MAXIME
MAXIME
Le relief obtenu par la grande concision et l’emploi des figures dans un énoncé moral de portée générale a toujours été recherché, pour s’imposer à l’attention et à la mémoire, par le genre gnomique; et ce genre s’insinue dans tous les autres. Au XVIe siècle, les auteurs tragiques qui signalent par des guillemets leurs vers-proverbes font figure d’ancêtres de La Rochefoucauld plus encore que Pibrac avec ses Quatrains . Les recueils de maximes proprement dits voient le jour en nichée sous l’aile de Mme de Sablé. Auteurs: la marquise elle-même, J. Esprit, l’abbé d’Ailly, et La Rochefoucauld (1664; 1665 pour l’édition avouée). La maxime (maxima : très grande pensée) se caractérise par ce qui donne forme de sommet à la pensée: isolement, réduction à une ou deux phrases, structure aiguë d’où se découvre un panorama universel, et dont le dessin se rehausse de tel ou tel accident de relief, antithèse, rapprochement paradoxal, distinction de synonymes, comparaison, métaphore. Sa forme implique la reconnaissance d’une essence stable de l’homme. Parfaite réussite, celle qui combine la densité incisive et la force d’évidence immédiate ou légèrement décalée («Comme c’est vrai!...» «Mais oui...»). Chez le maître du genre s’en dégage une vision unifiée, celle du moi rivé à lui-même, esclave de l’amour-propre et néanmoins responsable. La Bruyère, Vauvenargues, Chamfort, plus proches des mœurs du temps, laissent leurs maximes se disperser davantage. La maxime suppose une lecture évidemment lente et distillée. Quoique nous soyons devenus si pressés «qu’à moins de huit cents pages nous n’avons plus le temps de penser» (Y. Belaval), le genre attire encore des écrivains et peut-être des lecteurs, qu’ont trop rebutés les commentaires de maximes proposés au collège. Savourer une maxime en l’imprégnant de ses propres souvenirs et réflexions, quel régal d’amour-propre!
maxime [ maksim ] n. f.
• 1330; lat. médiév. maxima (sententia) « (sentence) la plus grande, la plus générale »
1 ♦ (1538) Règle de conduite, règle de morale (⇒ précepte, principe); appréciation ou jugement d'ordre général (⇒ axiome, proposition, vérité). Mettre en pratique, suivre une maxime. « Les maximes générales sont surtout bonnes contre les peines et les erreurs du voisin » (Alain).
2 ♦ Spécialt Formule lapidaire énonçant une règle morale ou une vérité générale. ⇒ aphorisme, sentence. Maxime populaire, traditionnelle (⇒ 1. adage, dicton, dit, proverbe) , maxime d'un auteur célèbre (⇒ citation, 1. pensée) . « Les “Maximes” de M. de La Rochefoucauld sont les proverbes des gens d'esprit » (Montesquieu).
● maxime nom féminin (latin maxima sententia, sentence la plus grande) Formule qui résume un principe de morale, une règle de conduite ou un jugement d'ordre général : Maxime populaire. ● maxime (citations) nom féminin (latin maxima sententia, sentence la plus grande) René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Afin que je ne demeurasse point irrésolu en mes actions pendant que la raison m'obligerait de l'être en mes jugements, et que je ne laissasse pas de vivre dès lors le plus heureusement que je pourrais, je me formai une morale par provision, qui ne consistait qu'en trois ou quatre maximes, dont je veux bien vous faire part. La première était d'obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m'a fait la grâce d'être instruit dès mon enfance, et me gouvernant en toute autre chose suivant les opinions les plus modérées et les plus éloignées de l'excès qui fussent communément reçues en pratique par les mieux sensés de ceux avec lesquels j'aurais à vivre. […] Ma seconde maxime était d'être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m'y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées […] Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde : et généralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées […] Enfin, pour conclusion de cette morale, je m'avisai de faire une revue sur les diverses occupations qu'ont les hommes en cette vie, pour tâcher à faire choix de la meilleure, et sans que je veuille rien dire de celles des autres, je pensai que je ne pouvais mieux que de continuer en celle-là même où je me trouvais […]. Discours de la méthode Paul Léautaud Paris 1872-Robinson 1956 Il n'est pas de sentences, de maximes, d'aphorismes, dont on ne puisse écrire la contrepartie. Propos d'un jour Mercure de France Jean Rostand Paris 1894-Ville-d'Avray 1977 Académie française, 1959 — Qu'avez-vous voulu dire au juste par cette maxime ? — Si j'eusse voulu en dire davantage, je l'eusse fait. Inquiétudes d'un biologiste Stock ● maxime (difficultés) nom féminin (latin maxima sententia, sentence la plus grande) Sens Distinguer ces trois mots. 1. Dicton (du latin dictum, mot, sentence) = propos sentencieux, largement répandu, souvent d'origine populaire (par exemple : année neigeuse, année fructueuse ; pluie du matin n'arrête pas le pèlerin). Remarque Les dictons ont souvent trait aux choses de la nature. 2. Maxime (du latin maxima sententia, sentence la plus générale) = formule brève énonçant une règle de morale ou de conduite ou une réflexion d'ordre général (par exemple : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît). 3. Proverbe (du latin proverbium) = court énoncé devenu d'usage commun et exprimant un conseil populaire, une vérité de bon sens ou d'expérience (par exemple : rien ne sert de courir, il faut partir à point). ● maxime (synonymes) nom féminin (latin maxima sententia, sentence la plus grande) Formule qui résume un principe de morale, une règle de...
