1. dalle [ dal ] n. f.
• 1319; mot norm., de l'anc. scand. daela « gouttière »
1 ♦ Plaque (de pierre dure, de marbre, etc.), destinée au pavement du sol, au revêtement. Dalle de marbre, de ciment. « De belles grandes dalles de granit gris » (A. Gide). Dalle funéraire : pierre recouvrant une tombe. — Techn. Dalle flottante : dalle de béton permettant de désolidariser le revêtement du sol de l'ossature d'un bâtiment. — Par ext. Dalle de moquette.
2 ♦ (XV e) Fam. Gorge, gosier (dans des loc.). Se rincer la dalle : boire. (1881) Avoir la dalle en pente : aimer à boire. — Avoir la dalle : avoir faim (⇒ casse-dalle) .
2. dalle (que) [ kədal ] loc.
• 1884; dail 1829 arg.; p.-ê. de daye dan daye (1644) refrain de chans.
♦ Fam. Rien. N'y voir, n'y entraver que dalle. ⇒ couic. — On écrit parfois que dal.
● Dalle pierre recouvrant la tombe.
dalle
n. f.
d1./d Plaque de matériau dur servant au revêtement d'un sol, d'un toit. Le sol était recouvert de dalles de marbre. Dalle funéraire: pierre tombale.
— Revêtement de sol en béton. Couler une dalle sur un sol de terre battue.
d2./d Fig., pop. Gorge, gosier. Se rincer la dalle: se désaltérer.
d3./d Arg. Que dalle: rien.
d4./d (France rég.) Fam. Avoir la dalle: avoir faim.
I.
⇒DALLE1, subst. fém.
A.— GÉOL. Plaque rocheuse, monolithe et lisse. Sur les dalles des rochers (...) des couleuvres (...) sifflaient avec douceur (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1408).
— En partic., ALPINISME. Plaque rocheuse assez lisse, d'inclinaison variable dont l'escalade présente des difficultés particulières. Franchir une dalle. La grande dalle qui annonce et fait gagner le repos du refuge Solway (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 268). La dalle, qui offre des prises petites et fines, exige du grimpeur plus de qualités d'équilibre et de contrôle de soi que de force et de rapidité (Gde encyclop. de la Montagne, Paris, éd. Atlas, 1977, n° 39).
B.— Usuel. Plaque de pierre ou de matière dure (béton, bois, céramique, fonte, terre cuite, verre, etc.) de faible épaisseur, à surface plane, utilisée pour paver des vestibules, les voies de communication réservées aux piétons, pour faire des revêtements de mur, pour couvrir les toitures en pente ou les terrasses etc. Dalle polie, rectangulaire, de fonte, de granit; un couloir pavé de dalles. Les solides constructions du cloître, dont les toits sont couverts de larges dalles qui les rendent invulnérables aux coups de vent, aux orages et à l'action du soleil (BALZAC, Langeais, 1834, p. 194). Il dit, en traversant le vestibule : — il y a une dalle de marbre qui bouge sous mon pied (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 132) :
• 1. La salle à manger, longue et basse, était revêtue de dalles de cuivre rouge, où se voyaient sertis des miroirs de cristal quadrangulaires : une dalle de cuivre massif constituait la table, ...
GRACQ, Au château d'Argol, 1938, p. 26.
SYNT. Dalle descellée, encastrée, glissante, inégale, lisse, lourde, plate, réfractaire, usée; dalle de grès, de schiste; les dalles du carrelage, de la chaussée, du chœur, du cloître, du corridor, du couloir, de la cour, de la cuisine, de l'église, du lavoir, de la morgue, du parvis, des quais, de la terrasse, du trottoir; des caniveaux recouverts de dalles; faire sonner les dalles sous ses pas.
♦ P. métaph. Des rides en rond soulevaient l'eau calme... le fretin giclait alentour, gerbée d'étincelles vite éteintes sous les dalles des nymphéas (GENEVOIX, Routes avent., 1958, p. 176).
