ZOOLOGIE
Par son étymologie, la zoologie (zoon , animal ; logos , science) est la science qui étudie les animaux. Son domaine est donc immense, et sa démarche est, au départ, analytique. À partir des animaux récoltés, elle décrit l’aspect extérieur, l’organisation interne, la structure des organes, le fonctionnement des appareils, la sexualité, le mode de reproduction, le développement, la croissance; elle détermine la place dans la classification. Cette connaissance approfondie de l’animal étant acquise, il reste encore à préciser les milieux qu’il fréquente, les zones compatibles avec ses exigences et son comportement, qu’il s’agisse du comportement de l’animal isolé ou de celui des animaux constituant une population plus ou moins dense.
Cette vaste étude analytique permet la réalisation de diverses synthèses; il sera possible de comparer cellules et tissus présents dans les séries animales, de suivre les transformations progressives affectant les appareils et les modifications des fonctions qu’ils assument. Ainsi se dessinent les étapes successives de l’évolution, les diverses entités n’étant pas indépendantes mais se rattachant les unes aux autres dans un ordre précis et hiérarchisé.
L’étude du monde animal ne saurait se limiter à l’examen des formes actuelles; elle doit aussi comprendre les animaux qui ont vécu antérieurement sur la Terre. Les fossiles sont nombreux dès le Cambrien, et on en découvre sans cesse; la paléontologie qui les étudie est malheureusement inféodée à la géologie; trop longtemps, les fossiles ont été considérés sous un angle stratigraphique. L’association de la paléontologie et de la zoologie donne une vue d’ensemble du règne animal et de son évolution.
Science globale, la zoologie fait appel à toute une série de disciplines, chacune d’elles étant spécialisée dans une recherche particulière. Les principales sont: la morphologie et la morphologie comparée, qui mettent en évidence les adaptations et les convergences; l’anatomie, complétée par la cytologie et l’histologie; l’anatomie comparée, soulignant l’évolution et différenciant les organes homologues et analogues; la physiologie et la physiologie comparée, qui révèlent certaines adaptations; l’embryologie et l’embryologie comparée, qui facilitent parfois une classification difficile; la systématique; l’écologie; l’éthologie; la zoogéographie.
1. Caractères distinctifs de l’animal
Tous les êtres vivants naissent, grandissent, se multiplient et meurent. Leur unité fondamentale est la cellule ; tous se composent de une ou de plusieurs cellules. La cellule animale diffère essentiellement de la cellule végétale par l’absence de chloroplastes et de paroi cellulosique; il en résulte un métabolisme totalement différent du métabolisme végétal. Le pouvoir de synthèse des végétaux est considérable, bien supérieur à celui des animaux. Alors que le végétal est en principe autotrophe , l’animal est toujours hétérotrophe ; pour se nourrir, il recourt au végétal; sous certains aspects, le phénomène de la digestion est propre aux animaux.
Les animaux à structure complexe se différencient aisément des végétaux, encore que les classifications anciennes aient fait une place aux Zoophytes (animaux-plantes) et qu’il ait fallu attendre 1727 pour que J. A. de Peyronnel affirme que les Coraux sont des animaux et non des végétaux; quant à l’aspect extérieur de certains Bryozoaires, ne rappelle-t-il pas étrangement celui d’une Algue?
La distinction est beaucoup plus délicate pour les organismes unicellulaires réunis sous le nom de Protistes (mot de Haeckel). Les Protistes étaient traditionnellement répartis en deux grands ensembles qui se sont révélés totalement artificiels (ils sont maintenant répartis en de très nombreux phylums): les organismes à affinités animales ou Protozoaires , les organismes à affinités végétales ou Protophytes . Les premiers sont inaptes à effectuer la synthèse de leur propre matière à partir d’éléments simples, alors que les seconds sont capables de le faire. Mais l’hétérotrophie ne permet pas toujours de séparer Protozoaires et Protophytes, et il arrive que des caractères propres à l’animal ou au végétal se trouvent réunis: les Flagellés, par exemple, se divisent en Phytoflagellés et en Zooflagellés, les premiers possédant de la chlorophylle, absente chez les seconds. Mais tel Péridinien pourvu d’une membrane cellulosique et de chloroplastes se comporte comme un animal en capturant des proies digérées ensuite dans une vacuole. D’autres Phytoflagellés se comportent tantôt en autotrophe, tantôt en hétérotrophe. Des Euglènes microscopiques sont autotrophes, alors que d’autres, privées de chlorophylle, ont besoin de protides, source d’azote, et sont donc hétérotrophes.
Les Phytoflagellés, qui possèdent normalement de la chlorophylle, peuvent perdre leurs chloroplastes à la suite de divisions; en effet, des cultures à l’obscurité entraînent la disparition expérimentale des chloroplastes. Les plastes ne se multipliant que par division de plastes préexistants, un Phytoflagellé qui en est privé ne pourra en obtenir [cf. EUGLÉNOPHYCÉES]. Incapable d’effectuer une photosynthèse, il conserve cependant ses autres caractères; physiologiquement, il se comporte comme un Protozoaire, mais sa morphologie, sa structure générale, son chimisme permettent de le reconnaître. Aux confins du règne végétal et du règne animal, les frontières paraissent parfois difficiles à préciser, les critères de l’autotrophie et de l’hétérotrophie perdant leur validité.
