1. avoir [ avwar ] v. tr. <conjug. : 34> I ♦ (Possession)
1 ♦ Être en possession, en jouissance de. ⇒ posséder. Avoir une maison. Elle a au moins vingt paires de chaussures. Garder, donner ce qu'on a. Quelle voiture avez-vous ? Fam. Qu'est-ce que vous avez comme voiture ? Avoir de l'argent, avoir de quoi vivre, assez pour vivre. J'ai encore de l'argent, je n'en ai plus. Loc. N'avoir pas le sou. Les réfugiés n'ont plus rien, ils ont tout perdu. Loc. prov. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras : un bien donné vaut mieux que deux biens promis. — Porter sur soi. Avoir de l'argent, des papiers sur soi, avec soi. Avez-vous un briquet, des allumettes, (par méton.) du feu ? Auriez-vous une cigarette, un stylo ? (pour me l'offrir, me le prêter). Je n'ai pas ma montre. (Par méton.) Avez-vous l'heure ? — Avoir le droit de. ⇒ bénéficier, jouir (de). Avoir le temps, la place, les moyens de. ⇒ disposer (de). Avoir de la chance; des diplômes; un métier, une occupation. — (Dans un magasin, un restaurant) Est-ce que vous avez des bières belges ? Qu'est-ce que vous avez comme bordeaux ? — Nous avons eu du beau temps, de la pluie, du soleil (en un temps et un lieu donné).
♢ EN AVOIR POUR : avoir d'une chose moyennant (une somme). Il en a eu pour cent francs : il a payé cent francs. Loc. En avoir pour son argent : faire un marché normal ou avantageux. — Mettre (un certain temps) à une action. J'en ai pour cinq minutes.
♢ AVOIR (qqn) :se dit des relations de parenté, de hiérarchie, d'affection, etc. Avoir des enfants, des amis; des employés, un patron. Avoir un bon médecin. Heureusement que je vous ai; je n'ai que vous (comme ami, comme appui). « Si tu ne m'avais pas eue tu te serais fait rouler par tout le monde » (Queneau). Il a encore son père : son père est vivant. Je l'ai pour ami : c'est mon ami. Avoir qqn comme secrétaire. — Avoir qqn (chez soi),le recevoir. J'ai mon frère ce soir. J'ai du monde à dîner. — Avoir qqn (chez soi, pour travailler). Nous avons les peintres jusqu'à demain.
2 ♦ Entrer en possession de. ⇒ obtenir, se procurer. Il est devenu difficile d'avoir un logement. J'ai eu ce livre pour presque rien. ⇒ acheter, acquérir. Il a eu son bachot, il a été reçu. Avoir un prix. ⇒ recevoir, remporter. Avoir une communication téléphonique. Ellipt Avoir Paris.
♢ AVOIR QQN, l'obtenir pour soi, garder avec soi (par le sentiment, etc.). Je la veux, je l'aurai. Spécialt Avoir une femme, la posséder physiquement. « Les débauchés ne disent pas “Cette femme m'a aimé”; ils disent “J'ai eu cette femme” » (Musset). — Fam. Avoir qqn, le duper, le tromper, le vaincre. On les aura. ⇒ battre, vaincre. Il nous a bien eus. ⇒ posséder; fam. 1. baiser, couillonner, entuber. Se laisser avoir. « Trois jeunes Français, soucieux de ne pas se faire avoir, discutaient le prix du passage » (Beauvoir). Je vous aurai au tournant.
♢ Par ext. Attraper (qqch. ou qqn). Avoir son train de justesse. Je vise, je tire; je l'ai eu ! ⇒ 1. toucher.
II ♦ (Manière d'être)
1 ♦ Présenter en soi (une partie, un aspect de soi-même). Il, elle a de grandes jambes, des cheveux blancs. Les arbres commencent à avoir des feuilles. Boîte qui a un couvercle. ⇒ muni (de). Elle avait un chapeau. ⇒ 1. porter. Cela n'a rien d'extraordinaire. Ce mur a deux mètres de haut. ⇒ mesurer. — Avoir vingt ans. Quel âge avez-vous ? — Avoir l'air. Avoir du charme, de l'esprit. Avoir du caractère, du tempérament. Avoir du culot. Avoir du courage. Vulg. Avoir des couilles au cul. Ellipt Il en a : il est courageux. Il n'en a pas, ce type-là.
2 ♦ Éprouver dans son corps, sa conscience. ⇒ éprouver, ressentir, sentir . Avoir mal à la tête. Avoir faim, soif; besoin, envie de. — Avoir la fièvre. Avoir de la peine, des soucis, le cafard. Avoir de l'amitié pour qqn.
♢ Avoir quelque chose : manifester quelque gêne, douleur, mécontentement inconnu d'autrui. Qu'est-ce qu'il a ? Il a sûrement quelque chose. Je ne sais pas ce qu'il a à pleurer ainsi. ⇒ pourquoi. « Qu'avez-vous, Martine ? J'ai qu'on me donne aujourd'hui mon congé » (Molière). — (Emploi négatif) Il, elle n'a rien, n'est pas blessé(e), n'a pas de maladie. — Se dit aussi des choses qui ne marchent pas. Qu'est-ce qu'elle a, cette radio ?
♢ EN AVOIR À, CONTRE, APRÈS (fam.) qqn, employé surtout en phrase interrog. ou dubitative. Avoir des griefs contre qqn (cf. S'en prendre à, en vouloir à). « À qui en avez-vous ? » (Molière). Je ne sais contre qui, après qui il en a. « C'est à je ne sais quel Portugais qu'il en a et vers qui il jette des imprécations ordurières » (A. Gide).
3 ♦ (Sens faible) Présentant l'attribut, le compl. ou l'adv. qui détermine un subst. Avoir les cheveux blancs, les yeux bleus. Avoir la parole facile. Il a les mains dans les poches. Avoir la tête qui tourne. Cette voiture a le moteur à l'avant. Vous avez l'esprit ailleurs. J'ai cette chose en horreur.
III ♦ Verbe auxiliaire
1 ♦ (XIe ) AVOIR À (et l'inf.) :être dans l'obligation de. ⇒ 1. devoir. — (Avec un compl. dir.) Je n'ai rien à faire. Avoir des lettres à écrire. Ellipt J'ai à faire. Il a sa famille à nourrir. Sans avoir à s'en occuper. Vous n'avez qu'un instant à attendre. — (Sans compl. dir.) J'ai à lui parler. Il n'a pas à se plaindre. N'AVOIR QU'À : avoir seulement à. Vous n'avez qu'à tourner le bouton. — (Avec une valeur d'impér.) Fam. Tu n'as qu'à, t'as qu'à t'en aller, si ça te plaît pas ! va-t'en donc. Il n'a qu'à bien se tenir ! (cf. aussi ci-dessous Il n'y a qu'à). Vous n'aviez qu'à faire attention, vous auriez dû. N'avoir plus qu'à : ne plus avoir d'autre solution que.
2 ♦ Auxiliaire servant à former, avec le participe passé, tous les temps composés des verbes transitifs, de la plupart des intransitifs, de ceux de être et de avoir. J'ai écrit. Quand il eut terminé. Vous l'aurez voulu. Sans l'avoir voulu. Il a eu faim. Quand il a eu fini.
IV ♦ (XVIe) IL Y A [ ilja ] fam. [ ja ]. Expression impersonnelle servant à présenter une chose comme existant. Il y a de l'argent, des billets dans le portefeuille. Hier il y avait du brouillard, aujourd'hui il n'y en a pas. Derrière la poste, il y a un café. Il y avait de quoi manger. Il pourrait y en avoir beaucoup. PROV. Quand il y en a pour un, il y en a pour deux. Combien de personnes y aura-t-il ? Il n'y a pas que lui : il n'est pas le seul. « Il n'y a de vrai que la richesse » (Musset). Il n'y a pas plus gourmand que lui. Il y a gros à parier que... — Il y a cinq kilomètres d'ici au village. Il y a deux ans qu'il est parti. ⇒ voilà. « La mode en est passée il y a longtemps » ( Molière). — Il y a... et... s'emploie pour exprimer des différences de qualité. Il y a champagne et champagne, il en est de bons et de mauvais. — Il n'y a pas de quoi (remercier),formule de politesse, réponse à un remerciement (cf. Je vous en prie). — Qu'est-ce qu'il y a ? [ keski(l)ja ] :que se passe-t-il ? ⇒ passer. Il y a que tout le monde proteste. — Loc. fam. (souvent iron.) TOUT CE QU'IL Y A DE (et adj.) :tout à fait. Une dame bien habillée, tout ce qu'il y a de chic. — Il n'y a pas de (suivi d'un mot ou d'un énoncé rapporté) :il est inutile de dire. Il n'y a pas de « mais »; obéissez !
♢ IL N'Y A QU'À [ ilnjaka ] fam.[ jaka ] (et l'inf.) :il faut seulement, ou simplement (cf. ci-dessus Avoir à). Il n'y avait qu'à les ramasser. Il n'y a plus qu'à tout recommencer. — (Valeur d'impér.) Il n'y a qu'à attendre : attendons.
♢ IL N'Y EN A QUE POUR (qqn) :il prend beaucoup de place, on ne s'occupe, on ne parle que de lui. « Personne n'a jamais le droit de dire un mot. Il n'y en a que pour lui » (Sarraute ).
⊗ CONTR. Manquer (de). Rater.
⊗ HOM. Ai :es, est (1. être).
avoir 2. avoir [ avwar ] n. m.
1 ♦ Ce que l'on possède. ⇒ argent, 2. bien, fortune, possession, richesse. Il dilapide son avoir. « Elle gérait avec une sévère économie son modique avoir » (France ).
2 ♦ (1080) Comptab. La partie d'un compte où l'on porte les sommes dues. Le doit et l'avoir. ⇒ actif, crédit. — Papier attestant qu'un commerçant doit de l'argent à un client. Se faire faire un avoir.
♢ AVOIR FISCAL : crédit d'impôt dont bénéficient les contribuables ayant perçu des dividendes d'une société française au cours de l'année.
⊗ CONTR. 2. Débit, doit, 2. passif.
● Avoir + nom, forme des locutions verbales équivalentes à un verbe ou à être + adjectif : Avoir faim (= être affamé), avoir de la patience (= être patient), avoir l'air (= paraître), etc.
avoir
n. m.
d1./d Biens, possession. Un petit avoir.
d2./d FIN Somme due à une personne, susceptible d'être déduite du montant du prochain paiement qu'elle devra effectuer.
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avoir
v. tr.
rI./r
d1./d Posséder. Avoir une voiture, la télévision.
|| Entrer en possession de, obtenir. Il a eu le téléphone. Elle a eu un emploi de comptable.
|| Fam. Avoir les moyens, avoir de quoi: être riche.
|| Bénéficier de. J'espère que vous avez du beau temps.
d2./d être dans une relation (de parenté, d'amitié, etc.) avec. Il a une femme et deux enfants. Avoir eu de bons maîtres.
|| Recevoir. Avoir du monde à déjeuner.
d3./d Posséder sexuellement.
|| Fig., Fam. Duper, l'emporter sur. Tu nous as bien eus. Courage, on les aura!
d4./d Atteindre, attraper. Il a tiré sur une biche mais ne l'a pas eue. Ant. manquer.
rII./r
d1./d (Sans article.) éprouver une sensation, un sentiment de. Avoir chaud, faim, froid, sommeil, peur.
d2./d Ressentir. Avoir de la peine, du souci.
d3./d (Avec compl. d'objet direct.) Porter sur soi. Avoir ses papiers. Avoir un beau boubou.
d4./d être caractérisé par, comporter. Avoir de grandes jambes. La maison n'a que trois pièces.
d5./d Mesurer. La table a deux mètres de long.
— Avoir l'âge de. Avoir quarante ans.
d6./d (Avec compl. d'objet direct et adj. ou propos. relat. en fonction d'attribut.) équivaut à un possessif. Il a les cheveux gris: ses cheveux sont gris. J'ai une dent qui bouge: une de mes dents bouge.
d7./d Avoir qqch: ne pas se trouver bien (personnes); mal fonctionner (choses). Elle n'est pas encore arrivée, elle a peut-être quelque chose.
d8./d Manifester, faire, prononcer. Avoir un sourire de connivence. Avoir un beau geste. Avoir un mot malheureux.
rIII/r (Tournures et expressions particulières.)
d1./d Avoir beau (+ inf.). Elle a beau se farder, elle paraît son âge: elle se farde en vain...
d2./d En avoir pour: mettre (du temps, de l'argent). J'en aurai pour une heure. Il en a eu pour mille francs.
d3./d (Tournures impersonnelles.) Il y a: il existe.
|| Il y a cinq minutes: cinq minutes plus tôt. Il y a deux jours qu'il est parti: il est parti depuis deux jours.
|| Il n'y a qu'à: il suffit de.
|| Qu'est-ce qu'il y a?: qu'est-ce qu'il se passe?
|| Il n'y en a que pour lui: il est le seul objet d'attention.
d4./d (Belgique) Pop. Avoir difficile à, de (+ inf.) ou avoir dur à, de (+ inf.): éprouver des difficultés à. J'ai eu difficile de m'habituer à cet horaire. Elle a dur à se lever tôt.
— Avoir facile à, de (+ inf.): avoir des facilités pour. Il a facile d'étudier.
|| Avoir bon de (+ inf.): éprouver du plaisir, de la joie à. J'ai bon de te voir rire ainsi.
rIV./r (Auxiliaire)
d1./d Avoir à, exprimant l'obligation. J'ai à travailler.
|| N'avoir qu'à: avoir simplement à. Il n'avait qu'à avouer, il était pardonné!
— (Avec nuance d'ordre.) Tu n'as qu'à partir.
d2./d (Afr. subsah.) Avoir à: avoir l'occasion de. J'ai déjà eu à donner mon avis.
d3./d (Auxiliaire des formes composées actives de tous les verbes transitifs et de la plupart des verbes intransitifs.) J'ai écrit, j'ai eu, j'ai été.
I.
⇒AVOIR1, verbe.
I.— Emploi trans. Être en relation (concrète ou abstraite, permanente ou occasionnelle) avec quelqu'un ou quelque chose.
A.— [Le suj. désigne une pers., l'obj. désigne soit une chose concr. ou abstr., soit une pers. dont on peut disposer]
1. [Avec l'idée de pouvoir en tirer profit ou parti, d'en jouir] Synon. posséder.
a) [L'obj. désigne un bien matériel] Être en possession de... Avoir un compte en banque, une maison, des rentes; avoir beaucoup d'argent :
• 1. Va faire ton paquet, et je te mènerai chez M. de Rênal, où tu seras précepteur des enfants.
— Qu'aurai-je pour cela?
— La nourriture, l'habillement et trois cents francs de gages.
