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déborder

déborder [ debɔrde ] v. <conjug. : 1>
XIVe; de dé- et bord
I V. intr.
1Répandre une partie de son contenu par-dessus bord. Fleuve, rivière qui déborde à l'époque des crues. La baignoire déborde, ferme le robinet. Verre plein à déborder. Loc. fig. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, la petite chose pénible qui vient s'ajouter au reste et qui fait qu'on ne supporte plus l'ensemble (cf. La coupe est pleine).
Métaph. Cœur qui déborde, qui éprouve le besoin de s'épancher. « le silence est pénible lorsque le cœur déborde » (A. Gide).
Déborder de : être plein, rempli (d'un sentiment, d'un principe qui s'exprime dans le comportement). Déborder de vie, d'imagination, de tendresse, de reconnaissance. surabonder. Ce texte déborde de fautes. fourmiller, regorger.
2Se répandre par-dessus bord (contenu). couler, s'échapper. L'eau a débordé du vase. Les eaux du fleuve ont débordé. Le lait monte et déborde.
Fig. Faire déborder qqn, le pousser à bout au point de le faire sortir de lui-même. ⇒ se déchaîner, éclater, exploser (cf. Hors de soi).
II V. tr.
1(1636) (Concret) Dépasser (le bord), aller au-delà de. franchir . « le flot des maisons déborde, ronge, use et efface cette enceinte » (Hugo). Absolt Déborder en coloriant. Être en saillie, avancer sur (qqch.). empiéter. Cette maison déborde les autres, dépasse l'alignement.
(Abstrait) S'étendre au-delà de. Déborder le cadre de la question. dépasser. Une passion qui « déborde le métier et l'intérêt » (Romains).
Déborder le front ennemi, l'aile droite. contourner, dépasser, tourner. Déborder le service d'ordre. submerger.
2Détacher du bord. Déborder un drap, une couverture, les tirer du bord du lit, de dessous le matelas. — Mar. Déborder une embarcation, l'éloigner du bord du navire ou du quai où elle est accostée.
3Dégarnir de sa bordure. Déborder une jupe. Déborder un lit : tirer les draps, les couvertures de dessous les bords du matelas. ⇒ défaire. Par ext. Déborder un malade, un enfant. Pronom. Se déborder en dormant.
⊗ CONTR. Contenir. Border, reborder.

déborder verbe intransitif Se répandre hors des bords de son contenant : Rivière qui déborde de son lit. Être trop plein et ne plus pouvoir contenir quelque chose : La casserole déborde. Se manifester avec une extrême intensité : Sa joie déborde. Dépasser un bord, une limite (de tant), s'étendre au-delà : La pierre déborde de quelques centimètres. Supprimer, pendant la coupe d'un gant, les plis qui se forment au fur et à mesure qu'une tranche de peau est travaillée. En parlant d'un navire, s'en aller, s'éloigner. ● déborder (difficultés) verbe intransitif Construction 1. Déborder v.i. : la rivière déborde ; le lait bouillant déborde. 2. Déborder qqch v.t. : la terrasse déborde la maison ; votre allocution a largement débordé son sujet initial. 3. Déborder de v.t. ind. : elle déborde d'énergie, de joie de vivre ; cette mission déborde du cadre de mes fonctions habituelles. ● déborder (expressions) verbe intransitif Cœur qui déborde, qui a besoin de s'épancher, qui est plein d'un sentiment très vif. ● déborder (synonymes) verbe intransitif Dépasser un bord, une limite (de tant), s'étendre au-delà
Synonymes :
- mordre sur
- saillir
- sortir
Contraires :
- rentrer
En parlant d'un navire, s'en aller, s'éloigner.
