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CATALOGNE
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Les Pyrénées, l’Èbre et la Méditerranée: entre ces limites s’étend la Catalogne ibérique. Sa position excentrique dans la Péninsule, la barrière pyrénéenne qui l’isole de l’Occident, l’Èbre formant frontière avec le reste de l’Espagne, les singularités de son climat et l’importance de ses ressources naturelles ont favorisé son originalité comme sa richesse artistique. Mais c’est à l’histoire qu’il faut demander la principale explication du particularisme catalan, dont l’aire culturelle et linguistique s’étend sur les deux versants des Pyrénées et recouvre également les Baléares.

Cette contrée a toujours été une région de contacts et d’échanges. À l’aube de l’époque historique, elle est habitée par un peuple d’origine incertaine, mais dont les liens avec l’Afrique semblent prouvés: les Ibères. Au VIe siècle avant notre ère, les Grecs entrent en contact avec cette population. Occupée par les Romains en 218, pacifiée en 194 avant J.-C., la Catalogne est romanisée avant le reste de l’Espagne.

Soumise aux Wisigoths, elle forme déjà un ensemble original avant les invasions arabes. Elle devient une marche sous les Carolingiens, un bastion avancé de la Chrétienté contre la poussée de l’Islam.

Des comtes l’administrent qui s’affranchissent peu à peu de la tutelle carolingienne. Raimond Bérenger IV, comte de Barcelone, ayant épousé la fille du roi d’Aragon, l’union des deux puissances change le destin de la Catalogne. Son importance est grande dans la Reconquista et plus encore dans l’expansion espagnole en Méditerranée: conquête des Baléares (1229), expansion en Sicile, domination de la Sardaigne (1326), intervention en Corse; la Catalogne devient l’une des premières puissances de la Méditerranée. Liée à l’Aragon, elle occupe néanmoins une place particulière: le roi d’Aragon est d’origine catalane et attache plus d’importance à la riche région maritime de son domaine qu’au modeste royaume intérieur. Les décisions des Corts dictent sa politique financière; entre les sessions, les Corts sont représentées auprès du souverain par une commission permanente de six membres.

La fédération Aragon-Catalogne est-elle viable? Fortement peuplée, enrichie par son commerce maritime qui favorise la naissance d’une bourgeoisie barcelonaise et un important développement urbain, la Catalogne supporte impatiemment la tutelle aragonaise.

En 1410 meurt le dernier représentant de la dynastie catalano-aragonaise. La compromis de Caspe confie deux ans plus tard la couronne d’Aragon à un souverain de souche castillane. La collaboration entre la monarchie et la bourgeoisie catalane est compromise. Si Alphonse le Magnanime se laisse entraîner dans la conquête de la Sardaigne, puis du royaume de Naples, fermant les yeux sur le particularisme catalan, l’avènement de Jean II entraîne un changement de politique. Le nouveau souverain entend mettre fin à l’indépendance de la Catalogne. Il y parvient en 1472 après avoir pris Barcelone au terme d’un long siège. La Catalogne s’efface désormais au profit de la Castille dans l’histoire de l’Espagne.

Insurrection sous Philippe II devant les tentatives de centralisation; nouvelle révolte de 1700 à 1714: la Catalogne ne veut pas se soumettre.

Du XVe au XVIIe siècle, les provinces centrales de l’Espagne ont joué un rôle de direction grâce à leur supériorité démographique et économique. Au XVIIIe siècle se produit un renversement de la conjoncture: la Catalogne est épargnée par les facteurs qui provoquent la décadence espagnole (émigration, hausse des prix, bureaucratie excessive); elle retrouve son ancienne importance. Les signes de ce renouveau se notent dans la prospérité rurale, le nouvel essor du commerce maritime et la reprise démographique. Mais cette renaissance pose à la péninsule Ibérique un problème angoissant: comment concilier ce regain d’activité catalane avec la volonté de direction de Madrid?

L’essor catalan est brisé par l’invasion napoléonienne. Dans le souci d’anéantir les tentatives de résistance espagnole, Napoléon tente de ressusciter le particularisme catalan en lui donnant une administration spéciale dirigée par un préfet et en créant des journaux de langue catalane. En réalité, la guerre civile renforce l’unité de la Péninsule: comme les autres provinces, la Catalogne refuse la domination française.

Mis quelque temps en veilleuse, le particularisme renaît à la faveur de la crise du XIXe siècle: attentats à Barcelone entre 1830 et 1840, renouveau littéraire de la langue catalane d’Aribau à Rubió i Ors dont les œuvres débordent les cénacles et touchent le peuple; action d’une bourgeoisie totalement différente dans sa mentalité et ses activités du paysan ou de l’hidalgo des provinces centrales. La faiblesse de l’État espagnol encourage le mouvement particulariste.

De là le rôle de la Catalogne dans la guerre civile: le soulèvement de 1934, puis la résistance au pronunciamiento de 1936. Dans les luttes qui ensanglantent l’Espagne, la Catalogne est le dernier bastion des républicains. Le 26 janvier 1939, Barcelone tombe; Franco a virtuellement gagné.

Est-ce à dire qu’une nouvelle fois le particularisme catalan a été vaincu? À plusieurs reprises, des grèves d’une ampleur surprenante éclateront, les incidents se multiplieront à l’université de Barcelone. Après la fin du franquisme, le nationalisme catalan s’atténuera et un statut d’autonomie régionale sera adopté par référendum en 1979.

1. L’art catalan

Jusqu’à l’époque romane

À l’école de la Grèce et de Rome

Sur le magnifique golfe de Rosas, où le ciel et la mer évoquent déjà la Grèce, deux cités phocéennes se succèdent. De la plus ancienne, la Palia Polis , resserrée dans l’îlot de Sant Martí d’Empúries, nous ne savons pratiquement rien. Mais on peut contempler les ruines de la Nea Polis , qui s’étalait largement sur la terre ferme. De là proviennent d’importantes sculptures et de beaux objets qui sont pour la plupart présentés dans les musées archéologiques de Gérone et de Barcelone.

Par l’intermédiaire des Grecs, les Ibères acquirent certains éléments de la civilisation antique. Ces apports favorisèrent l’art de la céramique et, à un degré moindre, le travail du bronze, la joaillerie et l’orfèvrerie.

Bien plus importante se révèle l’influence de Rome. Dès le IIe siècle avant notre ère, elle incorpora la péninsule Ibérique à son empire et nulle part sa présence ne fut plus manifeste que sur ces rivages méditerranéens où plusieurs cités, modelées à son image, diffusèrent sa langue, sa manière de vivre, sa religion et son art.

Tarragone, qui fut capitale de province, conserve encore la topographie heurtée de la ville antique, cependant que plusieurs monuments, plus ou moins bien conservés, parlent de sa splendeur à l’époque de la paix romaine. À l’intérieur d’une enceinte aux assises inférieures cyclopéennes, on trouve, à des niveaux successifs, les ruines d’un cirque, les restes d’un édifice imposant baptisé palais d’Auguste et l’emplacement des temples de Jupiter Ammon et d’Auguste. D’autres monuments annoncent de loin la présence de la cité: un aqueduc majestueux, l’arc de triomphe dénommé Arco de Barà et le tombeau dit «des Scipions».

Barcelone occupait le second rang. Sur le mons Taber se dressait un temple dédié à Auguste, dont trois colonnes restent en place. Vers la fin du IIIe siècle, à la suite de la première invasion barbare, la ville se resserra à l’intérieur d’une enceinte réduite. Cette muraille subsiste, avec plusieurs tours, sur une partie importante de son tracé.

D’autres monuments, des ponts, des tombeaux, des villas, un temple à Vich – l’antique Ausona – sans compter de nombreux objets d’art révèlent sur tout le territoire de la Catalogne l’empreinte tenace de cette civilisation romaine qui fut universaliste. Dans quelques cas très rares, et notamment en ce qui concerne certaines sculptures trouvées à Barcelone, une expression originale perce sous ce vêtement d’emprunt, témoignant du maintien de l’individualité locale.

Cette personnalité s’affirmera au fur et à mesure que s’accélère le déclin de Rome. L’Empire chrétien vit s’élever aux environs de Tarragone, à un kilomètre du village de Constantí, l’important mausolée de Centcelles, qui comprenait essentiellement deux corps, l’un de plan circulaire et l’autre quadrilobé. Celui de l’est a conservé une coupole ornée de mosaïques. À Tarragone même, la grande nécropole des bords du Francolí possédait une basilique funéraire apparentée, par le plan de son chevet, aux basiliques paléochrétiennes de Syrie, d’Afrique et des Baléares.

Le développement du christianisme au IVe siècle est également attesté à Barcelone par la construction d’une cathédrale dont une partie importante a été dégagée à proximité du monument gothique actuel. On la visite en même temps que les ruines de la cité du Bas-Empire.

On ne connaît guère la sculpture de l’époque que par les sarcophages. Ceux-ci présentent parfois des types communs à l’ensemble du bassin occidental de la Méditerranée. Cependant on note aussi à Tarragone l’existence d’un atelier original. Il traite la figure humaine, lorsqu’elle apparaît en très faible relief et lui impose un ensemble de déformations qui iront s’amplifiant durant toute la période préromane.

Des Wisigoths aux Carolingiens

L’activité artistique de la région demeura grande jusqu’au début de l’époque wisigothique, sans qu’apparaissent des modifications fondamentales par rapport à la période antérieure.

Peut-être doit-on dater du VIe siècle l’intéressant groupe épiscopal d’Egara, sur le territoire de la ville de Tarrasa. Ce groupe de trois sanctuaires, consacrés à la Vierge, à saint Pierre et à l’archange saint Michel, évoque la brève existence d’un ancien siège épiscopal issu d’un démembrement du diocèse de Barcelone aux environs de 450 et emporté dans la tourmente de l’invasion arabe du VIIIe siècle. On retiendra la variété et la richesse des plans. Le chevet de Sainte-Marie, rectangulaire extérieurement, dessine à l’intérieur un arc outrepassé; celui de Saint-Pierre a la forme d’un trèfle. Quant à Saint-Michel, il inscrit une croix grecque dans un carré. Le petit appareil mural, communément employé dans les parties les plus anciennes de ces monuments, est celui de la Gaule romaine et préromane.

L’invasion musulmane provoqua une véritable paralysie de la vie artistique, qui dura plusieurs générations. Un renouveau ne put se produire que grâce à la reconquête carolingienne.

Il s’agit ici d’un phénomène d’une importance primordiale pour l’histoire de la Catalogne, qui eut pour effet d’incorporer ce pays à l’Occident, alors que la majeure partie de la péninsule Ibérique demeurait sous la domination musulmane. Les Francs étendirent à la Marche d’Espagne leurs cadres politiques et sociaux; ils retirèrent au siège de Tolède sa prépondérance, pour instituer à travers la métropole de Narbonne une communion étroite des évêques avec le pape; aidés des moines bénédictins, ils substituèrent le rite romain à la liturgie wisigothique.

Les influences franques, transmises principalement par l’intermédiaire des monastères, s’unirent aux traditions locales d’époque wisigothique pour donner naissance à un art préroman très particulier, qui diffère autant de celui de la Gaule contemporaine que de l’art mozarabe d’Espagne.

De ce préroman, on connaît surtout d’humbles chapelles à nef unique, terminées par une abside de forme carrée. Les plus importantes de ces constructions adoptèrent cependant le plan basilical, mais en lui faisant subir des transformations caractéristiques. C’est ainsi qu’à Sant Quirze de Pedret, non loin de Berga, les trois nefs sont couronnées par un chevet comprenant une abside trapézoïdale flanquée de deux absidioles outre-passées.

À la tête de toute cette production préromane on doit mettre un édifice situé en territoire français: l’abbatiale de Saint-Michel-de-Cuxa, dans les Pyrénées-Orientales, qui fut consacrée en 975. En même temps que réapparaît le transept, l’ensemble des arcs intérieurs adopte ici la forme outrepassée. Plutôt qu’une influence de l’Espagne musulmane, il convient de voir dans le choix de ce tracé le retour à une pratique ibérique attestée dans la Péninsule dès avant la conquête romaine.

