populaire [ pɔpylɛr ] adj.
• populeir XIIe; lat. popularis
1 ♦ Qui appartient au peuple, émane du peuple. La volonté populaire. « Les politiques grecs qui vivaient dans le gouvernement populaire » (Montesquieu). ⇒ démocratique. Démocraties populaires. ⇒ socialiste. République populaire de Chine. Insurrection, manifestation populaire. Front populaire : union des forces de gauche (communistes, socialistes, etc.). Les masses populaires.
2 ♦ Propre au peuple. Croyance, traditions populaires. Le bon sens populaire. — Ling. Qui est créé, employé par le peuple et n'est guère en usage dans la bourgeoisie et parmi les gens cultivés. Mot, expression populaire. Étymologie populaire. — Qui était connu de tous. Latin populaire ⇒ vulgaire. Forme populaire et forme savante (ex. frêle et fragile).
♢ À l'usage du peuple (et qui en émane ou non). Roman, spectacle populaire. Chansons populaires. Art populaire. ⇒ folklore.
3 ♦ (Personnes) Qui s'adresse au peuple. « Vous ne devez pas avoir de succès comme orateur populaire » (Maurois).
♢ Qui se recrute dans le peuple, que fréquente le peuple. Milieux, classes, couches populaires. « Ils ont trouvé une nouvelle formule : travailler pour une clientèle franchement populaire » (Romains). Origines populaires. ⇒ plébéien. Quartier populaire. Bal populaire. Soupe populaire.
4 ♦ (1559) Qui plaît au peuple, au plus grand nombre. Henri IV était un roi populaire. Un chanteur très populaire. Mesure populaire. « Hoffmann est populaire en France, plus populaire qu'en Allemagne » (Gautier).
5 ♦ Subst., vx Le populaire : le peuple.
⊗ CONTR. Savant. Impopulaire.
● populaire adjectif (latin popularis, de populus, peuple) Qui est relatif au peuple, en tant que milieu social : Quartiers populaires. Qui est propre au peuple, en usage dans le peuple : Bon sens populaire. Qui émane du peuple : Gouvernement populaire. Qui s'adresse au peuple, au public le plus nombreux, qui est conforme aux goûts de la population la moins cultivée : Bals populaires. Qui a la faveur de la population, du plus grand nombre : Un professeur très populaire dans sa classe. Se dit d'un mot, d'un sens, d'une construction courants dans la langue parlée, mais qui seraient considérés comme choquants ou vulgaires dans un écrit ou dans une communication orale plus formelle. (Le niveau de langue « populaire » signale aussi des termes argotiques passés dans la langue ou des termes marqués d'un tabou.) En linguistique historique, se dit, par opposition à savant, d'une forme qui résulte d'une évolution phonétique et non d'un emprunt. (Par exemple, livrer, qui vient du latin liberare, est une forme populaire, alors que libérer est une forme dite savante.) ● populaire (citations) adjectif (latin popularis, de populus, peuple) Eugène Ionesco Slatina 1912-Paris 1994 Seul le théâtre impopulaire a des chances de devenir populaire. Le « populaire » n'est pas le peuple. Notes et Contre-notes Gallimard André Malraux Paris 1901-Créteil 1976 Il n'y a plus d'art populaire parce qu'il n'y a plus de peuple. Les Voix du silence Gallimard ● populaire (difficultés) adjectif (latin popularis, de populus, peuple) Sens Ne pas confondre ces deux mots. 1. Populaire = qui appartient au peuple, qui concerne le peuple. Expression populaire. Quartiers populaires. 2. Populeux, euse = très peuplé, où la population est dense. Les ruelles populeuses de la vieille ville. ● populaire (expressions) adjectif (latin popularis, de populus, peuple) Art populaire, ensemble d'objets utilitaires ou décoratifs réalisés par un groupe social sans référence affichée à l'esthétique dominante, mais pas forcément sans lien avec elle ; ensemble de la production d'objets familiers, utilitaires, cultuels, religieux, réalisés par un groupe ethnique. ● populaire (synonymes) adjectif (latin popularis, de populus, peuple) Qui émane du peuple
Synonymes :
- démocratique
Qui a la faveur de la population, du plus grand...
