concevoir [ kɔ̃s(ə)vwar ] v. tr. <conjug. : 28>
• 1130; lat. concipere « recevoir »
I ♦ (Le sujet désigne une femme) Former (un enfant) dans son utérus par la conjonction d'un ovule et d'un spermatozoïde; devenir, être enceinte. ⇒ conception. Concevoir un enfant. — Être conçu..., commencer son existence d'embryon. J'ai été conçu la nuit de Noël. Les enfants conçus dans la joie.
II ♦
1 ♦ Former (un concept). L'esprit conçoit les idées. — Absolt Pour concevoir, l'intelligence abstrait et généralise.
2 ♦ Didact. Avoir une idée, une représentation de. ⇒ comprendre, saisir. « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement » (Boileau). — Cour. Pronom. (pass.) Cela se conçoit facilement. Le pire qui se puisse concevoir. ⇒ concevable.
♢ Se former une idée de; imaginer. ⇒ envisager, se représenter. « Je suis incapable [...] de concevoir le journalisme autrement que sous la forme du pamphlet » (Bloy). On ne pouvait pas concevoir qu'il manquerait de parole. ⇒ prévoir, supposer. Je conçois qu'il ne vienne pas, je le comprends. Je conçois que, sans vous, elles ne viendraient pas, je l'imagine.
3 ♦ Créer par la réflexion, la mise en œuvre des idées. ⇒ former, imaginer, inventer; conception. Concevoir un projet. ⇒ échafauder. Concevoir un vaste système de réformes. ⇒ construire, élaborer. — Cet équipement a été conçu pour la plongée sous-marine. Manuel conçu pour les élèves de 3e. « Ce film, je l'ai conçu et réalisé moi-même » (S. Guitry, « Le Roman d'un tricheur », film).— BIEN, MAL CONÇU : bien ou mal pensé. Un mécanisme, un appareil, un planning, un vêtement bien conçu. ⇒ astucieux (cf. fam. Bien foutu, bien ficelé). Appartement bien conçu, commode, bien distribué, bien agencé.
4 ♦ Littér. Éprouver (un état affectif). Concevoir de l'amitié, de la jalousie pour qqn. « Ses parents en conçurent une rage inouïe » (Bloy ).
5 ♦ AINSI CONÇU : rédigé, libellé comme je vais vous le dire. Un plan, un télégramme ainsi conçu.
● concevoir verbe transitif (latin concipere, prendre entièrement) Accomplir l'acte sexuel par lequel sera engendré l'enfant ; devenir enceinte, en parlant d'une femme. Élaborer quelque chose dans son esprit, en arranger les divers éléments et le réaliser ou le faire réaliser : Il a conçu une installation entièrement nouvelle. Se représenter par la pensée quelque chose de telle manière, en avoir telle idée, telle interprétation ; envisager quelque chose : Nous n'avons pas la même manière de concevoir les choses. Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement (vers de Boileau). Comprendre, saisir par l'esprit, admettre : Je conçois fort bien qu'on ait mal pris la chose. Se mettre à éprouver un sentiment, en particulier à la suite d'un événement quelconque : Concevoir des doutes sur un témoignage. ● concevoir (citations) verbe transitif (latin concipere, prendre entièrement) Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. L'Art poétique Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. L'Art poétique Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon Paris 1675-Paris 1755 Une idée sans exécution est un songe. Mémoires Horace, en latin Quintus Horatius Flaccus Venusia, Apulie, 65-Rome ? 8 avant J.-C. Pour une chose bien conçue, les mots s'offriront et couleront d'eux-mêmes. Verbaque provisam rem non invita sequentur. Art poétique, 311 ● concevoir (difficultés) verbe transitif (latin concipere, prendre entièrement) Conjugaison Comme recevoir. Construction 1. Concevoir que (+ indicatif) = se représenter par la pensée. Je conçois que la Terre est ronde. 2. Concevoir que (+ subjonctif) = admettre. Elle conçoit que cette musique déplaise. → comprendre. ● concevoir (synonymes) verbe transitif (latin concipere, prendre entièrement) Accomplir l'acte sexuel par lequel sera engendré l'enfant ; devenir enceinte...
Contraires :
- être stérile
Élaborer quelque chose dans son esprit, en arranger les divers éléments...
Synonymes :
- combiner
- créer
- échafauder
- imaginer
Se représenter par la pensée quelque chose de telle manière, en...
