doublé, ée [ duble ] adj. et n. m.
• XIVe; de doubler
I ♦ Adj.
1 ♦ Rendu ou devenu double. Des effectifs doublés. Colonne doublée. ⇒ géminé.
2 ♦ Garni d'une doublure. Veste doublée de mouton. ⇒ 2. fourré. Jupe doublée.
3 ♦ (1870 ) Fig. DOUBLÉ DE : qui est aussi. « Je ne suis qu'un petit garçon qui s'amuse — doublé d'un pasteur protestant qui l'ennuie » (A. Gide).
4 ♦ Qui a subi le doublage. Film américain doublé (opposé à en version originale) . ⇒ postsynchronisé. Un acteur mal doublé.
II ♦ N. m.
1 ♦ (1755) Vieilli Orfèvrerie faite d'un métal ordinaire recouvert, par soudure, d'une mince plaque de métal précieux. ⇒ plaqué. Doublé or. Des doublés argent. Bracelet en doublé.
2 ♦ Équit. Le doublé ou le doubler : action de traverser la piste en diagonale pour la reprendre à l'angle opposé.
3 ♦ Chasse Le fait d'abattre de deux coups de fusil successifs deux pièces de gibier. — Fig. Deux réussites successives (en sport, au jeu) en peu de temps. Faire un beau doublé.
doubler 1. doubler [ duble ] v. <conjug. : 1>
• dobler XIIe; bas lat. duplare
I ♦ V. tr.
1 ♦ Rendre double, multiplier par deux (⇒ 2. doublement, duplication). « un homme qui évidemment a doublé et triplé sa fortune, depuis qu'il administre le bien des pauvres ! » (Stendhal). Doubler une consonne. Doubler un passage par erreur. ⇒ 2. doublon. Doubler la mise. — Fig. ⇒ augmenter, redoubler. « une certaine curiosité qui doublait l'intérêt de sa visite » (Romains).
♢ Mus. Doubler une partie, la renforcer à l'unisson ou à l'octave par un second instrument.
♢ Doubler les rangs : mettre sur deux rangs les soldats qui n'étaient que sur un seul. — (1765) Vieilli ou région. (Belgique) Doubler une classe, la suivre une seconde fois. ⇒ recommencer, redoubler; redoublant. — Doubler le pas : marcher deux fois plus vite, et par ext. augmenter son allure. ⇒ accélérer (cf. Presser le pas). S'apercevant qu'il était en retard, il doubla le pas.
2 ♦ Mettre (qqch.) en double. Doubler des fils de tissage. Mar. Doubler les cordages, les disposer en double pour les rendre plus solides.
3 ♦ Garnir intérieurement (qqch.) de qqch. qui recouvre, augmente l'épaisseur (⇒ doublure). Doubler un vêtement. Doubler de fourrure (⇒ fourrer) , d'ouate (⇒ ouater) .
4 ♦ V. pron. SE DOUBLER DE.⇒ s'accompagner. Compliment qui se double d'une moquerie. « comme si l'écrivain s'était tour à tour doublé d'un légiste, d'un agriculteur, d'un industriel, d'un chimiste, d'un financier » (Henriot).
5 ♦ (1858) Dépasser en contournant. ⇒ dépasser, franchir. Doubler le cap.
♢ Se dit d'un véhicule qui en dépasse un autre se trouvant sur sa voie. Voiture qui double un camion. Absolt Défense de doubler en côte.
6 ♦ (1743) Remplacer (un comédien) qui ne peut jouer. ⇒ remplacer. Personne qui double un acteur dans une pièce. ⇒ doublure. Il se fait doubler par un cascadeur.
7 ♦ Cin. Faire le doublage de (un film, un acteur). X double Y dans la version française de ce film.
8 ♦ Fam. Doubler qqn, le trahir, profiter des avantages qui devraient lui revenir, en agissant à sa place, à son insu. Il s'est fait doubler.
II ♦ V. intr. Devenir double. Le chiffre des importations a doublé. — DOUBLER DE. Doubler de volume.
