Akademik

noir

noir, noire [ nwar ] adj. et n.
XIIe ; neir 1080; lat. niger
I Adj. A(Concret)
1Se dit de l'aspect d'un corps dont la surface ne réfléchit aucune radiation visible, dont la couleur est aussi sombre que possible ( noirceur; noircir; mélan[o]-). Noir comme (du) jais, de l'encre, du cirage, du charbon, de l'ébène. Yeux noirs. Cheval noir ( moreau) , chat noir. Fourmi noire. Bêtes noires, au pelage noir, telles que le sanglier (chasse). C'est sa bête noire. Chemises noires. Blousons noirs. Le drapeau noir des pirates. Par ext. Tableau noir. Disque noir. Cartes noires : trèfle, pique. La couleur noire (à la boule, à la roulette). Le huit noir est sorti. Épaisse fumée noire. Champignons noirs. Radis noir.
Phys. Corps noir : système qui absorbe tout le rayonnement qu'il reçoit. — Astron. Trou noir.
2Par exagér. Qui est d'une couleur (gris, brun, bleu) très foncée, presque noire. Cheveux noirs, très bruns (cf. Couleur aile de corbeau). Être tout noir après un séjour à la mer. bronzé, hâlé. Chocolat noir. Café noir. Subst. (1859) Un petit noir.
3 (neir 1080) Qui appartient à la race « mélano-africaine », à peau très pigmentée. Race noire, peuples noirs ( négritude) . Chanteuse noire. fam. black. Par ext. Propre aux personnes de cette race. Le problème noir aux États-Unis. Musique noire. Les quartiers noirs.
4Qui est plus sombre (dans son genre). Du pain noir ou du pain blanc. Blé noir. Raisin noir. Beurre noir. Lieu noir. Savon noir. Terres noires. Lunettes noires. Une rue noire de monde.
5Qui, pouvant être propre, se trouve sali. sale. Avoir les mains noires, les ongles noirs. Fam. Les gueules noires. 2. mineur. Marée noire. — NOIR DE... Mur noir de suie. « un papier noir de surcharges et de ratures » (Courteline).
6Qui est privé de lumière, plongé dans l'obscurité, dans l'ombre. obscur, sombre, ténébreux. Cabinet noir, chambre noire. Cachots noirs. Il fait noir comme dans la gueule d'un loup, comme dans un four. Nuit noire, complète (sans lune, sans étoiles). Par ext. Boîte noire.
7Qui, pouvant être clair, se trouve obscurci, assombri. Ciel noir. 2. couvert, sombre. Loc. Un froid noir : froid qu'il fait par temps couvert. Littér. « Le soleil noir de la mélancolie » (Nerval).
8Anc. méd. Trouble, troublé. Bile, humeur noire.
9(1898) Fam. Ivre ( gris). « Un samedi, j'étais noir, je les ai engueulés tous » (Dorgelès).
B(Abstrait)
1(XIIe) Assombri par la mélancolie. « J'entre en une humeur noire, en un chagrin profond » (Molière). triste. Avoir, se faire des idées noires. Noirs soucis, noirs pressentiments. funeste; funèbre. Faire un tableau bien noir de la situation.
Malheureux, funeste. Une série noire. Un jour noir, désastreux, catastrophique. Le jeudi noir (24 octobre 1929).Poét. « La lutte était ardente et noire » (Hugo),terrible. Colère noire.
Loc. Regarder qqn d'un œil noir, avec irritation, colère.
2Marqué par le mal. mauvais, méchant. Magie noire. Messe noire. Roman, film noir. Humour noir. Liste noire.
Vieilli ou littér. Des crimes si noirs. atroce, odieux. Noire ingratitude. Noire calomnie. « quelque noir projet de vengeance » (Gautier).
3(1940) Dont le profit est illégal. Marché noir, clandestin. Ellipt Acheter une denrée au noir. Travail au noir, non déclaré cf. fam. Au black. Travail au noir d'immigrés clandestins. Par ext. Travail noir. Caisse noire.
II N. A N. m.
1(XIIe) Couleur noire. Un noir d'ébène. « la monotonie de ces couleurs, noir gluant du goudron ouvert, noir terne des habits, noir laqué des voitures » (Camus). Noir d'encre. Un beau noir. Noir profond. Porter du noir, être en noir (spécialt en signe de deuil).Loc. C'est écrit noir sur blanc, de façon visible, incontestable. Vous me mettrez noir sur blanc tous ces projets, par écrit. — La couleur noire aux jeux (opposé à rouge). Le noir est sorti. Centre d'une cible de tir. Mettre dans le noir. Film, photo en noir et blanc (opposé à en couleur) .
2Ténèbres, nuit. obscurité. Enfant qui a peur dans le noir. Fam. Il a peur du noir. Loc. Être dans le noir, dans le noir le plus complet, ne rien comprendre à qqch. (cf. Être dans le brouillard).
3Matière colorante noire (produit naturel ou de synthèse). colorant. (1825) NOIR ANIMAL, obtenu par calcination en vase clos de diverses matières animales (spécialt des os). ⇒ charbon. Broyer du noir. (1620) NOIR DE FUMÉE, obtenu par combustion incomplète de corps riches en carbone, tels que les résidus de l'industrie des résines. ⇒ suie.
Trace de salissure. Avoir du noir sur la joue, être sali de noir. Être barbouillé de noir. Se mettre du noir aux yeux (maquillage). khôl, mascara.
4Fig. LE NOIR : symbole de la mélancolie, du pessimisme. EN NOIR; AU NOIR. Voir tout en noir. « permets-moi de te dire que tu pousses au noir [...] , tu vois tout en noir » (Sarraute). Pousser les choses au noir : être exagérément pessimiste, alarmiste. Les « “pessimistes de la plume” : ils cherchent un “beau noir”, dirait un peintre » (Valéry). Fam. Vx Tristesse. Il a le noir. cafard.
5Partie noire d'une chose. Les noirs d'une gravure : les parties fortement ombrées. ⇒ hachure. Les noirs et les clairs d'un tableau.
Agric. Maladie des plantes dont certains organes noircissent. Noir des grains. charbon. Noir du seigle. ergot. Noir de l'olivier. fumagine.
B(1556) Homme, femme de race noire. fam. black. Les Noirs d'Afrique ( négro-africain) . Les Noirs américains, des États-Unis ( afro-américain, négro-américain) . « le plus redoutable de tous les maux qui menacent l'avenir des États-Unis naît de la présence des noirs sur leur sol » (Tocqueville). Une Noire. REM. Noir a remplacé nègre, considéré comme péj., néanmoins récemment repris dans les textes didactiques. ⊗ CONTR. 1. Blanc, blond, clair. Gai, optimiste. Pur.

noir adverbe Il fait noir, la nuit est sombre ; l'obscurité est complète dans une pièce, un local. Il fait noir comme dans un four, comme dans la gueule d'un loup, comme dans un tunnel, l'obscurité est totale. ● noir nom masculin Couleur noire : Teindre en noir. Matière colorante de couleur noire : Un tube de noir. Vêtements noirs (couleur du deuil dans certaines cultures) : Être en noir. Marque, trace de salissure : Avoir du noir sur le front. Obscurité, nuit, ténèbres : Ne pas avoir peur du noir. Bâtiment Ouvrage de métallerie qui n'a été ni poli ni blanchi à la lime. Beaux-arts Partie noire ou fortement ombrée d'une peinture, d'une estampe, d'un dessin. Métallurgie Matière pulvérulente ou liquide à base de charbon de bois, de houille et de graphite, utilisée en fonderie pour garnir les parois des moules afin d'empêcher l'adhérence du sable au métal coulé. Militaire Centre d'une cible de tir. Zoologie Synonyme de encre. ● noir (expressions) adverbe Il fait noir, la nuit est sombre ; l'obscurité est complète dans une pièce, un local. Il fait noir comme dans un four, comme dans la gueule d'un loup, comme dans un tunnel, l'obscurité est totale. ● noir (citations) nom masculin Francis Bacon, baron Verulam Londres 1561-Londres 1626 Dans le noir toutes les couleurs s'accordent. All colours will agree in the dark. Essays, 3noir (expressions) nom masculin Au noir, en se faisant payer de la main à la main, sans avoir à supporter les charges (sociales et fiscales notamment) afférentes à l'exercice d'une profession : Personne qui travaille au noir. Familier. Avoir le noir, avoir le cafard. En noir et blanc, se dit d'un film qui n'est pas en couleurs. Être dans le noir (le plus complet), ne rien comprendre à quelque chose. Mettre, écrire quelque chose noir sur blanc, l'écrire sur une feuille de papier, l'énoncer d'une manière formelle, incontestable. Passer du blanc au noir, passer d'un extrême à l'autre, changer complètement d'avis. Familier. (Petit) noir, café noir pris dans un débit de boissons. Pousser au noir, noircir la situation. Voir les choses (tout) en noir, les considérer sous l'aspect le plus sombre. Noir d'acétylène, carbone très fin, obtenu par décomposition de l'acétylène à 1 000 °C. Noir d'aniline, composé obtenu par oxydation chromique de l'aniline en présence de sulfate de cuivre. Noir de carbone, noir de fumée, pigment noir constitué par de fines particules de carbone. Noir d'ivoire, noir de velours, pigment noir obtenu industriellement par calcination des os. Noir de manganèse, bioxyde de manganèse précipité. Noir au blanc, inversion des valeurs, ce qui était blanc devenant noir et inversement. Noir antique, marbre noir à grands ramages blancs. Noir belge, marbre noir à veines blanches. Noir coquillé d'Izeste ou d'Aspin, marbre bleu turquoise plus ou moins foncé, tacheté. En noir et blanc, qui ne comporte que des blancs, noirs et gris. Poche du noir, organe des céphalopodes contenant l'encre ou sépia. ● noir (synonymes) nom masculin Couleur noire
Contraires :
Marque, trace de salissure
Synonymes :
Obscurité, nuit, ténèbres
Synonymes :
Contraires :
- lumière
Être dans le noir (le plus complet)
Synonymes :
- incohérence
Voir les choses (tout) en noir
Contraires :
Imprimerie. Noir au blanc
Synonymes :
- en réserve
Photographie. En noir et blanc
Synonymes :
noir, noire adjectif (latin niger) Se dit de la couleur la plus foncée, due à l'absence ou à l'absorption totale des rayons lumineux, par opposition au blanc et aux autres couleurs ; qui a cette couleur : Cheveux noirs. Se dit de quelqu'un dont les traits sont principalement caractérisés par une pigmentation très foncée de la peau, par opposition à blanc, jaune ; se dit aussi des régions habitées par des Noirs : C'est un chanteur noir. L'Afrique noire. Qui est de couleur relativement foncée, en particulier par opposition à quelque chose de même nature, mais de couleur claire : Raisin noir. Qui est sans luminosité ; obscur, sombre : Ciel noir. Familier. Qui est bien bronzé : Il est revenu noir de ses vacances. Qui est sale, taché ou terni : Tes mains sont noires, va les laver. Qui marque ou manifeste le pessimisme, la tristesse, le malheur : Avoir des idées noires. Inspiré par la perversité, la méchanceté : Une âme noire. De noirs desseins. Se dit d'une période marquée par quelque chose de très mauvais, de catastrophique : Ça a été une année noire pour la récolte du vin. Pédologie Se dit de la coloration d'un sol, liée à celle de la roche mère, à la hauteur de la décomposition de la matière organique ou à la présence d'oxydes de manganèse. ● noir, noire (expressions) adjectif (latin niger) Populaire. Être noir, être ivre. Café noir, café pur, sans lait. Noir comme l'encre, comme un corbeau, comme du charbon, extrêmement noir. Nuit noire, nuit complète, sans lune, sans étoiles. Roman, film noir, dont l'intrigue, l'atmosphère sont terrifiantes. Viande noire, viande de gibier. Travail (au) noir, travail rémunéré exécuté en violation des dispositions législatives et réglementaires, sociales ou fiscales, régissant l'exercice d'une activité professionnelle. Couleur noire, carte, jeton, boule, numéro ou case de couleur noire. Roman noir, genre littéraire du XIXe s. anglais, mettant en scène des aventures macabres, des brigands, des fantômes, etc. ; fiction romanesque aux scènes réalistes, relevant de la littérature policière. Corps noir, système, maintenu à température constante, qui absorbe intégralement tout le rayonnement qu'il reçoit. (Un corps noir est une enceinte opaque présentant une très petite ouverture. La densité d'énergie émise par un tel dispositif est donnée par la loi de Stefan.) Race noire du Velay ou race noire de bains, race de moutons de Haute-Loire, de couleur noire, apte au désaisonnement. ● noir, noire (synonymes) adjectif (latin niger) Qui est de couleur relativement foncée, en particulier par opposition à...