Synonymes :
- entendre
- voir
Comprendre, saisir par l'esprit, admettre
Synonymes :
- admettre
- entendre
Se mettre à éprouver un sentiment, en particulier à la...
Synonymes :
- éprouver
- nourrir
concevoir
v. tr.
d1./d Devenir enceinte, former (un enfant) en son sein. Concevoir un enfant ou, absol., concevoir.
d2./d Former dans son esprit, créer. Concevoir un projet. Syn. créer, imaginer, inventer.
d3./d Comprendre, avoir une idée de. Je ne conçois pas une telle étourderie.
⇒CONCEVOIR, verbe trans.
I.— PHYSIOL., souvent empl. absol. [Le suj. désigne une femme] Former un enfant en soi par fécondation d'un ovule par un spermatozoïde. Synon. devenir enceinte, grosse. Ce sein qui vous a conçu; une femme qui a passé l'âge de concevoir (Ac. 1835-1932). Or Cilinie était vieille et son mari Émilius était aveugle. Mais Cilinie, ayant conçu, mit au monde un fils (A. FRANCE, Vie de Jeanne d'Arc, 1908, p. 58). Fifine, aurait, quand je vagissais encore dans les langes, quitté l'auberge où elle m'avait, sans préméditation et à la sauvette, conçu des œuvres d'un anonyme (A. ARNOUX, Zulma l'infidèle, 1960, p. 14).
— Spéc., contexte théol. Stella. — Crois-tu que le Christ, Sauveur prédestiné, Conçu de l'Esprit saint, d'une Vierge soit né? (A. DUMAS Père, Caligula, 1837, IV, 2, p. 101). Le verbe s'est fait chair pour relever tes chutes, Une vierge a conçu, le monde s'est délié! (VERLAINE, Œuvres complètes, t. 2, Amour, 1888, p. 22).
— P. anal. [Le suj. désigne un animal femelle] Frère Luc (...) qui étudiait les mœurs des animaux, enseignait que la belette conçoit ses petits par l'oreille (A. FRANCE, La Révolte des anges, 1914, p. 230). Elle [la lamproie] arrive fécondée en avril et mai dans les eaux douces, sans que l'on sache comment elle s'accouple et conçoit (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 150).
— P. métaph. [Le suj. désigne un élément naturel, un phénomène de civilisation] On ne sait quelle ère de progrès foncier sera conçue dans ces épousailles géantes du sol et de l'industrie (PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1928, p. 112).
II.— Au fig., vocab. intellectuel et littér.
A.— [Le suj. désigne un être pensant, l'accent est mis sur l'activité abstractive de l'esprit] Former le concept, l'idée générale ou non d'un objet et, p. ext., se représenter un objet par la pensée. Synon. cerner, saisir, penser (emploi trans. dir.). C'est un axiome pour Descartes que toutes choses doivent être telles que notre entendement les conçoit clairement (COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances, 1851, p. 576). Les rapports de ces phénomènes [de la nature], vous ne les touchez pas, vous ne les voyez pas, vous ne les sentez pas; vous les concevez (V. COUSIN, Hist. gén. de la philos., 1861, p. 103). La science habitue les esprits à concevoir l'inconcevable (P. SCHAEFFER, À la recherche d'une mus. concr., 1952, p. 147) :
• 1. Ce goût de penser par larges ensembles se manifeste par l'aptitude à concevoir des idées générales, c'est-à-dire qui représentent, non plus tel ou tel objet, mais des groupes entiers et des séries.
P. BOURGET, Nouv. Essais de psychol. contemp., 1885, p. 266.
— Emploi abs. Concevoir et théoriser exigent une opération calme de l'esprit, qui est le « vice suprême » (J. PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, p. 169).
— [P. allus. littér. à la célèbre phrase de Boileau] Si M. Renan ne fait pas la toilette de sa personne, il fait du moins avec application celle de ses phrases. Il conçoit bien ce qu'il veut dire, mais les mots n'arrivent pas aisément (L. VEUILLOT, Les Odeurs de Paris, 1866, p. 298). L'oncle trouvait que cela n'avait ni queue ni tête et citait du Boileau : ,,Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement`` (MAURIAC, Le Mystère Frontenac, 1933, p. 112).
B.— P. ext. littér.
1. Synon. de comprendre.
a) Emploi trans. dir. Concevoir qqn ou qqc.