⊗ CONTR. Dédoubler, diminuer.
● doubler verbe transitif (bas latin duplare) Porter quelque chose au double, obtenir un résultat, une quantité deux fois plus grands, plus importants qu'au départ : Doubler la mise. Augmenter l'importance, la force de quelque chose : Doubler le personnel d'une entreprise. Mettre quelque chose en double en le pliant : Doubler une couverture pour avoir plus chaud. Garnir quelque chose d'un tissu, d'un matériau, d'un revêtement, qui le recouvre, en général intérieurement : Doubler une tenture. Remplir la même fonction que quelqu'un, en même temps que lui ou parallèlement. Passer devant un véhicule alors qu'on était derrière, effectuer un dépassement : La voiture a doublé un cycliste. Familier. Trahir quelqu'un, le devancer dans une opération en recueillant les profits qui devaient lui revenir. Cinéma Effectuer le doublage d'un film, d'un acteur. Imprimerie Terminer une ligne, un vers, à la fin de la ligne précédente ou suivante, quand la dimension de la ligne est insuffisante. Marine Munir un bâtiment d'un doublage. Sports Dans une course sur piste, distancer un autre coureur d'un tour de piste ou, en cyclisme, dans une course contre la montre, dépasser un adversaire parti plus tôt. Textiles Procéder à l'opération du doublage. Réunir, avant de les retordre, deux ou plusieurs fils simples. Théâtre et Cinéma Jouer, chanter, danser un rôle à la place du titulaire. ● doubler (difficultés) verbe transitif (bas latin duplare) Sens Ne pas confondre ces deux mots. 1. Dédoubler = partager en deux, diviser par deux. Les stagiaires sont trop nombreux dans ce groupe, il faudrait le dédoubler. Remarque Dans la langue des chemins de fer, dédoubler un train consiste à faire partir presque à la même heure un deuxième train pour la même destination, en raison de l'affluence des voyageurs. 2. Doubler = porter au double, multiplier par deux. Doubler les rations. ● doubler (expressions) verbe transitif (bas latin duplare) Doubler le cap, en parlant d'un navire, le contourner ; triompher d'une difficulté, franchir une étape difficile : Doubler le cap de l'agrégation. Doubler le pas, l'allure, marcher plus vite ; accélérer. Doubler les rangs, mettre sur deux rangs des personnes qui étaient sur une file. Doubler une classe, la redoubler. Doubler une route par une autre, construire une route, une voie formant un itinéraire parallèle pour faciliter le trafic. Doubler les parties, faire exécuter chacune des parties par deux voix ou deux instruments à l'unisson ou à l'octave. Doubler ses voies, en parlant d'un animal, revenir sur sa voie et repartir, pour ruser et embarrasser les chiens. ● doubler (homonymes) verbe transitif (bas latin duplare) ● doubler (synonymes) verbe transitif (bas latin duplare) Augmenter l'importance, la force de quelque chose
Synonymes :
- décupler
Garnir quelque chose d'un tissu, d'un matériau, d'un revêtement, qui le...
Synonymes :
- fourrer
- ouatiner
Passer devant un véhicule alors qu'on était derrière, effectuer un...
Synonymes :
- dépasser
Textiles. Réunir, avant de les retordre, deux ou plusieurs fils simples.
Synonymes :
● doubler
verbe intransitif
Voir sa quantité, sa valeur, sa dimension, etc., portée au double, multipliée par deux : Les prix ont doublé depuis cette année-là.
● doubler (homonymes)
verbe intransitif
doublé
nom masculin
doubler
nom masculin
doublet
nom masculin
● doubler ou doublé
nom masculin
En équitation, figure de manège consistant à quitter la piste à angle droit et à la reprendre en face.