2. Les classifications zoologiques
L’extraordinaire richesse faunique est encore incomplètement connue. Il est admis que la Terre héberge de 1 200 000 à 1 500 000 espèces animales; mais beaucoup de spécimens figurant dans des collections ne sont pas encore déterminés; et il reste certainement des animaux, y compris de gros animaux, dont on ignore l’existence. Ainsi, l’Okapi n’a été découvert qu’en 1900 dans les forêts du Congo, le premier Cælacanthe a été pêché en 1938, le deuxième en 1952 près de l’archipel des Comores. Les récoltes d’animaux abyssaux, tels que les Neopilina galathea (Molluques monoplacophores) en 1952 et les Pogonophores (un embranchement nouveau) en 1914 et après 1932, sont dues aux progrès de l’océanographie. La faune de stations particulièrement fouillées comme les régions voisines d’un laboratoire maritime n’est pas totalement découverte: dans la région de Roscoff, examinée depuis 1871, un inventaire (Bocquet, 1971) précise que 300 espèces nouvelles ont été récoltées entre 1945 et 1970; le nombre d’espèces de Cnidaires est passé de 154 à 213 entre 1950 et 1955, et celui d’Annélides de 310 à 457 entre 1951 et 1968.
C’est pourquoi la classification de la faune est l’une des préoccupations majeures du zoologiste. Depuis l’Antiquité jusqu’à l’heure actuelle, le problème demeure car une classification n’est jamais définitive; elle reflète le progrès des connaissances, et il faut constamment l’améliorer. L’exemple de la classification des Insectes le montre: de 1758 (10e édition du Systema naturae de Linné) à 1938, une cinquantaine de classifications ont été élaborées.
Le règne animal est divisé en embranchements ou clades ; chacun d’eux réunit plusieurs classes ; une classe comprend plusieurs ordres ; un ordre se compose de plusieurs familles ; une famille groupe plusieurs genres et un genre plusieurs espèces . Il est parfois nécessaire d’introduire des unités intermédiaires entre deux unités successives: sous-embranchement, superclasse, sous-classe, superordre, sous-ordre, sous-famille ou tribu, sous-genre, sous-espèce.
Les classifications anciennes
Un résumé des principales classifications anciennes et des travaux importants montrera l’évolution des idées et des principes sur lesquels reposent les classifications successives (cf. SYSTÉMATIQUE, TRANSFORMISME).
Aristote (384-322 av. J.-C.), le fondateur de la zoologie, connaissait plus de 400 espèces animales, dont une cinquantaine avaient été disséquées. Dans son Histoire des animaux , il distingue deux grandes catégories: animaux qui ont du sang rouge (enaima ) et animaux qui n’en possèdent pas (anaima ); les premiers représentent les Vertébrés, les seconds les Invertébrés. Sa conception de l’espèce est assez satisfaisante, celle du genre est mauvaise. Après lui, quelques naturalistes se préoccupèrent de zoologie, notamment Pline dans son Historia naturalis ; mais les classifications ne progressent pas.
Pendant les mille années du Moyen Âge (Ve s.-1453), aucun apport important ne complète les observations gréco-romaines.
Au XVIe siècle, le Suisse Conrad Gesner (1515-1565) écrit une Historia animalium (1551-1558) en cinq volumes illustrés d’excellentes gravures. L’encyclopédie en dix volumes d’Ulisse Aldrovandi (1552-1607) dresse un tableau des connaissances zoologiques; la classification adoptée est celle d’Aristote. À vrai dire, il s’agit plus d’une « histoire littéraire » des animaux que d’une étude scientifique. Aucun progrès ne se dessine; des erreurs perpétuées par la tradition ou suggérées par de fallacieuses ressemblances y sont consignées: aussi dans les « Insectes aquatiques » sont réunis des Annélides errantes, des Crustacés, des Sangsues, des Étoiles de mer.
Au cours du XVIIe siècle, l’Historia naturalis (1637-1665) de J. J. Huston (1608-1675) ne fait pas plus avancer la zoologie. Mais les ouvrages de J. Ray (1628-1704) et de son ami F. Willoughby (1635-1672) améliorent la classification des Vertébrés grâce à des observations anatomiques: Ray découvre que les Poissons respirent par des branchies, alors que les autres Vertébrés possèdent des poumons; le cœur à un ventricule permet de distinguer les Reptiles des Quadrupèdes et des Oiseaux dont le cœur en comporte deux; les Quadrupèdes porteurs de poils sont vivipares, alors que les Oiseaux porteurs de plumes sont ovipares. Willoughby découvre chez les Cétacés tous les caractères des Quadrupèdes vivipares.
Les progrès de l’anatomie humaine relancent les études anatomiques sur l’animal; les matériaux s’accumulent et permettent une anatomie comparée (terme de N. Grew, 1675). Les acquisitions sur les Vertébrés s’accroissent, alors que celles sur les Invertébrés demeurent fragmentaires. M. Malpighi (1628-1694) inaugure avec sa remarquable Étude du Bombyx (1669) l’anatomie des Invertébrés; il sera suivi par A. van Leeuwenhock (1632-1723), puis par J. Swammerdam (1637-1680), qui étudie l’organisation des Insectes, des Crustacés, de nombreux Mollusques et du Scorpion.
