GRAINE
La graine est un organe de dissémination résultant de la transformation d’un ovule: après la fécondation, ou même sans accomplissement d’un processus sexuel (agamospermie), un embryon est formé dans le prothalle femelle (gamétophyte); dans un tissu entourant l’embryon, ou dans l’embryon lui-même, des réserves sont accumulées, que celui-ci consommera lors de la germination; simultanément, les téguments ovulaires se transforment en une carapace mortifiée, plus ou moins dure et imperméable, protégeant l’embryon et les réserves.
Ainsi définie, la graine (en grec: sperma ) est l’apanage des Spermaphytes (Gymnospermes et Angiospermes). Elle est mûrie sur l’écaille ovulifère (Gymnospermes) ou dans l’ovaire (Angiospermes), grâce à un apport nourricier provenant de la plante mère. Elle est ensuite libérée dans le milieu extérieur, où elle est disséminée, transportée à des distances éventuellement considérables; elle peut ainsi subsister, en apparence inerte, jusqu’au moment où des conditions favorables de température et d’humidité permettent à l’embryon d’éclore.
Structure
Les éléments constants de toute graine sont l’embryon et le tégument; chez beaucoup de Spermaphytes, la graine contient, en outre, un tissu spécialisé dans lequel des matières de réserve sont accumulées.
L’embryon est formé par une prolifération limitée et planifiée de la cellule œuf, dans laquelle a fusionné, avec le noyau à n chromosomes de l’oosphère (cellule sexuelle femelle), un des deux noyaux mâles, à n chromosomes aussi, apporté par le tube pollinique (chez les espèces agamospermes, la cellule œuf, à 2 n chromosomes, prolifère sans fécondation). Ébauche de la future plante, l’embryon, droit (fig. 1, 2 c, 2 e), courbe (fig. 2 b), ou même annulaire (fig. 2 d), suivant les familles, comprend une minuscule tige portant des feuilles rudimentaires (cotylédons) et prolongée par une très courte racine. Le nombre des feuilles cotylédonaires est de deux à dix-huit ou vingt chez les Gymnospermes, et de deux chez toutes les Angiospermes dicotylédones ; chez les Angiospermes monocotylédones, la feuille cotylédonaire est unique (fig. 3), souvent indistincte à l’intérieur de la graine mûre, et n’apparaît, sous des formes diverses, qu’au moment de la germination.
Les embryons sont, très généralement, dépourvus de chlorophylle; les embryons à cotylédons verts, chez certains Conifères, chez les agrumes, etc., sont exceptionnels.
Très généralement aussi, la graine contient un seul embryon; même si, dans des situations rarement réalisées, plusieurs embryons sont ébauchés, un seul parvient à maturité, tandis que les autres meurent avant terme. Chez quelques espèces exceptionnelles, cependant, cette concurrence n’intervient pas, et la graine mûre contient alors plusieurs embryons viables (polyembryonie de certains Conifères, des Citrus , du manguier, etc.).
Le tégument offre des caractères très divers suivant les espèces; tous les intermédiaires existent entre les téguments durs et épais, rigoureusement imperméables à l’air et à l’eau, et les téguments minces, papyracés, très perméables, entre des téguments lisses et des téguments verruqueux ou anfractueux, entre des téguments de teintes vives (blancs, rouges) et des téguments sombres (bruns, noirs), de couleur uniforme, ou panachés.
On distingue, sur le tégument de la plupart des graines, un hile , cicatrice de l’attache de la graine sur le cordon (funicule), par lequel elle recevait, de la plante mère, au cours de la maturation, les matériaux nourriciers.
Les réserves sont déposées dans des conditions qui varient suivant le Spermaphyte considéré.
Chez les Gymnospermes (Coniférophytes et Gnétophytes), les réserves sont stockées dans le prothalle femelle (gamétophyte), formé de très nombreuses cellules à n chromosomes; ce prothalle s’hypertrophie et se charge d’amidon, d’huiles et de protéines à mesure que l’embryon prend forme. La graine contient, finalement, un embryon droit, dans un étui prothallien chargé de réserves (fig. 1).
Chez les Angiospermes, les structures sont plus variées et leur mise en place est plus compliquée. Le prothalle femelle (à n chromosomes) est très réduit (huit noyaux seulement). Mais la fécondation est double : tandis que l’un des noyaux mâles fusionne avec le noyau femelle (origine de l’embryon), l’autre noyau mâle fait de même avec deux autres noyaux prothalliens; le noyau, à 3 n chromosomes, résultant de cette fécondation surnuméraire, est à l’origine d’un organe multicellulaire propre aux Angiospermes: l’albumen.
