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dévorer

dévorer [ devɔre ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1120; lat. devorare
1Manger en déchirant avec les dents. Le lion, le tigre dévore sa proie. Saturne dévora ses enfants.
Par anal. Manger entièrement. Les chenilles ont dévoré les feuilles du rosier. Par exagér. La vermine nous dévorait. Être dévoré par les moustiques. fam. bouffer. Pronom. « les loups se dévorent entre eux » (France). s'entre-dévorer.
2(Personnes) Manger avidement, gloutonnement. avaler, engloutir, engouffrer. Dévorer un poulet entier. Absolt « Il dévorait comme un loup affamé » ( Mérimée).
3Fig. (1549) Lire avec avidité. « il lit beaucoup, dévore livre après livre avec une avidité juvénile » (A. Gide).
4Par métaph. Dévorer (qqn, qqch.) des yeux : regarder avec avidité (ce que l'on désire ardemment, ce qui intéresse passionnément). ⇒ convoiter, dévisager. « je dévorais d'un œil ardent les belles personnes » (Rousseau).
5Faire disparaître rapidement en consumant. anéantir, consumer, détruire. « Nous crûmes l'un et l'autre que les flammes dévoraient l'édifice » (France). Fig. Cela dévore tout mon temps. absorber, accaparer, prendre.
6Dépenser rapidement. dilapider, dissiper. « L'héritier prodigue paye de superbes funérailles et dévore le reste » (La Bruyère). gaspiller. Prendre avidement les richesses de. piller . La Révolution « a livré la France aux hommes d'argent, qui depuis cent ans la dévorent » (France).
7Faire éprouver une sensation pénible, un trouble violent à (qqn). consumer, ronger, tourmenter. La soif, le mal qui le dévore. « L'impatience me dévorait : à tous les instants je consultais ma montre » (B. Constant). Être dévoré de remords, de convoitise.

dévorer verbe transitif (latin devorare) Manger entièrement un animal, quelqu'un en le déchirant, en le déchiquetant, en parlant d'un animal : Le loup a dévoré l'agneau. Manger avec voracité, goulûment, engloutir, en parlant de quelqu'un : Enfant qui dévore son goûter. Ronger quelque chose, le mordre, le piquer abondamment jusqu'à le détruire, en parlant d'insectes : Les mites ont dévoré la couverture. Utiliser quelque chose, le consommer, le prendre en très grande quantité : La crise a dévoré tous ses capitaux. Lire avec avidité un livre, un journal, etc. Envahir quelqu'un, l'absorber totalement ; ronger : L'envie de tout lui dire la dévorait.dévorer (citations) verbe transitif (latin devorare) André Gide Paris 1869-Paris 1951 Je n'aime pas les hommes, j'aime ce qui les dévore. Le Prométhée mal enchaîné Gallimard Bible Soyez sobres, veillez. Votre partie adverse, le Diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Épîtres de saint Pierre, Ire, V, 8 dévorer (expressions) verbe transitif (latin devorare) Dévorer du regard, des yeux, regarder avec insistance. Dévorer quelqu'un de baisers, le couvrir de baisers. Dévorer une distance, la parcourir à grande vitesse. Dévorer le visage, en parlant des yeux, de la bouche, être très grands par rapport au reste du visage. ● dévorer (synonymes) verbe transitif (latin devorare) Manger avec voracité, goulÛment, engloutir, en parlant de quelqu'un
Synonymes :
- engloutir
- se goinfrer (familier)
- s'empiffrer (familier)
Contraires :
- chipoter
- grignoter
Utiliser quelque chose, le consommer, le prendre en très grande quantité
Synonymes :
- dilapider
Envahir quelqu'un, l'absorber totalement ; ronger
Synonymes :
- bourreler
- hanter
- miner
- obséder
- poursuivre
- ronger

dévorer
v. tr.
d1./d Manger en déchirant avec les dents, avaler avidement. Le tigre dévore sa proie.
