FATIGUE
Le terme de fatigue désigne à la fois un sentiment vécu, n’apparaissant qu’à travers le récit personnel de celui qui l’a ressenti, et un ensemble de signes notés et enregistrés par un observateur impartial. Cette dualité permet d’opposer la fatigue subjective et la fatigue objective. Seule cette dernière peut être réellement définie avec précision par le physiologiste. Pour J. Scherrer, la fatigue est une «baisse d’activité d’un système vivant (cellules, tissus, organes...) pour une incitation constante, liée à l’activité de ce système et réversible par sa cessation transitoire». Cette définition s’applique aux activités aussi bien musculaires que psychosensorielles de l’organisme entier; elle concerne le travail professionnel, l’activité sportive et les contraintes de la vie en société. La fatigue normale doit être distinguée de manifestations apparemment identiques, mais d’origine pathologique, que l’on préfère nommer asthénie . Une baisse d’activité, lorsqu’elle n’est plus réversible par le repos, est un signe de vieillissement, soit d’usure (plus ou moins prématurée), soit d’une altération de la structure.
Conditions générales d’apparition
Un travail musculaire, une tâche psychosensorielle peuvent être poursuivis à différents régimes: le régime de croisière est celui qui permet une activité prolongée sans fatigue (un exemple est constitué par les 5 à 10 km de marche journalière qu’effectue un individu réputé sédentaire); le régime de crête correspond au maximum d’activité pendant un temps très bref (course de vitesse); entre les deux se situe le régime critique , définissant le niveau maximal d’activité sans limite de temps (c’est le plafond d’activité qu’un homme pourrait maintenir pendant les heures de veille durant des années, le besoin de sommeil étant par ailleurs satisfait). La notion de régime critique délimite donc deux catégories d’activités: celles qui peuvent être menées sans fatigue et celles où la fatigue apparaît obligatoirement. Fatigue et régime critique se définissent mutuellement.
Cependant, la fatigue ne se résume pas à une baisse de performance survenant lorsque l’activité se prolonge. Avant que ne survienne la diminution du taux d’activité, qui rend impossible la poursuite de l’action au régime initialement fixé, l’organisme vivant met en jeu des mécanismes de compensation (représentant une augmentation de l’incitation); ces derniers ont pour effet de maintenir le régime initial et de retarder le moment d’apparition de la fatigue. Ainsi, la phase terminale d’un travail musculaire est marquée par une chute de la force musculaire maximale, une augmentation de l’activité électrique du muscle, une élévation de la pression artérielle et de la fréquence des battements du cœur, l’apparition de tremblements et d’une incoordination motrice. De même, une tâche psychosensorielle peut se marquer à la longue par une augmentation du nombre des erreurs, des modifications de l’activité électrique cérébrale, spontanée ou provoquée.
La fatigue musculaire n’est pas «mesurable». Tout au plus peut-on mettre en évidence une baisse de la capacité de travail pour un type d’activité donné.
Principales formes et causes
La fatigue musculaire survient après un travail musculaire, général ou local, de niveau et durée suffisants: l’épuisement est d’autant plus précoce que la puissance développée est grande. Au cours du travail local, la fatigue est liée à l’épuisement des réserves d’énergie intramusculaires, aux modifications biochimiques (acidité) survenant à l’intérieur des fibres musculaires, et à l’insuffisance de la circulation dans le muscle, laquelle apporte à celui-ci le glucose, les lipides et l’oxygène dont il a besoin; ce dernier facteur prédomine dans le travail statique, qui comporte une diminution partielle ou totale de l’irrigation sanguine. Ce même mécanisme peut jouer chez le malade atteint d’artérite des membres inférieurs, qui présente une limitation de la durée de marche connue sous le nom de claudication intermittente. Au cours du travail général, une insuffisance des mécanismes de transport de l’oxygène s’ajoute aux facteurs locaux: la capacité d’adaptation des fonctions respiratoire et cardio-vasculaire possède ses propres limites.
