fonder [ fɔ̃de ] v. tr. <conjug. : 1>
1 ♦ (Concret) Rare FONDER (QQCH.) SUR : établir sur des fondations (un ouvrage dont on entreprend la construction). « il fonde le kiosque sur un massif en béton pour qu'il n'y ait pas d'humidité » (Balzac). — Par métaph. Littér. ⇒ bâtir. « Je fondais sur le sable et je semais sur l'onde » (Lamartine).
2 ♦ Cour. Prendre l'initiative de construire (une ville), d'édifier (une œuvre) en faisant les premiers travaux d'établissement. ⇒ créer. Romulus, selon la tradition, a fondé Rome en 753 av. J.-C. Fonder une école (⇒ ouvrir) . Fonder un ordre religieux, une secte (⇒ instituer) , un parti (⇒ former) , une société (⇒ constituer) . « l'homme capable de fonder et de gérer une entreprise » (Chardonne). — Spécialt Fonder un foyer, une famille : se marier, avoir des enfants. — Fig. Fonder une science, une école littéraire.
♢ Dr. (⇒ fondation) . Fonder un lit dans un hôpital, un prix.
3 ♦ FONDER (QQCH.) SUR : établir sur (une base). ⇒ asseoir, baser. Fonder son pouvoir sur la force. « On peut fonder des empires glorieux sur le crime, et de nobles religions sur l'imposture » ( Baudelaire). C'est sur ce fait qu'il fonde ses prétentions, ses espoirs. — Pronom. Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer cela ? ⇒ s'appuyer. — Récit fondé sur des documents authentiques.
♢ Vx Fonder en : fonder sur. — Mod. Cela est fondé en droit.
♢ Placer, mettre en qqn (une croyance). Je fonde de grands espoirs sur lui.
4 ♦ Pourvoir d'un fondement rationnel.
♢ Constituer le fondement de. ⇒ justifier, motiver. Voilà ce qui fonde la réclamation. Cet usage ne saurait fonder un droit. « on conçoit un temps où la force fonde réellement le règne de la raison » (Renan).
♢ Au pass. et au p. p. (la chose ayant reçu son fondement) Une opinion, une critique, une confiance bien ou mal fondée. Un reproche, un bruit fondé. « cette nouvelle ne me paraît pas fondée » (Mme de Sévigné). C'est une interprétation qui me paraît fondée. ⇒ juste, légitime, raisonnable, valable.
♢ (Personnes) ÊTRE FONDÉ À (et inf.) :avoir de bonnes raisons pour. Être fondé à croire, à prétendre qqch. Qui « ne s'en tiendrait qu'à ce discours serait fondé à ignorer que » (Henriot).
♢ Dr. Être fondé de pouvoir. ⇒ fondé de pouvoir.
⊗ CONTR. Abolir, détruire, renverser.
⊗ HOM. Fondent :fondent; fonderai :fondrai (fondre).
● fonder verbe transitif (latin fundare) Être à l'origine de l'existence d'une ville, d'une institution, etc., en être l'initiateur, le créateur : Romulus, selon la légende, fonda Rome. Fonder une nouvelle religion. Faire un legs, une donation permettant la création, la fondation d'une œuvre, d'une entreprise, etc. : Fonder un prix littéraire. Faire reposer, asseoir, établir quelque chose sur quelque chose : Sur quoi fondez-vous vos critiques ? Légitimer quelque chose, l'établir de droit : Cette malfaçon fonde pleinement votre réclamation. ● fonder (difficultés) verbe transitif (latin fundare) Conjugaison Attention aux conjugaisons de ces deux verbes, qui présentent des formes communes, notamment les personnes du pluriel de l'indicatif présent (nous fondons, vous fondez, ils fondent), l'ensemble des formes de l'indicatif imparfait (je fondais, tu fondais, etc.) et du subjonctif présent (que je fonde, que tu fondes, etc.). 1. Fonder : comme chanter. 2. Fondre : comme vendre. ● fonder (expressions) verbe transitif (latin fundare) Fonder un foyer, une famille, se marier. Fonder ses espoirs en, sur quelqu'un, quelque chose, les y placer, espérer en eux. ● fonder (synonymes) verbe transitif (latin fundare) Être à l'origine de l'existence d'une ville, d'une institution, etc....