L’époque moderne
Le siècle des Lumières est celui de Linné, dont l’œuvre est primordiale en matière de classification. Dès la première édition de son Systema naturae (1735), Linné (1707-1773) s’attache à édifier une classification, cherche à établir des systèmes traduisant les véritables affinités des êtres; il retient les caractères extérieurs, mais aussi l’anatomie interne (conformation du cœur), organes de la respiration, de la reproduction). Il divise les animaux en six classes: Quadrupèdes, Oiseaux, Amphibiens, Poissons, Insectes et Vers. Tous les Invertébrés sauf les Insectes se rangent dans les Vers.
En outre, Linné instaure une nomenclature méthodique qui marque un immense progrès. Le nom scientifique de chaque animal se compose de deux mots latins: le premier, un substantif, désigne le genre et porte une majuscule; le second, un adjectif ou un substantif le plus souvent au génitif, indique l’espèce (chien domestique Canis familiaris ; Lézard des murailles Lacerta muralis )
La nomenclature moderne, binominale, est fondée sur la 10e édition (1758) du Systema naturae , dans laquelle Linné décrit 4 730 espèces. Des règles absolues de priorité ont été établies par les commissions internationales de nomenclature; leur application pose parfois des problèmes difficiles et conduit à des complications et à des anomalies, sources d’erreurs: par exemple, Crocodylus niloticus Laurenti est le nom correct d’un Alligator de l’Amérique du Sud et non du Nil.
Contemporain de Linné, G. L. Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), se consacre à la zoologie, et ses publications sont nombreuses: Histoire des Quadrupèdes (12 vol., 1755-1767), Histoire des Oiseaux (9 vol., 1770-1783), Histoire naturelle de l’Homme (1749). Il ne partage pas les conceptions de Linné et en prend le contrepied; tournant en dérision la nomenclature binaire, il estime que « les genres, les classes, les ordres n’existent que dans notre imagination » et qu’« il n’y a dans la nature que des individus ». Mais il est un bon descripteur des formes animales et donne pour chacune toutes les données biologiques connues.
L’anatomiste L. Daubenton (1716-1800), collaborateur de Buffon, crée l’anatomie descriptive des Mammifères. D’autres zoologistes étudient divers groupes: P. Artedi, les Poissons; P. S. Pallas, les Vers; Adamson, les Mollusques; Réaumur, les Insectes; O. F. Müller, les Protozoaires; P. Lyonet (1707-1789) consacre une remarquable monographie à la Chenille du saule (1760); C. Bonnet (1720-1793) découvre la parthénogenèse des Pucerons. L’œuvre de C. F. Wolff (1733-1794) marque le début de l’embryologie descriptive et démontre la réalité de l’épigenèse. L. Spallanzani (1729-1799) étudie expérimentalement la fécondation des animaux (Grenouilles, Crapauds). A. Trembley (1700-1784) révèle les facultés de régénération de l’Hydre (1740). La « querelle des monstres » (1740) oppose Lémery, partisan des causes accidentelles, à Winslow, partisan des germes monstrueux.
Les apports de Lamarck et de Cuvier au XIXe siècle seront fort intéressants. Dans le Tableau du règne animal (1806), J.-B. de Monet, chevalier de Lamarck (1744-1829), reconnaît des animaux avec des vertèbres (Mammiaux, Oiseaux, Reptiles, Poissons) et des animaux sans vertèbres (Mollusques, Annélides, Crustacés, Arachnides, Insectes, Vers intestinaux, Radiaux, Polypes); en 1807, il ajoute les Infusoires, précédemment inclus dans les Polypes, puis il place les Cirripèdes entre Mollusques et Annélides. Quatorze classes sont donc proposées; elles comportent encore bien des erreurs, mais une distinction importante est posée: présence ou absence de vertèbres. À la suite des travaux de Savigny sur les Ascidies, Lamarck ajoutera la classe des Tunicata (1816).
La classification de G. Cuvier (1769-1832) est toute différente. Dans le Règne animal (1817), il admet « quatre plans généraux » sur lesquels tous les animaux sont construits; ils correspondent aux embranchements des Vertébrés, des Mollusques, des Articulés et des Zoophytes. Le travail de Cuvier repose sur l’anatomie comparée et, pour la première fois, l’étude des fossiles est associée à celle des formes actuelles. Sous l’impulsion de Lamarck et de Darwin (1809-1882), le fait de l’évolution va peu à peu s’imposer. La notion de parenté réelle dans les groupes et entre les groupes modifiera les idées reçues.
Beaucoup de naturalistes du XIXe siècle ont attaché leur nom à la description d’espèces nouvelles, à des genres ou à des familles récemment créés. Dans son Histoire naturelle des animaux sans vertèbres (1815-1822), Lamarck accorde une place importante aux Invertébrés marins fossiles et notamment aux Mollusques fossiles. Les catalogues des diverses classes commencent d’être établis. L’étude des Stomocordés, des Tuniciers, des Céphalocordés progresse. Pallas avait fait un Mollusque de l’Amphioxus, qu’il avait découvert (1774); après diverses études, des anatomistes (Goodsir, Rathke, J. Müller) montrent les homologies fondamentales entre l’Amphioxus et les Vertébrés inférieurs (1841-1844). A. Kovalevski démontre que le développement des Ascidies rappelle celui des Céphalocordés. En 1894 paraît une synthèse de Willey sous le titre Amphioxus and the Ancestry of the Vertebrates .
Les spécialisations se dessinent; la mammalogie, l’herpétologie, l’ornithologie sont florissantes. Les migrations d’Oiseaux retiennent l’attention; H. C. Mortensen (1890) introduit le baguage des Oiseaux, dont on n’utilisera les applications qu’au siècle suivant.