On ne saurait cependant nier une intervention directe de l’Espagne califale dans le domaine artistique. Celle-ci accompagna une pression politique, ainsi qu’un rayonnement scientifique du califat de Cordoue durant le Xe siècle. Un certain nombre de chapiteaux de l’abbaye de Ripoll et de la cathédrale de Vich présentent des parentés si grandes avec des œuvres un peu antérieures de la grande mosquée omeyyade que leur présence ne peut guère s’expliquer autrement que par l’intervention d’artistes andalous. Ces sculpteurs étrangers formèrent des élèves indigènes dont l’activité paraît attestée jusqu’au début du XIe siècle.

L’art roman

La chute du califat de Cordoue, peu après l’an mille, détermina un changement complet dans le sens des influences artistiques. Celles de l’Occident chrétien, et notamment de l’Italie, deviendront pour longtemps prépondérantes. C’est dans cette conjoncture nouvelle que naît l’art roman.

Le premier art roman méridional

L’architecture romane apparaît d’abord sous la forme d’un style né dans l’Italie septentrionale et qui se caractérise en premier lieu par un appareil rustique de petits moellons noyés dans le mortier. Il retient également l’attention par un décor de minces pilastres réunis à leur partie supérieure par de petits arcs juxtaposés en nombre variable. Cette légère dentelure, d’abord apparue aux absides, s’enhardit parfois jusqu’à parcourir les façades et à souligner les rampants des pignons. Elle peut s’accompagner de dents d’engrenage et de niches ouvertes aux jeux de l’ombre et de la lumière.

Cependant, le premier art roman ne se définit pas seulement par son sévère décor mural: il modifia également de manière profonde le plan des édifices religieux. À l’abside fermée des édifices antérieurs, il substitua un sanctuaire largement ouvert sur la nef. La nouvelle orientation religieuse, caractérisée par le progrès du culte des reliques, accrut aussi l’importance des cryptes. Celles-ci devinrent de véritables églises souterraines voûtées, dont la construction fut une source de rapides progrès techniques, notamment dans la couverture voûtée. Celle-ci s’étendit rapidement à l’ensemble des édifices et détermina une modification appropriée des supports, qui devinrent cruciformes et parfois cantonnés de colonnes engagées.

Le plan basilical, utilisé pour les églises importantes, allait s’enrichir de deux éléments nouveaux: le transept et la coupole. Leur combinaison réalisa des chevets de grande allure qui s’accompagnent parfois de sveltes clochers ajourés, semblables aux campaniles italiens contemporains.

On connaît des centaines d’édifices appartenant à ce style. Leur groupement est particulièrement dense dans la zone pyrénéenne et davantage encore dans la partie centrale de la Catalogne, qui bénéficia de la paix revenue aux frontières. On peut citer parmi ces monuments l’ancienne abbatiale de Saint-Martin-du-Canigou et le chevet du monastère de Ripoll, le prieuré bénédictin de Sant Jaume de Frontanyà ou l’abbaye de Sant Pere de Casserres; le chef-d’œuvre est sans contexte la collégiale Sant Vicens du château de Cardona. Commencée un peu avant 1029 et consacrée en 1040, elle organise autour d’une coupole un édifice splendide, apothéose du premier art roman catalan.

Premiers essais de sculpture monumentale

Cet art dépouillé, qui excluait l’emploi de la pierre taillée, ne paralysa pas entièrement l’essor de la sculpture amorcé dans la seconde moitié du Xe siècle sous l’influence des artistes andalous. On voit se développer au contraire, après l’an mille, une sculpture religieuse aux origines complexes, encore proche par ses techniques des arts somptuaires des époques préromanes. Les œuvres les plus intéressantes ornent les façades des trois anciennes abbatiales roussillonnaises de la région des Albères: Saint-Genis-des-Fontaines, Saint-André-de-Sorède (vers 1020) et Arles-sur-Tech (vers 1040). Sur le linteau en marbre blanc de la première de ces églises, un maître authentique a inscrit, d’une écriture très ferme aux accents déjà romans, une belle composition où l’on voit le Christ en majesté trôner au centre du collège apostolique.

On a tendance à rattacher à l’activité de cet atelier le décor sculpté de la grande abbatiale de Sant Pere de Roda, édifiée semble-t-il vers 1020 sur les derniers contreforts des Albères, non loin du cap Creus. Le monument lui-même a toutes les rudesses des maçonneries du début du XIe siècle, mais les supports de la voûte de la nef réalisent une sorte d’ordre monumental à l’aide de colonnes et de chapiteaux délicatement sculptés. Les uns paraissent se rattacher à l’œuvre des sculpteurs catalans de la génération antérieure, formés à l’école andalouse. Les autres comptent parmi les plus beaux des chapiteaux à entrelacs romans de Catalogne et du sud-ouest de la France.

Le second âge roman

Le passage du premier art roman méridional au second âge roman se manifeste surtout par le progrès de la stéréotomie et de la sculpture monumentale qui lui est liée.

C’est à l’abbatiale de Ripoll que la sculpture romane catalane paraît avoir conquis ses lettres de noblesse, vraisemblablement vers le milieu du XIIe siècle, avec la décoration de la façade d’un édifice construit aux époques antérieures. Les thèmes, empruntés à l’Ancien et au Nouveau Testament, sont traités en registres superposés. On ne sait si l’on doit voir dans cette page magistrale, malheureusement dans un mauvais état de conservation, un écho des façades de l’ouest de la France ou une imitation de la profusion décorative lombarde.

La sculpture romane catalane est surtout connue par ses cloîtres. Ceux du Roussillon empruntaient un attrait particulier à leurs marbres roses et blancs. Mais bien peu sont demeurés intacts dans leur lieu d’origine: ils ont souvent été victimes de l’elginisme à la fin du siècle dernier. Une production fort homogène, caractérisée par le nombre restreint des modèles et l’uniformité du métier, révèle un travail d’artisans plutôt que l’intervention d’artistes créateurs. Une place particulière doit cependant être faite au maître de Serrabone, qui paraît avoir disposé de modèles orientaux pour la décoration d’un petit prieuré de chanoines augustins.

Gérone est en mesure de concurrencer le Roussillon avec ses propres cloîtres, dont le style particulier apparaît vers 1150 au monastère de Sant Pere de Galligans. Le cloître de la cathédrale, plus tardif, est rythmé par la succession régulière des piliers couronnés de frises historiées entre des groupes de colonnes géminées. Au même groupe appartient le cloître de Sant Cugat del Vallés, l’un des plus grands de Catalogne et également l’un des plus séduisants. Le sculpteur Arnaud Catell, dont la présence est attestée entre 1205 et 1207, s’est représenté à l’œuvre sur un chapiteau de l’angle nord-est.

Une autre figure d’artiste tranche sur l’uniformité assez générale de l’art de la seconde moitié du XIIe siècle. Il s’agit d’un sculpteur ambulant que l’on peut suivre par sa production de la Toscane en Navarre, en passant par le Languedoc, la Catalogne, le Roussillon et Toulouse. Probablement d’origine italienne, il s’impose par un style très personnel, nourri de souvenirs antiques et friand de déformations expressives. On le connaît sous le nom de Maître de Cabestany, juste hommage à son chef-d’œuvre, le tympan marial d’une petite église des environs de Perpignan.

Le XIIe siècle vit aussi l’épanouissement de la peinture romane catalane, dont trois domaines retiennent l’attention: les fresques, qui ornaient à l’origine la plupart des églises, mais qui ne se sont relativement bien conservées que dans la région montagneuse; les panneaux peints, parfois intimement liés aux fresques; et enfin la miniature, à laquelle on ne saurait attribuer pourtant qu’une place secondaire.

Pour la plupart, les peintures murales catalanes ont été arrachées de leurs églises d’origine et transportées dans des musées, notamment à Barcelone. Leur étude s’en trouve facilitée.

Un des artistes les plus anciens, connu sous le nom de Maître de Pedret, apporta, dès la fin du XIe siècle, un art très sûr, caractérisé par une connaissance du modelé antique que l’art byzantin lui avait sans doute révélé par l’intermédiaire de l’Italie.

Un autre jalon important de l’évolution est constitué par les décors de Saint-Clément et de Sainte-Marie-de-Tahull, deux églises construites simultanément et consacrées à un jour d’intervalle, les 10 et 11 décembre 1123. Le raffinement stylistique de ce groupe de peintures arrive à son point culminant dans la représentation du Pantocrator de Saint-Clément.

De riches collections de devants d’autel peints sur bois et conservés dans les musées de Barcelone, de Vich et de Solsona permettent de suivre la vie des ateliers locaux. Le goût paraît avoir évolué entre un esprit décoratif avide de couleur pure et un byzantinisme plus ou moins larvé qui s’affirmera dans la partie septentrionale du pays au début du XIIIe siècle.

Les peintres collaborèrent également au travail des sculpteurs sur bois qui dotèrent les églises d’innombrables vierges romanes et de représentation de Jésus crucifié. Parmi ces dernières, on signalera un type iconographique rare, lié au Volto Santo de Lucques. Il prête à Jésus, encore vivant, une longue tunique avec manches et ceinture nouée. L’attitude majestueuse du Christ vainqueur de la mort a valu à ces œuvres le nom de Majestats .

Passage du roman au gothique

L’art roman devait produire au XIIIe siècle de savoureux fruits d’arrière-saison dans la riche région de Tarragone et de Lérida, récemment libérée de la domination musulmane. Ces œuvres présentent des nouveautés techniques, comme la voûte d’ogives, introduite par des moines cisterciens, et des particularités stylistiques, souvent empruntées à l’art mauresque.

Si l’essaimage cistercien véhicula un certain nombre d’emprunts faits à la France, on ne saurait réduire à une simple imitation de modèles étrangers les splendides constructions de l’ordre de saint Bernard en Nouvelle-Catalogne: Poblet, Santes Creus et Vallbona de les Monges – cette dernière maison étant une abbaye de moniales. Chacun de ces ensembles offre des traits particuliers liés à une longue histoire.

D’une certaine manière, les deux cathédrales de Lérida et de Tarragone se trouvent liées à ces entreprises, mais elles s’en distinguent aussi par l’importance accordée dès l’origine au décor sculpté. Dans le cloître de Tarragone, la veine romane alimenta des œuvres d’une grande vigueur plastique. Au contraire, à Lérida, les portails de la cathédrale incorporent à une structure d’une sévère pureté la fantaisie filigranée des arabesques d’origine musulmane.

Le gothique catalan

À partir du XIIIe siècle, la Catalogne orienta ses activités vers des entreprises maritimes de type colonial. Des transformations économiques et sociales de grande portée bouleversèrent le domaine artistique. Les centres vivants cessèrent d’être les grands monastères ruraux de l’âge féodal; ce furent désormais les villes. L’élan créateur fut désormais donné par les ordres religieux créés pour répondre aux exigences spirituelles de la société nouvelle, et particulièrement par les ordres mendiants. L’élément bourgeois lui-même allait jouer un rôle de plus en plus important dans l’art, au point d’en transformer jusqu’à l’esprit.

L’architecture religieuse

Vers le milieu du XIIIe siècle, apparut en Catalogne un type d’église à nef unique entièrement voûtée d’ogives, avec chapelles latérales entre les contreforts et abside polygonale. Cette formule architecturale répondait parfaitement à la mission de prédication spécifique des ordres mendiants. Il est probable qu’elle vint du Languedoc voisin, mais elle donna à Barcelone ses manifestations les plus caractéristiques, comme l’église des clarisses de Pedralbes.

Un autre modèle d’architecture monastique, simple variante de la précédente, substitua aux voûtes d’ogives sur les nefs une couverture en charpente. Cette dernière convenait encore davantage à l’idéal de pauvreté affiché par les ordres mendiants et elle fut adoptée de préférence par les couvents modestes. Déjà les cisterciens de Poblet et de Santes Creus en avaient fait un magnifique usage pour couvrir leurs grands dortoirs et nul doute que cet exemple n’ait contribué à assurer son succès.