Contraires :
populaire
adj.
d1./d Qui fait partie du peuple. Les classes populaires.
d2./d Constitué, organisé par le peuple. Gouvernement populaire.
— Démocratie populaire.
d3./d Propre au peuple; destiné au peuple.
d4./d Qui est connu et aimé du peuple. Un ministre très populaire.
⇒POPULAIRE, adj.
A. —[Corresp. à peuple C 1]
1. Qui appartient au peuple, qui le caractérise; qui est répandu parmi le peuple.
— [Le subst. désigne un trait attribué culturellement au peuple comme formant un tout indifférencié] Quand cette intelligence demeurait encore à l'état rudimentaire, cette hantise des phénomènes invisibles a pris des formes banalement effrayantes. De là sont nées les croyances populaires au surnaturel, les légendes des esprits rôdeurs, des fées, des gnomes, des revenants (MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Horla, 1886, p.1107). Il ne se laissait pas prendre aux rêves de justice sociale. Son gros bon sens populaire lui faisait opiner que ce qui avait été, serait (ROLLAND, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p.1273):
• 1. Badounaud était un gars robuste, de petite taille, embelli d'une moustache énorme et soignée. Il brandissait sur ses six enfants cette rudesse populaire qui leur semble la marque et le moyen d'une sûre éducation. «Avec moi, faut pas qu'on faute. C'est au doigt et à l'oeil.»
MALÈGUE, Augustin, t.1, 1933, p.252.
SYNT. Bonhomie, coutumes, crédulité, croyances, culture, génie, imagination, insouciance, instinct, légendes, mythes, opinion, passe-temps, préjugés, sagesse, tradition populaire(s); musée des arts et traditions populaires.
— [En parlant des manières, de l'attitude d'une pers., d'un trait caractéristique] J'y trouvais [dans la Venise des humbles] plus facilement (...) de ces femmes d'un genre populaire, les allumettières, les enfileuses de perles, les travailleuses du verre ou de la dentelle (PROUST, Fugit., 1922, p.626). La Fornarina était la nouvelle maîtresse de Byron, fille à l'aspect populaire et sauvage (MAUROIS, Ariel, 1923, p.252).
— [En mettant l'accent sur l'aspect culturel; p.oppos. à savant, scientifique] Qu'entend-on par aliments? Réponse populaire: l'aliment est tout ce qui nous nourrit. Réponse scientifique: on entend par aliments les substances qui, soumises à l'estomac, peuvent s'animaliser par la digestion, et réparer les pertes que fait le corps humain par l'usage de la vie (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p.66). Les définitions scientifiques sont en général beaucoup plus étroites et, par cela seul, beaucoup moins vraies au fond que le sens populaire des termes (GUIZOT, Hist. civilis., leçon 1, 1828, p.12):
• 2. ... dans l'école épicurienne elle-même, à côté de l'épicurisme populaire qui était la recherche souvent effrénée du plaisir, il y eut l'épicurisme d'Épicure, d'après lequel le plaisir suprême était de n'avoir pas besoin des plaisirs.
BERGSON, Deux sources, 1932, p.319.
♦LING. Mot, forme populaire. Mot, forme ayant subi une évolution phonétique conforme aux lois les plus générales de la langue. On distingue le mot indigène ou populaire (...) issu d'un développement non contrarié (MAR. Lex. 1933, p.124). Le mot (...) populaire et le mot savant (...) peuvent former des doublets. En français livrer, qui vient du latin liberare, est une forme populaire, alors que libérer est une forme savante (Ling. 1972). Étymologie populaire. L'étymologie populaire (...) est le procédé par lequel un mot se trouve rattaché dans la conscience du sujet parlant à tels autres mots qui paraissent susceptibles d'en fournir l'explication; ainsi lorsque dans le français choucroute, représentant l'allemand Sauerkraut, on croit trouver les mots français chou et croute (MAR. Lex. 1933, p.78).