— Rare, sing. à sens coll. Dallage. À sept heures du matin, pas un pied n'y fait retentir la dalle [sur le Boulevard] (BALZAC, Œuvres div., t. 3, 1850, p. 611). Elle [la lune] regardait à travers les meurtrières, et rayait de blanc la dalle harmonieuse des corridors (TOULET, Mar. Don Quichotte, 1902, p. 81).
C.— Spéc. Pierre tombale fermant une sépulture. Dalle funéraire, tumulaire; la dalle d'un caveau; les dalles du cimetière. Son tombeau est sous une grande dalle, à droite du maître-autel, devant la petite porte qui mène à la sacristie (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 157). La signature qui la scellait [la lettre], implacable comme une dalle mortuaire (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 339) :
• 2. Moines de Zurbaran, blancs chartreux qui, dans l'ombre,
Glissez silencieux sur les dalles des morts,
Murmurant des Pater et des Ave sans nombre,
Quel crime expiez-vous par de si grands remords?
GAUTIER, Poésies, 1872, p. 286.
— P. métaph. Une dalle pesante scellait les pauvres et les humbles dans leur ignorance, défense à eux d'apprendre, de connaître, de devenir les savants, les puissants, les maîtres (ZOLA, Vérité, 1902, p. 331).
D.— P. anal., vocab. techn.
1. ART CULIN. Tranche mince de poisson par opposition à darne, tranche de gros poisson (cf. Ac. Gastr. 1962).
— P. ext. Tranche de poisson. « Ayez une dalle de saumon, vous la marinez avec de l'huile, du persil... si la dalle est épaisse, il faut une heure pour la cuire » (VIARD, Cuisin. roy., 1831, p. 300).
2. CONSTR. Plaque de béton armé formant les planchers d'étage ou la couverture des maisons modernes (d'apr. DAVAU-COHEN 1972). Couler une dalle (Lar. Lang. fr.). Dès 1883, des dalles de béton armé constituent les planches incombustibles de la villa Madoux à Lombart-Zyde en Belgique (Arts et litt., 1936, p. 1003).
Rem. La docum. atteste aussi le sens arg. vx de « pièce de cinq ou six francs ». Synon. tune, argent. (Avoir) de la dalle au flaquet [dans le gousset] (cf. VIDOCQ, Mém., t. 3, 1828-29, p. 295).
Prononc. et Orth. :[dal]. Ds Ac. 1762-1932. Les éd. de 1694 et de 1740 ne donnant que le sens de ,,tranche de poisson`` pour lequel elles renvoient à darne. Étymol. et Hist. Cf. dalle2. Bbg. HUBSCHMIED (J.). Bezeichnungen für Kaninchen, Höhle, Steinplatte. In : [Mél. Jud (J.)]. Genève-Zürich, 1943, pp. 246-280.
II.
⇒DALLE2, subst. fém.
A.— Petite auge, conduit de bois ou de métal, tuyau ouvert servant à acheminer un liquide ou un matériau.
1. Région. ,,Réservoir plat à la base des toits, destiné à conduire l'eau jusqu'aux tuyaux de descente`` (ADELINE, Lex. termes art, 1884). Synon. gouttière (JOSSIER 1881).
2. DISTILL. ,,Bassin de cuivre par lequel le sucre passe de la chaudière à clarifier dans la chaudière à cuire`` (DUVAL 1959).
3. MAR. [Sur certains croiseurs cuirassés français]... on pratique les dalots, non plus dans le pont, mais dans la muraille, au ras des gaillards, on les prolonge sur le glacis et sur la cuirasse par un tuyau en tôle zinguée ou dalle (CRONEAU, Constr. nav. guerre, t. 2, 1892, p. 184) :
• 1. Aussitôt que l'équipage s'est retiré dans les chaloupes, un équipage d'une toute autre espèce s'empare du navire demi-submergé. Les plantes marines montent à l'abordage de toutes parts : elles entrent par les sabords, par les dalles, par les dunettes.