Synonymes :
- appareiller
Contraires :
- aborder
- accoster
- amarrer
déborder verbe transitif Dépasser quelque chose (de tant), aller au-delà : La pierre déborde le mur de quelques centimètres. S'étendre au-delà d'une limite, d'un cadre : Votre développement déborde le sujet. Submerger quelqu'un, le dépasser au point de le rendre incapable de redresser la situation : La base syndicale a débordé la direction. Effectuer le débordement d'une troupe ennemie, d'une équipe adverse. Tirer les draps et les couvertures engagés sous les bords du matelas : Déborder un enfant, un lit. Écarter quelque chose du bord d'un navire. ● déborder verbe transitif indirect Avoir quelque chose en surabondance : Ses tiroirs débordent d'affaires. Avoir un sentiment, une qualité, etc., à un très haut degré, les manifester avec force : Déborder de joie.déborder (difficultés) verbe transitif Construction 1. Déborder v.i. : la rivière déborde ; le lait bouillant déborde. 2. Déborder qqch v.t. : la terrasse déborde la maison ; votre allocution a largement débordé son sujet initial. 3. Déborder de v.t. ind. : elle déborde d'énergie, de joie de vivre ; cette mission déborde du cadre de mes fonctions habituelles. ● déborder (synonymes) verbe transitif Dépasser quelque chose (de tant), aller au-delà
Synonymes :
- surplomber
déborder (difficultés) verbe transitif indirect Construction 1. Déborder v.i. : la rivière déborde ; le lait bouillant déborde. 2. Déborder qqch v.t. : la terrasse déborde la maison ; votre allocution a largement débordé son sujet initial. 3. Déborder de v.t. ind. : elle déborde d'énergie, de joie de vivre ; cette mission déborde du cadre de mes fonctions habituelles. ● déborder (synonymes) verbe transitif indirect Avoir quelque chose en surabondance
Synonymes :
- abonder
- foisonner
- fourmiller
- grouiller
- pulluler
- regorger
- surabonder
Contraires :
- manquer
Avoir un sentiment, une qualité, etc., à un très haut...
Contraires :
- se contenir

déborder
v.
rI./r v. intr.
d1./d Laisser son contenu se répandre par-dessus bord. Vase qui déborde.
|| Loc. fig. La goutte d'eau qui fait déborder le vase: l'événement, le fait qui rend insupportable une situation déjà très pénible.
|| Fig. S'épancher, manifester des opinions, des sentiments longtemps contenus. Laisser déborder son coeur.
|| Fig. Déborder de vitalité, de courage. Déborder de joie.
d2./d Se répandre par-dessus bord. Le lait a débordé de la casserole. Rivière qui déborde.
rII./r v. tr.
d1./d ôter le bord, la bordure de. Déborder un napperon.
d2./d Déborder des draps: tirer les bords des draps de dessous le matelas.
Par ext. Déborder un lit.
d3./d MAR Déborder une embarcation, l'éloigner de la coque d'un navire ou du quai où elle est accostée.
d4./d Dépasser les limites, le bord de. Cette pierre déborde l'autre de quelques centimètres.
Fig. Conférencier qui déborde le sujet annoncé.
d5./d MILIT, SPORT Dépasser en contournant. L'ennemi, l'adversaire a débordé notre aile.

⇒DÉBORDER, verbe.
I.— Emploi intrans.
A.— [Le suj. désigne un contenant]
1. [Gén. un cours d'eau] Dépasser brusquement les bords de son lit et répandre ses eaux. La rivière a (est) débordé(e) (d'apr. Ac. 1798-1932). Le fleuve, le ruisseau, le torrent déborde. Le fleuve enflé par eux, s'élève à gros bouillons, Et déborde dans les campagnes (FLORIAN, Fables, 1792, p. 37) :
1. Ils [les nuages] crèvent en torrents d'eau, tout déborde, la crue monte de minute en minute, au milieu du mugissement du vent, des grondements du tonnerre et du fracas aussi des arbres prodigieux qui s'écroulent.
PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1932, p. 104.
P. métaph. et au fig. La révolte au contraire [du ressentiment] fracture l'être et l'aide à déborder. Elle libère des flots qui, de stagnants, deviennent furieux (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 30) :
2. ... de sa voix sirupeuse. Durosier fait une conférence. Il est en verve; il déborde; et les mots coulent sur sa barbe, coulent, coulent...
GENEVOIX, La Boue, 1921, p. 101.
Le cœur déborde, il s'épanche. Son cœur débordait, pareil à une coupe pleine, et il était heureux (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 201).
2. P. ext. [Le suj. désigne un contenant quelconque] La baignoire, la casserole déborde. Comme on voit sur un brasier le vase d'airain fumer d'abord, frissonner, bouillonner et déborder ensuite (DUSAULX, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 14).
Proverbial et fig. Une goutte d'eau suffit pour faire déborder un vase plein; c'est la goutte (d'eau) qui fait déborder le vase. Un dernier fait ajouté à une longue série finit par lasser la patience. Une goutte fait déborder le vase et un ennui de détail peut faire éclater la colère que mille autres choses ont préparée, et accumulée (AMIEL, Journal, 1866, p. 510).
