométrique. Pour indiquer les distances en kilomètres :
• 17. Au sortir de l'agglomération, la route nationale — R.N. 92, lisait-on à une borne — tourne brusquement à droite, pour éviter les côtes du bois de Rothone.
DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire? 1934, p. 398.
♦ P. méton., pop. Borne. Synon. de kilomètre. Une étape de cinq cents bornes.
— Borne d'incendie. Bouche d'incendie en forme de borne. Borne militaire. Pour indiquer les limites des terrains militaires.
Rem. Péj. stèle :
• 18. Le Nivernais est un être plat, sans esprit pratique, et le moins littéraire qui soit. Des peintres au mètre, oui, des sculpteurs pour bustes sur bornes, mais pas un artiste!
RENARD, Journal, 1904, p. 932.
B.— [À l'idée de repère s'ajoute celle de protection] Bloc de pierre que l'on mettait à côté des portes, le long des murs, etc. pour les protéger du choc des roues des voitures. Mettre des bornes à une porte (Ac. 1835-1932). Il s'adossa à l'une des bornes du porche Gondelaurier, déterminé à attendre que le capitaine sortît (HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 428) :
• 19. Un trottoir étroit, très haut en été, se trouvait en hiver, quand la neige montait le niveau de la chaussée, à une hauteur raisonnable; d'anciennes bornes de pierre en marquaient le bord, les angles des rues.
E. TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, p. 273.
— P. transpos. La rue. Un enfant de la borne. Orateur de borne. Orateur de place publique.
♦ Expr. fig., vieilli. Mettre qqn à la borne. (À la rue).
C.— P. anal.
1. [Dans les jardins publ.] Siège circulaire dont le dossier central rappelle la forme d'une borne.
2. MAR. Bitte d'amarrage. Les ballots encombrent les trottoirs qu'hérissent des bornes en fonte, enroulées de câbles (HUYSMANS, L'Art mod., 1883, p. 218) :
• 20. En faisant nos démarches, on se méfiait aussi du port, de passer trop près, à cause des bornes et des cordages, où l'on trébuche très facilement.
CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 138.
3. ÉLECTR. Partie d'un appareil électrique à laquelle on attache un fil pour le relier à un circuit extérieur. Borne positive, borne négative; les bornes d'une batterie (cf. cosse) :
• 21. ... le courant continu de la batterie traverse le récepteur. Il faut avoir bien soin de monter les écouteurs dans le bon sens. Ils portent gravé sur le boîtier, près de l'une des bornes, le signe (...). Il faut que la borne (...) soit reliée au fil positif : sans cette précaution on désaimante l'écouteur.
A. LECLERC, Manuel de télégraphie et téléphonie, 1924, p. 237.
♦ P. métaph. :
• 22. L'intervention sans cesse promise céda la place au refus de descendre dans le monde vulgaire où nous vivons — et où nous vivons mal. Cette absence, et le sentiment que la direction des affaires humaines lui incombe, sont les deux bornes de la contradiction où s'enferme la philosophie bourgeoise.
NIZAN, Les Chiens de garde, 1932, p. 99.
Rem. On rencontre dans la docum. le néol. bornillon, subst. masc. Petite borne (E. et J. DE GONCOURT, Manette Salomon, 1867, p. 363).
PRONONC. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[]. Enq. ://. 2. Forme graph. — LITTRÉ signale pour le sens fig. : ,,Sans bornes s'écrit avec un s; cela du moins est le plus usité; mais rien n'empêche d'écrire : sans borne``. Ac. (éd. 1798-1878) écrit l'expr. avec s. Cf. aussi BESCH. 1845, Lar. 19e, QUILLET 1965 et DUB. À comparer avec ROB. qui l'écrit sans s. Lar. encyclop. admet sans bornes ou sans borne.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. Ca 1121 bodne (Voyage de Saint-Brendan, Oxford, éd. Waters, 1928, 1520 [trad. du lat. nuda petra ... in modum silicis de la Navigatio S. Brendani, v. éd. Waters, p. XCVII et 128] : Par un rochét sa veie tint, Une bodne puis i survint); ca 1175 bodnes « pierre plantée en terre pour servir de limite » (Chron. des Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 10597-10600); ca 1280 bosne (G. D'AMIENS, Escanor, 2815 dans T.-L., s.v. bone); entre 1180 et 1190 bornes (LAMBERT LE TORT, A. DE BERNAY, Alexandre, 316, 25, ibid.); 2. entre 1200 et 1220 bone fig. « limite, terme » (R. DE HOUDENC, Méraugis, 3594, ibid.); 3. p. ext. a) 1680 « chasse-roue » (RICH.); b) 1701 borne de cirque (FUR.); c) 1867 borne kilométrique (Lar. 19e); d) 1899 électr. « serre-fil » (Nouv. Lar. ill.).