— [En mettant l'accent sur la vulgarité des manières, des moeurs, culturellement attribuée à la classe la plus défavorisée de la société] Il riait comme on suffoque, les deux mains sur le ventre, plié en deux, l'oeil plein de larmes, avec d'affreuses grimaces autour du nez (...) comme il ne pouvait ni parler, ni cesser de rire, ni faire comprendre ce qu'il avait, il fit un geste, un geste populaire et polisson (MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Crime père Bonif., 1884, p.156). C'est une sottise de croire que qui dit: peuple, dit: populaire. Le peuple a ses aristocrates, de même que la bourgeoisie a ses âmes de la plèbe (ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p.812).
♦LING. Qui est propre aux couches les plus modestes de la société, au peuple et qui est inusité par les gens cultivés et la bourgeoisie. Synon. vulgaire. Expression, langue, lexique, mot populaire. D'ailleurs même si j'ai tort j'écrirai le poteau noir et non le pot au noir car j'aime le parler populaire et rien ne me prouve que ce terme n'est pas en train de muer (CENDRARS, Du monde entier, Le Poteau noir, 1924, p.192). Que de prisonniers rongés de mélancolie ont fini par sombrer dans le dérangement cérébral et par devenir ce que le langage populaire désigne sous les noms de «cinglés», de «mabouls», de «synoques» et de «marteaux»! (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.250). V. fripe1 B ex. de Balzac.
2. Qui est composé de gens du peuple; qui est fréquenté par le peuple. Arrondissement, bal, bar, café, fête, restaurant populaire. Le boulevard Blanqui est à la limite de la place d'Italie. C'est un quartier populaire où les Parisiens s'aventurent peu sans nécessité, ayant décidé qu'il appartient à une banlieue vilaine et mal famée (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p.38).
♦Soupe populaire.
♦[En parlant d'un groupe de pers.] Classe, masses, meeting populaire(s). Duret (...) dit qu'il [Barrès] a bien tort de faire de la politique socialiste, qu'il a un air aristo, qui ne sera jamais en faveur dans une réunion populaire (GONCOURT, Journal, 1895, p.720). Le samedi, on charge ici le public populaire, le joyeux public chahuteur et un peu saoul, de chauffer la salle (COLETTE, Vagab., 1910, p.8).
— Empl. subst., vx ou littér. Le populaire. Le peuple. Je ne trouve dans ce livre ni vérité, ni grandeur. Quant au style, il me semble intentionnellement incorrect et bas. C'est une façon de flatter le populaire. Hugo a des attentions et des prévenances pour tout le monde (FLAUB., Corresp., 1862, p.34). Mod., péj. Synon. populace, populo. La fin d'après-midi poussiéreuse avec ses rayons obliques (...) se traînait sur une foule mêlée, où le populaire de l'herbe avec ses papiers gras, ses jeux bruyants (...) faisait mieux ressortir encore le caractère d'oasis au champagne, de ce lieu où se réfugiaient les échappés du pesage (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.273).
♦Au plur. Les places les moins chères dans un théâtre, un stade; p.méton., le public de ces places. Quelques pelousards ont pris place au restaurant, les populaires leur réclament des primes (L'Auto, 11 avr. 1932 ds PETIOT 1982). Je me souviens d'avoir drivé une nuit Maurice Rostand dans les populaires [du Vel'-d'Hiv'] (TRIGNOL, Pantruche, 1946, p.38).
3. Qui est accessible au peuple, qui est destiné au peuple. Air, chanson, conte, drame, édition, éducation, imagerie, littérature, publication, université populaire. La religion naturelle est simple, facile, populaire; elle parle au coeur en même temps qu'à la raison (J. SIMON, Relig. natur., 1856, p.413). L'art serait un jeu ruineux pour la société s'il n'aidait les hommes à vivre. L'art des meilleures époques était populaire, intelligible (MAUROIS, Journal, 1946, p.112):
• 3. ... toute poésie politique doit être poésie populaire, et (...) pour être poésie populaire, elle doit se servir du mot propre et de grosses et fortes images saisies par toutes les rudes imaginations auxquelles elle s'adresse.
LAMART., Corresp., 1830, p.81.
