peu [ pø ] adv. I ♦ ( po XIIe) En fonction de nom ou de nominal Faible quantité considérée soit comme simplement « petite », soit comme « insuffisante ».
1 ♦ Précédé d'un déterm. Le peu que, de... « Le peu de cas que l'on faisait de ma personne » (Mérimée). « Je ne puis m'empêcher de rire, malgré le peu d'envie que j'en ai » (Musset). « Le peu que nous croyons tient au peu que nous sommes » (Hugo). (Parfois suivi du subj.) « Le peu de jour qui restât faiblissait » (Proust). — (Accord du v.) « Fais connaître le peu de talents que la nature et le travail t'ont donnés » (Lamartine). « Le peu de cheveux qui me reste grisonne allégrement » (Duhamel). — Ce peu d'argent. Son peu de fortune.
2 ♦ UN PEU DE. ⇒ brin, fam. chouïa, grain, miette. Un peu de sel. Un peu de patience. — Fam. Un petit peu, un tout petit peu, rien qu'un peu de cognac. ⇒ 1. goutte, larme. Un peu de lait dans le thé. ⇒ nuage, soupçon. Encore un peu de fraises ? ⇒ quelque.
♢ Loc. adv. (XIIe) POUR UN PEU (avec un v. au condit.) :il aurait suffi de peu de chose pour que (cf. Un peu plus, et...). « Pour un peu il eût dit à cette dame trop fardée des choses désagréables » (Romains) .
3 ♦ (Employé seul, sans compl.) Exiger beaucoup pour obtenir peu. Loc. Ce n'est pas peu dire : c'est dire beaucoup, sans exagération. — Se contenter de peu. Il est content de peu. Vivre de peu. Il est de peu mon aîné. Éviter de peu (cf. De justesse). Il s'en est fallu de peu. — À peu près. — « Moi, pour vouloir si peu je ne suis pas si fou ! » (Hugo). — Loc. fam. Très peu pour moi, formule de refus. — Peu s'en faut, il s'en faut de peu. ⇒ falloir.
♢ PEU, en fonction d'attribut.— Vx « Suis-je trop peu pour vous ? » (P. Corneille). — Vx Homme de peu, de basse condition. — Mod. C'est peu : ce n'est pas grand-chose. Nous avons deux jours pour terminer, c'est trop peu, ce n'est pas assez. « C'était donc peu de dire que le feu tue » (Valéry).
♢ PEU À PEU : en progressant par petites quantités, par petites étapes. ⇒ doucement, graduellement, insensiblement, progressivement. « Peu à peu, avec une lenteur désespérante, le jour s'échappe du ciel » (Barbusse).
4 ♦ PEU DE (suivi d'un compl.). En peu de temps. Cela a peu d'importance. Homme de peu de foi. « Faire bonne chère avec peu d'argent » (Molière). « Peu de sang versé, peu d'honneur conquis [...] telle fut cette guerre » (Hugo) . — PEU DE CHOSE : une petite chose, qqch. d'insignifiant. ⇒ bagatelle, misère, rien. « Qu'il fallait peu de chose à ma rêverie ! » (Chateaubriand). Compter pour peu de chose. À peu de chose près : presque exactement. « Le chef-d'œuvre du style, c'est d'exprimer [...] une grande chose avec peu de chose » (Léautaud).
♢ (Compl. au plur.) En peu de jours. Il dit beaucoup en peu de mots. ⇒ brièvement, succinctement. « Très peu de jours après » (Fromentin). À peu de frais. « Peu de gens savent être vieux » (La Rochefoucauld) .
5 ♦ Ellipt Peu de temps. Dans peu, sous peu, avant peu : dans un temps court, dans un proche avenir. ⇒ bientôt. Depuis peu. Il y a peu. D'ici peu.
♢ Un petit nombre (des choses ou des gens dont il est question). « Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus » ( BIBLE ). « Bien peu suivaient Christophe dans l'audace de ses dernières compositions » (R. Rolland). « il en est peu qui aient le bonheur de s'endormir aussitôt la tête sur l'oreiller » (Romains). Je ne vais pas me décourager pour si peu !
II ♦ Adv.
1 ♦ (Avec un v.) En petite quantité, dans une faible mesure seulement. ⇒ médiocrement, modérément (cf. À peine). Lampe qui éclaire peu. ⇒ faiblement, 2. mal. Peu importe. Peu me chaut. ⇒ chaloir. « Nous en voyons trop ou trop peu » (Musset). Nous sortons peu le soir. ⇒ rarement. — Peu ou prou. « Parlons peu, mais parlons bien, lui dit-il. Tu es une vieille crapule » (France). « Il faut me connaître bien peu pour accepter » (A. Gide).
♢ (Avec un adj.) Pas très. ⇒ guère. C'est peu intéressant. Fort peu recommandable. Peu nombreux. Il n'était pas peu fier : il était très fier. « Il était trop peu délicat sur le choix des moyens en les trouvant tous bons » (Balzac).
♢ (Avec un adv.) Peu souvent.
♢ SI PEU QUE (et subj.). Si peu que ce soit : en quelque petite quantité que ce soit, en si faible mesure que ce soit. « Si peu que j'aie causé avec lui, il a trouvé le temps de me dire [...] » (A. Gide). — TANT SOIT PEU. Une personne tant soit peu consciencieuse y aurait pensé. Subst. « Tu me parais un tant soit peu misanthrope » (Musset).
♢ Loc. conj. POUR PEU QUE (et subj.) :si peu que ce soit, pourvu que. Pour peu qu'on veuille l'admettre. « Pour peu qu'on encourage une amante passionnée, elle est intrépide » (Voltaire).
2 ♦ UN PEU : dans une mesure faible mais non négligeable (s'oppose à la fois à beaucoup et à pas du tout). Elle zézayait un peu. Il ne s'amuse pas qu'un peu : il s'amuse beaucoup. Il est un peu artiste. « “Un peu... Beaucoup... Passionnément...” comme si elle effeuillait la marguerite » (Dorgelès). — Il est un peu triste, un peu en désaccord avec eux. — Un peu partout. Un peu plus ou un peu moins. Il va un peu mieux. « il faut être un peu trop bon pour l'être assez » (Marivaux). — UN PETIT PEU.⇒ légèrement. Elle est un petit peu intimidée. — QUELQUE PEU (littér.) :assez. « Il se sentait quelque peu étourdi, comme un homme qui descend d'un vaisseau » (Flaubert).
♢ (Emplois stylist.) Pour atténuer un ordre ou souligner une remarque. « Va-t'en voir un peu ce qu'elle fait » (Molière). Je vous demande un peu ! « Je me demande un peu lequel de nous deux s'amuse à rêver ! » (Duhamel). « Lâche ! Feignant ! sors donc un peu, que je te démolisse ! » (Zola).
♢ Poli ou iron. Bien trop. N'êtes-vous pas un peu sévère, un peu injuste ? C'est un peu court, un peu jeune ! C'est un peu fort ! Il exagère un peu. C'est un peu tiré par les cheveux. Iron. Un peu beaucoup : vraiment beaucoup; trop. « Mais, mon oncle, il me semble que vous vous jouez un peu beaucoup de mon père » (Molière).
♢ Pour accentuer une affirmation. « Tu ferais ça ? — Un peu ! » (cf. Et comment !; je veux !). Pop. Un peu, mon neveu ! « Mais j'suis là... — j'suis même un peu là, comme on dit » (Barbusse). « On vous a oubliés, pauvres vieux ! — Un peu ! s'écrie Fouillade, qu'on nous a oubliés ! » (Barbusse).
⊗ CONTR. Beaucoup, 2. fort; amplement, 1. bien, grandement, très.
⊗ HOM. Peuh.
● Peu ou prou plus ou moins.
peu
adv.
rI./r (Emploi nominal.) Petite quantité, quantité insuffisante.
d1./d Un peu de: une petite quantité de. Mangez un peu de purée. Accordez-lui un peu de temps pour s'habituer.
|| Peu de (+ compl.). Expliquez-vous en peu de mots.
— Dans peu de temps: bientôt.
— C'est peu de chose: c'est sans grande importance.
d3./d C'est peu (que) de: il ne suffit pas de. C'est peu (que) de donner, il faut le faire de bon coeur.
rII./r (Emploi adverbial.)
d1./d En petite quantité, en petit nombre, modérément, faiblement (opposé à beaucoup). Manger peu. Peu s'en faut.
|| Un tant soit peu, un petit peu, quelque peu. Il est quelque peu prétentieux.
|| (Par antiphrase.) Trop. C'est un peu fort!
|| (Afr. subsah.) Fam. ça va un peu, pas trop mal.