Fig. Elle a été dévorée par les moustiques.
d2./d Manger avec gloutonnerie. Cet enfant ne mange pas, il dévore.
|| Fig. Dévorer un livre, le lire très vite et avec passion.
|| Dévorer des yeux: regarder avec insistance, avec convoitise.
d3./d Fig. Détruire, consumer. Les flammes dévorèrent leur maison en un clin d'oeil. Les impôts ont dévoré mes économies.
|| Tourmenter (peine, affliction). Elle était dévorée par le chagrin.

⇒DÉVORER, verbe trans.
A.— Manger avec voracité et rapidité.
1. [Le suj. désigne un animal carnassier] Dévorer un agneau, une proie. Les poissons ne sont mus que par une voracité aveugle et irréfléchie, dévorant sans distinction toute proie vivante (BROUSSAIS, Phrénol., 1836, p. 62) :
1. Le sanglier est omnivore. Même il ne dédaigne point la chair. Lorsqu'il les peut surprendre, il dévore au gîte les levrauts vagissants, (...) Il ne sort que la nuit pour vaguer et manger. Il mange avec gloutonnerie.
PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 4.
P. ext. [En parlant d'un animal nuisible] Détruire en rongeant. Les insectes dévorent les plantes (ERCKM.CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 48). Le livre parlementaire le « barodet » (...) était littéralement dévoré par les mites (L. DAUDET, Brév. journ., 1936, p. 213).
P. exagér., fam. Piquer, mordre à maintes reprises. Dévoré de poux, par les poux. Une grêle de moustiques qui m'ont dévoré les jambes (FLAUB. Corresp., 1850, p. 193).
2. P. anal. [Le suj. désigne une pers.] Dévorer du pain, des fruits; dévorer son dîner; dévorer avec avidité, goulûment :
2. Et elle dévora certes la moitié de la volaille qu'elle dépeçait à grands coups de mâchoires avec des allures de carnivore.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Les sœurs Rondoli, 1884, p. 1264.
Emploi abs. Manger beaucoup, avec gros appétit. Il dévora, de l'appétit d'un homme qui ne s'était pas repu depuis deux jours (R. ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 657).
Loc. fig.
a) Dévorer qqn de baisers, de caresses. Le couvrir de baisers, de caresses. La même qui dévore de baisers cet objet répugnant me traiterait de « sadique » si elle me voyait baiser une rose (MONTHERL., Inf. Castille, 1929, p. 590).
b) Dévorer qqc. des yeux, du regard, des oreilles. Regarder intensément, avec convoitise ou avec une vive curiosité; écouter avidement et avec une extrême attention :
3. On vit dans une époque, à la Cour, si c'est une époque de cour; on y passe sa vie à regarder, à écouter, et, quand on est Saint-Simon, à écouter et à regarder avec une curiosité, une avidité sans pareille, à tout boire et dévorer des oreilles et des yeux.
SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, t. 15, 1851-62, p. 434.
B.— Au fig.
1. [L'idée dominante est celle d'absorption, de consommation totale et rapide]
a) [L'obj. désigne des biens matériels] Dépenser entièrement avec rapidité et prodigalité des biens personnels ou ce qui constitue les ressources d'une autre personne ou d'une collectivité. Dévorer un capital, un héritage, un patrimoine. Un petit nombre de brigands dévore la multitude; et la multitude se laisse dévorer (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 96). Vous ne consommez pas, si le mot vous choque vous dévorez quarante mille francs portés au budget de l'État (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 379) :
4. Son capital écorné de moitié, il épousa une fille de belle jambe et de peu de principes qui acheva de dévorer le meuble et l'immeuble.
AYMÉ, La Jument verte, 1933, p. 36.
P. anal. [Le suj. désigne une chose] Utiliser quelque chose en totalité, l'épuiser rapidement. [Les] consommations de munitions que le matériel moderne était en mesure de dévorer en peu de temps (JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 49).
b) [L'obj. désigne une certaine étendue d'espace ou de temps]
[En parlant d'une distance ou d'une surface]
♦ Couvrir une distance, la parcourir avec une extrême rapidité. Il court, il vole, il dévore la distance (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, Le Convive des dernières fêtes, 1883, p. 149). Ce bolide dévorait ses 83 kilomètres en 4 heures et demie (P. ROUSSEAU, Hist. techn. et invent., 1967, p. 254).