On doit distinguer de la fatigue musculaire normale, survenant chez le sportif ou le travailleur de force, la courbature (phénomène douloureux consécutif à une activité musculaire inhabituelle par son niveau élevé et sa durée excessive) et la crampe (accidentelle ou professionnelle) due à la répétition d’un même geste ou au maintien d’une même posture, la force utilisée étant intense. Chez les sportifs, la méforme peut être considérée comme un état de fatigue lié à un surentraînement, se traduisant par une baisse des performances.
La fatigue nerveuse fait suite à une tâche mentale ou psychosensorielle. L’activité nerveuse consiste en un traitement d’information à un régime défini par la nature et la fréquence des signaux reçus, la complexité des choix et la nature des décisions à prendre. La fatigue se manifeste par l’impossibilité de suivre le régime initial, l’augmentation des erreurs ou des omissions. Elle peut être objectivée par des tests de coordination psychomotrice, de barrage, de choix binaire, de dégradation de l’écriture (J. W. Kalsbeck) ou par l’étude de l’activité électrique cérébrale (F. Lille). Elle correspond soit à une baisse de la vigilance lorsqu’une attention trop soutenue est demandée (fatigue de l’écolier), soit à une augmentation du seuil de sensibilité des organes sensoriels.
La fatigue auditive est mise en évidence sur un audiogramme établi chez le sujet qui vient d’être exposé au bruit. La baisse d’acuité auditive régresse progressivement; ce caractère transitoire distingue la fatigue auditive de la surdité, baisse d’acuité définitive, liée à un processus pathologique ou à une exposition, notamment professionnelle, au bruit.
La fatigue écologique est celle de la vie en société, qui impose des rythmes artificiels (horaires de travail, prise des repas en commun et à heure fixe, déplacements, repos hebdomadaire...) et des contraintes psychologiques (milieu familial et de travail, logement...) qui interfèrent avec des rythmes biologiques naturels (nyctémère, saison, digestion, veille-sommeil...). Ces conditions de vie sociale rendent les individus plus sensibles à la fatigue musculaire ou nerveuse.
La fatigue pathologique accompagne de nombreuses affections; il s’agit d’une fatigabilité musculaire ou nerveuse anormale; elle apparaît pour des activités réalisées à très bas régime. L’insuffisance surrénale lente (ou maladie d’Addison) comporte un épuisement rapide, malgré une conservation assez bonne de la force musculaire: il s’agit d’un trouble des métabolismes glucidiques et hydrominéral. La myasthénie (ou maladie d’Erb-Goldflam) comporte une baisse de la force de contraction des muscles de la face (chute des paupières, perte de la mimique) et des membres (anomalie du maintien des attitudes posturales): la cause en est un trouble de la transmission neuromusculaire. La survenue de la fatigue n’est pas nécessairement liée à une activité antérieure du muscle. Des perturbations biochimiques générales sont à l’origine de certaines fatigues: c’est le cas des maladies dites «asthéniantes» tels la grippe ou l’ictère infectieux.
La fatigue subjective est une sensation perçue par des sujets, qui généralement présentent aussi des signes objectifs de fatigue musculaire, nerveuse ou écologique. Elle est ressentie soit au cours de l’activité, soit lorsque celle-ci cesse. Elle peut être éclipsée par l’effort d’attention nécessaire à la réalisation de la tâche ou par une autre sensation (faim, soif, peur, sommeil...); elle est d’autant plus extériorisée que l’individu est moins bien inséré dans les groupes sociaux auxquels il appartient. La fatigue peut être considérée comme un signe d’inadaptation générale à une situation ou à une activité données. Certains y sont peu sensibles et l’acceptent comme un événement naturel; d’autres, au contraire, en font l’objet de leur préoccupation constante. Pour un même régime, les individus se distinguent donc les uns des autres par une infatigabilité propre qui dépend, en dernière analyse, de leur aptitude maximale dans le domaine considéré. La difficulté majeure de l’étude de la fatigue subjective réside dans le grand nombre des éléments qui peuvent être retenus pour la décrire, d’où la confusion possible avec les sensations voisines telles que la lassitude ou l’ennui. En pathologie, on observe des dissociations: la sensation de fatigue peut exister alors que la capacité de travail (physique ou mentale) est intacte, permettant parfois des performances remarquables. La fatigue des maladies mentales n’est donc pas liée à une activité antérieure: il s’agit d’une perception sans objet, définition même de l’hallucination.