— ça va un peu un peu, comme ci comme ça.
d2./d Loc. adv. Pour un peu: un peu plus, et... Pour un peu il se serait emporté.
|| Sous peu: dans peu de temps. Il va pleuvoir sous peu.
|| De peu: d'un rien. Vous l'avez manqué de peu.
|| Si peu que ce soit: en quelque petite quantité que ce soit.
|| Pour peu que (+ subj.). Il le fera, pour peu que vous lui demandiez, pourvu que vous lui demandiez.
⇒PEU, adv.
Quantificateur de l'intensité faible.
I. —Peu, quantificateur restrictif.
A. —[En fonction d'adv., associé à des mots de sens positif ou interprétés comme tels, indique l'intensité faible]
1. Peu + adj. Voilà, Madame, des paroles peu agréables que je voulais vous épargner (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1836, p.394). Une personne exacte et d'ailleurs peu aimable avec moi (PROUST, Guermantes 2, 1921, p.353). Les patates, portées à fleurir, s'étaient délayées en une purée grisâtre, peu appétissante (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.156).
Rem. 1. L'adj. que modifie peu est gén. polysyllabique sauf pour ceux dont la prononc. est identique au masc. ou au fém.: peu clair, peu grave, peu net. 2. Peu + adj. n'est pas d'un usage cour. dans la lang. orale fam., qui lui préfère pas très + adj. Peu + adj. appartient à une lang. relativement châtiée.
2. Peu + adv. ou compl. circ. C'est une intolérable tyrannie (...) que le pouvoir central impose aux provinces des institutions, des hommes, des écoles, peu en harmonie avec les préjugés de ces provinces (RENAN, Avenir sc., 1890, p.343). Assise en lapin, peu confortablement (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p.74):
• 1. Staline, dit-on, a demandé le rappel de l'ambassadeur des U.S.A. à Moscou, qui insistait trop peu discrètement sur ce point.
GIDE, Journal, 1943, p.212.
3. Verbe + peu. C'est vrai, maman, j'ai peu dormi (SUE, Atar-Gull, 1831, p.29). Une courbe ovale, qui diffère peu d'un cercle, différera encore moins d'une ellipse (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.60).
Rem. La différence entre peu, adv. modifiant un verbe et peu, en fonction de nom., est ténue. Dans la constr. trans. sans autre obj., il est possible d'interpréter peu comme compl. d'obj. dir. du verbe. Balcombe mira le vin, but peu et avec lenteur (HAMP, Champagne, 1909, p.176). Anne écrivait peu. Parfois dans les lettres de Mahaut à François, en marge, une ligne (RADIGUET, Bal, 1923, p.142). Peu glisse ainsi de la catégorie de l'adv. à celle du nom (v. infra C).
B. —Peu de. [En fonction de prédéterminant du subst., indique une quantité ou un nombre faible]
1. Peu de + subst. sing. (non comptable et compatible avec le partitif). As-tu donc peu ou beaucoup d'amour-propre? Je crois que tu en as beaucoup (AMIEL, Journal, 1866, p.257).
♦Peu de chose. Une chose sans importance, sans conséquence, négligeable. À peu de chose près. Ce n'est pas peu de chose que vous me demandez là (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1836, p.162):
• 2. Prévot, dans les débris, a découvert une orange miraculeuse. Nous nous la partageons. J'en suis bouleversé, et cependant c'est peu de chose quand il nous faudrait vingt litres d'eau.
SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p.231.
♦Faire peu de cas de qqn, qqc. N'accorder à quelqu'un, quelque chose qu'une importance négligeable. Un homme qui fait peu de cas de nous (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1819, p.29).
♦De peu de. Qui possède une faible quantité de. Une chose de peu d'importance (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p.126).
[P. allus. aux paroles de reproche que Jésus adresse aux apôtres incrédules: Gens, hommes de peu de foi (Matth. VI, 30; VIII, 26 p.ex.)] Comme font les hommes de peu de foi, aux yeux desquels les choses ne se sont jamais passées telles que le rapportent les témoins (MAURIAC, Journal 2, 1937, p.206).
2. Peu de + subst. plur. La mort qui va les séparer n'est plus qu'une absence de peu de jours (COTTIN, Mathilde, t.5, 1805, p.333):
• 3. Quant à Françoise, elle voyait qu'on donnait peu de médicaments à ma grand'mère. Comme, selon elle, ils ne servent qu'à vous abîmer l'estomac, elle en était heureuse, mais plus encore humiliée.
PROUST, Guermantes 2, 1921, p.331.
Rem. 1. L'accord du verbe se fait avec le compl.: Bien peu d'hommes auraient agi autrement (BERNSTEIN, Secret, 1913, II, 3, p.18) même si celui-ci n'est pas exprimé (v. infra C). 2. Comme dans le cas de l'adv. beaucoup, peu n'introduit un pron. pers. que s'il précède immédiatement les prép. d'entre ou parmi. Instruments électro-mécaniques. Peu d'entre eux présentent une réelle importance (Arts et litt., 1935, p.38-1).
3. [Le syntagme prép. introd. par de cède la place à un pron. (en, dont...)] Les femmes de mes amis ne me remarquaient pas particulièrement. Lorsque j'ai eu Odette, il y en a peu qui ne se soient montrées intriguées, puis irritées, puis provocantes (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.177).
C. —[En fonction de nom.]
1. [Compl. d'un verbe ou comme attribut (peu pouvant occuper toutes les fonctions d'un syntagme nom. ou d'un pron.)]
a) [Un verbe trans. dir.] Elle avait peu mangé, point dormi (BERNANOS, Crime, 1935, p.868). Ayant peu à décrire dans l'humble logis, ils n'y séjournent guère (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p.24).
Rem. V. s.v. importer l'accord du verbe lorsque le subst. est au plur.
♦C'est (trop) peu dire. Les mots sont insuffisants, insuffisamment forts pour décrire quelque chose. Plus je suis près du bonheur, plus je redoute les obstacles. Ah! les obstacles, c'est peu dire! (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p.1562).
♦Ce n'est pas peu dire. Ce qui est dit est pleinement significatif. Cette idée, si naïve d'apparence, a duré, je crois, sans s'affaiblir; elle n'allait pas chez les anciens au delà des autres; elle serait donc aujourd'hui la même, et ce n'est pas peu dire (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p.223).
b) [Un verbe constr. avec la prép. de] Se satisfaire de peu; vivre de peu. Elle aspire à tout, et se contente de peu (CONSTANT, Princ. pol., 1815, p.65).
♦S'en falloir de peu (que...), peu s'en faut (que...). Être sur le point de. Tous les êtres viennent de peu, et peu s'en faut qu'ils ne viennent de rien (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.137). On peut donc photographier la nuit comme en plein jour (ou peu s'en faut), à la «lueur» de projecteurs, allumés mais camouflés par des écrans noirs spéciaux qui ne laissent passer aucune lumière visible (PRINET, Phot., 1945, p.106). Il s'en fallut de peu que je ne renonçasse à la littérature (SARTRE, Mots, 1964, p.179).
c) [Avec le verbe être]
♦C'est peu. C'est insuffisant. Quatre jours... C'est peu... (GUITRY, Veilleur, 1911, II, p.17).
♦Ce n'est pas peu. C'est beaucoup:
• 4. Mais plutôt réveillant l'homme en chacun, invite-les tous à penser selon la joie et l'espérance; invoquant la guerre même, et ce qu'elle fait voir d'énergie et de puissance gouvernante en chacun; ce n'est pas peu.
ALAIN, Propos, 1921, p.251.
♦C'est peu de + verbe à l'inf. C'est insuffisant de. C'est peu de servir l'homme, il faut encor lui plaire (FLORIAN, Fables, 1792, p.107). C'est peu d'être poëte, il faut être savant (RICHEPIN, Mer, 1886, p.320).
♦C'est peu que + verbe au subj. C'est insuffisant que. C'est peu que la physique de l'homme fournisse les bases de la philosophie rationnelle, il faut qu'elle fournisse encore celles de la morale (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.60).
♦Être de peu. Être sans importance, sans valeur. Les ressemblances de visages sont de peu, je crois, dans les ressemblances de caractères (GONCOURT, Journal, 1860, p.779).
2. [P. ell. du compl. prép. de + subst. (lorsque le subst. est de grande généralité)]
— [Le compl. s.-ent. est au sing.]
♦Peu de temps. Dans, avant peu; il y a peu, sous peu, d'ici peu, d'ici à peu; peu après. J'y ai peu vécu (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.85). Je l'ai peu vue, elle est allée se coucher de bonne heure (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.476).
♦Peu de chose. Le maître-ouvrier sait faire de peu un ouvrage sans défaut (BLANCHE, Modèles, 1928, p.248). Il montre par là combien peu comptent toutes les barrières qui pourraient lui être opposées (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p.35).
♦Peu d'argent, peu de valeur. Valoir, coûter peu.