STENDHAL, Le Rouge et le Noir, 1830, p. 19.
• 2. À Londres, nous avons vécu quelque temps au Savoy, où nous prenions nos repas et où nous avions un petit appartement merveilleux avec une vue sur la Tamise...
GIDE, Si le grain ne meurt, 1924, p. 586.
• 3. J'ai un complet en tussor beige. Mais il est d'été et m'enrhume.
GIRAUDOUX, L'Apollon de Bellac, 1942, 5, p. 61.
— [Le compl. d'obj. peut être un pron. ou un nominal] :
• 4. — Écoute, retiens ça... Quand tu n'auras plus rien et qu'ils auront tout, tes enfants te pousseront au ruisseau.
ZOLA, La Terre, 1887, p. 40.
— [Avec un subst., attribut de l'obj., précédé des prép. comme ou pour] Avoir pour demeure un ancien presbytère.
— Loc. Avoir de quoi. Posséder suffisamment d'argent pour parvenir au but recherché (le plus souvent donné par le cont. ou par un inf. suiv. cette loc. : avoir de quoi payer, de quoi vivre) :
• 5. Qui sait si vous aurez de quoi vous marier?
E. DE GUÉRIN, Journal, 1838, p. 221.
• 6. Pour tous, c'est-à-dire pour tous ceux qui avaient de quoi. Dans les ménages, l'ordinaire est souvent maigre.
FARAL, La Vie quotidienne au temps de st Louis, 1942, p. 173.
Rem. 1. Le groupe de quoi senti comme un véritable compl. d'obj. a pu être substantivé :
• 7. Si je ne vous fais rien savoir d'ici vendredi midi, c'est que j'ai pas le temps ou que je n'ai pas de quoi. Je peux pas mieux vous dire.
— Vous avez bien le temps et le de quoi, marmonnait le vieux.
MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 205.
Rem. 2. P. ext., la loc. avoir de quoi peut s'appliquer à des biens non matériels. Avoir de quoi causer, avoir de quoi écrire :
• 8. De tels propos tombés de la bouche d'un évêque dans l'oreille d'un jeune clerc à peu près inconnu de lui avaient de quoi me remplir de stupeur.
BILLY, Introïbo, 1939, p. 66.
— [Avec une valeur ingressive] Entrer en possession de, en jouissance de. Synon. obtenir. Nous pouvons avoir, nous avons eu ce livre, cette maison... à bon compte, pour une bouchée de pain :
• 9. Il m'a transporté pour Clarisse, et je n'aurai point de repos que je n'aye ce précieux livre; ...
SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797, p. 1567.
♦ P. ext. [L'obj. désigne une chose assimilée à un bien matériel] Avoir une communication téléphonique; avoir la parole; avoir son bac, son train :
• 10. Je ne leur proposerai certainement pas de lire Grotius ou Pufendorf depuis que nous avons le commentaire de Tracy sur Montesquieu.
STENDHAL, De l'Amour, 1822, p. 208.
• 11. Au bout de trois semaines, je montai en troisième où j'eus la troisième place.
DUPANLOUP, Journal intime, 1851-76, p. 18.
• 12. — Vous savez qu'il avait toujours, à l'école, le prix de lecture et de récitation.
G. DUHAMEL, La Confession de minuit, 1920, p. 174.
b) [L'obj. désigne une pers. dont on peut disposer ou avec laquelle se sont créées des relations prof. ou soc.]
— Avoir des collaborateurs nombreux; avoir un bon médecin, de bons professeurs :
• 13. Nous avons maintenant des couvreurs sur le toit; le tapotement a succédé à l'infection.
FLAUBERT, Correspondance, 1867, p. 314.
• 14. — Ah! m'écriai-je, je n'avais pas songé le moins du monde que Jeanne eût un tuteur.
A. FRANCE, Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1881, p. 400.
• 15. — Si je dois aller en prison, j'aurai quelques-uns de ces messieurs pour me porter mes valises...
VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 464.
♦ Dans le lang. amoureux. Posséder, être l'amant (ou la maîtresse) de... Cette femme, il n'a pas été longtemps à l'avoir :
• 16. M. de (...), qui avait vécu avec des princesses d'Allemagne, me disait : « Croyez-vous que M. de L. ait Madame de S.? » Je lui répondis : « Il n'en a pas même la prétention; il se donne pour ce qu'il est, pour un libertin, un homme qui aime les filles par-dessus tout. — Jeune homme, me répondit-il, n'en soyez pas dupe; c'est avec cela qu'on a des reines. »
CHAMFORT, Caractères et anecdotes, 1794, p. 102.
• 17. ... la Torpille est infiniment mieux que tout cela : vous avez tous été plus ou moins ses amants, nul de vous ne peut dire qu'elle a été sa maîtresse; elle peut toujours vous avoir, vous ne l'aurez jamais.
BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, p. 22.
• 18. Eh bien! oui, elle va avec tout le monde, elle se moque de vous, jamais vous ne l'aurez, ou bien vous l'aurez comme les autres, une fois, en passant.
ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, p. 607.
♦ [Avec une idée de réciprocité] Être l'un avec l'autre, être l'un à l'autre. Synon. s'appartenir :
• 19. Adieu ma toute chérie, rêvons-nous cette nuit; nous nous aurons demain. Tu sais comme je t'embrasse.
FLAUBERT, Correspondance, 1846, p. 298.
♦ Péj., fam. Avoir qqn. L'attraper (au propre et au fig.) d'où l'expression se faire avoir :
• 20. — Les Fridolins? Ils nous auront jusqu'au trognon.
VERCORS, Le Silence de la mer, 1942, p. 12.
• 21. Je me suis dit : si j'arrive jusqu'à une traboule, ils peuvent courir, c'est pas des Lyonnais, c'est des Boches, jamais ils ne m'auront là-dedans! Voilà...
E. TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, p. 90.
— [Avec un subst., attribut de l'obj., précédé des prép. comme et pour] Avoir pour chef M. X, avoir comme secrétaire Mlle Y :
• 22. Pour guide nous avons une vierge au teint pâle
Qui jamais ne reçut le baiser d'or du hâle
Des lèvres du soleil.
T. GAUTIER, La Comédie de la mort, 1838, p. 28.
• 23. ... nous avions pour professeur de rhétorique M. Collignon à qui ma reconnaissance reste acquise, ...
BARRÈS, Mes cahiers, t. 4, 1906, p. 168.
• 24. À Paris, tout le monde descend. La scène suivante se passe chez Lévy. Mme Lévy demande à son mari s'il a fait bon voyage. « Pas mauvais, répond Lévy; mais j'avais pour compagnon de wagon un antisémite... »
GIDE, Ainsi soit-il, 1951, p. 1189.
♦ P. anal. [Avec un subst. désignant une chose abstr., attribut de l'obj.; cet obj. est un inf. introduit par de (ou une prop. introduite par que)] Avoir pour habitude de prendre ses vacances en août :
• 25. On voit ici quel peut être le rôle du prêtre; il a pour mission de réveiller en nous cette vie palpitante et indivisible.
MARCEL, Journal métaphysique, 1919, p. 199.
c) [L'obj. désigne une valeur quelconque qu'on peut mettre à profit] Synon. rencontrer, bénéficier de. Avoir du beau temps, de la chance, des loisirs :
• 26. J'aurais eu huit jours de plus de bonheur! ...
GOBINEAU, Les Pléiades, 1874, p. 296.
• 27. Dans quel but veux-tu me cacher que j'ai des droits sur elle et sur son enfant?
PAGNOL, Fanny, 1932, III, 6, p. 191.
• 28. Il est vrai que, par les antennes de Brazzaville, nous eûmes toujours le moyen de publier ce qui nous parut utile.
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1954, p. 131.
— En partic. [L'obj. désigne un espace de temps dont on peut ou dont on doit tirer parti] Avoir le temps de..., une semaine pour..., avoir huit jours de libre :
• 29. Le train partait à midi, ils avaient le temps.
ZOLA, Une Page d'amour, 1878, p. 1092.
• 30. Un brin de toilette n'était pas de trop. Puisqu'il avait sa soirée libre, tant pis pour la conférence d'internat! On le barbait à la fin.
ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, p. 369.
• 31. J'aurais aussi bien pu le [Charlie] lancer sur les parfums, les irradiations des poètes; leur température, leur plus ou moins de porosité... Il abondait aussitôt et l'on en avait pour des heures.
GIDE, Journal, 1948, p. 327.
Rem. Dans tous ces cas, la relation peut être négative ou exprimer un excès : avoir du mauvais temps, de la malchance, trop de travail :
• 32. ... aussi, lorsqu'ils en sont là, il y a certitude qu'ils ont tout au plus six mois à vivre; ...
BRILLAT-SAVARIN, Physiol. du goût, 1825, p. 365.
• 33. — Vous irez coucher, ce soir, à La Force, répondit-il, j'ai un mandat d'amener décerné contre vous.
BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, p. 349.
• 34. Cartier aurait dit que si M. Zola avait cherché à avoir un procès et à se faire condamner, c'était pour éprouver une sensation qu'il ne connaissait pas encore, celle d'être en prison.
PROUST, La Prisonnière, 1922, p. 41.
2. [Avec une idée de société occasionnelle] Recevoir. Avoir des invités, du monde à dîner :
• 35. J'ai ici ma sœur Eugénie et mon frère, car mon père qui ne peut plus voyager a été assez bon pour me les envoyer et se résoudre à rester lui deuxième au Cayla.
M. DE GUÉRIN, Correspondance, 1838, p. 367.
• 36. Voilà... Maintenant, vous restez à dîner?
— Oh! Nous sommes aux regrets... C'est impossible... Nous avons du monde aujourd'hui.
E. et J. DE GONCOURT, Renée Mauperin, 1864, p. 125.
• 37. Je sais que vous avez participé ce matin à un de ces déjeuners d'orgie qu'il a avec une femme qui le déshonore.
PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 278.
B.— [Le suj. désigne une pers. (ou un animal), l'obj. indique une composante caractéristique du suj. ou une manière d'être momentanée ou permanente]
1. [L'obj. désigne une composante caractéristique du suj.]
a) [Dans le domaine des relations naturelles, électives ou affectives avec d'autres pers.] Synon. compter. Avoir des enfants, de nombreux amis, un amant :
• 38. — Avez-vous des sœurs?
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 387.
• 39. — Oh! oui, répondit-elle, parlez... Protégez-moi... Défendez-moi... Je n'ai plus que vous en ce monde...
PONSON DU TERRAIL, Rocambole, t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 35.
• 40. Mon attention éveillée, il ne me fut pas difficile de découvrir que j'avais des ennemis.
CAMUS, La Chute, 1956, p. 1513.
• 41. Louise habitait avec son mari, le couvreur, une chambre, rue Madame, sous les toits; elle eut un bébé et j'allai la voir avec ma mère.
S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 132.
— P. anal. Avoir une liaison.
Rem. Dans ce cas, la constr. avoir pour ou avoir comme... est possible. Avoir pour amis M. et Mme X (compter au nombre de ses amis M. et Mme X) :
• 42. J'ai pour ami d'enfance Andoche Finot, le fils du chapelier de la rue du Coq, le vieux qui m'a lancé dans le voyage pour la chapellerie.
BALZAC, César Birotteau, 1837, p. 155.
• 43. J'avais pour amies de jeunes femmes mariées d'une façon plus splendide, ...
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 1, 1855, p. 44.
b) [L'obj. désigne une caractéristique physique ou morale du suj.] Avoir une jambe cassée, une grosse tête; avoir de l'esprit, du courage, de la patience :
• 44. De plus j'ai une mobilité nerveuse telle que je change de disposition avec la plus grande promptitude suivant les lieux et les sociétés, ...
MAINE DE BIRAN, Journal, 1818, p. 146.
• 45. Orgueilleux d'être ce proscrit, j'ai l'impertinence de me sentir fier des inimitiés de plume que mon agressive indépendance me suscita.
BLOY, Journal, 1892, p. 42.
• 46. Il avait des manières gracieuses. Un véritable homme du monde comme on en voit sur les images.
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Notaire du Havre, 1933, p. 36.
• 47. Un sourire sceptique flotta sur les lèvres du juge qui avait de fines moustaches brunes.
SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, p. 115.
Rem. Dans ces emplois avoir + compl. d'obj. peut souvent être remplacé par des adj. qualificatifs : avoir de l'esprit « être spirituel », avoir de la patience « être patient », etc. — [Avec un adj. attribut de l'obj. précisant la caractéristique de celui-ci et précédé d'un prédéterminant (cette constr. correspond à une tournure attributive dans laquelle le « subst.-obj. » serait suj. : il a les cheveux gris = ses cheveux sont gris)] Avoir l'oreille fine, le ventre creux, le nez crochu, la parole facile... :
• 48. Tous les portiers, (...), regrettaient les spectacles de la place Louis XV, où l'on coupait la tête à des femmes qui, me disait mon propre concierge de la rue de Lille, avaient le cou blanc comme de la chair de poulet.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 18.
• 49. Il avait la voix dure, les gestes fous, et les mères du quartier terrifiaient leurs marmots en menaçant de l'envoyer chercher, comme on envoie chercher les gendarmes.
ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, p. 567.
• 50. Les aliénés ont le meurtre encore plus facile que les hommes ordinaires.
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 529.
— [Le compl. d'obj. est un pron. représentant une pers. servant de point de réf. et introd. par de] :
• 51. J'ai beaucoup d'elle dans l'expression du visage, ...
LÉAUTAUD, In memoriam, 1905, p. 188.
• 52. Ces anciens c'étaient des hommes et j'ai de qui tenir, pas vrai, Carminella? Ne rougis pas, ma femme! C'est la vie.
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 150.
Rem. 1. L'obj. peut être un pron. suivi d'un adj. introd. par de : avoir qqc. de triste, n'avoir rien de commun. 2. Un subst. introd. par une prép. peut jouer le rôle d'attribut de l'obj. : avoir les cheveux en bataille. 3. Une prop. peut aussi jouer le rôle d'attribut de l'obj. : avoir les yeux qui pleurent, le cœur qui saigne.
2. [L'obj. désigne une manière d'être momentanée ou permanente]
a) [La manière d'être est un état gén. passager dont le suj. est affecté] Synon. éprouver, ressentir.
— Sur le plan physique. Avoir des rhumatismes, de la fièvre, des douleurs; avoir le vertige, des visions; qu'avez-vous? :
• 53. Le comte d'Erfeuil suivit Corinne, et pendant huit jours que l'infortunée eut la fièvre et le délire, il ne la quitta point; ...
Mme DE STAËL, Corinne, t. 3, 1807, p. 258.