Après la conquête de Majorque, qui mit une fois encore les Catalans en contact avec l’art musulman, on prit l’habitude d’orner ces charpentes de peintures dont les motifs furent empruntés à la grammaire décorative mauresque. Enrichie de couleurs éclatantes, la couverture de bois devint digne des plus nobles usages. Elle fut notamment retenue par le roi d’Aragon pour la chapelle de Sainte-Agathe au Palais royal majeur de Barcelone.

La nef unique, dont l’emploi s’étendit avec la construction de nombreuses églises paroissiales urbaines, ne supplanta pas totalement l’église à collatéraux. Au XIVe siècle, on considérait encore ce dernier parti comme seul digne d’une église épiscopale. Les cathédrales de Barcelone, Gérone et Tortosa, de même que la grande église paroissiale de Santa Maria del Mar à Barcelone, se caractérisent par un chevet à trois échelons correspondant respectivement aux chapelles rayonnantes, au déambulatoire et à l’abside. Peut-être doit-on voir dans cette répartition des volumes une influence lointaine de l’exemple de Bourges. Cependant la cathédrale de Gérone fut terminée au XVe siècle par une nef unique plus large que toutes celles qui existent en Catalogne aussi bien qu’en Languedoc.

L’architecture civile

L’art gothique catalan se distingue également des autres écoles de la Péninsule par l’importance de l’architecture civile, qui témoigne de la vitalité des différentes catégories sociales du pays.

En ce qui concerne l’art de cour, les particularités de l’époque peuvent être étudiées soit à Barcelone, au Palais royal majeur, où la salle d’apparat du Tinell fut refaite par le maître Guillaume Carbonell entre 1359 et 1370, soit, mieux encore, à Perpignan. La dynastie majorquine, d’origine catalane, y fit édifier à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle une demeure agréable et judicieusement distribuée en appartements privés et bâtiments officiels. Toutes les pièces donnaient sur des cours intérieures agrémentées de galeries à portiques. Dans un esprit identique, les mêmes monarques remanièrent à Palma de Majorque l’Almudaina, ancienne résidence des gouverneurs musulmans des Baléares, et ils construisirent, sur un belvédère dominant la baie de Palma, le délicat palais de Bellver. Par son plan circulaire, ce monument annonce déjà certains partis architecturaux de la Renaissance.

La primauté accordée au commerce maritime fit naître les «loges de mer», imitées de celles que l’on trouve dans les villes italiennes. Primitivement, la loge (lonja ) était un simple lieu couvert où se réunissaient les marchands pour effectuer leurs transactions. Un édifice modeste comme la loge de Tortosa, construite entre 1368 et 1373, demeure proche de ces origines.

Mais ces halles se convertirent très vite en de magnifiques monuments. L’exemple fut donné par Barcelone, qui éleva sa Lonja (Bourse de commerce) au cours du XIVe siècle. Il en subsiste une grande salle, divisée en trois nefs par un système hardi d’arcades et de piles supportant la charpente. Bien différente, la Lonja de Palma se rattache aux grandes salles capitulaires à colonnes des couvents des ordres mendiants.

Autant qu’à son commerce, la prospérité catalane était liée à une autonomie interne du pays au sein de l’État aragonais. Cette autonomie s’exprimait par une sorte de régime constitutionnel qui accordait un pouvoir considérable aux Corts – sorte d’états généraux – et à leur délégation permanente, la Députation ou Généralité. L’autorité de cette dernière se manifeste par la richesse des bâtiments où elle se réunissait, la Casa de la Diputació , dotée d’une cour intérieure entourée de galeries à arcades et dont l’un des attraits principaux est la chapelle Saint-Georges, première manifestation du style flamboyant à Barcelone. L’hôtel de ville a été remanié au XIXe siècle, mais on y trouve encore une salle gothique, le Saló de Cent , où siégeait le Conseil des cent jurés (Consell de cent jurats ), véritable parlement municipal.

Par suite de l’essor du commerce maritime, la construction des navires devint une industrie essentielle de la Catalogne. Le souvenir de cette activité se maintient avec la conservation, vraiment miraculeuse, de l’arsenal gothique. Il comprend une série de nefs parallèles, couvertes de toits de tuiles à deux versants appuyés sur des arcades. C’est le schéma des nefs couvertes de charpentes sur arcs diaphragmes, qui a également été utilisé dans les bâtiments de l’hôpital général de Sainte-Croix, noble édifice où se trouve aujourd’hui installée la Bibliothèque centrale de Barcelone.

La sculpture et la peinture

Avec une originalité égale à celle de l’architecture, la sculpture et la peinture reflètent, dans leur évolution, l’influence des milieux créateurs qui orientèrent successivement l’histoire des arts du relief et de la couleur au cours des XIVe et XVe siècles.

C’est avec un retard sensible que la Catalogne entreprit de s’initier à la sculpture gothique auprès d’artistes étrangers, et elle n’occupa longtemps dans ce domaine qu’une place secondaire. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, Jacques Cascalls, originaire de Berga, opéra une synthèse entre une tradition française, surtout attentive au style, et un courant italien plus soucieux de monumentalité. Son atelier introduisit le retable de pierre dans les églises de la région de Lérida.

Peu à peu cependant, à la fin du XIVe et au début du XVe siècle, le réalisme se développa dans la sculpture funéraire, conformément à l’évolution qui s’observait au même moment en France et dans les Flandres. Le tournant vers un art plus expressif, celui que symbolise puissamment Claus Sluter, fut pris par Pere Johan, le fils d’un esclave grec de Jacques Cascalls. Mais le tempérament méridional de cet artiste le prévint contre les outrances de l’art slutérien. Il parvint à se réaliser dans les formes poétiques et riches de spiritualité, qui caractérisent notamment le retable du maître-autel de la cathédrale de Tarragone (1426-1433).

De même que l’architecture civile, la peinture trouva dans la faveur de la classe bourgeoise, grands marchands et représentants des corporations, les moyens de son essor. Elle lui doit aussi nombre de ses caractères, le goût pour l’anecdote et le pittoresque, une certaine bonhomie, mais aussi un goût exagéré pour la rutilence des ors qui causera finalement sa perte. Cette large audience populaire permit néanmoins aux peintres catalans de constituer une véritable «école» gothique, la seule, en fait, de la péninsule Ibérique.

Pour ses premiers pas, elle réussit une œuvre exceptionnelle: l’importante décoration murale de la chapelle Saint-Michel attenante au cloître de Pedralbes. Son auteur, Ferrer Bassa, s’est parfaitement assimilé les formes de Lorenzetti, mais il conserve une expression libre et directe. À aucun moment il ne fait figure de plagiaire, car il traduit des thèmes proprement italiens avec une vigueur et une originalité un peu frustes qui sont la marque de son talent.

Ses successeurs ne le suivront pas dans cette voie. Ils seront tous résolument peintres de retables. Les frères Serra, qui dominent l’histoire de la peinture dans leur pays pendant la seconde moitié du XIVe siècle, exploitent la veine siennoise. Leurs retables ne sont souvent que des miniatures agrandies. Bien qu’enclins au maniérisme et à la répétition des formules d’atelier, ils savent cependant metttre de la sensibilité dans les visages et apporter de l’harmonie dans les compositions.

Le XVe siècle débute en Catalogne, comme partout ailleurs en Europe occidentale, avec les richesses du style «international». Lluís Borrassá en est le représentant le plus authentique. Il pousse très loin l’esprit d’observation avec un sens tout nouveau de l’individuel.

La génération suivante fut celle de Bernat Martorell, conteur exquis et artiste délicat. Ouvert aux problèmes posés par la représentation de l’espace, il communique aux volumes une réelle consistance et donne à ses compositions une allure monumentale.

Il revenait à Jaume Huguet d’adapter le naturalisme flamand à l’esprit de son pays. Malheureusement, les traditions artisanales locales pesèrent lourdement sur l’évolution de sa technique. L’époque était peu favorable aux innovations. Barcelone, sortie vaincue et ruinée d’une longue période de guerre civile, n’est plus, vers la fin du XVe siècle, qu’une cité déclinante. Les élèves de Huguet ne surent pas assimiler, ni même comprendre, la leçon de maîtres de passage comme le grand Bartolomé Bermejo, qui peignit pour le chanoine Desplà la pathétique Pietà du Musée de la cathédrale de Barcelone. L’école gothique catalane, après avoir fait preuve durant deux siècles d’étonnantes possibilités de renouvellement, disparut sans gloire, prisonnière de recettes devenues sans intérêt.

L’échec de la Renaissance

À la fin du XVe siècle, les Rois Catholiques substituèrent l’unité d’un État moderne à la pluralité des royaumes qui avaient constitué le cadre de la vie médiévale dans la péninsule Ibérique. La Catalogne y perdit son autonomie, qui avait été une des sources de sa puissance et de son expansion, sans bénéficier en contrepartie des importantes richesses que l’exploitation du Nouveau Monde procurait à la Castille. Par suite du déplacement des centres politiques et économiques, et du déclin de la Méditerranée, le pays sombra dans une véritable prostration dont les effets se firent sentir jusqu’au XVIIIe siècle.

Dans ces conditions, l’art de la Renaissance ne se manifesta en Catalogne que timidement et d’une manière sporadique. En architecture, il fallut attendre la fin du XVIe siècle pour voir naître un mouvement conscient en faveur du style nouveau. Suscité par l’humaniste Jacques Amigo, il fut appuyé par l’archevêque de Tarragone et bénéficia des connaissances techniques de l’architecte Pierre Blay. La carrière de cet artiste, qui se déroula en grande partie dans la région de Tarragone, se termina à Barcelone avec la construction de la façade du palais de la Généralité, inspirée de Michel-Ange et de Palladio.

La sculpture, plus favorisée, profita de la venue d’artistes étrangers au pays, comme le Castillan Bartolomé Ordóñez, qui, avec son atelier, poursuivit la décoration du chœur de la cathédrale de Barcelone, ou le Valencien Damien Forment, auteur du retable du maître-autel de Poblet. À partir de 1527, le marché local fut en grande partie réservé à Martin Díez de Liatzasolo, artiste formé à Rome et dont le métier se caractérise par une froide perfection.

Après le brillant essor médiéval, la peinture accuse au XVIe siècle la plus profonde décadence. Seuls quelques maîtres venus du dehors échappent à la médiocrité quasi générale.

Baroque et classicisme

L’atonie se prolongeant au cours du XVIIe siècle, le baroque ne fut guère représenté que par des retables sculptés, très nombreux, mais ne dépassant généralement pas un honnête niveau artisanal.

Une étape nouvelle s’ouvrit pour l’art catalan avec l’installation des Bourbons sur le trône d’Espagne. Les influences venues de France se développèrent d’abord dans une atmosphère pesante. Barcelone, qui avait misé sur l’archiduc Charles d’Autriche, avait été enlevée de vive force et traitée comme une ville peu sûre. Pour prévenir tout soulèvement, une grande forteresse fut construite par le gouverneur d’origine flamande, Prosper de Verboom. Elle était entièrement terminée en 1725. Les principaux bâtiments, le palais du gouverneur et la chapelle d’une part, la longue façade de l’arsenal d’autre part, édifices de forte et claire géométrie, donnaient sur une vaste place d’armes. Ces monuments ont heureusement été conservés lorsqu’on rasa la citadelle en 1866.

La décision prise par Philippe V, en 1717, de concentrer toutes les études universitaires de Catalogne à Cervera, qui n’avait d’autre mérite que son loyalisme à la dynastie des Bourbons, dota cette petite localité campagnarde d’un important monument de style français. En effet, si la disposition générale de la nouvelle université dérive du plan de l’Escorial, le traitement des volumes et des surfaces annonce l’élégance que l’architecture française connut au milieu du XVIIIe siècle.

À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, le renouveau économique suscita un réveil des énergies; la Catalogne reprit contact avec les grands courants artistiques de caractère international.