Synonymes :
- noirâtre
Contraires :
- immaculé
- pâle
Qui est sans luminosité ; obscur, sombre
Synonymes :
- assombri
- menaçant
- ténébreux
Contraires :
- éclairé
- éclatant
- ensoleillé
- pur
Qui est sale, taché ou terni
Synonymes :
- barbouillé
- charbonné
- mâchuré
- maculé
- sali
- souillé
- taché
Contraires :
- net
Qui marque ou manifeste le pessimisme, la tristesse, le malheur
Synonymes :
- funèbre
Contraires :
- gai
Inspiré par la perversité, la méchanceté
Synonymes :
- scélérat
Contraires :
- bon
- pur
Se dit d'une période marquée par quelque chose de très mauvais...
Synonymes :
- épouvantable
noir, noire nom (avec majuscule) Personne caractérisée principalement par une pigmentation sombre de la peau. ● noir, noire (citations) nom Alexis Clérel de Tocqueville Paris 1805-Cannes 1859 Le plus redoutable de tous les maux qui menacent l'avenir des États-Unis naît de la présence des Noirs sur leur sol. De la démocratie en Amérique Commentaire Écrit en 1835. ● noir, noire (difficultés) nom Orthographe Jamais de majuscule pour l'adjectif : le blues et le gospel, sources de la musique noire américaine. - Toujours avec une majuscule pour le nom désignant une personne : un Noir, une Noire, les Noirs. Emploi Comme nom (= personne noire) et comme adjectif (= qui concerne les personnes noires, les peuples d'Afrique ou issus de l'Afrique), noir remplace dans presque tous ses emplois le mot nègre, aux connotations méprisantes et racistes. → nègre

noir, noire
adj., adv. et n.
rI./r adj.
d1./d Qui est de la couleur la plus sombre, propre aux corps dont la surface ne réfléchit aucune radiation visible. Noir comme du jais.
|| PHYS Corps noir: corps qui absorbe totalement le rayonnement thermique qu'il reçoit et qui peut le réémettre.
Lumière noire: rayonnement ultraviolet utilisé pour obtenir certains effets décoratifs de fluorescence.
d2./d De teinte relativement foncée. Raisin noir.
|| (Québec) Sou noir: pièce en alliage cuivreux valant un centième de dollar.
|| Spécial. Que la poussière, la saleté a assombri. Chemise dont le col est tout noir.
d3./d Où il n'y a pas de lumière. Cachot noir. Nuit noire.
|| Loc. Il fait noir, sombre.
d4./d Fig. Caractérisé par la tristesse, le malheur. Des idées noires. Une période noire.
d5./d Inspiré par ce qu'il y a de plus mauvais en l'homme. De noirs desseins. Une noire ingratitude.
Messe noire: parodie sacrilège de la messe, célébrée en l'honneur du Diable.
|| Roman, film noir, sombre, pessimiste ou traitant de crimes et de violence.
|| C'est sa bête noire: la chose, la personne qu'il déteste le plus au monde.
d6./d Qui est à la fois illégal et secret. Marché noir. Travail (au) noir ou (Belgique) en noir, qui n'est pas déclaré. Liste noire. Caisse noire, constituée de fonds secrets.
rII./r adj. et n. Qui appartient à la grand-race humaine caractérisée par une pigmentation très prononcée de la peau. Des enfants noirs.
Subst. Les Noirs des États-Unis.
rIII/r n. m.
d1./d Couleur noire. Un noir profond et mat. S'habiller en noir.
Fig. C'est écrit noir sur blanc, clairement, d'une manière qui ne prête pas à équivoque.
|| Fig. Voir tout en noir: être très pessimiste.
d2./d Substance de couleur noire utilisée comme colorant. Noir animal. Noir de fumée, de carbone, d'aniline.
(Québec) Noir à chaussures: cirage noir.
|| Fig. Broyer du noir: être déprimé.
d3./d Obscurité. Avancer à tâtons dans le noir.
rIV./r adv. (Québec) Fam. (Marquant l'intensité.) être fâché, enragé, insulté noir: V. rouge (sens II).

⇒NOIR, NOIRE, adj. et subst.
I. Emploi adj.
A. —[Gén. postposé] Caractérisé par l'absence de couleur (ou par une couleur très sombre) ou bien par l'absence de lumière.
1. Caractérisé par l'absence de couleur (aucune radiation visible n'étant réfléchie) ou par une couleur très sombre.
Rem. À strictement parler, noir ne désigne pas une couleur. Le corps noir absorbe intégralement les rayons qu'il reçoit à sa surface. Mais la langue retient le fait que le noir produit une impression visuelle analogue à celle des couleurs et admet couramment la couleur noire.
a) Qui est de la couleur la plus sombre. L'épaisse et noire colonne de fumée qui s'éleva (...) de la place du Vieux-Marché (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p.150). Là-bas, des petites taches noires disséminées. Il regardait. Alors il remarquait que deux taches, d'abord assez distantes l'une de l'autre, s'étaient rapprochées. C'étaient bien les taureaux (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.434).
SYNT. De l'encre noire; crayon noir; étoffe, satin, velours, drap noir(e); des vêtements noirs de veuve; robe noire; cheveux, cils, poils noirs; yeux noirs; boule noire; perle noire; le tableau noir; être noir de cheveux; noir comme un corbeau, une taupe, du jais; noir comme la suie, comme de l'ébène.
Point noir
♦Synon. de comédon. Après rinçage et séchage, dégraissage de la peau; expression des points noirs pour éliminer le sébum (QUILLET Méd. 1965, p.303).
♦ ,,Petit nuage noir qui annonce l'orage`` (LITTRÉ).
Au fig. Menace d'échec, de trouble, de malheur. La richesse terrienne n'est point exposée aux vicissitudes qui sont le point noir des valeurs de bourse (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p.130).
Néol. ,,Sur une route: croisement, virage, etc., très dangereux`` (GILB. 1980).
Moines noirs. V. moine I A. Bénédictin noir. On vit bientôt se présenter au château un noir Bénédictin aux yeux de braise ardente (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p.241).
HIST. Parti noir (celui des députés de l'Assemblée constituante qui siégeaient plus à droite que les monarchistes, et qui arboraient en 1789 une cocarde noire [d'apr. Lar. Lang. fr.]). Blousons noirs. V. fan ex. Drapeau noir. Chemises noires (celles des fascistes et p.méton. les fascistes eux-mêmes). L'action directe des chemises noires s'exerce plus d'une fois contre les sièges de journaux adverses (Civilis. écr., 1939, p.38-16). Terrorisme noir. Quels sigles terroristes vont donc dominer la scène italienne? Les «rouges» ou les «noirs»? Le «front armé» de gauche ou celui de droite? Le terrorisme noir a fait le premier sa rentrée politique: le 2 août à Bologne (quatre-vingt-quatre morts), puis le 2 septembre, à Rome, avec l'assassinat de Maurizio Di Leo (Le Nouvel Observateur, 20 sept. 1980, p.53, col. 2).
PHYS. Corps noir. ,,Modèle théorique imaginé par les physiciens pour ses propriétés simples et qui est supposé absorber tout un rayonnement reçu par sa surface, laquelle, par conséquent, ne diffuse ni ne réfléchit`` (MULLER 1966, s.v. corps noir).
Locutions
Marquer qqc. d'un caillou noir (rare). Considérer quelque chose comme défavorable (v. caillou B 2 c). Les jours à marquer d'un caillou noir, il ignorait toujours que c'étaient ceux où elle avait vainement attendu la lettre de Ludwig (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p.96).
Bête noire. V. bête1 II C 1 b et II C 2 a.
Qqn1/qqc.1 est la bête noire de qqn2. Quelqu'un a quelqu'un ou quelque chose en horreur. M. Bremond est un pur mystique. La raison est sa bête noire (BREMOND, Poés. pure, 1926, p.42). Ils ne m'aimaient pas, ces Delahaie. Leur bête noire, voilà ce que j'étais. Leur bête noire! (DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p.39).
En partic. [En parlant des produits qui servent à donner la couleur noire] Colorant noir; laque noire. Le pigment noir qui donne la couleur aux encres est obtenu par combustion incomplète de matières animales, minérales ou végétales (BÉG. Estampe 1977).
b) P. ext. Qui est d'une couleur foncée. Le reste nous était caché par des mamelons couverts de noires forêts de pins (LAMART., Voy. Orient, t.2, 1835, p.80). Le chien s'appelait Noiraud parce qu'il était noir (AYMÉ, Jument, 1933, p.73).
[En parlant d'un lieu] Être noir de monde. Les gradins noirs de gens (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p.122).
En partic. (dans des loc. nom. plus ou moins figées où noir ne peut guère être modifié par un adv.).
Boîte noire. V. boîte I B 2 b.
Habit noir (vieilli). Vêtement habillé, tenue de cérémonie. Rumphius, l'égyptologue, conservait, même sous ce brûlant climat, l'habit noir traditionnel du savant avec ses pans flasques, son collet recroquevillé, ses boutons éraillés (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p.153).
