torchon [ tɔrʃɔ̃ ] n. m.
1 ♦ Techn. Torche (1o).
2 ♦ (1330) Cour. Morceau de toile qui sert à essuyer la vaisselle, les meubles. ⇒ essuie-mains, essuie-verres. Donner un coup de torchon sur la table. « La femme les prit l'un après l'autre [les verres] pour les essuyer d'un coup de torchon rapide » (Robbe-Grillet). — Spécialt (Belgique) Serpillière.
♢ Papier torchon : papier spécial, fait avec certains chiffons, pour le dessin, l'aquarelle, la gouache.
♢ Loc. fam. Il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes : il faut séparer, traiter différemment les gens selon leur condition sociale, les choses selon leur valeur. — (1798; probablt d'un anc. sens de torchon « torche » XVe) Le torchon brûle (entre deux ou plusieurs personnes) :il y a désaccord, l'atmosphère est à la dispute (cf. Il y a de l'eau dans le gaz). Entre eux, le torchon brûle.
♢ (v. 1803; d'abord arg. milit.) Coup de torchon : coup dur; bagarre, vive altercation. — Coup de balai, épuration dans un groupe, une société. « Un fameux nettoyage, un coup de torchon comme il n'y en a jamais eu ! » (Zola).
3 ♦ Fig. et fam. Écrit sans valeur. Ce journal est un vrai torchon. — Texte très mal présenté. Regardez-moi ce torchon !
● torchon nom masculin (de torche 2) Rectangle de toile qu'on utilise pour essuyer la vaisselle. Familier. Écrit, texte sans soin, mal présenté. Familier. Journal méprisable. En Belgique, au Canada, serpillière. ● torchon (expressions) nom masculin (de torche 2) Familier. Coup de torchon, bagarre ; épuration radicale, coup de balai.
torchon
n. m.
d1./d Pièce de toile destinée à essuyer la vaisselle. Syn. (Acadie) brayon, (Belgique) drap de vaisselle, (Afr. subsah., Belgique, Luxembourg) essuie de vaisselle, (Québec) linge à vaisselle, (Suisse) patte.
|| Loc. fig., Fam. Le torchon brûle: il y a une vive dispute (entre deux personnes, deux groupes, etc.).
|| TECH Papier-torchon: papier de chiffons à gros grain, pour l'aquarelle.
d2./d (Afr. subsah., Belgique, France rég., Luxembourg) Serpillière. Donner un coup de torchon sur le carrelage. Syn. loque.
|| (Québec) Chiffon servant à essuyer la table, le plancher, etc.
d3./d Fig., Fam. écrit peu soigné; écrit sans valeur.
⇒TORCHON, subst. masc.
A. — Vieilli. Bouchon de paille. Ces vieux chapeaux sur un torchon de paille qu'on plante dans les blés pour effrayer les moineaux (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 236). J'ai rencontré au seuil de la grange celui qui tordait de longs torchons de paille, et, les fixant avec de l'écorce de coudrier, les lovait en grands plats pour la pâtée des poules (GIONO, Solit. pitié, 1932, p. 201).
— Spécialement
♦ MINES ET CARR. ,,Poignée de paille tortillée ou nattée, qu'on met sous une pierre de taille pour l'empêcher de s'écorner, pour garantir ses arêtes pendant qu'on la travaille, qu'on la transporte ou qu'on la retourne`` (JOSSIER 1881).
♦ PÊCHE. Flotteur constitué de brins de joncs réunis en faisceau et monté sur une ligne, utilisé pour pêcher au vif. (Dict. XXe s.).
B. — 1. Rectangle de toile grossière qui sert à certains travaux ménagers, notamment à essuyer la vaisselle ou à frotter les meubles. Torchon humide, mouillé, sale; torchon de cuisine, de vaisselle; torchon à mains, à poussière; faire, ourler, raccommoder un torchon. J'ai vu, j'ai couvert de clins d'yeux Une fille qui dans la Marne Lavait des torchons radieux (HUGO, Chans. rues et bois, 1865, p. 107). C'est l'heure où, dans un brouhaha recrudescent de chaises repoussées, de torchons claquants, de croûtons écrasés, va s'accomplir le dernier rite de la singulière cérémonie (PONGE, Parti pris, 1942, p. 53).
— P. métaph. J'ai un appétit à désillusionner un jeune homme de dix-huit ans... Passons le torchon de l'oubli! (GONCOURT, Journal, 1862, p. 1052).
— ART CULIN. Au torchon. Égoutté, cuit dans un torchon. Jambon au torchon. À la carte, j'ai noté le foie gras maison au torchon (Le Monde loisirs, 1er mars 1986, p. 19, col. 1).
— PAPET. Papier torchon. Papier utilisé pour la gouache et l'aquarelle, et fabriqué avec certains chiffons. Ce flacon [de Chine] d'une qualité exceptionnelle, aux roses les plus doucement roses, a le charme d'une franche et riante aquarelle sur une feuille de papier torchon (E. DE GONCOURT, Mais. artiste, t. 2, 1881, p. 231).