Le plus important de ces mouvements fut celui du néo-classicisme, qui tenta, sous le contrôle de l’Académie, d’adapter les formes et les thèmes de l’Antiquité à la pensée et à la sensibilité du temps. À Barcelone, le bâtiment de la douane – aujourd’hui résidence du gouverneur civil – que le comte Roncali, ministre des Finances de Charles IV, fit élever entre 1783 et 1792, est encore marqué du signe des influences les plus diverses. Mais la nouvelle Lonja, construite à partir de 1774 par l’architecte Juan Soler Faneca, engloba la salle médiévale des transactions dans une création inspirée de Palladio.

Ce retour au classicisme palladien facilita la diffusion d’éléments d’architecture proprement antiques, provenant quelquefois d’une connaissance directe des originaux, mais empruntés le plus souvent à des dessins d’archéologues. Une antiquomanie, semblable à celle qui régna en France durant la Révolution et l’Empire, retint des formes grecques et romaines ce qu’elles avaient de plus simple et de plus archaïque.

L’extrême dépouillement auquel conduisit l’épuration du style suscita une réaction en faveur du décor à partir de la troisième décennie du XIXe siècle. Réapparaissent alors dans l’ornementation des façades des motifs variés qui continuent cependant le plus souvent à être empruntés à un répertoire antiquisant.

Parallèlement, un souci d’urbanisme préside au dessin des premières places modernes de Barcelone. Dans la vieille ville, la Plaza Real occupa l’emplacement de l’un des couvents détruits lors de la suppression des ordres religieux. L’ensemble des maisons à portiques dénommées els Porxos d’En Xifré (1836), du nom de leur propriétaire, acheva de donner un caractère monumental à une autre place que limitent d’autre part la Lonja et la Douane.

L’ère du «modernisme»

Le développement accéléré de la prospérité matérielle et les autres manifestations de la vitalité du peuple catalan aidèrent au réveil de sa conscience nationale. Sensible d’abord sur le plan littéraire avec la renaissance de la langue, le dynamisme créateur allait également être la source, à la fin du XIXe siècle, d’une remarquable activité artistique qui plaça la Catalogne au premier rang des provinces ibériques.

L’architecture

Barcelone devint, vers 1900, une des capitales européennes du modern style, mouvement international en réaction contre les recherches éclectiques dans lesquelles s’épuisait l’art académique. À cette époque, la ville était un immense chantier et un creuset où se forgeaient les idées novatrices. Le nom d’Antonio Gaudí y Cornet symbolise ces recherches d’avant-garde.

Ses premières constructions s’inscrivent dans le courant des styles historiques alors à la mode, mais très vite, il débouche sur le «modernisme», forme catalane du modern style. L’occasion lui en fut donnée par l’édification du palais Güell – aujourd’hui musée du Théâtre – dans la calle Conde del Asalto , rue populeuse proche des Ramblas (1885-1889). L’intérêt réside ici dans l’accord du bâtiment et de ses fonctions, ainsi que dans certains aspects tout nouveaux de la décoration.

Grâce à la protection du comte Eusebio Güell, l’architecte peut poursuivre ses recherches. Le souci de modernisme est beaucoup plus net dans l’église de la Colonie Güell, petite cité industrielle de Santa Coloma de Cervelló, à l’ouest de Barcelone, dont seule la crypte a été construite. Le choix des divers éléments d’architecture fut précédé d’études mécaniques très poussées et c’est l’analyse des fonctions qui conduisit notamment à la généralisation des formes paraboliques déjà apparues à l’hôtel Güell.

Lorsqu’il commença en 1900 le parc Güell, près de Barcelone, Gaudí confirma sa position d’avant-garde en concevant l’ensemble comme une véritable cité-jardin. En outre, pour se libérer des styles du passé, il revint à la nature et s’inspira de la flore et de la faune.

Son génie se précise encore dans la modernisation de la Casa Batlló (1905-1907), où il abandonne totalement les lignes droites et les formes géométriques, en faveur des seules lignes courbes et des formes galbées. Dans la Casa Milá (1905-1910), située de l’autre côté du Paseo de Gracia, il arrive à communiquer son émotion par le seul jeu des rythmes plastiques. Il n’y a plus de référence à la nature; mais, grâce à une technique des plus sûres, l’ensemble des volumes est modelé en un tout expressif.

Cependant, à partir de 1910, Gaudí refuse toute commande pour se consacrer pleinement à une entreprise surhumaine et l’une des plus déconcertantes qu’on puisse voir en Europe, la construction de l’église de la Sagrada Familia, conçue comme une chapelle expiatoire et comme la cathédrale du pauvre. D’une certaine manière, elle se rattache au gothique, mais pour le dépasser. Toute chargée de passion religieuse, riche d’une imagination inépuisable, cette œuvre étrange, laissée inachevée à la mort du maître, est actuellement continuée par des disciples fervents.

Aux côtés de cette figure exceptionnelle, plusieurs architectes ont contribué à faire de la Catalogne une patrie du modern style. L’attention est surtout retenue par Lluís Doménech i Montaner, l’auteur du palais de la Musique à Barcelone. Ce monument représente un remarquable effort pour intégrer dans la construction les matériaux les plus divers. Ainsi les arts mineurs s’incorporent à l’architecture pour produire un effet d’enchantement.

Le modernisme fut de courte durée et l’architecture espagnole ne tarda pas à retomber dans le conformisme. Barcelone tenta une nouvelle fois d’y échapper en introduisant dans la Péninsule l’architecture fonctionnelle. En 1930, le grand architecte Josep-Lluís Sert créa sous le sigle G.A.T.E.P.A.C., Grup d’Artistes i Tècnics Catalans per el Progrés de l’Arquitectura Contemporània , un mouvement d’avant-garde correspondant aux besoins de l’époque et confrontant les points de vue nationaux aux idées dominant à l’étranger. Il fut étendu à toute l’Espagne, grâce à l’appui du gouvernement républicain, mais son œuvre essentielle fut accomplie en Catalogne.

Non seulement le fonctionnalisme catalan se montra extrêmement fécond, mais il adopta un certain nombre de positions originales. Malgré le prestige énorme dont jouissait Le Corbusier dans le groupe, les architectes du G.A.T.E.P.A.C. surent se garder de toute imitation servile. La guerre civile devait mettre fin à l’activité du mouvement: Josep Torres Clavé, qui en était l’âme avec Josep-Lluís Sert, trouva la mort dans le conflit et la plupart des autres membres du groupe, Sert à leur tête, s’expatrièrent.

La sculpture et la peinture

Gaudí avait réservé dans son œuvre une place importante à la sculpture, qu’il tenta de libérer de la routine du réalisme en lui imprimant un aspect non figuratif. Mais il demeura un solitaire, et son action ne dépassa pas le cercle de ses collaborateurs. Vers 1910, une réaction ramena les sculpteurs vers la tradition méditerranéenne, c’est-à-dire vers la simplicité grecque. Ce fut surtout l’œuvre du Roussillonnais Aristide Maillol (1861-1944). Á Barcelone, Josep Clarà, bien qu’influencé par Maillol et Bourdelle, conserva une originalité dont témoigne la belle Déesse (1929) de la place de Catalogne.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la peinture catalane avait tenu une place modeste. On avait cru déceler chez Marien Fortuny (1838-1874) un talent exceptionnel, mais l’auteur de La Vicaria (musée d’Art moderne de Barcelone) mourut avant d’avoir donné la plénitude de ses moyens.

Comme en architecture, les premiers symptômes d’une véritable renaissance ne se produisirent qu’après l’Exposition universelle de Barcelone de 1888. Raymond Casas, dont l’œuvre témoigne d’une sensibilité très vive et d’un grand talent de dessinateur, fonda en 1897, avec Santiago Russinyol, Pierre Romeu et Utrillo, Els Quatre Gats (Les Quatre Chats ), à l’imitation du Chat-Noir de Paris. Là se réunissaient les artistes et les écrivains du modernisme. L’établissement fut éphémère, mais il exerça une action durable sur l’évolution de l’art. C’est aussi dans l’ambiance du modernisme que s’effectuèrent les débuts de Picasso. Bien vite, cette extraordinaire personnalité éprouva le besoin d’élargir ses horizons. En 1905, il abandonnait définitivement la capitale de la Catalogne.

À l’inverse, Josep-Maria Sert i Badía (1874-1945) élabora ses grandes compositions de la cathédrale de Vich, de l’hôtel de ville de Barcelone et du palais de la Société des Nations à Genève dans un isolement tourné vers le passé.

On pourrait enfin découvrir sans peine dans l’œuvre de Joan Miró et de Salvador Dalí des marques de l’atavisme catalan, de ce fonds vivace dont Antoni Tàpies montre aussi, à sa manière, l’inépuisable fécondité.

2. La langue catalane

Aire et origines

Le catalan est une langue romane parlée par plus de sept millions de personnes, réparties en une aire qui comprend la Catalogne, la partie de l’Aragon (d’une largeur approximative de 14 km) qui la jouxte, le Roussillon, la province de Valence, les Baléares. Le catalan fut officiellement parlé dans cette aire jusqu’en 1716. Il fut à nouveau reconnu langue officielle de la Catalogne de 1931 à 1939. Il est encore utilisé dans la vie quotidienne par les habitants des villes comme par ceux des campagnes. En 1927, plus d’un dixième des livres édités en Espagne étaient en langue catalane; en 1935, six quotidiens catalans étaient publiés à Barcelone.

Le catalan appartient à la même famille que le provençal et l’espagnol, dont il diffère cependant par certaines caractéristiques qui l’opposent principalement à l’espagnol: l’absence de diphtongues ascendantes ( , bo = espagnol bien , bueno ), l’abondance de diphtongues descendantes (peu , pau , bou = esp. pie , paz , buey ), la chute des voyelles finales (llop = lobo ; dolç = dulce ), la présence des palatales sonores j , z , tj , tz et de la palatale sourde x (= sh ); les infinitifs et participes sont accentués sur les syllabes radicales (vendre , pres = esp. vender , prendido ); enfin, il utilise le passé composé (vaig cantar ) là où l’espagnol utilise le passé simple (canté ). Il se distingue du provençal par les sons u = provençal ü , et o = prov. au ; par les diphtongaisons mig = prov. mieg , cull = cuelh , Déu = Dieu ou creure = creire . Enfin, il a conservé l’accentuation sur l’antépénultième et les pronoms suivent les formes verbales (per donar-me = per me dounà ).

Stabilité

Le catalan a peu varié au cours des siècles: un texte de Raymond Lulle remontant au XIIIe siècle est encore compris par les Catalans d’aujourd’hui. Ses dialectes, qui se regroupent en catalan occidental et en catalan oriental, ne présentent que des différences mineures qui apparaissent seulement dans la langue parlée (détails de prononciation, de conjugaison et de vocabulaire). Le catalan occidental comprend le catalan de l’Ouest (vallées de l’Èbre et de la Sègre), et le valencien. Le catalan oriental comprend le catalan de l’Est, les dialectes des Baléares et du Roussillon, les parlers d’Alghero et de Sardaigne où le catalan pénétra au XIVe siècle.

Le catalan est la continuation autochtone du latin en Roussillon et dans la majeure partie de la Catalogne. Une étude des noms de lieux indique qu’il n’y a eu aucun changement phonétique dans cette région après la chute de l’Empire romain. Cependant, l’ancienne toponymie de la vallée de l’Èbre, des Baléares et de la province de Valence révèle un type phonologique quelque peu différent parce que le catalan fut importé dans ces régions par la Reconquête au moment de l’expulsion des Maures aux XIIe et XIIIe siècles.