Lunettes noires. Synon. lunettes de soleil. V. lunette C 1 a.
Marée noire. Or noir.
Pierre noire. À la Mecque, pierre en basalte ou en lave qui fut apportée à Abraham par Gabriel. De longues caravanes de pèlerins traversent tous les ans une partie de l'Asie pour aller baiser une pierre noire à La Mecque (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p.344).
Savon noir.
Terres noires, sols noirs. ,,Terme général et imprécis désignant des sols de couleur noire, en général`` (GEORGE 1970). Synon. tchernoziom.
Vierge noire. ,,Se dit de certaines statues anciennes de la Vierge, généralement sculptées dans le bois et qui sont de couleur très sombre. La Vierge noire du Puy ``(Ac. 1935).
Domaine de l'alim.
Blé noir.
Beurre noir. Beurre fondu et foncé à la chaleur. Elle sent la raie au beurre noir (GONCOURT, Journal, 1864, p.36). Au fig. Avoir, pocher les yeux au beurre noir. V. beurre A.
Café noir (p. oppos. à café au lait et à café crème). Lieu noir (p. oppos. à lieu jaune). Morue noire (p. oppos. à morue blanche ou verte). Radis noir (p. oppos. à radis rose). Raisin noir (p. oppos. à raisin blanc). Pain noir (p.oppos. à pain blanc). Poivre noir (p. oppos. à poivre rouge, gris ou blanc).
(Viandes) noires. Viandes qui tirent sur le noir, comme la chair du lièvre, p. oppos. aux viandes blanches (veau, poulet). Quant à la volaille noire, telle que les oies et canards, on peut, attendu la fermeté de leur peau, les exposer sans inconvénient à un feu vif (AUDOT, Cuisin. campagne et ville, 1896, p.628).
MÉD. Maladie noire (vx). ,,Le meloena ou la maladie noire que constitue une hématémèse chronique`` (Encyclop. méthod. Méd. t.10 1821). Sang noir. Sang carboné ou caillé. Dans le ventricule, il y a un mélange de sang noir, venant de l'oreillette droite, et de sang rouge venant de l'oreillette gauche (COUPIN, Animaux de nos pays, 1909, p.156). Ses mains avaient du sang noir séché sous les ongles (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.563).
BOT., ZOOL. [Qualifie des animaux ou des plantes caractérisés, pour tout ou partie, par leur couleur plus foncée que d'autres de la même espèce] Race noire du Velay; aigle, canard, milan, rat noir; macreuse noire; chêne, hêtre noir.
En emploi adv. Le vieux cracha noir (ZOLA, Germinal, 1885, p.1136).
c) P. exagér. Rendu foncé
Rendu foncé par une meurtrissure. Elle ôta sa camisole pour montrer son dos et ses bras noirs de coups (ZOLA, Nana, 1880, p.1308).
Rendu foncé par la saleté, la poussière, la pollution. Façade, maison noire; mains noires; être noir de suie. De maigres doigts jaunes et noirs de boue (RIMBAUD, Poés., 1871, p.96). Une vieille femme, presque aveugle, y étalait trois ou quatre sacs de lentilles et de haricots, noirs de poussière (ZOLA, Germinal, 1885, p.1363). Ces figures violettes de froid, noires de crasse (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.84). Quand les noires cités névropathes auront enfin rendu la vie des leurs intenable (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.471).
♦[En parlant d'une pers.] Des ouvriers noirs de charbon (ZOLA, Nana, 1880, p.1455). Passe le noir mécanicien, chargé d'outils et de bidons (ALAIN, Propos, 1921, p.248).
Les gueules noires. Pied(-)noir.
Rendu foncé par les rayons du soleil. Synon. basané, bronzé, hâlé. L'été, j'ai les bras tout noirs (AUDIBERTI, Mal court, 1947, II, p.155).
d) P. anal., rare. Caractérisé par l'absence d'harmoniques:
1. Les instruments à percussion, timbales, grosse-caisse, font de grands trous noirs [it. ds le texte] dans la masse [orchestrale]; le roulement du tambour est grisâtre...
LAVIGNAC, Mus. et musiciens, 1895, p.213.
2. Caractérisé par l'absence de lumière, plongé dans l'obscurité. Synon. sombre. Rues étroites et noires; pièce, entrée noire. Combien de repos haletants sur les marches, dans le petit escalier noir et tortueux? (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Mis. hum., 1886, p.648). La façade de Saint-Jean, surmontée de statues qui dansaient, profilaient leurs noires silhouettes (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1450).
Lumière noire. V. lumière A 2 a. Il fait noir, nuit noire; à la nuit noire. Il fait noir. On n'y voit goutte (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.335). Il était nuit noire et Zarouk me répondit (...) qu'il nous suffisait d'avancer dans la direction d'une grosse planète bleu pâle qui se levait à l'horizon (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.181).
Au fig. J'ouvre les yeux, elle les ouvre et tout de suite il fait noir dans son coeur (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.174).
Il fait noir comme dans un four (v. four A); noir comme dans le cul d'un nègre (vulg.).
Un temps noir. Un temps très couvert. Un matelot m'avait volé ma montre. (...) il s'était réfugié sur la troisième vergue, à quarante-quatre mètres du pont. Il faisait un temps de cochon noir. L'homme avait son couteau (AUDIBERTI, Quoat, 1946, 2e tabl., p.67).
[P. méton.]
Silence noir. Silence qui règne dans un lieu sombre ou sous un ciel couvert. Dans le grand silence noir des arbres immobiles (ZOLA, Débâcle, 1892, p.478).
Vent noir (région.). Vent du nord, vent glacial qui règne par temps couvert. Synon. bise noire. Dans les mois du vent noir et des brouillards plombés Les pétales du vieil automne sont tombés (SAMAIN, Chariot, 1900, p.40).
PHOT. Chambre noire. Instrument d'optique où on ne laisse entrer les rayons lumineux que par une ouverture étroite:
2. Mais la photographie ne consiste pas seulement à former une image nette dans une chambre noire, ou à la projeter sur un écran, il s'agit essentiellement de la capter sur une surface sensible pour pouvoir obtenir un cliché négatif et une épreuve.
PRINET, Phot., 1945, p.35.
ASTRON. Trou noir. ,,Objet extrêmement dense, au point que les rayons lumineux ne peuvent plus parvenir à un observateur lointain, du fait de la courbure de l'espace introduite par cet objet`` (Astron. 1973, s.v. trou noir).
MÉD. Voile noir. ,,Trouble de la vision observé chez les aviateurs pilotant des appareils rapides lors de virages serrés... (cécité passagère)`` (Méd. Biol. t.1 1970, s.v. anopsie des aviateurs).
B. —[Parfois antéposé] Au fig.
1. Qui inspire de l'inquiétude, de la mélancolie; qui est terrifiant. Noirs pressentiments; noires pensées; pessimisme noir. Un noir chagrin dévore l'ame de Lusignan (COTTIN, Mathilde, t.2, 1805, p.264). Il est deux noirs instincts qui bravent la raison: Le goût de suicide et la soif du poison (AMIEL, Journal, 1866, p.255). Elle resta ensuite six mois très faible et tourmentée par des idées noires (JANET, Obsess. et psychasth., 1903, p.36).
Faire un tableau noir de la situation. Présenter une situation comme mauvaise. Le commandant de la 2e armée me fit un tableau très noir de la situation de son armée (JOFFRE, Mém., t.1, 1931, p.408).
Série noire. Suite d'événements malheureux. Allons, décidément, c'est la série noire qui continue! (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p.463).
Série à la noire (rare). L'accident arrivé à son fils complète pour Christian une vraie série à la noire (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p.446).
[En parlant du moment où des événements fâcheux ont lieu] Aux jours noirs de l'été 40, dans la débâcle générale (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.273):
3. ... la Bourse venait de vivre une journée de débâcle. Un «mardi noir», disait-on déjà, par référence au triste «jeudi noir» de Wall Street, qui avait donné le signal de la grande crise de 1929.
Le Nouvel Observateur, 18 oct. 1976, p.22, col. 2.
OEil, regard noir. Regard irrité et menaçant. Arthur (...) me regardait d'un oeil noir et farouche (BRIZEUX, Marie, 1840, p.78). Alban lui proposa son billet, mais le vieillard lui fit un oeil noir, croyant qu'il s'agissait d'un revendeur suspect (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.482). Madame de Curel me lance un regard noir (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.145).
En partic. Littérature, série noire, roman noir. Qui évoque des péripéties terrifiantes, notamment meurtrières. Aujourd'hui encore, je lis plus volontiers les «Série Noire» que Wittgenstein (SARTRE, Mots, 1964, p.61).
Rem. Les romans de la «série noire» paraissent sous couverture noire.
Humour noir.
MÉD., vx. Bile noire, vapeurs noires.
2. Qui est répréhensible, immoral ou illégal. Noirs projets, desseins; noirs complots; noire ingratitude; méchanceté, âme noire. Le monde est moins noir qu'il n'en a l'air. Les bons instincts y sont représentés comme les mauvais (AMIEL, Journal, 1866, p.277). J'ai voulu tout avoir. Simplement. C'est le côté noir de ma vie (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1935, p.22).
Argent noir (v. infra II B 2 travail au noir). Il s'agissait de blanchir «l'argent noir», souci majeur des Américains ayant des ressources illicites (Le Point, 12 janv. 1976, p.106, col. 3).
Bande noire. ,,Association de spéculateurs, d'hommes d'affaires qui s'entendent pour acheter à bas prix des propriétés, des objets mis en vente, qu'ils revendent ensuite à profits communs très élevés`` (Ac. 1935):
4. ... je fais des voeux pour la bande noire (...). Je prie Dieu qu'elle achète Chambord (...), qu'elle l'achète six millions (...) que le tout soit revendu à huit millions à trois ou quatre mille familles (...). Je trouve à cela beaucoup et de grands avantages pour le public et pour un nombre infini de particuliers.
COURIER, Pamphlets pol., Disc. souscr. acquis. de Chambord, 1821, p.85.
Caisse noire. Fonds qui échappent à la comptabilité légale. Je vous demande un million de marks à prélever sur notre caisse noire (L. DAUDET, Ciel de feu, 1934, p.246).
Liste noire. Liste des suspects, des exclus. Tu seras inscrit, moralement, sur une liste noire, où figurent les types nébuleux, incapables, comme ils disent, de faire un homme d'état (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.155).
Magie noire. Marché noir. Messe noire.
Travail, salaire noir. ,,Clandestin, en dehors de la légalité. S'adonner au travail noir`` (GILB. 1980).
Il n'est pas si diable qu'il est noir (vx). ,,Il n'est pas si méchant qu'il le paraît`` (Ac. 1935).
Rendre noir (vx). ,,Diffamer, faire passer quelqu'un pour méchant, pour criminel. On l'a rendu bien noir dans cette affaire`` (Ac. 1935). Synon. noircir.