Synonymes :
- bâtir
- édifier
- ériger
- établir
Contraires :
- détruire
- écraser
Légitimer quelque chose, l'établir de droit
Synonymes :
- assurer
Contraires :
- abolir
- anéantir
- miner
- ruiner
- saper
fonder
v. tr.
d1./d Créer (une chose durable) en posant ses bases. Fonder une ville. Fonder une dynastie.
|| Fonder une famille: se marier et avoir des enfants.
d2./d Donner les fonds nécessaires pour (une fondation d'intérêt public). Fonder une bourse.
d3./d Fonder (qqch) sur: faire reposer (qqch) sur.
|| Pp. Une opinion fondée sur des faits.
— adj. Une réputation fondée.
|| v. Pron. Se fonder sur le code civil.
⇒FONDER, verbe trans.
A.— Fonder qqc.
1. a) Peu usité. Poser les fondements (d'une construction). Fonder les piles d'un pont (JOSSIER 1881).
— Emploi abs. :
• 1. Les principes généraux à suivre dans la construction des ouvrages d'art peuvent se résumer ainsi : fonder solidement et construire simplement.
BRICKA, Cours ch. de fer, t. 1, 1894, p. 126.
♦ P. métaph. Il continua de lire, de rêver, de causer, de marcher (...) de promener et d'ajourner l'œuvre, étant de ceux qui sèment, et qui ne bâtissent ni ne fondent (SAINTE-BEUVE, Portr. littér., t. 2, 1844-64, p. 321). Car il est plus facile dit Dieu de ruiner que de fonder; Et de faire mourir que de faire naître; Et de donner la mort que de donner la vie (PÉGUY, Myst. Sts Innoc., 1912, p. 23).
b) Au fig.
) Qqn fonde. Pourvoir d'un fondement, établir, asseoir (cf. ce mot B). Quand on ne veut pas se contenter des aperçus informes formés par le sens commun, il faut bien suivre des procédés tout opposés à ceux des sociologues, qui fondent leur réputation, auprès des sots, grâce à un bavardage insipide et confus (SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 67) :
• 2. — Ne voyez-vous pas, mon fils, s'écria-t-il, ce furieux qui coupe avec ses dents le nez de son adversaire terrassé, et cet autre qui broie la tête d'une femme sous une pierre énorme?
— Je les vois, répondit Bulloch. Ils créent le droit; ils fondent la propriété; ils établissent les principes de la civilisation, les bases des sociétés et les assises de l'État.
FRANCE, Île ping., 1908, p. 78.
) Qqc. fonde. Être le fondement de. Les fruits sont d'aspect très divers chez les Palmiers; leur nature fonde la classification des Palmiers (PLANTEFOL, Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 299). Ces phénomènes qui fondent toutes nos certitudes (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 468).
2. P. ext.
a) Être le premier à bâtir et à peupler (une ville). Didon fonda Carthage (Ac.) Les colons de cette partie de l'Île Longue descendent des premières familles wallonnes et hollandaises, qui fondèrent la ville de New-York en 1614 (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 316).
b) Au fig.
) Qqn fonde. Donner existence à, être à l'origine de; être le premier à organiser. Synon. créer, constituer, instaurer, instituer, former. Considérez ces courageuses petites sectes protestantes qui, quittant l'Angleterre, allèrent fonder les États-Unis d'Amérique (TAINE, Philos. art., t. 1, 1866, p. 210). Il veut fonder à son profit un système nouveau (BARRÈS, Cahiers, t. 10, 1913, p. 78). C'est l'année du Cid, l'année où Richelieu fonde l'Académie française (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 210) :
• 3. — Les mémoires de Mme Campan méritent peu de confiance. Faits pour la cour de Bonaparte, qui avait besoin de leçons, ils ont été revus depuis par des personnes intéressées à les altérer. L'auteur voit tout dans l'étiquette et attribue le renversement de la monarchie à l'oubli du cérémonial. Bien des gens sont de cet avis. Henri III fonda l'étiquette, et cependant fut assassiné. On négligea quelque chose apparemment ce jour-là.