● doubler ou doublé (homonymes)
nom masculin
doublé
nom masculin
doubler
verbe
doubler
v.
rI./r v. tr.
d1./d Multiplier par deux. Doubler la somme.
|| Fig. Augmenter. L'attente doublait son anxiété.
|| (Afr. subsah.; Belgique; France, off. recommandé; Madag.; Québec; Suisse) Syn. de redoubler (sens I, 3).
d2./d Disposer en double. Doubler une couverture en la pliant.
d3./d Mettre une doublure, un revêtement à. Doubler une veste. Doubler une cloison.
d4./d v. Pron. Fig. Se doubler de: s'accompagner de. Une observation qui se double d'un reproche.
d5./d Dépasser (une personne, un véhicule). Doubler une voiture.
|| Doubler un cap, le franchir.
|| Fig., Fam. Doubler qqn, le trahir. Elle s'est fait doubler.
d6./d AUDIOV Doubler un film, procéder à son doublage.
|| Doubler un acteur, le remplacer.
rII./r v. intr. être multiplié par deux. Les prix ont doublé.
⇒DOUBLER, verbe trans.
I.— [L'opération met en jeu un aspect quantitatif ou mesurable de l'objet]
A.— Emploi trans. dir. [Le compl. direct désigne une quantité mesurable]
1. Multiplier par deux. Doubler le montant, le prix de qqc. Lorsque les gens des faubourgs se renfermèrent dans la cité à l'approche des Anglais, le nombre des habitants fut plus que doublé (FRANCE, J. Arc, t. 1, 1908, p. 131). Il fallut établir douze cents pilotis de béton. Cela doubla le devis de la bâtisse (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 308). Battez l'air avec une lame vibrante, dix fois la seconde, vous avez une forme rythmique. Doublez la fréquence, vous commencez à avoir un son (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 51) :
• 1. La France ne lui demande pas d'armer les citoyens. Ni de doubler les forces de police, et encore moins d'improviser des tribunaux expéditifs.
MAURIAC, Le Bâillon dénoué, 1945, p. 450.
SYNT. Doubler la surface, l'intensité, la longueur, le volume de qqc.; doubler la mise, le loyer.
— Spécialement
♦ Dans le lang. scolaire, vieilli. Doubler une classe. ,,En suivre le cours une seconde année`` (LITTRÉ). Synon. mod. redoubler.
♦ ,,Doubler l'étape`` (Ac.). Faire deux étapes au lieu d'une dans la même journée (Ac.).
♦ Doubler la garde, le quart. Multiplier par deux l'effectif de la garde. Il n'y avait plus moyen de fermer l'œil. On devait doubler les quarts (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 124).
♦ CHASSE. Doubler une pièce de gibier. La tirer une seconde fois (cf. DUCHARTRE 1973).
2. P. ext. Augmenter beaucoup.
— Locutions
♦ Doubler le pas, l'allure. Augmenter le pas. Dom Claude entendit l'officier qui disait à l'écolier : — Tonnerre! doublons le pas (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 329).
♦ MAR. Doubler sur les avirons. Redoubler d'ardeur et de force dans la manœuvre des avirons (d'apr. BONN.-PARIS, 1859).
— Au fig. Synon. accroître, redoubler. Puis la conversation devient sérieuse et l'on s'entretient de la force vitale du mal, (...) comme pour le réengendrer en le doublant, ce mal (GONCOURT, Journal, 1888, p. 846). De le voir si courageux doublait la force des matelots (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 189).
B.— Emploi intrans. Être multiplié par deux. Les salaires ont doublé. On ne construit pas assez vite et le prix des loyers a doublé en peu de temps (MORAND, New-York, 1930, p. 56). Mais enfin, nous n'allons pas perdre le contrôle de Sonchelles au moment où cette affaire est en plein essor, s'écria-t-il. Le rendement va doubler (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 44) :
• 2. Dans le même temps, la population doublait en Angleterre, triplait en Allemagne et en Italie, quadruplait en Russie, décuplait en Amérique...
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 236.