• 54. ... j'ai grande peine à marcher, j'éprouve une hésitation, un frémissement, dès que je me trouve debout; la terre semble me manquer, je chancelle, j'ai un léger mal de cœur, et je dois m'appuyer, dans la crainte de tomber; on a des vertiges à la tête, moi je croirais les avoir sous les pieds.
LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 2, 1823, p. 516.
• 55. Il [Chantelouve] était en robe de chambre et il avait la bouche barrée par un porte-plume.
HUYSMANS, Là-bas, t. 2, 1891, p. 26.
• 56. Moi, j'avais la bouche sèche, j'étais incapable de dire un mot.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, p. 814.
♦ [Avec un sens positif] Bénéficier de. Avoir une bonne santé, de la force, etc.
♦ [Le compl. d'obj. peut être une prop.] :
• 57. — Ah ça, qu'est-ce que vous avez? reprit-elle, en le regardant. — J'ai... que j'étouffe; l'odeur de ces cassolettes est intolérable!
HUYSMANS, Là-bas, t. 2, 1891, p. 159.
— Sur un plan intellectuel, moral, social, etc. Avoir des ennuis, des soucis, de l'amertume; avoir le cafard :
• 58. ... nous avons une nouvelle affreuse à t'annoncer.
HUGO, Correspondance, 1821, p. 322.
• 59. Elle avait cette idée fixe que je resterais fille.
MAURIAC, Le Nœud de vipères, 1932, p. 67.
• 60. Déjà ils avaient cet air d'absence qu'on a pour durer et traverser les catastrophes, quand le destin est le plus fort.
GUÉHENNO, Journal d'une « Révolution », Été 1937, p. 195.
♦ [Avec un sens positif] Avoir une idée; avoir des compensations :
• 61. En arrivant en Italie, elle eut des émotions charmantes.
GOBINEAU, Les Pléiades, 1874, p. 141.
• 62. — Je connais des femmes médecins, apôtres, artistes, dit-il. Elles ont de la décision, de l'intelligence, du sang-froid, de fortes et belles qualités.
CHARDONNE, L'Épithalame, 1921, p. 335.
Rem. Les rem. citées plus haut (I B 1 b) sont également valables ici. Les hommes avaient (...) des uniformes en guenilles (MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Boule de suif, 1880, p. 114), j'ai (...) les joues qui me brûlent (COLETTE, Claudine à l'école, 1900, p. 59).
♦ Loc. Malgré que j'en aie, plus rarement quoi qu'il en ait, en dépit qu'elle en ait. Quoi que j'(il, elle) éprouve :
• 63. La pompe de cette cérémonie, cette file noire qui arrêtait la circulation sur son passage (...) tout cela le flattait [Delobelle], l'exaltait, quoi qu'il en eût.
A. DAUDET, Fromont jeune et Risler aîné, 1874, p. 273.
• 64. Ferrante devait tuer l'amour, éteindre cette lumière, la logique de son destin l'exigeait; mais il meurt en y croyant, malgré qu'il en ait.
MONTHERLANT, Notes de théâtre, 1954, p. 1081.
b) [L'obj. désigne un vêt.] Synon. porter. Aujourd'hui, il a un costume gris (à distinguer du sens de posséder, cf. supra I A 1 a) :
• 65. Mais voyez comme ils sont fins! J'ai des gants et pourtant, ils ont vu mon anneau au travers...
CAMUS, Les Esprits, adapté de P. de Larivey, 1953, II, 2, p. 480.
• 66. Presque nu, et non plus revêtu de la longue robe qu'il avait auparavant, les reins ceints du périzonium, il est sur la croix et expose sa chair martyrisée;
HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 361.
c) [L'obj. désigne une manifestation passagère du suj.] Avoir un cri, un soupir.
d) [L'obj. est numériquement déterminé] Avoir quinze ans; avoir dix printemps :
• 67. ... elle a reçu une excellente éducation, et quoiqu'elle n'ait que quatorze ans, elle a des talents et de l'instruction.
SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797, p. 1663.
Rem. Dans cet emploi, l'âge ne pouvant toujours être déterminé avec précision, le compl. est souvent précédé de dans les qui signifie « environ » :
• 68. Elle devait avoir dans les vingt ans la petite amie de Robinson, ...
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 474.
3. [L'obj. désigne une manière d'être du suj. en relation avec d'autres êtres, et, plus rarement, avec des choses]
a) [L'obj. désigne une chose concr.] Avoir un geste de sympathie, une parole aimable pour chacun; avoir un entretien avec qqn :
• 69. WANDA. — Moi non plus. (Elle hésite, approche un siège et s'assied). Je viens d'avoir avec lui une étrange conversation... sur l'amour!
R. MARTIN DU GARD, Un Taciturne, 1932, II, 9, p. 1296.
— Absol. Avoir un mot malheureux, un geste désabusé.
b) [L'obj. désigne une chose abstr.] Avoir de la sympathie, du goût, une passion pour qqn ou qqc. :
• 70. ... ce que j'assure et soutiens du fond de mon âme, c'est que je n'ai pour lui que la plus tendre amitié.
Mme DE STAËL, Lettres de jeunesse, 1787, p. 164.
• 71. Ces deux hommes excellents n'avaient qu'une passion, celle de diriger la vie d'un fils et neveu unique.
VIGNY, Le Journal d'un poète, 1842, p. 1176.
• 72. Là, dans cette gare, Augustin eut, de revoir Anne une grande soif soudaine, douce et déchirante, une agonie de désir qui balaya tout le paysage qu'il avait sous les yeux, et l'envoya souffrir là-bas, dans celui où il n'était pas.
MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 235.
c) Loc. En avoir contre qqn. Lui en vouloir, ressentir à son égard certains griefs :
• 73. Oui, c'est contre toi qu'il en a, il m'a dit que le coron était empoisonné...
ZOLA, Germinal, 1885, p. 1290.
• 74. — Mais, ajoute-t-il, c'est surtout après l'officier boche que j'en ai.
BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 38.
C.— [Le suj. et l'obj. désignent une chose]
1. [L'obj. désigne une (ou plusieurs) des composantes du suj.] Cette maison a 5 pièces; Paris a de beaux musées :
• 75. La chambre à coucher avait un grand lit, une commode à ventre, des fauteuils; ...
HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 122.
• 76. Les haies n'ont plus que leurs pointes et leurs épines.
RENARD, Journal, 1903, p. 867.
2. [L'obj. désigne une (ou plusieurs) des caractéristiques du suj.] Cette pièce a 3 m de long, cette peinture a une grande valeur, ce travail a le mérite de... :
• 77. ... il se proposait tout bonnement d'utiliser la propriété qu'ont les filaments de laine, quand on les presse en tous sens, de s'enchevêtrer et de constituer, par leur simple entrecroisement, cette étoffe qu'on appelle feutre.
VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, p. 311.
• 78. ... vous êtes le représentant du roi, mais la patience a des limites...
CLAUDEL, Le Livre de Christophe Colomb, 1929, p. 1169.
3. [L'obj. désigne un état momentané du suj.] Qu'est-ce qu'a cette voiture? :
• 79. Le ciel avait un éclat, l'air avait une tendresse, qu'ils ne connaissaient pas.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, Le Matin, 1904, p. 201.
• 80. ... c'était le silence, assez sinistre, du canot à pétrole, en mer, quand le moteur a une panne.
MONTHERLANT, Les Célibataires, 1934, p. 882.
Rem. gén. Avoir comme + adj. (ou part. passé) ou subst. Cette constr. permet d'énoncer un sentiment, une idée en lui donnant une nuance d'imprécision à l'aide du compar. comme. Synon. pour ainsi dire :
• 81. J'avais comme un mauvais pressentiment.
VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Contes cruels, Sombre récit, 1883, p. 278.
• 82. Il y eut comme un sursaut gigantesque dans cette file de deux milliers d'hommes.
BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 55.
VAN DER MEERSCH, L'Empreinte du Dieu, 1936, p. 16.
II.— Verbe copule de loc. verbales. Le verbe avoir représente l'élément verbal d'une locution exprimant une manière d'être momentanée, occasionnelle ou permanente.
A.— Avoir + subst. (absence de prédéterminant).
1. [Non suivi d'un compl. prép.] Avoir confiance. chaud, cours, faim, froid, honte, mal, nom, peur, pied, pitié, raison, soif, sommeil, tort; n'avoir ni queue ni tête.
2. [Suivi d'un compl. prép. (subst. ou inf.)]
a) [Introd. par la prép. à] Avoir accès à, affaire à, chaud à, droit à, froid à, intérêt à, mal à, part à, peine à, profit à, recours à, etc.; avoir maille à partir, avoir voix au chapitre. MAR. Avoir voile à gré. ,,Porter bien la voile, être bon voilier`` (LAL 1848).
b) [Introd. par la prép. de] Avoir besoin de, conscience de, connaissance de, coutume de, dessein de, envie de, espoir de, garde de, hâte de, honte de, horreur de, idée de, licence de, lieu de, ordre de, peur de, pitié de, raison de, regret de, soin de, sujet de, tort de, vent de, etc.; au fig., avoir faim de, avoir soif de, etc.; avoir charge d'âmes, avoir force de loi, avoir gain de cause, etc.; n'avoir cure.
Rem. Un adv. peut s'intercaler entre avoir et le subst. qui le suit, avoir tout lieu de, avoir si peur de.
c) [Introd. par d'autres prép.] Avoir foi en, avoir barre sur, avoir commerce avec, avoir rang parmi, etc.
3. [Le subst. est qualifié par un adj.] Avoir beau jeu, bon cœur, bon dos, bon espoir, bon goût, bonne grâce, bonne mémoire, mauvaise grâce; avoir carte blanche, etc.
B.— Avoir + prédéterminant figé + subst.
1. [Avec l'art. déf.]
a) Avoir le bourdon, le cafard, l'œil, le pas, le trac (et tous les substituts de peur : avoir les foies, la frousse, la pétoche, la trouille, etc.).
b) [Le subst. peut être qualifié par un adj.] Avoir le beau rôle, le bras long, le cœur gros, le cœur bien accroché, la gorge serrée, la main heureuse, la partie belle, etc.
2. [Avec l'adj. poss.] Avoir ses aises, ses entrées, ses raisons, avoir sa tête, etc.; n'avoir pas son pareil.
3. [Avec l'art. déf. ou l'adj. poss. précédé de de] Avoir de la chance, du goût, du tact, etc. (et tous les substituts de chance : avoir du bol, du nez, du pot, etc.); avoir de ses nouvelles; avoir du bon. Avoir du chien. ,,Faire montre d'entrain ou avoir ce qu'on appelle le feu sacré`` (SANDRY-CARR. Th. 1963). Avoir des planches. ,,Avoir du métier`` (SANDRY-CARR. Th. 1963).
C.— Avoir + prédéterminant figé + subst. + prép.
1. [La prép. introduit un compl. qui joue le rôle d'un adj. (cf. supra II B 1 b)] Avoir la mort dans l'âme, le cœur sur la main, du pain sur la planche, les larmes aux yeux; avoir la tête à ce qu'on fait; avoir sa tête à soi; avoir les yeux dans sa poche; avoir une femme, un homme dans la peau; avoir les nerfs en pelote, à vif; avoir du vague à l'âme, du plomb dans l'aile.
2. [Les prép. de et plus rarement à introduisent un inf.] Avoir l'avantage de, la bonté de, le courage de, le devoir de, le droit de, la bonne fortune de, le front de, l'habitude de, l'honneur de, l'idée de, l'intention de, la liberté de, le loisir de, l'obligeance de, le plaisir de, le temps de, le tort de; avoir son mot à dire, avoir le cœur à rire, avoir du mal à, avoir d'autres chats à fouetter.
Rem. Le rôle d'une prop. inf. introd. par de peut être tenu par une prop. sub. introd. par que.
D.— Avoir + adj. + inf. Cette constr. ne se rencontre que lorsque beau tient le rôle d'adj. mais avec valeur adverbiale. Avoir beau dire, faire, penser; a beau mentir qui vient de loin.
E.— Avoir + prép. + subst. (déterminé ou non).
1. À. Avoir à cœur, à mépris, à merci; avoir à la bonne, à l'œil.
Rem. Le tour à mépris est un arch., HAASE 1914 le cite en le faisant précéder du commentaire suiv. : ,,à précède un substantif attributif, construction très fréquente dans l'ancienne langue et qui subsiste encore dans quelques tours``.
2. En. Avoir en chantier, en horreur, en main, en tête, en vue.
3. Dans. Avoir dans le nez, dans le ventre.
4. Sous. Avoir sous la main.
5. Sur. Avoir sur le cœur.
F.— Loc. diverses
1. L'avoir sec.
2. L'avoir échappé belle.
3. En avoir... Outre le sens de avoir reçu des coups ou avoir subi une disgrâce, et le sens arg. de en avoir. ,,Être un homme complet`` (SANDRY-CARR. 1963) d'où être audacieux, cette loc. entre dans de nombreuses constructions. En avoir le cœur net, en avoir gros sur le cœur, en avoir dans l'aile, en avoir assez (et les tours fam. en avoir marre, plein le dos, plein les pattes, par-dessus la tête, ras le bol), en avoir de bonnes, sans en avoir l'air.
— En avoir pour + indication de durée. Avoir besoin de l'espace de temps donné pour faire une chose (exprimée par en).
G.— N'avoir que faire. N'avoir pas besoin de quelqu'un ou de quelque chose, ne pas se soucier :
• 84. Nous n'avons que faire de l'érudition sans amour, quand il s'agit de Maurice.
MAURIAC, Journal 1, 1934, p. 90.
• 85. ... j'ai l'impression d'écouter malgré moi à une porte et de recueillir des confidences dont je n'ai que faire.
GREEN, Journal, 1945, p. 240.
— P. anal. N'avoir que répondre. N'avoir rien à répondre, rien qui permette de répondre :
• 86. À ça Arsule n'avait que répondre, sauf à tirer sa petite moue.
GIONO, Regain, 1930, p. 171.
Rem. 1. Quelques-unes de ces loc. sont susceptibles de connaître des transformations, p. ex. avoir faim, où faim peut être précisé par un adj. : avoir grand faim ou par un compl. de nom, faim étant alors précédé de l'art. figé une : avoir une faim de loup. 2. Des loc. telles que avoir faim, avoir soif peuvent être remplacées par le tour attributif corresp. : être affamé, être assoiffé.
III.— Emploi d'auxil.
A.— [Auxil. de mode]
1. Avoir à + inf. impliquant une idée, plus ou moins nette, d'obligation. Être contraint de. J'ai une lettre à écrire « je dois écrire une lettre » :
• 87. ... et pour quelques moments brillants de sagesse et de gloire qu'ils [les peuples] pourraient espérer, ils ont toujours à craindre des siècles de désordres et de calamité.
MARAT, Les Pamphlets, Suppl. de l'Offrande à la Patrie, 1789, p. 44.