COURIER, Pamphlets pol., Livret de Paul-Louis, vigneron, 1823, p. 170.
• 4. ... l'habileté n'est qu'un vain mot. Et il n'est point de détour possible dans la création. On fonde ce que l'on fait et rien de plus. Et si tu prétends, poursuivant un but, tendre vers un autre, et qui diffère du premier, celui-là seul qui est dupe des mots te croira habile. Car ce que tu fondes, en fin de compte, c'est ce vers quoi tu vas d'abord et rien de plus. Tu fondes ce dont tu t'occupes et rien de plus. Même si tu t'en occupes pour lutter contre. Je fonde mon ennemi si je lui fais la guerre. Je le forge et je le durcis.
SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 566.
SYNT. Fonder une dynastie, un empire, un royaume; fonder un parti, une société commerciale, un ordre religieux; fonder un journal; fonder un prix littéraire; fonder une science, un système philosophique, une religion.
♦ Fonder un foyer, une famille. Se marier et avoir des enfants. Créer des conditions sociales et politiques telles que chaque Français ait intérêt à fonder une famille nombreuse (MAURIAC, Bâillon dén., 1945, p. 491). Si je fonde un foyer, expliquait-il, je veux pouvoir garantir à mes enfants une confortable aisance (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 199).
— Spéc. Donner par legs ou par donation les fonds nécessaires pour la création et l'entretien (d'un établissement charitable, une œuvre pieuse, philanthropique, etc.). Fonder un hôpital, un collège, un hospice. L'honorable député fonda aussi deux lits à l'hôpital (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 203) :
• 5. ... cette petite bourgeoise avait six mille francs de côté, quand fut déclarée la guerre avec l'Allemagne, et elle les a mangés à fonder une ambulance.
GONCOURT, Journal, 1889, p. 1016.
) Qqn ou qqc. fonde. Donner à quelque chose son existence ou sa raison d'être. L'être est antérieur au néant et le fonde (SARTRE, Être et Néant, 1943, p. 52) :
• 6. Pour fonder l'amour vers moi, je fais naître quelqu'un en toi qui est pour moi. Je ne te dirai point ma souffrance, car elle te fera dégoûté de moi. Je ne te ferai point de reproches : ils t'irriteraient justement. Je ne te dirai pas les raisons que tu as de m'aimer, car tu n'en as point.
SAINT-EXUP., Citad., 1944 p. 801.
• 7. Sade habitait de même la tour de la Liberté, mais dans la Bastille. La révolte absolue s'enfouit avec lui dans une forteresse sordide d'où personne, persécutés ni persécuteurs, ne peut sortir. Pour fonder sa liberté, il est obligé d'organiser la nécessité absolue.
CAMUS, Homme rév., 1951, p. 62.
B.— Fonder qqc. sur + compl. désignant la nature de la base, du point d'appui.
1. Peu usité. Poser les fondements (d'une construction) sur. Fonder une maison sur le roc (Ac.). Non, reprit le jeune monsieur de Soulas, il [l'entrepreneur] fonde le kiosque sur un massif en béton pour qu'il n'y ait pas d'humidité (BALZAC, A. Savarus, 1842, p. 32). On est quelquefois obligé de fonder des bâtiments sur un terrain tout à fait instable (BRICKA, Cours ch. de fer, t. 1, 1894, p. 229).
2. Au fig.
a) Asseoir solidement sur; établir sur. Sur quoi fondez-vous une semblable conjecture? La méthode physiologique doit être fondée sur l'évolution (C. BERNARD, Notes, 1860, p. 186). Honte à ceux qui fondent leurs espérances sur la stupidité (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 341). Il ne peut être question de fonder la morale sur le culte de la raison (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 90) :
• 8. ... c'était la première fois, depuis la Révolution, qu'on rendait l'État civil ridicule en présence de l'État militaire; et Bonaparte, qui voulait fonder son pouvoir sur l'avilissement des corps aussi bien que sur celui des individus, jouissait d'avoir su, dès les premiers instants, détruire la considération des députés du peuple.
STAËL, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 14.
— Emploi pronom.
