dépasser [ depase ] v. tr. <conjug. : 1>
1 ♦ Laisser en arrière, derrière soi en allant plus vite. ⇒ devancer, distancer, 1. doubler, passer; fam. gratter, 1. griller. « L'équipage doucement en dépasse un autre, sans que s'altère l'harmonie du trot » (Romains). Véhicule qui dépasse un cycliste. Absolt Il est interdit de dépasser sur ce pont. — Pronom. Les coureurs cherchent à se dépasser, à passer l'un devant l'autre.
2 ♦ (1691) Aller plus loin que (qqch.). Dépasser l'endroit où il fallait s'arrêter. Dépasser un cap. — Coma dépassé.
3 ♦ (1835) Aller plus loin en quantité; être plus long, plus haut, plus grand que. Dépasser qqn de la tête, être plus grand que lui d'une tête. Fig. Dépasser qqn de cent coudées. — Maison qui dépasse l'alignement. ⇒ déborder, mordre (sur), saillir, 1. sortir (de). Le devis ne dépassera pas mille francs. ⇒ excéder. Dépasser le temps imparti. Un entretien qui dépasse dix minutes. « La mortalité a dépassé les prévisions les plus pessimistes » (A. Gide). — Intrans. ou absolt Sa jupe dépasse un peu de son manteau; elle dépasse.
4 ♦ (1803) Être plus, faire plus que (un autre) dans un domaine. Dépasser qqn en violence, en cruauté. ⇒ devancer, surpasser; fam. enfoncer. « S'il avait eu ce don-là, Hugo aurait dépassé Shakespeare » (Flaubert). L'élève a dépassé le maître.
5 ♦ (fin XVIIIe) Aller au-delà de (certaines limites). ⇒ excéder, outrepasser. Dépasser les instructions reçues. Dépasser ses attributions en empiétant sur celles d'autrui. Dépasser les bornes, les limites de la bienséance : exagérer, aller trop loin. ⇒ franchir, passer. Cela dépasse la mesure (cf. C'est un comble). Cela dépasse l'entendement. — Aller au-delà de (ce qui était attendu, prévu). Les mots ont dépassé sa pensée. Le succès a dépassé notre attente. La réalité dépasse la fiction. — Aller au-delà de (ce qui est possible ou imaginable). Cela dépasse mes forces, mes moyens, ma compétence. « Le désintéressement, l'incapacité pratique de ces braves gens dépassaient toute imagination » (Renan). Absolt Cela le dépasse, c'est trop difficile pour lui; il ne peut l'imaginer, l'admettre. ⇒ dérouter, étonner.
6 ♦ V. pron. (réfl.) Faire effort pour sortir de soi-même, vers une transcendance. « Les plus grands efforts de l'homme pour se dépasser sont vains si, au delà de soi-même, c'est encore soi qu'il recherche, et non une réalité supérieure » (Daniel-Rops).
7 ♦ (Pass.) Être dépassé par les événements. ⇒ dépassé (3o).
● dépasser verbe transitif Être plus haut, plus grand, plus large que quelqu'un, avec quelque chose (de tant) : Son fils la dépasse de vingt centimètres. Passer devant quelqu'un, un véhicule alors qu'on se trouvait derrière ; doubler : Dépasser un camion sur la route. Aller au-delà d'un point considéré comme repère, limite fixe ; passer, franchir : Nous avons dépassé l'auberge. Elle a dépassé la quarantaine. Excéder une quantité, une durée (de tant) : La consultation ne dépasse pas vingt minutes. Aller au-delà de quelque chose, faire plus : Dépasser le 60 km°h. Cela dépasse mes espérances. Surpasser quelqu'un, quelque chose, faire ou être mieux qu'eux, l'emporter sur eux en un domaine : Ce texte dépasse en absurdité tout ce que j'ai lu. Se situer au-delà de certaines qualités, facultés ou limites ; outrepasser ; excéder : Les mots ont dépassé ma pensée. Ceci dépasse la mesure. Ne pas être compris par quelqu'un, le mettre dans l'incapacité de faire face à la situation, de dominer les événements ; le dérouter, l'étonner : Ça me dépasse, je n'y comprends rien. Ne plus se sentir concerné par un problème, une difficulté ou toutes questions relatives à un stade, un état ; surmonter : Les drames sentimentaux, il a dépassé ça ! ● dépasser (synonymes) verbe transitif Passer devant quelqu'un, un véhicule alors qu'on se trouvait derrière ;...