3. Au fig.
a) [Le suj. désigne une chose] Avoir en surabondance quelque chose. Les journaux débordaient de détails (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 764). Jardins qui débordent de vernis du Japon, de tilleuls et d'yeuses (GIONO, Voy. Italie, 1953, p. 70) :
3. Je n'en veux pour preuve que cet orgueil païen, dont ce poème [Booz endormi] est plein, dont ce poème déborde, dont ce poème regorge, cette aisance, cette plénitude charnelle, ce jeu, cette sorte d'amusement, ce défi constant dans l'expression même. Jamais un fleuve ne s'était autant amusé.
PÉGUY, Victor-Marie, comte Hugo, 1910, p. 754.
b) [Le suj. désigne une pers., l'obj. indir. un état, un sentiment qui se manifeste dans le comportement] Déborder de joie, d'enthousiasme. Elle débordait d'une telle félicité, que, cédant à son besoin d'expansion, elle se tourna vers Jacques, vers cet inconnu, pour lui sourire (ZOLA, Bête hum., 1890, p. 184) :
4. ... il lui fallait [à Henry] à toute force un ami, un confident, son cœur débordait de larmes contenues. Oh! qu'un mot de pitié l'eût rendu heureux, qu'une caresse l'eût délecté! ...
FLAUBERT, La 1re Éducation sentimentale, 1845, p. 95.
SYNT. Déborder d'allégresse, d'amertume, d'amitié, d'amour, de fureur, de gratitude, de haine, de tendresse; déborder de jeunesse, de vie.
Vieilli. Déborder en. [Indiquant la manière dont s'exprime le sentiment, l'état] Déborder en injures, en imprécations (Ac. 1932) :
5. ... je n'étais plus un homme, j'étais un hymne vivant, criant, chantant, priant, invoquant, remerciant, adorant, débordant en effusions sans paroles; ...
LAMARTINE, Raphaël, 1849, p. 162.
[P. ell. du compl. prép.] Se mettre en colère. Faire déborder qqn. Le voyant là debout, devant lui avec sa mine solennelle, insolemment impassible et froide, il [Napoléon devant Talleyrand] ne pouvait se contenir, il débordait. (SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, t. 12, 1863-69, p. 63).
B.— P. méton.
1. [Le suj. désigne le contenu liquide] Dépasser les bords de son contenant et se répandre. L'eau, le lait déborde. Oubliez le champagne au milieu des glaçons : laissez bouillonner sa mousse; laissez-la déborder et couler à longs flots sur le cou brun des bouteilles (SUE, Atar Gull, 1831, p. 18).
P. métaph. et au fig. La joie, la gaîté, la vie déborde. Ma passion déborda par des mots flamboyants (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 167). Ma jeunesse, longtemps contenue, déborda; mes sens déchaînés se prodiguèrent (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 1, 1834, p. 176).
MÉD. S'écouler brusquement avec intensité. Les larmes débordent; la bile déborde.
2. P. anal. [Le suj. désigne des pers. qui font irruption ou se répandent à la manière d'un fleuve en crue] Les ennemis recevaient des renforts, débordaient de partout (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 297) :
6. Le 9 mai, lendemain de la victoire, je me rendis à Notre-Dame pour le Te Deum solennel. Le cardinal Suhard m'accueillit sous le portail. Tout ce qu'il y avait d'officiel était là. Une multitude emplissait l'édifice et débordait aux alentours.
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 252.
II.— Emploi trans.
A.— Franchir, dépasser le bord de quelque chose.
1. Vieilli. [En parlant d'un cours d'eau] Que la Seine s'acharne Et déborde ses quais (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p. 39).
Emploi pronom. Le fleuve s'était débordé la nuit précédente (STAËL, Corinne, t. 3, 1807, p. 372).
2. Dépasser le(s) bord(s) d'une autre chose, des objets environnants. Cette pierre déborde l'autre de trois centimètres (Ac. 1932). Sa lèvre inférieure débordait un peu l'autre, à peu près comme dans son sommeil (MICHELET, Mémor., 1820-22, p. 216) :
7. Tous les jeudis soir on me menait chez ma tante. C'était là, dans cette petite rue, une vieille maison obèse qui débordait l'alignement de tout son ventre soutaché de balcons de fer.
GIONO, L'Eau vive, 1943, p. 42.