• 88. J'ai maintenant à vous expliquer pourquoi je vous écris de Tours et non de Tocqueville où je devrais et voudrais être.
TOCQUEVILLE, Correspondance [avec Gobineau], 1853, p. 200.
• 89. Puis il fallait voir les chemins dont Chargnat avait fait état : qui voudrait exploiter aurait à se lever de bonne heure.
POURRAT, Gaspard des montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 9.
• 90. — Alors, tout de même, est-ce qu'on ne pourrait pas me fiche la paix? J'ai à travailler, moi, j'ai à gagner ma vie.
MONTHERLANT, Les Célibataires, 1934, p. 849.
• 91. Alors, vous aurez d'abord à réunir un conseil de famille.
DRUON, Les Grandes familles, t. 2, 1948, p. 184.
— Loc. Avoir fort à faire où fort équivaut à beaucoup.
2. N'avoir qu'à + inf. Il suffit de... :
• 92. Je vis. Je souffre encor. Battu de cent naufrages,
Tremblant, j'affronte encor la mer et les orages,
Quand je n'ai qu'à vouloir pour atteindre le port.
CHÉNIER, Élégies, Angleterre nouvelles souffrances, 1794, p. 163.
• 93. ... mais l'amour-propre bientôt lui dit à l'oreille qu'il n'aurait qu'à paraître pour triompher comme César.
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 203.
• 94. DON CAMILLE. — Parlez! Vous n'avez qu'un mot à dire. Deux fois déjà vous l'avez appelée. Je sens qu'elle n'attend que votre troisième appel : « Prouhèze, viens! »; elle est là, vous n'avez que son nom à prononcer.
CLAUDEL, Le Soulier de satin, 1929, 2e journée, 2, p. 758.
— Iron. ou pour voiler une menace. Tu n'as qu'à te tenir tranquille (sous-entendu sinon...)
— N'avoir plus qu'à. Il ne reste qu'à ... :
• 95. Ainsi, je dis zut! aux romans. Je n'aurai plus qu'à patauger dans mes épreuves des Petits bourgeois et du Programme.
BALZAC, Correspondance, 1844, p. 671.
♦ Plus est sous-entendu :
• 96. « Mais, si elle aime un jeune homme, les vieux n'ont qu'à plier bagage, » ajouta-t-il tristement.
DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, p. 189.
B.— [Auxil. de temps ou d'aspect]
1. [Servant à former les temps composés]
a) [Des verbes trans. y compris le verbe avoir] :
• 97. Que de chagrins vous eussiez épargnés à toute la famille, si cette amitié avait toujours subsisté entre vous!
LA MARTELIÈRE, Robert, chef de brigands, 1793, I, 1, p. 3.
• 98. On lui doit, à coup sûr, d'avoir eu plus tôt le Racine parfait, et de l'avoir eu, dans sa perfection même, plus continuellement ferme et plus inaltérable.
SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 475.
• 99. Une association humaine de l'ordre de celle qui permit au Surréalisme de s'édifier — telle qu'on n'en avait plus connu [sic] d'aussi ambitieuse et d'aussi passionnée au moins depuis le Saint-Simonisme — ne laisse pas d'obéir à certaines lois de fluctuation...
BRETON, Les Manifestes du Surréalisme, 1930, p. 80.
• 100. Pas une plainte. Pas un cri. Mais le son le plus pur qu'ait jamais formé le désespoir.
SAINT-ÉXUPÉRY, Vol de nuit, 1931, p. 127.
Rem. Le part. passé s'accorde en genre et en nombre avec le compl. d'obj. du verbe si celui-ci précède le verbe. À l'époque class. et dans certains cas, le part. passé était invariable.
b) [Des verbes intrans. imperf. (c.-à-d. n'aboutissant pas à un état résultant)] Marcher/avoir marché (p. oppos. à arriver/être arrivé) :
• 101. Elle mentait, Monsieur, elle a toujours menti. Je ne sais pas si dans sa vie cette fille-là a jamais dit un mot de vérité; ...
MÉRIMÉE, Carmen, 1847, p. 35.
• 102. Viens-tu? Viens-tu? Le coq a chanté, le cheval a henni, la voile est prête.
FLAUBERT, La Tentation de st Antoine, 1849, p. 306.
Rem. Le part. passé demeure invariable.
c) [De certains verbes intrans. admettant par ailleurs l'auxil. être, leur sens variant selon l'auxil. utilisé] Changer/avoir changé/être changé; convenir/avoir convenu/être convenu; demeurer/avoir demeuré/être demeuré et aussi augmenter, baisser, crever, croître, dégeler dégénérer, diminuer, disparaître, échouer, embellir, empirer, enlaidir, grandir, grossir, maigrir, paraître, prendre, pourrir, rajeunir, vieillir, etc. :
• 103. Il est, de tous les sophistes, le plus nuisible qui ait jamais paru, ...
FOURIER, Le Nouv. monde industr., 1830, p. 30.
• 104. On dit que pendant longtemps la ville sentit la mort; et je ne suis pas bien sûr que l'odeur ait entièrement disparu.
FROMENTIN, Un Été dans le Sahara, 1857, p. 135.
Rem. 1. Avec avoir, le changement est saisi en tant que tel, avec être il l'est dans son résultat. 2. Dans l'usage, une certaine liberté s'est établie, la Gramm. du fr. class. et mod. de WAGNER-PINCHON 1962, § 314, cite le cas du verbe passer (traverser un endroit) qui s'emploie avec l'auxil. avoir ou avec l'auxil. être sans différence de sens et donne l'ex. suiv. : Laon? J'y ai passé en 1940 (ou J'y suis passé en 1940). 3. Là encore, le part. passé demeure invariable.
d) [De l'auxil. être] :
• 105. Cette soirée doit me laisser quelques souvenirs. C'est la seule bonne et où j'aie été moi depuis longtemps.
MAINE DE BIRAN, Journal, 1818, p. 115.
• 106. Milan a été pour moi de 1800 à 1821 le lieu où j'ai constamment désiré d'habiter.
STENDHAL, Vie de Henry Brulard, t. 2, 1836, p. 497.
Rem. On trouve, qqf., la forme avoir été pour signifier être allé, v. être :
• 107. Je suis sorti; j'ai été dans une église et j'ai longtemps prié.
DU CAMP, Mémoires d'un suicidé, 1853, p. 285.
2. [Servant à former les temps composés du passif] :
• 108. Il peut paraître surprenant que de telles leçons m'ayent été données par un magistrat; ...
SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797, p. 1578.
• 109. ... il ressemblait comme il n'a jamais été ressemblé à un petit Allemand, bon, naïf et fidèle, ...
GIRAUDOUX, Siegfried et le Limousin, 1922, p. 32.
• 110. Ma dette envers le Louvre est immense. J'ai l'impression d'avoir été nourri et élevé par lui.
GREEN, Journal, 1931, p. 68.
• 111. Il a été descendu par les avions de Balbo, évidemment : il avait un appareil de tourisme. Il a été condamné à six ans, puis il s'est évadé des Lipari.
MALRAUX, L'Espoir, 1937, pp. 497-98.
Rem. Avoir lui-même ne connaît pas la tournure passive.
3. [Servant à former les temps surcomposés (double auxil.)] Dès qu'il a eu fini..., dès qu'il a été sorti... :
• 112. LE VICE-ROI. — Dès qu'il m'a eu atteint j'ai tout quitté et je suis là.
CLAUDEL, Le Soulier de satin, 1929, 3e journée, 13, p. 835.
• 113. Non, c'est trop naturel, je suis venu tout de suite, dès que le petit m'a eu dit...
ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, p. 132.
Rem. 1. Bien que l'auxil. de la voix pronom. soit être, les formes surcomposées s'obtiennent à l'aide de s'être eu : quand il s'est eu blessé; ,,... le groupe s'est devient le signe obligé du pronominal composé, de telle sorte que la forme surcomposée, au lieu de procéder à un décalage dans le passé à l'aide de l'auxiliaire être lui-même auxilié par avoir (...), maintient le groupe s'est qui signifie à la fois état résultant et activité antérieure, et c'est cette idée d'une activité que le sujet a exercée sur lui-même, qui subit le décalage d'antériorité`` (R. MARTIN, Temps et aspect, Paris, Klincksieck, 1971, p. 66, note 154). 2. Sous la forme du part. passé, avoir entre dans la loc. eu égard.
IV.— Verbe impers. Il y a.
A.— Morphème de présentation
1. Il y a + subst. (ou pron. prédicatif). Il y a est un présentatif pur comme voici et voilà, il peut être suivi d'un subst. précédé d'un art. ou d'un adj. indéf., d'un adj. poss., d'un adj. dém., ou encore de l'art. défini. Il y a opère un choix parmi tous les possibles : il y a le facteur qui passe (parmi tout ce qui peut passer le facteur est distingué) :
• 114. Nous avons dit que Regnier n'était point un Juvénal; il y en eut un pourtant au XVIe siècle, ...
SAINTE-BEUVE, Tabl. hist. et crit. de la poésie fr. et du théâtre fr. au XVIe s., 1828, p. 144.
• 115. Ce qu'il y a eu de jouissances et de poésie dans cette vie de troubadour, nul ne le saura jamais.
BAUDELAIRE, Paradis artificiels, 1860, p. 331.
• 116. — Au catéchisme, dit Poucette, il y a une petite fille qui est drôle, elle a les yeux pleins de larmes quand elle parle de Notre-Seigneur.
BARRÈS, Mes cahiers, t. 11, 1914-17, p. 144.
• 117. Il y avait gros temps au large, un ciel bas et gris, de fortes lames plombées qui cataractaient sur la plage.
GRACQ, Un Beau ténébreux, 1945, p. 13.
— Il y a de quoi + inf. [Cet inf. peut être explicite ou implicite] Il y a des raisons pour... :
• 118. Je crois que mes notes et ma lettre ont été dictées par le bon sens le plus grossier qui ait jamais arrangé des mots et, au risque de te blesser (il y avait de quoi), j'ai cru faire mon devoir de toutes façons, en te déclarant ces choses.
FLAUBERT, Correspondance, 1854, p. 6.
• 119. C'est venu sur moi noir et lourd... Y avait pas de quoi rire, et puis ça m'a plus lâché.
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 300.
2. Il n'y a qu'à + inf. En alliance avec le tour exceptif ne... que, il y a présente ce qu'il faut faire et le pose comme suffisant. Synon. il suffit de... :
• 120. Il n'y a qu'à se faire tout petit.
CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix, 1938, p. 38.
3. Loc. Il y a gros à parier :
• 121. Il y a gros à parier que, dans un semblable milieu, le mysticisme de Gilles s'est exalté; ...
HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 73.
— Populaire
♦ Tout ce qu'il y a de... :
• 122. Une belle galère, ma foi, je l'avoue, haute de bords, bien ramée, couronnée de jolies voiles pourpres, un gaillard tout doré, un bateau tout ce qu'il y avait de capitonné aux endroits pour les officiers, avec en proue un superbe tableau à l'huile de foie de morue représentant « L'Infanta Combitta » en costume de polo.
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 228.
♦ C'est... comme il n'y a pas. Signifiant que qqn ou qqc. est comme il n'est pas possible d'être :
• 123. Un cerveau, c'est tyran comme y a pas.
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932 p. 300.
B.— [Jouant le rôle d'une prép. introduisant un compl. de temps] Il y a sert alors à fixer un point du passé séparé du présent par le délai qu'indique le compl. temporel. : il y a huit jours vise un point du temps situé dans le passé huit jours avant le présent. Il y a s'oppose donc d'une part à dans qui marque symétriquement un point dans l'avenir à telle ou telle distance du présent et d'autre part à depuis qui indique un laps de temps écoulé à partir du moment repéré et qui comporte toujours une idée de limite initiale :
• 124. J'étais alors à peu près instruit des assauts que cette jeune personne avait essuyés; je ne doutais pas qu'il n'y eût longtemps qu'elle avait perdu cette fleur précieuse, qui ne renaît jamais.
RESTIF DE LA BRETONNE, M. Nicolas, 1796, p. 53.
• 125. Il y a à peu près deux mois que je me trouvai à dîner chez Madame d'Olmène.
LECLERCQ, Proverbes dramatiques, La Répétition d'un proverbe ou Il ne faut pas dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau, 1835, 2, p. 369.
• 126. Je me trouvai assis près de Mme Récamier. Il y avait douze ans que je ne l'avais rencontrée, et encore ne l'avais-je aperçue qu'un moment.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, p. 388.
• 127. L'ensemble avait dû être de forte et splendide élégance, il y a quelque vingt ans, ...
FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, p. 249.
— Le temps du verbe avoir peut varier; il y avait situe un procès par antériorité au moment visé par l'imp. avait. En revanche, avec le fut. ou le passé composé qui ne fournissent pas, à l'encontre de l'imp. et du prés., de limite interne à partir de laquelle on peut évaluer le laps de temps écoulé, on ajoute obligatoirement une indication de temps qui précise l'espace du verbe avoir (il y aura demain..., il y a eu hier...). Mais on constate une tendance à l'invariabilité de il y a dans ses emplois après le tour présentatif c'est (c'était, ce fut, etc.), après la prép. de et après la loc. prépositive jusqu'à :
• 128. Mon instinct d'il y a trente-six ans ne me trompait pas.
VALÉRY, Correspondance [avec Gide], 1929, p. 508.
Rem. Le pron. suj. il est souvent omis dans le lang. populaire.
C.— Substituts de il y a, morphème de présentation. Le verbe avoir précédé d'un pron. pers. suj. peut présenter lui aussi une phrase du discours et être remplacé sans grande variation de sens par il y a (surtout lorsque les pron. pers. sont nous ou vous avec valeur indéfinie). Vous avez des professeurs qui.../Il y a des professeurs qui... Peut-être peut-on sentir une légère nuance qui donne aux tours avec nous et vous un aspect plus personnel en faisant intervenir la personne de celui qui parle ou la personne de celui à qui l'on parle. C'est pourquoi les tours avec je ou tu présentent eux aussi une phase du discours mais dans laquelle le suj. est directement concerné. J'ai mon frère qui est malade/Il y a mon frère qui est malade.
PRONONC. :[].
Conjugaison :
ÉTYMOL. ET HIST.
A.— 1. 881-882 « posséder en soi ou sur soi, être doté de » (Séqu. de Sainte Eulalie, 2 ds A. HENRY, Chrestomathie de la littér. en a.fr., p. 3 : Buona pulcella fut Eulalia : Bel auret corps, bellezour anima); 2. a) 881-882 « éprouver, concevoir (dans la conscience) » (Ibid., 27, ibid. : Tuit oram que por nos degnet preier Qued auuisset de nos Christus mercit Post la mort et a lui nos laist uenir); b) 950-1000 « éprouver, souffrir de qqc. (dans son corps ou dans son esprit) » (Passion de Clermont-Ferrand, 462, éd. D'Arco Silvio Avalle, p. 122 : Si alcuns d'els beven veren, non aura mal, zo sab per ver).
