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nègre

nègre, négresse [ nɛgr, negrɛs ] n. et adj.
• 1516; négresse 1637; var. une nègre 1643; rare av. XVIIIe; esp. ou port. negro « noir »
1Vieilli ou péj. Personne de race noire, dite « mélano-africaine » (divisée en cinq groupes : soudanais, guinéen, congolais, nilotique, sud-africain). noir. Négresse à plateau. « les cheveux ne deviennent laineux que sur les nègres » (Buffon).
Noir employé autrefois dans certains pays chauds comme esclave. Traite des nègres. esclavage (cf. Bois d'ébène). Nègre marron. Loc. Travailler comme un nègre, très durement, sans relâche. Un combat de nègres dans un tunnel.
2 N. m. (1757) Fig. Personne qui ébauche ou écrit anonymement les ouvrages signés par un autre. Les nègres d'A. Dumas.
3Par ext. Vx Couleur brun foncé. 1. marron. Adj. (neigre 1611) Une robe nègre. tête-de-nègre.
4Cuis. Nègre en chemise : entremets au chocolat garni de crème. ⇒aussi tête-de-nègre.
5(1877) PETIT-NÈGRE :français à la syntaxe simplifiée (où les verbes sont à l'infinitif), parlé par les indigènes des anciennes colonies françaises. Parler petit-nègre (ex. Moi pas vouloir quitter pays).Par ext. Mauvais français.
6 Adj. (des deux genres) (XVIIIe) NÈGRE Qui appartient, est relatif à la race noire. Vieilli ou péj. (Personnes) noir. Tribus nègres. « Une femme nègre » (Chateaubriand).
Mod. Art nègre. négro-africain. Masque nègre. Musique nègre. black.
Loc. adj. inv. Nègre-blanc : dont l'ambiguïté ménage les parties. Des solutions nègre-blanc.

nègre nom masculin Familier Personne qui travaille de manière anonyme pour un écrivain, un artiste, un scientifique, etc., lequel sera seul reconnu auteur du travail. Papillon (satyridé), dont la chenille vit sur les graminées des clairières. Appareil chargeur et retourneur de grumes sur une grosse scie à ruban. ● nègre adjectif Qui appartient aux Noirs, à la culture des Noirs : Musique nègre. Populaire. (Terme injurieux et raciste vieilli). Se disait de quelqu'un, d'un groupe de personnes de couleur noire : Tribus nègres.nègre (expressions) nom masculin Familier Nègre en chemise, entremets au chocolat nappé d'une crème anglaise. Travailler comme un nègre, travailler très dur. ● nègre (difficultés) adjectif Genre La forme féminine négresse s'emploie pour le nom (une négresse), mais non pour l'adjectif : la musique nègre. Emploi Le mot nègre ayant souvent été employé dans des contextes discriminatoires ou racistes, on lui préfère aujourd'hui des équivalents neutres : dans tous les registres, noir, nom et adjectif (un Noir, une Noire, les Noirs ; la musique noire américaine) ; dans l'expression soignée, homme de couleur, femme de couleur, personne de couleur, nom ; dans le registre familier, l'anglicisme black, nom (un Black, une Black, les Blacks), récemment apparu. Le mot nègre est neutre comme terme d'histoire de l'art dans la locution art nègre. Il fut revendiqué par les tenants de la négritude (mouvement littéraire et politique d'émancipation des Africains et des Antillais, né vers 1935) : « Je pousserai d'une telle raideur le grand cri nègre que les assises du monde en seront ébranlées »(A. Césaire). Orthographe et accord 1. Nègre blanc, négresse blanche n. (= personne noire atteinte d'albinisme) s'écrit sans trait d'union. 