jaloux, ouse [ ʒalu, uz ] adj. et n.
• XIIIe; jalos, gelos 1160; a. provenç. gilos, lat. pop. °zelosus, gr. zêlos→ zèle
1 ♦ Vieilli ou littér. JALOUX DE (qqch.) :particulièrement attaché à (qqch. qui tient à cœur). Être jaloux de sa réputation, de ses prérogatives, de son indépendance.
♢ Jaloux de (et l'inf.) :qui tient absolument à. ⇒ désireux, soucieux. Une âme « belle, jalouse d'être parfaite » (Renan).
♢ Loc. Avec un soin jaloux : avec une vigilance particulière, ombrageuse. « Elle exerçait ses fonctions de médecin avec une ferveur jalouse » (Green).
2 ♦ Qui éprouve de la jalousie à l'idée qu'un autre jouit ou pourrait jouir d'un avantage que lui-même ne possède pas ou qu'il désire posséder exclusivement. ⇒ envieux, ombrageux. Être jaloux de qqn, du succès de qqn. ⇒ jalouser. « jaloux de toute renommée » (Chateaubriand). — Rivaux qui se considèrent d'un œil jaloux.
♢ N. Son succès fait des jaloux.
3 ♦ Qui éprouve de la jalousie en amour. Mari jaloux. Il est jaloux et possessif. Femme très jalouse. ⇒ tigresse. Loc. Jaloux comme un tigre : extrêmement jaloux. Être jaloux d'un être aimé, le soupçonner d'infidélité. Être jaloux de qqn, de qqch. (qui touche de près l'être aimé). « Il avait été jaloux de tout ce qu'elle faisait sans lui » (Maupassant). — Par ext. Caractère jaloux. Amour jaloux. — N. « Des bagatelles légères comme l'air semblent à un jaloux des preuves » (Stendhal).
⊗ CONTR. Débonnaire, indifférent.
● jaloux, jalouse adjectif et nom (latin populaire zelosus, du latin classique zelus, jalousie, du grec dzêlos) Qui ne peut admettre le moindre partage dans ses affections et qui vit dans la crainte inquiète de l'infidélité de l'être auquel il est attaché : Mari jaloux. Qui supporte mal les avantages, la supériorité ou les succès d'autrui, qui envie à chacun ce qu'il a : Un enfant très jaloux. ● jaloux, jalouse adjectif Se dit d'un sentiment exclusif qui ne supporte pas le moindre partage : Un amour jaloux. Qui est très attaché à conserver ou à préserver ce qu'il possède : Profession jalouse de ses prérogatives. Qui manifeste chez quelqu'un le souci de défendre, de préserver ce qui lui tient à cœur : Veiller sur ses livres avec un soin jaloux. Qui éprouve un vif sentiment d'envie devant l'avantage, le succès, le bien de quelqu'un d'autre ; qui manifeste cet état d'esprit, cette envie : Il est jaloux de votre réussite. Considérer un concurrent d'un œil jaloux. ● jaloux, jalouse (citations) adjectif Alexandre Dumas, dit Dumas fils Paris 1824-Marly-le-Roi 1895 Les hommes croient qu'ils sont jaloux de certaines femmes parce qu'ils en sont amoureux ; ce n'est pas vrai ; ils en sont amoureux parce qu'ils en sont jaloux, ce qui est bien différent. Une visite de noces ● jaloux, jalouse (difficultés) adjectif Construction et sens 1. Jaloux de qqn, de qqch : il est jaloux de Pierre, de sa réussite (= il en éprouve de l’envie et du dépit). - Jaloux que (+ subjonctif) : il est jaloux que Pierre réussisse. 2. Jaloux de qqch = très attaché à, intransigeant sur. Il est très jaloux de ses prérogatives, de son autorité. ● jaloux, jalouse (expressions) adjectif Jaloux comme un tigre, très jaloux, jusqu'à la férocité. ● jaloux, jalouse (synonymes) adjectif Se dit d'un sentiment exclusif qui ne supporte pas le...