Synonymes :
- adage
- axiome
- dicton
- dogme
- moralité
- pensée
- principe
- proverbe
- règle
- sentence
maxime
n. f.
d1./d Principe, fondement, règle dans un art, dans une science, dans la conduite de la vie.
d2./d Sentence qui résume une maxime. Les "Maximes" de La Rochefoucauld (1665).
⇒MAXIME, subst. fém.
A. — Précepte, principe de conduite, règle morale. Maxime fondamentale, générale, obligatoire, principale, sévère; maxime de conduite; suivre des maximes. Plus les monarques sont faibles, plus ils sont fidèles à quelques maximes de fermeté qui leur ont été données dès leur enfance (STAËL, Consid. Révol. fr., t.1, 1817, p.83). Cet homme d'humeur gaie et légère (...) avait pour maxime de jouir du présent et de prendre toujours la vie du côté agréable (THIERRY, Récits mérov., t.2, 1840, p.269). On rencontre des familles qui diffèrent beaucoup les unes des autres par les règles et les maximes de la vie en commun (ALAIN, Propos, 1907, p.9):
• 1. Ma maxime la plus chérie est de ne jamais rien demander à ceux qui m'offrent... Autant je suis touché de tout ce qu'on m'accorde, autant je le suis peu de ce qu'on me fait accepter.
GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p.288.
— PHILOS. [Chez Kant] Principe choisi librement par un individu et d'après lequel il dirige sa conduite. Anton. loi. Maxime de la morale kantienne:
• 2. ... une telle loi ne peut être empruntée ni chez Épicure à l'intelligence qui conçoit les essences individuelles, ni chez Spinoza à l'imagination qui appréhende la durée (...) ni chez Kant aux maximes empiriques et changeantes du sentiment.
J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p.77.
B. — Proposition, phrase généralement courte, énonçant une vérité morale, une règle d'action, de conduite. Synon. sentence, pensée, aphorisme. Ils avaient inventé pour leur usage cette maxime singulière «que la misère est l'engrais du talent» (MURGER, Scènes vie jeun., 1851, p.232). J'ai écrit, pour moi seul, et au moyen de signes secrets, cette maxime laconique: «obéir d'abord» (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p.30):
• 3. Au fond du choeur, derrière la croix, une bannière de pourpre élevait la maxime brodée d'argent, cor unum, anima una, qu'Omer avait lue sur les bagues de ses cousins et certain papier à lettres de Praxi-Blassans.
ADAM, Enf. Aust., 1902, p.420.
— Littér., au plur. Titre donné à certains recueils contenant des pensées, des préceptes, des vérités morales. Il n'y a pas un seul nom propre dans les Maximes de La Rochefoucauld; pour un penseur de cette condition, ç'eût été déroger (SAINTE-BEUVE, Pensées, 1840, p.23):
• 4. Je relis le livre des Maximes [it. ds le texte] avec une admiration des plus vives. Il me paraît que la position que je tâchais de prendre à l'égard de La Rochefoucauld ne saurait être maintenue sans injustice.
GIDE, Journal, 1921, p.698.
Prononc. et Orth.:[maksim]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1330 scolast. (GUILLAUME DE DIGULLEVILLE, Pèlerinage vie hum., 2973 ds T.-L.); 2. ca 1485 «règle de conduite, appréciation ou jugement d'ordre général» (Myst. du V. Testament, éd. J. de Rothschild, 5375); 3. 1657 «formule lapidaire énonçant un jugement d'ordre général» (PASCAL, Provinciales, IV ds Œuvres complètes, éd. L. Lafuma, 1963, p.384b); 4. 1665 «genre littéraire mineur» (LA ROCHEFOUCAULD, Réflexions ou sentences et maximes morales [titre]); 5. 1873 «(dans la philosophie de Kant) règle de conduite considérée par celui qui l'adopte comme valable pour sa volonté propre, sans référence à celle d'autrui» (Lar. 19e). 1 empr. au lat. médiév. maxima (sententia) signifiant littéralement «(sentence) la plus grande», v. Nov. Gloss. s.v. magnus, col.50. Pour 4, v. M. KRUSE, Die Maxime in der fr. Lit., Hamburg, 1960, notamment pp.24-27. Fréq. abs. littér.:1305. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 3254, b) 1397; XXe s.: a) 855, b) 1510.