♦ Réfl. Se fonder sur un article de loi, sur un principe de droit (Ac.) :
• 9. — Réfléchis, reprit-il. Tu as trois jours. Entre dans l'organisation qui te plaît. Sinon, commande sans appui, et prends des sans-parti. Je te promets du plaisir, mais c'est ton affaire.
— Parce que?
— Parce qu'il faut savoir sur quoi on se fonde pour commander des gens très différents.
MALRAUX, Espoir, 1937, p. 575.
♦ Passif. Tout cela se fonde sur de faux bruits (Ac.). Sur quoi se fonde ce jugement? (MAINE DE BIRAN, Influence habit., 1803, p. 93). Mais des calculs peuvent être erronés qui se fondent sur une base aussi fragile que la fantaisie d'une femme (BENOIT, Atlant., 1919, p. 314).
— Fonder en droit, en raison. Les femmes furent écartées de l'héritage paternel et furent considérées comme impropres à fonder en droit un lien de parenté (GAULTIER, Bovarysme, 1902, p. 147). (Je n'ignore pas que mon éloignement est instinct) — que je suis tout incapable de le fonder en raison (DU BOS, Journal, 1926, p. 86).
b) Faire tenir à, faire dépendre de. J'ai fondé ton absence hier à l'Opéra Sur la migraine (AUGIER, Jeunesse, 1858, III, p. 343).
— Fonder sur + pron. pers. Les espérances que j'avais fondées sur lui (Ac.) :
• 10. Parmi les nombreux valseurs de ces demoiselles (...) le plus enragé pour la danse était un avoué veuf très assidu près de la fille aînée (...) et certes à voir le train dont le gaillard tourbillonnait, le papa Simaise fondait sur lui les plus grandes espérances.
A. DAUDET, Femmes d'artistes, 1874, p. 158.
Prononc. et Orth. :[], (il) fonde []. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. : à signaler les temps homon. de fondre et de fonder : les 3 pers. du plur. de l'ind. prés. nous fondons, vous fondez, ils fondent, toutes les pers. de l'imp. je fondais, nous fondions, du subj. prés. que je fonde, que nous fondions; également le part. prés. fondant. Étymol. et Hist. 1. Début XIIe s. « établir sur des fondations » (Psautier de Cambridge, CIII, 5, éd. F. Michel, p. 187 : Ki fundad la terre sur sa basse); 2. ca 1160 « établir, instituer (ville, religion, etc.) » (Eneas, 41 ds T.-L.); 3. a) ca 1165 part. passé « pourvu de, versé dans » (B. DE SAINTE-MAURE, Troie, 84, ibid. : Cornelius [...] De letres sages et fondez); b) [1297 spéc. « autorisé, fondé de pouvoir » (Arch. J 654, pièce 16 ds GDF.)]; 1601 fondé en pouvoir (P. HURAULT, Mém., an 1601 ds GDF. Compl.); 1792 part. passé subst. fondé de pouvoir (BEAUMARCHAIS, Epoques, p. 398); c) 1478-80 « pourvoir d'un fondement, motiver, justifier » (G. COQUILLART, Plaidoyer, 332 ds Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 25 : mon propos est bien fondé); 4. fin XIIe s. « établir (sur une base) » (Sermons de Saint Bernard, p. 317 ds LA CURNE : en humiliteit enracineit et fondeit en lei). Du lat. class. fundare « fonder, bâtir; établir, instituer ». Fréq. abs. littér. :2 399. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 3 697, b) 2 476; XXe s. : a) 3 131, b) 3 828.
fonder [fɔ̃de] v. tr.
ÉTYM. Déb. XIIe; du lat. fundare, de fundus. → Fond.
❖
♦ Pourvoir d'une fondation ou d'un fondement. — REM. Le sens matériel (I.) implique à la fois l'idée d'une assise et l'idée d'un commencement; l'idée de commencement domine au sens II., celle d'assise aux sens III. et IV.
———
I (Concret). Rare. || Fonder les piles d'un pont. Cour. || Fonder (qqch.) sur : établir sur des fondations (un ouvrage dont on entreprend la construction). || Fonder une maison sur le roc. || Fonder un pont sur le bon sol, sur le sol dragué. — Au p. p. || Piles fondées sur pieux en bois.