Synonymes :
- défiant
- exclusif
- soupçonneux
Qui est très attaché à conserver ou à préserver ce...
Synonymes :
- soucieux
Qui manifeste chez quelqu'un le souci de défendre, de préserver...
Synonymes :
- exclusif
Qui éprouve un vif sentiment d'envie devant l'avantage, le succès...
Synonymes :
- envieux
jaloux, ouse
adj. et n.
d1./d être jaloux de qqch, y être très attaché. Il est jaloux de ses prérogatives.
— Qui marque cet attachement. Soins jaloux.
d2./d Qui envie les avantages, les succès d'autrui.
|| Subst. Sa réussite va faire des jaloux.
d3./d Tourmenté par la crainte que la personne aimée ne manque à la fidélité. Mari jaloux.
|| Subst. Un jaloux, une jalouse.
⇒JALOUX, -OUSE, adj.
A. — [Correspond à jalousie1 A]
1. [En parlant d'une pers.] Jaloux de + inf. ou subst. (le subst. désigne un inanimé abstr.). Qui, d'une manière vive et inquiète, est très attaché à. Jaloux de sa liberté, du succès. Elle [la France] se trouverait, par sa taille et par sa structure, très heureusement établie à égale distance des empires géants et de la poussière des petites nations jalouses de leur indépendance (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 206). — Excusez-moi d'être franc, papa. Mais vous vous montrez bien jaloux d'une autorité que vous n'exercez guère (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 216) :
• 1. Outougamiz, il faut partir : la patrie te réclame (...). Cependant si tu te sentois foible, dis-le moi : nous chercherons un autre guerrier jaloux de faire vivre son nom dans la bouche des hommes.
CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 412.
2. [En parlant d'un inanimé abstr.] Très attentif. Soin jaloux. Cette vieille dévouée (...) qui s'était faite domestique de son neveu et ne voulait personne pour l'aider dans ce service, où elle mettait une adoration jalouse (GONCOURT, Journal, 1883, p. 290). Il arrosait les verres : trois gouttes pour l'un, trois gouttes pour l'autre, avec une parcimonie jalouse et calculée de vieil artiste méticuleux (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., 4, p. 45).
B. — [Correspond à jalousie1 B]
1. [En parlant d'une pers.]
a) Jaloux de qqn. Qui souffre de jalousie; qui est victime du sentiment douloureux et irritant que fait éprouver la crainte ou la certitude de l'attachement de l'être aimé à une autre personne. Jaloux d'une femme. C'est quand elle ne soupçonnait pas encore que j'étais jaloux d'elle, que j'aurais dû lui demander ce que je voulais savoir (PROUST, Prisonn., 1922, p. 58) :
• 2. M. Van Hop était loyal, affectueux même, mais il était jaloux. Il était horriblement jaloux de sa femme, non point jaloux à la façon de l'homme qui se croit trahi, mais comme l'est celui qui redoute de l'être jamais.
PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 89.
— Qui prend ombrage de tout attachement d'une personne aimée à un nouvel objet. En emploi subst. Ce frère et cette sœur sont des jaloux sublimes (...) Pascal ne veut pas que Jacqueline appartienne au monde. Jacqueline ne veut pas que son frère appartienne au monde (BARRÈS, Maîtres, 1923, p. 115).
b) En emploi abs. Qui est très exclusif dans ses relations amoureuses ou dans ses amitiés. Amant, homme, mari jaloux; femme jalouse. Il paraît que le jour de la mort de mon père, ma mère s'est écriée : Et moi qui était jalouse! à présent, je ne le serai donc plus (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 236). Le jour de ton mariage ne sera pas un jour gai pour tes deux vieux compagnons. Bien que je sois naturellement peu jaloux, le coco qui deviendra ton époux (...) me déplaira tout d'abord (FLAUB., Corresp., 1863, p. 123) :
• 3. Comme jaloux, je souffre quatre fois : parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l'être, parce que je crains que ma jalousie ne blesse l'autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité : je souffre d'être exclu, d'être agressif, d'être fou et d'être commun.