Absol. Cette frange déborde; la doublure de cet habit déborde (Ac. 1835, 1878). La dentelle qui déborde (MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p. 813).
Au fig. Dépasser ce qui avait été prévu, délimité. Déborder les frontières, les limites, le plan, le sujet. Ce livre débordera (...) deux volumes (HUGO, Corresp., 1859, p. 288). Déborder les cadres du contrat (cf. DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 192). Les attributs du Dieu chrétien déborderont en tous sens ceux du dieu d'Aristote (GILSON, Esprit philos. médiév., t. 1, 1931, p. 54). Intransitivement. Déborder du sujet, de son rôle :
8. ... ils [les Français] comprennent que vous ne voulez pas laisser la civilisation germanique déborder ses limites, briser d'anciennes digues et couvrir les territoires gallo-romains où elle ruinerait les plus précieuses cultures.
BARRÈS, Mes cahiers, t. 9, 1911-12, p. 168.
3. ART MILIT. Étendre son front de manière à dépasser les bords, c'est-à-dire les ailes, de l'armée ennemie pour l'attaquer sur les flancs et l'arrière, l'encercler. Être débordé par la droite, par la gauche. L'avant-garde de notre flotte débordait celle des ennemis (Ac. 1798-1932). Ils se développèrent sur une grande ligne droite, qui débordait les ailes de l'armée punique, afin de l'envelopper complètement (FLAUB., Salammbô, t. 1, 1863, p. 166).
P. anal., SP. Obtenir l'avantage par une manœuvre de contournement, faire un débordement. Déborder un adversaire. Absol. Bossis, monté à l'attaque, transmet la balle à Émon qui déborde et centre sur Pintenat (Onze, Compte rendu du match France-Tchécoslovaquie, n° 4, 27 mars 1976).
4. Au fig. [Le suj. désigne tout ce qui, à l'image du fleuve ou de l'ennemi, submerge, dépasse] La politique (...) nous déborde, elle nous ennuie, on la trouve partout (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 286).
Surtout au passif. Être dépassé (par les événements) au point d'être incapable de redresser la situation. Les chefs de l'émeute auraient voulu s'arrêter, mais ils furent débordés (Ac. 1932) :
9. Nous avons tous l'impression d'être débordés, d'être dépossédés, d'être désarmés, d'être joués... sans savoir comment ni par qui... Chacun fait ce qu'il a dit qu'il ne ferait pas; ...
MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 476.
B.— Éloigner, retirer du bord.
1. Déborder les draps, la couverture. En retirer les bords qui sont glissés sous le matelas. Déborder les draps et rejeter les couvertures (cf. GIDE, Caves Vatican, 1914, p. 702).
P. ext. Déborder un lit, un malade (cf. MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1281).
Emploi pronom. Cet enfant se déborde toujours (LITTRÉ). Chaque élève s'est glissé dans ses draps, comme dans un étui en se faisant tout petit, afin de ne pas se déborder (RENARD, Poil Carotte, 1894, p. 129).
2. MARINE
a) Déborder les avirons. Les retirer du bord et les rentrer à l'intérieur.
b) Déborder une embarcation, une chaloupe. La détacher du bord ou l'éloigner du bord du quai ou du navire et la pousser au large.
Absol. [Le suj. désigne l'embarcation, les pers. qui s'y trouvent] :
10. Au nom de l'équipage, il présenta à son honneur ses vœux pour le succès de l'expédition. Le canot déborda, et un tonnerre de hurrahs éclata dans les airs. En dix minutes, l'embarcation atteignit le rivage.
VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 2, 1868, p. 90.
À l'impér. Déborde, débordez. Ordre à la chaloupe de quitter le navire et d'aller au large (cf. amener ex. 19). Dès que l'embarcation touchera l'eau, aux avirons, débordez (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 235).
c) Emploi pronom. Se détacher du bord d'un vaisseau qu'on avait abordé. Anton. aborder. Nous fîmes tous nos efforts pour nous déborder (Ac. 1835-1932). Absol. Après l'abordage, il ne peut déborder (Ac. 1798-1932).
Rem. S'emploie dans le même sens pour les bois de flottage. Déborder les bois. Les écarter du bord. Les bois débordent, s'écartent du bord (cf. Nouv. Lar. ill.-Lar. Lang. fr.).
C.— Dégarnir quelque chose d'un bord, d'une bordure. Déborder une robe, un tapis.