2. Nègre blanc adj. (= ambigu, qui vise à concilier des avis contraires) est invariable : des motions nègre blanc. ● nègre (expressions) adjectif Art nègre, l'art négro-africain considéré en tant que source d'inspiration, au XXe s., de certains courants de l'art occidental (fauvisme, cubisme, expressionnisme…). Nègre blanc, se dit d'un texte qui ne prend pas une position très nette, qui cherche à concilier des avis contraires. ● nègre, négresse nom (espagnol negro, du latin niger, -gri, noir) Esclave noir qui était employé dans les colonies : Les nègres d'une plantation. Populaire et vieilli. Terme injurieux et raciste pour désigner une personne de couleur noire. ● nègre, négresse (difficultés) nom (espagnol negro, du latin niger, -gri, noir) Genre La forme féminine négresse s'emploie pour le nom (une négresse), mais non pour l'adjectif : la musique nègre. Emploi Le mot nègre ayant souvent été employé dans des contextes discriminatoires ou racistes, on lui préfère aujourd'hui des équivalents neutres : dans tous les registres, noir, nom et adjectif (un Noir, une Noire, les Noirs ; la musique noire américaine) ; dans l'expression soignée, homme de couleur, femme de couleur, personne de couleur, nom ; dans le registre familier, l'anglicisme black, nom (un Black, une Black, les Blacks), récemment apparu. Le mot nègre est neutre comme terme d'histoire de l'art dans la locution art nègre. Il fut revendiqué par les tenants de la négritude (mouvement littéraire et politique d'émancipation des Africains et des Antillais, né vers 1935) : « Je pousserai d'une telle raideur le grand cri nègre que les assises du monde en seront ébranlées »(A. Césaire). Orthographe et accord 1. Nègre blanc, négresse blanche n. (= personne noire atteinte d'albinisme) s'écrit sans trait d'union. 2. Nègre blanc adj. (= ambigu, qui vise à concilier des avis contraires) est invariable : des motions nègre blanc.

nègre, négresse
n. et adj.
aA./a n.
rI./r
d1./d Vieilli (Souvent employé avec une intention péjor. et raciste, sauf par les Noirs eux-mêmes.) Personne de race noire.
(Antilles fr.) Mod. Terme mélioratif utilisé comme adresse à un interlocuteur. Comment vas-tu, nègre(sse)?
d2./d Esclave noir employé autrefois dans les colonies. La traite des nègres.
|| Fam. Travailler comme un nègre, beaucoup, durement.
rII./r n. m. Fig. Personne qui prépare ou fait le travail d'un écrivain célèbre, d'une personne connue.
aB./a adj.
d1./d De race noire; relatif à la race, aux ethnies noires. Coutumes nègres.
|| Art nègre: art de l'Afrique noire, spécial. tel que l'Occident l'a découvert au début du XXe s. L'art nègre a contribué à la naissance du cubisme. V. encycl. ci-après.
d2./d adj. inv. Nègre ou, plus cour., tête-de-nègre: marron foncé.
|| Nègre blanc: équivoque, dont les termes, les conclusions sont contradictoires. Réponse nègre blanc.
Encycl. Art nègre. - L'art africain est découvert et revalorisé au début du XXe siècle par le regard de quelques peintres (Vlaminck, Derain, Picasso), écrivains (Apollinaire, Cendras) ou anthropologues français, qui apprécient, d'un point de vue esthétique, la primitivité et la naïveté qu'ils lui attribuent. Une première exposition d'"art nègre" a lieu à Paris en 1919, une étude de Georges Hardy (L'Art nègre) paraît en 1927. Le succès fait à l'art nègre en Europe est contemporain de l'engouement pour la musique de jazz. (V. Art africain dans l'encycl. art.)

⇒NÈGRE, subst. masc. et adj.
I.Subst. masc.
A. —Homme de race noire. Nègres et mulâtres! (...) Viens-tu ici nous insulter avec ces noms odieux, inventés par le mépris des blancs? Il n'y a ici que des hommes de couleur et des noirs (HUGO, Bug-Jargal, 1826, p.152). L'appareil phonatoire varie-t-il d'une race à l'autre? Non, guère plus que d'un individu à un autre; un nègre transplanté dès sa naissance en France parle le français aussi bien que les indigènes (SAUSS. 1916, p.202). Si nous pensons que les nègres sentent mauvais, nous ignorons que pour tout ce qui n'est pas l'Europe, c'est nous, blancs, qui sentons mauvais (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p.14):
1. Des morceaux de la nuit tournés hystériques! Voilà ce que c'est les nègres, moi j'vous le dis! Enfin, des dégueulasses... des dégénérés quoi!... —Viennent-ils souvent pour vous acheter? —Acheter? Ah! rendez-vous compte! Faut les voler avant qu'ils vous volent...
CÉLINE, Voyage, 1932, p.208.