HIST. Le cabinet noir. ,,Bureau du ministère de l'intérieur où sont envoyées les lettres de toute personne compromise ou réputée hostile au gouvernement (...). Le cabinet noir a fonctionné sous toutes les monarchies; supprimé à la révolution de juillet 1830, il fut rétabli sous le second empire`` (FRANCE 1907).
3. Qui transgresse toute norme; qui atteint un état extrême. Une misère noire. Au fond de la plus noire douleur j'ai surtout souffert de trouver des limites à ma faculté de l'exprimer (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1935, p.25).
Être noir de colère. Être dans une colère extrême. Henriette était noire de colère, ses yeux carrés brûlaient les passants, les tramways, le ciel gris sur lesquels ils se posaient (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.137).
Être noir de rire. Être ivre de rire. Les autres étaient noirs de rire. Ils se donnaient de grandes claques sur les cuisses pour mieux manifester leur joie (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.64).
En partic., pop. Être noir. Être ivre. (Ds ESN. 1966). On coursait les Allemands, on en ramassait qui étaient saouls, perdus, noirs comme du cirage (DORGELÈS ds Lar. Lang. fr.). Et quand il a la fièvre Quand il est noir quand il est couché le soir Des milliers et des milliers d'adresses Arrivent à toute vitesse et se bagarrent dans sa mémoire (PRÉVERT, Paroles, 1946, p.62).
La Peste noire. Épidémie qui a ravagé l'Europe au XIVe siècle. Le virus de la Peste Noire fut la cause première du dépeuplement de l'Europe (M. BLOCH, Apol. pour hist., 1944, p.101).
C. —Qui appartient à une race caractérisée essentiellement par la pigmentation très foncée de la peau. Race noire; peuples noirs; hommes et femmes noirs; esclaves noirs. Ce n'est pas parce que les hommes sont blancs ou noirs (...) qu'il leur faut des lois; mais parce qu'ils sont ambitieux, avares, voluptueux, féroces (BONALD, Législ. primit., t.1, 1802, p.192). Une grande richesse a été ajoutée, de main d'homme, d'homme blanc, noir ou jaune, sous la direction de la France, à l'état primitif du Tonkin, du Congo et de Madagascar (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p.131).
[P. méton.] Propre à cette race, habité par elle. Le problème noir; l'âme noire; le continent noir (l'Afrique); les quartiers noirs (de New York); art noir, poésie noire (v. fonctionnel ex. de Sartre). Je songe au drame hindou où l'affluence trop large et trop continue du sang noir provoque une rupture constante d'équilibre (FAURE, Espr. formes, 1927, p.68).
II. Emploi subst.
A. —[Correspond à supra I A] Au masc.
1. Couleur noire.
a) Caractère de ce qui est noir (cf. noirceur). Peindre en noir. Son manteau, d'un noir foncé, est semé d'étoiles et bordé d'une frange lumineuse (NERVAL, Filles feu, Isis, 1854, p.657). Ses grosses moustaches étaient d'un noir d'encre (ZOLA, Germinal, 1885, p.1200). Sous le ciel givré d'astres et d'un noir bleuté insondable (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.271). Le noir absorbe la lumière et ne la rend pas. Il évoque, avant tout, le chaos, le néant, le ciel nocturne, les ténèbres terrestres de la nuit, le mal, l'angoisse, la tristesse, l'inconscience et la mort (Symboles 1969).
ARTS. [En parlant d'un tableau dont les couleurs ont noirci avec le temps] Pousser au noir. Noircir. Les tableaux ont poussé au noir et le coloris en est souvent peu agréable (MÉNARD, Hist. beaux-arts, 1882, p.165).
En noir et blanc. Anton. en couleurs. Film, reproduction, télévision en noir et blanc. Cela fait 4 vol. in-8., illustrés de nombreuses reproductions en noir et blanc des miniatures de Mir Muhammad (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.17).
Rem. Suivi d'un compl. déterm. (noir d'ébène, noir de jais) ou d'un adj. ou subst. apposé (noir franc, noir jais), noir est inv. et fonctionne comme substantif.
b) Matière colorante servant à teindre en noir. Noir d'acétylène, d'aniline, de Prusse. C'est un de ces papiers enduits de noir de fumée (CUREL, Nouv. idole, 1899, II, 3, p.201). Le noir animal s'obtient en calcinant des os en vase clos. En grains, il a des propriétés décolorantes et désinfectantes; en poudre fine, il sert en teinture. Le noir de fumée s'obtient en recueillant la fumée de bois résineux, d'huiles impures, etc. Le noir d'ivoire résulte de la calcination d'ivoire pulvérisé. Le noir de pêche, de la calcination de noyaux de pêche (Lar. mén. 1926).
2. [Sert à désigner des parties d'objets ou des objets caractérisés par la couleur noire]
[En parlant de vêtements, de tentures, notamment pour marquer le deuil] Un vaste appartement tendu de noir (COTTIN, Mathilde, t.2, 1805, p.340). Elle était tout en noir et voilée (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p.259). Un homme vêtu de noir (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.531).
[P. allus. à la couleur noire de l'habit des prêtres] Quelques commentateurs ont soutenu (...) que le Rouge et le Noir [titre du roman de Stendhal, 1830] désignent le prêtre et le bourreau ou la tache sanglante dont sera éclaboussée la soutane noire. D'autres ont émis l'hypothèse que ces couleurs soulignaient le conflit des idées de la gauche libérale avec les menées des prêtres (...). Beyle de son côté (...) aurait donné une explication aussi plausible: Le Rouge signifierait que venu plus tôt Julien Sorel eût été soldat, mais, que dans l'époque où il vécut, il dut se faire prêtre, de là le Noir (H. MARTINEAU (introd., 1955) ds STENDHAL, Rouge et Noir, Paris, Garnier, p.IX).
Fam. Noir, petit noir. Café noir. Le petit noir est un café fabriqué dans des conditions extrêmement simples, lesquelles permettent de le débiter au prix très modique de dix centimes le bol. Été comme hiver, la marchande de petits noirs est à son poste (Comic-Finance, 14 janv. 1869, 2e année, numéro 2 ds QUEM. DDL t.18).
ARTS GRAPH. Parties noires d'un dessin, d'un tableau. Par ses grands blancs et ses noirs profonds, elle [l'héliogravure] rend avec vigueur les contrastes (Civilis. écr., 1939, p.10-13). Les parties d'un dessin ou d'une gravure en noir et blanc, qui sont dessinées ou imprimées très fortement par rapport aux blancs du papier et aux parties plus légèrement traitées. On oppose les noirs d'un dessin aux clairs, parfois aux blancs ou aux lumières (BÉG. Dessin 1978).
Noir au blanc. ,,Impression dont le fond est noir et les textes et illustrations blancs. Il s'agit donc d'une inversion des valeurs d'une impression, c'est pourquoi le noir au blanc est souvent nommé «texte composé ou dessiné réclamé en inversion`` (CHAM. 1969). Synon. (sur écran cathodique) vidéo inverse.
,,Centre d'une carte, d'une cible où il y a un cercle noir dans lequel les tireurs cherchent à mettre le coup`` (LITTRÉ).
Fam., vieilli. Mettre dans le noir. Réussir. Synon. mettre dans le mille. (Ds DG).
Mettre les choses noir sur blanc. Par écrit. J'aime (...) à mettre les choses noir sur blanc. Mais quand j'essaie de commencer un rapport, la plume me tombe des mains (GRACQ, Syrtes, 1951, p.101).
Passer, aller du blanc au noir. ,,Passer d'une opinion à l'opinion contraire, passer d'une extrémité à l'autre`` (Ac. 1798-1878). Si vous lui dites blanc, il répondra noir. ,,Il se plaît à contredire`` (Ac. 1878). Les deux ministres se contredisaient, l'un disant blanc, l'autre disant noir (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p.222).
Être au noir. ,,Expression de marine signifiant pour un navire pétrolier qu'il transporte des produits noirs [les produits pétroliers les plus denses]`` (Pétrol. 1964).
AGRIC. Le noir des céréales. ,,Maladie des céréales et spécialement du froment, produite par un champignon (puccinie des graminées, uredo frumenti)`` (LITTRÉ). Au milieu des grains de lupuline [du houblon], on recherche les vestiges de maladie et notamment du miellat et du noir (BOULLANGER, Malt., brass., 1934, p.63).
Meurtrissure (supra I A 1 c). Synon. bleu:
5. —Non, Monsieur, laissez-moi, je ne joue plus avec vous. —Et pourquoi, ma grosse Victoire? —Parce que vous me pincez. —Oh! si doucement. —Avec ça! J'ai le derrière couvert de noirs.
Les Propos du Commandeur ds FRANCE 1907.
Arg. ,,L'opium. [argot des opiomanes]`` (SANDRY, CARRÈRE, Dict. arg. mod., 1953, p.218). P. oppos. à la blanche, «la cocaïne».
3. Obscurité, ténèbres. Il donnait des signes d'inquiétude, sondait anxieusement le noir autour de lui (COURTELINE, Train 8h 47, 1888, 2e part., III, p.117). La nuit sidérale, impolluée, le noir absolu, lisse, vide, stérile (BERNANOS, Joie, 1929, p.642). Tremblant de peur comme un enfant dans le noir (PRÉVERT, Paroles, 1946, p.166).
Pot(-)au(-)noir. V. pot1.
B.Au fig., au masc.
1. [Suggère la tristesse, la mélancolie, l'inquiétude] Pousser les choses au noir. À ses yeux, ce mot cruel la cinquantaine jetait du noir sur toute sa vie (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.126). N'a-t-elle pas cédé un peu vite, et surtout depuis l'envoi de mes présents?... Bon, je vois les choses trop en noir, et je ne devrais songer plutôt qu'à préparer ma rhétorique amoureuse (NERVAL, Filles feu, Corilla, 1854, p.666). Mais elle, qui ne bouge pas de la maison, aperçoit mieux que lui le noir des journées prochaines (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.231).
Broyer du noir. Vx. Faire du noir. S'enfoncer dans le noir, dans son noir (Ac. 1798-1878).
Pop. Être dans son noir. ,,Être taciturne,... dans son jour de mauvaise humeur`` (HAUTEL t.2 1808).
2. [Suggère l'idée d'illégalité, de normes transgressées]
Fam. Travailler au noir, travail au noir. En France, les lois n'interdisent pas aux cover-girls étrangères de venir travailler «au noir» pendant trois mois (Le Nouvel Observateur, 15 juin 1966, p.27, col. 3).
3. [Suggère l'incompréhension] Être dans le noir, être dans le noir le plus complet. ,,Ne rien comprendre à quelque chose, ne plus s'y retrouver`` (REY-CHANTR. Expr. 1979). Anton. y voir clair.