3. La littérature catalane

La féodalité et ses formes d’expression

Les couches cultivées de la société féodale ont produit et consommé, en Catalogne comme partout ailleurs en Occident, une littérature en langue latine. Elles n’ont utilisé la langue quotidienne, la seule comprise par la grande masse de la population, que lorsqu’elles ont éprouvé le besoin de mettre à la portée de cette masse les idées et les lois qui devaient la gouverner. C’est ainsi que, dès le IXe siècle, il a dû exister une prédication en catalan primitif de l’époque, mais, à cause de son caractère utilitaire, elle n’a jamais été écrite ou, si elle l’a été, elle n’est pas parvenue jusqu’à nous. En fait, le premier texte de ce genre qui nous ait été conservé, les Homilies d’Organyà , est considérablement postérieur, de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe. Il a dû y avoir également, depuis des temps très reculés, des traductions en langue vulgaire de certains textes juridiques. Le Forum judicum , par exemple, fut mis en un catalan assez bien construit vers la première moitié du XIIe siècle; les Usatici , un siècle plus tard. D’ailleurs, dès les origines de la langue, la population a dû chanter des chansons et conter des légendes sur des sujets divers, dans les circonstances les plus variées de la vie de tous les jours; elle a dû écouter, sur les places et dans les rues, les narrations que composaient et récitaient les jongleurs. Cette littérature orale s’est perdue. Depuis le deuxième tiers du XIe siècle toutefois, il existait déjà une littérature savante et profane dans une langue vulgaire qui n’était pas celle qu’on employait dans la vie courante, mais une autre qui jouissait déjà ou devait bientôt jouir d’un très grand prestige: le provençal des troubadours. On suppose que la Chansó de Santa Fe fut écrite par un anonyme catalan de Saint-Michel-de-Cuxa ou de Saint-Martin-du-Canigou, vers 1054-1076. Depuis le milieu du XIIe siècle et jusqu’au milieu du XIIIe, la production de toute une constellation de poètes catalans a constitué un apport original à la poésie des troubadours. Une grande partie de ces poètes, Guilhem de Berguedà et le roi Alphonse le Chaste par exemple, ont adopté les attitudes et les techniques du trobar leu ; d’autres, tels que Cerverí de Girona, les ont fait alterner avec celles, plus précieuses, du trobar ric . La poésie narrative des auteurs cultivés, celle de Ramón Vidal de Besalú ou celle du Jaufré anonyme, fut également écrite en provençal et selon les règles des troubadours et de l’amour courtois.

Chevaliers et bourgeois

Vers la seconde moitié du XIIIe siècle, une nouvelle classe, la bourgeoisie, qui était née à la faveur de la crise de la féodalité et de l’expansion progressive de ce qu’on a appelé la révolution mercantile, acquit une influence qui se fit de plus en plus décisive sur la marche du pays. Elle a remis en question les formes culturelles et linguistiques en vigueur jusqu’alors. Le latin a commencé à perdre du terrain en tant que langue unique de culture dans les milieux dirigeants; en même temps s’est produite une division que nous pourrions schématiser ainsi: la poésie lyrique, encore très liée à la noblesse, demeure fidèle à l’orthodoxie des troubadours; la prose, adressée à un public plus vaste, élabore des formes d’expression qui lui sont propres. Ainsi, les théoriciens et les poètes de la fin du XIIIe siècle et d’une bonne partie du XIVe ont écrit dans un provençal plus ou moins correct et ont insisté sur les attitudes et les techniques des troubadours classiques ou, tout au moins, de leurs épigones de l’école de Toulouse. Il faut signaler les vers moraux du curé de Bolquera, ramassés et dramatiques, et quelques recréations savantes sur des thèmes populaires contenues dans le Cançoneret de Ripoll . Les chroniqueurs et les réformateurs religieux qui essaient de trouver des solutions d’urgence aux problèmes posés par les grandes concentrations urbaines et par la nouvelle stratification sociale vivent plus en accord avec leur temps et travaillent avec des idées et des formes plus originales. La chronique de Jacques le Conquérant, par exemple, inspirée par le roi et rédigée par plusieurs subalternes, est une longue confession pleine de couleur; celle de Bernat Desclot, plus sobre et plus nuancée, est un vrai témoignage sur le règne de Pierre le Grand; celle de Ramón Muntaner, dynamique et passionnée, trouve parfois un vrai souffle épique; celle de Pierre le Cérémonieux, dictée par lui et écrite par une équipe de fonctionnaires, constitue une vaste justification des ambitions politiques de ce roi.

Les réformateurs religieux ont mêlé le témoignage personnel et critique à la vision utopique. Arnau de Vilanova écrivait des traités apocalyptiques dans une prose aussi incisive que savoureuse et Ramón Llull (Raymond Lulle) mettait en jeu toutes les formes dont il disposait pour accomplir son grand dessein: reconstruire le monde tout entier, celui des chrétiens et celui des infidèles, à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Le Siècle d’or de la littérature catalane

Des vingt dernières années du XIVe siècle au début du XVIe siècle, la littérature catalane vit une de ses époques les plus complexes et les plus brillantes. On passe, en effet, de conceptions féodales et théocratiques à un rationalisme bourgeois; on quitte un monde encore tout rempli des influences et des échos de la chevalerie pour arriver aux prémices de la Renaissance; un idiome encore primitif et, dans le cas des poètes, artificiel, fait place à une langue pleinement établie, élégante et pure.

Quelques auteurs, formés sous le règne de Pierre le Cérémonieux, assurent la survivance de l’idéologie médiévale et de toutes ses ressources expressives: tel est, par exemple, le cas de Francesc Eiximenis, qui écrit une vaste et vivante compilation de tout le savoir chrétien, ou celui de saint Vincent Ferrer, prédicateur passionné et habile.

Des esprits plus jeunes et plus libres, toutefois, remettent en question les traditions qui leur pèsent. Anselm Turmeda, personnage énigmatique, quitte l’habit franciscain, embrasse l’islam – sans peut-être s’y être authentiquement converti – et adopte finalement une attitude de scepticisme corrosif. Bernat Metge, rationaliste et sceptique lui aussi, réussit à donner une forme aux inquiétudes qui étaient déjà dans l’air et, sous l’influence des classiques latins et italiens, de Cicéron et de Pétrarque surtout, pose les assises de l’humanisme catalan. Son ouvrage, Lo Somni , est peut-être le plus significatif de ce mouvement tout entier, car la plupart des humanistes catalans (Antoni Canals, Ferran Valentí, Francesc Alegre, Joan Roís de Corella) se sont bornés à traduire, à recréer ou à imiter les classiques. Petit à petit, toutefois, les humanistes les plus doués ont commencé à délaisser la langue vulgaire pour la latine, plus parfaite et plus prestigieuse: Joan Margarit et Jeroni Pau, au XVe siècle et, au XVIe, Joan Lluís Vives et Pere Galès ont écrit presque toute leur œuvre en latin.

La poésie lyrique, tout en restant attachée aux procédés des troubadours, tend déjà à italianiser les attitudes et à catalaniser la langue. Andreu Febrer écrit la première traduction au monde de La Divine Comédie . Ausiàs March, dans des vers durs et profonds, nous donne une vision saisissante de l’homme torturé par le doute et l’idée de la mort, il crée une imagerie originale et vigoureuse et emploie un catalan exempt de provençalismes. Les poètes de la seconde moitié du XVe siècle ont suivi tour à tour l’influence des troubadours et d’Ausiàs March, celle des Français et celle des Italiens (Bernat Hug de Rocabertí, Pere Torroella...), mais ils ont chanté aussi, avec passion, les grands événements de la politique de l’époque (Francesc Ferrer, Pere Martinez...) ou, avec réalisme et sens critique, les petites misères de la vie de tous les jours (Jaume Gassull, Bernat de Fenollar...). Joan Roís de Corella, le dernier grand poète classique, a mêlé une interprétation personnelle et réaliste de l’amour et des attitudes et des formes révélant déjà un lien avec la Renaissance. La poésie narrative des lettres a en général habilement repris les thèmes arthuriens ou les lieux communs de l’amour courtois (La Faula de Guillem de Torroella), tandis que la poésie populaire, plus libre et plus rationaliste, a produit une suite d’ouvrages satiriques fort intéressants (Disputació d’En Buc e son cavall ). L’Espill de Jaume Roig s’insère dans le courant misogyne de l’époque et constitue, en fait, un témoignage coloré sur la vie populaire. La prose narrative, variée mais manquant peut-être un peu de relief, donne, vers le milieu du XVe siècle, deux grands romans de chevalerie: Curial e Güelfa , dont nous ne connaissons pas l’auteur, et Tirant lo Blanch de Johanot Martorell. Tous les deux traitent leur sujet d’une manière réaliste mais, tandis que le premier fait siennes certaines ambitions de la noblesse, incorpore des éléments du roman sentimental et prend quelque peu des allures de récit mythique, le second, davantage lié aux inquiétudes de la bourgeoisie, tend à bâtir une vision dynamique et positiviste du monde. Tirant est le premier roman réellement moderne, ainsi que le reconnut, parmi d’autres, Cervantès.

Au cours du XIVe et du XVe siècle, apparaît un nouveau genre, le théâtre; né de la liturgie chrétienne, il admet petit à petit une thématique profane. Mais nous n’avons sur lui que des documents rares et fragmentaires.

Renaissance et classicisme

Du début du XVIe siècle au début du XIXe, le développement de nombreux secteurs de la littérature catalane a été paralysé par une carence d’auteurs et de lecteurs due à une série d’événements qui se succèdent et s’enchevêtrent: l’union des terres catalanes et castillanes sous les Rois Catholiques; le déplacement de la Cour au centre de la Péninsule; l’émigration d’une bonne partie de la noblesse catalane et, ensuite, son ralliement au dessein impérial de Charles Quint et de Philippe II; le glissement des intérêts économiques de la Méditerranée vers l’Atlantique; l’esprit conservateur acquis par la bourgeoisie commerçante; les guerres contre la Castille, les défaites de 1652 et de 1714 et les exils qui les ont suivies... Cette crise n’a affecté que la minorité dirigeante, mais c’était elle qui disposait des moyens de bâtir une culture; tandis que cette minorité enregistrait avec une originalité plus ou moins grande et exprimait en latin, en castillan ou, moins souvent, en catalan, les grands mouvements modernes de l’opinion, le peuple continuait seulement à adapter et à élargir la tradition qui s’était constituée au cours des siècles.

En Catalogne, la Renaissance a tenté une synthèse entre des sources médiévales et les nouvelles influences culturelles italiennes. Joan Ferrandis d’Heredia et Pere Serafí, par exemple, ont fait alterner la recréation de thèmes populaires à un idéalisme amoureux inspiré de Pétrarque ou d’Ausiàs March; Ferrandis a, en outre, composé des pièces de théâtre d’un réalisme très nuancé. L’Espill de la vida religiosa , un roman attribué à Miquel Comalada, combine l’influence de Raymond Lulle avec celle de la Réforme. Entre 1570 et 1580, Joan Pujol et Joan Timoneda ont défendu, sans grande originalité, les idées de la Contre-Réforme et, tout au long du XVIIe siècle et d’une bonne partie du XVIIIe, Francesc Vicenç Garcia, Francesc Fontanella, Guillem Roca i Seguí et d’autres ont constitué un mouvement baroque dont l’inspiration est nettement castillane. Vers le milieu du XVIIIe, un groupe formé par des traducteurs et quelques écrivains, notamment Joan Ramis, a ébauché un classicisme qui, à l’aube du siècle nouveau, grâce au comte d’Ayamans et à l’auteur inconnu de Lo Temple de la Glòria , a assimilé certains éléments romantiques.

À cette époque, les Mémoires du prolixe baron de Maldà donnent le départ à la littérature de mœurs qui devait avoir un tel succès au XIXe siècle. Du XVIe siècle aux premières années du XIXe, les masses populaires ont créé une poésie et une littérature narrative assez rude, mais souvent très vivante et colorée. Les productions les plus intéressantes ne bénéficiaient que d’une diffusion orale et ne furent publiées qu’au XIXe siècle; les œuvres liées à l’actualité, en revanche, étaient imprimées et atteignaient des tirages assez considérables. Le peuple a créé, en outre, un théâtre qui, dans le domaine religieux, restait fidèle aux modèles médiévaux (danses de la mort, Misteri d’Elx , pièces sur la Nativité et sur la Passion, etc.), mais, dans le domaine profane, affermissait le genre du tableau de mœurs et devait, au XIXe siècle, adapter aux besoins locaux le théâtre politique né de la Révolution française.