Aussi bien pour le sujet normal que pour le malade, les recherches actuelles ont établi des corrélations entre la sensation de fatigue (phénomène psychologique) et les signes physiologiques qui l’accompagnent. On peut supposer, en effet, qu’à un état de fatigue correspond un mode particulier de fonctionnement de l’ensemble des neurones du système nerveux, réalisant ce que les neurophysiologistes nomment un pattern spatio-temporel d’activité neuronique .
Les remèdes
Les remèdes dépendent de la nature et des causes de la fatigue. Le repos permet une récupération complète. Le changement d’activité (musculaire ou nerveuse, professionnelle ou ludique...) est favorable: d’où l’importance des violons d’Ingres et des activités culturelles. Pour une activité donnée, la fatigue peut être évitée en diminuant le régime adopté ou en augmentant l’aptitude au travail par l’entraînement. L’ergonomie se propose d’aménager le travail professionnel de sorte qu’il se déroule sans fatigue excessive. La fatigue, musculaire ou nerveuse, survenant au cours de tâches professionnelles est en effet la cause à long terme d’un vieillissement prématuré de l’organisme; à court terme, elle est génératrice d’accidents: ainsi, la fatigue auditive, comme la surdité professionnelle qu’elle précède, est une gêne pour la compréhension des ordres donnés dans un atelier lors de la manutention de pièces lourdes. Les dopants retardent l’apparition de la fatigue, mais dépriment ensuite l’individu: ils constituent donc eux-mêmes une cause de fatigue. Il en est de même des drogues hallucinogènes vis-à-vis de la fatigue subjective. La fatigue pathologique peut être traitée par les médicaments et, dans certains cas, par la psychothérapie.
fatigue [ fatig ] n. f.
1 ♦ État résultant du fonctionnement excessif d'un organe, d'un organisme, et qui se traduit par une diminution des forces, de l'activité, généralement accompagné d'une sensation caractéristique (sentiment de fatigue). Légère fatigue (⇒ lassitude) , grande fatigue (⇒ épuisement, éreintement, exténuation, harassement) . Fatigue des jambes; fatigue générale (⇒ asthénie) . Effets de la fatigue. ⇒ abattement, accablement, affaiblissement, alanguissement, anéantissement, faiblesse. Tituber, tomber, être mort de fatigue. ⇒ fatigué. « Il se sentit recru de fatigue, les jambes raides et douloureuses, les reins brisés » (Bernanos ). Supporter la fatigue (⇒ infatigable) . Fatigue nerveuse (⇒ stress) ; fatigue cérébrale, intellectuelle. ⇒ surmenage. — La fatigue du voyage, causée par le voyage.
2 ♦ Vieilli ⇒ ennui, lassitude , tracas. « Ô la grande fatigue que d'avoir une femme ! » (Molière).
3 ♦ (Surtout au plur.) Ce qui est cause de fatigue. Se remettre des fatigues du voyage. « Il avait voulu éviter à sa vieille mère les fatigues d'une longue station » (France).
4 ♦ Techn. Déformations, changements d'état subis par un matériau, une pièce mécanique, etc., sous des efforts excessifs. Fatigue des métaux. Rupture par fatigue.
⊗ CONTR. Détente, repos; délassement.
