jurer [ ʒyre ] v. tr. <conjug. : 1>
• 842; lat. jurare
I ♦
1 ♦ (1080) Vx ou littér. Attester (Dieu, une chose sacrée), par serment. Jurer Dieu, les dieux. Jurer son honneur de dire la vérité. Loc. Jurer ses grands dieux : affirmer avec force. Elle « jura ses grands dieux qu'elle ne savait rien » (Bosco ).
2 ♦ Absolt Prêter, faire serment. Jurer sur la Bible, sur le crucifix, par le sang de qqn. Loc. On ne jure plus que par lui : on l'admire tellement qu'on croit tout ce qu'il dit, qu'on l'imite en tout.
3 ♦ (XIIIe) Vx Jurer Dieu, le nom de Dieu. ⇒ blasphémer.
♢ Absolt et mod. Proférer des imprécations, des jurons. ⇒ sacrer. Jurer comme un charretier. Un homme grossier et emporté, qui jure sans cesse. — Jurer contre, après qqn, qqch. ⇒ crier, pester.
4 ♦ (1688) Fig. Produire une discordance, aller mal (avec). ⇒ détonner, dissoner, hurler. Couleurs qui jurent entre elles. Ces chaussures jurent affreusement avec cette robe. — Absolt « Comme des couleurs mal assorties, comme des paroles qui jurent et qui offensent l'oreille » (La Bruyère).
II ♦
1 ♦ (842) Promettre (qqch.) par un serment plus ou moins solennel. Jurer fidélité, obéissance à qqn. Jurer amitié à qqn. — Jurer de faire qqch. ⇒ s'engager. Jurez-vous de dire toute la vérité, rien que la vérité ? Levez la main droite et dites « je le jure ». Il lui a juré de ne pas recommencer. « Jure-moi que tu me pardonneras » (Barbey). Je te le jure sur la tête de mes enfants. Fam. C'est juré ! je l'ai promis.
♢ V. pron. réfl. SE JURER : prendre envers soi (une décision). Elle s'est juré de ne pas recommencer; que cela n'arriverait plus.
2 ♦ Décider avec solennité ou avec force. « Le corbeau jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus » (La Fontaine).
3 ♦ (mil. XVIIe) Affirmer solennellement, fortement. ⇒ assurer, déclarer. Je vous jure que je n'ai pas fait cela. Je vous jure que non. Je vous jure : je vous affirme, je vous certifie. Je te jure que ce n'est pas facile. Une façon « qui ne ressemblait pas à un faux fuyant, je vous jure » (Sainte-Beuve). — Fam. (exclam. d'indignation). « La dame se retourna. — Ah, je vous jure ! » (Duras).
4 ♦ JURER DE (qqch.) :affirmer de façon catégorique (qu'une chose est ou n'est pas, se produira ou ne se produira pas). « Il ne faut jurer de rien », comédie de Musset. « On ne doit pas jurer de ce dont on n'est pas sûr » (Renan). J'en jurerais : je le crois; je n'en jurerais pas : je ne le crois pas.
⊗ CONTR. Abjurer. Accorder (s'), allier (s'), cadrer.
● jurer verbe transitif (latin jurare, faire serment) Prononcer solennellement un serment en prenant à témoin, en engageant un être ou une chose que l'on tient pour sacré : Il jure sur la tête de ses enfants qu'il est innocent. Affirmer quelque chose avec vigueur, le promettre par serment : Ils ont juré le secret. Décider par un engagement ferme qu'on fera telle ou telle chose ; s'engager à respecter ou à ruiner quelque chose ou quelqu'un : Jurer de se venger. Jurer fidélité à un ami. Jurer la perte de quelqu'un. ● jurer (expressions) verbe transitif (latin jurare, faire serment) Je vous jure, je te jure, je vous l'assure, je te l'assure ; c'est vrai. Ne jurer que par quelqu'un, quelque chose, reconnaître leur mérite et les citer sans cesse en exemple. Familier. (Non mais) je vous (te) jure !, indique l'agacement, l'énervement, l'exaspération. ● jurer (homonymes) verbe transitif (latin jurare, faire serment) ● jurer (synonymes) verbe transitif (latin jurare, faire serment) Prononcer solennellement un serment en prenant à témoin, en engageant...