— [Le compl. s.-ent. est au plur.] Peu de gens. Si peu furent destinés à compter pour l'humanité, à vivre dans les siècles, à marcher avec leur ascendant comme avec leur ombre, et à forcer tous les regards à se baisser! (KRÜDENER, Valérie, 1803, p.174). En effet, pour tout le monde, à vingt ans, la grande affaire c'est de vivre, mais bien peu se préoccupent de trouver le fondement philosophique de leur activité (BARRÈS, Homme libre, 1889, p.XV).
3. Dans diverses loc.
— De peu, loc. adj. Minable, sans importance. Panturle a rencontré le vent, (...) plus le vent de peu qui s'amuse à la balle, mais le beau vent, large d'épaules qui bouscule tout le pays (GIONO, Regain, 1930, p.100).
♦Homme, gens de peu. Homme, gens de peu d'importance (sur le plan social ou intellectuel). Gens de peu, qui ne payaient pas cher, mais qui payaient tous les trois mois (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p.109):
• 5. ... celui qui vaque, avec les gens de peu, sur les chantiers et sur les cales désertées par la foule, après le lancement d'une grande coque de trois ans...
SAINT-JOHN PERSE, Exil, 1942, p.225.
— Loc. adv.
♦À peu près. Environ, presque. Il est à peu près dix heures. J'étais seul ou à peu près (FROMENTIN, Dominique, 1863, p.137).
♦De peu. De justesse, à peine. Il s'est montré convive aimable, amateur distingué, et n'a cependant outrepassé que de peu la limite du besoin (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p.216).
♦Peu à peu. Progressivement, degré par degré. À force d'y réfléchir, je me rendis peu à peu cette idée plus familière (FIÉVÉE, Dot Suzette, 1798, p.86).
♦Si peu que rien. Presque rien. Peu de chose avait suffi à ce rare thaumaturge, si peu que rien, cinq ou six lignes sur une note officielle, mais sublimes à la vérité (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.329).
♦(Un) tant soit peu. En très petite quantité, presque rien. Il suffit de réfléchir un tant soit peu (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.68). Ivresse publique tant soit peu déshonorante (BLOY, Journal, 1893, p.93).
♦Peu ou prou.
♦Peu ou point, peu ou rien. Manière solide, mais d'âme peu ou point (BAUDEL., Salon, 1846, p.177).
♦Fam. [Pour refuser avec iron. et indignation une hypothèse, une proposition] Très peu pour moi! J'en voyais une [une femme enceinte], l'autre soir, qui prenait le Métro. On aurait dit qu'elle portait un panier à bouteilles sous sa jupe. Non, mais très peu pour moi, je vous prie, de ventre (TOULET, Nane, 1905, p.196).
— Loc. conj.
♦Pour peu que + verbe au subj. À la condition (si minime soit-elle) que. Pour peu que nos danseuses se perfectionnent au point de pouvoir tourner sur elles-mêmes aussi vîte et aussi long-tems que les derviches de Sainte-Sophie (JOUY, Hermite, t.4, 1813, p.362).
♦Si peu que ce soit. Si faible que puisse être la quantité, l'intensité. Que l'on en revienne si peu que ce soit aux sources respiratoires, plastiques, actives du langage (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p.143).
D. —[En fonction de subst.] Le, ce, mon peu (de)
1. [Corresp. à peu de + subst., avec l'idée que la faible quantité en question est insuffisante par sa petitesse]
— [Suivi de de + subst. sing. (compatible avec le partitif)] Les pensées de l'homme elles-mêmes, quand elles sont vraies, ne sont-elles pas invincibles comme les axiomes, malgré le peu de soin qu'il prend de les employer à son profit? (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p.121). À l'école de théologie, ses professeurs se plaignaient de son peu d'assiduité (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.262). Le peu de tact qu'il devait à sa timidité lui faisait redouter de paraître ridicule en s'occupant de pareilles niaiseries (BALZAC, Curé Tours, 1832, p.207).
Rem. Lorsque peu, empl. comme subst. et suivi d'un compl. déterminatif, possède une valeur restrictive, c'est gén. lui qui commande l'accord du verbe: Le peu de confiance que vous m'avez témoigné m'a ôté le courage (LITTRÉ).
— [Suivi de de + subst. plur.] Les quelques. Le peu de mois que Napoléon commanda l'armée de l'intérieur (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.342).
2. [Corresp. à peu, nom.] Il te faut si peu! Et de ce peu, tu es assuré (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.106). D'autres (...) mentent à tout venant, trahissent, manquent de foi, et tiendraient à grand déshonneur d'avoir dit vrai dans un écrit de quinze ou seize pages; car tout le mal est dans ce peu (COURIER, Pamphlets pol., Pamphlet des pamphlets, 1824, p.212).
— [Suivi d'une prop. rel.] Le peu que nous croyons tient au peu que nous sommes (HUGO, Voix intér., 1837, p.342).
— Par antiphrase. [Pour insister, en ironisant, sur une grande quantité]
♦Excusez du peu! Il n'est qu'un psychologiste habile et surtout un moraliste. Rien qu'un «psychologiste»! Excusez du peu (BREMOND, Hist. sent. relig., t.4, 1920, p.437).
♦Merci du peu. Parce qu'il m'a porté sur son testament (...). —Pour combien? —Pour cinq cent mille! —Rien que cela, merci du peu (DUMAS père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.3).
Rem. [Corresp. à supra I A, B, C] Peu peut être intensifié par un autre adv. (bien, assez, passablement, si, suffisamment, très, trop): Cela me paraît, je le répète, assez peu important (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p.74). Aussi, pour si peu, le chevalier sentit que la mort avait touché ses membres (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p.260). C'est bien peu, n'est-ce pas, messieurs, c'est bien peu (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p.104).
♦Trop peu de; si peu de; assez peu de. La Reine: C'est donc trop peu de brûler sans pudeur du plus indigne feu! (LEGOUVÉ, Mort Henri IV, 1806, II, 2, p.365). Effrayé de perdre son honnêteté pour si peu de chose, il répondit à cette idée diabolique par une idée non moins diabolique (BALZAC, Cous. Pons, 1847, p.170).
II. —Un peu, quantificateur positif.
A. —[En fonction d'adv., associé à des mots de valeur négative ou interprétés comme tels, indique l'intensité faible, mais déjà appréciable]
1. Un peu + adj. Elle lui jeta un sourire un peu triste, mais plein d'une franche amitié (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.334). Un homme un peu brutal, un peu narquois, bougon, négligent, maussade, rongé d'obscures nostalgies (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.21):
• 6. Monsieur votre père s'alarmait du contre-coup que cette petite escapade pouvait avoir sur votre état de santé, car vous êtes un peu délicat, un peu frêle, je crois.
PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.456.
Rem. Si l'adj. a une valeur positive, il est empl. dans un cont. de virtualité: Un coeur un peu sensible voit l'artifice (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.263). Il ne saurait rien avancer d'un peu sérieux sans sourire et railler tout de suite après (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.212). Et sois un peu gentil avec Dorothy, n'est-ce pas? Franchement, tu le peux, après ce que je viens de te dire! (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p.453).
— P. iron. Très. Il jugea que par exemple celle-là était un peu raide! (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 2epart., 10, p.208). On lui a fichu une claque un peu sérieuse, à mon gigot! (G.HERBERT ds BRUANT 1901, p.305). C'était un peu dur à avaler, n'est-ce pas, pour un homme de gauche, toute cette politique militaire de Poincaré (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.199). C'est un peu facile d'être Judith (GIRAUDOUX, Sodome, 1943, II, 7, p.129).
2. Un peu + adv. ou compl. circ. Nous nous sommes quittés un peu brusquement, lui et moi, avant-hier soir, après une conversation pénible (BERNANOS, Crime, 1935, p.865). Pourquoi n'en ai-je pas parlé? Ce doit être par orgueil, et puis, aussi, un peu par maladresse (SARTRE, Nausée, 1938, p.24). Il parlait un peu follement, en zézayant de manière enfantine (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.153):
• 7. Georges IV me répondit: «Écoutez, Monsieur de Chateaubriand, je vous l'avouerai: la mission de M. Decazes ne me plaisait pas; c'était agir envers moi un peu cavalièrement (...)»
CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.97.
— [Avec un adv. d'intensité] L'inquiétude vous gagnait toujours un peu plus (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.108). Gérard se tenait un peu trop sur la réserve (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.95). [Pour exprimer son indifférence quant à la plus ou moins grande quantité de qqc.] Un peu plus, un peu moins!
— P. iron. [Le policier:] Ça commence à aller un peu mal pour lui (...). Avec son pedigree (...) il y va de la tête (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p.71).
— [Avec un compar.] Que lui trouvez-vous donc d'extraordinaire à ce vitrail, qui est encore un peu plus sombre que les autres? (PROUST, Swann, 1913, p.104).