— Région. (Belgique). ,,Serpillière`` (DOPP. Région. 1978). (Lorraine). Torchon de plancher. ,,Serpillière``. (Ds H. WALTER, Le Fr. dans tous les sens, Paris, R. Laffont, 1988, p. 169).
2. Loc. verb.
— Au fig., fam.
♦ Ne pas mélanger les torchons et les serviettes. Traiter différemment les gens en fonction de leur valeur ou de leur niveau social. Je n'aime pas qu'on mélange les torchons et les serviettes car je me vante d'être de la race suspecte des torchons, et non de la brillante famille des serviettes, dressées en forme de mitres ou de bonnets d'âne (COCTEAU, Poés. crit. I, 1959, p. 11).
♦ Le torchon brûle. V. brûler II A 3.
— Pop. Mettre la viande en torchon/dans le torchon. Se mettre au lit. Déjà dix heures, les amis, dit Bertrand (...). Il est temps de mettre la viande en torchon (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 201).
3. Coup de torchon
a) Nettoyage sommaire d'un meuble ou d'une pièce. Donner un coup de torchon. La chambre étincelait de propreté, le plancher arrosé de frais (...), la lourde table encore humide du coup de torchon de l'homme de service (COURTELINE, Train 8 h. 47, Début, 1885, p. 176). Les chambres aussi sont bien négligées, mais avec un coup de torchon et un peu de goût, on pourrait en tirer quelque chose de coquet (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 16).
— Au fig. Épuration radicale d'éléments indésirables; élimination qui laisse place nette. La guerre allait donner le « coup de torchon » indispensable, et (...) l'ensemble de l'économie, et de la société, en sortirait ragaillardi (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 161). Je discerne même à gauche, chez certains, comme une nostalgie du coup de torchon. C'est à croire que la guerre d'Espagne n'a pas eu lieu, que l'histoire de France ne leur a rien appris (MAURIAC, Nouv. Bloc-Notes, 1960, p. 291).
b) Arg. Rafle. Synon. coup de serviette. Jamais nous n'aurions pu supposer qu'un coup de torchon au coin de la rue Racine (...) occuperait ainsi l'opinion mondiale (L. DAUDET, Dev. douleur, 1931, p. 255).
4. Arg. milit. Coup de sabre ou d'épée. C'était bonne épée de guerre, et bonne à donner de bonnes buffes et bons torchons (...) La buffe était un soufflet, un coup de plat, le torchon un coup de tranchant (A. FRANCE, J. d'Arc, t. 2, 1908, p. 280).
— Loc. verb. Se donner, se rafraîchir d'un coup de torchon. Se battre au sabre. (Dict. XIXe s.; ds ROB. 1985).
C. — Fam.
1. Écrit sans valeur; article de journal, journal méprisable, sans valeur. Celui-ci (...) fit la gaffe de me présenter ce Lazare, qui venait de me consacrer un éreintement soigné, mais insignifiant, dans je ne sais quel petit torchon (L. DAUDET, Temps Judas, 1920, p. 102). Il tendait la feuille à Marie-Jeanne. — « Cet immonde torchon payé par les fonds secrets (...) » (BOURGET, Actes suivent, 1926, p. 54).
2. Vieux
a) Femme sale et mal soignée. Synon. souillon. De l'ancien petit torchon, s'était dégagée une fille très brune, l'air fin et joli, qui avait la gorge dure, des membres élastiques et forts des fausses maigres (ZOLA, Terre, 1887, p. 95).
b) Femme de mauvaise vie. Écoute, lui dit-elle, si je te revois avec ce petit torchon de Cadine... Ne dis pas non. (...) Je ne comprends pas comment un bel homme comme toi puisse se plaire avec cette traînée, cette sauterelle (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 666).
3. Région. Café, restaurant typique. Des bandes de fêtards commencent à se répandre en ces lieux (les Halles) pour y finir la nuit dans quelque petit torchon renommé (A. BRETON, L'Amour fou, IV, 1949 [1937], p. 68 ds ROB. 1985).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1174-78 « coup (qu'on donne) » (ETIENNE DE FOUGÈRES, Manières, éd. R. A. Lodge, 1103); 1836 coup de torchon « lutte à coups de poings » (HENRY, Chanson ds LARCH. 1865, p. 312); 2. a) fin XIIe s. « bouchon de paille, de foin servant en particulier à s'essuyer le derrière » (Audigier, éd. O. Jodogne, 53); XIIIe s. « bouchon de paille, de foin » (Vie des Pères, Ars. 3641, f° 4c ds GDF., s.v. tourçon); b) 1680 « petite natte de paille que l'on place sous les pierres taillées, pour protéger les arêtes » (RICH.); 3. a) ca 1330 « morceau de grosse toile servant à différents usages » (Girart de Roussillon, éd. E. B. Ham, 2401); ca 1393 « id. » (Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, II, 195); b) ca 1700 fait comme un torchon « vêtu malproprement » (FÉNELON, t. XIX, p. 5 ds LITTRÉ); 1718 torchon « femme très malpropre » (Ac.); 1873 « prostituée de bas étage » (ZOLA, Ventre Paris, p. 666); 4. 1798 le torchon brûle, le torchon brûle entre eux « il y a entre eux un sujet de discorde » (Ac.). Dér. de torcher; suff. -on; cf. aussi pour le sens 1, le m. fr. recevoir la torche « être battu » (ca 1450, ARNOUL GREBAN, Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 3769); 4 dér., à l'aide du suff. -on, de torche « flambeau ». Fréq. abs. littér.:279. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 39, b) 508; XXe s.: a) 834, b) 378. Bbg. HOTIER Cirque 1973 [1972] p. 143. — QUEM. DDL t. 16, 38.