Synonymes :
- donner sa parole
Décider par un engagement ferme qu'on fera telle ou telle...
Synonymes :
- décider
- décréter
- résoudre
● jurer
verbe transitif ou verbe transitif indirect
Affirmer, soutenir catégoriquement la réalité, la véracité ou la possibilité de quelque chose (surtout au conditionnel et dans des phrases négatives) : Il était là, j'en jurerais. Il ne faut jurer de rien.
● jurer
verbe intransitif
(de jurer)
Proférer des jurons ; blasphémer : Jurer comme un charretier.
● jurer
verbe transitif indirect
Proférer des jurons, des blasphèmes, pour marquer son irritation, son mécontentement à l'égard de quelqu'un ou de quelque chose : Jurer après un maladroit.
Être mal assorti avec quelque chose ; produire un effet disparate ; détonner : Une construction moderne qui jure avec le reste du quartier.
● jurer (homonymes)
verbe transitif ou verbe transitif indirect
juré
nom masculin
● jurer (homonymes)
verbe intransitif
(de jurer)
juré
nom masculin
● jurer (synonymes)
verbe intransitif
(de jurer)
Proférer des jurons ; blasphémer
Synonymes :
- blasphémer
- sacrer (vieux)
● jurer (homonymes)
verbe transitif indirect
juré
nom masculin
● jurer (synonymes)
verbe transitif indirect
Être mal assorti avec quelque chose ; produire un effet disparate ; détonner
Synonymes :
- détonner
- hurler
jurer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Promettre par serment. Jurer fidélité.
— Jurer de se venger.
d2./d Loc. Fam. Jurer ses grands dieux que...: affirmer avec force que...
d3./d (Sens atténué.) Assurer, certifier. Je jure qu'il n'en est rien.
rII./r v. intr.
d1./d Faire un serment. Jurer sur l'honneur.
|| Fig. Ne jurer que par: éprouver une admiration sans réserve pour.
d2./d Dire des blasphèmes, des jurons. Jurer comme un charretier.
d3./d Choquer, ne pas aller (bien) ensemble (en parlant de choses). Couleurs qui jurent.
⇒JURER, verbe
I. — Emploi trans. [Le suj. désigne une pers.]
A. — Domaine du serment et du juron
1. Vieilli. Qqn jure qqn/qqc. (que). Prendre solennellement quelqu'un (Dieu, un saint) ou quelque chose à témoin (d'une affirmation, d'une promesse). Jurer le ciel, son honneur (que). Je jure Dieu que je vous arracherai la peau avant que nous sortions de cette écurie (BLOY, Femme pauvre, 1897, p. 84). L'Italien jurait la Vierge et les saints que c'était le portrait (...) de Cléopâtre (FRANCE, Vie littér., 1892, p. 118). Menteur! il m'a juré sa foi, et il y avait des témoins (AYMÉ, Vogue, 1944, p. 69).
— Expr. fig., fam. [De nos jours] Jurer ses grands dieux que. Proclamer solennellement que. Sylvain Kohn jura ses grands dieux qu'il n'inviterait plus personne (ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 680) :
• 1. ... l'aubergiste de Rouen jurait ses grands dieux que le jeune homme, couché tout de suite après son dîner, était seulement sorti de sa chambre le lendemain, vers sept heures.
ZOLA, Bête hum., 1890, p. 265.
2. Qqn jure qqc. par/sur/devant... qqn/qqc. Prononcer un serment en attestant ou en engageant quelqu'un/quelque chose. Je te le jure par Dieu même, tu as un tendre père en moi! (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 41). Cette inculpation... (...) est vraie. J'en jure par mon cœur et le ciel qui sait si jamais je me suis abaissée jusqu'à feindre (GUILBERT DE PIXÉR., Cœlina, 1801, I, 17, p. 23).