3. Verbe + un peu. De sorte qu'au moins on vît toujours un peu flotter sa robe blanche à travers les feuilles de la forêt (MICHELET, Journal, 1857, p.351). Pour peu que leurs randonnées à travers la France leur eussent fait connaître un peu le pays de Combray (PROUST, Fugit., 1922, p.672).
4. [En fonction d'adv. de phrase] Pop. et fam.
— [Empl. seul, comme réponse en forme de défi] Plutôt. Je parie que vous avez servi [= été soldat]? —Un peu, et je m'en flatte (RABAN, MARCO SAINT-HILAIRE, Mém. forçat, t.2, 1828-29, p.158). Chaffiou: (...) Avec ça que je me priverai d'habiter ici, moi!... et de donner aussi des concerts! Rabagas, au-dessus de lui: Toi? Chaffiou: Un peu!... avec tout plein de jolies femmes en robe de soie! (SARDOU, Rabagas, 1872, III, 9, p.138).
— [Renforçant une affirmation] Être un peu là. Mais j'suis là. Il rit. —J'suis même un peu là, comme on dit! Je me lève aussi et lui frappe sur l'épaule. —Tu as raison, mon vieux frère (BARBUSSE, Feu, 1916, p.177).
— Un peu que + verbe. [Le collégien:] c'est congé donc! Un peu que je l'ai lâché d'un cran le bahut! (SARDOU, Fam. Benoiton, 1865, p.40).
— P. plaisant. (pour le rapprochement des mots, pour l'assonance). Un peu mon neveu! Vous auriez aimé une robe? —Un peu, mon neveu! (Vie paris., 1879 ds LARCH. Suppl. 1880, p.130).
— Verbe + un peu. [Sert à mettre au défi, mais gén. par jeu, à menacer, mais sans réelle gravité] Devinez un peu qui je trouve dans la voiture? (ABOUT, Roi mont., 1857, p.280). Ah! mes coquins!... Attendez un peu! (PAILLERON, Monde où l'on s'ennuie, 1869, III, 5, p.153). Répète un peu! (ZOLA, Nana, 1880, p.1306):
• 8. Pour qu'on se moque du peuple, ils veulent nommer à la présidence Nadaud, un maçon, je vous demande un peu!
FLAUB., Éduc. sent., t.2, 1869, p.251.
B. —Un peu de. [En fonction de prédéterminant du subst., évoque une quantité faible, mais déjà appréciable] Je voudrais bien manger, prendre un peu de lait, de café (BARRÈS, Cahiers, t.11, 1914, p.5). Un peu de champagne, mais pas trop sec (PROUST, Guermantes 2, 1921, p.408). Un peu de sueur perlait sur son front (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.215).
— [Le subst. est un mot abstr.] Mon peu de courage. La jeunesse en faisait étalage devant eux comme d'amusements presque normaux; aussi la réprobation des anciens se mêlait d'un peu d'envie (DRUON, Gdes fam., t.1, 1948, p.26).
C. —[En fonction de nom.] Il faisait grand jour, il m'aborda poliment, me priant de lui prêter un peu de mon ombre, après quoi, et sans attendre ma réponse, il s'assit sans façon (JANIN, Âne mort, 1829, p.67). Un peu me suffira, un peu vaut mieux que rien (Chr. WIMMER ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg 1974 t.12 n°1, p.252).
♦Région. Un peu de temps. Enfin, la fumée vient et, au bout d'un peu, elle est bien épaisse (GIONO, Regain, 1930, p.211).
— Dans diverses loc.
♦Un peu plus (et) + verbe à l'ind. imp. ou au cond. [Pour indiquer que qqc. est ou a été sur le point de se réaliser] Un peu plus ils étaient morts (FLAUB., Bouvard, t.1, 1880, p.87). Un peu plus c'est elle qui l'eût attaqué (COLETTE, Sido, 1929, p.95).
♦Pour un peu + verbe au cond. [Pour indiquer qu'il manque peu de chose pour que se réalise qqc.] Pour un peu ç'aurait pu devenir amusant (GIDE, Si le grain, 1924, p.423).
D. —[En fonction de subst.] Le, ce, mon peu (de)
1. [Corresp. à un peu de + subst. avec l'idée d'une quantité faible mais agissante ou utile] Missionnaires, jésuites, aumôniers, y perdent leur peu de latin (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1820, p.43).
Rem. Lorsque peu, empl. comme subst. et suivi d'un compl. déterminatif, possède cette valeur positive, c'est gén. le compl. qui commande l'accord du verbe: Le peu de confiance que vous m'avez témoignée m'a rendu le courage (LITTRÉ).
2. [Corresp. à un peu nom.; suivi d'une prop. rel.] Avec ce revenu et le peu que je gagne elle fait très bien marcher la maison (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p.21).
Rem. 1. Un peu peut être nuancé par l'adj. petit (lui-même pouvant être modifié par un adv.). Laissant voir les cailloux écrasés faire par place un petit peu de farine (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p.76). On a pleuré un peu? Un petit peu? Un tout petit peu? (CLAUDEL, Échange, 1954, II, p.765). 2. Un peu alterne avec quelque peu. Pour remettre Christiane de quelque peu d'étourdissement (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.147). Cette psychologie, d'abord quelque peu absconse (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p.92).
Prononc. et Orth.:[pø]. Homon. peuh! et formes du verbe pouvoir. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adv. 1. peu (avec un verbe) a) notion de temps ca 1050 pou (Alexis, éd. Chr. Storey, 109); b) notion de quantité début XIIes. poi (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1224); 1559 [éd.] ne peu ne prou (AMYOT, Theagènes et Chariclea, ch. 21 ds GDF., s.v. preu3); 1600 [éd.] peu ou prou (OL. DE SERRES, Théâtre d'agric., p.755); c) ca 1100 por poi que... ne (Roland, éd. J. Bédier, 2789 et 3608); 1369 tant soit po (Miracles N.D. par personnages, XXXI, 720, éd. G. Paris et U. Robert, t.5, p.180); 1549 si peu que (EST.); 2. (un) peu avec une valeur d'intensif en corrélation avec un adj. —tour attributif début XIIes. un poi estre + adj. (Jeu Adam, éd. W. Noomen, 222); —juxtaposition 1504 pou + adj. (LEMAIRE, Temple d'Honneur, IV, 189 ds HUG.); 3. (un) peu —valeur d'adv. a) employé devant un verbe —notion de temps ca 1160 un po (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 6025); —notion de quantité ca 1150 un bien peu (Conte de Flore et Blancheflor, éd. J.-L. Leclanche, 1086, texte propre au ms. A); 1529 (TORY, Champ Fleury, livre I, 2 v° ds HUG.); 1174 un poi (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 1095); b) employé avec un adv. ou un compl. de lieu, de temps, de quantité ca 1165 un poi plus (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 1951); ca 1165 un sol poi de (ID., ibid., 30087); ca 1170 un poi aval (BÉROUL, Tristan, éd. E. Muret, 3876); ca 1180 un poi devant (MARIE DE FRANCE, Fables, éd. K. Warnke, 45, 23); 1250 pau plus, pau mains (Chartes de Douai ds Z. rom. Philol. t.14, p.307); ca 1274 un poi avant (ADENET LE ROI, Berte, éd. A. Henry, 445); 1538 un peu après (EST.); 1606 peu souvent (NICOT); 1788 peu agréablement (FÉR. Crit.); c) un peu - atténuation, litote ca 1480 «donc (pour atténuer un ordre)» (Mistère du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 31598); 1578 un peu beaucoup (H. ESTIENNE, Deux dialogues du nouv. langage fr. italianizé, II, p.150 ds QUEM. DDL t.19); 1717 un peu «oui (avec atténuation)» (DANCOURT, Prix de l'arquebuse, sc. 5 ds LITTRÉ); d) 1558 [éd.] un petit peu (BONAVENTURE DES PÉRIERS, Nouvelles récréations et joyeux devis, V, éd. K. Kasprzyk, p.30); 1530 quelque peu (PALSGR., p.847). B. Valeur de déterminatif indéf. 