Du b. lat. , « borne », attesté dans la 1re moitié du VIIe s. sous la forme butina (Loi Ripuaire, tit. 60 dans NIERM., s.v. bodina), et sous la forme bodina en 831-832 (DE MONSABERT, Ch. de Nouaillé, n° 13 p. 25, ibid.). Le b. lat. est représenté en a. fr. par trois formes : bonne (d'où dérive abonner), bosne et borne. En pic., le groupe /n a abouti à r/n (FOUCHÉ, p. 862; GOSSEN, Gramm. de l'a. pic., p. 107 § 50) d'où la forme borne, qui l'a emporté en fr. mod. Botina, bodina serait d'orig. celt. (FEW t. 1, pp. 465-466, s.v. botina; REW4, n° 1235, s.v. ; DOTTIN, p. 235).
STAT. — Fréq. abs. littér. :2 298. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 5 700, b) 2 762; XXe s. : a) 2 558, b) 1 888.
BBG. — DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 222. — NIGRA (C.). Metatesi. Z. rom. Philol. 1904, t. 28, p. 8. — SAIN. Sources t. 1 1972 [1925], p. 126. — Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 9. — THURNEYSEN 1884, p. 91.
borne [bɔʀn] n. f.
ÉTYM. V. 1180; bodne, v. 1121, puis bone, 1200 (→ Abonner); d'un lat. pop. bodina, botina « borne », p.-ê. d'orig. gauloise.
❖
———
1 Marque servant à délimiter un champ, une propriété foncière. ⇒ Bornage, borner; limite, terme. || Borne témoin. || Asseoir, dresser, planter, poser une borne. || Arracher, reculer une borne. || Déplacer, supprimer une borne.
1 Tu ne reculeras point les bornes de ton prochain, posées par tes ancêtres (…)
Bible (Segond), Deutéronome, XIX, 14.
2 (…) quiconque aura déplacé ou supprimé des bornes ou pieds corniers, ou autres arbres plantés ou reconnus pour établir les limites entre différents héritages, sera puni d'un emprisonnement (…)
Code pénal, art. 456.
2 (Vieilli ou littér.). Plur. Limites d'un territoire, d'un espace. || Les bornes d'un État, d'un royaume. ⇒ Frontières. || Les bornes du monde civilisé. || Les bornes d'un horizon.
3 Pour étendre les bornes de son royaume (…)
Fénelon, Télémaque, XIV.
4 Quand la gloire t'appelle aux bornes de l'Asie (…)
5 Croire tout découvert est une erreur profonde;
C'est prendre l'horizon pour les bornes du monde.
A. Lemierre, Utilité des découvertes…
♦ Par métaphore. → ci-dessous.
3 Pierre plantée, servant de limite, de repère. || Monument entouré de bornes et de chaînes. || Bornes de la spina du cirque romain. ⇒ Meta. || Borne milliaire des voies romaines. ⇒ Colonne. — (1867). || Borne kilométrique, hectométrique, indiquant les distances. — (1680). || Borne de protection des murs, des portes. ⇒ Bouteroue, chasse-roue. || Les bornes d'une porte cochère. || Bornes d'amarrage d'un quai. ⇒ Bitte, bollard. — Borne d'incendie : bouche d'incendie formant borne. ⇒ aussi Borne-fontaine.
6 (…) de loin en loin, de vieilles bornes séculaires marquaient la place oubliée de quelque derviche d'autrefois (…)
Loti, Aziyadé, XIV, p. 20.
7 (Elle) ne fait pas plus attention à moi qu'à une muraille ou qu'à une borne.
G. Duhamel, Voyage de P. Périot, I.
♦ (Mil. XIXe). Vx. Petite vespasienne cylindrique pour un seul usager. || « Les bornes décentes » (Ch. Paul de Kock, la Grande Ville, p. 79).
♦ (Vx). Par allus. aux bornes des coins de rue, des portes cochères. || Orateur de borne, qui s'exprime sur la place publique. || Enfant de la borne, de la rue.
♦ ☑ Loc. mod. Être, rester planté comme une borne, figé dans l'immobilité. ⇒ Immobile. Cf. Comme un piquet, un poteau, une souche.
8 (…) planté comme une borne sur l'étroit sentier, il nous avait arrêtés court.
E. Fromentin, Dominique, II.
♦ Par ext. Siège circulaire des jardins publics, dont l'appui, le dossier central forme borne.
4 (1926, Esnault). Fam. (De borne kilométrique). Kilomètre. || J'ai fait huit cents bornes dans la journée. — Sports. || Disputer, prendre, mener la borne, sa borne : mener le train pendant un certain nombre de kilomètres.
8.1 (…) je connais pourtant ça les retours de visite, le soir, quand (…) on vient de se taper cent bornes pour voir une baraque où c'est tout juste si les clients ont accepté d'entrer (…)
François Nourissier, le Maître de maison, p. 38.
8.2 Tu te rends compte ? On a fait au moins cinq bornes en zigzag, non ?
— Pas loin !