Les études approfondies des animaux, les structures anatomiques, le développement ontogénétique font apparaître des types structuraux. La conscience de la parenté réelle des espèces se traduit par un plan d’organisation homogène; les authentiques affinités des groupes s’affirment ou s’infirment. Ces résultats exercent une action profonde sur la systématique: aux anciennes classifications périmées se substituent des classifications modernes évolutives. Reposant sur la phylogenèse, elles montrent la dérivation des formes animales les unes des autres et leur succession par filiation. Des arbres généalogiques du règne, des embranchements, des classes s’édifient; ils mettent en évidence les liens de filiation des animaux et leur apparition dans le temps, ils reflètent l’état des connaissances à une époque déterminée.
3. Arbre généalogique du règne animal
L’analyse phylogénétique a montré le caractère au moins diphylétique des animaux multicellulaires (les Métazoaires), ce qui a été confirmé par des études de biologie moléculaire. Selon Hanson (1977), l’origine des Spongiaires serait à rechercher dans les Protistes choanoflagellés et celle des Turbellariés (parmi les premiers triploblastiques ) dans les Ciliés, celle des Cnidaires et des Cténaires demeurant problématique.
Outre l’éclatement des Métazoaires, ces recherches ont montré que les Protistes représentent un stade d’organisation plutôt qu’un ensemble phylétiquement homogène et que les phénomènes d’agrégations cellulaires ayant conduit au stade multicellulaire se seraient produits à plusieurs reprises dans différents phylums d’organismes unicellulaires.
Protozoaires et Métazoaires
La division classique entre Protozoaires et Protophytes, fondée sur l’opposition entre l’hétérotrophie des premiers et l’autotrophie des seconds, est artificielle. L’acquisition, par endosymbiose, des mitochondries par la cellule eucaryote aurait précédé celle des chloroplastes: cette dernière se serait réalisée à plusieurs reprises à partir de différents procaryotes photosynthétiques. Et, ultérieurement, la perte de l’autotrophie a dû se réaliser indépendamment dans différents phylums de protistes.
Tous les autres animaux sont des Métazoaires, ou animaux pluricellulaires . L’association de cellules se laisse pressentir chez quelques Protozoaires (structure cénocytique ou syncytiale de quelques Flagellés et Infusoires); elle permet la croissance de l’animal. La spécialisation de groupes de cellules est à l’origine des tissus qui eux-mêmes constitueront les organes; il en résultera une grande diversité dans la structure et l’architecture. Le cycle de reproduction est semblable chez tous les Métazoaires, et les gamètes offrent des structures comparables.
Les premiers Métazoaires sont des diploblastiques , c’est-à-dire que leur larve gastrula ne comporte que deux feuillets: le feuillet externe ou ectodermique, le feuillet interne ou endodermique; ils sont dépourvus de cœlome en raison de l’absence d’un troisième feuillet, ce sont des acœlomates .
Au-dessus des Protozoaires se situe le clade des Spongiaires : Métazoaires diploblastiques les plus simples, dépourvus d’organes définis mais possédant des cellules différenciées (cellules plates ectodermiques, cellules contractiles, cellules mobiles, cellules sexuelles, cellules endodermiques à collerettes ou choanocytes, cellules sécrétrices des spicules ou des fibres de spongine et même des cellules nerveuses).
L’organisation se complique avec l’apparition d’une cavité cœlentérique se comportant comme une cavité intestinale et une cavité générale. Cette novation affecte deux clades, ceux des Cnidaires et des Cténaires ; voisins mais distincts, ils étaient autrefois réunis sous le nom de Cœlentérés. Cnidaires à symétrie radiaire et Cténaires à symétrie bilatérale se présentent comme une gastrula stoppée dans son développement. Ils se composent d’un feuillet externe, l’épiderme à cellules prismatiques, et d’un feuillet interne qui tapisse la cavité digestive et s’accole à l’ectoderme; entre les deux se trouve une sorte de gelée, la mésoglée, qui contient 95 p. 100 d’eau. La différenciation cellulaire n’est pas encore très avancée; le système nerveux forme généralement des réseaux sous-épithéliaux; mais des organes sensoriels définis apparaissent (organes tactiles, chimiorécepteurs, statorécepteurs, visuels); quelques muscles et des débuts de glandes digestives et d’organes respiratoires sont également différenciés. Les Cnidaires possèdent une cellule spéciale, le cnidoblaste ; sur les Cténaires se trouvent des colloblastes .
Tous les diploblastiques sont dépourvus de tête (acéphales), car chez aucun ne se manifeste de céphalisation, probablement par suite d’absence de centres nerveux.
Une nouvelle étape ontogénétique s’observe chez tous les autres Métazoaires: entre l’ectoderme et l’endoderme se forme un troisième feuillet individualisé, le mésoderme ; ces Métazoaires sont triploblastiques . Le mésoderme, tout comme les autres feuillets, a une destinée précise: il fournit les éléments du conjonctif, du squelette, des muscles, du sang et des organes excréteurs. Des organes définis ne peuvent exister en l’absence de mésoderme. Sa présence conditionne la formation des cavités du corps, formation qui présente (fig. 1) trois aspects:
– Le mésoderme massif est un parenchyme ne comportant aucune vésicule close; le tube digestif représente la seule cavité de l’organisme. Ce dispositif caractérise des triploblastiques acœlomates (Plathelminthes).