1 Non, reprit le jeune monsieur de Soulas, il fonde le kiosque sur un massif en béton pour qu'il n'y ait pas d'humidité.
Balzac, Albert Savarus, Pl., t. I, p. 774.
♦ (1830). Par métaphore (littér.). || Fonder (qqch.) sur le roc, sur le sable. ⇒ Bâtir (supra cit. 6).
2 Je fondais sur le sable et je semais sur l'onde.
Lamartine, Harmonies, « Pour le premier jour de l'année ».
3 Sur trois grandes saisons m'établissant avec honneur, j'augure bien du sol où j'ai fondé ma loi.
Saint-John Perse, Anabase, I, Œuvre poétique, I.
———
II
1 Cour. a Prendre l'initiative de construire (une ville), d'édifier (un ouvrage), en faisant les premiers travaux d'établissement. ⇒ Créer. || Romulus, selon la tradition, a fondé Rome en 753 av. J.-C.
4 (…) mais les autres, plus sages,
Dans quelque plaine, ou dessus les rivages
Le long d'un port des villes fonderont,
Et de leur nom ces villes nommeront.
Ronsard, Second livre des poèmes, « Isles fortunées ».
5 (Le czar) aspirait à plus qu'à détruire des villes, il en fondait une alors peu loin de Narva même, au milieu de ses nouvelles conquêtes; c'était la ville de Pétersbourg (…) lui-même traça le plan de la ville, de la forteresse, du port, des quais qui l'embellissent, et des forts qui en défendent l'entrée.
Voltaire, Charles XII, III.
b Prendre l'initiative (d'une entreprise), être le premier à organiser (qqch.). || Fonder un empire (⇒ Bâtir, édifier; → Arme, cit. 20; auguste, cit. 1), une colonie (cit. 5), un régime (→ Argile, cit. 8), une église (cit. 1), une secte. || Fonder une école (⇒ Ouvrir; → Exercer, cit. 10), une entreprise (→ Cas, cit. 7; espérer, cit. 21). || Fonder un ordre religieux (⇒ Instituer), des jeux (⇒ Instaurer), un parti (⇒ Former), une commission (⇒ Ériger), une société (⇒ Constituer).
6 Sous un régime capitaliste (…) l'homme le plus utile (…) c'est l'homme capable de fonder et de gérer une entreprise, l'auteur de l'immense développement matériel des temps actuels.
J. Chardonne, l'Amour du prochain, p. 195.
♦ (Le compl. désigne une qualité abstraite). || Fonder l'unité d'une nation (→ Athénien, cit. 1).
♦ Spécialt. || Fonder un foyer, une famille.
c Fig. || Fonder une science (→ Eugénique, cit. 1), un système (→ Fatalisme, cit. 1), une école littéraire.
7 Je suis propre à semer, mais non pas à bâtir et à fonder.
Joseph Joubert, Pensées, Titre prélim., L'auteur peint par lui-même.
8 (…) celui (Babeuf) qui a fondé dans notre pays, non pas seulement la doctrine socialiste, mais surtout la politique socialiste.
Jaurès, Hist. socialiste…, t. VIII, p. 179.
♦ Avec un nom abstrait pour sujet (→ Exalter, cit. 16).
9 (Saint-Just) reconnaissait en même temps que la vertu, dont il faisait religion, n'avait d'autre récompense que l'histoire et le présent, et qu'elle devait, à tout prix, fonder son propre règne.
Camus, l'Homme révolté, p. 161.
2 Dr. Fournir les fonds nécessaires à la création, à l'établissement de (une œuvre charitable, philanthropique). ⇒ Fondation. || Fonder un lit dans un hôpital, un prix. Relig. || Fonder une messe.
10 Son écrit disait donc qu'au cas où il ne reviendrait pas, il nous laissait cet argent et ces diamants, à la charge de fonder des messes pour remercier Dieu de son évasion et pour son salut.
Balzac, Autre étude de femme, Pl., t. III, p. 254.