DÉR. Maximer, verbe trans. Donner la valeur d'une règle générale à. On ne peut, on ne veut pas enfermer sa vie en soi en agissant, on agit comme pour tous et en tous. C'est la raison pour laquelle naturellement nous sommes portés tous à maximer notre conduite (BLONDEL, Action, 1893, p.230). — [maksime], (il) maxime [maksim]. — 1re attest. 1859 «donner la valeur d'une maxime, d'une règle générale à quelque chose» (H. RIGAUD, Œuvres complètes, t.4, p.457: maximer [...] les mauvaises pratiques); de maxime, dés. -er.
maxime [maksim] n. f.
ÉTYM. V. 1378; lat. médiéval maxima (sententia) « (sentence) la plus grande, la plus générale ».
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1 (1538). Règle de conduite, règle morale (⇒ Précepte, principe; moralité, règle); appréciation ou jugement d'ordre général. ⇒ Axiome (cit. 3), proposition, vérité. || Maxime bonne (cit. 18), fructueuse (cit. 3), vraie (→ Égard, cit. 8). || Le droit naturel se compose de quelques maximes (→ Équité, cit. 19). || Connaître les maximes du point d'honneur (cit. 13). || Avoir, tenir pour maxime que… ⇒ Devise, vérité (→ Exalter, cit. 11; grand, cit. 50). || L'apologue (cit. 5), démonstration d'une maxime par un exemple. || Mettre en pratique, suivre une maxime; conformer (cit. 2) sa conduite à ses maximes.
1 Toutes les bonnes maximes sont dans le monde; on ne manque qu'à les appliquer.
Pascal, Pensées, VI, 380.
2 Les esprits faux changent souvent de maximes.
Vauvenargues, Réflexions et maximes, 108.
3 (…) laissons les maximes générales, dont on fait souvent beaucoup de bruit sans jamais en suivre aucune (…) et l'on sait bien que tout homme qui pose des maximes générales entend qu'elles obligent tout le monde, excepté lui.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, III, XXII.
4 Les maximes générales sont surtout bonnes contre les peines et les erreurs du voisin. Mais contre une fureur d'amour trompé ou d'ambition, ou d'envie, que pourrait une maxime ? Autant vaudrait, contre la fièvre, lire l'ordonnance du médecin.
Alain, Propos, 19 déc. 1910, Zadig amoureux.
♦ Vx (langue class.). Précepte. || « La ballade (cit. 5), asservie à ses vieilles maximes » (Boileau).
♦ Philos. Chez Kant, Règle de conduite valable seulement pour celui qui l'applique. ⇒ Loi (supra cit. 53).
2 Spécialt. Formule lapidaire énonçant une maxime (au sens 1) ou une vérité présentée comme générale. ⇒ Aphorisme, sentence. || Maxime populaire, traditionnelle (⇒ Adage, dicton, dit, proverbe), maxime d'un auteur célèbre (⇒ Pensée). || Maxime courte, concise (cit. 1), condensée (cit. 4), découpée à l'emporte-pièce (cit. 1). || Maximes de sagesse (→ Frapper, cit. 8). — Littér. Le genre littéraire qui consiste à élaborer et à rassembler des maximes. || La maxime s'est illustrée surtout à la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, en France. || L'art de la maxime. — (Titres). || Réflexions ou sentences et maximes morales, de La Rochefoucauld (1665). || Réflexions et maximes, de Vauvenargues (1746). || Maximes et Pensées, de Chamfort (1795). → Infirmer, cit. 2.
5 (…) le meilleur parti que le lecteur ait à prendre est de se mettre d'abord dans l'esprit qu'il n'y a aucune de ces Maximes qui le regarde en particulier, et qu'il en est seul excepté, bien qu'elles paraissent générales; après cela, je lui réponds qu'il sera le premier à y souscrire (…)
La Rochefoucauld, Réflexions et maximes, Avis au lecteur, Préface de 1665.
6 Ce ne sont point (…) des maximes que j'ai voulu écrire : elles sont comme des lois dans la morale, et j'avoue que je n'ai ni assez d'autorité ni assez de génie pour faire le législateur (…)
La Bruyère, les Caractères, Préface.
7 Les « Maximes » de M. de la Rochefoucauld sont les proverbes des gens d'esprit.
Montesquieu, Cahiers, p. 89.
8 Une maxime est l'expression exacte et noble d'une vérité importante et incontestable. Les bonnes maximes sont les germes de tout bien; fortement imprimées dans la mémoire, elles nourrissent la volonté.
Joseph Joubert, Pensées, IX, XLIII.
9 (…) la plupart des maximes, quand elles ne sont pas tout à fait misérables, semblent tout de suite piquantes et ingénieuses — justement parce qu'elles ont un petit air d'oracle, parce qu'on nous les jette à la tête sans explications et sans preuves, parce qu'elles sont, pour ainsi dire, coupées de leurs racines.
Jules Lemaître, les Contemporains, II, p. 197.
10 Il n'est pas de sentences, de maximes, d'aphorismes, dont on ne puisse écrire la contrepartie.
Paul Léautaud, Propos d'un jour, p. 127.
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DÉR. Maximer.
Encyclopédie Universelle. 2012.