– Le mésoderme ne donne pas de parenchyme; entre le tube digestif et la paroi du corps persiste le blastocœle primitif sous forme d’une cavité plus ou moins grande, nommée pseudocœle ou faux cœlome . Les Némathelminthes pourvus d’un pseudocœle sont des pseudocœlomates , qui sont souvent considérés comme des acœlomates et réunis avec les vrais acœlomates.
– Enfin, des triploblastiques possèdent un vrai cœlome creusé dans l’endomésoderme; ce sont des cœlomates . De chaque côté du tube digestif, le mésoderme forme des masses pleines qui se découpent et se creusent d’une cavité et deviennent des vésicules closes, dont l’ensemble constitue le cœlome . Il est soutenu par un mésentère formé de deux parois: la somatopleure externe, sous l’épiderme, est composée de muscles circulaires et longitudinaux; la splanchnopleure interne, accolée au tube digestif, forme la musculature de l’intestin. Un endothélium péritonéal tapisse somatopleure et splanchnopleure. Le cœlome renferme le liquide cœlomique. Le cœlome typique s’oblitère dans certains groupes et se réduit à des lacunes. Les Métazoaires triploblastiques sont aussi des bilateria ou artiozoaires , c’est-à-dire à symétrie bilatérale (sauf les Échinodermes).
Les cœlomates se divisent à leur tour en deux phylums: cette bifurcation coïncide avec la formation d’un intestin autonome, qui comprend une bouche et souvent un anus, et qui est indépendant des autres cavités de l’organisme. Une branche porte tout d’abord des animaux dépourvus de vrai cœlome (embranchements des Plathelminthes, Mésozoaires, Acanthocéphales, Priapuliens, Némertes, Némathelminthes), puis de vrais cœlomates (Lophophoriens, Annélides, Mollusques, Chétognathes, Arthropodes aberrants et Arthropodes). Sur l’autre branche se trouvent uniquement des cœlomates (Échinodermes, Pogonophores, Stomocordés, Tuniciers, Céphalocordés et Vertébrés).
Les clades sont d’importance diverse; selon certaines estimations, les Mollusques comptent 80 000 espèces, les Arthropodes 750 000, les Vertébrés 70 000. D’autres sont beaucoup plus réduits et n’en comptent que quelques-unes (Priapuliens, Échiuriens, Stomocordés). Ces clades sont autonomes et constituent un palier évolutif marqué par une structure originale. Tous les clades font l’objet d’articles dans cet ouvrage, à l’exception de celui des Mésozoaires.
Clade des Mésozoaires
Le nom de ce petit clade créé en 1876 marquait la position intermédiaire que les anciens auteurs lui reconnaissaient; il aurait formé le passage entre Protozoaires et Métazoaires. Pluricellulaires, leur structure en fait des métazoaires diploblastiques, alors qu’ils ne ressemblent aucunement aux diploblastiques (Spongiaires, Cnidaires et Cténaires). Il semble plus logique de les considérer comme des triploblastiques modifiés par la vie parasitaire, qui aurait provoqué la disparition du troisième feuillet, l’endoderme probablement, qui est à l’origine du tube digestif.
Le clade des Mésozoaires se compose de deux classes parasites, les Orthonectides et les Dicyémides. Ainsi nommés par Giard (1873) parce que les adultes nagent en ligne droite, les Orthonectides comptent une quinzaine d’espèces parasites d’Ophiures, de Mollusques, d’Annélides polychètes, de Némertes. La femelle fusiforme (250 猪m de long, 50 猪m de large) est constituée d’un tégument cilié, formé d’une assise de cellules disposées en rangées transversales régulières; un pore génital se trouve vers le milieu du corps. Le tégument recouvre des ovocytes au même stade de développement, dont l’origine mésodermique ou endodermique est contestée. Aucun autre organe n’apparaît; deux feuillets seulement sont donc identifiés. Le mâle (100 猪m sur 20 猪m) présente 5 segments ciliés; le pore mâle s’ouvre entre le 3e et le 4e segment; le 5e segment renferme le testicule. Le cycle des Orthonectides est fort compliqué. Placés dans un cristallisoir, les Ophiures laissent échapper des adultes mâles et femelles qui nagent; des couples se forment; des spermatozoïdes pénètrent par le pore génital femelle et la fécondation s’effectue; la femelle rejette des larves ciliées qui contaminent de nouveaux Ophiures. La phase libre est terminée. La phase parasitaire commence; les larves ciliées donnent des plasmodes qui contiennent de petits noyaux à nu, des cellules-germes avec noyau et cytoplasme et des embryons en voie de différenciation. Chaque plasmode produit par voie asexuée des mâles ou des femelles qui s’échapperont de l’hôte, et le cycle continue.
Les Dicyémides ont été ainsi nommées par Kolliker pour rappeler les deux formes que prennent ces animaux, qui parasitent le rein des Céphalopodes et abondent dans leur urine. Leur cycle est incomplètement connu. Les larves fondatrices (fig. 2) ou nématogènes fondateurs (300 猪m) envahissent le jeune Céphalopode; elles sont constituées d’une assise de 26 à 28 cellules ciliées entourant 2 ou 3 cellules axiales qui contiennent des cellules-germes. Elles se segmentent plusieurs fois et donnent les nématogènes primaires , qui ne contiennent plus qu’une cellule axiale avec des cellules-germes. Les nématogènes primaires (de 4 à 7 mm), très nombreux, se transforment en rhombogènes secondaires avec une cellule axiale; les cellules-germes donnent des infusorigènes hermaphrodites, producteurs de gamètes mâle et femelle. Après autofécondation, l’œuf se segmente et donne, toujours dans la cellule axiale, un infusoriforme (de 25 à 45 猪m de long sur 18 à 33 猪m de large) composé de plusieurs cellules. La déchirure du rhombogène libère l’infusoriforme, qui nage dans la mer. La suite du cycle est inconnue.