———
III Fonder (qqch.) sur : établir (qqch.) sur une base déterminée (le point d'appui étant spécialement désigné). ⇒ Baser, et (au passif) reposer. || Fonder son pouvoir sur la force. || La famille (cit. 5) romaine était fondée sur la puissance paternelle. || « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune » (→ Égal, cit. 13). || Fonder la société sur un devoir. ⇒ Élever (cit. 13). || C'est sur la réussite de Napoléon que fut fondée la grandeur de ses frères. ⇒ Enter. — Au p. p. || Église (cit. 8) fondée sur l'autorité divine. || Institutions fondées sur la centralisation (cit.).
11 La puissance des rois est fondée sur la raison et sur la folie du peuple, et bien plus sur la folie.
Pascal, Pensées, V, 330.
12 On peut fonder des empires glorieux sur le crime, et de nobles religions sur l'imposture.
Baudelaire, Journaux intimes, « Mon cœur mis à nu », XI.
13 Car il n'y a point de puissance capable de fonder l'ordre sur la seule contrainte des corps par les corps.
♦ C'est là-dessus, sur ce fait, sur ces raisons… qu'il fonde ses prétentions, ses espoirs, ses préventions (→ Apparent, cit. 3), son opinion, ses craintes… || Fonder une démonstration, des concepts sur l'expérience (cit. 9 et 31), une morale sur un principe (→ Conséquence, cit. 7; éthique, cit. 6). || Fonder un raisonnement sur l'analogie. — Au p. p. || Récit, histoire fondés sur des documents (→ Authentique, cit. 12; évangile, cit. 5; éthique, cit. 5).
14 Puis-je sur ton récit fonder quelque assurance (…)
Racine, Britannicus, III, 6.
15 (…) que les règles sur lesquelles les hommes fondent leurs opinions ne sont tirées que de leurs passions ou de leurs préjugés, qui en sont l'ouvrage (…)
Rousseau, Rêveries…, VIIIe promenade.
16 (…) je n'avais que des présomptions, fondées sur des raisonnements invérifiés, et invérifiables.
Paul Bourget, Un divorce, p. 70.
17 Sans cesse, l'esprit d'un homme fonde une immense espérance sur le cœur des autres hommes; mais sans leur donner du sien.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », II.
♦ Vx. || Fonder en… (et subst. sans déterminant). || « La Chymie est fondée en raison et en expérience visible » (Furetière).
♦ Mod. et littér. || Fonder qqch. en raison, sur la raison. || Fonder une pratique en droit. || « Cette cause est fondée en droit et en raison » (Furetière).
18 Notre religion est sage et folle. Sage, parce qu'elle est la plus savante, et la plus fondée en miracles, prophéties, etc.
Pascal, Pensées, VIII, 588.
♦ (Sujet n. d'être animé). || Fonder sur… (le compl. direct désigne une croyance; le compl. en sur une personne, une entité personnelle) : faire reposer sur… || Je fonde de grands espoirs sur lui. || Fidèle qui fonde sur Dieu sa confiance. || La confiance que j'avais fondée sur lui.
19 Mon fils, dit la souris, ce doucet est un chat (…)
L'autre animal, tout au contraire (…)
Servira quelque jour, peut-être, à nos repas.
Quant au chat, c'est sur nous qu'il fonde sa cuisine.
La Fontaine, Fables, VI, 5.
20 Mais cette évidence tire l'individu de sa solitude. Elle est un lieu commun qui fonde sur tous les hommes la première valeur. Je me révolte, donc nous sommes.
Camus, l'Homme révolté, p. 36.
♦ Absolt. Littér. || Fonder sur (qqn, une qualité) : faire fond sur. ⇒ Compter, tabler.
21 Quand je songe à ces années de nos commencements, j'admire la candeur avec laquelle nous fondions, du moins en rêve, sur la vigilance des mécènes.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, p. 31.
———
IV Pourvoir d'un fondement rationnel (le point d'appui étant soit désigné par le sujet, soit non exprimé, du fait du sens fort pris par le verbe).
1 Constituer le fondement de. ⇒ Justifier, motiver. || Cet ouvrage a fondé sa réputation. || Voilà ce qui fonde la réclamation. || Cet usage ne saurait fonder un droit.
22 (…) voilà ce qui doit justifier mes craintes et fonder votre tranquillité.
Mme de Sévigné, 803, 1er mai 1680.