R. BARTHES, Fragments d'un discours amoureux, Paris, éd. du Seuil, 1977, p. 173.
♦ [P. réf. à la Bible, Exode 34, 14] Dieu jaloux. Dieu qui veut être aimé et servi sans partage. Le dieu des esprits, le dieu de l'éternelle vérité, n'est-il pas un dieu jaloux? Son culte et le soin de sa gloire ne tiennent-ils pas le premier rang parmi toutes les œuvres que les créatures peuvent opérer? (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p. 99).
c) En emploi subst. Gabrielle : Mon petit, le doute, voilà la vraie torture des jaloux! Le Guenn sent obscurément qu'il y a eu, dans ton existence, de l'amour (BERNSTEIN, Secret, 1913, I, 7, 1913, p. 11) :
• 4. Un des malheurs du jaloux est qu'il se rend haïssable, et qu'il le sait, et que ses résolutions n'y changent rien.
ALAIN, Propos, 1929, p. 832.
2. [En parlant d'un sentiment, d'une attitude] Qui témoigne de la jalousie. Amour jaloux; fureur, haine, rage jalouse. Elle m'aima d'une passion terrible, incessante, jalouse, féroce. « Tu m'as voulu », disait-elle. Que pouvais-je répondre? (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Pétition, 1882, p. 771). L'attitude jalouse et agressive de l'enfant mâle qui veut ravir à son père la tendresse de sa mère pour la posséder exclusivement (Divin. 1964, p. 173) :
• 5. N'aspirons-nous qu'au doux avantage de plaire au beau sexe, autre enfer! Les soins, les rivalités, les soupçons jaloux, les duels, le meurtre, le poison, fondent sur les malheureux amans comme sur des candidats politiques.
LEMERCIER, Pinto, 1800, I, 8, p. 28.
C. — [Correspond à jalousie1 C]
1. [En parlant d'une pers.]
a) Jaloux (de qqc.) Qui ressent de la jalousie, désire ce que d'autres possèdent ou pourraient posséder; qui a peur de devoir partager avec autrui un avantage. Jaloux de l'amitié, de la fortune, des lauriers (de qqn). Comme le petit Pierre a beaucoup d'esprit (...) pour son âge, on craint de rendre les autres mères un peu moins jalouses, si on le leur présente un peu plus âgé qu'il n'est (FRANCE, Livre ami, 1885, p. 245). Tu ne vois pas que le monde il est jaloux du bonheur que je te donne. Tu connaîtras plus tard le bonheur que tu avais (CAMUS, Étranger, 1942, p. 1145) :
• 6. Je dus la quitter [l'école] au bout d'un mois : les élèves, — tous — me persécutaient et auraient fini par me tuer. On a pensé qu'ils étaient jaloux de mes habits de bourgeois, de mes bonnes manières, de la richesse de mon père...
LARBAUD, F. Marquez, 1911, p. 167.
— [P. méton.] Cœur jaloux, âme jalouse (Ac.).
b) Jaloux (de qqn). Qui désire pour soi, le bonheur ou la réussite (de quelqu'un). Quand j'avais dix-neuf ou vingt ans, à l'Université, j'étais absurdement jaloux de Gœthe. Cela me rendait furieux de penser que je n'étais pas l'auteur de ses poésies (GREEN, Journal, 1954, p. 255) :
• 7. Quand on a un mort on y tient
Et quand on n'en a pas on en voudrait bien un
(...) Les gens sont jaloux
Ils nous prendraient notre mort
Notre mort à nous
Ils pleureraient à notre place
PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 65.
c) Emploi subst. Il [Bernardin de Saint-Pierre] en voulait un peu à la gloire bruyante de Chateaubriand (...) comme tous ces vieux et illustres jaloux le ressentent à l'égard de leurs jeunes héritiers (SAINTE-BEUVE, Chateaubr., t. 1, 1860, p. 205).