— [Avec un compl. prép. de] Devenir deux fois plus grand, plus important (par son coût, son poids, sa surface, etc.). Les loyers ont doublé de prix :
• 3. Une sorte de fureur sacrée gonflait Joseph à de tels instants. Son poil se hérissait. Il semblait soudainement doubler de volume, comme certains animaux en posture de combat.
DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Suzanne, 1941, p. 205.
II.— [L'opération de nature concr. ou abstr., met en jeu deux choses dont l'une est ajoutée à l'autre]
A.— [Le suj. est l'agent qui effectue l'opération]
1. [Le double et l'objet doublé sont de nature identique] Mettre en double (en pliant, repliant, etc.). Doubler du fil, de la laine; doubler une feuille de papier, une serviette. Elle [Fanny] baissa le front comme un cheval qui s'encapuchonne, et doubla son menton (COLETTE, Seconde, 1929, p. 224).
— Spécialement
♦ CIN. Substituer au dialogue original d'un film un dialogue adapté en une autre langue. Cf. doublage. Au part. passé. Quand j'assiste à la projection d'un film doublé en français, je ne constate pas seulement le désaccord de la parole et de l'image (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 271).
♦ MAR. Doubler les amarres, les cordages, les manœuvres. Les disposer en double pour les rendre plus solides. Vienne la tempête, on double les amarres (ALAIN, Propos, 1935, p. 1274).
♦ Dans le lang. milit. ,,Doubler les rangs`` (Ac.). Mettre un seul rang sur deux (Ac.).
♦ MUS. Doubler une note, une partie. La faire répéter à l'unisson ou à l'octave supérieure. On double quelquefois la quinte, mais il faut faire toujours la tierce (MASSON, Nouv. traité règles compos., s. d.).
♦ VÉN. [En parlant du cerf] Doubler ses voies. Parcourir deux fois les mêmes voies, revenir sur ses pas, pour tromper ses poursuivants (cf. DUCHARTRE 1973).
— Emploi pronom. à sens passif. Devenir double. Les transepts [des églises gothiques anglaises] se doublent quelquefois vers le chœur (LENOIR, Archit. monast., 1856, p. 211). Et l'étoile se double au flot de la fontaine (RÉGNIER, Poèmes anc., 1890, p. 82).
2. [Le double et l'objet doublé sont de nature différente]
a) Emploi trans.
) [Avec un compl. prép. de ou avec] Associer (une chose à une autre) dans une forme et une dimension égales, de manière à garnir, orner, renforcer. Doubler une porte d'une tenture; doubler un mur d'une haie. Le bruit assourdissant des charpentiers doublant la coque des navires avec de grandes plaques de cuivre (A. DAUDET, Tartarin de T., 1872, p. 51).
— P. ext. Associer (une chose complémentaire à une autre). Possédant (...) un talent sans rival pour les conserves de fruits elle [Ursule] s'avisa de doubler la librairie d'une épicerie mystérieuse ouverte aux seuls initiés (ESTAUNIÉ, Mme Clapain, 1932, p. 2). Les émissions radiophoniques secrètes (...) doivent être doublées d'un service de distribution de tracts, de journaux (DE GAULLE, Mém., 1954, p. 626).
♦ Dans le domaine abstr. Il y a ici deux erreurs à éviter : (...) l'autre est de doubler ce contenu manifeste d'un contenu latent (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 196).
) [Sans compl. prép.]
— JEUX (billard). ,,Doubler la bande. Frapper la bande avant de frapper la bille`` (Ac. 1932).
— COUT. Garnir d'une doublure. Doubler un manteau, une jupe, une veste. Je doublai la pochette avec du satin cerise (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 121).
Rem. Ac. enregistre aussi les syntagmes doubler de soie, de toile, de taffetas.
— MAR. Doubler un navire. ,,Lui faire un doublage de feuilles de cuivre ou de planches`` (Ac. 1835, 1878).
b) Emploi pronom. à sens passif. Se doubler de + subst.