Rem. Nègre, employé en parlant des pers. a eu des connotations péj. et, à ce titre, s'est trouvé concurrencé par noir qui est moins marqué (voir HUGO, loc. cit.). Actuellement nègre semble en voie de perdre ce caractère péj., probablement en raison de la valorisation des cultures du monde noir (v. négritude). Et comme le mot soleil est un claquement de balles / et comme le mot nuit un taffetas qu'on déchire / le mot nègre / dru savez-vous / du tonnerre d'un été / que s'arrogent / des libertés incrédules (CÉSAIRE, Corps perdu ds Aimé Césaire, Paris, Seghers, 1979 [1949], p.138). Je ne voulais pas être le plus grand des nègres qui ait jamais vécu, pas plus Toussaint Louverture que Walter White. Parce que, tout au fond de moi, là où les Blancs ne peuvent pas regarder, ça n'avait plus de signification (Ch.HIMES, S'il braille, lâche-le..., trad. de l'angl. par R. Vavasseur et M.Duhamel, Paris, Gallimard, 1972, p.235).
Nègre blanc. Albinos de race noire. (Dict. XIXe s.).
Nègre pie. Albinos de race noire, dont l'albinisme n'est pas complet. (Dict. XIXe et XXe s.).
Loc. fam. Un combat de nègres dans un tunnel. Action, événement qui se déroule dans l'obscurité; au fig. chose obscure, incompréhensible, inintelligible. Elle l'aide à trouver ses mots... (...) il s'exerce péniblement au langage des jeunes rats de cinémathèque. Ça devient tout à fait le fameux combat de nègres dans un tunnel (A. BOUDARD, Cinoche, 1975, p.261 ds REY-CHANTR. Expr. 1979).
Vulg. (Il fait) noir comme dans le cul d'un nègre.
Proverbe. pop. À vouloir blanchir la tête d'un nègre, on perd sa lessive.
B.P.anal. (de couleur)
1. Couleur brun foncé. Synon. tête-de-nègre. Le vigne-vierge, le patounia et mon nouveau pourpre. Ces couleurs sont foncées et remplacent avantageusement le noir, le marine et le nègre (Femina, oct. 1926, p.17 ds QUEM. DDL t.16).
2. CUIS. Nègre en chemise.
3. INDUSTR. CHIM. ,,Solution dans laquelle se fait la liquidation de la pâte de savon et qui devient brune`` (ROB. Suppl. 1970).
4. CIN. Panneau noir qui intercepte la lumière des projecteurs. C'est un des réflecteurs qui s'est détaché. Nous les appelons «nègres» au studio (M. RÉMON, L'Araignée mâle, 1930, p.269, in GIRAUD ds QUEM. DDL t.6).
C.En partic.
1. [P.réf. à la traite des Noirs et à leur situation d'esclaves dans le Nouveau Monde jusqu'au XIXe s.] Synon. bois d'ébène (v. bois II C 3). Esclavage, traite des nègres. «Ce vieillard,» disoit un colon, en frappant le sachem de son bambou, «ne vaut pas une pièce d'or (...)» «D'ailleurs», disoit un autre colon (...) «ces sauvages sont des brutes qui ne valent pas le quart d'un nègre: ils aiment mieux se laisser mourir, que de travailler pour un maître (...)» (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p.344). Des nègres se sont fait tuer au service de la cause esclavagiste, dans la grande guerre civile américaine. On vit des nègres narguer John Brown qui montait à l'échafaud pour avoir voulu délivrer la race noire de ses chaînes (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p.350):
2. Je possède en ce moment cinquante mille francs qui me donneraient à peine quarante nègres. J'ai besoin de deux cent mille francs, parce que je veux deux cents nègres, afin de satisfaire mon goût pour la vie patriarcale. Des nègres, voyez-vous? C'est des enfants tout venus dont on fait ce qu'on veut (...). Avec ce capital noir, en dix ans j'aurai trois ou quatre millions.
BALZAC, Goriot, 1835, p.126.
Nègre marron.
(Faire) bûcher, piocher, travailler (qqn) comme un nègre. (Faire) travailler (quelqu'un) très durement. Je bûche comme un nègre, je ne lis rien, je ne vois personne, j'ai une existence de curé, monotone, piètre et décolorée (FLAUB., Corresp., 1861, p.454). Traiter qqn comme un nègre. Traiter quelqu'un avec dureté et mépris. La Crécy le traite comme un nègre, et l'appelle Bibi!... Il en est fou naturellement (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p.193).