— Rare. Concevoir qqn. Qu'as-tu donc, Oscar? demanda cette pauvre mère blessée. Je ne te conçois pas, reprit-elle d'un air sévère en se croyant capable (...) de lui imposer du respect (BALZAC, Un Début dans la vie, 1842, p. 338).
— Concevoir qqc. Le port Bucarelli, du pilote espagnol Maurelle est dans cette partie : je n'ai rien conçu à sa carte, ni au discours qui devait l'éclaircir (Voyage de La Pérouse, t. 2, 1797, p. 224).
♦ Emploi abs. Il a l'esprit vif, il conçoit facilement (Ac. 1798-1932).
♦ Synon. de trouver naturel de, que qqc.; s'expliquer. — C'est votre père? dit Beauchamp; alors c'est autre chose; je conçois votre indignation, mon cher Albert... Relisons donc (A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 292). On conçoit la séduction que ce scepticisme mélangé à ce fanatisme exerce sur nos contemporains (J.-R. BLOCH, Destin du Siècle, 1931, p. 272).
— Emploi pronom. Se concevoir. C'est l'agiotage qui multiplie tous les dangers, et cela se conçoit parfaitement (N.-J.-B. BOYARD, La Bourse et ses spéculations mises à la portée de tout le monde, 1853, p. 397). En Belgique, le ministre socialiste Destrée a fait comprendre au Parlement que la restauration nationale ne peut se concevoir sans une restauration intellectuelle (La Civilisation écrite, 1939, p. 5215).
b) Constr. gramm. composées
— Concevoir (aisément, difficilement, fort bien, parfaitement) combien, comment, pourquoi + ind. Je ne conçois pas comment il s'est pu tirer d'une si mauvaise affaire (Ac. 1835, 1878). Tu ne m'as pas dit si tu avais donné ma lettre à Fersen. Je ne conçois pas pourquoi il ne m'a pas répondu (Mme DE STAËL, Lettres de jeunesse, 1787, p. 191) :
• 2. Le nombre des antimétabolites est considérable et, étant donné l'analogie de structure avec des composés biologiques servant de modèles, on conçoit combien les chimistes ont pu opérer de variations sur, en somme, pas plus de 4005 thèmes classiques...
R. SCHWARTZ, Nouveaux remèdes et maladies d'actualité, 1965, p. 181.
— Concevoir que + ind./subj. [pour exprimer un fait réel]. Je ne conçois pas qu'un homme sage puisse s'oublier jusqu'à (à ce point) (Ac. 1798-1878). Je conçois qu'il n'ait pas été satisfait de votre conduite (Ac. 1835-1932) :
• 3. — ... Tu n'es jamais allée au Tivoli de Soulanges (...) tu les verras là, les bourgeois! tu concevras alors qu'ils valent à peine l'argent qu'on leur soutire quand nous les attrapons!
BALZAC, Les Paysans, 1844-50, p. 205.
2. Synon. de imaginer.
a) Rare. Concevoir de + inf. Un pays où la grillade est inconnue, où l'on ne conçoit pas de cuire une viande autrement qu'à l'eau (AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, p. 191).
b) Concevoir comment + cond. Quoiqu'il fût inébranlable dans ses desseins, il ne concevoit pas comment il auroit le courage de lui ôter entièrement des illusions si nécessaires à son bonheur (Mme DE GENLIS, Les Chevaliers du Cygne, t. 3, 1795, p. 294).
c) Concevoir que + cond. / subj. [pour exprimer une possibilité ou un doute]. Il [Gobseck] abhorrait ses héritiers et ne concevait pas que sa fortune pût jamais être possédée par d'autres que lui (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 385) :
• 4. On conçoit qu'il pourrait s'établir une diplomatie régulière entre le parti socialiste et l'État, chaque fois qu'un conflit économique s'élèverait entre ouvriers et patrons : ...
SOREL, Réflexions sur la violence, 1908, p. 102.
3. P. méton. [Souvent précédé d'un subst. particularisant] Se faire ou avoir une représentation personnelle de quelque chose (cf. conception). Une façon, une manière (originale) de concevoir une tâche; concevoir qqc. comme; qqc. tel que le conçoit qqn. L'idée du beau pur, telle qu'il l'a émise dans son cours de 1819 et telle que je la conçois (FLAUBERT, Correspondance, 1846, p. 307). Hubert Van Eyck conçoit la peinture (...) comme un exposé de la théologie supérieure (TAINE, Philos. de l'art, t. 2, 1865, p. 20). Cette façon de concevoir les choses n'a rien qui puisse répugner à un chimiste, versé dans l'étude de sa science (M. BERTHELOT, Les Orig. de l'alchimie, 1885, p. 313). Je conçois le journalisme comme une sorte de journal à demi intime (MAURIAC, Journal 1, 1934, p. 3).