Synonymes :
- doubler
- gratter (familier)
- lâcher (familier)
- passer
- semer (familier)
Contraires :
- suivre
Aller au-delà d'un point considéré comme repère, limite fixe ; passer...
Synonymes :
- franchir
- passer
Aller au-delà de quelque chose, faire plus
Contraires :
- égaler
Surpasser quelqu'un, quelque chose, faire ou être mieux qu'eux, l'emporter sur...
Synonymes :
- devancer
Se situer au-delà de certaines qualités, facultés ou limites ; outrepasser ;...
Synonymes :
- excéder
Ne pas être compris par quelqu'un, le mettre dans l'incapacité...
Synonymes :
● dépasser
verbe intransitif
Être plus long que quelque chose et se laisser voir : Son jupon dépasse un peu.
Faire saillie, s'avancer au-delà d'un alignement : Un clou dépasse du meuble.
● dépasser (citations)
verbe intransitif
Jacques Audiberti
Antibes 1899-Paris 1965
Hormis ce qui dépasse, je n'écraserai rien.
La Fourmi dans le corps
Gallimard
● dépasser (synonymes)
verbe intransitif
Faire saillie, s'avancer au-delà d'un alignement
Synonymes :
- déborder
- saillir
dépasser
v. tr.
d1./d Aller plus loin que, au-delà de (qqch). Dépasser une limite, un but.
— Fig. Le succès a dépassé mes espérances.
— Fam. Dépasser les bornes: exagérer.
d2./d Devancer, laisser derrière soi en allant plus vite. Il a dépassé le camion dans la ligne droite. Syn. doubler.
— Fig. Il a dépassé son aîné dans ses études. Syn. distancer.
|| Fig., Fam. être dépassé par les événements: ne pas être en mesure de contrôler la situation.
— Cela me dépasse, me déconcerte.
— C'est dépassé, démodé.
d3./d être plus grand, plus important que. Cet immeuble dépasse les autres. Cette dépense dépasse mes prévisions.
|| Absol. Sa chemise dépasse.
|| v. Pron. Accomplir une chose hors du commun; se transcender. Aimer à se dépasser.
⇒DÉPASSER, verbe trans.
I.— Vx. Enlever une chose de l'endroit où elle était passée. Dépasser un ruban, un lacet, du cordonnet (Ac. 1835, 1878). Vivement je dépassai la bandoulière de ma harpe de dessus mon épaule (MALOT, Sans fam., 1878, p. 358).
— MAR. Dépasser un câble, une manœuvre. Dépasser les mâts (de hune, de perroquet). Les amener sur le pont (cf. GALOPIN, Lang. mar., 1925, p. 78).
II.— Usuel. Aller au-delà de quelque chose ou de quelqu'un.
A.— [Avec l'idée de mouvement]
1. Laisser derrière soi, après l'avoir rejoint, quelque chose ou quelqu'un qui se déplace dans la même direction. Pourquoi Achille dépasse-t-il la tortue (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 93). Une auto essayait de dépasser une voiture à cheval (ROMAINS, Hommes b. vol., 1938, p. 118).
♦ Emploi pronom. Une discipline sévère régularisait le trafic énorme. Les voitures ne se dépassaient pas (HAMP, Champagne, 1909, p. 209).
♦ Emploi abs. Il est interdit de dépasser sur ce pont (Pt ROB.).
— Au fig. Aller au-delà de quelque chose ou de quelqu'un, le surpasser; prendre le pas, l'emporter sur quelque chose ou quelqu'un. Dépasser quelqu'un en intelligence, en violence. On a été préoccupé [à Bordeaux] de cette idée de dépasser Paris en grandeur (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p. 9). Saint-Cyran ne dépasse pas les grands chefs spirituels de son époque (...) qui (...) l'avaient devancé (BREMOND, Hist. sent. relig. Fr., t. 4, 1920, p. 421) :
• 1. Ce culte de la vitesse détermine un vocabulaire sportif. Sur notre route abstraite une immobilité vertigineuse n'oblige personne à dépasser personne. Or, il convient aujourd'hui de dire qu'on dépasse ou qu'on est dépassé.
COCTEAU, Poésie critique 2, Monologues, 1960, p. 161.