Les deux organismes – embryon et albumen – résultant de cette fécondation vont ensuite se développer côte à côte. Dans certaines familles (p. ex. Palmiers et Renonculacées), l’albumen grandit plus activement que l’embryon; la graine mûre, albuminée , contient un minuscule embryon (fig. 2 a) dans un volumineux albumen chargé de réserves (amidon, cellulose, huiles, protéines, etc.). Dans d’autres familles (p. ex. Rosacées et Légumineuses), l’embryon se développe plus vite que l’albumen; il écrase celui-ci et la graine mûre, exalbuminée , ne contient qu’un volumineux embryon (fig. 2 e), dans lequel les réserves sont accumulées. Tous les intermédiaires existent entre ces deux états extrêmes (fig. 2 b, c et d).
Ces transformations comportent, très généralement, une destruction complète du nucelle ovulaire, dans lequel le prothalle femelle s’est développé; exceptionnellement (Nymphæacées, poivriers, etc.), toutefois, subsiste, à côté de l’albumen, un résidu nucellaire (périsperme ), dans lequel sont accumulées ainsi des réserves.
Vie ralentie
Au cours de la maturation, le dépôt des réserves est accompagné par une déshydratation active de tous les éléments vivants: la plupart des graines mûres contiennent moins de 10 p. 100 d’eau (alors que la vie active exige une teneur de l’ordre de 90 à 95 p. 100); les espèces dont les graines mûres sont moins déshydratées (34 p. 100 d’eau chez le cacaoyer) sont exceptionnelles.
La déshydratation a pour conséquence un ralentissement très important des fonctions physiologiques (les échanges respiratoires ne sont même plus mesurables) et, corrélativement, une remarquable insensibilité à toutes les intempéries: la graine peut, sans mourir, être entraînée dans l’atmosphère par le vent, séjourner dans un sol gelé, surchauffé ou desséché, être conservée dans un récipient clos. La plupart des graines peuvent même supporter, après une déshydratation aussi complète que possible, et dans le vide, d’être immergées, pendant plusieurs heures, dans l’hydrogène ou l’azote liquides: dans les graines ainsi traitées ne subsiste plus la moindre trace d’eau utilisable; les fonctions physiologiques des parties vivantes (embryon et albumen) ne sont alors plus seulement ralenties, mais complètement suspendues (vie latente).
La longévité d’une graine (durée de la période pendant laquelle elle peut rester en état de vie ralentie sans perdre son pouvoir germinatif) est d’autant plus grande que son tégument est plus imperméable, que ses réserves sont moins altérables et ses parties vivantes plus déshydratées. Tous les intermédiaires existent entre les graines du lotus (Nelumbo nucifera ) qui, présentement, détiennent le record de la longévité (de l’ordre de mille ans) et les graines du cacaoyer, peu déshydratées, qui doivent, sous peine de mort, trouver, dans les quelques jours suivant leur maturation, les conditions permettant leur germination.
Dissémination
Chez quelques espèces, les graines sont projetées, en tous sens, par l’éclatement du fruit; beaucoup plus généralement, elles sortent de celui-ci par des fentes, ou des trous, ouverts dans sa paroi; la dissémination est alors assurée par des moyens variés [cf. FRUITS].
Dans beaucoup de genres, le tégument porte une annexe succulente, souvent de teinte vive (rouge, orangée, bleue), appelée arille, arillode, caroncule, suivant la région de la surface ovulaire où elle prend naissance. Cette annexe, qui contient des substances nutritives, attire, à l’échelle de ses dimensions, des animaux petits (fourmis, etc.), ou grands (oiseaux, rongeurs, éléphants, singes, etc.), et constitue ainsi un moyen de dispersion; les arilles les plus développés sont surtout répandus parmi les Angiospermes tropicales et permettent la dissémination de graines volumineuses et lourdes.
Dans d’autres genres, le tégument est pourvu d’une mince crête membraneuse, annulaire, ou latérale, plus ou moins large (aile), ou bien garni de poils creux et remplis d’air (saules, peupliers, cotonniers, lauriers-roses, etc.); tous ces dispositifs augmentent, sans accroissement sensible de poids, la surface portante de la graine et donnent prise au vent, qui assure la dissémination. Il en est de même lorsque les graines sont très petites; le cas extrême est celui des Orchidées, chez lesquelles chaque fruit libère une poussière de graines microscopiques (plusieurs centaines de milliers à plusieurs millions, suivant l’espèce, dans un seul fruit). Au cours de l’évolution des Angiospermes, la petitesse et le grand nombre des graines ont été favorisés par la sélection naturelle: les plantes tropicales, à graines arillées, mûrissant lentement, solitaires ou peu nombreuses, dans chaque fruit, font figure de reliques; dans les familles évoluées, des graines, petites et nombreuses, à maturation rapide, assurent beaucoup mieux la dissémination.