Rem. La docum. atteste des empl. de populaire (en parlant d'une oeuvre littér., d'un aut.) au sens de «qui décrit, qui traite de la vie du peuple». Synon. populiste (v. ce mot A). Le vrai poète populaire s'identifie avec son sujet, au point de ne pas distinguer ce qui vient de son imagination et ce que lui fournit son sujet, confondant ainsi la poésie et la vérité (P. LEROUX, Humanité, 1840, p.793). Un bibliophile (...) avait fait relier ses livres en harmonisant autant que possible la teinte du maroquin avec le sentiment du texte. Ainsi, le bleu avait été choisi pour les romans intimes (...) le fauve pour les sujets populaires (GONCOURT, Journal, 1886, p.541).
B. —[Corresp. à peuple B 2 a]
1. Qui concerne l'ensemble d'une collectivité, la majorité, la plus grande partie d'une population. L'Élysée a poussé à l'énormité de la célébration [de la mort de V. Hugo] pour diminuer, effacer dans la mémoire populaire le souvenir des funérailles de Gambetta (GONCOURT, Journal, 1885, p.459):
• 4. «Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple le plus saint et le plus indispensable des devoirs,» (...) le premier magistrat de Paris déclare qu'au coup d'État de la Convention la Commune oppose l'insurrection populaire (...). Deux officiers municipaux sont chargés (...) d'inviter le peuple à se joindre à ses magistrats afin de sauver la patrie et la liberté.
A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p.293.
2. Qui a la faveur du peuple, de l'opinion publique; qui est connu, aimé, apprécié du plus grand nombre. Cause, décision, lot, mesure populaire; acteur, chanteur, vedette populaire. Le café est devenu populaire: le matin comme aliment, et après dîner comme boisson exhilarante et tonique (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p.280). Ce conte est d'une originalité saisissante. Je le crois destiné à un succès populaire et artistique (FLAUB., Corresp., 1852, p.84):
• 5. —Eh bien! Mon vieux canard, te voilà populaire (...). On vend ta gueule en tête de pipe et en bouteilles de liqueur, et tous les ivrognes d'Alca rotent ton nom dans les ruisseaux...
A. FRANCE, Île ping., 1908, p.226.
— [La popularité se limite à une collectivité réduite] Élève, professeur populaire. Adrien (...) était très populaire parmi les garçons de son âge (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.44).
C. —[Corresp. à peuple B 3] Qui émane, qui procède du peuple. Un gouvernement sans représentation populaire n'est plus possible et c'est une chimère de vouloir faire table rase du passé, de vouloir retourner à l'absolutisme (BARRÈS, Cahiers, t.1, 1897, p.247). L'industrialisation des économies occidentales, au cours du XIXe siècle, et l'industrialisation accélérée de la Russie et des démocraties populaires au XXe, ont eu des conséquences analogues, malgré la diversité des régimes sociaux (PERROUX, Écon. XXes., 1964, p.286).
♦HIST. Démocratie populaire, front populaire, république populaire.
SYNT. Assemblée, dictature, État, pouvoir, souveraineté, suffrage, veto, volonté populaire.