2. Laisser derrière soi, après l'avoir atteint, quelque chose qui reste fixe. Dépasser le cap, le but. À quatre heures du matin, nous vîmes Ouessant, que nous avions dépassé dans la nuit (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 33). Personne n'avait le moindre prétexte de dépasser cette porte (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 239).
— Au fig.
a) PHILOS. Surmonter une difficulté, une contradiction en se plaçant à un niveau où les oppositions s'effacent. « Le mouvement vers l'unité » (...) se donna pour doctrine de dépasser ensemble le gaullisme et la collaboration (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 383) :
• 2. Le progrès que nous décrivons n'est donc pas le progrès synthétique hégélien qui dépasse à la fois la thèse et l'antithèse et les englobe dans la synthèse, c'est le progrès d'une réflexion qui transcende ses propres positions.
MARCEL, Journal métaphysique, 1914, p. 12.
b) Usuel. Aller ou se situer au-delà d'un certain seuil, de certaines limites; spéc. aller au-delà de ce qui est attendu ou habituel, de ce qui est permis, de ce qui est possible ou concevable. Le monde n'aime pas beaucoup les mérites qui dépassent la mesure commune, qui est la sienne (FEUILLET, Paris., 1881, p. 138). Un sans-façon dépassant toutes les bornes (RENAN, Drames philos., Jour an, 1886, p. 702). Ou les mots dépassent la pensée, ou ils la diminuent (RENARD, Journal, 1908, p. 1160). La bassesse du genre humain dépasse toutes les limites (J. BOUSQUET, Trad. silence, 1935-36, p. 198). Le révolutionnaire veut changer le monde, il le dépasse vers l'avenir (SARTRE, Baudelaire, 1947, p. 58). Je croyais possible de dépasser la médiocrité bourgeoise sans quitter la bourgeoisie (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 188). Le tumulte de la presse et l'émotion de l'opinion dépassèrent les limites imaginables (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 186) :
• 3. La vraie grandeur de l'artiste, c'est de dépasser son objet, et de faire plus qu'il ne veut, et tout autre chose, de passer par-dessus le but, de traverser le possible, et de voir encore au delà.
MICHELET, L'Oiseau, 1856, p. 252.
• 4. La guerre n'est pas une querelle d'homme à homme; elle dépasse les individus : elle est une aventure entre des nations...
MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 340.
SYNT. Dépasser les forces, les possibilités de qqn; dépasser l'entendement, l'imagination, tout ce qu'on peut imaginer; un résultat qui dépasse l'attente, les espérances, les prévisions. Dépasser les ordres qu'on a reçus; dépasser ses pouvoirs (Ac.)
♦ Dépasser qqn. Le déconcerter, dérouter ses conceptions habituelles. La passion sauvage de cet homme me dépasse (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 267). Fam. Ça me dépasse qu'on puisse faire des trucs pareils (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 389).
♦ Au passif (gén. péj.)
[Le suj. désigne une pers.] Fam. Être dépassé (par les événements, par la situation). N'être pas en mesure ou pas capable de dominer les événements ou la situation. Elle [Louise] se mit à l'ouvrage, avec son courage habituel, et fut bientôt dépassée (CAMUS, Exil et roy., 1957, p. 1646).
[Le suj. désigne une chose, une doctrine, une œuvre] Être démodé, périmé. Ces (...) machines sont, tous les cinq ans (...) dépassées par quelque invention (MICHELET, Peuple, 1846, p. 115). Lecture de Havelock Ellis largement dépassé par des ouvrages plus récents (GREEN, Journal, 1951, p. 354).
♦ Emploi pronom. réfl., gén. laud. Aller au-delà de ses propres limites :
• 5. Ce qui importe, c'est de « se dépasser ». Il faut se dépasser, non se modifier, mais se porter en avant de soi-même d'un coup de collier violent.
RIVIÈRE, Correspondance [avec Alain-Fournier], 1906, p. 210.
B.— P. anal. [Sans idée de mouvement]
1. S'étendre au-delà de quelque chose; être plus grand que quelque chose ou quelqu'un. Dépasser qqn de la tête; dépasser qqc. de cent coudées. Jupes plissées dépassant à peine le genou (MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p. 815).