Dormances
La germination est, chez de nombreux Spermaphytes, possible dès la sortie du fruit, si les conditions nécessaires de température, d’humidité et d’éclairement sont réunies; elle est, chez beaucoup d’autres espèces, impossible: la graine ne peut germer qu’après un séjour (quelques semaines ou quelques mois) dans le milieu extérieur; ces graines apparemment mûres, mais incapables de germer, sont appelées dormantes.
Les dormances vraies signifient que, dans la graine fraîchement séparée de la plante mère, la maturation (construction de l’embryon; formation de tous les facteurs de croissance) n’est pas encore achevée ou, plus souvent, qu’existent des substances inhibitrices; celles-ci disparaissent, peu à peu, suivant les cas, par l’effet des basses températures, ou des températures élevées, ou du dessèchement, ou de l’éclairement. Des dormances comparables sont présentées aussi par les bourgeons des tiges, des tubercules, des bulbes et se manifestent même dans le règne animal: la diapause des Insectes (arrêt momentané du développement à un stade et pendant un temps défini) est une dormance par inhibition.
Les fausses dormances correspondent à une inhibition, non plus située dans les parties vivantes, mais imposée à celles-ci par un tégument trop épais, ne permettant pas la pénétration de l’air et de l’eau; enlever cette carapace, ou seulement la scarifier, suffit à supprimer l’inhibition; dans le sol, la germination n’intervient qu’après altération du tégument par les bactéries et les moisissures.
L’effet adaptatif des dormances a été surtout étudié dans les contrées à hiver froid; il est évident chez les annuelles dites «de printemps» (mercuriale, Impatiens parviflora , etc.): formées au cours de l’été, les graines, libérées en automne, sont dormantes; le risque est ainsi évité que, pendant quelques chaudes journées préhivernales, les graines germent et donnent naissance à des plantules ne disposant pas du temps nécessaire pour «s’endurcir» au gel; pendant l’hiver, les basses températures lèvent peu à peu la dormance; les graines sont alors prêtes à germer dès les premières belles journées printanières.
Germination
La graine non dormante, hydratée à température convenable, se gonfle; le tégument éclate et l’embryon, qui respire activement, peut ainsi éclore et se développer; dépourvu (sauf exceptions) de chlorophylle, il doit alors s’alimenter à partir des réserves. Chez les Gymnospermes, le prothalle, chez les Angiospermes à graines exalbuminées, l’albumen, sont digérés. Par contre, l’embryon des graines albuminées contient en lui-même la totalité des réserves qu’il consomme.
Les familles à graines exalbuminées (ou dont l’albumen est peu développé) sont plus nombreuses que celles à graines pourvues d’un albumen important: la sélection naturelle a favorisé les premières, chez lesquelles économie est faite des complications que sont la formation, puis la digestion d’un tissu extérieur à l’embryon.
Utilisation
De nombreuses Angiospermes sont cultivées pour leurs graines, dont l’importance alimentaire (albumen du cocotier; albumen et embryon des céréales; embryons du noyer, du colza, du cacaoyer, de l’amandier, de l’arachide, du pois, du haricot, etc.) ou industrielle (albumen du ricin; poils des cotonniers) est considérable. L’arille du litchi et d’autres arbres tropicaux est comestible; l’arille (macis) et l’albumen du muscadier sont des condiments. D’autres graines sont recherchées, dans la nature, pour leurs propriétés médicinales; certaines contiennent des alcaloïdes (ésérine de la fève de saint Ignace, graine d’une Légumineuse d’Afrique tropicale, strychnine de la noix vomique, graine d’un Strychnos d’Asie tropicale), d’autres des hétérosides (ouabaïne et strophantine des graines de Strophanthus d’Afrique tropicale). L’albumen, très dur (la réserve dominante est la cellulose accumulée dans les parois cellulaires), des Palmiers du genre Phytelephas (Colombie, Venezuela) est le matériau appelé corozo (ivoire végétal).
graine [ grɛn ] n. f.