REM. 1. Popu, adj. inv., abrév. fam. [La Belle Équipe, de Julien Duvivier] plaisante atmosphère «Front popu», dans un déplaisant sujet où la femme-détruit-l'amitié-des-prolos (Le Nouvel Observateur, 29 juin 1981, p.6, col. 4). Jusqu'à douze ans, j'habitais Paris, dans les quartiers popu, du côté de la place Clichy (Actuel, nov. 1982, p.66, col. 1). 2. Populairement, adv. D'une manière populaire. Les vitraux de la cathédrale sont la chose la plus grossièrement, magnifiquement et populairement sublime (MICHELET, Journal, 1830, p.77). Quand les chemins de fer auront rapproché les langues et les races, quand on verra tout ce qu'a fait faire de sublime, d'absurde, d'inhumain, de fanatiquement bête, de bourgeoisement idiot, de populairement héroïque cet autre grand mot, la patrie, on s'en étonnera (GONCOURT, Journal, 1859, p.607). En partic. Dans le langage populaire. Une heure après, les douze inconnus étaient au sommet du cimetière nommé populairement le Père-Lachaise (BALZAC, Ferragus, 1833, p.134). Une renonculacée (...) appelée populairement queue de souris (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p.197). 3. Popularisme, subst. masc., vx. a) Gouvernement populaire. On pourroit faire l'application de ces propositions à toute constitution de société, religieuse ou politique (...) et comparée à une autre constitution, comme, par exemple (...) au catholicisme comparé au presbytéranisme, et au monarchisme comparé au popularisme (BONALD, Législ. primit., t.1, 1802, p.117). b) Synon. de popularité. (Dict.XIXes.).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. [ca 1200 populeir «du peuple, composé de gens du peuple» (Dialogues Grégoire, 141, 6 ds T.-L.)]; 2. ca 1330 «qui a cours dans le peuple» (Girart de Rossillon, éd. E. Billings Ham, 5314); 3. 1556 «simple, naturel, sans prétention» (RONSARD, Nouvelle continuation des amours, 175, OEuvres, éd. P. Laumonier, t.7, p.324); 4. 1559 «connu et apprécié parmi le peuple» (AMYIOT, Coriolan, 29 ds LITTRÉ); 5. 1580 «sans bonnes manières, vulgaire» (MONTAIGNE, Essais, I, 42, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p.264); 6. 1588 Estat (gouvernement) populaire (ID., ibid., III, 9, p.957). B. Subst. 1338 plur. les populaires «le peuple, les gens du peuple» (Reg. Com. Comput. Paris sign. B, f° 143 r° ds DU CANGE, s.v. popularis1); XVes. sing. «id.» (GACE DE LA BUIGNE, Roman des deduis, éd. Å Blomqvist, 4021, var. mss JT). Empr. au lat. popularis, -is, adj. de même sens, empl. subst. au plur. en lat. class. pour désigner les membres de partis populaires ou partisans de mesures populaires, puis en lat. chrét. les laïcs p.oppos. aux clercs et plus gén. en lat. médiév. les gens du peuple (BLAISE, NIERM., DU CANGE, LATHAM). Au sens A 4 le terme a été considéré comme repris de l'angl. popular de même orig. à la fin du XVIIIes. (cf. Mme DE BOUFFLERS, Lettre de 1780 à Gustave III de Suède d'apr. PROSCHWITZ ds St. neophilol. t.36, p.315: Populaire est pris ici dans l'acception angloise: il signifie celui qui a mérité, ou du moins obtenu la faveur du peuple. Dans l'acception françoise, il signifie celui qui la recherche). Fréq. abs. littér.:2788. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 5107, b) 3215; XXes.: a) 3873, b) 3446. Bbg. BALDINGER (K.). À propos de l'infl. de la lang. sur la pensée. R. Ling. rom. 1973, t.37, pp.242-244. — BARB. Loan-words 1921, p.260. — BEAUJOT (J.-P.). Un Paradoxe de P. Bayle. Peuple et pouvoir. Lille, 1981, p.72; Du Syntagme erreur populaire... Beiträge zur Analyse des sozialen Wortschatzes, hrsg. von U. Ricken. Halle, 1975, pp.59-70. — BOURDIEU (P.). Vous avez dit populaire? Actes de la rech. en sc. soc. 1983, n° 46, pp.98-105. — DUB. Pol. 1962, p.380. — MAULNIER (Th.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp.181-182. — QUEM. DDL t.11 (s.v. populairement). — SEGUIN (J.-P.). Lexicogr. et conformisme en 1798. La Licorne. 1978, n° 2, p.96. — VARDAR Soc. pol. 1973 [1970], p.290.
populaire [pɔpylɛʀ] adj. et n.
ÉTYM. XIIe, populeir; du lat. popularis.
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♦ Relatif, propre au peuple.
1 (1319). Qui appartient au peuple, qui émane du peuple. || État (cit. 101 et 102), gouvernement (cit. 37) populaire. ⇒ Démocratique (→ Accusation, cit. 1; huguenot, cit. 4; monarchique, cit. 2; 1. parler, cit. 24; patricien, cit. 1). || Pouvoir, souveraineté populaire (→ Milieu, cit. 19; nivellement, cit. 1). || Évêques soumis à l'élection populaire (→ Métropolitain, cit. 3). || Mouvement (cit. 40); émeute, insurrection (cit. 5), manifestation, sédition, tumulte… populaire (→ Attroupement, cit. 2). || Révolution populaire. || Front populaire. || Excès, fureurs populaires (→ Contagion, cit. 2; craindre, cit. 14).