B.— 1. a) 950-1000 « obtenir, devenir possesseur de » (Ibid., 270, p. 111 : Il no l'auseren deramar, mais chi l'aura, sort an gitad); b) ca 1150 « jouir de, posséder sexuellement » (Pèlerinage de Charlemagne, éd. E. Koschwitz-G. Thurau, 694 ds T.-L. : Ci estat Oliviers, qui dist si grant folie. Qu'en une sole nuit avreit cent feiz ma fille); c) 1690 « mettre (qqn) en son pouvoir, attraper » (FUR. : Je l'auray, on sous-entend, en mon pouvoir); 2. a) ca 1040 « posséder, être possesseur de » (Vie de Saint Alexis, 402, éd. G. Paris, p. 14 : O filz, cui ierent mes granz ereditez, Mes larges terres dont jo aveie assez, Mi grant palais en Rome la citet?); d'où b) ca 1040 indique une relation, le rapport de possession étant très atténué (Ibid., 150, ibid., p. 6 : Quant n'ai ton fil, ensemble o tei vueil estre).
C.— 1. 950-1000 auxil. servant à former les temps composés de nombreux verbes pour exprimer l'action accomplie (Passion de Clermont-Ferrand, 137 ds K. BARTSCH, Chrestomathie de l'a. fr., p. 8 : Et cum asez l'ont escarnid, dunc li vestent son vestiment, et el medeps si pres sa cruz, avan toz vai a pasïun); 2. ca 1040 auxil. d'aspect avec l'inf. et la prép. à, sert à exprimer l'action qui doit être accomplie (Vie de Saint Alexis, 33e, éd. G. Paris et L. Pannier, 1872, p. 147 : Por amistet ne d'ami ne d'amie, Ne por honors qui lui fussent tramises, N'en volt torner tant com il ad a vivre).
D.— Impers. il y a. Ca 1040 sans l'adv. de lieu y (Alexis, éd. G. Paris et L. Pannier, 14c ds T.-L. : En icest siecle nen at parfite amor); ca 1100 (Roland, éd. Bédier, 734 : Dient Franceis que grant bataille i ad).
Du lat. habere (FEW, t. 4, pp. 361-365) « tenir, occuper » (CATON, Orig., 7 ds TLL s.v., 2401, 48; ENNIUS, Scaen., 259, ibid., 35) et « habiter » — cf. habitare « habiter » — (NAEVIUS, Com., 83, ibid., 14) également « se tenir » — cf. fr. habit, habitude — (CICÉRON, Fam., 9, 9, 1 ds ERN.-MEILLET, p. 287) attesté dep. le IIIe s. av. J.-C. au sens A 1 (NAEVIUS, Trag., 54 ds TLL s.v., 2397, 8; PLAUTE, Poen., 87, ibid., 2410, 4), au sens A 2 a dep. le IIIe s. av. J.-C. (LIVIUS ANDRONICUS, Carm., frg. 13, ibid., 2403, 69), au sens A 2 b dep. Caton (Agr., 157, 9, ibid., 28); attesté au sens gén. de « posséder », B 2 a dep. Plaute (Asin., 189, ibid., 2398, 34), au sens B 2 b dep. Cicéron (De Orat., 1, 82, ibid., 2421, 16) et au sens de « avoir en son pouvoir » (OVIDE, Met., 1, 187, ibid., 2430, 81) à rapprocher de B 1 c; attesté dès Caton comme auxil. de temps avec le part. passé d'un verbe et un compl. d'obj. (CATON, Agr., 3, 1, ibid., 2452, 73 : aedificare oportet, si agrum consitum habeas), cf. passé composé équivalent au parfait (CICÉRON, Font., 29, ibid., 75 : quae comperta habemus, quae ipsi vidimus); attesté dep. Varron suivi d'un infinitif avec un sens d'obligation (VARRON, R.R., 1, 1, 2 ds ERN.-MEILLET, p. 287), il prend le sens de « avoir à » C 2 (SÉNÈQUE, Contr., 1, 1, 19 ds TLL s.v., 2454, 59 : quid habui facere); attesté en lat. chrét. à la 3e pers. du sing. comme impers. « il y a » D (SAINT-JÉRÔME, Commentarius in Ezech., 11, 2 — p. 97b, ibid., 2461, 80 : in Hebraeo ... non habet hunc numerum.. sed tricenarium).
STAT. — Fréq. abs. littér. :1 237 605. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 773 315, b) 1 767 131; XXe s. : a) 1 756 713, b) 1 746 879.
BBG. — ARGELÈS (P.). Avoir et être. Intermédiaire des chercheurs et des curieux. 1899, t. 40, col. 112-114, 396, 488-489. — AUBERT DE LA RÜE (E.). Le Fr. parlé aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon. Vie Lang. 1969, p. 246. — BAKER (A. T.). Le Fut. des verbes avoir et savoir. Romania. 1937, t. 63, pp. 1-30. — BAMBECK (M.). Galloromanische Lexikalia aus volksprachlichen mittelterlichen Urkunden. In : [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 69. — BÉL. 1957. — BERNELLE (A.). L'Intermédiaire des linguistes curieux. Vie Lang. 1957, pp. 380-381. — BÖSTRÖM (N. E., I, F.). Les N. abstr. accompagnés d'un inf. et combinés avec avoir... Lund, Copenhagen, Paris, 1957, 261 p. — BRAÜMER (W.). La Loc. n'avoir garde : son orig. et son hist. B. jeunes Rom. 1965, n° 11/12, pp. 21-29. — BRUANT 1901. — Canada 1930. — CASSAGNAU (M.). Curiosités gramm. Une singularité ds la conjug. du verbe avoir et ds celle du verbe être. Vie Lang. 1963, pp. 403-404. — CHEVALIER (J.-C.). Exercices portant sur le fonctionnement des présentatifs. Lang. fr. 1969, n° 1, pp. 89-92. — COHEN 1946, pp. 31-33. — DE KOCK (J.). Avoir et être, auxil. de qq. régisseurs intrans. Une explication « actancielle ». Ling. antverp. 1968, pp. 109-114. — DE KOCK (J.). Avoir et être auxil. des formes actives, passives et pronom. Trav. Ling. Gand. 1969, n° 1, pp. 13-69. — DEM. 1802 (s.v. auxiliaire). — DOKOUPIL (G.). Elle eut un cri. Contribution à l'éclaircissement d'un fait ling. In : [Mél. (P. M.)]. Brünn, 1936, pp. 110-115. — DUCH. 1967, § 45, 63. — DUCH. Beauté 1960, p. 76. — ENGWER (T.). Avoir und être als Hilfsverben bei Intransitiven. Rom. Forsch. 1951, t. 63, pp. 79-94. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — FRANCE 1907. — FRANCE Suppl. 1907. — GAATONE (D.). Avoir comme instrument de transformation... Vox rom. 1972, t. 31, pp. 92-98. — GEORGIN (R.). Le Fr. au Canada. Déf. Lang. fr. 1969, n° 47, p. 44. — GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — GOUGENHEIM (G.). Une Catégorie lexico-gramm. : les loc. verbales. Et. Ling. appl. 1971, n° 2, pp. 56-64. — GOUG. Lang. pop. 1929, passim. — GOUG. Mots t. 1 1962, passim. — Gramm. t. 1 1789. — GUIRAUD (P.). Le Champ morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, n° 1, p. 100. — GUIRAUD (P.). Mél. d'étymol. arg. et pop. Cah. Lexicol. 1970, t. 17, n° 2, p. 12. — HENRICUS. Avoir et être. Intermédiaire des chercheurs et des curieux. 1899, t. 39, col. 932-933. — HENRY (A.). C'était il y a des lunes. Ét. de synt. fr. Paris, 1968, 134 p. — HOFMANN (F.). Avoir und estre in den umschreibenden Zeiten des altfranzösischen intransitiven Zeitworts. Berlin, 1890, III-65 p. — KLEIN (H.-W.). La Répartition des verbes auxil. avoir et être ds l'usage mod. Classe (La) de fr. 1956, t. 6, pp. 298-302. — KOSMATA (R.). Beobachtungen zum Gebrauch der Hilfsverben avoir und être im modernen Französisch. Vox rom. 1965, t. 24, pp. 238-268. — LARCH. 1880. — LARCH. Suppl. 1880. — LA RUE 1954. — LE BIDOIS (R.). A propos des mots-tandem. Vie Lang. 1954, pp. 554-558. — LEGROS (E.). Avoir, eu et savoir, su à Liège du XVIIe s. à nos jours. In : [Mél. Delbouille (M.)]. Gembloux, 1964, pp. 363-380. — LE ROUX 1752. — MACR. 1883. — MAT. Louis-Philippe 1951, passim. — ORR (J.) Vous avez beau faire. Sém. et synt. R. Ling. rom. 1957, t. 21, pp. 197-208. — PIRON (M.). Barbe de paille ou barbe d'or. Vie Lang. 1953, pp. 567-568. — PIERREH. 1926. — PIERREH. Suppl. 1926. — SANDRY-CARR. 1963. — SANDRY-CARR. Courses 1963. — SANDRY-CARR. Cycl. 1963. — SANDRY-CARR. Peintres 1963. — SANDRY-CARR. Th. 1963. — SPR. 1967. — STAAF (E.). Qq. rem. sur le fut. du verbe avoir en fr. In : [Mél. Salverda de Grave (J.-J.)]. Groningue, 1933, pp. 312-317. — TIMM. 1892. — TODOROV (C.). La Hiérarchie des liens ds le récit. Semiotica. 1971, t. 3, n° 2, p. 126, 129, 131. — TOURNEMILLE (J.). Au jardin des loc. fr. Vie Lang. 1955, pp. 102-103, 242-243, 338-340; 1956, pp. 194-195, 530-531; 1959, pp. 64-65, 631-633; 1964, pp. 496-498; 1965, pp. 83-86; 1967, pp. 291-292. — TREDER (M.). Über die Verbindung von avoir und être mit intransitiven Verben. Berlin, 1915, 96 p. — VAN GINNEKEN (J.). Avoir et être (du point de vue de la ling. gén.). In : [Mél. Bally (C.)]. Genève, 1939, pp. 83-92. — VENDRYES (J.). Sur l'emploi de l'auxil. avoir pour marquer le passé. In : [Mél. Van Ginneken (J.)]. Paris, 1937, pp. 85-92. — WIND 1928, p. 17.
II.
⇒AVOIR2, subst. masc.
Biens mobiliers et immobiliers, fortune que l'on possède :
• 1. 1930. — Instituteur Mayenne, 28 ans, avancement prochain, épouserait collègue libre penseuse avec avoir sérieux.
MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, p. 925.
• 2. ... les individus possèdent une fortune en titres ou en avoirs liquidables sans perte qu'ils peuvent destiner à une nouvelle affaire.
PERROUX, L'Écon. du XXe s., 1964, p. 215.
— En partic. Argent liquide dont dispose une personne en voyage :
• 3. Cela me suffisait et je n'étais nullement désireux de mener plus loin l'aventure, d'autant plus que je portais sur moi tout mon avoir et risquais gros, ...
GIDE, Carnets d'Égypte, 1939, p. 1054.
— COMPTAB. Partie droite d'un compte où sont portées les sommes dues par opposition à la partie gauche appelée doit. ,,En comptabilité nationale le mot avoir a été remplacé par ressources et le mot doit par emplois`` (PUJOL 1970).
♦ Au fig. :
• 4. Ils se sont faits les comptables de l'humanité. Mais c'est pour augmenter continuellement le doit et pour diminuer frauduleusement les avoirs.
PÉGUY, L'Argent, 1913, p. 1195.
♦ Avoir fiscal. ,,Partie de dividende payée directement au fisc par la société émettrice mais qui vient en déduction de l'impôt sur le revenu. L'avoir fiscal doit être mentionné sur la déclaration d'impôts`` (LEMEUNIER 1969).
— PHILOS. Parmi les dix catégories d'Aristote, celle qui exprime la relation du contenant au contenu, du possesseur à la chose possédée. ,,Dans une dialectique de l'être et de l'avoir, l'avoir est considéré comme ce qui peut être ajouté ou retranché, tandis que l'être est fondamental ou totalement assimilé`` (MIQ. 1967) :
• 5. Être et avoir. — L'homme n'a pas d'être, il n'a que de l'avoir.
S. WEIL, La Pesanteur et la grâce, 1943, p. 46.
• 6. ... c'est pourquoi la possession est le siège des passions — les passions de l'avoir — et ne rend pas compte de l'essence du consentement; ...
RICŒUR, Philos. de la volonté, 1949, p. 324.
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. Ca 1040 « biens, fortune » (Alexis, éd. G. Paris et L. Pannier 12c ds T.-L. : Que plus at cheir que tot aveir terrestre); 2. 1689 comptab. « partie d'un compte où sont portées les dettes actives » (J. SAVARY, Le Parfait Negociant, 2e éd., I, 333 ds ALWIN KUHN, Die Französische Handelssprache im 17. Jahrhundert, p. 171 : un tel doit donner [...] avoir ledit tel).
Substantivation de avoir1.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — Banque 1963. — BAUDHUIN 1968. — Comm. t. 1 1837. — Lar. comm. 1930. — LEMEUNIER 1969. — MARSHALL (F. W.). Les Poésies de Blondel de Nesle. Une ét. du lex. d'après l'examen des mss. Paris, 1958, pp. 39-42. — MIQ. 1967. — PUJOL 1970. — RÉAU-ROND. 1951. — RÉAU-ROND. Suppl. 1962. — ROMEUF t. 1 1956.
1. avoir [avwaʀ] v. tr.
CONJUG. j'ai, tu as, il a, nous avons, vous avez, ils ont; j'avais, nous avions; j'eus, tu eus, il eut, nous eûmes, vous eûtes, ils eurent; j'ai eu; j'aurai; j'aurais; aie, ayons, ayez; que j'aie, que tu aies, qu'il ait, que nous ayons, que vous ayez, qu'ils aient; que j'eusse, que nous eussions; ayant; eu.
ÉTYM. 881; du lat. habere.