torchon [tɔʀʃɔ̃] n. m.
ÉTYM. V. 1185; de 1. torcher.
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1 Vx. Bouchon (I., 1.) de paille ou de linge.
♦ (1680). Mod. (Techn.). Petite natte pour protéger les pierres de taille pendant leur transport. ⇒ Torche (1.). — Pêche au torchon, que l'on pratique avec une ligne soutenue par un flotteur (torchon) formé de brins de jonc réunis en faisceau.
2 (V. 1200). Cour. Morceau de toile qui sert à essuyer la vaisselle, les meubles. ⇒ Linge (de cuisine); torchette. || Donner un coup de torchon sur la table, à un meuble, dans une pièce : nettoyer sommairement avec un torchon. || Raccommoder des torchons (→ Manie, cit. 4). || Torchon à poussière (⇒ Chiffon), à vaisselle.
1 Durtal essuya avec un linge mouillé ces empreintes (…) polit avec un torchon les bibelots qu'il mit en ordre (…)
Huysmans, Là-bas, X.
2 Sur l'égouttoir, les trois verres étaient presque secs. La femme les prit l'un après l'autre, pour les essuyer d'un coup de torchon rapide et les faire disparaître sous le comptoir (…)
A. Robbe-Grillet, le Voyeur, p. 122.
♦ Techn. || Papier de torchon : papier spécial, fait avec certains chiffons, pour le dessin, l'aquarelle, la gouache.
♦ ☑ Loc. fam. Ne pas mélanger les torchons et (ou avec) les serviettes : séparer, traiter différemment les gens selon leur condition sociale, les choses selon leur valeur.
♦ ☑ (1798; probablt d'un anc. sens de torchon « torche », XVe). Le torchon brûle : il y a une querelle, un désaccord entre les personnes dont on parle. ⇒ Discorde.
2.1 J'ignore tout : et si le torchon brûle entre Mollet et Lacoste, et si l'interview à l'Express le prouve (…)
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 52.
3 (→ 1. Torcher, C.; torchée) ☑ Coup de torchon. a Argot milit., vx. || Se donner un coup de torchon (Littré) : se battre au sabre, à l'épée.
b (Remotivé par le sens 2 ci-dessus). Mod. || Coup de torchon : coup dur, bagarre; violente réprimande, vive altercation; « coup de balai », épuration qui nettoie la place.
3 On va voir ça, quand le peuple sera le maître, et ça ne traînera guère, tout craque, je te promets que notre siècle, comme on dit, finira d'une façon autrement chouette que l'autre. Un fameux nettoyage, un coup de torchon comme il n'y en a jamais eu !
Zola, la Terre, IV, V.
c Mar. Coup de vent, tempête.
4 ☑ Loc. pop. Vieilli. Mettre la viande en torchon, dans le torchon : se mettre au lit.
4 — Déjà dix heures, les amis (…) Il est temps de mettre la viande en torchon. Chacun, alors, se couche, lentement.
H. Barbusse, le Feu, I, XIV.
B Fig., fam.
1 Écrit sans valeur; texte mal présenté; journal médiocre. ⇒ Torche-cul.
4.1 (Il) lève les naseaux de dessus un torchon défenseur simultané des bonnes mœurs et de l'industrie sidérurgique (…)
R. Queneau, le Chiendent, p. 38.
2 (1718). Vieilli. Femme ou jeune fille sale, mal habillée. ⇒ Souillon. — Pop. || Une Marie-torchon.
5 Elle roula, elle battit le pavé de ses anciennes savates de petit torchon, en quête d'une pièce de cent sous.
Zola, Nana, VIII.
3 (1873, Zola). Vx. Prostituée.
6 C'est aussi l'heure où des bandes de fêtards commencent à se répandre en ces lieux (les Halles) pour y finir la nuit dans quelque petit torchon renommé, jetant dans la cohue robuste et franche du travail la note noire, mousseuse et équivoque des tenues de soirées, des fourrures et des soies.
A. Breton, l'Amour fou, IV, p. 68.
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DÉR. Torchonner.
Encyclopédie Universelle. 2012.