♦ Envahir, recouvrir la totalité d'une surface. Si la lumière arrive de face et de manière à dévorer les ombres (Ch. BLANC, Gramm. des arts du dessin, 1876, p. 553). Ses yeux éblouissants dévoraient toute sa face (SARTRE, Nausée, 1938, p. 117).
[En parlant d'un espace de temps] Le faire passer rapidement en l'occupant dans sa totalité. Ces menues brimades qui dévorent le temps, occupent l'esprit (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 307) :
5. Il a tant à vivre pour lui-même qu'il n'a pas le temps de vivre pour le dehors. Il ne veut rien laisser perdre de cette vie brûlante et multiple, qui lui échappe et qu'il dévore avec précipitation et avidité.
RENAN, L'Avenir de la sc., 1890, p. 16.
c) [L'obj. désigne un écrit] Le lire en épuisant son contenu avec rapidité et avidité. Dévorer une lettre, un livre, un ouvrage. Son activité brûlante dévorait les dossiers (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 370) :
6. Heureusement, dans la même année, parut une illustre préface que nous dévorâmes aussitôt, et qui faillit nous convaincre à jamais.
MUSSET, Lettres de Dupuis et Cotonet, 1836, p. 661.
d) [L'obj. désigne un phénomène moral pénible, sa cause, ses manifestations] Accepter, subir sans protestation, sans réplique, sans faire apparaître ses réactions. Dévorer un affront, une insulte; dévorer son chagrin, ses larmes. J'avais senti l'injure, et je la dévorais en silence (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 466). Par fierté elle dévore toutes ses tristesses, ses déconvenues (GIDE, Journal 1914, p. 439).
2. [L'idée dominante est celle de destruction rapide] Réduire à néant; consumer.
a) [Le suj. désigne une force naturelle] Le crépitement d'une flamme d'incendie qui multipliait ses foyers, dévorait de proche en proche les îlots d'abord préservés (DE VOGUË, Morts, 1899, p. 9).
P. anal. [En parlant du temps] L'irrésistible torrent des heures qui dévorent sans retour notre être instantané (SENANCOUR, Rêveries, 1799, p. 231).
b) [Le suj. désigne un mal physique ou social] Dégrader totalement, ruiner. Dévoré par la maladie, par la fièvre. Aussi ne se faisait-il pas faute, (...) de voir dans l'ulcère qui dévore les aristocraties intellectuelles de tous les pays le vice propre de l'art (ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 705).
[En parlant d'une sensation vive, d'un sentiment pénible, d'une passion violente] Tourmenter vivement. Dévoré par la soif, par la passion; dévoré d'amour, de haine, de soucis. La soif inextinguible qui dévora ses compagnons pendant cette journée (VERNE, Enf. Cap. Grant, t. 1, 1868, p. 157). L'horrible inquiétude qui torturait ma raison et l'atroce amour qui me dévorait le cœur (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p. 113).
Rem. Dans ce sens dévorer peut être employé à la forme pronom. réfl. Je me ronge, je me dévore d'impatience. Ce qui m'exaspère c'est la stupidité des autorités locales (FLAUB. Corresp., 1870, p. 146).
Prononc. et Orth. :[], (je) dévore []. Enq. : // (il) dévore. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1121-35 devurer « avaler, manger gloutonnement » (d'un animal) (PH. DE THAON, Bestiaire, 717, 1732 ds T.-L.); 1re moitié XIIe s. eissi en ire devoret icels [absorbet] « engloutir, anéantir » (Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, LVII, 9); début XIIe s. adj. part. prés. fous ... devuranz (Psautier de Cambridge, éd. F. Michel, XVII, 8); 1662 et vous devez du cœur dévorer ces leçons (MOLIÈRE, L'École des femmes, III, 2, vers 729); 1685 soucis dévorants (LA FONTAINE, Philémon et Baucis, 4, éd. H. Régnier, t. VI, p. 148). Empr. au lat. class. devorare « avaler, engloutir, dévorer ». Fréq. abs. littér. :2 347. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 609, b) 3 731; XXe s. : a) 2 848, b) 2 335.