— Spéc. Sortir d'un alignement, être en saillie par rapport à quelque chose. Son métier (...) était de vérifier si les étalages dépassaient les trottoirs (GIRAUDOUX, Simon, 1926, p. 156). P. métaph. ou au fig. Mon père n'aimait pas qu'un mot dépassât l'autre (GIONO, Eau vive, 1943, p. 73).
— Emploi abs. Des tiroirs ouverts où toutes les choses dépassent (NOAILLES, Nouv. espér., 1903, p. 259). Ils virent un trou dans le sol, avec une échelle qui dépassait (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 133). P. métaph. ou au fig. Ça fait des pieds de plus! Vous faites des vers qui dépassent (RENARD, Journal, 1907, p. 1107).
2. Excéder en nombre, en quantité, en importance. Dépasser qqc. énormément, infiniment. Dans le pays [l'Argentine] la moyenne des enfants dépasse neuf par ménage (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 197). L'âge venait, ils avaient tous deux dépassé la cinquantaine (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 68). Dès qu'une vérité dépasse cinq lignes, cela est du roman (RENARD, Journal, 1902, p. 780). Ces grandes guerres, dont (...) chacune dépasse la précédente en durée et en dimensions (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 385).
Rem. On rencontre ds la docum. l'adj. dépassable, rare. Qui peut être dépassé. Un solipsisme vécu qui n'est pas dépassable (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 411). Je l'admire [Conrad] (...) de laisser à l'imagination du lecteur libre jeu, après l'avoir mené, dans l'horrible, jusqu'à tel point qui ne parût pas dépassable (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 692).
Prononc. et Orth. :[]; [a] ant. ds DUB. et Lar. Lang. fr. [] post. est anal. de dépasse; (je) dépasse []. Enq. : /depas, (D)/ (il) dépasse. Admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 2e moitié XIIe s. « passer par dessus quelque chose; fouler aux pieds » (Sermons St Grégoire sur Ezechiel, 97, 6 ds T.-L.). B. 1. a) XIIIe-XIVe s. [ms.] « aller au-delà de ce qui est établi, transgresser » (A. NECKAM, De nominibus utensilium, éd. A. Scheler ds Jahrbuch für rom. und engl. lit., t. 7, 1866, p. 70 : legirumpi : depassauns ley); 1803 dépasser les bornes (MAINE DE BIRAN, Influence habit., p. 100); b) 1316 « aller au-delà d'un point fixe dans le temps » (CHAILLOU DE PESSTAIN, Interpolation ds Roman de Fauvel, éd. A. Långfors, 161, 569 : L'eure ... fu ja près Depassee); 1691 mar. (OZANAM, Dict. math. : Depasser est passer contre son intention, & contre son Estime au delà de quelque endroit de la côte où l'on voulait moüiller); 2. 1794 « excéder en importance » (STAËL, Lettres L. de Narbonne, p. 269 : il n'y a pas de crime qui dépasse ce que vous me faites souffrir); 3. 1822 « s'étendre au delà de quelque chose, avoir des dimensions supérieures » intrans. (MICHELET, Mémor., p. 192); 1825 trans. dépasser de toute la tête quelqu'un (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, p. 394); 1830 « sortir d'un alignement » (STENDHAL, Rouge Noir, p. 266 : pas un cheveu ne dépassait l'autre); 4. 1848 dépassé par les événements (CHATEAUBR., Mém., t. 1, p. 220); 5. 1864 pronom. (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, p. 20 : j'espère que tu vas te dépasser, que tu nous feras un dîner ... mais un dîner...). Dér. A de l'a. fr. passer « marcher », dér. de pas (FEW t. 7, p. 736 a). B de passer au sens de « dépasser »; préf. de- exprimant l'intensité (< lat. de). Fréq. abs. littér. : 3 084. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 709, b) 3 596; XXe s. a) 5 180, b) 6 615.
dépasser [depɑse] v. tr.
ÉTYM. XIIe; de 2. dé-, et passer.
❖
———
I Aller au delà de (qqn, qqch.).
1 Laisser en arrière, derrière soi en allant plus vite. ⇒ Devancer, distancer, doubler, gagner (de vitesse), gratter (fam.), passer. || Il nous dépassa à moitié chemin. || Dépasser un véhicule. — Absolt. || Il est interdit de dépasser sur ce pont. — Dépasser qqn à la course, en marchant vite. || Il nous a dépassés sans nous voir.