1. peu + subst. - valeur numérale (animés) ca 1100 poi (Roland, 1940); (inanimés) 1119 poi (PHILIPPE DE THAON, Comput, éd. E. Mall, 1935); - valeur quantitative ca 1140 poi (GEFFREI GAIMAR, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 6157); 2. peu de + subst. (animés) valeur numérale ca 1100 poi de (Roland, 1050); (inanimés) valeur quantitative ca 1140 poi de (GEFFREI GAIMAR, op. cit., 5732); ca 1225 poi de cose (Huon de Bordeaux, éd. P. Ruelle, 5912); 3. un peu de + subst. (inanimé) valeur quantitative ca 1100 un poi de (Roland, 300). C. Valeur de n. ou de nom. 1. peu empl. abs. a) désigne des hommes - fonction de suj. ca 1100 poi (ibid., 3632); b) désigne un inanimé - fonction de compl. de verbe début XIIes. poi (St Brendan, 414); - fonction d'attribut ca 1165 po ([CHRÉTIEN DE TROYES], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Willmotte, 3104); - fonction de suj. 1174 poi (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, op. cit., 709); 2. un peu - fonction de suj. début XIIes. un poi (St Brendan, 1331); 3. peu (de) précédé de l'art. déf. ou d'un déterm. poss. ou dém. a) ca 1170 cel poi de (Rois, éd. E. R. Curtius, p.26); 1306 ce pou de (JOINVILLE, St Louis, éd. N. L. Corbett, § 618); b) 1559 mon peu de (sens et de littérature) (AMYOT, Vies des hommes illustres, f° aii v°-aiii r°); c) 1694 le peu que j'ai fait pour vous, le peu qui me reste à vivre, le peu de cas qu'on en fait (Ac.); 1798 excusez du peu (ibid.); 4. début XIIes. pur un poi ne «il s'en faut de peu que» (St Brendan, 754); ca 1190 par un poi (Renart, éd. E. Martin, branche VI, 725); ca 1225 poi en faut que (Huon de Bordeaux, 1952); ca 1500 peu s'en faut (PHILIPPE DE COMMYNES, Mémoires, éd. J. Calmette, chap. 3, t.1, p.24); XVes. [date du ms.] paul s'en faut que (La jovene puchielle de Nivielle, ms. Valenciennes, f° 293a ds GDF. Compl., s.v. pou2); 1160-74 poi et poi «petit à petit» (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 8193); ca 1165 poi et petit (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 21567); XIIIes. poi a poi (Isopet de Lyon, 2685 ds T.-L.); 1487 a pou pres (Vocab. lat.-fr., Loys Garbin, s.v. fere); 5. constr. prép. 1651 depuis peu (CORNEILLE, Nicomède, I, 1); 1671 dans peu (POMEY); 1718 de peu (se contenter, vivre) (Ac.); 1718 attendre un peu (ibid.); 1787 sous peu (FÉR. Crit.). D. Adj. - notion de quantité début XIIe s. poi (St Brendan, 1452); - notion de temps id. (ibid., 1774). Du lat. vulg. paucum, neutre adv. tiré du lat. class. paucus «peu nombreux» (empl. surtout au plur.) qui a éliminé les adv. class. parum «peu» et paulum «un peu» (cf. ital.-esp. poco, port. pouco). Paucum a donné régulièrement pou (forme empl. dans Alexis), var. po, pic. pau, devenu peu vers le mil. du XIIes. soit par fermeture de en , l'accent étant devenu secondaire dans des expr. du type pou de témps (R. HABERL ds Z. rom. Philol. t.36, p.309), soit par assimilation d'aperture du 1erélém. au second (FOUCHÉ, t.2, p.309). Une autre forme poi (empl. dans Roland) est d'orig. très discutée, v. FEW t.8, p.54b-55a. Pour HASSELROT (St. neophilol. t.17, p.287), elle serait issue de pauci, nomin. masc. plur. de paucus, devenu powi (au lieu de poydzi) p. anal. avec paucus > powus. Cette hyp. est étayée par l'empl. fréq. de poi = pauci. À la différence de la plupart des autres lang. rom., le gallo-rom. n'emploie guère paucus que dans sa forme indéclinable. L'empl. de l'adj. lat. ne persiste pas au-delà de l'a. fr. (supra D). Dans les parlers gallo-rom. (en partic. dans l'Ouest), peu est concurrencé par l'expr. un petit att. dès 1135 en a. fr. (petit2). La loc. pop. un petit peu résulte sans doute de la rencontre de un peu et de un petit. Fréq. abs. littér.:94144. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 117856, b) 137892; XXes.: a) 133260, b) 145795. Bbg. ANSCOMBRE (J.-C.). Échelles argumentatives, échelles implicatives et lois de discours. Semantikos. 1978, t.2, n°2/3, pp.43-44. - BLUMENTHAL (P.). À propos de qq. applications de la not. de présupposition. Cah. Lexicol. 1973, n°22, pp.51-57. - COHEN 1946, p.60. - DAUZAT Ling. fr. 1946, p.29, 34, 157. - DUCROT (O.). La Description de peu et un peu. T. A. Inform. 1969, n°1, pp.11-13; Dire et ne pas dire. Paris, 1972, p.62, 191, 257; Lexique et grammaire: peu et un peu. Cah. Lexicol. 1970, t.16, pp.21-52; Les Mots du discours. Paris, 1980, pp.66-69. - MARTIN (R.). Analyse sém. du mot peu. Lang. fr. 1969, n°4, pp.75-86. - QUEM. DDL t.19. - TOGEBY (K.). Il le faut. In:[Mél. Lombard (A.)]. Lund. 1969, p.225. - WIMMER (Chr.). Présupposé et théorie guillaumienne à propos de peu et de un peu. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1974, t.12, n°1, pp.249-279.
peu [pø] adv.
ÉTYM. V. 1170; pou, poi, XIe (adv.); du lat. pop. paucum, neutre adverbialisé, class. pauci « en petit nombre ».
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I (Po, Xe). En fonction de nom ou de nominal. Faible quantité, considérée soit comme simplement petite, soit comme insuffisante.
1 Précédé d'un déterminatif. a (Après l'art. défini le, un dém., un poss.). || Le peu que j'ai appris (cit. 6). || Joindre une gratification (cit. 3) au peu qu'il lui doit. || Le peu que je gagne (→ Marcher, cit. 39), que je possède (→ Nécessiteux, cit. 2). || « (…) communiquer tout le peu que j'aurais trouvé (…) » (→ Esprit, cit. 114). ☑ Excusez du peu ! || Ce peu que je te donne (→ Distraire, cit. 10). — Le peu de cas (cit. 20) que l'on faisait de ma personne. || « Le peu de soin, le temps, tout fait qu'on dégénère » (→ Cultiver, cit. 8, La Fontaine). || Le peu qu'ils avaient de bon (→ Hériter, cit. 15). || Le peu d'épaisseur de la cloison (→ Latte, cit. 1). || Le peu de succès de sa plaisanterie (→ Narquois, cit. 3). || « Ce peu que sur leurs os les ans laissent de chair » (cit. 3, Molière). || En ce peu de temps (→ Moyen, cit. 6). || Ton peu d'entendement (cit. 9). || Son peu de raison (→ Esclandre, cit. 4). || Son peu de fortune (→ Gueule, cit. 13). || Leur peu de culture (→ Insatiabilité, cit.). || Ce peu de mots (→ Éveiller, cit. 12). — REM. On trouve parfois le subjonctif après le peu qui…, que… (→ ci-dessous cit. 5, Proust).
1 Quelques-uns achèvent de se corrompre par de longs voyages, et perdent le peu de religion qui leur restait.
La Bruyère, les Caractères, XVI, 4.
2 Je ne puis m'empêcher de rire, malgré le peu d'envie que j'en ai.
A. de Musset, le Chandelier, I, 2.
3 Le peu que nous croyons tient au peu que nous sommes.
Hugo, les Voix intérieures, XXVIII.
4 (…) ce peu de charmes que je suis heureuse d'avoir pour te l'offrir.
France, le Lys rouge, XXIIII.
5 (…) le peu de jour qui restât faiblissait (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. II, p. 215.
6 Euphémie ne se charge que de deux ou trois besognes de cinq minutes, comme on donne l'exemple et elle monte aussitôt ce peu en épingle pour que tout le monde le voie.
M. Jouhandeau, Chaminadour, II, XV.
REM. (Accord du verbe ou du participe passé après le peu (ce peu) suivi d'un substantif complément). Si l'accent est mis sur peu, qui marque alors le manque, l'insuffisance, c'est le mot peu qui règle l'accord (masculin et singulier) :|| « Le peu de confiance que vous m'avez témoigné m'a ôté le courage » (Girault-Duvivier, in Littré). || « Le peu de qualités dont il a fait preuve l'a fait éconduire » (Académie). Si l'accent est mis sur le complément, peu prend alors une valeur positive avec l'idée de quantité faible mais non jugée insuffisante, et l'accord se fait avec le complément :|| « Le peu de confiance que vous m'avez témoignée m'a rendu le courage » (Girault-Duvivier, in Littré). || « Le peu de services qu'il a rendus ont paru mériter une récompense » (Académie). Cependant « cette distinction n'est pas observée par tous les écrivains » (G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., §1040). → Arbitraire, cit. 11, Chateaubriand; irrémissiblement, cit. Stendhal.