DÉR. Dévorable, adj. Qui peut être dévoré. P. métaph. Si l'amant pouvait vérifier la calomnie, même quand il la trouverait fondée, elle serait rendue dévorable par l'imagination (STENDHAL, Amour, 1822, p. 133). 1res attest. a) Milieu XIIIe s. mors devourables « dévoreuses » (Vie de St François d'Assise, Maz. 1351 f° 37e ds GDF.), ms. début XIVe s. et la gens devorable (Enfances Godefroy, Richel. 12558, f° 56e, ibid.), b) 1822 rendue dévorable par l'imagination (STENDHAL, loc. cit.); du rad. de dévorer, suff. -able. Fréq. abs. littér. : 1.
BBG. — GIR. t. 2 Nouv. Rem. 1834, pp. 30-31.

dévorer [devɔʀe] v. tr.
ÉTYM. V. 1120, devurer; lat. devorare, de de- intensif, et vorare « manger ». → Vorace.
A (Manger).
1 (Animaux, surtout). Manger en déchirant avec les dents. Engloutir, repaître (se). || Qui dévore sa proie. Dévorant, vorace; suff. -vore. || Le lion, le tigre dévore sa proie (→ Chien, cit. 5). || Les hyènes dévorent les charognes. || Saturne dévora ses enfants.
1 Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
J'ai dévoré force moutons.
La Fontaine, Fables, VII, 1.
2 Parmi les loups cruels prêts à me dévorer (…)
Racine, Athalie, II, 7.
3 (L'homme) anéantit plus d'animaux que tous les animaux carnassiers n'en dévorent (…)
Buffon, Hist. nat. des animaux, Animaux carnassiers.
Par anal. Manger entièrement. || Les chenilles ont dévoré les feuilles du rosier.
4 Hélas ! ils dormaient hier;
Et notre cœur doute encore,
Que le ver déjà dévore
Cette chair de notre chair !
Lamartine, Harmonies…, II, 1.
Par exagér. || La vermine les dévorait.(Passif et p. p.). || Être dévoré par les moustiques, par les poux.
4.1 À Coquillatville, nous avions été dévorés par les moustiques.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 705.
2 (Personnes). Manger avidement, gloutonnement. Avaler, empiffrer (s'), engloutir, engouffrer. || Il a dévoré un poulet entier à son repas.
5 Il a dévoré une savoureuse portion de veau, généreusement lardée, fricassée dans la poêle et garnie de carottes.
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 105.
Absolt. || Cet enfant ne mange pas, il dévore. || Dévorer comme un goinfre, un glouton, un ogre.
6 (…) il me parut vraisemblable qu'il n'avait pas mangé depuis quarante-huit heures au moins. Il dévorait comme un loup affamé.
Mérimée, Carmen, I.
3 (1662). Fig. || Dévorer un livre, le lire avec avidité. Bibliophage (fig.); → Affamé, cit. 5. || Dévorer les classiques. || Dévorer une lettre.
7 Je le trouvai dans la ferveur des hautes connaissances. Rien n'était au-dessus de sa portée; il dévorait et digérait tout avec une prodigieuse rapidité.
Rousseau, les Confessions, VII.
8 (…) il lit beaucoup, dévore livre après livre, avec une avidité juvénile (…)
Gide, Journal, 6 avr. 1943.
8.1 Je dévore le numéro d'hommage à Alain que publie la N. R. F.
Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 5.
Dévorer les paroles de qqn, les écouter avec un intérêt passionné.
9 (…) Aziyadé attentive au moindre signe de sa vieille amie, et dévorant ses paroles comme les arrêts divins d'un oracle.
Loti, Aziyadé, Eyoub à deux, XXVIII, p. 113.