2. Au fig., littér. [En parlant d'un inanimé] Qui fait obstacle à un désir. Il essaya d'examiner la voyageuse et fut singulièrement désappointé, car un voile jaloux lui en cachait les traits (BALZAC, Chouans, 1829, p. 79) :
• 8. Le Brun, qui nous attends aux rives de la Seine,
Quand un destin jaloux loin de toi nous enchaîne,
Toi, Brazais, comme moi sur ces bords appelé.
CHÉNIER, Épîtres, 1794, p. 179.
D. — Région. (Méditerranée). [En parlant d'un petit bâtiment, d'une barque] Qui est sujet au roulis :
• 9. PANISSE : (...) J'ai peut-être oublié de vous dire qu'il est un peu jaloux.
M. BRUN : César est jaloux?
PANISSE : Non, le bateau est jaloux. Ça veut dire qu'il penche facilement sur le côté, vous comprenez?
PAGNOL, Fanny, 1932, II, 3, p. 116.
Prononc. et Orth. : [], fém. [-u:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 gelos de « qui convoite ardemment quelque chose » (Éneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 5374); 2. id. jalos « qui est farouchement attaché à la conservation d'un bien, d'un avantage » (ibid., 7096); 3. a) ca 1170 gelus « qui est exclusif dans son attachement pour quelqu'un ou quelque chose, qui n'admet aucun partage » ici, dans le domaine amoureux (MARIE DE FRANCE, Lais, éd. J. Rychner, Guigemar, 213); id. subst. id. (ID., ibid., Yonec, 71); b) XIIIe s. Dieu fort et jaloux (Bible fr., ms BN 15392, f° 38 v° ds TRÉNEL, p. 256); 4. 2e moitié XIIIe s. « envieux » (La Contenance des femmes ds Nouveau Rec. Fabliaux, éd. A. Jubinal, t. 2, p. 172 : On se prent a sa chamberiere, Dont aucune foiz est jalouse). Mot d'hist. complexe. Du b. lat. « plein d'amour et de prévenance » attesté au Ve ou VIe s. (v. FEW t. 14, p. 660a), dér. du lat. « jalousie, zèle » surtout attesté en lat. chrét. (v. BLAISE Lat. chrét.), du gr. « empressement, ardeur, rivalité, envie ». Pour justifier la finale, au lieu de la forme en -eux attendue, on a invoqué dep. E. BOEHMER (ds Romanische Studien t. 3, pp. 581-599) et H. SUCHIER (Alt-franz. Gramm., p. 14) un empr. à l'a. prov. gelos « jaloux » attesté ds le vocab. amoureux dep. 1135-45 (gilos ds CERCAMON d'apr. E. KÖHLER in Mél. J. Frappier, 1970, p. 547); le mot serait passé en fr. (comme amour) par l'intermédiaire de la lyrique d'oïl influencée par celle d'oc. Wartburg (FEW t. 14, pp. 659b-660a) a poussé plus loin encore cette hyp. en expliquant que vient directement du gr. , plus riche de sens, et qui serait passé dans le lat. de la Narbonnaise. Cependant la diversité et l'ancienneté des sens du mot en a. fr., où il n'est pas limité au vocab. amoureux contrairement à l'a. prov., rendent douteuse l'hyp. d'un empr. à cette langue. D'autres solutions ont été proposées : — hypothèses dialectales : le mot viendrait (comme amour) de la Champagne orientale, centre courtois de première importance (FOUCHÉ, p. 307); pour G. HILTY (ds Mél. A. Kuhn, 1963, pp. 237-254), il serait issu du croisement entre le norm. jeloux (dep. ca 1280, Clef d'amours ds T.-L.) et la forme du Centre et du Nord-est jaleux (qui n'est attestée qu'au XVIe s. ds HUG.); — hypothèse morphol. : jaloux a été refait d'apr. jalousie1 (MEYER-LÜBKE, Gramm. des lang. rom., t. 1, p. 121) mais ce dernier est plus rare et plus tardif; — hypothèse sav. : Chr. SCHMITT (ds Neuphilol. Mitt. t. 75, pp. 295-304) a soutenu que le mot, comme époux et amour, appartient au vocab. relig. (cf. supra sens 3 b) et que l'infl. du lat. eccl. a entravé l'évolution phonét. normale; le a de la syll. initiale est gén. attribué à l'infl. de la liquide suivante (cf. BOURC. 94) et il ne paraît ni utile ni vraisemblable d'invoquer un type zalosus, répondant à la forme dorienne qui correspond à l'ionien-attique (Chr. SCHMITT, loc. cit.). Fréq. abs. littér. : 3 428. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 5 581, b) 5 882; XXe s. : a) 4 763, b) 3 794. Bbg. GUERLIN DE GUER (Ch.). Fr. mod. 1939, t. 7, pp. 272-275. - SPITZER (L.). Romania. 1938, t. 64, pp. 256-261.
