sacrer [ sakre ] v. <conjug. : 1>
• 1138; lat. sacrare
1 ♦ V. tr. Consacrer (qqn) par la cérémonie du sacre. ⇒ bénir, oindre. Sacrer un roi, l'empereur. ⇒ introniser. Sacrer un évêque. — (Avec un attribut) « L'admiration traditionnelle qui sacre [...] ce portrait “le plus beau tableau du monde” » (Malraux).
2 ♦ V. intr. (1725; à cause de l'emploi de sacré dans les jurons) Fam., vieilli ou région. Jurer. ⇒ blasphémer. « et son maître de jurer, de sacrer, d'écumer de rage » (Diderot).
● sacrer verbe transitif (latin sacrare) Conférer à quelqu'un un caractère sacré par une cérémonie religieuse : Sacrer un évêque. Attribuer solennellement un titre à quelqu'un : On l'a sacré le plus grand peintre de l'époque. ● sacrer (homonymes) verbe transitif (latin sacrare) sacré adjectif sacré nom masculin sacret nom masculin ● sacrer (synonymes) verbe transitif (latin sacrare) Conférer à quelqu'un un caractère sacré par une cérémonie religieuse
Synonymes :
- bénir
- jurer
- oindre
Attribuer solennellement un titre à quelqu'un
Synonymes :
- bombarder (familier)
● sacrer
verbe intransitif
Vieux. Faire des imprécations, blasphémer, jurer : Sacrer comme un charretier.
● sacrer (homonymes)
verbe intransitif
sacré
adjectif
sacré
nom masculin
sacret
nom masculin
sacrer ou saprer
v. (Québec) Fam.
rI./r v. tr.
d1./d Donner (un coup). Sacrer une claque à qqn.
d2./d Pousser, jeter, mettre (avec idée de rapidité ou de violence). Sacrer qqn dehors, à la porte.
|| Loc. Sacrer (qqn) dedans, le mettre en prison.
d3./d Abandonner (une activité, qqch qu'on avait commencé). Il a sacré son travail là, puis il est rentré chez lui.
|| Loc. Sacrer la paix à qqn, ne pas l'importuner.
— Sacrer le (son) camp: partir brusquement.
rII./r v. Pron.
d1./d Se jeter. Se sacrer à l'eau.
d2./d Se sacrer de (qqn, qqch): être indifférent envers (qqn, qqch).
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sacrer
v. intr. Fam., vieilli (Cour. au Québec) Prononcer des jurons.
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sacrer
v. tr.
d1./d Conférer, par une cérémonie religieuse, un caractère sacré à (un souverain). Sacrer un roi.
d2./d Fig. (Avec un attribut.) Déclarer solennellement tel. Elle fut sacrée meilleure actrice de sa génération.
I.
⇒SACRER1, verbe trans.
A. — LITURG. [Le suj. désigne un évêque] Conférer à quelqu'un par la cérémonie et l'onction du sacre un caractère sacré. Sacrer un roi. Troyes (...) a vu en 878 ce que Paris n'a vu qu'en 1804, un pape sacrant en France un empereur, Jean VIII couronnant Louis le Bègue (HUGO, Rhin, 1842, p. 33). Une jeune fille délivra Orléans et fit sacrer le roi légitime à Reims (A. FRANCE, Orme, 1897, p. 105). V. couronner ex. 3.
B. — P. anal. Conférer à quelqu'un, quelque chose un caractère solennel, une consécration officielle; reconnaître l'existence de quelqu'un, quelque chose en tant que tel. Synon. consacrer. Le deuil sacre les saints, les sages, les génies (HUGO, Contempl., t. 1, 1856, p. 169). Quand nous nous croyons arrivés au paroxysme de l'horreur, du sang, des lois bafouées, de la poésie enfin que sacre la révolte, nous sommes obligés d'aller encore plus loin (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 36).
— [Avec un attribut du compl.] Mais faut-il nommer novice l'adolescent que l'amour a, dès l'enfance, sacré homme et gardé pur? (COLETTE, Blé en herbe, 1923, p. 108). Années (...) du plus grand éclat, de la gloire officielle, celles où Beethoven se laisse, en quelque sorte, sacrer poète lauréat du Congrès de Vienne (ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1937, p. 70). En partic., dans la lang. des sports. Être sacré champion de l'année. [En 1961] Right Royal était sacré meilleur cheval d'Europe, et l'Arc de Triomphe lui était promis (ZITRONE, Courses, 1962, p. 138). L'Olympique de Marseille [un club] a été sacré champion de France pour la cinquième fois, hier soir, en battant Auxerre (L'Est Républicain, 21 mai 1989, p. 412, col. 1).