2. [P.réf. au fr. sommaire parlé par certains Noirs des colonies francophones] Nègre, petit (-) nègre. Français approximatif. Je pouvais couramment parler le «tahitien de la plage» qui est au tahitien pur ce que le petit-nègre est au français (LOTI, Mariage, 1882, p.134).
3. [P.réf. aux Noirs employés autrefois, en tant que domestiques] Mon papa avait un nègre qui l'a défendu tant qu'il a pu (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p.1674). Sa voiture était neuve et ses chevaux admirables: ses nègres, un peu trop battus, obéissaient sur un coup d'oeil (TAINE, Notes Paris, 1867, p.100).
4. P.anal. (de fonction)
a) Auxiliaire qui prépare le travail de quelqu'un et en partic. personne anonyme qui rédige pour une personnalité, qui compose les ouvrages d'un auteur connu. Tu sais que ce n'est pas le jeune Blaise Delmuter qui fait les livres de Joseph. Delmuter ne lui fait que ses discours. Pour les livres, je ne connais pas le nègre de Joseph (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p.116):
3. Un éditeur lui ayant demandé de le traduire en russe, [Le Capital] il se mit à la tâche, mais au cours du travail, il se sentit saisi d'un insurmontable ennui, la plume lui tomba des mains, et il passa la traduction à des nègres qui l'achevèrent pour lui.
THARAUD, Cruelle Esp., 1937, p.58.
b) Homme à tout faire; personne exploitée sans limites. Ce que c'est qu'un nègre [chez les chiffonniers] (...) La fillette [du chiffonnier] a des soupirants (...) l'un d'eux se résigne à devenir [pour un an] l'employé, l'ouvrier, l'esclave (...) le nègre du père (GRISON, Paris, 1882, p.117).
II.Adjectif
A. —1. a) [En parlant d'une pers. ou d'un groupe] De race noire, qui appartient à la race noire. Synon. noir. Tribus nègres. Un serviteur nègre qui ronflait bruyamment et que nous tirâmes du sommeil, courut avertir son maître (THARAUD, Fête arabe, 1912, p.166):
4. ... des femmes nègres, en chantant au clair de lune des paroles barbares, lui piquèrent la peau du front avec des stylets d'or...
FLAUB., Salammbô, t.1, 1863, p.33.
b) [En parlant d'un inanimé] Propre aux gens de race noire, aux populations noires. Danse, masque, sculpture nègre. Les admirables vases géométriques crétois (si près de l'art nègre et des motifs de vannerie des Indiens Hopi) (MORAND, New-York, 1930, p.227).
Air, musique nègre. Air, musique africain(e). Synon. vieilli de jazz. On annonça le film africain. L'obscurité se fit. L'orchestre entama un air nègre (MARTIN DU G., Thib., Belle sais., 1923, p.998).
2. Qui a les caractéristiques physiques propres à la race noire. Il n'avait pas le type nègre autant que sa soeur (MICHELET, Journal, 1861, p.571).
À la nègre. À la manière des gens de race noire. La chevelure frisée à la nègre (GONCOURT, Journal, 1858, p.523).
B.P.anal. (de couleur). Brun foncé. Jupe-culotte en beau shetland marine ou nègre (Catal. jouets [B.H.V.], 1936).
En compos., au fig. Nègre-blanc. [En parlant d'une motion, d'un texte] Rédigé en des termes ambigus qui ménagent chacune des parties. Mais si (...) un ordre du jour «nègre-blanc» était adopté, alors serait remise en cause l'utilité du déplacement de M. Laniel aux Bermudes (Le Combat, 17 nov. 1953, p.1, col. 2).