C.— [L'accent est mis sur le produit ou résultat de l'activité abstractive] Former ou créer dans son esprit une idée, un projet, une œuvre. L'unité du génie devait se reproduire dans une œuvre unique : la Divine Comédie fut conçue (OZANAM, Essai sur la philos. de Dante, 1838, p. 78). Le maréchal, qui n'avait qu'une poignée d'hommes, conçut un plan pour l'exécution duquel il lui aurait fallu trente mille soldats (CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, p. 595). L'artiste qui conçoit une affiche destinée à être utilisée seulement pour des panneaux peints (Arts et litt. dans la société contemp., 1935, p. 3019) :
• 5. ... en imprimant à l'œuvre le tempérament même de l'artiste qui l'a conçue et pétrie au feu de sa forge et à l'aide de son marteau.
F. FILLON, Le Serrurier, 1942, p. 41.
• 6. Dans cette vaste cour (50 mètres sur 40) le premier dispositif scénique que Jean Vilar conçut et réalisa avec l'aide de son jeune assistant Maurice Coussonneau bouleversait les dispositions habituelles.
M.-T. SERRIÈRE, Le T.N.P. et nous, 1959, p. 60.
— Concevoir de + inf. Ce républicain haineux [du Bousquier], enragé d'ambition, conçut de lutter avec le royalisme et l'aristocratie dans ce pays, au moment où ils y triomphaient (BALZAC, La Vieille fille, 1836, p. 398).
Rem. 1. Dans ce sens, concevoir est très souvent placé en oppos. paradigm. avec exécuter, construire, réaliser dans les mêmes modalités que abstrait et concret ou sujet et objet. 2. On rencontre ds la docum. quelques illustrations de la similitude entre le sens propre et le sens fig. de concevoir au moyen de l'image. Un esprit des deux sexes, d'autant plus fécond qu'il est pur, qu'il conçoit et enfante toujours dans la sphère des idées (MICHELET, Journal, 1856, p. 297). Il [Jordan] n'avait pu donner davantage [trois heures par jour], il ne valait que par sa volonté, sa ténacité, sa passion de l'œuvre qu'il portait, qu'il engendrait de toute sa bravoure intelligente, dussent les couches durer des années, quand il l'avait conçue (ZOLA, Travail, t. 1, 1901, p. 142). Son hésitation devant l'acte comme devant l'impression fait souvent avorter les grands projets que conçoit l'intellection (MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 298). Par ailleurs on dit couramment d'un projet conçu qu'il ,,a avorté``.
D.— P. ext., lang. littér., dans le domaine de l'affectivité. Concevoir un sentiment pour qqn. ou qqc. Sentir naître ou laisser se développer un sentiment en soi.
1. [L'obj. désigne un sentiment vrai ou de type passionnel ou un comportement] Concevoir de l'estime, du mépris, de l'orgueil, du respect (pour qqn ou qqc.). Ne concevez point une espérance que je vous refuse, et terminons cet entretien (LEMERCIER, Pinto, 1800, II, 2, p. 69). Chazal tint le pari et le gagna. Desrais en conçut de l'estime pour lui. Ils aimaient tous deux à montrer leur force (A. FRANCE, Le Vie en fleur, 1922, p. 425) :
• 7. « ... Que rien ne ternisse cet épisode de notre vie. En continuant ainsi, je pourrais vous aimer, concevoir une de ces passions folles qui font briser les obstacles, qui vous allument dans le cœur des feux dont la violence est inquiétante relativement à leur durée... » [Lettre à Modeste].
BALZAC, Modeste Mignon, 1844, p. 92.
2. [L'obj. désigne un sentiment diffus] Concevoir des craintes, des soupçons; qu'il me soit permis de concevoir quelque appréhension sur la façon de faire telle ou telle chose. Les bouchers conçurent quelque inquiétude, et les gens sages prirent de l'espérance (BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 3, 1821-24, p. 352). Comme, après quinze mois de mariage, son désir ne s'était point encore réalisé, elle conçut des doutes et devint pressante (MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, L'Héritage, 1884, p. 484).