❖
———
A Posséder ou disposer de…
1 (Sujet n. de personne). a (Biens matériels; argent). Être en possession de…, en jouissance de… (un bien, une chose), par un droit (droit de propriété). ⇒ Posséder. || Avoir une maison, des propriétés, des terres. || Depuis son anniversaire, il a une bicyclette, une montre. || Elle a au moins vingt paires de chaussures. || Avoir des biens, du bien. || Garder, donner ce qu'on a, tout ce qu'on a. || Quelle voiture avez-vous ? Fam. || Qu'est-ce que vous avez comme voiture ? — Avoir un atelier d'artiste pour, comme logement. — Avoir de l'argent, beaucoup d'argent. || Avoir de l'argent, assez d'argent pour un voyage. || Avoir des mille et des cents. || Avoir des revenus. || Avoir un beau salaire. — N'avoir pas, ne plus avoir d'argent. ☑ En avoir ou pas, trad. de To Have or Have not (titre de Hemingway). || N'avoir pas le sou, pas un centime, (fam.) pas un radis, pas le rond. — Avoir trop, avoir peu (de qqch.). || Le peu qu'il avait, il l'a dépensé.
1 Reposez-vous. Usez du peu que nous avons :
L'aide des dieux a fait que nous le conservons (…)
La Fontaine, Philémon et Baucis.
2 (Clitie) Avait du bien, possédait un château (…)
La Fontaine, Contes, « Le faucon ».
3 Mais j'ai des biens en foule, et je puis m'en passer.
— On n'en peut trop avoir (…)
Boileau, Satires, VIII.
4 Les hommes veulent tout avoir, et ils se rendent malheureux par le désir du superflu.
Fénelon, Télémaque, V.
♦ ☑ Prov. La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a (joue sur plusieurs sens de avoir).
5 La plus belle fille ne donne que ce qu'elle a (…)
A. de Musset, Carmosine, III, 3.
♦ ☑ Loc. fig. Avoir plusieurs cordes à son arc.
♦ Absolt. Posséder des biens matériels. || Le désir, le plaisir d'avoir.
6 Lorsqu'on désire, on se rend à discrétion à celui de qui l'on espère : est-on sûr d'avoir, on temporise, on parlemente (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 20.
7 (…) le plaisir d'avoir ne vaut pas la peine d'acquérir (…) quand l'occasion de dépenser agréablement se présente, on ne peut trop la mettre à profit.
Rousseau, les Confessions, I.
♦ ☑ Loc. Avoir de quoi : avoir suffisamment, assez… || Avoir de quoi vivre.
8 C'est un garçon de quarante ans, qui a de quoi vivre.
A. R. Lesage, le Diable boiteux, 10.
b (Le compl. désigne une abstraction, un bien dont le sujet profite). Bénéficier de…, disposer de… || Avoir des diplômes, des décorations. || Avoir un métier, un bon métier, une situation. — Avoir un droit, le droit de… ⇒ Bénéficier, jouir (de). || Avoir le temps, la place, les moyens de… ⇒ Disposer (de). — Avoir des relations, des rapports avec qqn. Vx. || Il a relation avec des savants (La Bruyère).
c (Abstrait). Disposer de (un droit, une possibilité). || Avoir de la chance (fam. avoir du bol, du pot). || Avoir la liberté, la possibilité de…
2 Spécialt. (Sujet n. de personne, d'animal). Disposer de, bénéficier de… (une chose concrète ou un avantage) sans posséder. || J'ai l'appartement jusqu'à la fin du mois : le propriétaire me le laisse. || D'ici, on a une vue fantastique. || Ton chien a une belle niche. — (N'excluant pas la possession). || Nous n'avons pas la voiture en ce moment : elle est en réparation. — Disposer de (qqch.) pour vendre (magasins, restaurants, etc.). || Est-ce que vous avez des bières belges ? || Qu'est-ce que vous avez comme bordeaux; comme marques de lessive ? || J'ai de belles salades pas chères. — (En parlant des circonstances atmosphériques). || Nous avons eu des orages, du beau temps, de la pluie pendant le week-end.
9 Je vous félicite du beau temps que nous avons ici, car je crois que vous l'avez aussi à Auteuil.
Racine, Lettres.
♦ Avoir le temps de faire qqch. || Il n'a jamais le temps. || On a le temps ! || Avoir une semaine pour faire un travail. || Avoir un mois devant soi. || Avoir sa soirée libre, à soi.
3 (Personnes, animaux). Porter sur soi, tenir (à un moment donné, que l'objet soit ou non une possession). || Il avait un chapeau et une canne. || Est-ce qu'elle avait ses lunettes ? || Avoir des lunettes sur le nez, à la main. || Il avait un vieux costume. — Avoir… sur soi. || Avoir de l'argent, des papiers sur soi. || Tu as ton passeport sur toi ? || Avez-vous un briquet, des allumettes, (par métonymie) du feu ? || Auriez-vous une cigarette, un stylo ?(pour me l'offrir, me le prêter). || Je n'ai pas ma montre. Par métonymie. || Avez-vous l'heure ?
10 Alors seulement un peu remis de ma frayeur je remarquai que notre maître avait sa belle redingote verte.
Alphonse Daudet, Contes du lundi, « Dernière classe ».
1 (Personnes et choses). Présenter en soi (une partie, un aspect de soi, une caractéristique concrète).
a (Personnes). || Il, elle a de grandes jambes, des yeux bleux. || Tu commences à avoir des cheveux blancs. — REM. Lorsque le complément désigne un attribut normal de l'espèce, il est qualifié par un adj. sur lequel porte la caractérisation (cet oiseau a un long bec, de petites ailes); lorsqu'il désigne une caractéristique accidentelle, le subst. peut ne pas être qualifié (il a une verrue sur le nez; elle a des boutons). — Il, elle a un air, une apparence, une allure bizarre. || Son visage a quelque chose d'étrange, d'effrayant. — ☑ Loc. Il a tout du clochard (toutes les apparences).
11 Un loup n'avait que les os et la peau (…)
La Fontaine, Fables, I, 5.
12 Je le vis; son aspect n'avait rien de farouche.
Racine, Iphigénie, II, 1.
13 Il a l'oreille rouge et le teint bien fleuri (…)
Molière, Tartuffe, II, 3.
14 La duchesse de Bourgogne avait un grand air, une taille noble (…)
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, 27.
♦ (Sens faible). Présentant l'attribut, le compl. ou l'adv. qui détermine le subst. compl., qui peut désigner une caractéristique permanente (elle a les yeux bleus et les cheveux blonds, → ci-dessus) ou accidentelle (elle a un bras cassé). ⇒ Être (ses yeux sont bleus; son bras est cassé). || Avoir l'estomac, le ventre creux. || Avoir le teint frais. || Avoir bonne mine. || Avoir l'oreille fine, les doigts déliés, les mains jointes. Fig. || Avoir la tête dure. || Avoir la parole facile. || Avoir une mauvaise santé. — Avoir une santé de fer, un teint de jeune fille. || Ce que son aspect a de déplaisant.
15 Sophie était seule; elle avait les coudes appuyés sur sa table, et la tête penchée sur sa main (…)
Diderot, le Père de famille, I, 7.
16 Les hommes que l'on entrevoyait avaient tous les prunelles ardentes, le teint pâle, des figures amaigries par la faim, exaltées par l'injustice.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, p. 135.
17 Ses cheveux (…) l'embellissaient encore, en adoucissant ce que son visage avait d'un peu fier et de presque dur.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, 10.
REM. La distinction entre le sens fort « possessif » et cette valeur faible est parfois subtile; le déterminant du compl. peut la marquer : elle a des yeux bleus : elle possède le caractère « œil bleu »; elle a les yeux bleus : ses yeux sont bleus.
18 On dit : Elle a des cheveux noirs, comme on dit : elle a un bonnet blanc. Rien de particulier. Au contraire, elle a les cheveux noirs est une phrase faite, non pas pour dire ce qu'elle a, ce qu'elle possède, mais comment elle a ce que chacun possède : des cheveux. Comparez : elle a les yeux bleus, le teint mat, etc.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 629.
♦ (Le subst. compl. de avoir étant caractérisé par un compl., par un adv.). || Il a les mains dans les poches, les coudes sur la table (→ ci-dessus, cit. 15 où le subst. est caractérisé par un p. p. qui a lui-même un compl.). || Avoir la tête qui tourne. || Cette voiture a le moteur à l'avant. || Vous avez l'esprit ailleurs. || J'ai cette chose en horreur.
♦ ☑ Loc. fig. Avoir du plomb dans l'aile (ellipt, en avoir dans l'aile). ⇒ Aile, cit. 20. — Vulg. || Avoir du poil au cul, des couilles au cul. Ellipt. || Il en a : il est courageux. || Il n'en a pas, celui-là.
♦ ☑ Avoir de (qqn) : ressembler à… ⇒ Tenir. || « J'avais du sauvage, du chasseur et du missionnaire » (Chateaubriand).
b (Choses). Exprimant qu'un ensemble comporte un élément (sens dit « possessif »). || La maison a un beau toit. || L'église a des chapiteaux remarquables.
18.1 Elle (cette petite ville) a une forêt épaisse qui la couvre des vents froids et de l'aquilon.
La Bruyère, les Caractères, V, 49.
18.2 La chambre à coucher avait un grand lit, une commode à ventre, des fauteuils (…)
Huysmans, Là-bas, I, p. 122.
2 (Personnes). Abstrait. Présenter en tant que caractère, que qualité. || Avoir beaucoup de qualités, de défauts. || Avoir du caractère, du tempérament, de l'esprit, de la distinction, de l'audace, du courage, du culot. || Avoir du cœur. || Avoir l'âme d'un conspirateur. || Avoir des œillères. || Avoir du coup d'œil. — ☑ Loc. métaphorique. Avoir le nez creux, les mains crochues, les dents longues… — Avoir trente ans. || Quel âge avez-vous ?
19 L'un et l'autre avaient la conscience assez large (…)
Scarron, le Roman comique, 13.
20 On n'est jamais si ridicule par les qualités que l'on a que par celles que l'on affecte d'avoir.
La Rochefoucauld, Maximes, 289.
21 Chacun a son défaut où toujours il revient (…)
La Fontaine, Fables, III, 7.
22 Le peuple s'étonna comme il se pouvait faire
Qu'un homme seul eût plus de sens
Qu'une multitude de gens.
La Fontaine, Fables, II, 20.
23 Si l'on doit le nom d'homme à qui n'a rien d'humain,
À ce tigre altéré de tout le sang romain.
Corneille, Cinna, I, 3.
24 Il a de l'esprit, mais dix fois moins, de compte fait, qu'il ne présume d'en avoir (…)
La Bruyère, les Caractères, XI.
25 Je me suis d'abord adressé aux dames parce qu'elles ont le coup d'œil juste et le tact fin (…)
A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, Médit. VI, 44.
25.1 Qu'a-t-elle de plus que moi qui n'ai su que me faire platement épouser par un mari que je n'aurais jamais eu si elle ne l'avait pas repoussé ? Oui, qu'a-t-elle ?
G. Leroux, le Parfum de la dame en noir, p. 131.
♦ Avoir du bon, du mauvais : présenter des caractéristiques (partielles) bonnes, mauvaises.
26 (Ces malheureux rois)
Dont on dit tant de mal, ont du bon quelquefois.
François Andrieux, le Meunier de Sans-Souci.
♦ (Suivi d'un nom sans prédéterminant). Dans des expressions. || Avoir dessein de… || Avoir soin de… || N'avoir cure de… || Avoir droit, intérêt à… || Avoir obligation de… || Avoir raison. || Avoir tort.
♦ ☑ Loc. Avoir pour soi : posséder comme avantage. || Elle avait pour elle son jeune âge. || Il a pour lui de n'avoir jamais été condamné.
3 (Sert à présenter une action instantanée). Manifester, produire (à un moment précis). || Elle eut un gracieux mouvement, un sourire gêné en l'apercevant. ⇒ Faire. || Il eut un cri de surprise, une exclamation. ⇒ Pousser. || Tu as eu un mot malheureux, une parole aimable. ⇒ Prononcer. || Il a eu une réaction très vive.
4 Éprouver dans son corps, sa conscience. ⇒ Ressentir, sentir.
♦ (Expressions figées, avec un subst. sans déterminant). || Avoir faim, soif; avoir besoin, envie de. || Ce que j'ai soif !; (fam.) qu'est-ce que j'ai faim ! — Avoir chaud, froid, trop chaud, un peu froid. — Avoir mal à la tête, au cœur. || Aïe, j'ai mal ! || Où as-tu mal ? — Avoir confiance, foi en qqn, qqch. || Avoir honte, peur, pitié. — REM. Les expressions formées avec avoir et adjectif dérivent probablement de cet emploi (→ ci-dessous, 11).
♦ (Avec un subst. déterminé). || Avoir la fièvre, des douleurs, le vertige. || Avoir une grande joie, du chagrin, le cafard. || Avoir de la sympathie, de l'amour, de la haine… pour qqn. || Avoir du plaisir à… || Avoir une passion pour qqn. || J'ai le regret de… || Avoir des soucis. — Avoir l'impression que… || J'ai comme l'impression que ça ne lui a pas plu.
27 (…) l'on est plus heureux par la passion que l'on a que par celle que l'on donne.
La Rochefoucauld, Maximes, 259.
28 J'ai beaucoup de plaisir à voir les choses que j'avais imaginées (…)
Voiture, Lettres, 38.
29 Que j'ai de douleur de voir que Dieu vous abandonne !
Pascal, les Provinciales, 17.
30 Nous avons chaud, nous autres, il n'y a plus qu'en Provence où l'on ait froid.
Mme de Sévigné, 197.
31 Mme de Brissac avait aujourd'hui la colique.
Mme de Sévigné, 277.
31.1 Qu'est-ce que j'ai chaud tiens.
Tony Duvert, Paysage de fantaisie, p. 200.
♦ Avoir qqch. : manifester une gêne, une douleur, un mécontentement (inconnu d'autrui). || Qu'est-ce qu'il a ? || Il a sûrement qqch. || Je ne sais pas ce qu'il a à pleurer ainsi. ⇒ Pourquoi. || Sais-tu ce qu'il a sur le cœur, dans la tête… Fam. || Il a qu'il s'ennuie.
32 Vous me semblez toute mélancolique : qu'avez-vous, Madame Jourdain ?
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 5.
33 Tu ne veux pas me dire ce que tu as.
Molière, l'Amour médecin, I, 2.
34 — Qu'est-ce donc ? Qu'avez-vous, Martine ? — Ce que j'ai ?
— Oui. — J'ai que l'on me donne aujourd'hui mon congé.
Molière, les Femmes savantes, II, 5.
35 Qu'avez-vous donc, dit-il, que vous ne mangez point ?
Je vous trouve aujourd'hui l'âme toute inquiète,
Et les morceaux entiers restent sur votre assiette.
Boileau, Satires, III.
35.1 Je n'aime pas quand on doit deviner tout seul ce que peuvent bien avoir les gens, dit-il. Les gens qui ne vous aident pas (…)
M. Duras, les Petits Chevaux de Tarquinia, p. 69.
♦ Emploi négatif. || Il, elle n'a rien : il, elle n'est pas blessé(e), n'a pas de maladie. || Il est tombé du sixième étage, et il n'a rien eu. || Il dit qu'il est malade, mais en fait il n'a rien.