7 Je ne crois pas que j'eusse besoin de cet exemple d'Euripide pour justifier le peu de liberté que j'ai prise.
Racine, Andromaque, 2e Préface.
8 Le peu de sûreté que j'ai vu pour ma vie à retourner à Naples, m'a fait y renoncer pour toujours (…)
Molière, l'Avare, V, 5.
9 (…) ce peu d'heures, saintement passées (…) tiennent lieu toutes seules d'un âge accompli.
Bossuet, Oraison funèbre de la duchesse d'Orléans.
10 Fais connaître le peu de talents que la nature et le travail t'ont donnés.
Lamartine, Raphaël, LVII.
11 — Pour le peu de besogne que tu as abattu, ce soir, tu aurais tout aussi bien fait de me mener dans le monde.
Huysmans, En ménage, IV.
12 Le peu de cheveux qui me reste grisonne allégrement.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, VI, XII.
b Un peu de. ⇒ Brin, grain, miette. || Un peu de sel (→ Abstinence, cit. 1), de sang (→ Blet, cit. 2), de thym (→ Bouillir, cit. 1)… || Un peu d'esprit critique (→ Camaraderie, cit. 1), de patience, de mâle (cit. 10) énergie… || Un peu d'espoir. ⇒ Lueur. || Le monde se nourrit d'un peu de vérité et de beaucoup de mensonge (→ Esprit, cit. 43). || Un petit peu, un tout petit peu de cognac. ⇒ Goutte, larme. || Un peu de lait dans le thé. ⇒ Nuage, soupçon.
13 Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière,
Pour jamais sous la tombe eût enfermé Molière.
Boileau, Épîtres, VII.
14 Un peu de philosophie écarte de la religion, et beaucoup y ramène.
Rivarol, Maximes et pensées, Religion.
15 Un coin où nous aurions des arbres, des pelouses,
Une maison petite avec des fleurs, un peu
De solitude, un peu de silence, un ciel bleu.
Hugo, les Contemplations, II, XXI.
16 Après tout, un peu de charlatanerie est toujours permis au génie, et même ne lui messied pas.
♦ ☑ Loc. adv. (XXe). Pour un peu : il suffirait, il aurait suffi de peu de choses pour que… → Un peu plus, et… || Pour un peu, je ne consentirais à y voir qu'un sport… (→ Attrait, cit. 13, Gide). || Pour un peu il serait dangereux… (→ Interdire, cit. 7, Valéry). || Pour un peu, il aurait pris rang… (→ Ordinaire, cit. 4, Romains).
17 On trouve aux yeux des regards expressifs, et pour un peu l'on trouverait que la petite bête a une allure de bête intelligente.
Ch.-L. Philippe, la Mère et l'Enfant, p. 10.
18 Pour un peu il eût dit à cette dame trop fardée des choses désagréables.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, XXII, p. 264.
c Littér. || Quelque peu de : une certaine partie, une certaine quantité de. || Il a laissé quelque peu de sa fortune.
2 (Sans déterminatif introducteur). a (Sans complément). || « On promet beaucoup pour se dispenser (cit. 16) de donner peu » (Vauvenargues). || Auteur qui produit peu, et peu à la fois (→ Burineur, cit.). || Peu lire (→ Digérer, cit. 6). || Manger peu et vite (→ Endurcir, cit. 12). || Exiger (cit. 7) beaucoup pour obtenir peu. || Ceux qui ont peu et ceux qui n'ont pas (→ Fédération, cit. 5). || Gagner peu à être connu (→ Fécondité, cit. 7). || « On a perdu bien peu quand on garde (cit. 45) l'honneur » (Voltaire). || Gagner bien peu.
♦ ☑ Loc. (Vieilli; v. 1615 in D. D. L.). Si peu que rien : pour ainsi dire rien. — Ce serait trop peu dire (→ Lacune, cit. 5; lucide, cit. 3). ☑ Ce n'est pas peu dire : c'est dire beaucoup, sans commettre nulle exagération. — Se contenter de peu (→ Mieux, cit. 36). || Il est content de peu (→ Épicurien, cit. 1). || Vivre de peu. || Avoir tant fait avec si peu (→ Institution, cit. 4). || Dans l'extrême misère (cit. 10), on se trouve riche de peu. || Il est de peu mon aîné. || Éviter de peu. ⇒ Justesse (de).
19 Si vous faites cela, vous ne ferez pas peu.
Molière, le Misanthrope, I, 1.
20 Moi, pour vouloir si peu je ne suis pas si fou !
Hugo, Hernani, I, 4.
21 — Qui a écrit cela ? — C'est moi, madame. — Tu as peu et bien dit, c'est un talent rare.
A. de Musset, Barberine, III, 11.
22 La philosophie de M. Bergson est presque aussi mal comprise par ses adversaires que par ses partisans. Et ce n'est pas peu dire.
Ch. Péguy, Note conjointe, Sur Bergson, p. 11.
♦ ☑ Loc. À peu près. ⇒ Près.
♦ Très peu. ☑ Fam. Très peu pour moi : formule de refus.
23 Ah ! non ! Solange… Très peu pour moi… Tirez-moi de cette histoire…
A. Maurois, le Cercle de famille, II, XIII.
♦ Il faut matériellement (cit. 3) peu pour accomplir de grandes choses dans l'ordre moral. ☑ Peu s'en faut…, il s'en faut de peu… ⇒ Falloir (cit. 7 à 11), et → Autant vaut.
♦ Peu, en fonction d'attribut. Vx. || Être peu : être une petite chose, sans importance, qui ne compte guère. || « Tout votre sang est peu pour un bonheur si doux » (Corneille, Polyeucte, IV, 3). || « Suis-je trop peu pour vous ? » (→ Offrir, cit. 11, Corneille). — ☑ (Vieilli). Homme de peu, de basse condition. ☑ Choses de peu : petites choses (→ Commander, cit. 38, Corneille). — Mod. || C'est peu : ce n'est pas grand-chose, cela ne suffit pas. || On a deux jours pour se retourner, c'est peu. || Ce sera trop peu (→ Ingrat, cit. 7). || C'est peu de…, suivi de l'inf. (→ Faucher, cit. 6; imagination, cit. 28). || « C'est trop peu d'être blanc, le lys était candide » (→ Lis, cit. 5). || C'est peu que…, suivi du subj. (→ Fourmiller, cit. 5). || Il serait peu que… (→ Esprit, cit. 45). — (Vx). || C'est peu (que) de…, du…, suivi d'un subst. : il ne suffit pas de, on ne se contente pas de.
24 C'est peu de violer l'amitié, la nature,
C'est peu que de vouloir, sous un couteau mortel,
Me montrer votre cœur fumant sur un autel (…)
Racine, Iphigénie, III, 6.
25 Tout l'univers, c'est peu.
Hugo, la Légende des siècles, XIII.
♦ ☑ Loc. adv. Peu à peu : en progressant par petites quantités, par petites étapes. ⇒ Doucement, graduellement, insensiblement, jour (de jour en), lentement, mesure (à), petit (à petit), progressivement (→ Absorber, cit. 3 et 5; accoutumer, cit. 13; cellule, cit. 9; croître, cit. 9; disjoindre, cit. 1; fanfaronnade, cit. 2). — REM. L'inversion du sujet est possible après peu à peu.
26 Peu à peu, avec une lenteur désespérante, le jour s'échappe du ciel.
H. Barbusse, le Feu, II, XX.
27 C'est ainsi que peu à peu me vint le désir de lui conter l'histoire d'Antonia.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XVIII, XVI, p. 218.
b (Suivi d'un compl.). || Avoir peu de temps (→ Examen, cit. 17). || En peu de temps (→ Flétrir, cit. 18). || Peu de temps après (→ Navire, cit. 11). || « Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! » (→ Métamorphose, cit. 9, Hugo). || Peu ou point de mouvement, d'action… (→ Halte, cit. 6; 2. palais, cit. 3). || Cela a peu, très peu, bien peu d'importance. || J'y attache si peu d'importance (→ Brouiller, cit. 20). || Avoir peu d'argent, de fortune. || Il a peu de patience. || Homme de peu de foi.
28 Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las ! las ! ses beautés laissé choir !
Ronsard, Odes, I, XVII.
29 Voilà une belle merveille que de faire bonne chère avec bien de l'argent : c'est une chose la plus aisée du monde (…) mais pour agir en habile homme, il faut parler de faire bonne chère avec peu d'argent.
Molière, l'Avare, III, 1.
30 — Votre cœur est pris ? — Oui, madame, depuis peu de temps, mais pour toute ma vie.
A. de Musset, Barberine, III, 5.
31 (…) peu de sang versé, peu d'honneur conquis, de la honte pour quelques-uns, de la gloire pour personne; telle fut cette guerre (…)
Hugo, les Misérables, II, II, III.