• v. 1175; lat. grana, pl. neutre pris comme fém. de granum → grain
1 ♦ Partie des plantes à fleurs (phanérogames) qui assure leur reproduction; ovule fécondé de la fleur. La graine est contenue dans le fruit (angiospermes), ou nue (gymnospermes). Les graines d'une baie. ⇒ 1. pépin. La graine d'une drupe (⇒ amande) est enfermée dans l'endocarpe lignifié (⇒ noyau ) . Albumen, tégument de la graine. Graine ciliée, ailée, à aigrette. Semer des graines (⇒ semence) . Germination, pousse d'une graine. Les lentilles, les fèves sont des graines comestibles. La graine, de la graine de... : collectif désignant les graines, la semence. Acheter de la graine de laitue. Plante qui monte en graine, qui produit sa semence (cf. le fig. ci-dessous ). — Graines oléagineuses, dont on tire l'huile par concassage. — Spécialt Graine de paradis : la cardamome. — Épaulette à graine d'épinard.
2 ♦ Loc. Monter en graine, se dit d'un enfant qui se met à grandir rapidement.
♢ En prendre de la graine : en tirer un exemple, une leçon (capable de produire les mêmes bons résultats). Ton frère était bachelier à 16 ans; prends-en de la graine.
♢ Péj. GRAINE DE ,pour exprimer ce qu'on pense qu'une personne sera dans l'avenir. Graine d'assassin ! De la graine de voyou, graine de violence. — Mauvaise graine, se dit d'enfants dont on ne présage rien de bon (⇒ engeance) , et par plais. d'enfants turbulents, malicieux.
3 ♦ Par anal. (Collect.) Œufs du ver à soie.
♢ Semoule (du couscous). « La pierre angulaire d'un plat de couscous c'est sa graine » (Le Monde, 1997).
● graine nom féminin (latin grana, pluriel de granum, grain) Organe dormant qui résulte de la fécondation et du développement de l'ovule chez les plantes à fleurs (phanérogames), et qui est apte, après germination, à reproduire un nouvel individu. Œuf du ver à soie. Vieux. Partie centrale de la Terre. Bouton en forme de graine qui surmonte certains couvercles d'orfèvrerie. ● graine (citations) nom féminin (latin grana, pluriel de granum, grain) René Char L'Isle-sur-la-Sorgue, Vaucluse, 1907-Paris 1988 La terre qui reçoit la graine est triste. La graine qui va tant risquer est heureuse. La Parole en archipel Gallimard ● graine (expressions) nom féminin (latin grana, pluriel de granum, grain) Populaire. Casser la (une) graine, manger. Familier. En prendre de la graine, en tirer une leçon pour réussir de la même façon ; prendre exemple, modèle. (De la) graine de voyou, d'assassin, etc., terme exprimant ce que l'on pense qu'un jeune homme deviendra dans l'avenir. Mauvaise graine, enfant, jeune dont on pense qu'il tournera mal ; enfant turbulent. Monter en graine, prendre un développement subit au moment de produire des graines ; grandir, se développer très vite au moment de la puberté. ● graine (synonymes) nom féminin (latin grana, pluriel de granum, grain) Organe dormant qui résulte de la fécondation et du développement...
Synonymes :
- grain
- semence
graine
n. f. et Interj.
rI./r n. f.
d1./d Organe de reproduction des plantes phanérogames, enfermé dans leur fruit (cosse, capsule, etc.).
d2./d Loc. fig. Mauvaise graine: mauvais sujet, en parlant d'un enfant, d'un jeune homme. Graine de chenapan!
— En prendre de la graine: prendre en exemple (ce qui est digne d'admiration).
d3./d (Afr. subsah.) Noix de palme.
d4./d GEOPH Partie interne du noyau de la Terre, de même composition que celui-ci mais plus condensée en raison de la pression élevée.
rII./r Interj. (Maurice) Fam. Interjection marquant le mécontentement, l'agacement. Graine, j'ai oublié mes clés! V. flûte (sens II), patate (sens II).
⇒GRAINE, subst. fém.
A. — Partie de la plante qui, après avoir germé, assure sa reproduction; en partic. graine non comestible. Graine de lin; graines oléagineuses; semer des graines. Sur 58 000 ha consacrés aux graines de semences, l'essentiel va à la production de graines fourragères ou de plantes sarclées (WOLKOWITSCH, Élev., 1966, p. 139) :
• 1. Dans les pays très-froids, si l'on arrive en automne ou dans l'hiver, il faut renoncer à semer des graines de plantes annuelles, qui ne germeraient pas, ou seraient détruites par les premières gelées; on peut tout au plus risquer quelques graines d'arbres, telles que des pépins de pomme, de raisin, des noyaux de différens fruits, etc. parce que ces semences, ne devant lever qu'au printemps, pourront se conserver malgré les froids...
Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 209.