3. Absolument
a) [Avec un compl. d'obj. second.]
— [prép.] Expr. fig.
♦ Jurer par qqn. Invoquer constamment l'autorité de quelqu'un, se réclamer de lui comme d'un modèle par suite d'une admiration aveugle. On ne jure plus que par lui. Ce système [des sensations transformées] a prévalu dans les écoles modernes, où l'on s'est imaginé le comprendre : on y jure par Condillac, comme on juroit jadis par Aristote (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 64). Léon Daudet ne s'intéresse plus du tout à la littérature. Qu'est-ce que c'est que ça! Il ne jure que par Maurras, ce Talleyrand, et installe son roi sur le trône (RENARD, Journal, 1908, p. 1209) :
• 2. Christophe fut, quelque temps, une de ses marottes. Mannheim ne jurait que par lui. Il cornait son nom partout. Il rebattait les oreilles des siens avec ses dithyrambes. À l'en croire, Christophe était un génie, un homme extraordinaire...
ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 420.
Jurer par qqc. (rare). Ah! certes, il serait encore le même, loyal, solitaire, indépendant, ne jurant par aucun parti, s'engouant peu pour tel ou tel personnage (SAINTE-BEUVE, Portr. littér., t. 1, 1844-64, p. 235).
♦ Jurer sur la tête de qqn. Prononcer un serment en engageant la vie d'une personne. Sambuc jura toujours sur la tête de son père qu'il avait bien mis les deux bons cailloux aux pattes (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 541).
— [non prép.] En mauvaise part. Prendre à témoin Dieu, le nom de Dieu, les saints, en blasphémant. Synon. région. sacrer. Grand frère Félix, jurant le nom de Dieu (RENARD, Poil Carotte, 1894, p. 48). M. de Gerboise était bon gentilhomme (...) jurant Dieu et tous les saints de l'Anjou (...) il m'amusait (...) par la verdeur de ses propos (FRANCE, P. Nozière, 1899, p. 97).
b) [Sans compl. d'objet second.] Prononcer un serment. Il faut jurer avant de témoigner. Le jongleur s'arrête, puis s'écrie de nouveau : « Peuples, jurez! » Il prononce ainsi la formule du plus terrible des serments (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 420) :
• 3. Je crois en Dieu! Et, d'une main saisissant la poignée de mon épée,
J'étends vers ces campagnes, adossé au soleil,
L'autre main dans le geste qui jure!
CLAUDEL, Ville, 1901, III, p. 486.
B. — Domaine de la promesse solennelle
1. Qqn jure qqc. à qqn, qqn jure que + verbe, qqn jure de + inf. Promettre quelque chose à quelqu'un par un serment plus ou moins solennel. Jurer amitié, amour, fidélité à qqn; jurer attachement à Dieu. Jure moi qu'elle ne te quittera jamais [mon écharpe]; et que jamais surtout elle n'ornera le sein d'une rivale (GUILBERT DE PIXÉR., Victor, 1798, II, 8, p. 38). Le peuple n'avait demandé que l'égalité des priviléges; il jura le châtiment des meurtriers de ses défenseurs (CONSTANT, Esprit conquête, 1813, p. 247). Je te jure que tu ne pleureras plus à cause de moi (HUGO, Lettres fiancée, 1821, p. 82) :
• 4. Vous me jurez que, si je vous embrasse, vous me ficherez la paix... LA BONNE : Je le jure... croix de bois, croix de fer, si je mens j'vais en enfer!...
GUITRY, Veilleur, 1911, II, p. 11.
— Emploi pronom. [Avec compl. d'obj.]
♦ réciproque. Se jurer un amour éternel. Liés l'un à l'autre par la reconnoissance et les bienfaits, ils furent amis et se jurèrent foi et fraternité d'armes, jusqu'à leur dernier soupir (COTTIN, Mathilde, t. 1, 1805, p. 86). Les jeunes gens serroient la main d'Outougamiz, et se juroient les uns aux autres une amitié pareille dans l'adversité (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 317).