jaloux, ouse [ʒalu, uz] adj.
ÉTYM. 1487; jalous, déb. XIIIe; jalos, v. 1175; gelos, v. 1160; du lat. pop. zelosus, du grec zelos « zèle, émulation » (→ Zèle), p.-ê. par l'anc. provençal gilos (évoqué pour rendre compte de la finale anormale — au lieu de -eux, euse).
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1 Vieilli ou littér. || Jaloux de (qqch.) : particulièrement attaché à (qqch. qui tient à cœur). ⇒ Attaché (à), soucieux (de). || Être jaloux de sa réputation, de son honneur, de ses prérogatives, d'un droit (→ Dépôt, cit. 5), de sa gloire (→ Copie, cit. 13), de sa domination (→ Émanation, cit. 7; épris, cit. 12; évaporer, cit. 2; honnête, cit. 16). || Être jaloux de son indépendance, de sa liberté.
1 Vous n'avez qu'à choisir, car chacun est jaloux
De l'honneur d'être votre époux.
La Fontaine, Fables, IX, 7.
2 Cruel ! pouvez-vous croire
Que je sois moins que vous jalouse de ma gloire ?
Racine, Bajazet, II, 5.
♦ Vx (sans compl.). || Le Dieu jaloux : nom donné à Dieu, dans la Bible, pour faire entendre qu'il veut être aimé et servi exclusivement, sans partage.
3 N'adorez point de dieu étranger. Le seigneur s'appelle le Dieu jaloux; Dieu veut être aimé uniquement.
Bible (Sacy), Exode, XXXIV, 14.
4 Comme il (Dieu) est beaucoup plus jaloux de nos affections que de nos respects, il est visible qu'il n'y a point de crime qui lui soit plus injurieux ni plus détestable que d'aimer souverainement les créatures (…)
Pascal, Lettres, 1er avr. 1648.
5 Ce Dieu jaloux, ce Dieu victorieux
Est le seul qui commande aux cieux.
Racine, Esther, I, 5.
♦ Jaloux de (suivi d'un inf.). Qui a à cœur de, qui tient absolument à. ⇒ Désireux, soucieux. || Être jaloux de faire qqch., d'obtenir une faveur, de garder (cit. 41) un secret (→ Besoin, cit. 59).
6 Quelle est l'âme philosophique et belle, jalouse d'être parfaite (…) qui consentirait à se sacrifier à de telles vanités (…)
Renan, l'Avenir de la science, VII, Œuvres, t. III, p. 826.
♦ ☑ Loc. (Choses). Avec un soin jaloux : avec une vigilance particulière, ombrageuse (→ Agencer, cit. 1).
7 La collection pour laquelle nous écrivons ces lignes (…) se compose d'études gardées dans l'atelier par l'artiste avec un soin jaloux, comme des notes prises sur nature (…)
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre…, Benjamin de Francesco.