1. BOT. ,,La graine, qui provient du développement de l'ovule, comprend deux parties : 1° le tégument ou enveloppe; 2° l'amande contenant une plante en miniature appelée plantule ou embryon. Enfin, il existe souvent une troisième partie nommée albumen, qui servira de nourriture à l'embryon lorsqu'il se développera`` (E. CAUSTIER, Bot., Classes de 5e A et B, Paris, Libr. Vuibert, 1914, p. 80).
2. Locutions
♦ Graine d'Avignon. Synon. de grenette, grainette B.
♦ Graine de Paradis. ,,Appelé aussi grande cardamome ou maniguette, ce condiment vient de Guinée. Ses fruits renferment une amande très blanche à saveur âcre et brûlante; ils sont employés parfois pour donner du montant, de la force aux vinaigres et aux eaux-de-vie`` (Gdes heures cuis. fr., Éluard-Valette, 1964, p. 238). Cf. HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 185.
♦ Monter en graine. [Le suj. désigne une plante] Grandir et se développer jusqu'à ce qu'elle porte graine. La chenille meurt quand elle forme sa chrysalide. La plante meurt quand elle monte en graine (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 570).
Au fig. [Le suj. désigne une femme non mariée] Monter en graine. Laisser passer l'âge du mariage; rester vieille fille; parvenir à la maturité sans être mariée (la jeunesse étant comparée à la fleur de la plante et l'âge à la maturité). Comment! il ne s'est pas trouvé quelque vieux gentilhomme campagnard pour épouser cette chère petite, faite pour devenir une châtelaine (...). Ils l'ont laissée monter en graine (BALZAC, Pierrette, 1840, p. 82). Et maintenant, bien que très montée en graine et vieille fille, elle est une autre femme, mille fois plus parfaite (PROUST, Fugit., 1922, p. 658) :
• 2. La plupart, déjà sérieusement montées en graine, pensaient avec amertume qu'elles ne se marieraient jamais; leur seule chance d'avoir un jour une vie décente, c'était de réussir leurs examens...
BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 173.
B. — Au fig. Il y avait là une vingtaine de jeunes gens, des écrivains, des peintres, des architectes, ou pour mieux dire de la graine de tout cela. — Aujourd'hui la graine a monté (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p. 229). Je gouverne depuis longtemps des femmes et j'ai pour règle de ne point contrarier leur nature. Toutes les graines ne donnent pas les mêmes fleurs (A. FRANCE, Thaïs, 1890, p. 345) :
• 3. Malgré les attendrissements faciles des poètes (...) on ne connaît guère l'enfant; on ignore surtout ce qu'il peut y avoir de personnalité dans ce petit corps, graine d'homme, où tout l'individu tient déjà avec ses instincts et sa destinée...
ARÈNE, Veine argile, 1896, p. 247.
— Expressions
♦ Graine + de + subst. (désignant une réalisation à venir). Toute graine de tragédie lui est bonne (MUSSET, ds Revue des Deux Mondes, 1832, p. 735). De la graine de cauchemar (GIDE, Journal, 1934, p. 1196).
♦ Graine + de +subst. (désignant une pers. et ce qu'on suppose qu'elle deviendra). Silhouette sinistre, qui semblait grandir à mesure qu'elle s'effaçait et montrer, comme dans de la graine de forçat, un avenir de correctionnelle et de cour d'assises (GONCOURT, Journal, 1862, p. 1099) :
• 4. ... il peut rester collé au mur, avec bienséance, toute une soirée; il regardera les tableaux, il fera danser les délaissées; ses habits sont corrects, il fait nombre, honorablement, comme une potiche sur une étagère. Prenez exemple, mon neveu Anatole, voilà une graine d'académicien.
TAINE, Notes Paris, 1867, p. 184.
Graine de niais (vx). ,,C'est une chose qui ne peut tromper que les gens simples`` (Ac. 1835, 1878). Les gens qui veulent faire de l'esprit, cette inutilité peu luxueuse, cette graine de niais dont chacun cherche à se nourrir, débitent à ce sujet mille contes absurdes (DU CAMP, Mém. suic., 1853, p. 254).
♦ (C'est une/de la) mauvaise graine. Ceci, cette personne, ne laisse rien présager de bon pour l'avenir. Mme Chantal (...) avait coutume d'émettre cette phrase comme conclusion à toute discussion politique : « Tout cela est de la mauvaise graine pour plus tard » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2; Mlle Perle, 1886, p. 628). Mais ce Camille, c'est de la mauvaise graine. — Ah mais non! D'où tiendrait-il cela? Il n'y a que de braves gens dans cette famille, modestes, mais braves (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 52).