● fatigue nom féminin (de fatiguer) État physiologique consécutif à un effort prolongé, à un travail physique ou intellectuel intense et se traduisant par une difficulté à continuer cet effort ou ce travail. Ce qui cause cet état de lassitude (surtout pluriel) : Supporter les fatigues du voyage. Endommagement d'un matériau provoqué par la répétition de sollicitations mécaniques et pouvant entraîner sa rupture sous des contraintes inférieures à celles résultant d'actions statiques. Agriculture Baisse de fertilité d'un sol ou mauvais rendement des récoltes, dont l'origine est mal expliquée. ● fatigue (citations) nom féminin (de fatiguer) Simone de Beauvoir Paris 1908-Paris 1986 La mort semble bien moins terrible, quand on est fatigué. Les Mandarins Gallimard ● fatigue (expressions) nom féminin (de fatiguer) Tomber, être mort de fatigue, ne plus tenir sur ses jambes ; ressentir une très grande lassitude. Chaussures de fatigue, gros brodequins à semelle épaisse. Essai de fatigue, synonyme de essai d'endurance. Fatigue musculaire, diminution soit de la force, soit de la vitesse de contraction d'un muscle, apparaissant lorsque celui-ci a une activité trop importante. (Elle peut être consécutive à un apport sanguin insuffisant ou à une limitation des phénomènes métaboliques produisant de l'énergie.) ● fatigue (synonymes) nom féminin (de fatiguer) État physiologique consécutif à un effort prolongé, à un travail...
Synonymes :
- anéantissement
- asthénie
- épuisement
- éreintement (familier)
- exténuation
Contraires :
- repos
Matériaux. Essai de fatigue
Synonymes :
fatigue
n. f.
d1./d Sensation résultant d'un travail excessif, d'un effort ou d'un état pathologique; lassitude. J'ai trop marché, je tombe de fatigue.
— La fatigue de: la fatigue causée par. Je veux vous épargner la fatigue de ces démarches.
d2./d TECH Déformation, changement d'état, diminution de résistance d'une pièce au bout d'un certain temps de fonctionnement.
d3./d AGRIC Fatigue d'un sol: baisse du rendement d'un sol due à l'appauvrissement en certains éléments minéraux et à l'apparition de parasites tels que les nématodes.
⇒FATIGUE, subst. fém.
A.— Dans le domaine physiol.
1. Diminution des forces de l'organisme, généralement provoquée par un travail excessif ou trop prolongé, ou liée à un état fonctionnel défectueux. Fatigue physique; brisé de fatigue. En sentant une petite fatigue dans les muscles (BALZAC, Cous. Pons, 1847, p. 158). Il ne sentait plus qu'une grande fatigue dans tous ses membres (ZOLA, T. Raquin, 1867, p. 109). Ses traits accusèrent brusque ment la fatigue accumulée depuis des semaines (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 918) :
• 1. C'était une rangée de cadavres, debout, dans les suaires noirs. Toutes étaient exsangues, avaient des joues blanches, des paupières lilas et des bouches grises, toutes avaient des voix épuisées et tréfilées par les privations et les prières, et, la plupart se voûtaient, même les jeunes. Ah! l'austère fatigue de ces pauvres corps! se cria Durtal.
HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p. 211.
— P. métaph. L'extrême fatigue des âmes (TOCQUEVILLE, Corresp., [avec Gobineau], 1858, p. 298).
SYNT. Fatigue corporelle, musculaire, cérébrale, nerveuse; fatigue soudaine, brusque, passagère, chronique; une longue, une extrême fatigue; accablé, abruti, écrasé, excédé, ivre, rompu, harassé, mort de fatigue; sentir, ressentir (de) la fatigue; craindre, éviter, épargner, supporter la fatigue. Ne ménager ni son temps ni sa fatigue; résister à la fatigue; haleter, succomber, tomber, crever, s'endormir, se tuer, n'en plus pouvoir de fatigue; signe, état, surcroît, excès, sentiment de fatigue; poids de la fatigue.