Prononc. et Orth. :[()], (je) conçois []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. I. Ca 1120 physiol. (PH. DE THAON, Comput, 873 ds T.-L.). II. 1. 1120 « se représenter par la pensée » (ibid., 2540); 2. fin XIIe-début XIIIe s. « éprouver un sentiment » (S. GREGOIRE, Job, éd. Foerster, p. 325, 39); 3. fin XIIe s. « former dans son esprit, créer par l'imagination » (ST BERNARD, Sermons, éd. Foerster, p. 2, 36); 4. 1538 « exprimer en certains termes, rédiger » (EST.). Du lat. class. concipere (de cum et capere) proprement « prendre entièrement, contenir » d'où « concevoir un enfant »; fig. « concevoir une idée » et « assembler des mots en formule ». Fréq. abs. littér. :5 145. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 10 195, b) 5 611; XXe s. : a) 6 410, b) 6 316. Bbg. GOHIN 1903, p. 294.
concevoir [kɔ̃s(ə)vwaʀ] v. tr. [CONJUG. apercevoir.]
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I (Le sujet désigne une femme). Former (un enfant) dans son utérus par la jonction d'un ovule et d'un spermatozoïde; devenir, être enceinte. ⇒ Engendrer, féconder; conception. || Concevoir un enfant. — Absolt. || Femme qui ne peut plus concevoir, qui ne peut être enceinte, avoir un enfant.
1 Adam connut Ève, sa femme; elle conçut et enfanta Caïn (…)
Bible (Crampon), Genèse, IV, 1.
2 Les dettes (…) sont comme les enfants que l'on conçoit en joie,
Et dont avecque peine on fait l'accouchement.
Molière, l'Étourdi, I, 5.
3 Le Sacrement, je ne l'ignore pas, vous concède la permission de jouir de votre mari, et il serait téméraire de prétendre que l'acte par lequel vous allez peut-être concevoir un fils n'importe pas à la translation des globes.
Léon Bloy, la Femme pauvre, II, VI, p. 209.
4 Des enfants conçus dans de telles émotions, formés de ce sang et bercés par des récits d'un si ferme caractère hagiographique étaient prédestinés.
M. Barrès, la Colline inspirée, p. 24.
5 Si Jeanne avait été conçue à la fin de septembre, par exemple, en Périgord, au moment où l'on vendange le petit vignoble du domaine, et où se répand dans le château une lègère odeur de grappes foulées qui n'est pas désagréable à de jeunes époux, elle serait née en juillet dans les jours les plus accueillants de l'année.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, VIII, p. 122.
6 L'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari.
Code civil, art. 312.
♦ Théol. || Jésus-Christ a été conçu dans le sein de la Vierge Marie. || La Vierge Marie a conçu du Saint-Esprit.
7 Joseph, fils de David, ne crains point de prendre chez toi Marie ton épouse, car ce qui est conçu en elle est du Saint-Esprit.
Bible (Crampon), Évangile selon saint Matthieu, I, 20.
♦ (En parlant des animaux femelles). || Concevoir ses petits.
———
II
1 Didact. Former (un concept). || L'esprit conçoit les idées.
♦ Absolt. || Pour concevoir, l'intelligence abstrait et généralise.
8 Qui doute que les enfants ne conçoivent, qu'ils ne jugent (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 58.
9 Ma tête, pour concevoir et retenir les idées positives, est forcée de les jeter dans le domaine de l'imagination.
A. de Vigny, Journal d'un poète, p. 33.
10 Le Grec ne sait pas, comme le Romain, se subordonner à quelque grande unité, à une vaste patrie qu'on conçoit et qu'on ne voit pas.
Taine, Philosophie de l'art, t. II, IV, I, III, p. 112.
2 Cour. Avoir une idée claire de. ⇒ Comprendre, saisir. || Concevoir qqch. || Je ne conçois pas ce qu'il veut dire. — Vx. || Concevoir qqch., ne rien concevoir à qqch. ⇒ Comprendre (→ ci-dessous, cit. 12). — Concevoir qqch. mal, bien, clairement. — Pron. passif. (→ ci-dessous, cit. 14).
11 (…) ces traits font voir
Ce que l'esprit de l'homme a peine à concevoir.
Molière, la Gloire du Val de grâce.