Protostomiens et Deutérostomiens
Deux caractères importants interviennent chez les cœlomates; l’un intéresse la destinée du blastopore, l’autre la position du système nerveux. Dans une des lignées, le blastopore de la gastrula coïncide avec la bouche et ne participe jamais directement à la formation de l’anus chez l’adulte; le blastopore peut aussi disparaître, bouche et anus étant alors des néoformations: le blastopore devient une fente dont les deux lèvres se soudent en laissant un orifice antérieur, la bouche, et un orifice postérieur, l’anus. Ces caractères définissent les Protostomiens . À l’opposé, l’autre branche porte des cœlomates deutérostomiens , chez lesquels le blastopore de la gastrula devient l’anus ou indique sa place; la bouche est une néoformation.
Chez les Protostomiens, le système nerveux comprend une chaîne de ganglions située sous le tube digestif (chaîne ventrale) et un cerveau antérieur plus ou moins complexe, situé au-dessus du tube digestif; ce sont des hyponeuriens . Les Protostomiens hyponeuriens se caractérisent également par la répétition des sacs cœlomiques de part et d’autre de l’axe longitudinal. Leur corps se compose de parties qui se répètent régulièrement, selon une disposition segmentaire ou métamérique. Des cloisons transversales s’étendent entre la paroi du corps et le tube digestif. Chaque segment comprend une paire de sacs cœlomiques, une paire de ganglions nerveux, une paire d’organes excréteurs ou métanéphridies; extérieurement, le segment ou métamère est délimité par des constrictions. Cette structure fondamentale et archaïque se trouve chez certaines Annélides polychètes. Les autres Protostomiens présentent des modifications plus ou moins accusées et qui masquent parfois la métamérisation.
Les Deutérostomiens forment deux groupes d’après les caractères du système nerveux. Échinodermes, Pogonophores et Stomocordés sont des épithélioneuriens , c’est-à-dire que le système nerveux épithélial ou sous-épithélial forme des plexus ou des cordons. Les autres Deutérostomiens (Tuniciers, Céphalocordés, Vertébrés) possèdent tous un système nerveux disposé au-dessus du tube digestif: ce sont des épineuriens ; en outre apparaît un axe squelettique médiodorsal élastique, la corde , situé entre le système nerveux et le tube digestif: ces trois embranchements sont pour cette raison réunis sous le terme de Cordés (rappelons que, dans l’embranchement des Arthropodes, le squelette prend l’aspect d’un exosquelette chitineux ou d’une coquille externe).
Les autres dissemblances sont moins importantes. La branche des Protostomiens compte de fort nombreux parasites plus ou moins déformés; dans l’autre branche, le parasitisme est beaucoup moins fréquent, avec toutefois quelques cas de commensalisme. Un pigment respiratoire renfermant du cuivre, l’hémocyanine, est présent chez divers Mollusques et chez divers Arthropodes, alors qu’il est absent dans l’autre branche.
Complexité croissante
La complexité progressive du système nerveux s’observe dans les deux branches; elle conditionne un psychisme de plus en plus développé.
De la base de la branche jusqu’à son sommet se manifestent tout d’abord des comportements innés (réflexes, tropismes, instincts), indépendants de l’expérience, puis des comportements acquis (habitudes, actes de mémoire, actes intelligents). Dans le grand clade des Arthropodes, les Insectes et surtout les Insectes sociaux (Termites, Fourmis, Guêpes, Abeilles) jouissent d’un psychisme supérieur, alors que les premiers Arthropodes ne devaient pas avoir un psychisme bien différent de celui des Annélides. Dans le clade des Mollusques, le psychisme des Lamellibranches et des Gastéropodes est assez simple, tandis que les Céphalopodes, qui occupent le sommet du clade, sont capables d’apprentissage; leur système nerveux est plus complexe; leurs yeux camérulaires rappellent ceux des Vertébrés. Dans la branche des Deutérostomiens, qui se termine par les Vertébrés, les mêmes faits s’observent; l’intelligence, faible chez les Rongeurs, s’accroît chez les Carnivores et les Proboscidiens; elle prend un grand développement chez les Primates, les Anthropoïdes; elle est maximale chez l’Homme.
Les organes des sens montrent aussi une évolution. Dans les clades de la base des deux branches prédomine l’organe olfactif, sensible aux excitations chimiques; puis son importance diminue, et l’appareil visuel se développe. Les Turbellariés, les Annélides, de nombreux Mollusques sont des olfactifs, alors que les Céphalopodes, les Crustacés supérieurs, les Insectes sont des visuels. Les deux tendances se retrouvent chez les Mammifères: Marsupiaux, Édentés, Rongeurs sont macrosmiques, et le rhinencéphale, ou cerveau olfactif, montre un grand développement; Primates et Homme sont microsmiques, et la région optique (région occipitale du néopallium) est importante.