— [Avec un compl. d'origine introduit par la prép. de] Il me faudra quelque temps pour me remettre de la fatigue de Paris (LAMENNAIS, Lettres Cottu, 1825, p. 168). Ses traits fléchis par la fatigue de l'heure tardive (PROUST, Prisonn., 1922, p. 342) :
• 2. Elles retraversèrent la prairie plus lentement cette fois, car la fatigue de cette promenade commençait à se faire sentir.
GREEN, Journal, 1928-34, p. 260.
2. P. méton., souvent au plur. Travail, tâche pénible (causant de la fatigue). Les fatigues de la campagne, de la guerre, d'une journée, d'un voyage; se reposer, se remettre de ses fatigues. Il avait voulu éviter à sa vieille mère les fatigues d'une longue station (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 72) :
• 3. Pour se reposer des fatigues de la fête, M. Patissot conçut le projet de passer tranquillement le dimanche suivant assis quelque part en face de la nature.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 316.
— En partic. Travail pénible qui entraîne une diminution des forces :
• 4. Cependant qu'elle lessivait un drap ou une nappe, qu'elle astiquait soigneusement le panneau de la panetière, ou polissait un chandelier de cuivre, il lui montait du fond de l'âme ces petits mouvements de joie qui animait ses fatigues domestiques.
BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 74.
♦ Cheval de fatigue. Utilisé pour les travaux les plus durs. Il [le docteur] pouvait assigner le moment où cette âme entrerait dans le corps (...) d'un cheval de fatigue (MAUPASS., Dr H. Gloss, 1893, p. 121).
♦ Habit, vêtement de fatigue. Réservé pour les tâches pénibles. Il se procura un pantalon de fatigue en velours à côtes, comme ceux des ouvriers charpentiers (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 287). Les habits de fatigue dans la laine des brebis (PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p. 109).
♦ Homme de fatigue. À qui on donne un travail pénible à faire. C'est prodigieux comme Millet a saisi le galbe de la paysanne, de la femme de labeur et de fatigue, penchée sur la terre et ramassant la glèbe (GONCOURT, Journal, 1862, p. 1130).
— Spéc., vx, arg. Travail (des forçats). À la fatigue, sous l'ardent soleil du bagne, sur le lit de planches des forçats, il se replia en sa conscience et réfléchit (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 112).
B.— P. anal.
— [En parlant d'une chose] Moindre résistance (d'une chose) due à une trop longue ou trop violente utilisation et pouvant aller jusqu'à empêcher son fonctionnement normal. Une certaine fatigue du ressort (CLAUDEL, Art poét., 1907, p. 139).
— P. méton. Effort imposé qui engendre une moindre résistance. Il est très important de se rendre compte de la fatigue qui sera imposée au câble (HATON DE LA GOUPILLIÈRE, Exploitation mines, 1905, p. 945).
— Spéc., TECHNOL. Essai de fatigue. Pour déterminer l'effort maximum possible sans qu'il y ait rupture (d'apr. RAMA 1973). Synon. essai d'endurance.
C.— Au fig.
— [En parlant d'une pers.] Découragement, disparition de l'envie de poursuivre ce qui a été entrepris. Je suis tout languissant, mais c'est plutôt de fatigue morale que de maladie physique (CONSTANT, Journaux, 1804, p. 83). La fatigue de n'être jamais d'accord avec le plus grand nombre (MONTHERL., Songe, 1922, p. 111).
Prononc. et Orth. :[fatig]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Début XIVe s. « action de fatiguer, résultat de cette action » (AIMÉ, Yst. de li Norm., p. 137 ds GDF. Compl.); 2. 1555 « ce qui est cause de fatigue, travail pénible » (E. PASQUIER, Le Monophile, 74a ds R. Ét. rab. t. 9, p. 308). Déverbal de fatiguer. Fréq. abs. littér. :4 814. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 5 601, b) 7 486; XXe s. : a) 7 138, b) 7 385. Bbg. MARTIN (R.). Les Degrés de la synon. In : Colloque sur les moyens d'enquête sur la connaissance et la diffusion du vocab. Strasbourg, 1962, pp. 21-31. — Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 69, 85.
fatigue [fatig] n. f.