San-Antonio, le Secret de polichinelle, p. 17.
5 (1863, → cit. 8.3). Techn., électr. Serre-fils pour brancher un fil conducteur sur un appareil électrique. — Chacune des deux pièces d'un appareil générateur d'électricité auxquelles est relié un circuit extérieur. ⇒ Pôle (II., A., 3.). || Les bornes d'une batterie d'accumulateurs.
8.3 On met en outre, l'axe et le manchon en communication par deux gros fils, avec deux tiges courtes et de gros diamètre appelées bornes implantées sur le bâti en fonte, et auxquelles arrivent sans cesse les électricités de noms contraires engendrées par la machine. Les deux pôles forment comme les deux pôles de la pile magnéto-électrique (…)
L. Figuier, l'Année scientifique et industrielle 1864, p. 66-67 (1863).
♦ Par comparaison :
8.4 Tous acceptèrent gentiment que je me recharge à chacune de leurs aspérités comme à des bornes où se polarise un courant.
Jean Genet, Journal du voleur, p. 267.
———
II (Abstrait, par métaphore de I., 1.)
1 (Déb. XIIIe). Au plur. (Littér. ou style soutenu). Limites, fin, terme. || « En Dieu, il n'y a point de bornes ». → Perfection, cit. 10. — (Chronologique). || Les bornes de la vie humaine. ⇒ Étendue. — (« Espace » intellectuel). || Les bornes de l'esprit, de la raison, de la connaissance. ⇒ Capacité. — (Possibilité d'action, etc.). || Jusqu'aux bornes du possible, des possibilités. — (Limites normales ou assignées). || Les bornes de la liberté, des droits naturels (→ Assurer, cit. 9). || Au delà des bornes. || Bornes légitimes. — Les bornes de la décence, de la patience.
9 Il semble que la nature ait prescrit à chaque homme, dès sa naissance, des bornes pour les vertus et pour les vices.
La Rochefoucauld, Maximes, 189.
♦ (Dans des syntagmes verbaux). ☑ Atteindre les bornes de… : aller jusqu'à l'extrême de… ☑ Franchir, dépasser, passer, transgresser les bornes de… (du respect, de la raison, des convenances) : aller trop loin dans… ⇒ Exagérer; → ci-dessous, cit. 13. (D'une chose). || Vos équipées dépassent les bornes (Gautier). || Son algarade passait les bornes (Cocteau, in T. L. F.). — ☑ Littér. Sortir des bornes de… : être excessif en allant au delà de… (sujet n. de chose ou de personne). || Cela sort des bornes du bon goût. Cf. Dépasser la mesure. ⇒ Excéder, outrepasser. — ☑ Assigner, donner, fixer, mettre des bornes à… : délimiter, et, par ext., contenir. || Maintenir dans des bornes raisonnables. || Renfermer, tenir; se renfermer (ci-dessous, cit. 16) dans des bornes fixées, prescrites… || Être tenu, retenu, emprisonné dans des bornes étroites. — || « Reculer les bornes de l'audace » (Montherlant, in T. L. F.). — Avoir (ci-dessous, cit. 17) des bornes. ☑ Ne pas avoir, ne pas souffrir (ci-dessous, cit. 11, vx), ne pas supporter de bornes : être sans limitations, ne pas en accepter. — ☑ Loc. adv. Sans bornes : sans limites. ⇒ Illimité. — REM. Sans borne, au sing., est de la langue classique (ci-dessous, cit. 12), comme les emplois verbaux au sing. : mettre une borne (cit. 10) etc.
10 Je saurai mettre une borne à tes dérèglements (…)
Molière, Dom Juan, IV, 4.
11 Leur cupidité qui ne souffre point de bornes (…)
Pascal, Provinciales, 12.
12 Dans ses prétentions une femme est sans borne.
Boileau, Satires, X.
13 De l'austère pudeur les bornes sont passées.
Racine, Phèdre, III, 1.
14 Son orgueil est sans borne ainsi que sa richesse (…)
Racine, Esther, II, 8.
15 Sois homme; retire ton cœur dans les bornes de ta condition.
Rousseau, Émile, V.
16 Ce qui importe avant tout, c'est que ceux qui gouvernent, quels qu'ils soient, se renferment dans les bornes prescrites par les droits de chacun.
Renan, Œ. compl., t. I, p. 64.
17 (…) la patience humaine a des bornes, et la mienne est à bout, se dit-il (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. II, p. 96.
2 Math. || Borne inférieure (respectivement supérieure) d'une partie d'un ensemble ordonné : le plus grand (respectivement le plus petit) de ses minorants (respectivement majorants). — Borne inférieure (respectivement supérieure) d'une fonction : borne inférieure (respectivement supérieure) de l'ensemble image de la fonction.
❖
DÉR. Bornage, borner.
COMP. Aborner, borne-fontaine. — V. aussi Abonner.
Encyclopédie Universelle. 2012.