♦ (Se dit aussi des choses qui ne marchent pas). || Qu'est-ce qu'elle a, cette radio ? || La voiture a sûrement quelque chose.
5 a ☑ En avoir à, contre, fam. après (qqn), employé surtout en phrase interrogative ou dubitative : être mécontent de… ⇒ Prendre (s'en prendre à), vouloir (en vouloir à). || Je ne sais contre qui, après qui il en a. || À qui, contre qui en avez-vous ?
35.2 Que veut dire cela ? à qui en avez-vous ?
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, I, 3.
35.3 En face, sur le trottoir, la foule s'attroupait, se retournait, pour voir à qui en avait ce grand diable, habillé de coutil jaune.
Zola, Son Excellence Eugène Rougon, t. I, p. 105.
♦ Absolt. ☑ Loc. En dépit que j'en aie, malgré qu'il en ait, quoi qu'il en ait.
♦ ☑ Loc. En avoir gros sur le cœur. ☑ En avoir de bonnes. || Tu en as de bonnes, toi !
♦ ☑ Loc. fam. En avoir jusque-là. ☑ En avoir assez, plus qu'assez. ☑ En avoir marre. ☑ En avoir ras le bol, ras le cul (vulg.). ☑ En avoir plein le dos, plein les pattes.
35.4 — Oh là là, j'en ai jusque-là. J'espère que tu vas liquider tout ça en vitesse ! s'écria brusquement Jeannet qui n'avait consenti à venir que sur les instances de Marie, restée seule en clinique.
Hervé Bazin, Cri de la chouette, p. 287.
b ☑ En avoir pour (suivi d'un nom exprimant le temps) : avoir besoin de, mettre (un certain temps) pour une action.
35.5 Stève avait pensé qu'ils en avaient pour dix ans au moins avant de revoir une rue, un trottoir.
G. Simenon, Feux rouges, p. 61.
6 (Sujet et compl. n. de personne).
a (Se dit des relations de parenté, de hiérarchie, d'affection, etc.). Être en relation avec (une personne caractérisée dans sa relation avec le locuteur). || Avoir un père, une mère. || Avoir encore son père. || Avoir un mari, une femme. || Ils ont trois enfants. || Elle a encore ses grands-parents. || Avoir un amant, une maîtresse, des amis. || Avoir qqn (n'avoir personne) dans sa vie : avoir un amant, une maîtresse (n'en avoir pas). || Avoir un bon médecin. || Avoir un chef, des employés, des domestiques. || Il a deux cents ouvriers. || Il a une bonne.
36 Tout marquis veut avoir des pages.
La Fontaine, Fables, I, 3.
37 (Je puis) D'un vieux parent que j'ai vous offrir la maison.
Molière, l'Étourdi, II, 7.
38 (…) Regardez l'honnête homme de père
Que vous avez du Ciel, comme on le considère.
Molière, l'Étourdi, I, 7.
39 Elle a un fils du roi (…)
Mme de Sévigné, 216.
40 Elle n'a que vous seul. Vous êtes en ces lieux
Son père, son époux, son asile, ses dieux.
Racine, Iphigénie, III, 5.
♦ (Dans quelques contextes). Pouvoir bénéficier de l'aide, des soins, etc., de (qqn). || S'il (si elle) ne l'avait pas (sa femme, son mari, son ami, etc.), je me demande comment il (elle) ferait. || Heureusement que je vous ai; je n'ai que vous (comme ami, comme appui).
40.1 Je t'ai toujours considéré comme un imbécile, dit Léonie. Tu manques de dignité. Si tu ne m'avais pas eue, tu te serais fait rouler par tout le monde.
R. Queneau, Pierrot mon ami, éd. L. de Poche, p. 29.
40.2 Depuis plus de vingt ans, je leur fais une vie facile à ces trois-là. Ils peuvent s'estimer heureux de m'avoir.
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 189.
♦ Avoir qqn pour… (suivi d'un nom qualifiant un type humain et une relation). || Je l'ai pour ami, pour chef, pour complice. || Il a pour fils un parfait idiot. — Avoir comme. || Avoir qqn comme secrétaire.
b Avoir qqn (chez soi), le recevoir. || J'ai mon frère ce soir. || J'ai du monde à dîner. || Nous avons eu telle personne à notre soirée.
40.3 Risler s'excusa de son mieux. Il s'était attardé chez lui, Sidonie avait du monde.
Alphonse Daudet, Fromont jeune et Risler aîné, p. 114.
c Avoir qqn, l'avoir avec soi. ⇒ Garder. → ci-dessous, II., 2.
41 (…) tu ne partiras plus, tu ne retourneras plus dans cette sale Indochine, je t'ai, je te garde.
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 427.
d Avoir qqn (chez soi, pour travailler). || Nous avons les peintres jusqu'à demain.
e Être en communication avec. || Avoir qqn au téléphone, au bout du fil. || J'ai appelé trois fois, je n'ai pas pu l'avoir. || Puisque je vous ai…
7 (Sens impersonnel). || On a, vous avez, tu as…, il existe, il se trouve (→ Il y a, ci-dessous IV). || Nous avons, vous avez des gens qui… || On n'a que lui qui… || Tu as aussi le cas inverse.
♦ Fam. || J'ai ma mère qui doit venir me voir, ma mère doit…
42 On n'a que lui qui puisse écrire de ce goût.
Molière, les Femmes savantes, III, 2.
43 Vous avez, Monsieur, un certain M. de Pourceaugnac qui doit épouser votre fille.
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, II, 2.
44 Nous avons aussi mon neveu le chanoine qui a pensé mourir de la petite vérole.
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, I, 4.
45 Quant au raisonnement du mariage, vous avez deux savants, deux philosophes vos voisins, qui sont gens à vous débiter tout ce qu'on peut dire sur ce sujet.
Molière, le Mariage forcé, III.
♦ (Emploi ostensif; langue parlée.) || Vous avez : vous voyez. ⇒ Voici, voilà, et → ci-dessous, IV., il y a. || À droite, vous avez un nouvel hôtel. — Var. || Tu as…, on a… || Derrière la maison, tu as le jardin.
8 ☑ Loc. N'avoir que faire de (qqn, qqch.) : ne pas avoir besoin de; ne savoir que faire de.
46 Nous n'avons que faire de mes livres, ici, Vial.
Colette, la Naissance du jour, p. 169.
9 ☑ Avoir… pour (vx ou littér.) : considérer comme, tenir pour. || Avoir qqn pour suspect. || Je l'ai pour le dernier des lâches (vx). || Avoir pour agréable (cit. 4 et 5). || Il ne fera cela qu'autant que vous l'aurez pour agréable (Académie).
♦ ☑ Avoir (qqch.) pour… || Avoir pour but la réussite, de réussir. || Avoir qqch. pour objet, pour résultat. — Avoir pour habitude de…
10 (Dans certaines loc.). ☑ Avoir (qqn, qqch.) en… (et subst. non déterminé). || J'ai en horreur la salade. || Il avait son collaborateur en estime.
♦ ☑ Fam. Avoir qqn dans le nez.
11 ☑ Loc. Avoir (et adj.).
♦ Régional (Belgique et diverses régions de France). || Avoir bon : trouver bon, agréable. || Avoir mauvais (→ La trouver mauvaise). || Il aurait meilleur de (et inf.) : ce serait mieux pour lui de… || Avoir facile, avoir difficile de…, à… (et inf.). || Avoir dur de…
47 Là-bas, quand nous éprouvons une certaine satisfaction, nous disons : J'ai bon !
Henriette Grosjean pseudonyme de Hubert-Joseph Évrard, À Liège, il y a quarante ans, t. II, 1877, p. 128.
47.1 Diogène aurait bien difficile à trouver un homme.
Julos Beaucarne, Écrit pour vous, 1975, p. 17.
———
II (Dynamique).
1 a Entrer en possession de. ⇒ Obtenir, procurer (se). || J'ai eu ce livre chez un bouquiniste. ⇒ Acheter, acquérir. || Il a eu cette maison à bon compte. || Il a eu son bachot, il a été reçu. || Avoir un prix. ⇒ Recevoir, remporter. || Avoir des éloges. || Vous aurez des compensations. || Avoir une communication téléphonique. || Il n'a pas eu son train. ⇒ Attraper. — (Abstrait). || Vous avez la parole.
48 (…) une multitude de gens (…) qui crient en musique pour en avoir (des livres).
Molière, le Bourgeois gentilhomme, Ballet des Nations, Première entrée.
49 Enfin, à force de battre le fer, il en est venu glorieusement à avoir ses licences.
Molière, le Malade imaginaire, II, 5.
♦ Avoir qqch. en échange de… || On n'a rien pour rien. || J'ai eu ce livre, cette voiture pour presque rien, pour pas grand-chose. || Avoir un objet pour X francs.
♦ ☑ En avoir pour : avoir, obtenir une quantité d'une chose moyennant… || Il en a eu pour cent francs. — En avoir pour son argent. ☑ Il en a eu pour son argent : il a eu suffisamment, normalement pour son argent; il a fait une affaire avantageuse. || On en a pour son argent : la chose vaut son prix. → On n'est pas volé.
♦ Spécialt. || Avoir un enfant (le sujet désigne la mère ou, collectivt, les parents). || Ils ont eu un bébé l'an dernier. || Elle a eu un fils de son mari, de son amant. || « Elle a un fils du roi » (→ ci-dessus, cit. 39).
♦ (Sujet n. de chose). || La voiture a eu un accident. || Son roman a eu, n'a pas eu de succès.
50 Il raconte une autre fois quels applaudissements a eus un discours qu'il a fait dans le public.
La Bruyère, les Caractères de Théophraste, Du grand parleur.
♦ ☑ Loc. prov. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, une chose obtenue vaut mieux que deux choses promises.
51 Un Tiens vaut, ce dit-on,
Mieux que deux Tu l'auras.
La Fontaine, Fables, V, 3.
b Recevoir (un coup, un projectile). || Il l'a eu en plein sur le nez. — ☑ Loc. vulg. (métaphore de la sodomie). L'avoir dans le baba, dans le cul, (→ être eu, ci-dessous, 3.).
2 ☑ Avoir qqn, l'obtenir pour soi, garder avec soi. || Je la veux, je l'aurai (→ ci-dessus, cit. 41, dans un sens voisin, mais distinct). Spécialt. || Avoir une femme, la posséder physiquement. || Avoir un homme.
52 (…) Venez dire résolument à votre père, que si vous ne l'avez (Cléonte), vous ne voulez épouser personne.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 12.
53 (…) pourvu que j'obtienne un bonheur si charmant,
Pourvu que je vous aie, il n'importe comment.
Molière, les Femmes savantes, V, 1.
54 Je n'ai jamais désiré que vous pour amant, et je ne vous ai pas eu.
Th. Gautier, Mlle de Maupin, I.
55 Les débauchés (…) ne disent pas : « Cette femme m'a aimé »; ils disent : « J'ai eu cette femme (…) ».
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, V, 4, p. 291.
3 Fam. || Avoir qqn, le tromper, le vaincre. || Courage, on les aura ! ⇒ Battre, vaincre. || Il nous a bien eus. ⇒ Posséder, rouler; (fam.) baiser, dedans (mettre dedans). || Se laisser avoir, se faire avoir. → Être bon (infra cit. 59), être bonard. || Je vous aurai au tournant. || Ils ont été eus jusqu'au trognon, jusqu'à l'os. Syn. vulg. : l'avoir dans le cul (ci-dessus, 1., b). — Par plais. (barbarisme). || Il s'est fait eu.
56 Il (le guichet) nous attend, comme une trappe, comme un piège. Il nous aura, comme il nous a si copieusement eus déjà.
G. Duhamel, Récit des temps de guerre, Entretiens dans le tumulte, XXXI.
56.1 « (…) Mathieu ne peut pas seulement mettre son nez à la fenêtre qu'on ne dise : “Cette fois, Arsène ne s'en tirera pas, Mathieu va l'avoir.” Hé bien, quoi, c'est moi qui l'ai eu. »
Bernanos, Nouvelle histoire de Mouchette, in Œ. roman., Pl., p. 1284.
56.2 J'eus immédiatement honte de ce que je prenais pour de la dureté en moi, et qui était méchanceté, vengeance à l'égard d'un gosse qui venait de « m'avoir ».
Jean Genet, Miracle de la rose, p. 84.
57 Trois jeunes Français barbus, soucieux de ne pas « se faire avoir », discutaient le prix du passage avec une arrogance qui couvrait mal leur avarice (…)
S. de Beauvoir, la Force de l'âge, p. 315.
♦ Par ext. Attraper (qqch. ou qqn). || Je vise, je tire; je l'ai eu ! ⇒ Toucher. S'oppose à rater.
———
III ☑ Avoir à… (et inf.). Verbe auxiliaire de mode. (XIe).
1 Être dans l'obligation de. ⇒ Devoir. — (Avec un compl. dir.). || Avoir des lettres à écrire. || Je n'ai rien à faire. || Il a sa famille à nourrir. || Sans avoir à s'en occuper. || Vous n'avez qu'un instant à attendre.
58 Nous avons maintenant autre chose à conclure.
Molière, les Femmes savantes, V, 3.
59 Elle aurait fort à faire, et ses soins seraient grands
D'avoir à déterrer le mérite des gens.
Molière, le Misanthrope, III, 5.
60 J'ai à vous dire que je vous abandonne à votre mauvaise constitution (…)
Molière, le Malade imaginaire, III, 5.
61 J'ai à vous prier d'une chose qu'il faut absolument que vous m'accordiez.
Molière, la Princesse d'Élide, IV, 3.
62 Vous avez à combattre et les dieux et les hommes (…)
Racine, Iphigénie, V, 3.
2 Avoir la possibilité, l'occasion de. ⇒ Pouvoir. || Il n'a rien à dire. — (Sans compl. dir.). || Elle n'a pas à se plaindre.
63 Vous avez à vous plaindre (…)
Molière, le Misanthrope, III, 5.
64 Et contre ce témoin on n'a rien à répondre.
Molière, le Misanthrope, IV, 3.
65 Hé quoi ? n'avez-vous rien, Madame, à me répondre ?
Racine, Mithridate, II, 4.
♦ (Sans compl. dir). Par ellipse. || J'ai à faire : j'ai qqch. à faire. — Avec un v. intr. (ou trans. indir.). || J'ai à vous parler.
♦ Avoir à faire (telle chose) de…, pouvoir utiliser à… || Qu'avons-nous à faire de cela ! — Cour. et fam. || J'en ai rien à faire ! (plus cour. à foutre !).