1. MAR. Déborder un navire. Le dégarnir de ses bordages. Déborder une voile. En larguer les écoutes (qui tendent le bord inférieur de la voile). Anton. border une voile.
2. PEAUSS. Déborder des peaux. Étendre les bords d'une peau destinée à faire des gants. Racler les bords d'une peau en enlevant de l'épaisseur.
Rem. Qq. dict. mentionnent encore débordoir, subst. masc. (Peauss.). Outil tranchant servant à cet usage (cf. Ac. Compl. 1842, Lar. 19e-Lar. encyclop., LITTRÉ, DG).
3. TECHNOL. Déborder des tables de plomb. Rogner les bavures des bords d'une table de plomb.
Prononc. et Orth. :[], (je) déborde []. Ds Ac. 1694 et 1718, s.v. desborder; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. A. XIIIe s. escur desborder « dont le bord a été arraché » (BENOIT DE STE-MAURE, Le Roman de Troie, éd. L. Constans, 17165, var. mas. K pour desbocler); 1680 « ôter la bordure » (RICH.); 1863 déborder un lit (LITTRÉ). B. 1. XIIIe s. « se répandre par dessus les bords » [en parlant d'une rivière] (Arch. Nord B 1714, fol. 9 v° ds IGLF); 2. 1636 trans. déborder un mur « dépasser par les bords » (MONET); 1763 au fig. « dépasser » le sujet débordait l'ouvrage (LE MIERRE, La Peinture, Avent I ds GOHIN, p. 343); 3. 1491 desbordé « dissolu » (PH. DE COMMYNES, Mémoires, éd. J. Calmette, t. I, p. 209); 1541 se déborder en intempérance « se livrer sans frein à ses passions » (CALVIN, Instit., II, p. 42 ds HUG.). A dér. de border; préf. dé-. B dér. de bord; préf. dé-; dés. -er. Fréq. abs. littér. :1 394. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 285, b) 1 825; XXe s. : a) 2 495, b) 2 352. Bbg. GOHIN 1903, p. 343. — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 235.

déborder [debɔʀde] v.
ÉTYM. XIIIe; de 1. dé-, bord, et suff. verbal.
———
I V. intr.
1 (En parlant du contenant). Répandre une partie de son contenu (liquide) par-dessus bord. || Vasque, vase qui déborde. || Verre plein à déborder.
Loc. La coupe déborde : la mesure est à son comble. || Quand le vase est plein, il faut qu'il déborde.C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, la petite chose pénible qui vient s'ajouter au reste et qui fait qu'on ne supporte plus l'ensemble. Combler (combler la mesure), pousser (à bout).
1 L'entrée soudaine de cet homme fut pour Julien la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, X, p. 60.
Métaphore. || Cœur qui déborde, qui éprouve le besoin de s'épancher.
2 Mon cœur est trop rempli pour ne pas déborder.
Lamartine, in P. Larousse.
3 (…) le silence est pénible lorsque le cœur déborde (…)
Gide, Pages de journal, 30 oct. 1939.
Déborder de… : être plein, rempli de… Fourmiller, regorger, surabonder.(Concret). || En été, Paris déborde d'étrangers. || Train qui déborde de voyageurs, de marchandises.
(Abstrait). En parlant d'un sentiment, d'un principe qui s'exprime dans le comportement. || Elle déborde de bonne volonté, cette petite. || Déborder de vie, d'esprit. || Cœur qui déborde de tendresse, de joie, de reconnaissance.
4 Il avait reporté sur cet enfant le besoin de dévouement dont son cœur débordait.
R. Rolland, Vie de Beethoven, p. 54.
5 (…) répandre sur nous cette douce chaleur humaine dont leur cœur débordait.
G. Duhamel, Inventaire de l'abîme, VI, p. 89.
2 (En parlant du contenu). Se répandre par-dessus le bord. Couler (cit. 7), échapper (s'), répandre (se). || L'eau a débordé du vase. || Les eaux du fleuve ont débordé. || Fleuve, rivière qui déborde à l'époque des crues, qui sort de son lit. || Torrent qui déborde à la fonte des neiges. || Les pluies ont fait déborder l'étang. || Le trop-plein déborde. || Attention ! ça va déborder !