♦ réfl. Se promettre à soi-même quelque chose, prendre la résolution de. Chaque fois, quand il arrive à son poste après des kilomètres de route (...), le poilu se jure bien que, la prochaine fois, il se débarrassera d'un tas de choses et se délivrera un peu les épaules du joug du sac (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 197) :
• 5. Il est sublime de voir l'homme né libre, chercher en vain son bonheur dans sa volonté, puis fatigué de ne rien trouver ici-bas qui soit digne de lui, se jurer d'aimer à jamais l'Être Suprême...
CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 390.
— Jurer de faire qqc. S'engager, promettre par serment. Les passions sont les mêmes par-tout, la nature semble prendre plaisir à les faire jouer; et cette femme irritée jura de se venger (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 45).
2. Qqn jure qqc. à qqn, qqn jure que + verbe, qqn jure de + inf. Affirmer solennellement, avec insistance quelque chose. Synon. assurer, déclarer, prétendre, soutenir. Je n'oserais jurer que. Sans mes affaires, je vous jure que je ne penserais guère à Paris, et Rome serait encore pour moi la première ville du monde (COURIER, Lettres Fr. et Ital., 1808, p. 773). Mme Frédéric, qui (...) se plaisait aux idées de désastre, jurait en phrases brèves, que la journée était perdue (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 475). Apprenant l'étoile polaire, il jurait de la reconnaître à son visage, il n'aurait qu'à la maintenir un peu à gauche (SAINT-EXUP., Courr. Sud, 1928, p. 72).
— Expr. pop. et fam. Je te/vous jure. [Souvent pour prendre à témoin l'interlocuteur d'une chose invraisemblable ou insupportable] On ne rira pas de tout ceci, je te jure (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 533). Ah, je vous jure, j'ai bien des fois pensé à déserter! (MARTIN DU G., Confid. afr., 1931, p. 1123) :
• 6. Le sac est terrible, je te jure. Pendant deux mois après ma libération, j'ai gardé douloureux deux points aux épaules, la marque des courroies.
RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 291.
3. Ne jurer de rien. Ne rien affirmer au sujet de quelque chose. Il ne faut jurer de rien (proverbe). Le Demi Aile : Est-ce que tu t'en souviendras? Peyrony : Je ne jure de rien (MONTHERL., Olymp., 1924, p. 303).
4. Au cond. Croire, penser en s'appuyant sur des apparences trompeuses. Mais voyez donc la soie de cette rotonde! reprit-elle, on jurerait de la toile d'araignée (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 578). On jurerait du lapin sauté (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Lapin, 1887, p. 246) :
• 7. La vaste cour que nous traversons est si bien garnie de toutes parts de plantes grasses, d'herbes et de feuillages, (...) qu'on jurerait qu'un printemps éternel a élu domicile dans cette enceinte...
G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 38.
5. P. ext. Décider avec solennité ou avec force d'une chose. Jurer la perte, la ruine de qqn. Si la cour a juré ma mort, oui, je la préfère à l'horreur de me flétrir par la chute de mes fidèles défenseurs (LEMERCIER, Pinto, 1800, I, 12, p. 40). Vous trahissez, Laboque (...) vous qui aviez juré la mort du bandit, quitte à y laisser vous-même la peau! Et voilà que vous vous mettriez contre nous, que vous achèveriez le désastre! (ZOLA, Travail, t. 2, 1901, p. 63).
II. — Emploi intrans. [Le suj. désigne une pers., un animal ou une chose]
A. — [Le suj. désigne une pers.] Proférer des jurons. Synon. sacrer (fam.). Jurer comme un charretier, comme un païen. Nom de dieu de nom de Dieu! jura sourdement Jacques (ZOLA, Bête hum., 1890, p. 133). Il jouait aux cartes avec sa fille et jurait quand il perdait (RENARD, Journal, 1898, p. 483).
B. — P. anal.
1. [Le suj. désigne un instrument de mus.] Produire un son discordant. Violon qui jure sous l'archet (ROB.; dict. XIXe et XXe s.).