) [Le suj. désigne une chose] Être associé à (une autre chose plus ou moins semblable ou complémentaire). La mission secrète dont s'était doublée à Dresde la mission ostensible du duc de Richelieu (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 11, 1863-69, p. 97). La nuit se doublait d'une buée humide (CENDRARS, Homme foudr., 1945, p. 304) :
• 4. ... les interdits alimentaires et vestimentaires se doublent même de prescriptions rigoureuses concernant la liberté des mouvements.
J. VUILLEMIN, Essai sur la signif. de la mort, 1949, p. 250.
) [Le suj. désigne une pers.] Être en outre, en même temps. Chez Denys Belgrand, l'archéologue se double d'un poète à la Michelet (BOURGET, Conflits int., 1925, p. 6).
B.— [Le suj. désigne ce ou celui qui est en double]
1. [Le suj. et le compl. désignent des choses] Constituer le double, la doublure (de quelque chose) :
• 5. Le côté « africain » aussi l'a frappée : (...) impression fortifiée par les haies de figuiers de Barbarie qui doublent les murs de pierre sèche.
LARBAUD, Journal, 1932, p. 272.
— Domaine abstr. Nos images mentales doubleraient inutilement notre organisme (RUYER, Esq. philos. struct., 1930, p. 161). L'univers des lois causales vient doubler l'univers des lois empiriques (J. VUILLEMIN, Être et trav., 1949, p. 98).
2. [Le suj. et le compl. désignent des pers.] CIN., THÉÂTRE. Remplacer un acteur dans un rôle. Doubler un acteur, une vedette. Je téléphonai aussitôt au théâtre pour qu'on me doublât (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 341).
— [Avec l'idée de duplicité]
♦ Pop. Doubler qqn. Le tromper, l'induire en erreur pour en tirer profit. Où qu't'as caché la came? [= Est-ce bien dans cette misérable chambre que tu as caché pour cinq millions de cocaïne?] T'essaie pas de nous doubler, des fois? (LE BRETON, Razzia, 1954, p. 67).
♦ Arg. Doubler une femme. La tromper en prenant une maîtresse. Avec qui il [ton homme] t'a doublée [trompée]? — Avec la femme de ton ami Riton, Josy l'ordure! (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 124).
III.— P. ext. [Avec l'idée de mouvement] Dépasser en contournant. Doubler un cortège, une file, une voiture. Elle doubla deux tramways, l'omnibus du Panthéon, enfila le nouveau boulevard Raspail (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 369).
♦ Emploi abs. Dépasser un véhicule automobile en mouvement. Il est interdit de doubler en haut d'une côte (Lar. Lang. fr.).
— MAR. Doubler un cap. Aller au-delà, en passant au large :
• 6. Jamais fiancés n'ont été plus proches de leur fiancée que les marins bretons du XVIe siècle, quand ils doublaient le cap Horn et vieillissaient contre le mur des vents contraires.
SAINT-EXUPÉRY, Lettre à un otage, 1943, p. 392.
♦ Au fig. Aller au-delà de; triompher (d'une difficulté). Oberman, âgé de vingt-sept ans, traverse la crise antérieure à toute maturité, et double, pour ainsi dire, le cap périlleux de la vie (SAINTE-BEUVE, Portr. contemp., t. 1, 1846-69, p. 168). De 1898 à 1905 on a doublé le cap d'un monde politique nouveau (THIBAUDET, Hist. litt. fr., 1936, p. 515).