La classification phylogénétique
Avec l’avènement du concept d’évolution biologique a émergé l’idée selon laquelle toute classification naturelle des être vivants doit refléter leurs liens de parenté: déjà Darwin avançait que les classifications deviendraient des phylogénies. C’est dans ce contexte épistémologique général que W. Henning, en 1950, a posé les bases d’une telle systématique phylogénétique par la publication d’un ouvrage fondamental, Grundzüge einer Theorie der phylogenetischen Systematik .
La répartition des être vivants en différentes catégories a toujours fait appel à la notion de ressemblance; mais l’établissement de liens de parentés relatifs (un taxon A est plus proche d’un taxon B que d’un taxon C si A et B partagent un ancêtre commun moins ancien que l’ancêtre commun à A, B et C) nécessite l’affinement de cette notion de ressemblance. D’abord, seules les ressemblances dues à des caractères hérités d’un ancêtre commun doivent être prises en compte: si tel n’est pas le cas, il y a convergence évolutive, et le taxon alors défini est polyphylétique. Mais, parmi les caractères hérités de l’ancêtre commun doivent être distingués ceux qui sont dits primitifs, car n’étant pas le propre du dernier ancêtre commun et de sa descendance, mais représentant l’héritage d’un ancêtre plus lointain, et ceux qui sont dits dérivés ou évolués et qui ne caractérisent que le dernier ancêtre commun et sa descendance. La prise en compte de caractères primitifs pour l’établissement des classifications aboutit à la formation de groupes paraphylétiques qui ne rassemblent qu’une partie de la descendance d’un ancêtre commun. Seuls les caractères dérivés permettent de constituer des groupes monophylétiques incluant tous les taxons issus du dernier ancêtre à leur être commun: de tels groupes uniquement fondent une classification phylogénétique reflétant l’histoire évolutive des êtres vivants.
Une telle approche a eu pour effet de rendre obsolète la notion de « groupe-souche »: tel groupe n’est pas, en son entier, l’ancêtre de tel autre groupe; ce dernier ne peut dériver que d’une seule espèce du premier, et il partage avec celle-ci un ancêtre commun plus proche dans le temps que l’un quelconque des ancêtres communs à cette espèce et aux autres taxons du groupe-souche: cette espèce est donc plus proche du groupe dérivé que des autres taxons du groupe-souche auquel on l’avait rattaché sur la base de caractères primitifs. C’est ainsi que des taxons tels que les Poissons, les Agnates, les Reptiles sont paraphylétiques et ne recouvrent pas de réalité phylogénétique.
Cette classification entraîne de profonds remaniements de la systématique traditionnelle qui peuvent désorienter le lecteur non averti qui, s’il conserve pour son propre usage les termes consacrés par le temps, ne doit pas en méconnaître les ambiguïtés.
4. Méthodes et organisation de la recherche zoologique
L’inventaire faunique s’est considérablement enrichi; beaucoup d’espèces nouvelles ont été décrites; la connaissance d’espèces déjà signalées s’est améliorée et approfondie. Tous ces progrès sont intimement liés à ceux des techniques et des moyens de prospection.
La fabrication de microscopes variés (microscope électronique, microscope électronique à balayage), les acquisitions en cinématographie, en micromanipulation, en cytochimie, en histochimie, le développement des techniques physiques et biochimiques d’analyses (radio-isotopes, chromatographie, ultracentrifugation, électrophorèse, spectroscopie), la mise au point d’appareils aptes à mesurer les caractères de micromilieux, de microclimats, celle de dispositifs de capture de spécimens vivant dans les milieux les plus divers, les techniques améliorées de marquage, de baguage des animaux ont grandement favorisé l’accroissement des connaissances zoologiques. À la recherche individuelle se substitue la recherche par équipes; de grands organismes nationaux et internationaux orientent les recherches, décident de l’examen de problèmes précis.
Les ménageries et les parcs zoologiques se développent rapidement; mais une conception nouvelle préside à leur établissement: il s’agit de recréer un milieu fort proche des biotopes naturels et d’accorder à l’animal une vie aussi libre que possible.
L’étude de la faune marine commença au XIXe siècle, lors des premières expéditions maritimes lointaines entreprises par la France, la Grande-Bretagne, le Danemark, la Russie. La création de stations zoologiques sur les côtes françaises (Concarneau, 1859; Roscoff, 1871; Banyuls 1881) et étrangères (Naples, 1874; Plymouth, 1881...) permit l’étude de la faune littorale. Jusqu’en 1940, les profondeurs atteintes étaient de l’ordre de 6 000 mètres; actuellement, on explore les grandes fosses du Pacifique (11 000 m) grâce à l’excellent équipement technique des navires océanographiques. L’ancienne idée d’une mer azoïque est périmée. Les diverses machines plongeantes permettent de découvrir les profondeurs sous-marines quelle que soit la distance de la côte.
Parallèlement aux laboratoires maritimes se sont développés des laboratoires d’hydrobiologie, spécialisés dans la récolte et l’étude de la faune d’eau douce. En haute montagne sont établies des stations d’étude de la faune d’altitude.
La faune cavernicole, particulièrement intéressante, a suscité des recherches dès 1781 (date à laquelle fut décrit le Protée des grottes de la Carniole), qui n’ont pas cessé de s’accroître. Afin de pratiquer et de réussir les élevages de cavernicoles, des laboratoires souterrains ont été créés en France (Moulis dans l’Ariège, 1954) et doivent l’être dans les Karpates, en Roumanie, aux États-Unis. La biospéléologie est en plein essor.