Le XIXe siècle

La révolution industrielle, au début du XIXe siècle, a amené en Catalogne comme ailleurs une série de changements économiques et sociaux profonds. La bourgeoisie a d’abord imité les usages aristocratiques et emprunté tour à tour l’expression catalane et la castillane, mais elle a résolu bientôt cette ambiguïté et construit un mouvement de renaixença autochtone qui a touché les couches populaires. La classe ouvrière, en revanche, a maintenu l’unité ancestrale de son expression jusqu’au moment où l’immigration de travailleurs du sud de l’Espagne l’a contrainte à des hésitations constantes; d’ailleurs, la classe ouvrière catalane n’a pas disposé des moyens nécessaires pour construire un mouvement culturel homogène et original.

Le poème La Pàtria de Bonaventura Carles Aribau a été le premier jalon de la renaixença et, en même temps, du romantisme. Entre 1833 et 1859, le romantisme a présenté en Catalogne, comme partout en Europe, deux versants, l’un conservateur et historique, l’autre libéral et révolutionnaire. Tomàs Aguiló, auteur de délicieuses ballades d’inspiration populaire et de sonnets qui rappellent Pétrarque, est un des poètes les plus purs de cette époque. Vers le milieu du siècle, on essaya cependant de renouveler les sujets et les formes. Marià Aguiló a, par exemple, introduit quelques formes populaires de provenance majorquine, et Josep-Lluís Pons i Gallarza a ravivé le souvenir de certains classiques latins et italiens. Jacint Verdaguer i Santaló produit des poèmes d’un mysticisme frémissant ou d’un ascétisme excessif, des Mémoires ou des livres de voyages écrits dans une prose imagée, deux poèmes épiques, L’Atlantida (L’Atlantide ) et Canigo (Canigou ), qui essaient de fondre le monde issu du christianisme avec le monde païen de la mythologie classique ou du folklore pyrénéen, et qui constituent le couronnement de son œuvre.

Le roman et le théâtre, les deux genres les plus typiques de la nouvelle société industrielle, admettent un plus grand réalisme. Le tableau de mœurs a donné de petits chefs-d’œuvre: Emili Vilanova laisse un témoignage élégiaque sur le Barcelone populaire, qui était en train de changer.

Dans le domaine dramatique, on a eu des pièces historiques, ou à thèse, ainsi que des comédies, des drames, des comédies de mœurs (Frederic Soler, Josep Feliu i Codina...). Angel Guimerà a produit une œuvre puissante et énergique; débutant par des tragédies historiques, il a évolué ensuite vers le drame en prose d’une inspiration plus ou moins réaliste, pour aboutir finalement à des pièces quelque peu symbolistes.

Après 1870, le romantisme entre en crise et perd de son importance devant les nouveaux courants naturaliste et positiviste; il finit par s’éteindre totalement. En fait, la poésie et le théâtre n’ont été affectés qu’à peine par ce renouvellement. Le roman, en revanche, est entré dans une de ses époques les plus brillantes; elle s’est prolongée jusqu’à la première décennie du XXe siècle. Au départ, le roman naturaliste, qui faisait preuve d’une certaine modération, plaçait ses personnages dans un cadre urbain. C’est ainsi, par exemple, que Narcís Oller, l’écrivain le plus représentatif de cette période, a donné une vision morale de la société et du dynamisme d’une de ses classes, la bourgeoisie. Plus tard, avec Víctor Català (pseudonyme de Caterina Albert) notamment, le roman a pris un ton de plus en plus violent et dramatique et choisi un cadre rural. Au tournant du siècle, une série de faits, notamment la crise politique de l’État espagnol, la perte des dernières colonies, les luttes sociales, la découverte de nouvelles idées et de formes littéraires étrangères, a donné lieu à l’apparition fulgurante d’un mouvement, le «modernisme», qui a combiné l’exaltation nietzschéenne de la volonté et l’individualisme le plus anarchique avec les attitudes automnales et déliquescentes du décadentisme. Santiago Russinyol, parmi d’autres, nous fournit un bon exemple de ce mouvement. Les plus grands noms de l’époque, toutefois, n’ont qu’exceptionnellement pris part à ce mouvement. Joan Maragall, par exemple, a chanté, en adoptant des procédés proches de Goethe ou de Novalis, son expérience d’homme à la recherche d’une destinée personnelle dans un pays défini et contradictoire; Joan Alcover a transcrit sa douleur d’homme en des vers dramatiques rappelant quelque peu Leopardi; Miquel Costa i Llobera, plus retenu, a trouvé une forme poétique nettement définie en passant par l’imitation des classiques latins; Joaquim Ruyra a montré, en des récits très parfaits, une vision idéalisée de la réalité; Ignasi Iglesias, quant à lui, a écrit des drames sociaux où l’on retrouve l’influence d’Ibsen.

Perspectives du XXe siècle

Vers 1906, la bourgeoisie catalane, déjà remise de quelques-unes des crises de la fin du siècle et décidée à résoudre pour son propre compte le désarroi politique de l’État espagnol, a encouragé une action culturelle ambitieuse qui, en littérature, a promu un intellectualisme cosmopolite: le «noucentisme». Eugeni d’Ors, qui en a posé les fondements théoriques, a composé des nouvelles pleines de symboles et de références culturelles; le poète Josep Carner, à mi-chemin entre la confession et l’ironie, a transfiguré la réalité quotidienne moyennant une prodigieuse magie verbale; Guerau de Liost (pseudonyme de Jaume Bofill) fait preuve d’un lyrisme presque désincarné. Avec ces «noucentistes», commence l’aventure de l’entre-deux-guerres; aux inquiétudes postsymbolistes s’ajoutent les recherches de la poésie pure ou de l’avant-garde formaliste. Carles Riba et Joan Salvat-Papasseit illustrent chacune de ces deux voies dont J. V. Foix a essayé de faire la synthèse. Josep-Sebiastà Pons et Marià Manent ont finalement dépouillé le poème de toute fioriture, au point d’atteindre une simplicité qui, dans le cas de Manent, est voisine du silence.

Le roman et le théâtre, en revanche, sont restés plus fidèles aux formes du XIXe siècle. Malgré la crise du roman naturaliste, Prudenci Bertrana et Joan Puig i Ferrater n’ont pas tout à fait abandonné ses techniques et, quelque peu modernistes au départ, se sont efforcés de les combiner avec des éléments psychologiques. La plupart des auteurs se sont limités au roman psychologique, mettant en scène des personnages bourgeois, avec, souvent, une certaine originalité et une certaine complexité. Llorenç Villalonga bâtit un mythe, plein de résonances rationalistes et élégiaques; Mercè Rodoreda, plus lyrique et plus ingénue, évolue d’un ton presque épique à des formes qui ne sont pas loin d’atteindre la plus lumineuse fantaisie. Enfin, l’œuvre abondante, à la fois réaliste et moralisante, de Josep Pla, journaliste et narrateur, apporte un témoignage palpitant sur la Catalogne moderne.

La vie du théâtre a été assez vacillante. Joan Puig i Ferrater s’est engagé avec une certaine originalité dans les perspectives ouvertes par Ibsen, et Josep-Maria de Sagarra, important poète, dans celles ouvertes par les modernistes. Mais la plupart des auteurs se sont contentés d’écrire ce qu’on a appelé des comédies bourgeoises et qui n’étaient guère originales.

Vers la fin des années trente, alors qu’une rupture avec le «noucentrisme» s’amorçait déjà, la défaite des républicains dans la guerre civile a réduit presque toute l’activité créatrice à l’exil ou l’a cantonnée dans la vie privée. Cette rupture fut donc retardée jusqu’après 1950 et ne connut même tout son éclat qu’après 1960. Avant et après la guerre, Joan Oliver, qui signe ses poèmes sous le pseudonyme de Pere Quart, a fait preuve d’un réalisme mordant et montré des intentions morales; Agustí Bartra, au lyrisme brûlant, a l’ambition de créer des mythes collectifs. Salvador Espriu, la grande figure de l’après-guerre, bâtit une œuvre poétique, narrative et théâtrale qui, avec un style fouillé et chargé de symboles, combine la déformation caricaturale de la réalité avec l’approfondissement des problèmes métaphysiques de l’homme, notamment ceux de la liberté personnelle et collective. Les poètes plus jeunes, tel Gabriel Ferrater, proposent une vision de l’homme et de son conditionnement historique dans des poèmes narratifs. Le roman et le théâtre recherchent, eux aussi, une rupture avec la tradition psychologique précédente. Le roman se livre à toutes sortes de recherches formelles et construit de grandes allégories à portée historique (Manuel de Pedrolo) ou bien il apporte des témoignages objectifs sur la réalité quotidienne (Baltasar Porcel); la nouvelle, qui donne dans cette période de vrais chefs-d’œuvre, nuance les éléments réalistes en les combinant à d’autres, de nature poétique et
même humoristique (Pere Calders, Jordi Sarsanœdas). Le théâtre, finalement, essaie avec une originalité remarquable les expériences de l’absurde (Manuel de Pedrolo, Joan Brossa) et évolue ensuite, surtout grâce aux théoriciens et aux metteurs en scène, vers la pièce épique d’inspiration brechtienne.

La littérature catalane contemporaine

Il est impossible de parler de la littérature catalane actuelle sans faire référence à l’histoire des cinquante dernières années. En 1931, la République est proclamée en Espagne et la Catalogne obtient l’année suivante un statut d’autonomie qui va d’emblée privilégier les domaines de la culture et de l’éducation (sept grandes maisons d’édition catalanes, vingt-sept journaux en catalan, d’innombrables revues. Dans les écoles l’enseignement se fait aussi bien en catalan qu’en castillan). La littérature connaît un nouvel âge d’or. Certains des grands noms d’aujourd’hui commencent à publier dès cette époque, où la culture catalane connaît un climat de normalité. La fin de la guerre civile, en 1939, est pour les Catalans une des périodes les plus sombres de leur histoire. Le statut d’autonomie est abrogé par Franco avant même sa victoire. Au lendemain de l’entrée des troupes franquistes à Barcelone, une ordonnance bannit de la cité l’usage du catalan et lui assigne pour limites le cercle familial. La même ordonnance institue la réquisition de toutes les imprimeries, la confiscation de tout matériel imprimé et l’instauration d’une censure préalable, à quoi s’ajoutent la destruction systématique de tous les livres écrits en catalan et, ce qui est tout un symbole, la destruction des plombs du dictionnaire général de la langue catalane de Pompeu Fabra. Dans le même temps, de très nombreux intellectuels et professeurs, la quasi-totalité de l’intelligentsia catalane, prennent le chemin de l’exil. Ceux qui restent, sauf de très rares exceptions, connaissent l’«exil intérieur» et l’humiliation d’obscures tâches de subsistance. Aux yeux de Madrid, le catalan était promis au destin d’une langue morte. D’autant qu’une immigration massive des régions pauvres du Sud devait, dans son esprit, noyer dans la masse castillanophone ce qui restait de la langue catalane. Prévisions heureusement démenties par l’histoire.