Prononc. et Orth. :[duble], (je) double []. Cf. l'observation sous double. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. a) Ca 1100 « garnir d'une doublure » (Roland, éd. J. Bédier, 995); b) 1517 orfèvr. adj. (E. COYECQUE, Recueil d'actes notariés..., I, 19 ds IGLF : une chayne d'or doublé); 1770 (Mercure, avr. ds HAVARD, s.v. doublé : vaiselle de cuivre doublé d'argent fin); 1838 subst. (Ac. Compl. 1842). B. 1. Ca 1135 trans. « mettre en double, plier » (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 837 : les paveillons deublerent); 2. a) 1160-70 trans. « multiplier par deux » (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1771); 1165-76 intrans. « devenir double » (CHR. DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 1882); b) 1690 doubler une bille (au billard) (FUR.); [1755 doublet (Encyclop.)]; 1798 doublé (Ac.); c) 1750 man. doubler large, doubler étroit inf. subst. (LA GUÉRINIÈRE, École de cavalerie, p. 73 ds IGLF); 1900 doublé part. passé subst. (Nouv. Lar. ill.); d) 1900 doublé vén. part. passé subst. (ibid.); 3. 2e moitié du XIIe s. trans. « augmenter » (Livre de Job, éd. Le Roux de Lincy ds Les Quatre livres des rois, p. 509), C. 1. 1529 mar. « franchir (un cap, une île, etc.) » (J. du voyage de J. Parmentier ds JAL : le vent nous estoit escars, et ne la savions Doubler [l'île]); 2. a) 1628 arg. « voler » (O. CHÉREAU, Le Jargon ou Lang. de l'arg. réformé, p. 30); b) 1670 « tromper » (Montfleury, s. réf. ds ESN.); 3. 1845 « dépasser (un vaisseau) » (BESCH.); 1900 « dépasser (un véhicule) » (Nouv. Lar. ill.). D. 1. a) 1718 doubler un rôle « faire apprendre un même rôle par deux personnes » (Ac.); 1752 doubler un acteur (Trév.); b) 1929 cin. doubler un film (Lar. 20e); 1938 part. passé adj. (QUENEAU, Enf. du limon, p. 307 : deux grands films, un français et un doublé); 1939 part. passé subst. (GIDE, Journal, p. 1313 : [les] plus mauvais doublés du cinéma); 2. a) 1843 part. passé adj. « accompagné de » (BALZAC, Illus. perdues, p. 307 : il n'y a pas une vertu qui ne soit doublée d'un vice); b) 1847 doublé de « qui est aussi » (BALZAC, Cous. Pons., p. 37 : un chef d'œuvre doublé d'un Normand). Du b. lat. duplare trans. « doubler ». Fréq. abs. littér. :960. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 469, b) 1 682; XXe s. : a) 1 144, b) 1 237. Bbg. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. Vocab. techn. des quilles. 1972, p. 12. — GUIRAUD (P.). Le Champ morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, pp. 96-109. — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 93, 108. — SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 170. — UREN (O.). Le Vocab. du cin. fr. Fr. mod. 1952, t. 20, p. 208.
doubler [duble] v.
ÉTYM. 1080, Chanson de Roland, v. intr.; dobler, XIIe, v. tr.; du bas lat. duplare, de duplus. → Double.
❖
———
I V. tr.
1 Rendre double. || Doubler une ration. || Doubler une somme, un capital, les multiplier par deux. || Doubler une longueur, une épaisseur. || Doubler une consonne. || Action de doubler. ⇒ Doublement, duplication. || Qui double. ⇒ Duplicatif.
1 (…) quelle considération, quel respect bas pour un homme qui évidemment a doublé et triplé sa fortune, depuis qu'il administre le bien des pauvres !
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, VII, Pl., t. I, p. 247.
2 (…) il paraît qu'on va doubler les impôts et que le Père Ubu viendra les ramasser lui-même.
A. Jarry, Ubu Roi, III, 3.
♦ (Emplois spéciaux). — Typogr. || Doubler une lettre, un mot, un passage par erreur. ⇒ 2. Doublon. — Mus. || Doubler une partie, la renforcer à l'unisson ou à l'octave par un second instrument. — Milit. || Doubler les rangs : mettre sur deux rangs les soldats qui n'étaient que sur un seul. || Doubler l'étape : faire deux étapes au lieu d'une dans la même journée. || Doubler la garde. — Mar. || Doubler le quart. — Doubler la bande : au billard, frapper la bande avant de toucher la bille. — Sports. Disputer (deux épreuves analogues). || Doubler 5 000 et 10 000 m.