1 Les politiques grecs qui vivaient dans le gouvernement populaire ne reconnaissaient d'autre force qui pût le soutenir que celle de la vertu. Ceux d'aujourd'hui ne nous parlent que de manufactures, de commerce, de finances, de richesses, et de luxe même.
Montesquieu, l'Esprit des lois, III, III.
2 La révolution du 6 octobre, nécessaire, naturelle et légitime, s'il en fût jamais, toute spontanée, imprévue, vraiment populaire, appartient surtout aux femmes, comme celle du 14 juillet aux hommes.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., II, IX.
3 L'ancien député, désormais privé du reflet de la souveraineté populaire, ne laisse plus voir qu'un fond décoloré. Comme on comprend qu'ils se représentent tous !
André Siegfried, La Fontaine…, p. 167.
♦ Spécialt. || Démocraties, républiques populaires, socialistes, marxistes.
3.1 Les Républiques populaires sont des spectres que la démocratie française, cette fois encore, n'a pas pu conjurer. Rien ne peut faire que les songes de Paris ne soient hantés par Budapest et par Prague.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 61.
2 Propre au peuple; usité, répandu parmi le peuple. || Croyances, foi, traditions, opinions, légendes (cit. 1), mythes… populaires (→ Désert, cit. 5; dieu, cit. 16; mère-grand, cit.). || Le bon sens (→ Fille, cit. 41), la crédulité (→ Mensonge, cit. 2), l'imagination (→ Imputer, cit. 7), l'instinct (→ Égoutier, cit. 1), le sentiment populaire (→ Descendre, cit. 23; échapper, cit. 22).
♦ Ling. Qui est créé, employé par le peuple et n'est guère en usage dans la bourgeoisie et parmi les gens cultivés. || La langue populaire (→ Désignation, cit. 1; faire, cit. 117; fois, cit. 12). || Le français, le latin populaire. || Expression, locution populaire (→ Honneur, cit. 16; noceur, cit. 1). || La richesse des comparaisons, images (cit. 45) populaires. || Tour populaire, considéré comme incorrect. || Étymologie (cit. 11) populaire. || Formation populaire et formation savante (→ Doublet, cit. 1).
4 Mais l'usage populaire (…) a des richesses qu'ignore ou que méprise la langue écrite (…) La langue vivante, celle dans laquelle sent et pense le peuple, suit sa marche et son développement naturels, sans qu'aucun égard ni aucun respect l'arrête ou la contrarie. De là ce lexique — souvent populaire et grossier par certaines idées — qui fleurit sur tout le territoire de l'empire, et va devenir le lexique des langues romanes (…) le latin populaire modifiera ce lexique, abandonnera un certain nombre de mots qu'on ne retrouvera plus que dans la langue littéraire (…)
Hatzfeld et Darmesteter, Traité de la formation de la langue franç., in Dict., t. I, p. 9.
♦ À l'usage du peuple (sans émaner nécessairement d'hommes du peuple). || Littérature populaire (→ Initiatique, cit. 1). || Roman, conte, drame populaire. || Chansons (cit. 8) populaires (→ Assonance, cit. 1). || Art, imagerie, enluminures populaires (→ Peinture, cit. 12). || Le musée des Arts et Traditions populaires (A. T. P.). || Traditions populaires. ⇒ Folklore. || Art populaire et art naïf. || Édition (cit. 6) populaire. || Théâtre national populaire (T. N. P.). — (Personnes). Qui s'adresse au peuple et reste à sa portée. || Prédicateur qui n'est pas populaire (→ Abstrait, cit. 7). || Orateur populaire (→ Moelleux, cit. 3).
5 Ainsi fut rompue (avec la Renaissance) l'unité artistique et littéraire de la nation française. Elle se sépara en un petit groupe d'initiés auquel s'adressaient les œuvres de l'art savant et la masse de la population réduite à l'art appelé d'un nom méprisant populaire.