2. Vx ou région. [Le suj. désigne un chat] Manifester son irritation par un grognement. Le chat échaudé jure, saute sur la table, casse les tasses, brise une bouteille (KOCK, Zizine, 1836, p. 113). Il ouvrit toute grande la fenêtre de la salle à manger, et vint prendre le chat par la peau du cou (...). Le chat se mit à jurer, à se roidir, en tâchant de se retourner pour mordre la main de Laurent (ZOLA, Th. Raquin, 1867, p. 989).
3. [Le suj. désigne une chose concr.] Jurer (avec). Contraster désagréablement avec, être mal assorti avec. Synon. dissoner, hurler. Les couleurs tendres et pâles, que notre marquis affectionnait, juraient davantage avec l'aspect léonin de sa moustache hérissée et de sa crinière d'enfant (SAND, Beaux MM. Bois-Doré, t. 1, 1857, p. 42). Seuls, le poêle, en faïence blanche, et la table de toilette (...) juraient, au milieu de ces vieilleries vénérables (ZOLA, Rêve, 1888, p. 55). Près de la côte, en bas, le bleu des vagues jurait si fort avec certains toits rouges qu'on était obligé de fermer les yeux (LACRETELLE, Hts ponts, t. 4, 1935, p. 21).
— Au fig. Un ton héroïque qui jurait avec son nom de Colette et son petit nez (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 16). Je crois que ces deux mots [« morale nouvelle »] jurent d'être accouplés (BARRÈS, Cahiers, t. 7, 1909, p. 221).
Prononc. et Orth. : [], (il) jure []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. a) 842 « assurer, promettre formellement » (un serment) sagrament que son fradre Karlo iurat (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie); b) ca 1100 « assurer, promettre en prêtant serment » (Roland, éd. J. Bédier, 605); 2. a) ca 1100 « prendre à témoin, prendre pour gage du sérieux d'un serment » (ibid., 3232) cf. en fr. mod. il a juré son grand dieu (FUR. 1690) et jurer ses grands dieux (1713, HAMILTON, Mém. du Comte de Grammont, éd. 1731, 10 ds LITTRÉ); b) 1306 prendre à témoin (un être sacré) pour faire un serment, cet acte étant considéré comme sacrilège (JOINVILLE, St Louis, éd. N.-L. Corbett, § 686); 3. ca 1100 « promettre, vouloir fermement » (Roland, éd. J. Bédier, 1457 : guenes li fels ad nostre mort juree); 4. ca 1100 « promettre en mariage, fiancer » (ibid., 3710); 5. a) 1461-69 « affirmer avec force, promettre (sans faire de serment) » (Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 246); b) 1759 on jurerait « on pourrait vraiment croire » (CARACCIOLI, Le Livre à la Mode, nouv. éd., 1759, p. 51 d'apr. B. HENSCHEL ds Fr. mod. t. 37, p. 119). B. Intrans. 1. a) ca 1150 « id. » avec un compl. prép. indiquant l'être pris à témoin ou la chose engageant le serment jurer sur (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 749); b) ca 1225 « avec un compl. prép. indiquant l'objet, le propos du serment » jurer de qqc. ici en jurer (Florence de Rome, 4979 ds T.-L.); 2. 1160-74 « invoquer de manière sacrilège le nom d'êtres ou de choses sacrées » (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1724); 3. 1665 mus. « faire entendre un son désagréable » (BOILEAU, Satires, éd. A. Cahen, III, 148); 1688 plus gén. « être discordant » (LA BRUYÈRE, Caractères, Œuvres, éd. G. Servois, t. 2, p. 179); 4. 1585 « faire des affirmations ou des protestations sur le ton de serments » (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 2, p. 275). Du lat. jurare « jurer, prêter serment, prendre à témoin, engager par son serment ». Fréq. abs. littér. : 4 468. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 6 367, b) 6 937; XXe s. : a) 8 007, b) 5 031.
jurer [ʒyʀe] v. tr.
ÉTYM. 842, Serments de Strasbourg, iurat « (il) fait serment »; du lat. jurare.