♦ (Dans le temps). Vieilli (1765) ou régional (Belgique). || Doubler une classe, la suivre une seconde fois. ⇒ Redoubler. || Élève qui double. ⇒ Doublant, 2. doubleur, redoublant.
♦ Doubler le pas : marcher deux fois plus vite (→ Baguette, cit. 8); par ext. Augmenter son allure. ⇒ Accélérer. || S'apercevant qu'il était en retard, il doubla le pas.
3 Tiburce doubla le pas, mais il ne vit plus rien; la rue était déserte dans toute sa longueur.
Th. Gautier, la Toison d'or, II.
♦ Fig. et rare. || Doubler les craintes, les remords de qqn. ⇒ Augmenter, redoubler.
4 (…) le sang-froid qui double les moyens et les forces.
Mme de Staël, Corinne, I, 4.
5 Ce qui rend les amitiés indissolubles et double leur charme, est un sentiment qui manque à l'amour, la certitude.
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 656.
6 Devant le petit hôtel, à façade étroite, d'une architecture indécise, Gurau éprouvait donc une certaine curiosité qui doublait l'intérêt de sa visite.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XXII, p. 284.
2 Mettre (qqch.) en double. || Doubler des fils de tissage. || Doubler une étoffe pour tailler deux morceaux semblables. — Mar. || Doubler les manœuvres, les cordages, les amarres, les disposer en double pour les rendre plus solides.
3 Garnir intérieurement (qqch.) de qqch. qui recouvre, augmente l'épaisseur. || Doubler un vêtement, une couverture, un sac, des gants : appliquer une étoffe à l'intérieur pour rendre plus chaud, plus commode. ⇒ Doublure. || Doubler un tissu de fourrure (⇒ Fourrer), d'ouate (⇒ Ouater). || Doubler un vêtement de soie, de taffetas, de tartan. — Absolt :
6.1 Il lui plaisait que deux sœurs Chanel sur trois fussent enfin réunies, et (…) occupées à volanter, doubler, recouvrir (…)
Edmonde Charles-Roux, l'Irrégulière, p. 191.
♦ Au passif. → aussi ci-dessous Doublé, 2.
7 (…) il ne semblait pas que tout le dedans (du pardessus) en fût doublé de fourrure.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, V, p. 36.
♦ (Le sujet est le nom de ce qui double) :
7.1 Une seconde enveloppe en zinc doublait l'intérieur de la caisse, qui avait été évidemment disposée pour que les objets qu'elle renfermait fussent, en toutes circonstances, à l'abri de l'humidité.
J. Verne, l'Île mystérieuse, p. 319.
♦ Mar. Effectuer le doublage de…
5 Constituer un double, un objet semblable ou analogue. — Au passif. || Le mur était doublé par une haie. || On a doublé la passerelle par un pont.
7.2 La ville indigène double la ville française, parallèlement au fleuve, et s'étend en profondeur à chaque extrémité et forme proprement deux villes.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 824.
6 V. pron. Fig. et littér. || Se doubler de. ⇒ Accompagner (s'). || Des compliments qui se doublaient d'une moquerie. || C'est un menteur qui se double d'un lâche.
8 Dans ce monde qu'est la Comédie humaine, les spécialistes se sont plus d'une fois émerveillés de découvrir en Balzac, sous le romancier, un technicien parfait de toutes les questions traitées : comme si l'écrivain s'était tour à tour doublé d'un légiste, d'un agriculteur, d'un industriel, d'un chimiste, d'un financier.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 297.
B Dépasser en contournant. (1858, in Petiot). Mar. || Doubler un cap, le dépasser, le franchir. Fig. || Doubler le cap, le cap de…; doubler le cap des tempêtes. ⇒ Cap (cit. 7). — Doubler un bâtiment, le devancer.
♦ Cour. Se dit de tout véhicule qui en dépasse un autre sur la voie qu'il suit. || Action de doubler un véhicule. ⇒ Dépassement, doublement. || Voiture qui double une charrette, une motocyclette. || La route n'est pas assez large pour qu'on puisse doubler une voiture et en croiser une autre en même temps. Absolt. || Défense de doubler en côte.