REM. 1. Nègrerie, subst. fém. a) Vieilli. Lieu où étaient enfermés les nègres. b) Hapax. La nègrerie pue sa misère, ses vanités interminables, ses résignations immondes (CÉLINE, Voyage, 1932, p.178). 2.Négrescent, -ente, adj. Dont le type physique se rapproche de celui du nègre. Pour l'instant, les justes étaient tous noirs, noir d'ivoire, mulâtres olive, quarterons foncés, (...) métis bistres, créoles négrescents (MORAND, Magie noire, 1930, p.59). Les puants du cinéma et du porte-plume, tous métèques, négrescants [sic], macaques épouillés de l'avant-veille (AYMÉ, Travelingue, 1941, p.127). 3. Négrifier, verbe trans. Rendre nègre (par un apport de population noire). Back Britain not Black Britain: soutenez la Grande-Bretagne, ne la négrifiez pas. C'était une des pancartes brandies par un millier de dockers londoniens (Le Nouvel Observateur, 30 avr. 1968, p.18, col. 3). Au part. passé. Hitler, dans Mein Kampf, parlant de la race française comme abâtardie et négrifiée, prétendit qu'il ne fallait pas essayer de comprendre les Français (J. LANTIER, Le Temps des mercenaires, Paris, Marabout, 1969, p.57). 4. Négro-, élém. de compos. représentant le subst. nègre, entrant dans la constr. de quelques mots. a) Négro-africain. , adj. b) Négro-américain, -aine, adj. Relatif aux Noirs d'Amérique. Le jazz est apparu, au lendemain de la Première Guerre mondiale, comme le mode d'expression privilégié du groupe négro-américain (Encyclop. univ. t.9 1971, p.408, s.v. jazz). c) Négro-chamitique, adj. Relatif aux peuples d'Afrique Orientale provenant du métissage des Noirs et des populations supposées issues de Cham, c'est-à-dire les Éthiopiens et les Libyens. (Ds Lar. encyclop., Lar. Lang. fr., Lexis 1975). 5. Négrité, subst. fém. Négrité, vietnamité et francité, autant de néologismes qui firent un temps leur apparition en ce monde (Thai Van Kiem, in Le Monde, 23 avr. 1974, p.9 ds QUEM. DDL. t.24). 6. Négritie, subst. fém. Je bûche, je pioche, (...) comme la négritie en personne (FLAUB., Corresp., 1876, p.360). 7. Négrure, subst. fém., rare. Caractère de celle, de celui qui a la peau foncée. Il est brun, terriblement brun, jusqu'à la négrure, comme on dit dans le Midi (L. DAUDET, Mésentente, 1911, p.48).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. a) 1529 «personne de race noire» (PARMENTIER, Voyage à Sumatra, éd. Ch. Schefer, p.112 ds GDF. Compl.); b) 1704 «noir employé autrefois dans certains pays chauds comme esclave» (Trév.); c) ) 1740-55 traiter comme un nègre (SAINT-SIMON, Mémoires, éd. A. de Boislile, t.6, p.412); ) 1812 travailler comme un nègre (COURIER, Lettres Fr. et Ital., p.857); 2. 1757 fig. «personne qui ébauche ou écrit entièrement les ouvrages signés par un écrivain célèbre» (COLLÉ, Journ., II, 108, juillet ds BRUNOT t.6, p.1382); 3. a) ) 1611 neigre adj. «brun foncé» (COTGR.); ) 1924 subst. «couleur brun foncé» (Gazette du bon ton, n° 4, 181 ds QUEM. DDL t.16); b) 1822 tête de nègre «couleur brun foncé» (MICHELET, Mémor., p.211); 4. a) 1857 parler nègre «parler en mauvais français» (GONCOURT, Journal, t.1, p.308); b) 1877 petit nègre subst. «mauvais français» (Le Charivari, 6juill. 1 a ds QUEM. DDL t.3); 5. 1932 cuis. nègre en chemise (Je sais cuisiner, Paris, Albin Michel, p.469). B. Adj. 1. a) 1759 «qui appartient à la race noire» (VOLTAIRE, Candide, chap. XIV, éd. A. Morize, p.86: esclaves Négres); b) 1814 race nègre (NYSTEN); 2. 1922 art nègre (PROUST, Prisonn., p.237). Empr. à l'esp. negro «personne de race noire» (XVe s., v. COR.-PASC. et AL.), proprement «noir» (ca 1140 ds COR.-PASC.), du lat. niger, v. noir. Cf. FEW t.7, p.134a-b et p.136a. Fréq. abs. littér.:1935. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 2616, b) 4008; XXe s.: a) 1936, b) 2684. Bbg. ARV. 1963, p.363 s.v. négrerie. —BRASSEUR (P.). Le Mot nègre dans les dict. encyclop. fr. du XIXe s. Cultures et développement. 1976, t.8, pp.579-594. —DELESALLE (S.), VALENSI (L.). Le Mot nègre dans les dict. fr. d'anc. régime. Lang. fr. 1972, n°15, pp.79-104. —QUEM. DDL t.6, 16, 25. —SPITZER (L.). Z. fr. Spr. Lit. 1917, t.44, p.221 (s.v. négro-).