1 L'empereur s'était arrêté à Lyadi, à quatre lieues du champ de bataille; la nuit venue, il apprend que Mortier, qu'il croit derrière lui, l'a dépassé.
2 L'équipage doucement en dépasse un autre, sans que s'altère l'harmonie du trot.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XII, p. 167.
2 (1691). Aller plus loin que (qqch., un lieu). || Dépasser la ligne d'arrivée, le but. || Dépasser l'endroit où il fallait s'arrêter. || Dépasser un cap (cit. 6 et supra).
3 (…) celui qui dépasse le but en est aussi loin que celui dont le trait n'y arrive pas (…)
Balzac, Massimilla Doni, Pl., t. X, p. 316.
3 (1385). Sujet n. de chose. Aller plus loin en quantité; être plus long, plus haut, plus grand que… || Sa jupe dépasse un peu sous son manteau, ou, absolt, elle dépasse, elle est trop longue, plus longue. || Maison qui dépasse l'alignement. ⇒ Déborder, mordre (sur), saillir, sortir (de). || Balcon qui dépasse. ⇒ Surplomber. || Objet qui dépasse d'une poche (→ Chanteau, cit.).
4 La foule s'épaississait à tout moment, et, comme une eau qui dépasse son niveau, commençait à monter le long des murs, à s'enfler autour des piliers, à déborder sur les entablements, sur les corniches (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, I.
4.1 La mortalité a dépassé les prévisions les plus pessimistes.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 819.
♦ La renommée de cet orateur ne dépasse pas l'enceinte de cette assemblée.
5 Sa réputation viennoise ne dépasse pas un petit îlot de dilettanti.
Éd. Herriot, la Vie de Beethoven, p. 189.
♦ Dépasser tel prix, tel poids, telle vitesse, telle durée, tel âge… ⇒ Plus. || La facture ne dépassera pas mille francs. ⇒ Excéder. || Un entretien qui dépasse dix minutes.
6 La tradition orale s'efface vite, ne dépasse jamais le siècle (…)
M. Barrès, la Colline inspirée, I, IV, p. 17.
7 En résumé, ses revenus industriels strictement calculés ne tombaient guère au-dessous du million et le dépassaient le plus souvent.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XIII, p. 180.
♦ (D'une personne). || Dépasser trente ans, la trentaine. — ☑ Loc. (1825). Dépasser qqn de la tête, être plus grand que lui de la hauteur de la tête. — ☑ Fig. Il le dépasse de cent coudées (→ le sens 4).
4 (1803). Fig. Être plus, faire plus (qu'un autre) dans un domaine. ⇒ Devancer, emporter (l'emporter sur), surpasser; → Faire la pige à… || Avantage qui permet de dépasser ses concurrents. || Cet élève dépasse en intelligence tous ses camarades. ⇒ Supérieur. || Dépasser qqn en violence, en cruauté… ⇒ Enchérir (sur). || Dépasser qqn de beaucoup, de loin…
8 Le don de faire des êtres humains manque à ce génie (Hugo). S'il avait eu ce don-là, Hugo aurait dépassé Shakespeare.
Flaubert, Correspondance, IV, p. 185.
9 Être ainsi dépassé par soi-même et voir son œuvre grandir plus haut que soi, c'est une des plus fortes émotions de la conscience humaine.
Jaurès, Hist. socialiste…, t. IV, p. 378.
5 (Fin XVIIIe). Aller au delà de (certaines limites). ⇒ Excéder, outrepasser. || Dépasser les instructions reçues. || Dépasser son pouvoir, ses droits (→ Abus, cit. 5). — (1803). || Dépasser ses attributions en empiétant sur celles d'autrui. || Dépasser les bornes, les limites de la bienséance. ⇒ Franchir, passer, sortir; exagérer, oublier (s'). || Cela dépasse la mesure. ⇒ Comble (c'est un comble).
10 (…) l'un craignait que le droit ne l'entraînât trop loin, l'autre que le devoir ne dépassât les bornes.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 248.