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1 (1080). Vx ou littér. Attester (Dieu, une chose sacrée) par un serment. || Jurer Dieu, les dieux, le Styx (→ Assembleur, cit. 1). — (Avec une proposition en de et inf., que et indic. pour complément second). || Jurer le ciel, sa foi, son honneur de dire la vérité. || Jurer Dieu que l'on dit la vérité.
1 (…) Je jure le ciel que je le défendrai ici contre qui que ce soit (…)
Molière, Dom Juan, III, 4.
♦ ☑ Loc. cour. (1713; jurer son grand Dieu, 1690). Jurer ses grands dieux que… : assurer avec force.
2 Mais Marie-Claire interrogée, jura ses grands dieux qu'elle ne savait rien (…)
H. Bosco, le Sanglier, VI.
2 (XIIe). a Jurer qqch. par…, sur…, devant (qqn; une réalité sacrée). || Je le jure par Dieu, par le ciel…
b Tr. ind. ou intrans. Affirmer qqch. par un serment. || Jurer (de qqch.) sur la Bible, sur le crucifix. || En jurer par… — (XVIIe). || Jurer par (qqch., qqn), devant (qqn), sur (qqch.). → ci-dessous, cit. 4 et 6. ☑ Jurer sur la tête de qqn. — ☑ Loc. fig. On ne jure plus que par lui : on l'admire tellement qu'on croit tout ce qu'il dit, qu'on l'imite en tout. — (Absolt). || Il faut jurer avant de témoigner.
3 Et moi je vous dis de ne point jurer du tout, ni par le ciel, parce que c'est le trône de Dieu (…)
Bible (Sacy), Évangile selon saint Matthieu, V, 34.
4 Ainsi que par César, on jure par sa mère.
Racine, Britannicus, I, 2.
5 J'en jure par les ondes du Styx (…)
Fénelon, Télémaque, VI.
6 Jurez donc avec moi, jurez sur cette épée,
Par le sang de Caton, par celui de Pompée.
Voltaire, la Mort de César, II, 4.
7 On ne jurait plus que par lui. Il se souciait assez peu de ce succès qui le tirait de l'obscurité où il aurait voulu rester, mais il ne lui était pas possible de s'y soustraire (…)
Gautier, le Capitaine Fracasse, X.
3 (Fin XIIIe). Invoquer une chose, un être sacré avec hostilité ou dérision. ⇒ Jurement (2.), juron.
a Trans. Vx. || Jurer Dieu, le nom de Dieu.
8 (…) le curé se mit en colère tout de bon. On a voulu dire qu'il jura Dieu, mais je ne puis croire cela d'un curé du bas Maine.
Scarron, le Roman comique, I, XIV.
b V. intr. (XIIIe). Proférer des imprécations, des jurons. ⇒ Blasphémer, sacrer; imprécation, jurement, juron. — ☑ Loc. Il jure comme un païen (vieilli; → Boire, cit. 16); jurer comme un charretier. || Jurer et maugréer (→ Bénitier, cit. 2), et grommeler (cit. 1), et tempêter (→ Gourmer, cit. 8), et sacrer (→ Cabale, cit. 4). || Un homme grossier et emporté, qui jure sans cesse.
9 Ah ! ah ! je m'en vais te donner un Louis d'or (…) pourvu que tu veuilles jurer (…) Il faut jurer (…) — Va, va, jure un peu, il n'y a pas de mal.
Molière, Dom Juan, III, 2 (variante).
10 J'ai aimé Bénichat, encore qu'il fût par moments grossier et brutal. Il jurait. Les jurons me font peur. Et il jurait haut, d'une voix si rauque que toute sa poitrine en gargouillait de colère (…) Par bonheur, ces accès de fureur balsphématoire l'emportaient rarement. Mais, une fois chauffé, il y prenait plaisir. Et il avait alors un goût, qui me bouleversait, du sacrilège.
H. Bosco, Antonin, p. 34.
10.1 De prison en prison je traversai la Yougoslavie. J'y rencontrai des criminels, violents et sombres, jurant dans une langue sauvage, où les injures sont les plus belles du monde.