4 Par métaphore ou fig. Manger. || Dévorer qqn de baisers. — ☑ Dévorer (qqn, qqch.) des yeux : regarder avec avidité ce que l'on désire ardemment, ce qui intéresse passionnément. Convoiter (cit. 5), couver (fig.), dévisager (cit. 6).
10 Tourmenté longtemps sans savoir de quoi, je dévorais d'un œil ardent les belles personnes (…)
Rousseau, les Confessions, I.
11 Faut-il qu'incessamment mes yeux dévorent des charmes dont jamais ma bouche n'ose approcher ?
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, I, lettre VIII.
12 (…) des madones que le mage nègre dévore de toute la convoitise de ses yeux (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, III, II, III, p. 45.
13 (…) la duchesse se tenait à gauche de l'escalier (…) dévorée des yeux par des femmes, des hommes, qui cherchaient à surprendre le secret de son élégance et de sa beauté.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. IX, p. 154.
1 (Sujet n. de chose). Faire disparaître rapidement. Anéantir, consumer, détruire. || L'incendie a dévoré tout un quartier. Brûler. || Le temps, la mort dévore tout.
14 La gloire des méchants en un moment s'éteint.
L'affreux tombeau pour jamais les dévore (…)
Racine, Esther, II, 8.
15 Vous êtes comme un feu qui dévore les blés (…)
Hugo, l'Année terrible, Avril, IV.
16 Nous crûmes l'un et l'autre que les flammes dévoraient l'édifice.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, Œ., t. VIII, p. 86.
2 (Sujet n. de personnes). Dépenser rapidement. || Dévorer un bien, une somme d'argent. Dépenser, dilapider, dissiper, épuiser, gaspiller. || Il a dévoré tout l'héritage, toute sa fortune.
17 L'héritier prodigue paye de superbes funérailles, et dévore le reste.
La Bruyère, les Caractères, VI, 64.
18 (…) il dévora en quelques années les champs, les prés (…) Ayant mis la pauvre amoureuse sur la paille (…)
France, le Petit Pierre, XXII, p. 159.
Vx (ou par métaphore d'un sens concret). Prendre avidement les richesses de. || Dévorer un pays. Piller, ravager, ruiner, saccager. || Le fisc dévore le contribuable. Ronger; rapacité.
19 On dévore la substance du pauvre, on ruine la veuve et l'orphelin.
Bourdaloue, Sermon sur le carême, Sur les richesses, t. III.
20 (Voltaire) a profité de la circonstance (…) pour demander que le pays de Gex où il habite ne soit plus dévoré par les financiers.
d'Alembert, Lettre au roi de Prusse, 23 févr. 1776.
21 Elle (la Révolution) a livré la France aux hommes d'argent, qui depuis cent ans la dévorent. Ils y sont maîtres et seigneurs.
France, le Lys rouge, VII, p. 80.
3 (Personnes, véhicules…). Parcourir très rapidement. || Dévorer l'espace en courant, en roulant vite. || Dévorer des kilomètres (→ fam. 2. Bouffer, supra cit. 7).
4 Envahir de manière à cacher, à faire disparaître. || Les mauvaises herbes ont dévoré les allées. || Un visage dévoré par la barbe (cit. 14), par les taches de rousseur ( Manger, 6.).
22 (…) une très petite commune perdue loin de tout grand centre, enfermée de marais, acculée contre la mer qui rongeait ses côtes et lui dévorait chaque année quelques pouces de territoire (…)
E. Fromentin, Dominique, II, p. 28.
5 Fig. || Dévorer le temps. Remplir, ronger. || Les menues occupations qui dévorent la journée. || Matinée dévorée par les importuns. || Cela dévore tout mon temps. Absorber, 2. bouffer (fam.), prendre.
23 Le Tribunal dévorait toutes ses journées, prenait toute son âme (…)
France, Les dieux ont soif, p. 192.
24 (…) et toute ma matinée ainsi a été dévorée par la correspondance comme il advient souvent.
Gide, Journal, 12 juin 1914.