♦ ☑ Peu de chose : une petite chose, quelque chose d'insignifiant, de négligeable. ⇒ Bagatelle, misère, rien. || « Peu de chose nous console parce que peu de chose nous afflige » (cit. 13, Pascal). || C'est peu de chose (→ Arriver, cit. 28; concorde, cit. 4; noblesse, cit. 9) cf. De la bricole, de la gnognote (fam.) || Le talent sans génie (cit. 33) est peu de chose. || Posséder est peu de chose (→ Heureux, cit. 37). || L'homme (cit. 55) est bien peu de chose. || Ce je (cit. 1) ne sais quoi, si peu de chose… || Il faut peu de chose pour rendre le sage heureux (→ Content, cit. 5). || « Qu'il fallait peu de chose à ma rêverie ! » (→ Mousse, cit. 1, Chateaubriand). || Combien peu de chose il faut pour émouvoir… (cit. 9). || Sa vanité était blessée (cit. 13) pour peu de chose. || Réduire à peu de chose (→ Élégance, cit. 11). || Compter pour peu de chose (→ Habileté, cit. 18). || À peu de chose près (→ Mobilier, cit. 2). || Avoir peu de chose à dire. ⇒ Grand-chose (pas).
32 (…) il ne put s'empêcher de songer combien c'est peu de chose que nos afflictions, puisqu'elles servent quelquefois à nous faire trouver une joie imprévue dans la plus faible lueur d'espérance.
A. de Musset, Nouvelles, « Croisilles », III.
33 C'est un triste jour que celui où l'on découvre que ce quelqu'un qu'on s'était plu à parer de toutes les perfections et à combler de tous les dons n'était que si peu de chose. Elle eut des années à méditer sur cette amère découverte.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 24 mars 1852.
34 Le chef-d'œuvre du style, c'est d'exprimer supérieurement l'ordinaire, de faire quelque chose de rien, ou plutôt une grande chose avec peu de chose.
Paul Léautaud, Propos d'un jour, p. 46.
♦ Peu de…, suivi d'un plur. || Peu de gens (→ 1. Agréer, cit. 3; apprécier, cit. 2). ⇒ Nombre (un petit), guère (cit. 2). || Une femme comme on en voit peu (→ Dépérir, cit. 3). || Il y a si peu de jours dans la vie (→ Même, cit. 4). || Il est peu de plus belles pages architecturales (cit. 1). || « Qu'il est peu de sujets fidèles (cit. 1) à leurs maîtres » (Corneille). || En peu de jours (→ Déplaire, cit. 3). || Mourir (cit. 31) en peu d'heures. || Dans peu d'instants (→ Café, cit. 4; lit, cit. 10). || Il dit beaucoup en peu de mots (→ Fatras, cit. 8). ⇒ Bref, brièvement, succinctement. || Un pamphlet (cit. 1) est un écrit de peu de pages. ☑ Vivre à peu de frais (→ Apprêt, cit. 3).
35 Peu de gens savent être vieux.
La Rochefoucauld, Maximes, 423.
36 Très peu de jours après, le mariage eut lieu.
E. Fromentin, Dominique, VII.
37 Peu d'amis la regrettèrent, ses façons étant d'une hauteur qui éloignait.
Flaubert, Trois contes, « Un cœur simple ».
♦ Ellipt. et dans les loc. Peu de temps. ☑ Dans peu (→ Chanson, cit. 12; faible, cit. 2; jeu, cit. 60), sous peu, avant peu. ⇒ Bientôt; avenir (dans un proche), incessamment. — ☑ Il y a peu : récemment. ☑ Depuis (cit. 9) peu. ⇒ Récemment (→ Exposer, cit. 4; naître, cit. 25; nymphe, cit. 4). ☑ D'ici (cit. 24) peu. (Employé seul). Un petit nombre des gens ou des choses dont il est question. || Assez (cit. 54) de gens méprisent le bien, mais peu savent le donner. || Fort peu deviennent incrédules (cit. 5). → Militaire, cit. 6. — REM. Peu de (choses, gens) suivi d'un relatif (qui, que, dont…) entraîne parfois le subjonctif (→ ci-dessous, cit. 40, Fénelon).
38 Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers; car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus.
Bible (Sacy), Évangile selon saint Matthieu, XX, 16.
39 Je vous aurais tiré d'affaire avant qu'il fût peu.
Molière, le Malade imaginaire, III, 5.
40 (…) voilà la véritable gloire. Mais qu'il y a peu de rois qui sachent la chercher et qui ne s'en éloignent point !
Fénelon, Télémaque, XI.
41 Si une pensée ou un ouvrage n'intéresse que peu de personnes, peu en parleront.
Vauvenargues, Maximes et réflexions, XI.
42 Ma santé est rétablie. Avant peu, je retournerai à mon rocher.
Hugo, Lettres de l'exil, 28 mai 1861.
43 Mourir ! pour qui ? pour moi ? Se peut-il que tu meures
Pour si peu ?
Hugo, Hernani, III, 4.
44 Bien peu suivaient Christophe dans l'audace de ses dernières compositions
R. Rolland, Jean-Christophe, La nouvelle journée, I, p. 1434.
45 (…) il en est peu qui aient le bonheur de s'endormir aussitôt la tête sur l'oreiller.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XVII, p. 224.
45.1 Un taxi de Kratié avait percuté la rizière, il y a peu.
Claude Courchay, La vie finira bien par commencer, p. 216.
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II En fonction adverbiale.
1 (V. 1050). Avec un verbe. En petite quantité, dans une faible mesure seulement. ⇒ Beaucoup (ne… pas), guère (ne), médiocrement, modérément, peine (à). || Aimer peu la comédie (→ Bouffonnerie, cit. 1), les enfants (→ Marâtre, cit. 2). || Cela compte peu (→ Homme cit. 14). || Estimer, goûter peu… (→ Illusion, cit. 13; Imprégner, cit. 8). || La lampe éclaire peu. ⇒ Faiblement, mal. — ☑ Loc. Peu importe; il importe peu. ☑ Peu me chaut (→ Chaloir, cit. 3). — Travailler très peu, bien peu, assez peu (→ Laborieusement, cit.). || Crains-tu si peu le blâme ? (cit. 1). || Une femme à laquelle je tiens si peu (→ Négliger, cit. 7). || Nous sortons peu le soir. ⇒ Rarement. || Leur beauté dure peu (→ 1. Espalier, cit. 4). ⇒ Longtemps (ne… pas). || Coûter peu. ⇒ Marché (bon). — ☑ Loc. Peu ou prou, ni peu ni prou. ⇒ Prou.
46 L'esprit a besoin d'être occupé, et c'est une raison de parler beaucoup que de penser peu.
Vauvenargues, Maximes et réflexions, 464.
47 Le doute a désolé la terre :
Nous en voyons trop ou trop peu.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « L'espoir en Dieu ».
48 — Parlons peu, mais parlons bien, lui dit-il. Tu es une vieille crapule.
France, l'Île des pingouins, VI, I.
49 Il faut me connaître bien peu pour accepter comme mienne une phrase aussi dégonflée.
Gide, Journal, 8 févr. 1933.
♦ (Avec un adj.). Pas très. || Peu utile. ⇒ Autrement (pas). || Rapport peu sincère (→ Imputer, cit. 19). || Fort peu recommandable (→ Aujourd'hui, cit. 10). || Si peu humain (→ Cadavre, cit. 4). || Peu nombreux. || Assez peu scrupuleux (→ Inconséquence, cit. 10). || Aussi peu capable… (cit. 9). ☑ Il n'était pas peu fier : il était très fier (→ 2. Officier, cit. 6; infatuer, cit. 7).
REM. Dauzat (Gramm. raisonnée, p. 334) note que peu ne s'emploie pas devant un adjectif monosyllabique : on remplace peu grand, peu fort par pas très grand, pas très fort.
50 On dit que peu sensible aux charmes d'Hermione,
Mon rival porte ailleurs son cœur et sa couronne (…)
Racine, Andromaque, I, 1.
51 (…) il était trop peu délicat sur le choix des moyens en les trouvant tous bons (…)
Balzac, César Birotteau, Pl., t. V, p. 359.
♦ (Avec un adv.). || Peu souvent (→ Lyrique, cit. 1). || Peu profondément. || Nous pénétrons si peu avant dans le for (cit. 4) intérieur d'autrui. || Blessé peu gravement. || Peu après (→ Fistule, cit.). || Peu avant d'y arriver (→ Iode, cit.). || Peu loin de la ville (→ Fonder, cit. 5).
♦ ☑ (1549). Si peu que (suivi du subj.). || Si peu intuitive (cit. 4) qu'elle fût : quoiqu'elle fût bien peu intuitive. || Si peu que ce soit : en quelque petite quantité que ce soit, en si faible mesure que ce soit. || Quelque chose qui nous ressemble, si peu que ce soit (→ Mouvement, cit. 19). || Si peu que ce fût. → Destinée, cit. 20.