♦ (En) prendre de la graine. Tirer une leçon (de quelque chose); se servir d'un exemple (personne, événement) pour en tirer des conséquences et déterminer la conduite à venir. Tu liras ça gamin : vous pourrez tous en prendre de la graine (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 204). Pas maquillées, nettes, proprettes, l'air franc, elles ont fait bonne impression dans les milieux comme il faut, « les ouvrières de France pourraient en prendre de la graine... » (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 227).
C. — [P. anal. de forme] Ce qui est rond ou allongé. L'ardent soleil achevait de dorer ces raisins à grosses graines qui mûrissent toujours sur le tard et qui ont une senteur musquée (LOTI, Rom. enf., 1890, p. 305). Les larmes arrondies en graines de rosaire (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 260).
— SÉRICICULTURE. Graine (de vers à soie). Synon. de œufs (du bombyx du mûrier). L'un venait au Caucase pour acheter de la graine de vers à soie (GOBINEAU, Nouv. asiat., 1876, p. 14). Au mois de mai le magnanier sort de la cave où il la conservait, la graine, c'est-à-dire les œufs d'un certain papillon Bombyx (BOUASSE, Cordes et membranes, 1926, p. 8) :
• 5. Jusqu'en 1828, une magnanerie avait été établie là, moins pour faire de la soie que pour obtenir ce qu'on nomme de la graine. Onze arpents plantés en mûriers dans la plaine de Montrouge (...) avaient alimenté cette fabrique d'œufs de vers à soie.
BALZAC, Initié, 1848, p. 361.
— Graine d'écarlate. Synon. de cochenille, kermès, (servant à fabriquer la teinture). Le kermès desséché ressemble à une graine; d'où le nom de graine d'écarlate qu'on lui a donné depuis un temps immémorial dans les ateliers de teinture (GUIGNET, Coul., 1889, pp. 141-142).
— Graine d'épinard. Filet ornant les épaulettes des uniformes d'officiers supérieurs; p. méton. grade d'officier supérieur. De grosses épaulettes à graines d'épinard et un grand cordon bleu avec un crachat de l'autre côté (CLAUDEL, Protée, 2e version, 1927, I, 4, p. 367) :
• 6. Ce lieutenant-colonel vaut cent fois mieux que toi; c'est un paysan qui, à force de sabrer pour qui le paye, a accroché les épaulettes à graines d'épinard.
STENDHAL, L. Leuwen, t. 1, 1836, p. 24.
— Arg. et pop. Synon. de nourriture, croûte. — Attrape la graine, ordonna-t-il à Ariane. Elle se penchait (...) vers la banquette arrière, ramassait les victuailles qu'elle y avait déposées en vrac (VIALAR, Zingari, 1959, p. 260).
Casser la graine. Synon. de manger, casser la croûte (fam.). Gridoux pouvait casser la graine en toute tranquillité. Cette graine était en général une assiette de hachis parmentier (QUENEAU, Zazie, 1959, p. 73).
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. dép. 1694. Cf. égrener. Étymol. et Hist. I. Ca 1150 « teinture d'écarlate » (Charroi Nîmes, éd. D. McMillan, 1148). II. a) 1176 « semence (ici au fig.) » (CHR. DE TROYES, Cliges, éd. A. Micha, 2338); 1690 meschante graine « mauvaise engeance » (FUR.); b) 1600 graine des vers à soie (O. DE SERRES, 456 ds LITTRÉ). I calque de l'ar. « une baie », forme de l'unité à désinence fém. de « baie », mot employé métaphoriquement pour désigner la cochenille dont on tirait une matière colorante. II du lat. pop. grana, plur. neutre de granum « grain », devenu fém. singulier. Fréq. abs. littér. : 1 000. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 290, b) 1 111; XXe s. : a) 1 074, b) 1 910. Bbg. QUEM. DDL t. 5.
1. graine [gʀɛn] n. f.
ÉTYM. V. 1175, Chrétien de Troyes; « graine d'écarlate » (teinture), v. 1150, calque de l'arabe habba « baie », désignant par métaphore la cochenille; lat. grana, plur. neutre pris comme fém. de granum. → Grain.