Ch. Seignobos, Hist. sincère de la nation franç., XII.
6 (Le roman populaire) n'est à aucun moment, en aucun sens, expression spontanée ou jaillissante d'un génie collectif. Il n'est pas issu du folklore et n'a de « populaire » que sa destination (…) il est d'ailleurs probable que le qualificatif de populaire, qui ne paraît pas avoir été accordé aux Mystères de Paris ni à Rocambole à leur parution, est simplement le trait de génie d'un éditeur cherchant à titrer sa collection sans oublier que l'épithète était déjà à la mode dans l'édition (…)
J. Tortel, Le roman populaire, in Encycl. Pl., Hist. des littératures, t. III, p. 1587.
♦ Vx. « Qui se tient près du peuple, accessible, simple, sociable ». || « Manières affables et populaires » (Académie, 1935).
7 La véritable grandeur est libre, douce, familière, populaire; elle se laisse toucher et manier (…)
La Bruyère, les Caractères, II, 42.
♦ (Fin XIIe). Qui se recrute dans le peuple, que fréquente le peuple. || Milieux, classes populaires. || Origines populaires. ⇒ Plébéien. || Les foyers populaires (→ Caboulot, cit. 1). || Réunions populaires (→ Éloquence, cit. 11). || De l'école essentiellement (cit. 5) populaire au lycée bourgeois. || Le public est devenu plus populaire. ⇒ Démocratiser (se). || Bals populaires (→ Gigolette, cit. 1). || Soupes populaires (→ Larve, cit. 6).
8 Ils ont trouvé une nouvelle formule : travailler pour une clientèle franchement populaire, que les autres dédaignaient plus ou moins.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, VI, p. 57.
3 (1780; infl. de l'angl. popular; → Popularité). Qui acquiert, a acquis la popularité, qui est connu et aimé par le peuple. || Henri IV était un roi populaire (Académie). || Napoléon est resté populaire (→ Forgeur, cit. 1). — Ses ballades gaéliques (cit.) sont populaires en Bretagne. || La prise de La Rochelle fut populaire (→ Murmure, cit. 5). || Mesure populaire. — (En parlant d'une popularité locale). || Il est très populaire dans le quartier, parmi ses camarades (→ 2. Perche, cit. 3).
9 (…) M. de Lafayette, si fort alors, si populaire, à son apogée, vrai roi de Paris.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., III, VIII.
10 Hoffmann est populaire en France, plus populaire qu'en Allemagne. — Ses contes ont été lus par tout le monde; la portière et la grande dame, l'artiste et l'épicier en ont été contents.
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre…, Contes d'Hoffmann.
REM. Tous les emplois de l'adj. présentent les mêmes ambiguïtés que ceux du n. peuple; selon les locuteurs, ils transmettent des connotations positives ou négatives, et un fort contenu idéologique.
4 N. m. (1373). Vx. || Le populaire : le peuple (→ Fête, cit. 5; gagner, cit. 30; mutinerie, cit. 1). — Mod. (Souvent péj.). ⇒ Populo, vulgaire. || Cette foule (2. Foule, cit. 7) de populaire en goguette. || Flatter le populaire (→ Intentionnellement, cit.).
11 (…) une foule mêlée, où le populaire de l'herbe avec ses papiers gras, ses jeux bruyants, un ballon qui fout le camp tout à coup sous les voitures, faisait mieux ressortir encore le caractère d'oasis (…) de ce lieu (…).
Aragon, les Beaux Quartiers, II, XVII.
12 À vrai dire le populaire n'est pas toujours de bon goût, mais il est toujours la santé, et la seule santé.
J.-R. Bloch, Deux hommes se rencontrent, p. 93.
5 N. f. pl. (1912). || Les populaires : les places populaires, les moins chères, dans un théâtre, un stade…; le public de ces places. || L'arbitre a été conspué par les populaires.
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CONTR. (Du 3.) Impopulaire.
DÉR. Populairement, populariser, populo.
COMP. Antipopulaire.
Encyclopédie Universelle. 2012.