11 Il y a une mesure pour tout : dès qu'on en sort, on la dépasse.
J. Renard, Journal, 1er mars 1893.
12 (…) dans la plupart des pays d'Europe, le désordre a dépassé le point de contrôle possible (…)
A. Maurois, le Cercle de famille, III, IV, p. 247.
♦ Aller au delà de (ce qui était attendu, prévu, normal). || Les mots ont dépassé sa pensée. || Le prix dépasse mes prévisions. || Le succès a dépassé notre attente. || La réalité dépasse les pronostics. — ☑ Loc. La réalité dépasse la fiction, est encore plus curieuse, invraisemblable, imprévisible.
13 Le joug du « Grand-Singe-Noir » fut une chose vraiment terrible, dépassant mes prévisions les plus pessimistes.
Loti, Figures et Choses…, p. 32.
♦ Aller au delà de (ce qui est possible, imaginable). || Cela dépasse mes forces, mes moyens, ma compétence, ma compréhension, mon intelligence, mon imagination. || Incapacité de comprendre ce qui nous dépasse (→ Comprendre, cit. 32). — Absolt. ☑ Cela me dépasse : c'est trop difficile pour moi; ou bien, je ne peux l'imaginer, l'admettre. ⇒ Dérouter, étonner (→ N'être pas à la hauteur).
14 Le désintéressement, l'incapacité pratique de ces braves gens, dépassaient toute imagination.
Renan, Souvenirs d'enfance…, II, III, p. 81.
15 C'est presque toujours par vanité qu'on montre ses limites — en cherchant à les dépasser (…)
Gide, Journal, 27 juil. 1922.
♦ Aller au delà de (un cas individuel). ⇒ Déborder.
16 Ma vérité personnelle ne m'a jamais intéressé que dans la mesure où je sens qu'elle me surmonte et me dépasse.
G. Duhamel, Inventaire de l'abîme, II, p. 26.
——————
se dépasser v. pron.
1 Se dépasser l'un l'autre. || Les coureurs cherchent à se dépasser.
2 (1864). Se surpasser. || Cet élève s'est dépassé dans ses réponses.
3 Se dépasser soi-même : faire effort pour sortir de soi-même, vers une transcendance.
17 Se dépasser ! Se dépasser ! La libre fièvre du jeu ! Se sentir augmenter comme un ballon qu'on gonfle. Battre son record; avancer de dix centimètres le jalon vers la totale perfection humaine (…)
Montherlant, la Relève du matin, p. 220.
18 Les plus grands efforts de l'homme pour se dépasser sont vains si, au-delà de soi-même, c'est encore soi qu'il recherche et non une réalité supérieure auprès de laquelle la plus haute réalisation humaine n'est que faiblesse.
Daniel-Rops, Ce qui meurt…, V, p. 191.
——————
dépassé, ée p. p. adj.
1 Qu'un rival a dépassé, dont le but a été mieux atteint, mieux réalisé qu'un autre. || Vous êtes dépassé dans ce domaine. ⇒ Battu.
19 Je me souviens des quolibets lancés avant la révolution (…) contre ce malheureux et virginal vicomte Sosthène de La Rochefoucauld qui allongea les robes des danseuses de l'Opéra, et appliqua de ses mains patriciennes un pudique emplâtre sur le milieu de toutes les statues. — M. le vicomte Sosthène de La Rochefoucauld est dépassé de bien loin.
Th. Gautier, Préface de Mlle de Maupin, p. 4.
2 Qu'on a abandonné, parce qu'on a trouvé mieux depuis. || Idée, théorie dépassée. ⇒ Démodé, périmé, vieilli.
3 Fam. et cour. Qui ne peut plus maîtriser la situation. ⇒ Débordé. || Il est complètement dépassé. ☑ Être dépassé par les événements. || Un chef dépassé par ses troupes. || En temps de révolution, les chefs de partis sont promptement dépassés (Académie).
———
II
1 (1690). Techn. Faire sortir (ce qui a été passé). || Dépasser un ruban, un lacet passé dans une coulisse.
2 Mar. || Dépasser un câble, le repasser en sens inverse. || Dépasser les mâts, les amener sur le pont.
20 Le pilote prit ses précautions par avance. Il fit serrer toutes les voiles de la goélette et amener les vergues sur le pont. Les mâts de flèche furent dépassés.
J. Verne, le Tour du monde en 80 jours, p. 178.
❖
CONTR. V. Atteindre, égaler; inférieur (être). — Observer (les règles). — Correspondre, répondre. — Enfiler. — Passer.
DÉR. Dépassant, dépassement.
Encyclopédie Universelle. 2012.