Les années quarante: la résistance culturelle

De la fin de la guerre à 1950, c’est, après le grand traumatisme, le début d’un trop long combat pour sauver la langue et la culture catalanes. En 1942, la fondation Bernat Metge, qui éditait, par souscription et à l’usage presque exclusif des universitaires, des traductions de classiques gréco-latins, obtient non sans mal l’autorisation de publier le tome IX des Vies parallèles de Plutarque, premier livre catalan autorisé après la victoire de Franco. L’année suivante, l’éditeur Josep Cruzet obtient la permission d’éditer les œuvres complètes du poète Jacint Verdaguer, à la condition expresse de conserver la graphie de l’époque: façon d’affirmer que le catalan est une langue fossile. Mais le succès fut tel que d’autres auteurs suivent. La victoire des Alliés oblige le régime à lever l’interdit sur le livre catalan, mais la censure veille à ne laisser publier que les auteurs morts avant la guerre et dont les œuvres n’ont rien de subversif, ou ceux, vivants, qui ont accepté le bilinguisme et collaborent aux journaux et revues castillans. En 1946, Cruzet fonde les éditions Selecta, qui ont publié jusqu’à présent plus de cinq cents titres. D’autres maisons d’édition voient le jour: la même année, la Biblioteca literària catalana; en 1947, les éditions Aymà publient les rares romans contemporains que la censure laisse passer, et l’éditeur Millà reprend sa collection théâtrale, dont il agrandit le format pour ne pas dépasser les trente pages au-delà desquelles les œuvres échappent à la censure locale et doivent être présentées à la censure madrilène. Enfin, en 1949, Josep Pedreira crée les éditions Ossa Menor, consacrées à la poésie. 1947 voit aussi la création du premier prix littéraire, le Joanot Martorell. Mais c’est surtout clandestinement que la résistance culturelle s’organise, avec des revues de poésie qu’on se passe sous le manteau, au péril de sa liberté: Poesia (1944-1945), Ariel (1946-1951), Antologia (1947), Dau al set (1948), etc. Parmi les collaborateurs, on trouve des noms déjà célèbres: Carles Riba, J.-V. Foix, Josep Carner, Joan Oliver, et d’autres qui vont le devenir: Salvador Espriu, Joan Brossa...

La grande figure des lettres catalanes du moment, le guide et le maître à penser de la jeunesse – le «maître ès espérances», dira-t-on de lui – est sans conteste le poète Carles Riba (1893-1959). Déjà considéré avant la guerre comme un des meilleurs (Estances , 1930; Tres Suites , 1937), il rentre d’exil en 1943 avec ses Élégies de Bierville (publiées en 1951 par Ossa Menor), à la fois douloureuse prise de conscience de la guerre, de l’exil, et hymne à la liberté. Ce postsymboliste, dont les affinités avec Valéry, Rilke et Saint-John Perse sont évidentes – prédominance de la forme sur le sentiment, musicalité du vers, exaltation du rythme – influença jusqu’à sa mort nombre de jeunes poètes.

Salvador Espriu (1913-1985) publie clandestinement son premier recueil de poèmes, Cementiri de Sinera , tiré à cent exemplaires en 1946. Il avait publié avant la guerre des récits – Israel –, des romans – El Doctor Rip , Laia – et les textes Ariadna al laberint grotesc , Miratge a Citerea , Letizia i altres proses , qui révèlent déjà des dons extraordinaires chez un si jeune auteur. La guerre lui inspire, en 1939, sa pièce de théâtre Antígona , qui ne sera représentée que vingt ans plus tard. Dans Cementiri de Sinera apparaît pour la première fois Sinera (anagramme d’Arenys-de-Mar, berceau familial) qui atteint dans l’œuvre d’Espriu les dimensions du mythe: la «petite patrie», à travers le chant du poète, exprime un moment historique vécu par toute une communauté, et par là débouche sur l’universel. Les constantes de son œuvre s’en dégagent: obsession de la mort, de la fuite du temps, présence et absence de Dieu, destin individuel transcendé par le combat collectif. Une pièce de théâtre, Primera Història d’Esther – le plus grand succès du théâtre catalan de l’après-guerre – et un long poème, La Pell de brau (1960), confirment avec éclat ces choix thématiques à travers l’assimilation du destin juif sefarad et du sort catalan. Lyrisme, verve satirique et souffle épique, des Cançons d’Ariadna (1949) à Setmana Santa (1972), font de ce poète, plusieurs fois proposé pour le Nobel, «un monde enfermé dans un homme», selon la formule de Victor Hugo.

J.-V. Foix (1894-1987) publie en 1948 Les Irreals Omegues . Avant la guerre une des figures les plus marquantes de l’avant-guarda , attentif à tous les courants nouveaux d’Europe et d’Amérique, c’est un poète surréaliste avant la lettre: il l’est par l’exploration des possibilités oniriques, par la confusion entre rêve et réalité, mais jamais par l’automatisme. Il déteste le passéisme et se qualifie lui-même de «chercheur en poésie». Dans Onze Nadals i un cap d’any (1960), Els Lloms transparents (1969), Darrer comunicat (1970), Mots i Maons i a cadascú el seu , le poète poursuit et approfondit sa quête où l’on perçoit aussi l’écho de l’époque douloureuse et un refus de la société actuelle. Poète non engagé, il développe une œuvre anticonformiste qui le fait pourtant participer à la lutte commune.

En 1948, le prix Joanot Martorell couronne le roman El cel no és transparent , de Maria Aurèlia Capmany (née en 1918), qui ne sera jamais publié: une chose est d’obtenir un prix, une autre d’obtenir le visa de la censure. Cela ne décourage pas, loin de là, la jeune romancière, qui a publié depuis une bonne douzaine de romans, de pièces de théâtre et d’essais. Sa prodigieuse culture lui permet de toujours situer ses personnages dans un cadre «vrai», en privilégiant autant que faire se peut les événements historiques. Maria Aurèlia Capmany s’en prend souvent à la bourgeoisie catalane, hypocrite, mesquine et bête. Le ton est détaché, froid, avec souvent une grande dose d’humour. Citons parmi ses meilleurs romans Un Lloc entre els morts (1968), Feliçment jo soc una dona (1969), Quim Quima (1971), Cartes impertinents (1980).

L’année 1949 voit l’édition de Poesia de Pere Quart. Ce pseudonyme est le nom de combat du poète Joan Oliver (né en 1899) qui, dès son premier livre, Les Decapitacions (1934), mêle le scepticisme et la satire intemporelles à l’histoire la plus récente: un des poèmes raille Hitler, «le salaud total», un autre, Mussolini «au poitrail gonflé». Réfugié au Chili, il publie Saló de tardor (1947), au ton nostalgique, et, de retour en Catalogne, Terra de naufragis (1956) à l’humour corrosif et froid qui caractérise sa manière. Vacances pagades (1960) et Circumstàncies (1968) font de lui le plus important poète satirique de la Catalogne, un poète de la révolte lyrique, de la critique sociale, et, avec Espriu, un des plus populaires parmi la jeunesse catalane des années soixante.

Nous voyons donc que cette terrible décennie ne fut pas tout à fait le désert stérile dont certains parlent et que, de façon presque souterraine, le renouveau s’annonçait avec les anciens qui produisaient encore, mais aussi avec les nouveaux venus – nous n’avons évoqué que les plus marquants – pleins de promesses, qu’ils tiendront dans la décennie suivante.

Les années cinquante et soixante: montée de sève

En 1951, le prix Martorell couronne El Carrer estret , roman de Josep Pla (1897-1981). Journaliste et chroniqueur prolifique – ses œuvres complètes publiées entre 1966 et 1980 comprennent trente-sept volumes –, bien que l’un des plus lus parmi les Catalans et assurément l’un des meilleurs prosateurs, par son scepticisme voltairien et son humour sarcastique à la Sterne, Pla est tout le contraire d’un écrivain engagé.

En 1952, le prix est donné à Xavier Benguerel (né en 1906) pour L’Home dins el mirall . Romancier fécond, l’un des meilleurs représentants du «roman psychologique» et auteur à succès, dépassant la chronique historique et pathétique de Els Vençuts («Les Vaincus», 1969) et l’expérience amère de l’exil dans Llibre del retorn (1977), il donne en 1974 son chef-d’œuvre, Icària, Icària , un étonnant roman sur l’anarchisme catalan des années vingt en relation avec la folle aventure des utopistes icariens.

En 1954, le prix va à Manuel de Pedrolo (né en 1918), un des romanciers les plus représentatifs de l’après-guerre. Joyce, Faulkner, Dashiell Hammet sont ses maîtres, et son œuvre, riche d’une cinquantaine de titres, va du roman noir, du roman policier au théâtre de l’absurde en passant par l’affabulation politico-fantastique: Totes les bèsties de càrrega (1967) d’atmosphère kafkaïenne, Temps obert (1968), S’han deixat les claus sota l’estora , de facture futuriste.

En 1957, Mercé Rodoreda (1909-1983) reçoit le prix Víctor Català pour son recueil de nouvelles Vint-i-dos contes . Romancière, elle donne en 1962 son chef-d’œuvre, Plaça del Diamant , puis El Carrer de les camèlies (1966) et Mirall trencat (1974), où s’affirme le thème majeur de son écriture: la difficulté d’être femme dans un monde qui privilégie les valeurs viriles. En 1979, les Éditions 62 publient l’ensemble de ses nouvelles dans la prestigieuse collection Les Millors Obres de la literatura catalana sous le titre: Tots els contes . Son art très subtil, son lyrisme retenu, son humour en font un des écrivains les plus attachants et les plus singuliers.

D’Agusti Bartrà (1908-1980), qui avait déjà publié pendant la guerre deux livres de poèmes, est publiée en 1954 à Barcelone une anthologie qui rassemble la plupart des poèmes écrits en exil au Mexique, d’où il ne revint qu’en 1971. Poète et romancier, il excelle à mythifier la réalité, avec un lyrisme exacerbé. Citons ses deux poèmes épiques, Màrsias et Màrsias i Adila (1957) dont le premier parut en édition bilingue français-catalan sous le titre Livre de Marsias (trad. Louis Bayle, 1968). En 1972, il publie Rapsòdia de Garí .

En 1957, le prix Martorell est remporté par Joan Sales avec un roman, Incerta glòria , où la guerre est vécue du côté républicain par de jeunes officiers. La censure, opposée à sa publication, dut céder devant le nihil obstat des autorités religieuses catalanes, mais exigea des coupures considérables.

Cette décennie, qui voit s’affirmer de nouveaux talents, est aussi celle où paraît, en 1959, la première revue catalane de l’après-guerre, Serra d’Or , publiée par les moines de l’abbaye de Montserrat et échappant de ce fait à la censure civile. Elle fournit aux intellectuels de tous bords une tribune durable. L’association Omnium cultural pour la promotion de la culture catalane, entièrement financée par des souscriptions et des dons, poursuit efficacement le combat catalan pour la récupération de sa langue et de sa culture.

En 1961, est publiée une œuvre majeure de cette littérature, le roman Bearn du Majorquin Llorenç Villalonga (1898-1980), portrait attachant d’un noble majorquin ruiné, érudit, hédoniste et voltairien qui, après avoir connu les fastes parisiens du second Empire, vit retiré dans son île, un peu à la manière du Guépard de Lampedusa (qui lui est strictement contemporain) et qui est, comme lui, la peinture nostalgique d’un monde disparu.

1961 voit aussi la naissance de la nova cançó catalane avec la constitution du groupe Els Setze Jutges, et surtout l’apparition de Raimon qui chante pour la première fois à Barcelone en 1962. C’est un véritable raz de marée qui déferle sur tout le pays catalan (Raimon est valencien); les chanteurs se multiplient et les grands noms de la littérature leur apportent leurs textes: Espriu, Pere Quart, Maria Aurèlia Capmany... Cette chanson contestataire sensibilise le public catalan à ses propres problèmes, au point que le pouvoir central s’en inquiète et fait tout pour étouffer ces voix: la radio et la télévision leur restent fermées et les journaux n’en parlent jamais. Les disques ne reçoivent pas le visa de la censure, et les interdictions de chanter se multiplient. Cette répression tenace, qui durera au-delà de 1970, ne fait qu’affermir l’adhésion du public à la cançó de protesta , qui a constitué un des facteurs les plus déterminants de l’éveil civique de la Catalogne.

En 1963, le prix Sant Jordi – financé par l’Omnium cultural et qui remplace le prix Martorell – est remporté par Pere Calders avec L’Ombra de l’atzavara , qui décrit la vie des Catalans émigrés au Mexique après la guerre civile, c’est-à-dire sa propre expérience. Mais Calders (né en 1912) est avant tout un auteur de nouvelles où l’humour se mêle à la poésie et au surréalisme. Il avait commencé à publier des recueils de contes et de nouvelles dès 1936: El Primer Arlequí . Tous ses récits furent réunis en un seul volume sous le titre: Tots els contes de Pere Calders , paru en 1968.