Fig. || Faire déborder qqn : le pousser à bout au point de le faire sortir de lui-même.Déborder en injures, en imprécations. Déchaîner (se), éclater, exploser, répandre (se).Après s'être longtemps contenu, il déborda. || La colère lui déborde du cœur.Sa bile a débordé : il s'est emporté.Chez lui, la force, la sève débordent.
6 Et la pitié si tendre, qu'il avait déjà éprouvée à voir les rides et les cheveux blancs de sa mère, déborda comme un flot de son cœur très jeune; il répondit à son appel par tout ce qu'on peut donner d'étreintes et d'embrassements désolés.
Loti, Ramuntcho, II, VII, p. 254.
7 Et sa joie, qui de son cœur déborde, pleure (…)
Gide, le Retour de l'enfant prodigue, I.
Par anal. || Les spectateurs débordent (du trottoir) sur la chaussée. || L'ennemi déborde sur nous de tous les points de la frontière. Déferler, déverser (se), envahir, irruption (faire irruption).
8 De là vient que Paris voit chez lui de tout temps
Les auteurs à grands flots déborder tous les ans (…)
Boileau, Satires, IX.
9 La foule s'épaississait à tout moment, et, comme une eau qui dépasse son niveau, commençait à monter le long des murs, à s'enfler autour des piliers, à déborder sur les entablements, sur les corniches (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, 1.
3 Mar. || Embarcation, chaloupe qui déborde, qui se détache du bord, prend le large.
9.1 Mais à l'instant où l'on détachait les amarres, apparut Alcide Jolivet, tout courant. Le steamboat avait déjà débordé, la passerelle était même retirée sur le quai (…)
J. Verne, Michel Strogoff, p. 111.
———
II V. tr.
1 a (1636). Concret. Dépasser (le bord), aller au-delà de… || La ville a débordé son enceinte primitive. Franchir.
10 Peu à peu, le flot des maisons, toujours poussé du cœur de la ville au dehors, déborde, ronge, use, et efface cette enceinte.
Hugo, Notre-Dame de Paris, III, II.
Être en saillie, en avancée sur (qqch.). || Pierre qui en déborde une autre. || Maison qui déborde les autres, qui dépasse l'alignement. Absolt. || La terrasse du café déborde, déborde sur le trottoir.
b Abstrait. || Déborder le cadre de la question, le domaine de… Dépasser.
11 Quand tout à coup l'on se met à penser à ce lâche rongement de l'oubli, le cœur fond dans un désespoir qui déborde soudain le cas particulier, qui se répand jusqu'aux limites (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XXIII, p. 320.
12 Pour son Paris à lui, le piéton Haverkamp nourrit une sorte de passion remuante qui, comme toutes les passions, déborde le métier et l'intérêt.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XVIII, p. 133.
Absolt ou intrans. Ne pas rester dans un cadre. || Déborder de son rôle, de sa mission. Sortir (de).
13 (…) de ce bureau, cette main blême, aux longs doigts maigres, tiendra, six ans, sans fatigue le filet où se jetteront les conspirateurs avant qu'ils n'aient pu achever de nouer leur trame. Mais il débordera de son rôle, nous le verrons, à tout instant (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Avènement de l'Empire, X, p. 147.
c Milit. || Déborder le front ennemi, l'aile droite, gauche. Contourner, dépasser, encercler, tourner.
14 Déjà, à sa gauche et à sa droite, il (Napoléon) voyait le prince Eugène et Poniatowski déborder la ville ennemie (Moscou) […]
Ph.-P. Ségur, Hist. de Napoléon, VIII, 4, in Littré.
Par métaphore :
14.1 La monarchie sera débordée et emportée par le torrent des lois démocratiques, ou le monarque par le mouvement des factions.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 267.
(En parlant d'un chef de parti). || Ses propres troupes l'ont débordé, sont allées plus loin qu'il n'en avait l'intention.Vague de popularité, mouvement d'opinion qui déborde tout.
15 Et malgré tout, ce mouvement continuait à s'enfler, à s'étendre, à tout déborder.
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, le Consulat, VII, p. 93.
(1900, in Petiot). Sports. Dépasser l'adversaire par l'extérieur.(Jeux de ballon). Contourner un adversaire pour percer sa ligne de défense.
15.1 Les blancs surprennent l'adversaire, débordent l'adversaire par de longs coups de pied; l'arrière même est dépassé, la balle passe la ligne (…)
Jean Prévost, Plaisirs des sports, p. 136.