C. —[Désigne des pers.] Au masc. ou au fém.
1. Homme ou femme de race noire. Chez les Noirs, dans la morne Afrique, ou chez les Jaunes, au fond de l'effrayante Asie (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p.73). Le sens du rythme qui caractérise le Noir (FAURE, Espr. formes, 1927, p.97). Victime de la traite des Noirs et de l'esclavage, (...) Atar-Gull fut transporté (...) à la Jamaïque (SUE, Atar-Gull, 1831, p.37).
Rem. Noir/nègre. ,,Pour désigner les peuples de race noire, ces deux mots sont synonymes... Néanmoins le second terme (nègre) étant considéré par les Noirs eux-mêmes comme péjoratif, on emploie le premier de préférence`` (THOMAS 1956). V. aussi nègre I A rem. pour l'usage actuel.
2. Vx. Homme ou femme de race blanche qui a le teint ou les cheveux noirs. Il a épousé une brune, ou plutôt une noire (Lar. 19e).
3. HIST. Les noirs. ,,S'est dit des membres du côté droit de l'assemblée constituante, pendant qu'elle siégea au Manége: les membres du côté gauche furent appelés les blancs. Les modérés étaient appelés impartiaux noirs ou impartiaux blancs, selon le côté vers lequel ils penchaient`` (Ac. Compl. 1842).
REM. 1. Noirement, adv., littér., rare. a) [Correspond à supra I A] Hapax. En noir. On trouve assez aisément l'Imitation de Corneille (...) en de nobles in-quartos (...), noirement et largement imprimés (VALÉRY, Pièces sur art, 1931, p.31). b) [Correspond à supra I B] a/) De manière inquiétante, menaçante. La destinée, jusqu'alors simplement impitoyable, se manifeste! (...) noirement atroce (BLOY, Désesp., 1886, p.66). b/) De manière triste, sombre. Et la perspective de la rentrée, dans la maison, de Judith, qu'Estelle déteste (...) rend le ménage noirement songeur (GONCOURT, Journal, 1872, p.906). 2. Noirien, noirin, noireau, noirot, subst. masc. Cépage à raisins noirs cultivé en Languedoc et en basse Bourgogne (noirien), en Beaujolais et dans le Forez (noireau) (d'apr. FÉN. 1970). Une grappe de «noirot», raisins à jus très noir (MENON, LECOTTÉ, Vill. Fr., 2, 1954, p.75). Le groupe des noiriens avec le pinot, le gamay, le chardonnay... (LEVADOUX, Vigne, 1961, p.30). 3. Noirouffe, adj., pop. D'un noir foncé. Les toutes petites briques jaunes des murs, lesquelles briques jaunes deviennent au bout de très peu de temps obscurément rougeâtres, puis tout à fait noirouffes (VERLAINE, Corresp., t.1, 1872, p.78). Voir ID., Souv. et fantais., 1896, p.259. 4. Noir(e)té, (Noirté, Noireté)subst. fém., rare, région. Obscurité de la nuit tombante. Ils sont toute la journée dehors, et quelquefois encore à la noirté (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.315). 5. Noirpiaud, -aude, subst. ,,Un noirpiaud, dans le patois de la Thiérache, est un individu à teint sombre`` (A. LEFEBVRE ds RHEIMS 1969). V.noiraud. Tu ne criais pas quand on te battait. Dis, noirpiaude, vilaine! (CLAUDEL, Violaine, 1892, I, p.503).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Adj. A. Sens phys. 1. a) ca 1100 neir «se dit d'un corps qui ne réfléchit aucun rayon lumineux» (Roland, éd. J. Bédier, 982); ca 1160 noir (Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, 4012); b) ca 1393 «se dit de vêtements, en signe de deuil» (Ménagier de Paris, éd. Sté Bibliophiles fr., t.2, p.123: robes noires); c) [ca 1675 fig. bête «objet d'aversion» (RETZ, Mémoires ds OEuvres, éd. A. Feillet, t.1, p.224: Montrésor, qui étoit sa bête)] 1750 bête noire (FOUGERET DE MONBRON, Le Cosmopolite, p.61); d) 1790 hist. les Noirs (Motion du père Gérard, Pamphlet, 27 avr., in AULARD, La Société des Jacobins, I, 64, Jouaust ds QUEM. DDL t.11); e) 1859 le noir «le café» (MONSELET, Le Musée secret de Paris, 78-79 ds QUEM. DDL t.21); 1867 un petit noir (GONCOURT, Man. Salomon, p.364); 1874 café noir (Lar. 19e); f) 1904 phys. corps noir (Le Radium, nov. p.141); 2. ca 1100 neir «de race noire» (Roland, 1917: la neire gent); 1742 Code noir «édit de mars 1685 concernant le statut des esclaves noirs dans les colonies» (DUBOS, Hist. crit. de l'établissement de la monarchie fr. dans les Gaules, t.2, p.380); 3. a) ca 1120 neir «privé de lumière, plongé dans l'obscurité» (St Brandan, éd. I. Short et B. Merrilees, 1104: neir calin); b) 1re moitié XIVe s. [date ms.] expr. il fait noir (ADENET LE ROI, Berte, éd. A.Henry, 960: Jusqu'a tant que noir fist); c) 1758 opt. chambre noire (ROUSSEAU, Lettres à M. d'Alembert sur les spectacles, p.82); c) 1835 cabinet noir (Ac., s.v. cabinet); 4. a) ca 1160 noir «d'une couleur très foncée» (Enéas, 2270: char noire); b) 1546 pocher les yeux au beurre noir (RABELAIS, Tiers Livre, chap.XX, éd. M. A. Screech, p.149, 122: il m'a presque poché les oeilz au beurre noir); c) 1690 «meurtri» (FUR.: femme [...] toute noire de coups); d) 1690 «sale» (ibid.: mains [...] toutes noires de crasse); 5. ca 1174 neir «qui est plus sombre (dans son genre)» (ÉTIENNE DE FOUGÈRES, Livre des manières, éd. R. A. Lodge, 703: pein de neire paste); 1343 pain noir (VARIN, Arch. admin. de Reims, t.2, p.888); 1530 savon noir (PALSGR., p.198b); 6. a) 2e moitié XVIe s. anc. méd. bile noire (A. PARÉ, éd. J. Fr. Malgaigne, t.3, p.157a); b) 1604 humeur noire (MONTCHRESTIEN, Reine d'Écosse, p.75); 7. 1898 arg. «ivre» (arg. des typographes, s. réf. ds ESN.); 1901 (BRUANT, p.270 [arg. des lithographes]). B. Sens moral 1. a) 1re moitié XIIe s. neir «mauvais, méchant» (Lapidaires, éd. P. Studer et J. Evans, FFV 721, p.58); b) a/) 1630 magie noire (v. magie); b/) 1816 roman noir (J. des Débats, 8 août ds MACK. t.1, p.202); c/) 1857-67 messe noire (BAUDEL., Fl. du Mal, p.283); d/) 1939 humour noir (v. humour); 2. 1160-74 noir «triste» (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 3462: le cuer noir); 3. a) ca 1175 neire ire (Chronique Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 18081); 1563 cholère noire (PALISSY, Recepte, p.124); b) 1640 regarder noir «regarder d'un oeil plein de colère» (OUDIN Curiositez, p.372); 4. 1678 «entaché dans sa réputation» (LA FONTAINE, Fables, VII, I, 64); 5. Mystérieux, caché, clandestin a) 1702 liste noire (v. liste); b) 1882 caisse noire (v. caisse); c) 1941 marché noir (M. DÉAT ds L'OEuvre, 3 févr.); d) 1963 travail noir (Lar. encyclop.). II. Subst. A. Sens physique 1. a) 1re moitié XIIe s. neir «couleur noire» (Lapidaires, éd. citée, FFV 400, p.43); b) dernier quart du XIVe s. noir «la couleur noire, signe de deuil» (FROISSART, Chroniques, l. I, § 513, éd. S. Luce, t.6, p.108); 2. a) ca 1130 neir «partie noire de quelque chose» (Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 93); b) 1704 «centre d'une cible» (Trév.); c) 1817 art «partie noire d'un tableau, d'un dessin» (STENDHAL, Hist. peint. Ital., t.1, p.219); 3. ca 1200 «obscurité, ténèbres» (RAIMBERT DE PARIS, Ogier le Danois, éd. J. Barrois, 9069); 4. Matière colorante noire a) 1260 noir de chaudière (ÉTIENNE BOILEAU, Métiers, éd. G.-B. Depping, Titre L, p.119); b) XIVe s. noir «fard, maquillage» (Moamin, éd. H. Tjerneld, II, 48, 20); c) 1620 noir de fumée (MAYERNE, Pictoria, éd. Berger, p.210); d) 1825 noir animal (Annales de chim. et de phys., t.XXVIII, p.183 ds Fonds BARBIER); 5. 1556 «personne de race noire» (J. TEMPORAL, trad. : J. LÉON AFRICAIN, Description de l'Afrique, I, 5 ds QUEM. DDL t.21); 6. 1818 «maladie des plantes» (Nouv. dict. d'hist. nat. ds FEW t.7, p.131a). B. Sens moral 1. 1756 broyer du noir ([GRANDVAL], Le Tempérament, 15, Au Grand Caire ds QUEM. DDL t.19); 2. 1875 «ce que l'on ne comprend pas» (ZOLA, Faute Abbé Mouret, p.142: je ne vois que du noir). Du lat. niger «noir; sombre; funèbre, funeste; perfide». Au sens I A 6 a, bile noire est la trad. du gr. (v. mélancolie et atrabile). Fréq. abs. littér.: 25476. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 23556, b) 52005; XXe s.: a) 44486, b) 33626. Bbg. ESKENAZI (A.). Blanc et noir. B. Soc. Ling. 1977, t.72, pp.XV-XIX. —GRUNDT (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, pp.249-253. —KADIMA-TSHIMANGA. La Société ds le vocab.: Blancs, Noirs et Évolués. MOTS. 1982, n° 5, pp.25-50. —KRISTOL (A.M.). Color. Berne, 1978, pp.95-146. — QUEM. DDL t.3, 11, 20, 21.

noir, noire [nwaʀ] adj. et n.
ÉTYM. V. 1130; neir, 1080; du lat. niger. → Nègre.
———
I Adj.
A Concret. (Presque toujours après le nom).
1 Se dit de l'aspect d'un corps qui produit une impression particulière sur la vue du fait que sa surface ne réfléchit aucune radiation visible.REM. Noir, à proprement parler, ne désigne pas une couleur mais on dit couramment : la couleur noire. Noirceur, noircir; mélan-.
1 (…) il y a des corps qui, étant rencontrés par les rayons de la lumière, les amortissent et leur ôtent toute leur force, à savoir ceux qu'on nomme noirs, lesquels n'ont point d'autre couleur que les ténèbres (…)
Descartes, la Dioptrique, I.