8 Elle exerçait ses fonctions de médecin avec une ferveur jalouse. Il ne fallait ni la contrarier ni l'aider.
J. Green, Adrienne Mesurat, I, VII.
2 (1573). Qui éprouve de l'ombrage, de la jalousie (1. Jalousie, I., 2.) à l'idée qu'un autre jouit ou pourrait jouir d'un avantage que lui-même ne possède pas ou qu'il désire posséder exclusivement. || C'est un homme jaloux et malveillant. ⇒ Envieux (cit. 3.; → aussi Bâtisseur, cit. 1; grincheux, cit. 3). — Être jaloux du succès, de la réussite, des lauriers, de la situation, de la fortune de qqn.
9 (…) mais jamais homme n'osa dire et confesser qu'il fut envieux et jaloux de la prospérité d'autrui, tant l'envie est un vice abject, pusillanime et vilain.
Ronsard, Œuvres en prose, De l'envie.
10 Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur.
Ronsard, Amours de Marie, II, 4 (→ Rose).
11 (…) jaloux de toute renommée, il la regardait comme une usurpation sur la sienne : il ne devait y avoir que Napoléon dans l'univers.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 240.
12 L'on ne saurait croire combien, tout en affectant de les dédaigner, les femmes du monde sont jalouses de ces couronnes, de ces applaudissements, de ces ovations, de cet éclat qui accompagnent la cantatrice (…)
Th. Gautier, Portraits contemporains, Madame Sontag.
♦ Être jaloux de qqn. ⇒ Jalouser (→ Attirant, cit. 4; empire, cit. 15; figure, cit. 3; hôte, cit. 1). || Jaloux les uns des autres (→ Clan, cit. 2; gratte-papier, cit. 1).
13 La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, Tableaux parisiens, C.
♦ Par ext. || Cœur jaloux, âme jalouse. — Rivaux qui se considèrent d'un œil jaloux (→ Entreprendre, cit. 14). || Regard haineux et jaloux. — Fig. || Le geste (1. Geste, cit. 4), jaloux de la parole.
14 (…) La fortune jalouse
N'a pas en votre absence épargné votre épouse.
Racine, Phèdre, III, 4.
♦ N. || Un jaloux, une jalouse (rare en emploi absolu, à cause du sens 3). || Il a de nombreux jaloux, son succès lui a fait des jaloux.
15 C'est un bien qui me doit faire mille jaloux (…)
Molière, le Dépit amoureux, III, 9.
16 Les rieurs seraient contre les Évangélista, qui ne manquaient pas de jaloux.
Balzac, le Contrat de mariage, Pl., t. III, p. 152.
3 (V. 1175). Qui éprouve de la jalousie (1. Jalousie, I., 3.) en amour, qui est « tourmenté par la crainte de l'infidélité » (Littré). ⇒ (argot, fam.) Jalmince. → Apte, cit. 5; avilir, cit. 16; badin, cit. 1; brûler, cit. 28; froidement, cit. 2; guère, cit. 4. || Amant jaloux, mari jaloux (→ Excusable, cit. 2; guitare, cit. 1). || Très jaloux, terriblement jaloux. ⇒ Défiant, soupçonneux. — ☑ Loc. Jaloux comme un tigre. — Femme jalouse (→ Humilité, cit. 20).
17 Si Titus est jaloux, Titus est amoureux.
Racine, Bérénice, II, 5.
18 (…) il était en même temps si jaloux qu'il me désolait à chaque instant par d'injustes soupçons.
A. R. Lesage, Gil Blas, VII, VII.
19 Être jaloux, c'est tout à la fois le comble de l'égoïsme, l'amour-propre en défaut, et l'irritation d'une fausse vanité.
Balzac, Physiologie du mariage, Pl., t. X, p. 775.
20 Je ne vous avais jamais vu jaloux, mais vous l'êtes comme un Othello.
A. de Musset, Un caprice, VIII.
21 Elle était admirablement belle, et l'idée que tant d'autres le savaient aussi bien que moi ne fut pas longue à me saisir le cœur aigrement (…) Être jaloux, on ne l'avoue guère (…)
E. Fromentin, Dominique, XII.
22 Cette crainte éternelle qu'ils avaient de se perdre faisait le plus clair de leur amour. Ils ne s'aimaient pas, et pourtant ils étaient jaloux.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, XIII.