12 (…) Ma foi ! je n'y conçois plus rien (…)
Racine, les Plaideurs, III, 3.
13 Nous ne concevons ni l'état glorieux d'Adam, ni la nature de son péché, ni la transmission qui s'en est faite en nous. Ce sont choses qui se sont passées dans l'état d'une nature toute différente de la nôtre, et qui passent l'état de notre capacité présente.
Pascal, Pensées, VIII, 560.
14 Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Boileau, l'Art poétique, I.
15 (…) il (l'artiste moderne) doit par un effort suprême, concevoir le comment et le pourquoi de ce qu'il exécute en vertu de son génie d'artiste, il doit, suivant la formule de Wagner, devenir « conscient de l'inconscient ».
Henri Lichtenberger, Richard Wagner, p. 41.
♦ Avoir une idée de; imaginer. ⇒ Envisager, représenter (se). || Concevoir qqch. de telle ou telle façon, comme…, sous la forme de… — Concevoir que (et le subj. ou le cond., plus rarement l'indic.) : comprendre, trouver naturel que. || Je conçois qu'il ne vienne pas, je le comprends; par ext., je l'admets. || On ne pouvait pas concevoir qu'il manquerait de parole. ⇒ Prévoir, supposer. || Je ne conçois pas cela, je ne peux pas l'imaginer.
16 Je ne concevrai jamais que ce que tout homme est obligé de savoir soit enfermé dans des livres (…)
Rousseau, Émile, IV.
17 Aussi je me console bien de déplaire à qui ne me plaît point, et je ne conçois guère pourquoi toutes ces belles filles, que je vois courtisées, sont coquettes avec tout le monde, comme si tout le monde était de leur goût.
G. Sand, la Petite Fadette, XIX, p. 131.
18 Or, je suis incapable, ceci est bien connu, de concevoir le journalisme autrement que sous la forme du pamphlet.
Léon Bloy, le Désespéré, IV, p. 165.
19 Entre homme et femme, l'amitié est un des plus délicats commerces qui se puissent concevoir (…)
Edmond Jaloux, le Jeune Homme au masque, VIII, p. 131.
20 Par lui-même il ne pouvait concevoir ni le scepticisme, ni surtout le manque de passion pour une vérité qu'on a reconnue.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, I, p. 22.
3 Créer par l'imagination. ⇒ Former, imaginer, inventer. || Concevoir un projet, un dessein. ⇒ Échafauder. || Cet ouvrage est bien conçu.
21 (…) je vais vous communiquer un projet que j'ai formé; un projet qui, sans contredit, est un des plus ingénieux que puisse concevoir l'esprit humain.
A. R. Lesage, Gil Blas, VI, I.
22 (…) la tâche d'un écrivain est de concevoir les passions, puisqu'il met sa gloire à les exprimer (…)
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 905.
N. B. Cet exemple joue sur les sens 2 et 3.
23 Il est impossible que deux têtes humaines conçoivent le même sujet absolument de la même manière (…)
Hugo, Littérature et Philosophie mêlées, Fantaisie.
♦ Rare. || Concevoir de faire quelque chose.
4 Littér. Commencer à éprouver (un état affectif). || Concevoir de l'amitié pour qqn. — Concevoir des craintes, des soupçons, des doutes, de l'inquiétude. ⇒ Éprouver, ressentir. — REM. À la différence du sens 2, l'objet, même rationnel, n'est ni net ni clair.
24 J'ai conçu pour mon crime une juste terreur (…)
Racine, Phèdre, I, 3.
25 On assure que ses parents en conçurent une rage inouïe, dont ses dents grincent encore (…)
Léon Bloy, le Désespéré, IV, p. 182.
——————
se concevoir v. pron. (passif).
♦ || Cela se conçoit facilement. || Le pire qui se puisse concevoir. ⇒ Concevable. — ☑ Allus. littér. (→ ci-dessus, cit. 14, Boileau).
——————
conçu, ue p. p. adj.
1 Des enfants conçus… (→ ci-dessus, cit. 4 et 6).
2 Chose conçue (par l'esprit). || Projet bien, mal conçu.
3 ☑ Loc. Ainsi conçu : rédigé, libellé comme suit. || Un plan, un télégramme ainsi conçu.
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CONTR. (Du sens I) Avorter. — Stérile (être).
DÉR. (Du sens II) Concevable.
COMP. (Du sens II, au p. p.) Préconçu.
Encyclopédie Universelle. 2012.