Noir comme (du) jais, comme de l'encre, comme du cirage, comme du charbon, comme de l'ébène, comme l'aile du corbeau, comme un corbeau, comme une taupe… || Prunelle noire. || Yeux noirs (→ Brillant, cit. 7; éclat, cit. 22). || Barbe (cit. 10), sourcil (→ Arc, cit. 13), cheveux (cit. 9) noirs. || Poil noir (→ Foncé, cit. 9). || Moustache (→ Gris, cit. 10), mèche (cit. 7) noire.Animaux au poil, au plumage noir (→ Freux, cit. 1; lynx, cit. 1; macreuse, cit.). || Cheval ( Moreau), taureau, cerf, chat, griffon (cit. 3), corbeau, aigle noir (→ Aurochs, cit. 1; hennir, cit. 3; manoir, cit. 2). || Fourmi noire. || Grillons (cit. 2) noirs. || Écorce noire (→ Fibrille, cit. 2). || Fleurs roses et noires (→ Fumeterre, cit.). || Cerises (cit. 5) noires. || Marbre (cit. 1) noir (→ Jet, cit. 6). || La Pierre noire (Kaaba). || Corail noir.Or noir.
2 Le duc César, en grand costume, se détache.
Les yeux noirs, les cheveux noirs et le velours noir
Vont contrastant, parmi l'or somptueux d'un soir,
Avec la pâleur mate et belle du visage (…)
Verlaine, Poèmes saturniens, « César Borgia ».
2.1 Ce personnage, qui avait pris le train à la station d'Elko, était un homme de haute taille, très brun, moustaches noires, bas noirs, chapeau de soie noir, gilet noir, pantalon noir, cravate blanche, gants de peau de chien. On eût dit un révérend.
J. Verne, le Tour du monde en 80 jours, p. 233.
tableau Désignations de couleurs.
(Chasse). || Bêtes noires, au pelage noir (→ Courre, cit. 3; fourrer, cit. 37).Par plais. (vx). || « Le peuple appelle aussi la bête noire le commissaire quand il va en police » (Furetière). — ☑ Loc. mod. Être la bête (cit. 20) noire de qqn.
Drap, velours noir. || Vêtements, gilets (cit. 1), bas, souliers, habit (cit. 25), pantalon noir. || Robe, soutane, jaquette (cit. 2), mantille (cit. 1 et 2) noire.Spécialt. (En signe de deuil). || Mettre un costume noir, une cravate noire.Par ext. Qui porte un vêtement noir. || Nous voilà noirs du bas (cit. 48) jusqu'en haut. || Moines noirs, bénédictins.Le Prince Noir (à cause de la couleur de ses armes).(1790). || Le parti noir (ou les « noirs »), partisan de la restauration de l'Ancien Régime (à cause de la cocarde noire qu'ils arboraient en octobre 1789).
3 Un petit homme noir, familier de l'Inquisition (…)
Voltaire, Candide, V.
4 Tous deux avaient la robe noire, l'un de juge, l'autre de médecin. Ces deux sortes d'hommes portent le deuil des morts qu'ils font.
Hugo, l'Homme qui rit, II, IV, VIII.
Encre, poudre noire; crayon noir. || Gravure à la manière noire. || Tableau noir. || Lettres d'imprimerie (cit. 4) bien noires. || Cartes noires (trèfle, pique). || La couleur noire (à la boule, à la roulette). || Le huit noir est sorti. || Noir, impair et manque. || Boule noire (→ Blackbouler). || Plafond aux poutres noires et blanches (→ Boiserie, cit. 2). || Tuiles noires (→ Faîte, cit. 2). || Noires traînées de suie (→ Fumer, cit. 8). || Épaisse fumée noire (→ Mazout, cit.). || Un café (cit. 4) noir, bien noir (→ Gastrique, cit. 2). Fort.(1859). || Drapeau, pavillon noir. || Cordage noir. || Perles noires. || Laque noire.Vierges noires.
5 De temps immémorial, M. sur M. avait pour industrie spéciale l'imitation des jais anglais et des verroteries noires d'Allemagne. Cette industrie avait toujours végété (…) Au moment où Fantine revint (…), une transformation inouïe s'était opérée dans cette production des « articles noirs » (…) Un inconnu (…) avait eu l'idée de substituer, dans cette fabrication, la gomme laque à la résine (…)
Hugo, les Misérables, I, V, I.
(Phys.) || Corps noir : enceinte fermée, absorbant toutes les radiations qui tombent sur elle. Radiation, rayonnement. || Lumière noire.
6 L'idée de quantum d'Action a été introduite par le grand physicien allemand Max Planck en 1900 dans ses travaux sur le rayonnement noir (…) c'est le rayonnement contenu à l'état d'équilibre à l'intérieur d'une enceinte fermée dont les parois, ainsi que les corps matériels qu'elle peut contenir, sont maintenus à une certaine température absolue uniforme.
L. de Broglie, Ondes, corpuscules… I, 2.
Astron. || Trou noir.
2 Par exagér. Qui est d'une couleur (gris, brun, bleu…) très foncée, très bruni.REM. Se dit notamment dans certaines expressions où il s'oppose à blanc. || Teint noir. Basané, noiraud (→ Braise, cit. 4). || Être tout noir après un séjour à la mer. Bronzé, hâlé.REM. Dans la langue classique, à une époque où le teint hâlé était un signe négatif, noir est toujours péjoratif. || « Sec et noir comme écouvillon » (cit. 1, Villon). || « Fille noire, huileuse (cit. 3, Saint-Simon) et laide ».
7 La pâle est aux jasmins en blancheur comparable;
La noire à faire peur, une brune adorable (…)
Molière, le Misanthrope, II, 4.
8 L'on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent (…) quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine et en effet ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d'eau et de racines (…)
La Bruyère les Caractères, XI, 128.
(1690). Par suite d'une meurtrissure. Livide, meurtri. || Avoir la peau toute noire de coups. || Boxeur qui a l'œil tout noir au lendemain d'un combat (→ fam. L'œil au beurre noir). N. m. (Vieilli). || Être couvert de noirs. Bleu.
9 Sur les côtes, de minces zébrures violettes descendaient jusqu'aux cuisses, les cinglements du fouet imprimés là tout vifs. Une tache livide cerclait le bras gauche (…) Des pieds à la tête, elle n'était qu'un noir.
Zola, l'Assommoir, t. II, XII, p. 224.
3 (Neir, 1080). Qui appartient à la race « mélano-africaine », à peau très pigmentée. Nègre, négresse. || Race noire, peuples noirs. Négritude. || Hommes à la peau noire; femmes, hommes noirs.(Déb. XXe). Par ext. Propre aux personnes de cette race. || L'âme noire, l'âme des peuples noirs. || Le problème noir aux États-Unis. Vieilli. || Jazz-band noir, composé de musiciens noirs.
REM. Le recul de nègre, péjoratif et raciste dans le discours des Blancs, donne à noir, dans ce sens, le statut de mot courant et non marqué.
4 (Dans des syntagmes où un autre adj. exprimant une couleur claire est possible). Qui est plus sombre (dans son genre). || Pain noir (→ Manouvrier, cit.; même, cit. 5). || Blé noir. || Beurre noir.Fig. Un œil au beurre noir ( Beurre). || Viandes noires (→ Insipide, cit. 1; mariner, cit.). Vx. || Morue noire. Mod. || Lieu (noir).Café noir et café au lait (→ ci-dessous II., C.) Raisin noir. || Sang noir (→ Infecter, cit. 4; masse, cit. 2). || Savon noir (→ Lavage, cit. 1).
(Dans d'autres syntagmes). || Terres noires (→ Humus, cit. 1; limon, cit. 3). || Nuées, nuages noirs (→ Amonceler, cit. 1; livide, cit. 6). || Point noir.
5 (1690). Qui, pouvant être blanc et propre, se trouve sali, terni. Sale. || Avoir les mains noires, les ongles noirs. || Visage noir de ramoneur, de charbonnier. || Marée noire.Fam. Les gueules noires. Mineur.Noir de… || Mains noires de crasse. || Rue, hangar (cit. 3) noir de charbon (→ Manufacture, cit. 2). || Cheminée, muraille noire de suie. || Immondes (cit. 3) ruelles, boueuses et noires. || Escalier noir et puant (→ Même, cit. 31). || Édifices lépreux (cit. 4) et noirs.
10 Il s'interrompit, chercha du doigt un chiffre, dans l'indéchiffrable gribouillis d'un papier noir de surcharges et de ratures.
Courteline, le Train de 8 h 47, I, V.
6 Qui est privé de lumière, plongé dans l'obscurité, dans l'ombre. Obscur, sombre, ténébreux. || Cabinet noir, (1835) chambre noire. || Cachots noirs, profonds (→ Immonde, cit. 1). || Maison noire, silencieuse, vide (→ Lugubre, cit. 4). || Trou noir (→ Lapin, cit. 3; machine, cit. 6). || Bouche (cit. 25) noire d'un mortier.(En valeur adverbiale).Il fait noir comme dans la gueule (cit. 5) d'un loup, comme dans un four (cit. 7). || Il fait trop noir, ouvrez les volets.Nuit noire, complète (sans lune, sans étoiles…). || Arriver à la nuit (1., cit. 14) noire. || Rester jusqu'à la nuit noire (→ Absorber, cit. 10).Poét. Des enfers. || L'onde noire, le Styx.
11 Comme il fait noir dans la vallée !
J'ai cru qu'une forme voilée
Flottait là-bas sur la forêt.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Nuit de mai ».
12 Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir (…)
Hugo, l'Art d'être grand-père, VI, VI.
13 Minuit, une nuit d'hiver noire comme l'enfer, par grand vent et pluie fouettante.
Loti, Ramuntcho, I, VIII.
Vx ou littér. (Avant le nom). || Un noir in pace (→ Livide, cit. 8). || Le noir séjour de Pluton (→ Absorber, cit. 10).
(Par suite du contraste avec un fond ou des alentours éclairés). || Arbre (cit. 31) dépouillé, nu et noir sous le ciel. || « La mer (…) d'un flot d'argent (cit. 8, Hugo) brode les noirs îlots ». || Palmes noires sur le bleu du ciel (→ Cèdre, cit. 2). || Une ombre noire dans la lumière grise (→ Foncer, cit. 1). || Silhouettes noires (→ Fuyant, cit. 10). || L'aube éclairait les masses (cit. 12) noires des navires.
Littér. (Avant le nom).
14 Paris était étendu à nos pieds, noir océan où se reflétaient les étoiles scintillantes du ciel.
A. Maurois, Climats, II, V.
7 Qui, pouvant être clair, se trouve obscurci, assombri. || Ciel noir. Couvert, sombre (→ Ardent, cit. 11). || Le temps est bien noir aujourd'hui. — ☑ Loc. fig. (Fin XVIe). Un froid noir, froid qu'il fait par temps couvert.Eau noire d'un fleuve, d'un lac. || La flache noire et froide (→ Frêle, cit. 3, Rimbaud). || « Le soleil noir de la mélancolie » (cit. 16. → aussi Inconsolé, cit. 2, Nerval).Verres noirs. Enfumé, fumé. || Lunettes noires.