C Littér. Ne pas laisser paraître de…, cacher en soi-même. || Dévorer ses larmes. Rentrer, retenir. || Dévorer son chagrin. Renfermer; et aussi ruminer, taire. || Dévorer un affront, une injure, cacher la colère, le ressentiment que l'on en éprouve ( Supporter).
25 Rongée de soucis, je suis obligée de paraître gaie et contente; il faut que je dévore mes larmes (…)
Mme de Maintenon, Lettre à Mme de St-Géran, 1er avr. 1679, in Littré.
26 Les uns croyaient que, malgré mon courage, le rang de l'offenseur me tenait en respect et m'obligeait à dévorer l'offense (…)
A. R. Lesage, Gil Blas, III, VII.
27 (…) je me cachai pour demeurer seul à dévorer mes pensées.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 1006.
D
1 Faire éprouver une sensation pénible à (qqn); détruire, dessécher. Brûler, consumer, dessécher, ronger, tourmenter. || Le mal, la fièvre le dévore. || La faim, la soif le dévore.
28 (…) un lion (…) que la cruelle faim dévore (…)
Fénelon, Télémaque, I.
2 Dessécher. || Le soleil qui dévore le désert.Au p. p. || Pays dévoré de soleil.
29 (…) il (le fleuve) traverse sans l'arroser cette vallée misérable et dévorée de soif.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 40.
30 (…) par des chemins poudreux qui montent à travers une campagne aride et dévorée de soleil.
Loti, Suprêmes visions d'Orient, p. 70.
3 (Le sujet désigne une passion, un sentiment). Attaquer dans sa personnalité. || L'ambition, l'amour, la colère (cit. 8), la haine, l'orgueil, l'inquiétude le dévore. || Un feu secret, une ardeur cachée le dévore. Brûler, enflammer.Au p. p. || Être dévoré de jalousie, de chagrin, de douleur, de remords, de convoitise (→ Croître, cit. 10).
31 Du zèle qui pour toi l'enflamme et le dévore.
Racine, Esther, Prologue.
32 (…) un homme n'est pas malheureux parce qu'il a de l'ambition; mais parce qu'il en est dévoré.
Montesquieu, Cahiers, p. 19.
33 (…) les hommes sont dévorés de plus d'envie, de soins, et d'inquiétudes, qu'une ville assiégée n'éprouve de fléaux.
Voltaire, Candide, XX.
34 L'imagination, le besoin, la vanité, la curiosité, se réunissaient pour me dévorer de l'ardent désir d'être homme et de le paraître.
Rousseau, les Confessions, V, p. 262.
35 L'impatience me dévorait : à tous les instants je consultais ma montre.
B. Constant, Adolphe, II, p. 21.
36 Je ne puis faire passer en vous une étincelle du feu qui me dévore !
A. de Musset, le Chandelier, II, 4.
37 Maintenant, voici qu'il était là, devant elle, et dévoré, déchiré par ce chagrin.
Paul Bourget, Un divorce, IV, p. 142.
38 La jalousie, c'était ces flambées soudaines qui la dévoraient, au cours des premières années de ménage (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 226.
——————
se dévorer v. pron.
|| Fauves se dévorant entre eux, s'entre-dévorant.
39 Les agneaux paissent en paix, tandis que les loups se dévorent entre eux.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, Œ., t. VIII, p. 21.
Se dévorer soi-même.
40 Il est juste qu'une espèce si perverse se dévore elle-même (…)
Voltaire, Dialogues, XIV, in Littré.
Fig. || Se dévorer de chagrin, d'inquiétude, d'ennui, de colère, de passion.
41 (…) j'ai une extraordinaire envie de savoir de vos nouvelles (…) je me dévore (…) j'ai une impatience qui trouble mon repos.
Mme de Sévigné, 137, 20 févr. 1671.
——————
dévoré, ée p. p. adj.
Voir ci-dessus à l'article.
DÉR. Dévorant, dévorateur, dévoration, dévorement, dévoreur.

Encyclopédie Universelle. 2012.