nègre, négresse [nɛgʀ, negʀɛs] n. et adj.
ÉTYM. 1516, rare jusqu'au XVIIIe; négresse, 1637; var. : une nègre (1643); esp. ou port. negro « noir », du lat. niger (→ Noir; nigri-).
A Nègre, négresse. N.
1 Vieilli, péj. (Terme raciste, sauf lorsqu'il est employé par les Noirs eux-mêmes; → Négritude). Personne de race noire, et, spécialt, Noir qui appartient à l'ensemble dit « mélano-africain » (divisé en cinq groupes : soudanais, guinéen, congolais, nilotique, sud-africain ou zambézien). Couleur (homme, femme de), noir.REM. Le mot nègre ne correspond à aucune classification scientifique en anthropologie. — Type physique des nègres. || Cheveux (cit. 2) crépus des nègres.Nègre blanc : noir albinos. || Nègre pie : albinos incomplet de race noire. — ☑ Loc. prov. À blanchir la tête d'un nègre, on perd sa lessive, son savon.
1 Les nègres de l'île de Gorée et de la côte du Cap-Vert sont, comme ceux du bord du Sénégal, bien faits et très noirs; ils font un si grand cas de leur couleur, qui est en effet d'un noir d'ébène profond et éclatant, qu'ils méprisent les autres Nègres qui ne sont pas si noirs (…)
Buffon, Hist. nat., Variétés dans l'espèce humaine.
2 Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique
Piétinant dans la boue, et cherchant, l'œil hagard,
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Derrière la muraille immense du brouillard.
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Tableaux parisiens », LXXXIX, II.
2.1 (…) les nègres-sont-tous-les-mêmes, je-vous-le-dis
les vices-tous-les-vices, c'est-moi-qui-vous-le-dis
l'odeur-du-nègre, ça-fait-pousser-la-canne
rappelez-vous-le-vieux-dicton :
battre-un-nègre, c'est le nourrir.
Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, p. 63. (Discours du colonialiste).
3 Le nègre ne peut nier qu'il soit nègre ni réclamer pour lui cette abstraite humanité incolore : il est noir. Aussi est-il acculé à l'authenticité : insulté, asservi, il se redresse, il ramasse le mot de « nègre » qu'on lui a jeté comme une pierre, il se revendique comme noir, en face du blanc, dans sa fierté.
Sartre, Situations III, p. 237.
(1704). Spécialt. Noir employé autrefois dans certains pays comme esclave (→ 3. Air, cit. 4). || Traite des nègres. Traite (→ Trafic de bois d'ébène). || Nègre marron, négresse marronne (→ 2. Marron, cit.). — ☑ Loc. Faire travailler qqn comme un nègre, très durement.Traiter qqn comme un nègre, le maltraiter.La thèse esclavagiste, ridiculisée par Montesquieu, dans son célèbre chapitre « De l'esclavage des nègres ».
4 Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :
Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres (…)
Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête; et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre.
On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XV, V.
Fig. (Techn., vx). Appareil qui charge les grumes sur le chariot d'une scie mécanique.
2 Par anal. Couleur brun foncé. Marron.Adj. (1611, neigre). || Une robe nègre (syn. : tête de nègre). Couleur.Motion nègre-blanc : motion rédigée en termes ambigus, pour tenter de concilier des thèses contraires.
3 a N. m. Techn. Solution dans laquelle se fait la liquidation de la pâte de savon, et qui tourne au brun.(1930). Cin. Plur. Panneaux noirs dressés sur le sol, destinés à masquer partiellement les faisceaux des projecteurs.Cuis. || Nègre (ou, plus rare, négresse) en chemise : entremets au chocolat garni de crème.Sciène (poisson).
b N. f. Pop., vx. || Une négresse (1862) : une bouteille de vin rouge.