15 Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !
Baudelaire, les Fleurs du mal, « La mort », CXXVI, VIII.
N. m.
16 C'était un après-midi sombre, au plus noir de l'hiver.
F. Mauriac, le Mal, X.
8 Méd. anc. Troublé.Bile, humeur noire ( Atrabile, hypocondrie, mélancolie). || Vapeurs noires (→ Fantaisie, cit. 5; infecter, cit. 2). || Il voit tout noir.
Fig. → ci-dessous, I., B., 1.
17 Des faits que nous avons cités plus haut, on pourrait aussi déduire que la bile noire ou atrabile que les anciens croyaient embarrassée dans les hypocondres, n'est pas aussi ridicule et imaginaire que la plupart des modernes l'ont pensé (…)
Encycl. (Diderot), art. Mélancolie.
9 (1898). Fam. (Surtout en attribut). Ivre. || Il est complètement noir.
REM. Il semble bien que noir, en ce sens, signifie « obscurci, embrumé dans sa vision, ses conceptions », « qui a le cerveau brouillé ». Certains aussi l'interprètent comme renchérissant sur gris; mais ce sens de noir apparaît à une époque où gris n'appartenait plus au langage populaire.
18 Un samedi, j'étais noir, je les ai engueulés tous, en rentrant; j'ai dit que j'en avais marre des embusqués de l'arrière et j'ai demandé à repartir (…)
R. Dorgelès, les Croix de bois, XV.
B Abstrait. (Parfois avant le nom, dans l'usage littér. et poétique).
1 (V. 1175). Assombri par la mélancolie. || « J'entre en une humeur noire, en un chagrin (cit. 16, Molière) profond ». Triste. || Mélancolie noire (→ Lycanthropie, cit. Ronsard). || Avoir, se faire des idées noires (→ Fixe, cit. 6). Ennui.Vieilli ou littér. (Avant le nom). || Noirs soucis, noirs pressentiments, noirs soupçons. Funeste; funèbre. Vieilli.Il voit tout noir : il est pessimiste (mod. voir tout en noir, ci-dessous). || Faire un tableau bien noir de la situation. Poét. || Noir destin. Malheureux.
19 Non : de trop de souci je me sens l'âme émue.
Allez-vous-en la voir, et me laissez enfin
Dans ce petit coin sombre, avec mon noir chagrin.
Molière, le Misanthrope, V, 1.
20 D'un noir pressentiment malgré moi prévenue,
Je vous laisse à regret éloigner de ma vue.
Racine, Britannicus, V, 1.
21 Je reçois toujours les lettres fort noires de mon fils, appelant ses chaînes et son esclavage, ce qu'un autre appellerait sa joie et sa fortune.
Mme de Sévigné, 826, 3 juil. 1680.
22 Si sa pensée habituelle est triste, sombre et noire; s'il fait toujours nuit dans sa tête mélancolique et dans son lugubre atelier (…)
Diderot, Essai sur la peinture, II.
23 Je suis triste; je vois tout noir; mais les événements n'y sont pour rien; mes raisonnements n'y sont pour rien; c'est mon corps qui veut raisonner; ce sont des opinions d'estomac.
Alain, Propos, 9 mai 1911, Des passions.
Malheureux, funeste.Une série noire : une suite d'ennuis, de catastrophes.
(Avec une idée d'irritation et d'hostilité, que comportait souvent le sens ancien de mélancolie). || Regarder qqn d'un œil noir. || Jeter un regard noir (→ aussi ci-dessous, 2., l'accent étant mis sur la méchanceté). || « Mes jours de jalousie et mes nuits d'humeur (cit. 50, Verlaine) noire. »
24 Le matin, elle suivait Buteau d'un regard noir, lorsque, sans gêne, il traversait la cuisine, à moitié nu.
Zola, la Terre, III, I.
Maladie noire : neurasthénie profonde. — ☑ Colère noire.
2 (Av. 1150, neir). Marqué par le mal. Mauvais, méchant. REM. Dans l'antiquité païenne comme dans le christianisme, les idées de noir et de mal sont invariablement associées, de même que les esprits du mal sont localisés dans les régions souterraines et infernales, les esprits du bien dans les régions élevées et lumineuses (→ Génie, cit. 1, Voltaire). Marco Polo s'étonne, dans la relation de ses voyages, de trouver au contraire des dieux et des saints peints en noir, et des diables en blanc. — ☑ Vx. Le noir esprit : le diable.Mod. Magie noire.Messe (cit. 6) noire. || « De l'enfer les noirs frémissements » (cit. 1, Boileau).
25 D'abord j'appréhendai que cette ardeur secrète
Ne fût du noir esprit une surprise adroite (…)
Molière, Tartuffe, III, 3.
Spécialt.Humour noir, qui exploite des thèmes pénibles, macabres.
Loc. Jeter un œil noir, un regard noir à qqn, un œil, un regard méchant.
25.1 Mais pourquoi faites-vous cette tête-là, mon petit ? Tout à l'heure, vous m'avez déjà jeté un œil noir (…) Tout ce que j'aurais à vous dire, eh bien, vaudrait mieux ne pas le crier sur les toits, ni dans les cages d'escalier (…) Avouez, Boisselot, que vous m'avez jeté un œil noir quand je parlais à votre femme. On jurerait que, rue Las-Cases, c'est toujours chasse gardée, hé, hé ?
Bernard Barbey, Chevaux abandonnés sur le champ de bataille, p. 171.
Atroce, odieux, pervers. Vieilli ou littér. || Une âme noire. Noirceur. || Des crimes si noirs (→ Berceau, cit. 9; gloser, cit. 5). || Avancer (cit. 4) des impostures si noires. || Noire jalousie (→ Calomniateur, cit. 4). || Noire ingratitude. || Noire calomnie.
26 D'un mensonge si noir justement irrité.
Racine, Phèdre, IV, 2.
27 Il y a tant d'esprits noirs et mauvais qui ne trouvent de plaisir qu'à mettre le mal où il n'est pas.
Massillon, Carême, Du pardon des offenses.
28 (…) quelque noir projet de vengeance s'ébauchait déjà dans sa cervelle, projet qui voulait être couvé par la rancune pour être mené à bien.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, X.
Marqué par le mal qu'on en pense ou dit, par la mauvaise réputation. Noircir. || « Les jugements de cour vous rendront blanc (cit. 12, La Fontaine) ou noir ».Par métonymie.Liste (cit. 3) noire.
29 Souvenez-vous, en parlant à la pupille, de les rendre tous plus noirs que l'enfer. — Vous avez raison. — La calomnie, docteur, la calomnie ! Il faut toujours en venir là.
Beaumarchais, le Barbier de Séville, IV, 1.
3 Qui insiste sur les aspects moralement négatifs, la violence, le crime (dans un récit). Spécialt. || Roman noir. Roman. || La série noire. Série, infra cit. 3.Film noir et film d'épouvante.
4 Caché et suspect.
30 Aucune fortune ne peut nous mentir, nous possédons les secrets de toutes les familles. Nous avons une espèce de livre noir où s'inscrivent les notes les plus importantes sur le crédit public, sur la Banque, sur le Commerce.
Balzac, Gobseck, Pl., t. II, p. 636.
Loc. (1940). Marché (cit. 30) noir. Subst. || Acheter une denrée au noir. — ☑ Travail noir. Subst. || Travailler au noir. — ☑ Caisse noire.
30.1 Ce que le marché noir lui avait rapporté lui permettait de passer vingt-quatre heures dans ces lieux. Il voulut en jouir, déjeunant et dînant dans son salon pour se convaincre de sa victoire, comme Napoléon lorsqu'il couchait sur le champ de bataille. D'ailleurs, il avait peur de se retrouver dans la rue et que le sort commun l'entraînât.
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 37.
5 Poét.REM. Chez Hugo, noir comme tant d'autres mots-clefs de son vocabulaire poétique (fauve, farouche, sombre…) prend souvent un sens intermédiaire entre le physique et le moral, évoquant à la fois les ténèbres, le mystère, la mort, le mal, au point que le mot devient indéfinissable. || « La lutte était ardente (cit. 36) et noire ». || « Le noir passé » (→ Attrister, cit. 5). || « … ce noir passant ailé, le temps… » (→ Moment, cit. 24).
31 Et que je te sens froide en te touchant, ô mort,
Noir verrou de la porte humaine !
Hugo, les Contemplations, V, XIII.
32 Elle a, la pauvre belle aux purs et chastes jours,
Deux noirs voisins qui font une noire besogne (…)
Hugo, la Légende des siècles, XV, Éviradnus, V.
———
II N. m.
A (Concret).
1 (XIIe). Couleur noire. || Cheveux (cit. 25) d'un noir d'encre, de jais. || Qui tire sur le noir. Noirâtre. || Un beau noir (→ ci-dessous, cit. 48, Valéry). || Les noirs admirables du ciel (→ Fusée, cit. 3). || Tigré, taché, panaché, mêlé, marqueté (cit. 2), varié… de noir (→ Gypaète, cit. 2; fretin, cit. 2; jonquille, cit. 2; joug, cit. 2; litorne, cit.).(En parlant de vêtements de cette couleur). || Habillé, vêtu de noir (→ Étranger, cit. 40, Musset; garçon, cit. 24). (Fin XIVe). || Porter du noir, être en noir (particulièrement en signe de deuil), prendre, quitter le noir. Deuil.(Symbole de l'état ecclésiastique). || Le Rouge et le Noir, roman de Stendhal.Inscriptions (cit. 3) écrites en noir.
33 Que d'une serge honnête elle ait son vêtement,
Et ne porte le noir qu'aux bons jours seulement (…)
Molière, l'École des maris, I, 2.
34 (…) et bientôt ils aperçurent un char drapé de noir, traîné par quatre chevaux noirs, couverts de housses noires qui leur enveloppaient la tête et qui descendaient jusqu'à leurs pieds (…)
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 542.
35 Celui-ci marcha droit à la table, s'y tint debout, jeta sans calcul sur le tapis une pièce d'or qu'il avait à la main, et qui roula sur le Noir (…)
Balzac, la Peau de chagrin, Pl., t. IX, p. 16.
36 En style héraldique, le noir, qui s'appelle sable pour le peuple des nobles, s'appelle saturne pour les princes et diamant pour les pairs. Poudre de diamant, nuit étoilée, c'est le noir des heureux.
Hugo, l'Homme qui rit, II, II, XI.
37 J'étais un peu perdu entre le ciel bleu et blanc et la monotonie de ces couleurs, noir gluant du goudron ouvert, noir terne des habits, noir laqué des voitures.
Camus, l'Étranger, I, I.
(Jeux). La couleur noire (opposé à rouge). || Miser à la roulette sur le noir. || Le noir est sorti.
Loc. (1835). Vx. (En parlant de l'écriture). Mettre du noir sur du blanc : écrire.Mod. C'est écrit noir sur blanc, de manière incontestable.