ÉTYM. XIVe; déverbal de fatiguer.
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1 État résultant du fonctionnement excessif (d'un organe, d'un organisme) et qui se traduit par une diminution du pouvoir fonctionnel, généralement accompagnée d'une sensation caractéristique (sentiment de fatigue). || Fatigue totale d'un muscle : abolition complète de son pouvoir fonctionnel. || Les contractions volontaires n'amènent qu'une fatigue relative. || Étude expérimentale de la fatigue, à l'aide de l'ergographe. || Fatigue musculaire, neuro-musculaire. || Fatigue visuelle (asthénopie). || La fatigue des hémisphères cérébraux par les déchets du métabolisme cellulaire; elle produit une diminution du rendement du travail, des modifications dans la composition du sang, de l'urine, de la sueur, etc. || L'entraînement retarde l'apparition de la fatigue. || Fatigue de l'organisme. || Sensation, sentiment, impression de fatigue. || Légère fatigue (⇒ Lassitude), grande fatigue, extrême fatigue (⇒ Épuisement, éreintement, exténuation, forçage, harassement, surmenage). || Fatigue locale; fatigue générale (→ Endolorissement, cit. 1). || Fatigue passagère. || Effets de la fatigue. ⇒ Abattement, accablement, affaiblissement, alanguissement, anéantissement, asthénie, dépression, faiblesse. || Médicaments qui s'opposent à la fatigue. ⇒ Antifatigue; dopant, fortifiant, stimulant. || Moment de fatigue (→ Assaut, cit. 12). Fam. || Se crever, se tuer de fatigue. → Suer sang et eau. — Succomber à la fatigue. || Haleter de fatigue.
♦ ☑ Loc. Être mort de fatigue, tomber de fatigue : être à bout (cit. 32), n'en plus pouvoir (→ Éreinté, cit. 7). || Être accablé (cit. 8 et 10), assommé, brisé (cit. 36), claqué (fam. cit. 7), épuisé, harassé (→ Brûler, cit. 54), recru, mort de fatigue. || La fatigue l'engourdissait (cit. 4). || Avoir les épaules courbées, bombées (cit. 5) de fatigue. || Traits creusés (cit. 25), tirés par la fatigue. || Visage émacié (cit. 2) par la fatigue. || Des pas appesantis par la fatigue (→ Alléger, cit. 3). || La fatigue lui faisait traîner la jambe, le faisait tituber. || Tituber, tomber de fatigue. || Résister à la fatigue. || Supporter la fatigue. || Être dur à la fatigue (⇒ Infatigable). — (Animaux). || Fatigue excessive du cheval. ⇒ Fortraiture (→ Étique, cit. 2). — Fatigue nerveuse; fatigue cérébrale, intellectuelle. ⇒ Cassement (de tête). || La fatigue de résoudre un problème.
1 Qu'ils se reposent sur nous de la fatigue d'éclaircir les difficultés (…)
Racine, Bérénice, Préface.
2 (…) je suis rendue de fatigue, et je veux dormir.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre LXXI.
3 Booz s'était couché de fatigue accablé;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire (…)
Hugo, la Légende des siècles, II, « Booz endormi ».
4 Le pauvre garçon avait tant pleuré depuis trois jours et quasi trois nuits, qu'il était vanné par la fatigue (…)
G. Sand, la Petite Fadette, III.
5 Cependant, la fatigue me prit comme une vague, berça mes noires pensées et m'endormit brusquement dans mon angoisse.
Villiers de l'Isle-Adam, Contes cruels, « L'intersigne ».