5 Et le vin donc, mes enfants, ça coulait autour de la table comme l'eau coule à la Seine (…) Encore une négresse qui avait la gueule cassée ! Dans un coin de la boutique, le tas des négresses mortes grandissait, un cimetière de bouteilles sur lequel on poussait les ordures de la nappe.
Zola, l'Assommoir, t. I, VII, p. 279.
c (1874). Pop., vx. Puce.
4 Par anal. (de condition). Vieilli. Auxiliaire qu'on emploie dans un atelier pour préparer un travail.(1757; Brunot, H. L. F., VI, p. 1382). Mod. Personne qui ébauche ou écrit entièrement les ouvrages signés par un autre.
6 Grattez l'œuvre de M. Dumas (…) et vous trouverez le sauvage (…) Il embauche des transfuges de l'intelligence, des traducteurs à gages qui se ravalent à la condition de nègres travailleurs sous le fouet d'un mulâtre !
E. de Mirecourt, Fabrique de Romans, in A. Maurois, les Trois Dumas, V, I.
7 Sauf pour Monte-Cristo, l'idée du roman, le plan et la rédaction de premier jet sont de Maquet. Sur la maquette, Dumas travaille, brode, s'amuse, jette la vie (…)
Brunetière voyait dans Dumas un romancier bon nègre qui s'en donnait à cœur joie de mystifier les blancs. Quoi qu'il en soit de cette histoire des deux nègres, aussi vaudevillesque que celle des deux sourds, on peut voir dans Dumas-Maquet le maître de la plus vieille et de la plus universelle conception du conte (…)
A. Thibaudet, Hist. de la littér. française…, II, XIII.
REM. Le fém. négresse, dans cet emploi, paraît exceptionnel. || « Willy remit immédiatement sa “négresse” (Colette) au travail » (F. Magazine, avr. 1978).
5 Argot de Saint-Cyr. Élève reçu premier d'une promotion.Allus. hist. || « C'est vous le nègre ? Eh bien continuez ! » (Phrase attribuée au maréchal de Mac-Mahon, à qui on présentait, à l'école de Saint-Cyr, le premier de la promotion qui se trouvait être un mulâtre; cf. Guerlac, p. 234).
6 (1877). || Petit-nègre [p(ə)tinɛgʀ]  : français incorrect et sommaire parlé par les Noirs africains dans les anciennes colonies françaises. Syn. : petit français, français tirailleur.Par ext. Mauvais français, ou style embarrassé. || S'exprimer en petit-nègre.
B Nègre. Adj. (XVIIIe, esclaves nègres, Voltaire, Candide, XIV). Vieilli ou péj. (terme raciste). Qui appartient, qui est relatif à la race noire. || La race nègre. Noir. || Familles (→ Entasser, cit. 12), tribus nègres. || Enfant nègre (→ Futé, cit. 2).
8 (Pierre de Bétancourt) bâtit lui-même une espèce d'infirmerie (…) dans le dessein d'y retirer les esclaves qui manquaient d'abri. Il ne tarda pas à rencontrer une femme nègre, estropiée, abandonnée par son maître. Aussitôt le saint religieux charge l'esclave sur ses épaules (…)
Chateaubriand, le Génie du christianisme, IV, VI, II.
9 Guet-n'dar, la ville nègre, bâtie en paille grise sur le sable jaune. — Des milliers, des milliers de petites huttes rondes, à moitié cachées derrière des palissades de roseaux secs, et coiffées toutes d'un grand bonnet de chaume.
Loti, le Roman d'un spahi, II, VI.
Mod. (Sans péjoration). || L'art nègre : l'art d'Afrique noire. || Masque (cit. 3) nègre.L'Anthologie nègre, de B. Cendrars (1924). || Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache d'expression française, de L. S. Senghor (1948). || « Le romantisme nègre » (→ Fabuler, cit. 2).
REM. La forme négresse, pour l'adj., est attestée au XIXe siècle. || « Une servilité négresse » (Hugo).
DÉR. Négrerie, négrier, négrifier, négrille, négrillon, négritude, négro, négroïde.
COMP. Négro-africain, négro-américain, négrophile. Pan-nègre.

Encyclopédie Universelle. 2012.