38 (…) les Turcs eux-mêmes souhaitent de voir mon avis consigné noir sur blanc (…)
G. Duhamel, la Turquie nouvelle, III.
(Par métaphore). Aller, passer, changer du blanc (cit. 18) au noir. Changeant, versatile.Dire tantôt blanc (cit. 14) tantôt noir. || Vie mêlée de haut et de bas (cit. 51), de blanc et de noir. Extrême.
REM. Dans dire noir, écrire noir, on peut considérer le mot comme adverbial.
2 (Fin XIIe). L'obscurité, les ténèbres, la nuit. || Enfant qui a peur dans le noir (→ Fantôme, cit. 14; frayeur, cit. 7).Fam. Il a peur du noir.Course à tâtons dans le noir (→ 1. Garde, cit. 18). || Se perdre dans le noir et dans la rafale (→ Mansarde, cit. 2).
39 Comme tu me plairais, ô nuit ! sans ces étoiles
Dont la lumière parle un langage connu !
Car je cherche le vide, et le noir, et le nu !
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et Idéal », LXXIX.
40 Il ne voyait rien autour de lui; il se trouvait dans du noir. La porte en se fermant l'avait fait momentanément aveugle. Le vasistas était fermé comme la porte. Pas de soupirail, pas de lanterne.
Hugo, l'Homme qui rit, II, IV, VII.
41 Non; elle était entrée toute seule dans le noir; elle croyait que je dormais.
Gide, Isabelle, IV.
Loc. Au plus noir de la nuit, de l'hiver. → ci-dessus, cit. 16.
Fig. Ce qu'on ne comprend pas.Vx. (1875). Ne voir, n'y voir que du noir. Bleu. — ☑ Mod. Être dans le noir, dans le noir le plus complet : ne rien comprendre à qqch., ignorer tout de qqch. || Au-delà, pour moi c'est le noir, le mystère.
42 Je ne crois plus à la clarté
De l'après-mort mais à du noir
Qui gagne encore sur le noir
Auquel j'étais habitué.
J. Supervielle, la Fable du monde, « Nocturne en plein jour », p. 77.
3 (1268). Matière colorante noire (pouvant être un produit naturel ou un produit de synthèse). Colorant.(1825). || Noir animal, obtenu par calcination en vase clos de diverses matières animales, particulièrement des os. Charbon, décolorant.(1620). || Noir de fumée, obtenu par combustion incomplète de corps riches en carbone, tels que les résidus de l'industrie des résines. Suie. || Le noir de fumée entre dans la composition de la plupart des peintures et encres noires. || Noir de carbone. || Noir activé, obtenu par calcination en vase clos de la tourbe. || De nombreux noirs prennent le nom de la matière calcinée dont ils proviennent : noir d'ivoire, noir de pêche (des noyaux de la pêche et autres fruits), noir de liège (ou noir d'Espagne), noir de vigne (sarments de vigne), noir de lie, etc.Noir d'aniline, obtenu par oxydation de l'aniline en milieu acide, et directement formé sur la fibre du coton qu'on veut teindre. || Noir d'alizarine, employé surtout pour teindre la laine (→ Laque, cit. 1). || Teindre en noir. Teinture.Pot au noir.
43 Les Noirs d'aniline comptent parmi les colorants les plus importants pour la teinture et l'impression du coton en raison de leur faible prix de revient, de la profondeur et de la solidité de leurs nuances. On les prépare sur la fibre elle-même par oxydation du sel d'aniline, au moyen d'une solution de bichromate ou de chlorate de potassium.
Jean Meybeck, les Colorants, p. 92.
Loc. Broyer du noir (du noir animal, et fig.). Broyer, et ci-dessous, B., 1.
Noir employé dans la toilette, les soins de beauté. || Indiens barbouillés (cit. 12) de noir, de blanc, de rouge (→ Bariolé, cit. 1). || Maquillage (cit. 1) à l'aide du noir artificiel qui cerne l'œil. || Se mettre du noir aux yeux. || Souligner de noir les sourcils. || Cheveux teints en noir (→ Aride, cit. 8).
(Peint.). || La gamme des noirs. || Un noir intense, profond, soutenu… || Les noirs et les gris de Goya, de Manet. || Portrait tout en noir (→ Éblouissant, cit. 7).
44 Le noir, comme le rouge, comme le vert, comme le bleu, comme toute autre nuance, a ses clairs, ses demi-teintes, ses ombres; il ne fait pas, parmi les objets qui l'entourent, cette tache absolument opaque; il s'y relie par des reflets, par des rappels, par des ruptures; autrement il creuse un trou dans le tableau.
Th. Gautier, Portraits contemporains, « Paul Delaroche ».
45 Cézanne, dit la tradition, vient de déjeuner sur l'herbe avec quelques peintres et un collectionneur; celui-ci s'aperçoit qu'il a oublié son pardessus. Mais où ? Cézanne dit tout à coup : « Il y a là-bas un noir qui n'est pas dans la nature ! » et d'y courir. « Je sais maintenant comment Goya fait son noir », ajoute-t-il, radieux et sans doute ironique, en apportant la proie.
Malraux, les Voix du silence, p. 351.
4 Matière noire ou sombre, qui tache, salit. || Se mettre du noir sur le nez. || Avoir du noir sur la joue. || Être barbouillé de noir. Mâchuré.
5 Techn. Marbre noir. || Du noir antique.
B (Abstrait).
1 (Fin XIIe). Fig. || Le noir. Symbole de la mélancolie, du pessimisme (→ ci-dessus, I., B., 1.). (Vieilli). || Faire du noir, s'enfoncer dans le noir, dans son noir, broyer (cit. 5) du noir. || « Repiquer dans le noir » (Gide). — ☑ En noir, Au noir. || Voir tout en noir.Pousser les choses au noir : être exagérément pessimiste, alarmiste. Absolt. || Il a tendance à pousser au noir. || Vous avez tort de peindre en noir la situation. Noircir.
46 (…) en un instant son imagination émue fut à mille lieues de la mauvaise humeur. Dans la voiture, en venant au bal, Norbert était heureux, et lui voyait tout en noir; à peine entrés dans la cour, les rôles changèrent.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, VIII.
47 Ceci dit, je ne pense pas qu'il faille pousser les choses au noir : on a le devoir d'affirmer qu'il reste beaucoup plus de raisons d'avoir confiance, que de raisons de désespérer.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 193.
47.1 Oh, écoute, là permets-moi de te dire que tu pousses au noir. Tu sais bien que ce n'est pas tout à fait comme ça, tu vois tout en noir. À t'entendre, ils seront dans la rue, ils sont menacés de finir leurs jours à l'asile de nuit.
N. Sarraute, le Planétarium, p. 260.
Allus. littéraire.
48 noir. Les « pessimistes de la plume » : ils cherchent un « beau noir », dirait un peintre. Pascal a de « beaux noirs » et les a cherchés, et je vois trop qu'il les a trop bien trouvés. Les « noirs » magnifiques de l'Église, relevés d'argent et d'or. Orgues, voûtes, latin : « in sæcula seculorum » (…) Pompes, cires, encens, altitudes d'ombres profondes.
Valéry, Mélange, Instants, Des couleurs, I.
Fam., vieilli. Avoir le noir, un coup de noir. Cafard.
2 Symbole de l'infernal, du terrible. || Le noir de certaines scènes, de certains tableaux d'Anne Radcliffe, de Poe (…)
49 Jamais fantôme n'a été représenté d'une manière plus vague et plus terrible. L'origine de la Mort, racontée par le Péché (chez Milton), la manière dont les échos de l'enfer répètent le nom redoutable (…) tout cela est une sorte de noir sublime, inconnu de l'antiquité.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, II, IV, XIV.
3 Au noir. → ci-dessus, I., B., 4.
C Un, des noirs.
1 (V. 1130, neir). || Partie noire d'une chose. (1838). || Les noirs d'une gravure, les parties fortement ombrées. Hachure. || Les noirs d'un tableau, par oppos. aux clairs (cit. 23).(1704). || Le noir de la cible, le disque noir central.Mettre dans le noir, en plein dans le noir. Mouche (faire), réussir.
Serrur. || Les noirs : les parties qui n'ont pas été polies, blanchies à la lime.
(1818). Qualifié. Agric. Maladie des plantes, dont certains organes prennent une coloration noire (due le plus souvent à des champignons parasites). || Noir des grains. Charbon. || Noir du seigle. Ergot. || Noir de l'olivier. Fumagine.
2 (1868, Littré). Vx. Meurtrissure. Bleu; → ci-dessus, cit. 9.
3 (1859). Café noir, non mêlé de crème ou de lait (1869). Fam. || Un petit noir; un grand noir.
49.1 Un cheminot vient boire un noir brûlant, arrosé; puis retourne à son travail, après avoir échangé quelques brèves paroles sur l'accident, avec le patron.
R. Queneau, le Chiendent, p. 35.
D N. m. et f. (1556, in D. D. L.). Homme, femme de race noire (→ ci-dessus, I., A., 3.). Nègre. || Traite, esclavage (cit. 7) des Noirs (→ Esclave, cit. 3). || Les Noirs d'Afrique, les Noirs des États-Unis, les Noirs américains (→ Boycotter, cit. 2; jazz, cit. 2). || Musique des Noirs. || Il a épousé une Noire.Littér. || Le Blanc et le Noir, conte de Voltaire.
REM. Noir tend à remplacer nègre, considéré comme péjoratif et même raciste, sauf dans l'usage des Noirs eux-mêmes. → Nègre, négritude.
50 Peut-être faut-il, pour comprendre cette unité indissoluble de la souffrance, de l'éros et de la joie, avoir vu les noirs de Harlem danser frénétiquement au rythme de ces « blues » qui sont les airs les plus douloureux du monde. C'est le rythme, en effet, qui cimente ces multiples aspects de l'âme noire (…)
Sartre, Situations III, Orphée noir, p. 271.
(XVIIIe). Spécialt. Esclave noir, domestique noir.Loc. Travailler comme un noir.
50.1 Si je suis content ? Je le serais davantage, si je gagnais davantage en travaillant comme deux noirs.
Germain Nouveau, Lettre à L. Silvy, 11 juin 1909, Pl., p. 960.
51 Vous feriez, à l'abri des ombreuses retraites,
Germer mille sonnets dans le cœur des poètes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et Idéal », LXI.
———
III Adv.
1 Rare. En couleur noire. || Peindre très noir (G. L. L. F.).
2 (Déb. XIVe). Loc. || Il fait noir (ci-dessus, cit. 11 et I., A., 6.).
CONTR. Blanc, blond (cheveux). — Clair. — Enflammé, gai, optimiste. — Pur.
DÉR. Noirâtre, noiraud, noire, noirement, noireté ou noirté. — Noirceur.
COMP. Gros-noir, pied-noir. Ultranoir.

Encyclopédie Universelle. 2012.