CHATEAUBRIAND, Fragments du Génie du Christianisme primitif, 1800, p. 198.
4. MEUN. Bief ou canal amenant l'eau à la roue d'un moulin (d'apr. Forest. 1946).
5. SYLVIC. Dalle humide. ,,Couloir en bois ou en métal pourvu d'un courant d'eau servant au transport des grumes par flottage. Synon. couloir de flottage`` (d'apr. Forest. 1946).
B.— P. anal., arg. et fam. Gorge, gosier :
• 2. Chercher une place au mois d'août, c'est la chose la plus altérante à cause des escaliers d'abord et puis des appréhensions qui vous sèchent la dalle à chaque tentative...
CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 355.
— Vx. Se laver la dalle du cou. Boire. J'ai du sable à l'amygdale Il faut s'arroser la dalle Du cou (RICHEPIN, Chans. gueux, 1876, p. 185).
— Se rafraîchir, se rincer, s'arroser la dalle. Boire. Arroser, rincer la dalle. Donner, payer à boire. — Viens boire un coup! Ce fut un délire. — Bravo! — qu'on y rince la dalle aux frais de la propagande! (ESTAUNIÉ, Vie secrète, 1908, p. 326). Que je l'accuserais [l'adjudant du bataillon] de prévarication, de couardise (...) de forfaiture pour se faire rincer la dalle par des deuxièmes classes qui avaient du pognon (CENDRARS, Main coupée, 1946, p. 151).
— Avoir la dalle en pente. Aimer boire. Ces boulots arides donnent soif et les coltineurs, chacun le sait, ont la dalle du gosier en pente (ARNOUX, Rhône, 1944, p. 287).
Prononc. et Orth. Cf. dalle1. Étymol. et Hist. 1. 1331 norm. « évier » (L. DELISLE, Actes norm. de la Chambre des Comptes, 31 ds R. Hist. litt. Fr., t. 9, 1902, p. 469) — 1611, COTGR., encore en usage en norm. (MOISY, DUM.); 2. 2e moitié XVe s. fig., fam. « gosier » (MOLINET, Faictz et dictz, éd. N. Dupire, II, p. 801, 89); 3. [indirectement attesté en 1319 par son dér. daller] 1676 « plaque servant à paver le toit d'un édifice » (FÉLIBIEN Dict., p. 553 ds IGLF). Terme d'orig. norm., prob. empr. (peut-être comme terme de mar., cf. dalot) à l'a. nord. daela « rigole pour l'écoulement des eaux à bord d'un navire »; FEW t. 15, 2, p. 50 b. Fréq. abs. littér. :1 119. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 191, b) 2 381; XXe s. : a) 1 851, b) 1 352. Bbg. LAMMENS 1890, p. 94. — QUEM. 2e s. t. 2 1971; Fichier. — SAIN. Sources t. 1 1972 [1925], p. 379; Sources t. 3 1972 [1930], p. 106. — STRAKA (G.). En Relisant Menaud, maître-draveur. In : [Mél. Imbs (P.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1973, t. 11, n° 1, p. 291. — VIDOS (B. E.). Profilo storico-linguistico dell'influsso del lessico nautico italiano su quelle francese. Archivum Romanicum. 1932, t. 16, p. 257.
III.
⇒DALLE, voir DAL.
1. dalle [dal] n. f.
ÉTYM. 1331, « évier »; mot normand, de l'anc. scandinave daela « gouttière ».
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———
1 Tablette peu épaisse (de pierre dure, de marbre…) destinée au pavement du sol, au revêtement. || Dalles d'église, de trottoir, de vestibule, de cuisine, du foyer. — Dalle funèbre, funéraire ou tumulaire : pierre recouvrant une tombe.
1 Chaque dalle de cette église est une dalle funéraire, et on a conscience que ce sol où l'on marche est plein d'ossements.