2 Détacher du bord. || Déborder un drap, une couverture, les tirer du bord du lit, de dessous le matelas.Mar. || Déborder les avirons, les ôter des tolets. || Déborder une chaloupe, la mettre à la mer. || Déborder une embarcation, l'éloigner du bord du navire ou du quai où elle est accostée.Absolt. || Déborde, débordez ! Ordre de déborder donné à l'équipage d'une embarcation.
3 (1680). Dégarnir de sa bordure. || Déborder une jupe, un tapis, un rideau.Déborder un lit, tirer les draps, les couvertures de dessous les bords du matelas.Par métonymie. || Déborder un malade, un enfant.Pron. || Se déborder en dormant.
16 Chaque élève s'est glissé dans ses draps, comme dans un étui, en se faisant tout petit, afin de ne pas se déborder.
J. Renard, Poil de Carotte, « Les joues rouges », p. 145.
16.1 Ils replient les dix doigts sur le drap tiré jusqu'au cou la bouille enchantée puis ils dorment et se débordent surtout à présent que l'été vient.
Tony Duvert, Paysage de fantaisie, p. 69.
Mar. || Déborder un navire, le dégarnir de ses bordages. || Déborder une voile, larguer les écoutes.
tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
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débordant, ante adj.
1 Concret. Qui déborde. Plein, rempli. || Casserole débordante de lait bouillant.
2 Abstrait (plus cour.). || Cœur débordant de joie. Gonflé. || Joie débordante. Expansif, exubérant, exultant. || Enthousiasme débordant. || Être débordant de vie, de santé. Pétulant, vif. || Activité débordante, que rien n'arrête, qui fait face à tout. || Nature débordante, qui se répand en gestes et en paroles.
17 Autant je me sens expansif, fluide, abondant et débordant dans les douleurs fictives, autant les vraies restent dans mon cœur âcres et dures.
Flaubert, Correspondance, I, p. 94.
18 (…) le flot de vie débordante, la fièvre de joie qui fait tourbillonner ces mondes.
R. Rolland, Musiciens d'aujourd'hui, p. 130.
19 Cet individualisme n'était pas abondant et débordant, mais obstiné, replié.
R. Rolland, Jean-Christophe, p. 981.
3 Par exagér. || Une femme aux appas débordants. Plantureux.
20 (Rubens) peint du même style une Madeleine débordante et une Sirène potelée (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, III, II, III, p. 52.
4 Milit. || Mouvement débordant, attaque débordante. Débordement.
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débordé, ée p. p. adj.
1 Rare. Dont l'eau est sortie. || Fleuve débordé.
21 Quand un fleuve débordé s'avance, on peut élever les digues pour arrêter sa marche (…)
Renan, l'Avenir de la science, Œ. compl., t. III, XVII, p. 1018.
2 Fig. et cour. (Personnes). Submergé (par les occupations, le travail…). || Être débordé de travail, de requêtes, de visites.Absolt. || Être débordé (→ Ne savoir où donner de la tête).Adj. || Homme d'affaires, infirmière, professeur débordé(e), surchargé(e) de travail. || Je n'en peux plus, je suis débordé.
22 Il jouait le monsieur débordé de besogne, qui repassera une autre fois n'ayant pas le temps de flâner.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 2e tableau, III, p. 84.
22.1 Évidemment si le sergent de Bol était plus puissant, moins débordé, ce serait à lui de veiller à tout et d'empêcher les exactions.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 844.
3 Vieilli. (Contenu). Répandu par-dessus bord. || Eau débordée.
23 De même qu'une eau débordée ne fait pas partout les mêmes ravages (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Marie de France.
4 Milit. Dépassé. || Ligne débordée par l'ennemi. Par anal. || Être débordé par ses propres troupes. Dépassé.Fig. || Être débordé par les événements.
5 Détaché du bord. || Couverture débordée, drap débordé.Lit débordé.Par métonymie. || Malade débordé.
6 Dont les écoutes sont larguées.
24 Joshua court presque vent arrière (…) artimon bien débordé et foc bordé plat (…)
Bernard Moitessier, Cap Horn à la voile, p. 207.
CONTR. (De déborder) Aborder, amarrer, border, contenir, engloutir, engouffrer, reborder, rentrer, retrait (être en).(De débordant) Maigre, squelettique, vide. — Canalisé, contenu, discipliné, enchaîné, endigué, réservé…
DÉR. Débord, débordement.

Encyclopédie Universelle. 2012.