65.1 (…) le Don Juan (…) pensant dans sa fatuité, son orgueil : « Encore une. Mais qu'est-ce que j'en ai à faire ? »
Claude Simon, le Vent, p. 57.
♦ ☑ N'avoir qu'à : avoir seulement à. || Vous n'avez qu'à tourner le bouton pour allumer (→ ci-dessous, il n'y a qu'à…). || Il n'a qu'à (fam. il a qu'à) bien se tenir ! || Ils n'ont (fam. ils ont [izɔ̃]) qu'à s'en aller. — (Valeur d'impératif, à la 2e pers.; → cit. 66 et 69). || Tu n'as qu'à (fam. t'as qu'à [taka]) partir, si tu n'es (t'es) pas content ! || Vous n'aviez qu'à faire attention : vous auriez dû faire attention. — N'avoir plus qu'à : ne plus avoir d'autre solution que…
66 Vous n'avez qu'à y venir, je vous promets que vous serez reçu comme il faut.
Molière, George Dandin, I, 6.
67 (La nuit) N'a plus qu'à plier tous ses voiles.
Molière, Amphitryon, I, 3.
68 (…) Si je n'avais qu'à former des désirs (…)
Molière, le Misanthrope, I, 1.
69 Vous n'avez qu'à marcher de vertus en vertus.
Racine, Britannicus, IV, 3.
70 Crois-tu qu'un juge n'ait qu'à faire bonne chère ?
Racine, les Plaideurs, I, 4.
70.1 L'origine de tous les maux politiques doit s'attribuer à ces fortunes immenses, accumulées sur quelques têtes (…) Tout état qui favorisera par ses loix cette injuste disproportion, n'a qu'à étendre son code pénal.
L. S. Mercier, Tableau de Paris, t. I, p. 41-42 (1782).
70.2 — Il mérite une raclée, dit la bonne, il a foutu de la sauce plein la nappe.
— Il a eu raison, dit Diana, ils n'ont qu'à pas mettre de nappe. Une nappe ici, c'est de la folie.
M. Duras, les Petits Chevaux de Tarquinia, p. 59.
———
IV ☑ (XVIe). Il y a [ilja] fam. [ja] (parfois écrit y a). Expression impersonnelle servant à présenter une chose comme existant. || Il y a de l'argent, des billets dans le portefeuille. || Hier il y avait du brouillard, aujourd'hui il n'y en a pas, plus. || Derrière la poste, il y a un café (→ ci-dessus, vous avez, infra cit. 45). || Il y avait de quoi manger. || Il pourrait y en avoir beaucoup. — ☑ Prov. « Quand il y en a pour un, il y en a pour deux ». ☑ « Quand il y en a pour deux, il y en a pour trois » : on peut toujours partager avec un nouvel arrivant non prévu. — Combien de personnes y aura-t-il ? || Il y avait beaucoup de monde. || C'est un homme comme il y en a peu, comme il n'y en a plus. || Il y a des gens qui disent… || Il y en a (des gens) qui vont jusqu'à prétendre que… || Que peut-il y avoir, qu'est-ce qu'il peut y avoir dans cette armoire ? ⇒ Trouver (se). — Il n'y a pas que lui : il n'est pas le seul. — Il n'y a pas plus gourmand que ce gosse. — (Suivi de à et l'inf.). || Il y a beaucoup à gagner. || Il y a gros à parier que… || Il y a de la folie à prétendre que…
71 Il y a des gens qui n'auraient jamais été amoureux s'ils n'avaient jamais entendu parler de l'amour.
La Rochefoucauld, Réflexions et maximes, 136.
72 Il y a fort à gagner à fréquenter vos nobles.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 3.
73 Il y aurait de la folie à douter d'une vérité si universellement reconnue (…)
Boileau, Réflexions critiques sur Longin, Traité du sublime, 32.
74 Quelle convention peut-il y avoir entre Jésus-Christ et Bélial, et comment peut-on accorder le temple de Dieu avec les idoles ?
75 Ce qu'il y a eu en lui de plus éminent, c'est l'esprit qu'il avait sublime (…)
La Bruyère, les Caractères, I.
76 Il y a parler bien, parler aisément, parler juste, parler à propos.
La Bruyère, les Caractères, V, 23.
77 Que penses-tu d'une pareille dame ? — Je pense, Monsieur, que c'est une femme comme il n'y en a point. Quel bonheur pour vous de l'avoir.
A. R. Lesage, Gil Blas, X, 12.
78 Il faut convenir que ces Juifs sont des hommes comme il n'y en a point.
Diderot, Nouvelles maximes philosophiques, 25.
79 Il n'y a de vrai que la richesse.
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, I, 2.
80 (…) il n'y a pas plus puritain que certains de leurs libres-penseurs…
Gide, les Faux-monnayeurs, p. 81.
81 Il n'y a de purs que l'ange et que la bête.
Valéry, Mon Faust, p. 126.
81.1 La joie se balançait tout au long des hauteurs et le long des vallées
Aux arbres y avait la feuille et le bouton
Aux champs y avait l'herbe la vache et le mouton
Aux cieux y avait l'oiseau et de doux mirlitons
Aux murs y avait l'lézard et le colimaçon
À la ville y avait l'homme avec une chanson
R. Queneau, Chêne et Chien, « La fête au village », p. 87-88.
♦ ☑ Loc. fam. Quand il n'y en a plus, (il) y en a encore : il y en a toujours, c'est inépuisable.
81.2 (…) tâchez de les bien régaler à leur gré de châtaignes dorées sous la braise, en les arrosant largement de vin blanc doux, frais sorti de la cuvée, et qui mousse comme un charme. Quand il n'y en aura plus, il y en aura encore (…)
Charles Nodier, Contes, p. 386.
♦ Il n'y a pas… que, qui… (suivi du subj. ou de l'indic. [certitude]).
82 Il n'y a point de père qui puisse me contraindre.
Molière, les Fourberies de Scapin, I, 3.
83 Je pensais qu'il n'y eût que nous qui en fussions capables.
Molière, le Sicilien, XV.
84 Il n'y a point de vice qui n'ait une fausse ressemblance avec quelque vertu (…)
La Bruyère, les Caractères, IV.
85 Il n'y a pas le moindre doute que nous ne pouvons plus vivre ensemble.
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, V, 6.
86 Il n'y a pas de doute que la famille ait joué sa partie dans les combats pour la France.
87 Il n'y avait pas jusqu'aux domestiques qui ne montrassent un zèle inusité à me servir.
♦ Il n'y a pas de… sans… || Il n'y a pas de roses sans épines.
♦ Il y a… et…, pour exprimer des différences de qualité. || Il y a champagne et champagne, il en est de bon et de mauvais.
87.1 Ensuite, j'ai compris que cela n'était rien, qu'il y avait amis et amis (…)
Roger Peyrefitte, les Amitiés particulières, p. 153.
♦ Il y a de quoi : il y a une raison valable. || Il a eu peur, mais je t'assure qu'il y avait de quoi. || Il y avait de quoi attraper une insolation. — Il n'y a pas de quoi (remercier), formule de politesse, réponse à un remerciement. — Qu'est-ce qu'il y a ? : que se passe-t-il ? ⇒ Passer. || Il y a que tout le monde proteste. || Il y a, il doit y avoir qqch. || Il y a qqch. qui ne va pas.
88 Oh sus ! mon fils, savez-vous ce qu'il y a ? C'est qu'il faut songer, s'il vous plaît, à vous défaire de votre amour.
Molière, l'Avare, IV, 3.
♦ ☑ Loc. fam. (souvent iron.). Tout ce qu'il y a de (et adj.) : tout à fait, ce qu'on fait de mieux dans le genre. || Une dame bien habillée, tout ce qu'il y a de chic. ⇒ Très.
88.1 J'avoue que je me plais beaucoup avec lui, tout ce qu'il y a de plus lié avec les La Rochefoucauld.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 666.
♦ ☑ Loc. fam. Comme il n'y (en) a pas : incroyablement, de façon inimaginable (→ Comme on n'en fait pas). || Il est pingre comme il n'y en a pas, comme il n'y a pas.
♦ ☑ Il y a… (suivi d'une indication de temps ou de distance). || Combien (de kilomètres) y a-t-il de Paris à Lyon ? || Combien y a-t-il de temps que vous ne l'avez vu ? || Il y a deux ans que je l'ai vu ou il y a deux ans que je ne l'ai vu. || Ses souvenirs d'il y a environ dix ans. || « Il y a longtemps que je t'aime, jamais je ne t'oublierai » (chanson). || C'était il y aura demain trois mois.
89 Il y a quelque temps que j'entends chanter à ma porte.
Molière, le Sicilien, IV.
90 La mode en est passée, il y a longtemps.
Molière, George Dandin, III.
♦ ☑ Il n'y a qu'à (et inf.) : il faut seulement, ou simplement (→ ci-dessus, III., 2., n'avoir qu'à…). || Il n'y avait qu'à les ramasser. (Formule). || Il n'y a qu'à (parlé : n'y a qu'à [njaka], y a qu'à [jaka]) : il suffit de…; cour. dans certains contextes (politique, etc.). || Il n'y a qu'à créer des emplois. || Y avait qu'à négocier.
♦ (Valeur d'impératif). || Il n'y a qu'à attendre : attendons.
♦ ☑ Il n'y en a que pour (lui, elle…) : il (elle…) prend beaucoup de place, on ne s'occupe, on ne parle que de lui (elle…).
90.1 (…) il faut que ce soit lui la vedette, qu'il parle, qu'il fasse la roue (…) Il n'y en a que pour lui (…)
N. Sarraute, le Planétarium, p. 27.
90.2 Pierre Lagarde prend le commandement de ses confrères; il n'y en a que pour lui; on dirait que c'est lui qui a élu Troyat.
Claude Mauriac, le Temps immobile, p. 61.
♦ Il n'y a pas de (suivi d'un mot ou d'un énoncé rapporté) : il est inutile de dire… || Il n'y a pas de « mais »; obéissez !
90.3 Coffrez-moi Blaireau. — Mais, monsieur le maire… — Il n'y a pas de monsieur le maire. Coffrez-moi Blaireau au plus vite.
A. Allais, l'Affaire Blaireau, p. 24.
♦ Fam. Vieilli. || Tant il y a; (vx) tant y a… : quoi qu'il en soit. || Je ne sais s'il a pris froid, tant y a qu'il est enrhumé.
91 Tant y a qu'il n'est rien que votre chien ne prenne (…)
Racine, les Plaideurs, III, 3.
♦ Fam. (sans il). || Y en a beaucoup. || Y en a qui sont contents. || Y en a, je te jure ! : il y a des gens (odieux, qui exagèrent, etc.).
♦ Y a, y en a et adj., s'emploie par plais. pour simuler un sabir. || Y a bon !
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V (Auxiliaire de temps). Auxiliaire servant à former, avec le participe passé, tous les temps composés des verbes transitifs, de la plupart des intransitifs, ceux de être et de avoir. || J'ai écrit. || Quand il eut terminé. || Vous l'aurez voulu. || Sans l'avoir voulu. — Auxiliaire de avoir lui-même. || Il a eu faim. || Quand il a eu fini. — (De être). || J'ai été heureux. || J'ai été dehors (équivaut à je suis allé).
92 Qu'est, ou plutôt qu'était le prétérit antérieur surcomposé ? Eh bien ! c'est un passé antérieur qui se conjugue avec un double auxiliaire avoir (…)
G. Duhamel, Discours aux nuages, p. 46 (→ Antérieur, cit. 6).
♦ (Avec des intransitifs). || Avoir marché. || Il a vécu.
REM. Certains verbes ont avoir et être pour auxiliaires. → Augmenter, baisser, changer, convenir, crever, croître, diminuer, disparaître, échouer, enlaidir, grandir, grossir, maigrir, paraître, prendre pourrir, vieillir.
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eu, eue p. p.
93 Les ennemis que j'ai eus à combattre, et les ennemis que j'ai eu à combattre. Il y a entre les deux locutions une distinction qui, quelquefois à peine sensible, l'est d'autres fois assez pour qu'on veuille choisir. Dans le premier cas, j'ai eu des ennemis, et je les ai combattus; dans le second, il m'a fallu combattre des ennemis.
Littré, Dict., art. Avoir.
94 Quelque course que précisément il avait eu à faire.
♦ Adj. Rare. || Les choses eues, possédées. — (Au sens II, 3). || Il est eu, possédé. || J'ai été eu : j'ai été trompé, dupé.
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CONTR. Manquer. — Abandonner, laisser, perdre, quitter.
COMP. Ayant cause, ayant droit. — Ravoir.
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2. avoir [avwaʀ] n. m.
ÉTYM. V. 1040; du v. avoir.
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1 Ensemble de ce qu'une personne (un groupe) possède. ⇒ Argent, bien, fortune, possession, richesse. || Il dilapide son avoir.
1 Devenue veuve, elle gérait avec une sévère économie son modique avoir.
France, le Petit Pierre, XVII, p. 105.
2 (…) le père dépense au cabaret tout son avoir.
Loti, Mon frère Yves, I.
3 L'héritage de son père, tout son avoir, avait été placé par Hirsch dans une huilerie qui, jusqu'ici, marchait à merveille et servait d'appréciables revenus.
Martin du Gard, les Thibault, III, 13.
2 (1689). Comptab. Partie d'un compte où l'on porte les sommes dues. || Le doit et l'avoir. ⇒ Actif, crédit. — Document attestant qu'un commerçant doit de l'argent à un client. || Se faire faire un avoir. || Je vous rembourse ou je vous fais un avoir ?
♦ Avoir fiscal : partie du dividende d'une valeur mobilière versée directement au fisc par la société émettrice, portée comme revenu sur la déclaration d'impôts, puis déduite de l'impôt brut.
4 (…) un régime d'avoir fiscal pourrait permettre aux entreprises d'imputer sur leurs dettes fiscales un certain pourcentage d'immobilisations, le bénéfice de cet avantage dépendant (…) de l'importance, de la nature et de la localisation des investissements.
J.-P. Courthéoux, la Politique des revenus, p. 56.
♦ Par ext. || Un avoir : la somme portée en avoir. || Son avoir a beaucoup diminué. || Votre avoir est de tant de francs.
3 Didact. (philos.). Le fait d'avoir, de posséder. || L'être et l'avoir.
5 L'essentiel de la politique marxiste c'est de créer les conditions économiques, sociales, politiques, pour que chaque homme soit un homme, un participant actif et conscient à la création continuée, et cela dans la lutte contre toutes les formes de l'avoir (propriété, État, idéologie) qui sont des aliénations de l'être.
Roger Garaudy, Parole d'homme, p. 258.
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COMP. Sans-avoir.
Encyclopédie Universelle. 2012.