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1 Partie des plantes à fleurs (phanérogames) qui assure leur reproduction, ovule fécondé de la fleur (⇒ Fleur). || La graine est contenue dans le fruit (angiospermes) ou nue (gymnospermes). REM. Certains fruits menus ne contenant qu'une graine sont parfois pris pour la graine (grain de blé), et certaines graines à écailles charnues sont considérées comme des fruits (genièvre); ces confusions, normales dans la langue courante, sont évitées en botanique. || Plante désignée par la production des graines. ⇒ suff. -sperme (asperme, monosperme, polysperme, trisperme…). || Nombreuses graines d'une capsule, d'une gousse, d'une cosse. ⇒ Fruit. || L'akène, le caryopse ne contiennent qu'une graine. || Les graines d'une baie. ⇒ Pépin. || La graine d'une drupe (⇒ Amande) est enfermée dans l'endocarpe lignifié (⇒ Noyau). || Structure de la graine. ⇒ Albumen (cit.), embryon (cotylédon, endosperme, gemmule, radicule, tigelle), mésophyte, tégument (ou épisperme), périsperme, spermoderme (arille, caroncule, écalure, hile). || Graine attachée au placenta par le funicule. || Graine à albumen, graine exalbuminée. || Graine stérile, sans embryon. || Graine à tégument sec ou charnu, lisse, velu (cit. 3); graine ciliée, ailée, à aigrette, aigrettée (→ Éparpiller, cit. 6). || Graine sans tégument. ⇒ Apérispermé. || Aleurone des graines. — Dissémination, sémination des graines. || Fruit déhiscent qui s'ouvre pour libérer, projeter ses graines (→ Chapelet, cit. 5; déhiscence, cit. 1). || Graines des fruits indéhiscents libérées après corruption du fruit. || Vitalité des graines. || Germination et première pousse d'une graine. ⇒ Germe, germer (cit. 8). || Plante issue de graine. ⇒ Satif. — Utilisation des graines comme semence. ⇒ Semence. || La graine, de la graine de…, collectif désignant les graines, la semence. || Plante qui monte en graine, qui produit sa semence (monter en graine, au fig. → ci-dessous, 2.). || On laisse monter en graine les poireaux, les laitues, pour en récolter la semence. || Graines de laitue, de chou, de pomme de terre, d'œillet. || Graines qui bisent, s'échauffent. || Criblage, triage, chaulage des graines (⇒ Décuscuteuse, trieur). || Vente des graines au poids, en sachet. ⇒ Graineterie. || Semer des graines en ligne (⇒ Rayon), dans un trou (⇒ Poquet); enfouir, recouvrir des graines. || Ensemencer (cit. 3 et 5) un champ avec des graines. || Mélange de graines pour prairies artificielles. ⇒ Fenasse. || Semis de graines. — Utilisation des graines dans l'alimentation de l'homme et des animaux (→ Exubérance, cit. 1). || Décortiquer des graines. || Graine de haricot, de pois, de fève, de vesce, de poivre, de millet (⇒ Grain), de chanvre (⇒ Chènevis). || Graines aromatiques d'anis, de cumin, de café (→ Culture, cit. 6). || Graines oléagineuses de colza, de coton (cit. 3), de croton, de navette, de sésame, de lin (⇒ Linette), dont on tire l'huile par concassage. || Graine de l'arachide. ⇒ Cacahuète. || Tourteau de graines oléagineuses. — Spécialt. || Graine de paradis. ⇒ Amome (ou cardamome).
1 On pourrait bien dire, si l'on voulait, que chacune de ces graines avait sa destinée, qui était de germer, de pousser, de devenir arbre à son tour, et que cela n'arrive peut-être pas à une, pour un million de graines qui pourrissent.
Alain, Propos, Aimer ce qui existe, p. 29.
2 Et en effet, sur la planète du petit prince, il y avait comme sur toutes les planètes, de bonnes herbes et de mauvaises herbes. Par conséquent de bonnes graines de bonnes herbes et de mauvaises graines de mauvaises herbes. Mais les graines sont invisibles. Elles dorment dans le secret de la terre jusqu'à ce qu'il prenne fantaisie à l'une d'elles de se réveiller. Alors elle s'étire, et pousse d'abord timidement vers le soleil une ravissante petite brindille inoffensive.
Saint-Exupéry, le Petit Prince, V.
3 (…) une graine perdue germait par miracle entre les cailloux.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 221.
4 Au delà d'un certain temps de conservation, la graine n'est plus en état de germer. La longévité des semences est beaucoup plus grande qu'on ne le croit communément, mais beaucoup moindre que ne le laisserait supposer la légende des graines vivantes extraites des tombeaux pharaoniques ou tirées du sol après un enfouissement plusieurs fois séculaire.
Guyot, Biologie végétale, p. 8.
5 (…) pour que la volaille se gorgeât de tout ce qu'on avait laissé de graines sur le sol.
M. Jouhandeau, Tite-le-Long, IX.
♦ Par métaphore. (→ Germer, cit. 10).
6 Chacune de nos lectures laisse une graine qui germe.
J. Renard, Journal, 8 mai 1901.
7 Il (le romancier) ramasse une graine menue, il la sème, il l'arrose, il l'expose au soleil et voilà qu'il fait pousser toute une forêt ténébreuse, avec des ravins, des cascades, des cavernes, et des combes hantées par les bêtes sauvages.