♦ Péj. V. pancarte B 1 ex. de Glatigny.
— Empl. pronom. réfl. Le cœur fidèle se sacre lui-même, car il se couronne de sa propre excellence et s'enveloppe de son propre rayonnement (AMIEL, Journal, 1866, p. 345).
♦ [Avec un attribut du compl.] Ils se sacrèrent artistes. Pécuchet porta des moustaches, et Bouvard ne trouva rien de mieux (...) que de se faire « une tête à la Béranger! » (FLAUB., Bouvard, t. 2, 1880, p. 12).
Prononc. et Orth.:[], (il) sacre []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1140 « consacrer (d'un homme d'Église) » (GEOFFROY GAIMAR, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 1509: Cil fud a evesque sacrez); b) 1155 en partic. « sacrer roi » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 14043); c) ca 1175 « bénir (un lieu...) » (Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 9007: Le baptestire fut sacrez, Saintefiez et aprestez); d) 1593 fig. (Sat. Men. au Roy, p. 255 ds GDF. Compl.: C'est la vertu qui sacre et couronne les roys); 2. part. passé adj. a) 1175 eve sacree en parlant des fonts baptismaux (Ducs Normandie, 8744); b) ca 1220 virge sacree (GAUTIER DE COINCI, Mir., éd. V. F. Koenig, I Ch 47, 49); c) 1498-1515 (GRINGORE, Vie Ms S. Loys, 2087, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 94: la sacree magesté royalle de France); d) 1564 Escriture Sacree (RABELAIS, Cinquiesme Livre, éd. Marty-Laveaux, t. 3, p. 136); 3. 1790 subst. le sacré (Le Moniteur, t. 3, p. 118). B. 1. 1726 « jurer, proférer des jurons » (GRANDVAL, Vice puni, chant VI, p. 45), cf. les imprécations sacré nom d'escadrons (1790) et sacré nom d'enfants (1791, v. QUEM. DDL t. 19), sacré nom (1840, ibid., t. 6); 2. a) 1790 sacré « exécré, maudit » (P. Duch., n ° IV, Br., fasc. III, p. 251 ds BRUNOT t. 10, p. 49); b) 1866 sacré antéposé, empl. avec nuance admirative (DELVAU, s.v. matin); c) 1894 canadianisme sacrer le camp « foutre le camp » (S. CLAPIN, Dict. can.-fr.). Empr. au lat. sacrare « consacrer à une divinité; rendre sacré », de sacer, sacrum « sacré (s'opposant à profanum) » cf. ERN.-MEILLET: « Sacer désigne celui ou ce qui ne peut être touché sans être souillé, ou sans souiller »: de là le double sens de « sacré » ou « maudit ». L'empl. comme intensif blasphématoire de sacré (et de sacre, v. sacre3) et l'ext. de sens de sacrer à « proférer des jurons » (parallèle au développement de jurer et que DG, BL.-W.1-5 ont expliqué par l'habitude d'empl. sacré dans les jurons) peuvent être dus à l'attraction de sacre « brigand, homme sans foi ni loi » (v. sacre2), cf. GOUGENHEIM ds B. jeunes Rom., n ° 4, pp. 5-7. Bbg. BENVENISTE (E.). Les Verbes délocutifs. IN: [Mél. Spitzer (L.)]. Berlin, 1958, p. 63.
II.
⇒SACRER2, verbe
A. — Empl. intrans., vieilli (usuel au Québec). Proférer des injures, des blasphèmes ou des imprécations. Synon. jurer, pester. Sacrer comme un charretier. Du plus loin qu'il apercevait des voitures il leur criait de se garer (...), vociférant, sacrant, furieux et facétieux, despote de la grande route comme si elle eût été sa propriété particulière (FLAUB., Champs et grèves, 1848, p. 397). Il gonfle volontiers sa grosse voix; et il jure et il sacre: et les Nom de Dieu font sa ponctuation la plus modeste (PÉGUY, Argent, 1913, p. 1257).
♦ Sacrer contre (qqn, qqc.). Le premier dimanche pourtant de leur installation au Fort, sacrant à la fois contre l'Église et contre sa vieille bagnole, il l'a conduite, de panne en panne, à la messe de Pléder, à cinq kilomètres de là (THARAUD, Enf. perdus, 1948, p. 105).