23 Ainsi, on conçoit un temps où la force fonde réellement le règne de la raison, sans avoir besoin de recourir à l'imposture, l'imposture n'étant que l'arme des faibles, un succédané de la force.
Renan, Dialogues philosophiques, III, Œ. compl., t. I, p. 615.
2 Au passif et au p. p. (la chose ayant reçu son fondement). || Une opinion, une critique, une confiance… bien ou mal fondée. || Tradition parfaitement fondée. ⇒ Certain. || L'espoir le mieux fondé. || Une théorie assez mal fondée. ⇒ Échafauder. || Une inquiétude trop bien fondée. — N. m. || Le bien-fondé d'une requête. ⇒ Bien-fondé. — Adj. || Fondé, ée. || Un reproche, un bruit fondé. || Vos soupçons ne sont pas du tout fondés. || C'est une interprétation qui me paraît fondée. ⇒ Juste, légitime, probant, raisonnable, valable.
24 (…) cette nouvelle ne me paraît pas fondée.
Mme de Sévigné, 1209, 24 août 1689.
25 (…) toutes ces opinions sont très saines, et qu'ainsi, toutes ces vanités étant très bien fondées, le peuple n'est pas si vain qu'on dit.
Pascal, Pensées, V, 328.
26 Toutes les idées acceptées unanimement par eux sont celles qui caressent leur vanité ou répondent à leurs espérances, les idées consolantes; et il importe peu qu'elles soient fondées ou non.
France, la Vie en fleur, XXVIII.
3 Au passif (la personne disposant d'un fondement). || Être fondé à (et inf.) : avoir de bonnes raisons pour. || Être fondé à croire, à prétendre (→ Caractériser, cit. 1), à faire qqch. ⇒ Droit (être en droit de), titre (faire qqch. à juste titre). Vx. || Être fondé de réclamer…
27 Je suis bien fondé, dit le prévôt, à demander la rétribution sans me trouver à l'office : il y a vingt années entières que je suis en possession de dormir les nuits.
La Bruyère, les Caractères, XIV, 26.
28 (…) en sorte que qui (…) ne s'en tiendrait qu'à ce discours serait fondé à ignorer que (…)
Émile Henriot, les Romantiques, p. 144.
♦ Spécialt. Dr. || Être fondé de pouvoir, de procuration. — N. || Un fondé de procuration (→ Comparaître, cit. 3). || Un fondé de pouvoir. ⇒ Fondé de pouvoir (→ Aveu, cit. 28).
——————
se fonder v. pron.
1 Réfl. (Sujet n. de personne). Prendre pour base, pour justification. ⇒ Appuyer (s'). || Les historiens se fondent sur des documents. || Juge qui se fonde sur un précédent. || Je me fonde sur ce que le fait s'est déjà produit. || Sur quoi vous fondez-vous pour dire ceci ?
29 Et il (Descartes) allègue, se fondant sur l'expérience que nous avons des choses, que tout n'est peut-être que rêve.
Valéry, Variété V, p. 230.
2 Sens passif. (Sujet n. de chose). Être fondé. || Raisonnement qui ne se fonde pas sur des faits (→ A priori, cit. 2). || Sur quoi se fonde l'estime (cit. 3). || Certitude qui se fonde sur des preuves.
30 La morale élève un tribunal plus haut et plus redoutable que celui des lois (…) elle ne se fonde pas sur l'estime publique, qu'on peut surprendre, mais sur notre propre estime, qui ne nous trompe jamais.
Rivarol, Notes, pensées et maximes, t. II, p. 64.
31 L'art de sacrifices qu'est la littérature n'a pu se fonder chez lui que sur une habitude des sacrifices (…)
A. Thibaudet, Gustave Flaubert, p. 71.
——————
fondé, ée p. p. adj.
♦ Voir à l'article (notamment IV., 2. et 3.).
❖
CONTR. Abolir, anéantir, démolir, détruire, renverser, ruiner. — (De fondé, adj.) Absurde, boiteux, chimérique, erroné, faux, fragile, gratuit, spécieux.
COMP. Fondé de pouvoir, refonder.
Encyclopédie Universelle. 2012.