G. Duhamel, Inventaire de l'abîme, VII.
2 ☑ Loc. fig. Monter en graine, se dit d'une jeune fille qui avance en âge et tarde à se marier.
8 (…) la fille aînée de Croissy, déjà fort montée en graine et très laide (…)
Saint-Simon, Mémoires, I, XVIII.
9 — Comment ! il ne s'est pas trouvé quelque vieux gentilhomme campagnard pour épouser cette chère petite, faite pour devenir une châtelaine ? disait-elle. Ils l'ont laissée monter en graine, et elle va se jeter à la tête d'un Rogron.
Balzac, Pierrette, Pl., t. III, p. 714.
9.1 Enfin rappelle-toi : à dix-sept ans, nous étions toutes des buses autrefois, des premières communiantes montées en graine (…) Aujourd'hui ce sont les Premières Communiantes qui ont l'air de mariées.
Benoîte et Flora Groult, Il était deux fois, p. 12-13.
♦ ☑ Fam. En prendre de la graine : en tirer un exemple, une leçon (capable de produire les mêmes bons résultats). || Ton frère était bachelier à 16 ans; prends-en de la graine !
10 Tu liras ça, gamin : vous pourrez tous en prendre de la graine !
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 288.
10.1 Seules les conduites fortes inspirent le respect (…) Je n'ai pas besoin que vous m'aimiez, je m'en moque qu'on m'aime ou non — son père disait toujours ça quand il parlait de ses employés, et tous le respectaient…. Elle aurait dû en prendre de la graine (…)
N. Sarraute, le Planétarium, p. 53.
3 Par anal. (premier sens attesté). || Graine d'écarlate : cochenille, kermès.
4 ☑ Fig. Graine de (péj.), pour exprimer ce qu'on pense qu'une personne sera dans l'avenir. || Graine d'assassin. || Graine de potence. || Surveillez ce jeune homme, c'est de la graine de voyou. || Graine de violence.
♦ ☑ (1690, meschante graine). Mauvaise graine, se dit d'enfants dont on ne présage rien de bon (⇒ Engeance), et, par plais., d'enfants plus ou moins turbulents, malicieux. — Avec d'autres adjectifs :
11 — Ah ! Fichue graine ! dire qu'on a élevé ça et que ça vous retire le pain de la bouche (…) J'en suis dégoûté, ma parole ! j'aimerais mieux pourrir déjà dans la terre (…)
Zola, la Terre, I, II.
5 ☑ Loc. (1721). Frange, épaulette, gland à graine d'épinards, dont les filets rappellent un assemblage de graines d'épinards, qui étaient portés autrefois par les officiers et ne figurent plus de nos jours que sur certains uniformes d'apparat. — ☑ Vx. Un homme à graine d'épinards, qui occupe un rang élevé dans l'armée.
12 Voilà ce que nous a valu la Révolution ! des sacripants à graines d'épinards.
Balzac, les Paysans, Pl., t. VIII, p. 244.
13 Jusqu'en 1828, une magnanerie avait été établie là, moins pour faire de la soie que pour obtenir ce qu'on nomme de la graine.
Balzac, l'Initié, Pl., t. VII, p. 345.
14 (…) Pasteur méditait sur les premières hypothèses que lui suggérait le problème des maladies du ver à soie : tout papillon renfermant des corpuscules doit donner lieu à une graine malade.
Henri Mondor, Pasteur, IV.
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DÉR. Grainer, grainetier, graineterie, graineur, grainier. — V. Grainée.
COMP. Agrainer.
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2. graine [gʀɛn] n. f.
ÉTYM. 1926; métaphore de 1. graine pour « pain », ou déverbal de grainer.
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♦ ☑ Fam. Casser la graine : manger. ⇒ 2. Grainer. → Casser la croûte. ⇒ Casse-graine.
1 On la casse, cette graine ? dit Alex. — On va dîner ici, dis-je.
Christiane Rochefort, le Repos du guerrier, II, III, p. 169.
2 (…) Gridoux pouvait casser la graine en toute tranquillité. Cette graine était en général une assiette de hachis parmentier fumant que Mado Ptits-Pieds lui apportait après le coup de feu, à l'environ d'une heure.
R. Queneau, Zazie dans le métro, p. 97.
3 On casse une graine ensommeillée au restauroute de La Rochepot (…)
A. Sarrazin, la Traversière, p. 250.
REM. Dans cet exemple, graine prend la valeur de « repas », non plus de « nourriture ».
Encyclopédie Universelle. 2012.