— Empl. trans., rare. [Le compl. désigne un juron] Il avait beau dire, sacrer les mille noms de Dieu... elle se tenait pas pour battue (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 493).
B. — Empl. trans., région. (Canada). Jeter violemment. Synon. balancer (fam.), ficher (fam.), foutre (pop.). Sacrez-moi ça à poubelle, j'ai dit! Vous venez de manger comme des cochons (J. BARRETTE, Ça dit..., 1972, p. 10 ds Richesses Québec 1982, p. 2063).
♦ Sacrer la paix. Laisser tranquille. Synon. ficher la paix (fam.), foutre la paix (pop.). Maintenant qu'il est mort, tu ne pourrais pas lui sacrer la paix? (J. GODBOUT, Salut Galarneau! 1967, p. 135, ds Richesses Québec 1982, p. 2063).
♦ Sacrer le/son camp. Déguerpir. Synon. ficher le camp (fam.), foutre le camp (pop.). Bon! Qu'est-ce qu'on fait? « Sacrez donc le camp! » (J.-J. RICHARD, Centre-ville, 1971, p. 58, ds Richesses Québec 1982, p. 2064).
Rem. Très fréq. en fr. du Québec, le verbe y connaît de nombreux empl. et entre dans de nombreuses expr. de la lang. fam.
REM. Sacrant, -ante, part. prés. en empl. adj., rare. Qui dit des jurons; qui se manifeste par des jurons. Pierre prit une colère sacrante, tapa du pied (LA VARENDE, Manants du Roi, 1938, p. 108).
Prononc. et Orth.:[], (il) sacre []. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. V. sacrer1.
STAT. — Sacrer1 et 2. Fréq. abs. littér.:99.
1. sacrer [sakʀe] v. tr.
ÉTYM. 1138; lat. sacrare.
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♦ Consacrer (qqn) par la cérémonie du sacre. ⇒ Bénir, oindre. || Sacrer un roi, l'empereur. ⇒ Inaugurer (vx), introniser (→ Couronner, cit. 6; huile, cit. 19). || Sacrer un évêque (cit. 5; et → conférer, cit. 2).
1 Quelle contenance auraient faite ces prélats qui criaient si haut, s'il leur eût fallu montrer de quelle huile et de quelle main ils avaient été sacrés !
Michelet, Hist. de la Révolution franç., III, IX.
2 (…) l'empereur deuxième, ou l'empereur troisième, (puisque c'est le second Empire qui fait le troisième Napoléon), n'a jamais voulu, ou osé, ou risqué se faire sacrer.
Ch. Péguy, la République…, p. 364.
♦ Fig. (⇒ 1. Sacre). || Mirabeau a été sacré par la Révolution (→ Identifier, cit. 1). || Joseph de Maistre a sacré le bourreau (→ Railler, cit. 4). — (Avec un attribut). || Sacrer prophète un écrivain (→ Message, cit. 5). || L'admiration traditionnelle qui sacre ce portrait (cit. 4) « le plus beau tableau du monde ».
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DÉR. 1. Sacre, 1. Sacré.
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2. sacrer [sakʀe] v. intr.
ÉTYM. 1727; de sacré, employé dans les jurons.
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♦ Fam. (Vieilli ou régional). Jurer; dire des sacres (3. Sacre) → Cabale, cit. 4; geindre, cit. 1. || Il sacrait et blasphémait.
1 Et le maître, après avoir fait faire au cordon de son fouet deux tours sur le poignet, de poursuivre Jacques, et Jacques de tourner autour du cheval en éclatant de rire; et son maître de jurer, de sacrer, d'écumer de rage (…)
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 736.
2 Et il jurait, tout le long des marées, cassait sa pipe entre ses dents, bourrait son équipage; et, ayant sacré à pleine bouche avec tous les termes usités et contre tout ce qu'il connaissait, il expectorait ce qui lui restait de colère au ventre sur les poissons et les homards tirés un à un des filets (…)
Maupassant, le Noyé, Pl., t. II, p. 1039.
3 Beaucoup roupillaient déjà. Mais tous ceux qui ne dormaient pas, râlaient, juraient, sacraient, maudissaient cette pute d'existence (…)
B. Cendrars, la Main coupée, in Œ. compl., t. X, p. 55.
REM. Le mot est fréquent en français québécois, où l'on emploie aussi Se sacrer de qqch. « s'en moquer, s'en foutre », et où sacrer a divers sens figurés (jeter, donner violemment, etc.).
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DÉR. 3. Sacre.
Encyclopédie Universelle. 2012.