Jean Genet, Journal du voleur, p. 122.
♦ Jurer contre qqn, contre qqch. || Jurer après qqn, qqch. ⇒ Crier, pester.
11 Quand un homme jure après ses bottes, ou après son bouton de col, ce discours ne vaut pas qu'on l'écoute.
Alain, Propos, 6 nov. 1913, Savoir écouter.
c Trans. Rare. || Jurer un affreux blasphème, un gros mot : proférer, prononcer.
4 (1665, Boileau; le sujet désigne une source sonore). Produire un son discordant. ⇒ Dissoner. || Violon qui jure sous l'archet (cit. 1). || Faire jurer une discordante guitare (Montesquieu, Lettres persanes, LXXVIII).
5 (XVIIe; sujet n. de chose). Produire une discordance, aller mal (avec), être mal assorti. ⇒ Détonner, dissoner, hurler (I., 5.). || Ce costume jure avec sa beauté (→ Imposant, cit. 6). || Cette couleur jure grossièrement (cit. 3) avec le ton de ses cheveux. || Choses qui jurent entre elles, et, absolt, qui jurent. ⇒ Disparate.
12 (…) comme des couleurs mal assorties, comme des paroles qui jurent et qui offensent l'oreille (…)
La Bruyère, les Caractères, VI, 71.
13 Les cinq croisées percées à chaque étage ont de petits carreaux et sont garnies de jalousies dont aucune n'est relevée de la même manière, en sorte que toutes leurs lignes jurent entre elles.
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 850.
13.1 La mort ne tirait de cette humble personne que de la dignité. Tout le luxe de l'hôtel et du service, avec lequel jadis elle jurait, en paraissait presque trop simple, les tasses de vermeil sortaient naturellement des buffets, les domestiques mettaient leurs livrées dès l'aurore.
Giraudoux, Églantine, p. 96.
———
II (Idée d'affirmation, de promesse).
1 (V. 1460). Promettre (qqch.) par un serment plus ou moins solennel. ⇒ Promettre. — (Dans les expressions figées; compl. sans déterminant). || Jurer attachement à Dieu (→ Aujourd'hui, cit. 36). || Jurer foi et hommage à son seigneur, à son suzerain (→ Féal, cit. 2). || Jurer fidélité (cit. 8; → Hommage, cit. 10), foi (cit. 4), obéissance, soumission. || Jurer amitié à qqn (→ Caresser, cit. 17). — Il lui jura un amour éternel (→ Ardeur, cit 15; inconstant, cit. 6 et 7). — Pron. (récipr.). || Se jurer un amour immortel (cit. 14).
14 Idoménée et les autres rois jurent la paix.
Fénelon, Télémaque, XI.
15 (…) je viens aux pieds de l'autel
Me jurer à genoux un hommage éternel.
Voltaire, Mérope, V, 2.
♦ (Le compl. est un pronom). || Levez la main droite et dites : je le jure. || Jurer de… (et inf.). || Jurer de faire qqch. ⇒ Engager (s'); → Prêter serment. || Jurer solennellement, devant Dieu, de… (→ Accusé, cit. 2; formule, cit. 3). || Le témoin jure « de dire toute la vérité, rien que la vérité ». || L'hommage (cit. 3), cérémonie par laquelle le vassal jurait de rester fidèle à son suzerain. — Par ext. Promettre (à qqn de…). || Il lui a juré de se bien tenir (→ Blesser, cit. 22), de ne pas recommencer. — Jurer de vivre sans maîtresse (→ Cesse, cit. 6).
16 Le roi et ses successeurs, à leur avènement, jureront d'observer fidèlement la charte.
Charte de 1830, art. 65.
16.1 Vous jurez et promettez de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
H. Monnier, Scènes populaires, « La cour d'assises », t. 1, p. 75.
♦ Jurer qu'on fera telle chose (→ Appliquer, cit. 4).