23 Tu te promèneras dans le parc, mais je te défends de sortir : je suis très jaloux.
Sartre, la P… respectueuse, II, 5.
♦ Être jaloux de qqn, éprouver de la jalousie à son égard, le soupçonner d'infidélité. || Il est jaloux de sa femme (→ Fi, cit. 1), de sa maîtresse. || Femme jalouse de son mari.
24 Brutal, avare, amoureux et jaloux à l'excès de sa pupille, qui le hait à la mort.
Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, 4.
25 Quand une femme n'est plus jalouse de son mari, tout est dit, elle ne l'aime plus.
Balzac, Petites misères de la vie conjugale, Pl., t. X, p. 1030.
26 (…) on ne peut être jaloux de quelqu'un qu'on n'aime point.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VII, XXV.
♦ Être jaloux de qqn, de qqch. (par rapport à la personne aimée) : ne pas supporter les sentiments que cette personne a (pour qqn, qqch.).
27 Réellement, je ne suis que mortellement jaloux des gens qui font la cour à une femme que j'aime; bien plus, je le suis même de ceux qui lui ont fait la cour dix ans avant moi.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 25.
27.1 Chaque fois qu'elle avait remarqué, admiré, aimé, désiré quelque chose, il en avait été jaloux : jaloux de tout d'une façon imperceptible et continue, de tout ce qui absorbait le temps, les regards, l'attention, la gaîté, l'étonnement, l'affection d'Annette, car tout cela la lui prenait un peu. Il avait été jaloux de tout ce qu'elle faisait sans lui, de tout ce qu'il ne savait pas, de ses sorties, de ses lectures, de tout ce qui semblait lui plaire, jaloux d'un officier blessé héroïquement en Afrique et dont Paris s'occupa huit jours durant, de l'auteur d'un roman très louangé, d'un jeune poète inconnu qu'elle n'avait point vu mais dont Musadieu récitait les vers, de tous les hommes enfin qu'on vantait devant elle (…)
Maupassant, Fort comme la mort, p. 313.
♦ (Choses). || Naturel, caractère jaloux et soupçonneux. ⇒ Craintif. || Une humeur jalouse. || Un amour inquiet et jaloux, passion jalouse (→ Conjuguer, cit. 2). ⇒ Exclusif. || Soupçons jaloux.
28 De jaloux mouvements doivent être odieux,
S'ils partent d'un amour qui déplaise à nos yeux;
Mais tout ce qu'un amant nous peut montrer d'alarmes
Doit, lorsque nous l'aimons, avoir pour nous des charmes (…)
Molière, Dom Garcie, I, 1.
29 Dès qu'aux soupçons jaloux mon esprit s'abandonne (…)
A. de Musset, Louison, II, 13.
♦ N. || Un jaloux, une jalouse. || C'est un affreux jaloux, un jaloux odieux (→ Entretenir, cit. 36; et aussi accès, cit. 6; côté, cit. 3; inoculer, cit. 7). || Les soupçons les plus légers suffisent au jaloux (→ Bagatelle, cit. 14). || Une jalouse (→ Acier, cit. 5).
30 Jamais, avant mon mariage, je n'avais pensé à la jalousie, sinon comme à un sentiment de théâtre et avec un grand mépris. Un jaloux tragique était, pour moi, Othello; un jaloux comique, George Dandin.
A. Maurois, Climats, I, VI.
31 Comme jaloux, je souffre quatre fois : parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l'être, parce que je crains que ma jalousie ne blesse l'autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité : je souffre d'être exclu, d'être agressif, d'être fou et d'être commun.
R. Barthes, Fragments d'un discours amoureux, p. 173.
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DÉR. Jalousement, jalouser, jalousie.
Encyclopédie Universelle. 2012.