Loti, Figures et Choses…, « Messe de Minuit », p. 95.
2 Le maître des cérémonies s'inclina de nouveau, faisant sonner sous sa canne les dalles du parvis.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 274.
♦ Par métonymie. || La dalle : le dallage. || La dalle d'un couloir.
♦ Par métaphore. Hortic. || Une dalle de fleurs, de pelouse. ⇒ Massif.
2 Géol. Grande plaque de roche lisse.
3 Près du gîte d'étape, à peine sorties du sol, de belles grandes dalles de granit gris.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 812.
♦ Alpin. Plaque de roche lisse difficile à franchir.
3 Cuis. Tranche de poisson. || Une dalle de colin. ⇒ Darne.
4 Techn. Plaque (de béton armé, de ciment…) servant de plancher ou de couverture. Appos. || Plancher-dalle. — Dalle de verre.
♦ Phys. Plaque, élément plat.
4 Si l'on pouvait découvrir un moyen pour augmenter le rendement de la transformation d'énergie qui s'opère sur la dalle de l'anticathode, on améliorerait toutes les caractéristiques du tube de Coolidge, en supprimant ou diminuant le plus important des antagonismes qui subsistent dans ce fonctionnement.
G. Simondon, Du mode d'existence des objets techniques, p. 38.
5 (All. Thaler). Vx. Ancienne pièce de cinq francs. — Par ext. Argot anc. || De la dalle : de l'argent.
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II
1 Auget en bois, en métal, servant de conduit à un liquide. ⇒ Dalot.
♦ Spécialt (mar.). Gouttière sur le pont d'un navire destinée à conduire l'eau vers les dalots.
♦ Techn. Dans l'industrie sucrière, conduit ouvert ou bassin dans lequel passe le sucre (qui, à cause de sa consistance, ne peut s'écouler dans un conduit fermé).
♦ Loc. (sylv.). || Dalle humide : couloir de flottage.
2 (XVe). Par anal. ☑ Fam. Gorge, gosier (dans quelques loc.). Se mouiller, se rincer la dalle. ⇒ Boire. — ☑ (1881). Avoir la dalle en pente : aimer à boire.
♦ ☑ Avoir la dalle : avoir faim. → Avoir la dent.
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DÉR. (De I.) Daller. — (De II.) Daleau ou dalot.
COMP. (De II., 2.) Casse-dalle.
HOM. 2. Dalle.
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ÉTYM. 1884; dail, 1829 en argot, p.-ê. de daye dan daye (1644), refrain de chanson. → Tralala, lanlaire, etc.
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♦ Pop. ou fam. Rien. || N'y voir, n'y entraver que dalle : n'y rien voir, n'y rien comprendre. → Que couic, que pouic. || J'y pige que dalle à ce truc. || On y a gagné que dalle ! || Travailler pour que dalle, pour rien, sans rien gagner. — Interj. (exprimant qu'on se désintéresse de qqch., qu'on refuse…). || Que dalle !
1 Le synonyme populaire de rien, qui signifiait à l'origine « quelque chose », est aujourd'hui dalle, employé exclusivement, pendant longtemps, sous la forme restrictive : je (n') y vois que dalle, — la dalle étant le symbole plaisant de l'objet invisible, comme la tringle de l'objet introuvable.
A. Dauzat, l'Argot de la guerre, V, p. 133.
2 Pierrot, il entrave plus que dalle. Loin de le calmer, les précisions l'ahurissent. Les mots savants surtout, qui lui filent un complexe d'infériorité.
Albert Simonin, Hotu soit qui mal y pense, p. 41.
3 Qu'à son rapport à lui je ne comprends que dalle. Que je tiens à n'y rien comprendre; à l'énigme; sans histoire.
Hélène Cixous, Souffles, p. 88.
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HOM. 1. Dalle.
Encyclopédie Universelle. 2012.