9 Quand Joseph doublait une voiture puissante, quand il prenait, à la corde, dans le ruisseau, un tournant difficile, ou quand il abordait à grande allure une rampe longue et sinueuse (…)
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, X, II, p. 310.
9.1 Au septième kilomètre, ils doublaient le troupeau des lourds humains qui battaient la piste et que nous avions oubliés.
Jean Prévost, Plaisirs des sports, p. 184.
9.2 J'ai même doublé celui-ci pour la poursuite dans les égouts : un honneur, vous voyez.
R. Queneau, Loin de Rueil, p. 156.
1 (1752). Théâtre, cin. Remplacer (un comédien) en cas d'indisponibilité, ou pour certaines scènes. ⇒ Remplacer. || Il s'est fait doubler par un cascadeur pour les scènes de bagarre. || Personne qui double un acteur dans une pièce. ⇒ Doublure. — Doubler un rôle : être la doublure pour ce rôle.
10 Mlle Lemierre devait faire un rôle de vestale dans l'opéra nouveau; mais elle est grosse pour la seconde fois; on ne sait qui la doublera.
Diderot, le Neveu de Rameau, Pl., p. 447.
2 Cin. Faire le doublage de (un film, un acteur). ⇒ Postsynchroniser. || L'acteur qui double Laurence Olivier dans la version française de Richard III.
D Fam. || Doubler qqn, le trahir, profiter des avantages qui devraient lui revenir en agissant à sa place, à son insu. || Il s'est fait doubler.
10.1 La mignonne !… La fleur de mon rêve !… qui me doublait avec Bigoudi ! comme ça en plein square !… Ça me renversait… ça me coupait le souffle !…
Céline, le Pont de Londres, p. 157.
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II V. intr.
1 Devenir double. || Le chiffre des importations a doublé. || Longueur, hauteur qui double.
♦ Doubler de… || Doubler de valeur, de longueur : voir sa valeur, sa longueur doubler. || Animal qui double de poids toutes les cinq semaines pendant sa croissance.
10.2 L'Oncle tirait, puis par précaution, il « doublait », et l'animal foudroyé s'ajoutait à la liste interminable des victimes.
M. Pagnol, la Gloire de mon père, t. I, p. 203.
3 Redoubler d'efforts. (Mar.). || Doubler sur les avirons.
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se doubler v. pron. (passif).
♦ (Du sens I). → ci-dessus 5. et 6. — Ration, quantité qui se double. — Vêtement qui se double habituellement. || Film qui se double difficilement.
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doublé, ée p. p. adj.
1 Rendu ou devenu double. || Lettre doublée. || Effectif doublé. || Poids doublé. — Colonne doublée. ⇒ Géminé.
2 Garni d'une doublure. || Veste doublée de mouton, et, ellipt., doublée mouton; manteau doublé écossais.
11 Les robes sont magnifiques : des velours noirs, des velours bleus, des velours violets ou cramoisis, doublés de pelleteries précieuses.
Loti, Jérusalem, XIII, p. 157.
3 (1847). Fig. (avec deux n. de nature analogue). || Doublé de… : qui est aussi… || C'est un philosophe doublé d'un mathématicien. || Compliment doublé d'une moquerie. ⇒ Accompagné.
12 Je ne suis qu'un petit garçon qui s'amuse — doublé d'un pasteur protestant qui l'ennuie.
Gide, Journal, juin 1907.
4 Dépassé (en parlant d'un véhicule). || Voitures doublées.
5 Qui a subi le doublage. || Film doublé (opposé à en version originale). || Acteur étranger doublé en français.
6 N. m. ⇒ Doublé.
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DÉR. Doublage, doublant, doublé, 1. doubleur, 2. doubleur, doublure.
COMP. Dédoubler, redoubler.
Encyclopédie Universelle. 2012.