♦ ☑ Tant soit peu : si peu que ce soit. || Je ne peux me rapprocher tant soit peu de l'infini (cit. 19). — Subst. || (Un) tant soit peu de… || Si vous avez tant soit peu de cervelle (cit. 1, Molière) : si vous avez de la cervelle, même très peu. — REM. Pour si peu que (ce fût), dans cet emploi, est pléonastique et incorrect.
52 (…) si je vous disais que je suis tant soit peu scandalisé de la vie que vous menez ?
Molière, Dom Juan, I, 2.
53 Tu me parais un tant soit peu misanthrope et enclin à la mélancolie.
A. de Musset, Fantasio, I, 2.
54 Si peu que j'aie causé avec lui, il a trouvé le temps de me dire (…)
Gide, les Faux-monnayeurs, III, IV.
55 (…) pour ne rien faire qui pût sembler tant soit peu insolite au voisinage (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, XIX, p. 211.
♦ ☑ Loc conj. Pour peu que… (avec le subj.) : si peu que ce soit, pourvu que, dès l'instant où… || Pour peu qu'on réfléchisse, on comprendra que… || Pour peu que l'on considère (→ Locution, cit. 2), qu'on soit un lettré (→ Musarder, cit. 2). || Pour peu qu'on s'attache aux idées et non aux formes (→ Démarcation, cit. 4). || « La chose serait aisée, pour peu qu'on voulût trahir le bon sens » (→ Naturel, cit. 29, Racine).
56 Pour peu qu'on encourage une amante passionnée, elle est intrépide.
Voltaire, l'Ingénu, XV.
57 Pour peu que, si peu que relèvent (…) de la phrase concessive et sont sensiblement synonymes; la valeur d'indétermination et de potentialité explique le subjonctif qui les suit nécessairement : « Pour peu qu'on ait pratiqué les savants, on s'aperçoit qu'ils sont les moins curieux des hommes » (France, Jard. d'Épic., p. 97).
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1694.
58 — Pour peu que je l'en eusse priée, Miss Ashburton serait venue volontiers.
Gide, la Porte étroite, II.
2 (Précédé de un). || Un peu : dans une mesure faible mais non négligeable. — REM. Un peu a une valeur positive, exprimant une quantité petite, mais appréciable; peu exprime une quantité petite et pour ainsi dire négligeable par rapport à une quantité à laquelle on se réfère tacitement (il a peu travaillé — il a un peu travaillé).
a (Emploi normal). || Il a un peu l'air (cit. 30) de… ⇒ Vaguement. || Il est un peu de mes amis (cit. 14). || Elle zézayait un peu, très peu (→ 2. Charme, cit. 16). || Mon examen commence à m'inquiéter un peu, mais pas plus qu'un peu (→ Fouler, cit. 13). || On dansa un peu (→ Gai, cit. 5). || S'intéresser un peu à quelqu'un (→ Gorge, cit. 28). ☑ Ne… pas qu'un peu : beaucoup (→ Fouetter, cit. 18). || « Et je lui crois, pour moi, le timbre un peu fêlé » (→ Après, cit. 19 Molière). || Je le trouve un peu faible (→ 3. Droit, cit. 70). || Il est un peu artiste (→ Afficher, cit. 3). — ☑ Littér. (même sens). Quelque peu. || Il nageait quelque peu (→ Aide, cit. 2). || Si l'on monte quelque peu (→ Brise, cit. 3). || Attendez quelque peu (→ 1. Lever, cit. 39). || Quelque peu pris au dépourvu (→ Épate, cit. 1). || Quelque peu ridicule (→ 1. Marque, cit. 2). || Panurge était quelque peu paillard (cit. 1).
59 Il se sentait quelque peu étourdi, comme un homme qui descend d'un vaisseau (…)
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, I.
60 Elle pense à nous, lorsque le régiment est aux tranchées. Et quand le canon tonne dur, elle compte candidement chaque coup (…) « Un peu… Beaucoup… Passionnément… » comme si elle effeuillait la marguerite.
R. Dorgelès, les Croix de bois, VI.
61 Je relis avec ravissement ce chef-d'œuvre (Iphigénie), pourtant un peu artificiel, un peu construit, un peu extérieur à Racine comme à moi-même, un peu œuvre d'art.
Gide, Journal, 18 févr. 1934.
♦ Un peu au-dessous de la moyenne (cit. 1). || Un peu partout. || Un peu plus, un peu plus de… (→ Appétit, cit. 8; bouleverser, cit. 4; imprégner, cit. 11), un peu moins… (→ Lors, cit. 1). || Un peu plus ou un peu moins de bile (→ Distinguer, cit. 1). || Un peu mieux (→ Huile, cit. 34). ⇒ Légèrement. || Il faut voir un petit peu plus loin que le bout de son nez (cit. 26). || Il va un tout petit peu mieux. || Un peu trop… (→ Appuyer, cit. 23 et 26; cabinet, cit. 3; lèvre, cit. 4). || « Il faut être un peu trop bon (cit. 72) pour l'être assez » (Marivaux). — Spécialt. || Un peu plus (formant une proposition ellipt.). ⇒ Plus.
b (Emplois stylistiques). Pour atténuer un ordre ou souligner une remarque. || « Écoute, bûcheron, arrête (cit. 21) un peu le bras » (Ronsard). Fam. || Je me demande un peu lequel (cit. 21) de nous deux… || Je vous demande un peu ! (→ Note, cit. 30). || Voyez un peu le grand malheur ! (cit. 17). || Pense un peu à toutes les combinaisons (→ Marquer, cit. 22). || Descends un peu, que je te parle. || Nous verrons un peu si… (→ Nouvelle, cit. 16). || Aie un peu l'œil (cit. 30) à tout cela. || Va voir un peu ce qu'elle a fait (→ Aller, cit. 108).
62 — Votre médecin, ma foi ! qui me voulait tâter le pouls. — Voyez un peu, à l'âge de quatre-vingt-dix ans !
Molière, le Malade imaginaire, III, 11.
63 (…) apportez une chaise que je descende un peu de cette mule-ci sans me casser le cou (…)
A. de Musset, On ne badine pas avec l'amour, I, 1.
64 — Lâche ! feignant ! sors donc un peu, que je te démolisse !
Zola, la Terre, II, VI.
♦ (Poli ou iron.). Bien, trop. || C'est un peu court, un peu jeune ! || C'est un peu simpliste (→ Dérober, cit. 9). || C'est un peu fort (cit. 25) de café, un peu fort ! || C'est un peu tard ! || Un peu longuet (cit. 1 et 2). || Couleurs un peu violentes pour le bleu de la robe (→ Lophophore, cit. 2). || C'est un peu tiré par les cheveux. || Il charrie un peu, le gars ! — (Dans le même sens). || Un peu bien (→ Mince, cit. 12). — ☑ (1578; H. Estienne, in D. D. L.). Un peu beaucoup. || Il se moque un peu beaucoup de nous (Académie).
65 Mais, mon oncle, il me semble que vous vous jouez un peu beaucoup de mon père.
Molière, le Malade imaginaire, III, 14.
66 (…) il est peut-être un peu bien familier d'appeler Isabelle tout court la fille légitime d'un prince (…)
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, XXI.
67 — Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme…
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, I, 4.
♦ (Pour accentuer une affirmation). Beaucoup, certainement. || Tu ferais ça ! — ☑ Un peu ! (→ Et comment !, je veux !). Pop. Un peu, mon neveu ! (phrase forgée pour l'assonance; cf. Tu parles, Charles !).
68 Il était un peu père, lui.
Balzac, Eugénie Grandet, Pl., t. III, p. 551.
68.1 — Est-ce que ça vous regarde ? répond le garçon avec calme.
— Un peu, mon nveu.
R. Queneau, le Dimanche de la vie, p. 106.
♦ ☑ Loc. Être un peu là (cit. 12).
♦ Pop. || Un peu que… (soulignant une affirmation).
69 — On vous a oubliés, pauvres vieux ! — Un peu ! s'écrie Fouillade, qu'on nous a oubliés ! Quatre jours et quatre nuits dans un trou d'obus (…)
H. Barbusse, le Feu, I, IV.
70 — C'est bien toi qui es Lapointe ? — Un peu que c'est moi qui est (sic) Lapointe.
G. Duhamel, Lapointe et Ropiteau, I.
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CONTR. Beaucoup, fort, foule, nombreux, quantité. — Abondamment, amplement, bien, complètement, drôlement, excessivement, extrêmement, extraordinairement, foison (à), force, fortement, grandement, gros, hautement, très.
HOM. Peuh; formes du v. pouvoir.
Encyclopédie Universelle. 2012.