6 La puissante fatigue enfin le terrassa; il s'endormit.
Maupassant, Contes de la bécasse, « Un coq chanta ».
7 « Non, me répondit Swann, je suis trop fatigué pour marcher, asseyons-nous plutôt dans un coin, je ne tiens plus debout. » C'était vrai, et pourtant, commencer à causer lui avait déjà rendu une certaine vivacité. C'est que dans la fatigue la plus réelle il y a, surtout chez les gens nerveux, une part qui dépend de l'attention et qui ne se conserve que par la mémoire. On est subitement las dès qu'on craint de l'être, et pour se remettre de sa fatigue, il suffit de l'oublier.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. IX, p. 136.
8 La tristesse n'est presque jamais chez moi qu'une forme de la fatigue.
Gide, Journal, mars 1922.
9 Seule une grande ferveur intellectuelle triomphe de la fatigue et de la flétrissure du corps.
Gide, Journal, 5 mai 1927.
10 En même temps, l'illusion qui l'avait soutenu jusqu'alors se dissipant tout à coup, il se sentit recru de fatigue, les jambes raides et douloureuses, les reins brisés. Ses yeux, qu'il avait tenus grands ouverts dans les ténèbres, étaient maintenant pleins de sommeil.
Bernanos, Sous le soleil de Satan, I, III, p. 153.
♦ Cheval de fatigue : cheval robuste qu'on emploie pour les plus rudes travaux. — Costume, habit, vêtement de fatigue : vêtement de travail particulièrement résistant. || « Un pantalon de fatigue en velours » (Maupassant).
♦ Ellipt. || La fatigue de la marche, du voyage : la fatigue que cause la marche… (→ Endormir, cit. 18).
2 Vieilli. ⇒ Ennui, lassitude, tracas. || La fatigue de supporter un importun. ⇒ Fatiguer.
11 Ô la grande fatigue que d'avoir une femme !
Molière, le Médecin malgré lui, I, 1.
3 (1555). || Une, des fatigues (surtout au pluriel). Ce qui cause de la fatigue. Travail pénible, chose pénible à supporter. ⇒ Labeur, peine. || Supporter les peines et les fatigues de la vie. ⇒ Chaîne, collier, joug (fig.). || Vie pleine de fatigues (→ Assujettissement, cit. 4). || Les fatigues d'un dur métier (→ Chercher, cit. 44). || Accoutumer aux fatigues de la guerre. ⇒ Aguerrir. || Évitez-lui cette fatigue (→ Éviter, cit. 39).
12 (…) prenons haleine après tant de fatigue (…)
Molière, l'Étourdi, III, 4.
13 (…) l'exemple du Roi qui (…) essuyait toutes les fatigues (…)
Racine, les Campagnes de Louis XIV.
♦ Vx. Travail des forçats.
14 (…) nous (les forçats) allions malgré le vent, le froid, le chaud ou la pluie, à la fatigue, c'est-à-dire au travail.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 681.
4 (XXe). Techn. Déformations, changement d'état, diminution de la résistance mécanique (subis par un matériau, une pièce mécanique, etc.), sous des efforts excessifs. ⇒ Résistance (des matériaux). || Fatigue des métaux. || Essai de fatigue sur les produits métallurgiques. || Rupture par fatigue.
15 (…) mais la fluorescence n'est qu'un phénomène fugitif ne permettant que très difficilement des mesures précises; de plus, au bout de quelque temps, la substance fluorescente subit une fatigue qui la rend inutilisable.
A. Boutaric, la Vie des atomes, p. 114.
♦ Fatigue d'un navire : ébranlement de la mâture, des liaisons d'un navire sous l'effet du vent, de la mer (⇒ Fatiguer).
♦ Par métonymie. Effort qui engendre une fatigue. || La fatigue imposée à un câble.
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CONTR. Calme, détente, force, repos. — Amusement, délassement.
COMP. Antifatigue.
Encyclopédie Universelle. 2012.