En 1964 est autorisée la traduction en catalan d’œuvres étrangères. Bien des auteurs pénètrent ainsi pour la première fois en Espagne. Kafka, Camus, Brecht, Sartre, Freud, Gramsci, Lukács... connaissent un énorme succès et influencent les modes de pensée et les façons d’écrire.

La même année paraît un livre très important, Els Altres Catalans , de Francisco Candel (né en 1925), essai sociologique sur ce problème majeur de la Catalogne qu’est l’immigration intérieure. Cette étude fait prendre conscience aux Catalans des problèmes des communautés castillanophones dont ils ne se souciaient pas jusqu’alors et contribuera puissamment à briser la barrière d’incompréhension qui les séparait.

Jordi Sarsanedas (né en 1925) s’était fait connaître comme poète dès 1948 avec A Trenc de sorra . Sa parfaite connaissance de la littérature française – il est licencié ès lettres de l’université de Toulouse – influence son œuvre. Sa nouvelle Contra la nit d’Oboixangó (1952), à l’atmosphère fantastique, attira l’attention de la critique et, l’année suivante, il obtint le prix Víctor Català pour son recueil Mites . En 1969, il publie encore des nouvelles sous le titre: El Balcó .

Toujours dans les années soixante, Baltasar Porcel, un jeune Majorquin né en 1937, se fait connaître aussi bien comme journaliste que comme romancier. Son œuvre romanesque est surtout centrée sur son île natale; les personnages hauts en couleur de ce microcosme, où l’insularité exacerbe les passions que la guerre civile portera à son maximum d’intensité, composent une fresque que l’innocent touriste est bien loin d’imaginer: hommes de la mer, contrebandiers, paysans cupides, nobles dégénérés, commerçants xuetes (descendants de Juifs) que la société tient encore à l’écart aujourd’hui... Depuis Solnegre , qui obtint le prix Ciutat Palma de Mallorca en 1960, jusqu’à Cavalls cap a la fosca , prix Prudenci Beltrana 1975, en passant par La Lluna i el cala Llamp (1963), Els Escorpins (1965), Els Argonautes (1968), prix de la critique, Difunts sota els ametllers en flor (1970), prix Josep Pla, Porcel crée un monde dont la violence et le lyrisme sont tempérés par l’humour.

Au cours de cette décennie, le nombre d’œuvres publiées en catalan ne cesse d’augmenter, passant de 196 titres en 1960 à 520 en 1966. Il faut noter, en particulier, puisqu’il n’y a toujours pas d’enseignement officiel du catalan, le succès considérable de tous les outils d’apprentissage de la langue: manuels, vocabulaires, dictionnaires.

Les années soixante-dix: vers la conquête de la liberté

En 1972 paraît Càntic de càntics de Joan Brossa (né en 1919). Ce poète, dont les premières œuvres remontent à la guerre civile et qui anima dans la clandestinité la revue Dau al set , est un auteur considérable que la jeune génération prend volontiers pour modèle. Dramaturge original et prolixe, il conduit des tentatives d’acció-espectacle qui constituent un précédent de happening. Dans ces années-là, les jeunes poètes ne ressentent plus l’urgence de sauver la langue, leurs devanciers Espriu, Foix, Pere Quart, Brossa ayant conjuré le péril. Aussi explorent-ils toutes les possibilités du langage et délaissent-ils la poésie «engagée». Le plus doué de ces nouveaux venus, Pere Gimferrer (né en 1945), publie en 1970 son premier recueil de poèmes en catalan, Els Miralls .

Le roman connaît aussi un important renouveau avec l’avènement d’une génération d’écrivains contestataires, nés après la guerre civile et donc élevés sous le franquisme. À travers leur propre expérience, ils témoignent de leur lent et douloureux apprentissage de la vérité cachée par le régime et par une religion omniprésente. Écrire en catalan, une langue bannie de l’école, est déjà leur premier acte de révolte qui s’accompagne d’un rejet des tabous sexuels et/ou politiques, d’un refus de leur société et d’une fascination pour tout ce qui vient de l’étranger: livres, films, disques. Leur écriture témoigne aussi d’un souci formel évident: abandon du roman psychologique, chronologie éclatée, techniques empruntées aux médias, au cinéma, importance donnée à la sexualité. Parmi les nombreux représentants de ce nouveau roman catalan, citons Terenci Moix, dont El dia que va morir Marilyn (1970) illustre parfaitement ce que nous venons de dire; Oriol Pi de Cabanyes qui n’a que dix-neuf ans quand il publie Oferiu flors als rebels que fracassaren (1969); Jordi Coca, Abans de foc (1971); Josep Albanell, Calidoscopi sentimental ; Biel Mesquida, L’Adolescent de sal ; et surtout Montserrat Roig, née en 1946, dont le premier des nombreux romans, Ramona adéu (1971), pose déjà le problème de la condition féminine au sein d’une société où les valeurs, fussent-elles de gauche, étaient essentiellement masculines.

1975-1990: démocratie et évasion

En 1975, Franco disparaît. La société espagnole en général, catalane en particulier, avait trop attendu cette mort et les changements qu’elle devait provoquer pour ne pas être déçue par la jeune démocratie. Ce fut très vite l’époque du desencanto (désillusion). Les lettres catalanes cultivent désormais le roman en rupture avec le quotidien, s’évadant dans le temps et/ou l’espace. On peut y distinguer le roman fantastique, de science-fiction ou d’anticipation, le roman d’aventures plus ou moins historiques, le roman cosmopolite.

À la première catégorie appartient Cavalls cap a la fosca (1975), de Baltasar Porcel, vision mythique, à travers les siècles, d’une famille majorquine, ainsi que El Turó de les forques (1984), de Rosa Fabregat – vols interplanétaires dans les galaxies inconnues –, et Cròniques de la molt anomenada ciutat de Montcarrà (1976), de Maria Antònia Oliver, où des géants surgis de la mer détruisent une petite ville; du même auteur, Crineres de foc (1985), aventures magiques dans un monde et un lieu indéterminés; La Xorca (1987) et Ventada de morts (1988), de Josep Albanell, enfin, où le fantastique atteint au symbolique.

Le meilleur roman d’anticipation, constamment réédité depuis sa parution en 1985, est Mecanoscrit del segon origen , de Manuel de Pedrolo: on y assiste à la destruction de notre monde actuel et à son recommencement grâce à un couple d’enfants au cœur pur, sorte d’Adam et Ève sans péché originel. En science-fiction, citons le roman de Rosa Fabregat Embrió humà ultracongelat qui rapporte l’histoire d’une jeune femme, bébé éprouvette dont on a conservé dans la glace l’embryon jumeau, et qui succombe quand celui-ci meurt.

Le roman historique et d’aventures connaît encore une grande vogue. Citons Cercamón , de Lluís Racionero (1981), qui se déroule dans la Catalogne des XIe et XIIIe siècles; le même auteur a publié Raimon o el seny fantàstic , vie romancée de Raymond Lulle; El Cap de Sant Jordi (1989), de Maria Aurèlia Capmany; Moro de Rei (1988), de Pau Faner; Crim de Germania (1987), de Josep Lozano; La Teranyina , de Jaume Cabré: tous prennent pour cadre de leur fiction une époque et des personnages historiques. Le meilleur titre, en matière de chronique romancée, est Camí de sirga (1988), de Jesús Moncada, description des cent dernières années de la cité natale de l’auteur, Mesquinensa, qui fut effectivement noyée sous les eaux de l’Èbre en 1972 lors de la construction d’un barrage.

Pere Gimferrer, connu surtout comme poète, publie en 1983 Fortuny , biographie romancée de Marià Fortuny i Madrazo, récit impressionniste qui nous transporte à Paris, à Vienne, à Venise surtout, dans la bonne société de la fin du XIXe siècle à nos jours. Cosmopolites aussi, les premiers romans de Quim Monzó, Olivetti, Chaffoteaux et Maury (1982) et Benzina (1983), qui se déroulent respectivement en France et aux États-Unis; Mar de fons (1988), d’Olga Xirinacs, se passe sur un paquebot de luxe durant la traversée New York-Southampton; Els Dies immortals (1984), enfin, de Baltasar Porcel, se situe au Zaïre: ainsi le roman catalan fait-il le tour du monde en affirmant la vocation cosmopolite du pays.

À partir de 1985, cependant, et comme si la désillusion était surmontée, ou plutôt toute illusion perdue, on observe dans le roman catalan un retour au quotidien, au banal. Les actions se situent à Barcelone, à Valence, aux Baléares, et les personnages sont confrontés aux problèmes de notre temps: chômage (Toni Cucurella, Cool Fresc , 1987), sexe, drogue, marginalité (Quim Monzó, La Magnitud de la tragèdia , 1990; Maria Jaén, Amarrada al piló , 1987; Ferran Torrent, Penja els quants, Butxana , 1986). Ce qui les caractérise aussi est un humour corrosif, ou du moins une ironie détachée, une liberté totale dans le maniement de la langue, utilisant aussi bien l’argot et les jeux de mots que le langage le plus châtié (Amnèsia , en 1987, de Màrius Serra i Roig, est la parodie d’une thèse doctorale). Notons que beaucoup de ces nouveaux auteurs n’avaient pas quinze ans à la mort de Franco, qu’ils ont appris le catalan à l’école et n’ont donc pas pour lui la dévotion de leurs aînés. Goût de la parodie, irrespect total, dérision, telles apparaissent aujourd’hui les tendances post-modernes des tout nouveaux romans catalans.

catalogne [ katalɔɲ ] n. f.
• 1635; a. fr. « couverture de laine », du n. pr. Catalogne
Région. (Québec) Étoffe dont la trame est faite de bandes de tissus généralement multicolores. lirette. Couverture, tenture de catalogne. Spécialt Tapis fait de cette étoffe.

catalogne nom féminin Au Canada, nom donné à la lirette.

catalogne
n. f. (Québec) étoffe de fabrication artisanale, constituée de bandes de tissu de diverses couleurs, dont on fait des couvertures, des tapis; couverture, tapis confectionnés avec cette étoffe. Catalogne carreautée. Abrier un enfant avec une catalogne.
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catalogne
communauté autonome du N.-E. de l'Espagne et région de la C.E., formée des prov. de Barcelone, Gérone, Lérida et Tarragone; 31 930 km²; 6 165 630 hab.; cap. Barcelone. Langues: catalan, espagnol. Au N., les Pyrénées se consacrent à l'élevage et au tourisme montagnard. Dans le bassin inférieur de l'èbre, au S., l'irrigation permet la polyculture. Le littoral, très découpé (Costa Brava), vit d'agriculture intensive, de pêche et du tourisme balnéaire. Barcelone est la grande métropole portuaire et industr.
Romaine au IIe s. av. J.-C., la Catalogne, occupée par les Wisigoths, puis par les Arabes, devint une marche franque (IXe s.). Réunie à l'Aragon en 1137, elle voit croître sa puissance jusqu' au XVe s. Après une période de déclin, elle redevient, au XVIIIe s., la région la plus riche d'Espagne et développe le particularisme catalan. Elle a un statut d'autonomie dep. 1979.

catalogne [katalɔɲ] n. f.
ÉTYM. 1635; anc. franç. « couverture de laine », du n. pr. Catalogne.
Régional (franç. du Québec). Étoffe dont la trame est faite de bandes de tissus généralement multicolores. || Couverture, tenture de catalogne.Spécialt. Tapis fait de cette étoffe.
0 Déjà admise dans l'auberge (…) Non pas installée comme une cliente ordinaire. Les bagages à côté du lit, sur la catalogne. Les affaires de toilette rangées sur le lave-mains (…)
Anne Hébert, Kamouraska, 1970, p. 210.
tableau Noms et types de tissus.

Encyclopédie Universelle. 2012.