17 Les janissaires jurèrent sur leur barbe qu'ils n'attaqueraient point le roi (…)
Voltaire, Hist. de Charles XII, VI.
18 Jure-moi que tu me pardonneras, maman. Je lui jurai tout ce qu'elle voulut, au risque d'être cent fois parjure; je m'en souciais bien !
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le plus bel amour ».
♦ (1759; au conditionnel). Avoir la conviction intime d'une ressemblance. ⇒ Croire (on croirait), dire (on dirait). || Vous jureriez, on jurerait un tableau de Monet.
18.1 Le décor : on jurerait la boutique d'un antiquaire.
Sacha Guitry, N'écoutez pas, Mesdames !, p. 14.
2 (1580). Littér. Décider avec solennité ou avec force (qqch.). || Jurer la mort d'un tyran (→ Hurler, cit. 19). || Ils ont juré sa perte, sa ruine. — Jurer de… (et inf.). || Jurer que… || « Le corbeau (cit. 1)… Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus » (La Fontaine).
♦ Littér. et vx (sujet n. de chose) :
19 (…) cette ingrate princesse,
Dont la haine a juré de nous troubler sans cesse.
Racine, Alexandre, IV, 4.
♦ Au passif :
20 Ah ! si du fils d'Hector la perte était jurée,
Pourquoi d'un an entier l'avons-nous différée ?
Racine, Andromaque, I, 2.
3 (Mil. XVIIe). Affirmer solennellement, fortement (à qqn). ⇒ Affirmer, assurer, déclarer. || Jurer qqch. à qqn. || Jurer à qqn que… || Je vous jure que je n'ai pas fait cela (→ Arriver, cit. 44). || Je vous jure que non. — (Avec l'idée d'attestation, comme au sens I). || Je te jure que c'est vrai, je te le jure sur la tête de ma mère. || Jure-le et crache par terre ! || Croix de bois, croix de fer, je le jure !
21 Je vous jure que je n'ai bougé de chez moi (…)
Molière, George Dandin, III, 7.
♦ Je vous jure : je vous affirme, je vous certifie.
22 (…) une façon directe, analytique, piquante, qui ne ressemblait pas à un faux-fuyant, je vous jure.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 13 oct. 1851.
♦ Fam. Exclam. d'indignation. || Ah ! quel salaud, je te jure ! — Pop. || Y en a des, j'vous jure !
22.1 La dame se retourna. Ah, je vous jure.
M. Duras, Moderato cantabile, p. 16.
♦ (Au conditionnel). || Je ne jurerais pas que… : je n'en suis pas certain (→ ci-dessous, 4.). || On aurait juré que…, on l'aurait cru. || A l'entendre (cit. 69), vous aviez juré que cette révolution était spécialement dirigée contre lui.
4 (1656). || Jurer de (qqch.) : affirmer de façon catégorique (qu'une chose est ou n'est pas, se produira ou ne se produira pas). || J'en jurerais (je le crois). → J'en mettrais ma main au feu, ma tête à couper. || Je n'en jurerais pas (je ne le crois pas). || C'est bien possible, mais je n'en jurerais pas. — ☑ Il ne faut jurer de rien (prov. et titre d'une comédie de Musset) : il ne faut jamais répondre de ce qu'on fera, ni de ce qui peut arriver (Académie). → Défier, cit. 7; élastique, cit. 5; et aussi la loc. Il ne faut pas dire « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ».
23 J'en aurais bien juré qu'elle aurait fait le tour (…)
Molière, la Princesse d'Élide, I, 2.
24 On ne doit pas jurer de ce dont on n'est pas sûr.
Renan, Souvenirs d'enfance, Appendice, 11 sept. 1846.
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se jurer v. pron. (réfl.).
♦ Prendre la ferme décision (de faire qqch.). || Il s'est juré de ne pas recommencer. ⇒ Promettre (se); → Accueillir, cit. 6; amputer, cit. 5; faillir, cit. 4.
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juré, ée p. p. adj.
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DÉR. Jurable, jurement, jureur, juron.
HOM. Juré.
Encyclopédie Universelle. 2012.