Au seuil du XXIe siècle, les techniques informatisées s’organisent dans le domaine de la recherche. En dépit des contraintes opérationnelles, elles faciliteront certaines recherches, et principalement une rapide obtention de bibliographies fort complètes.
5. La protection de la nature
Le déroulement de la vie des groupes zoologiques présente un phénomène cyclique qui se répète pour chacun d’eux; plusieurs phases se succèdent: phase de préparation, phase de crise évolutive, phase de sénescence qui se termine par la mort. L’intervention humaine accroît cette extinction naturelle; les chasses inconsidérées, les défrichements abusifs exercent une action néfaste; des animaux récemment introduits dans un milieu (Rats, Lapins, Chèvres, Mangoustes) ravagent la faune. L’Homme massacre certains animaux pour son profit (viande, corps gras, fourrure, plumes, cuir); il modifie ou détruit les biotopes; il perturbe les équilibres: il extermine ainsi de nombreuses espèces, pas moins de 120 espèces et sous-espèces de Mammifères et environ 150 espèces et sous-espèces d’Oiseaux. Les statistiques portant sur les Oiseaux montrent l’accélération de ces disparitions au cours des siècles: une dizaine d’espèces se sont éteintes avant 1700, une vingtaine au XVIIIe siècle, une vingtaine dans la première moitié du XIXe siècle, une cinquantaine dans la seconde moitié du XIXe siècle et encore une cinquantaine depuis 1901.
Les espèces disparues
Nombre d’espèces animales ont aujourd’hui disparu. En voici quelques exemples: le dernier Aurochs (Bos primigenius ) est mort en 1627 dans les forêts de Pologne ; il ne restait en 1892 que 375 Bisons d’Europe (Bison bonasus ), et les survivants furent sauvés grâce à des mesures énergiques. Les chasses risquent d’exterminer le Bouquetin (Capra ibex ); le danger est moindre pour le Chamois (Rupicapra rupicapra ). L’Antilope Saïga (Saïga tatarica ), qui fréquentait les steppes de la Russie orientale jusqu’à la frontière chinoise, est presque éteinte (12 000 individus massacrés par jour). L’Hippotrague bleu (Hippotragus leucophaeus ) est le premier Ongulé africain éliminé par l’Homme (1799); les derniers Zèbres Couaggas (Equus quagga quagga ) furent tués vers 1870-1880. Le Chinchilla (Chinchilla niger ), Rongeur des Andes, est pratiquement éteint à l’état sauvage; il se maintient dans des fermes d’élevage. Des Mammifères aquatiques, Otaries à fourrure, Siréniens (Dugong, Lamantin), des Cétacés (Baleines, Cachalots, Baleinoptères) sont menacés d’extinction. La Rhytine de Steller (Hydrodomalis stelleri ), le plus grand des Siréniens (8 m de longueur), localisée dans les mers entourant les îles du détroit de Béring, a disparu en 1768, soit vingt-sept ans après sa découverte (1741), exterminée par les marins et les chasseurs de fourrure. La Loutre de mer (Enhydra lustris ) subit le même sort; à peu près disparue en 1900, seules des mesures énergiques ont permis à l’espèce de se multiplier à nouveau. Ont également disparu les Notongulés, les Édentés géants (Glyptodon ) d’Amérique du Sud, les grands Lémuriens de Madagascar; plus de trente-cinq espèces de Marsupiaux sont menacées d’extinction en Australie.
Les Oiseaux n’ont pas été épargnés. Le Pigeon migrateur (Ectopistes migratorius ), qui formait d’immenses troupes en Amérique du Nord, a commencé d’être moins abondant vers 1860; les dernières bandes sauvages ont été observées vers 1898-1900. La Perruche de la Caroline (Conuropsis carolinensis ) fut également exterminée; elle s’est éteinte en 1914. Le grand Pingouin (Alca impennis ) des îlots de l’Atlantique nord, incapable de voler, constituait une proie facile; dès le XVIe siècle, il commençait à diminuer, et le dernier a disparu vers 1844. L’Ara de Cuba (Ara tricolor ), observé pour la première fois vers 1885, est totalement éteint actuellement. Les gigantesques Moas, ou Dinornis , de Nouvelle-Zélande ont été exterminés il y a quelque six cents ans. Le Dronte de l’île Maurice (Raphus cucullatus ), le Dodo de la Réunion (Raphus solitarius ) et le Solitaire de Rodriguez (Pezophaps solitarius ), trois gigantesques Pigeons terrestres incapables de voler, ont été anéantis, le premier vers 1680, les deux autres aux cours du XVIIIe siècle. Le dernier Perroquet mascarin de la Réunion (Mascarinus mascarinus ) vivait en captivité en 1834. Les dernières Huppes de Bourbon (Fregilupus varius ) ont été capturées vers 1840. L’Émeu noir (Dromaeus novae hollandiae diemennianus ), localisé dans l’île Kangourou du sud de l’Australie, était éteint dès 1876; les Émeus du continent australien sont en danger.
Les îles Galapagos, célèbres par le séjour qu’y fit Darwin (1835), hébergent une faune curieuse, riche en espèces endémiques: Tortues géantes, Iguanes de grande taille (Amblyrhynchus cristatus ), Manchots (Spheniscus mendiculus ), Cormorans aptères (Phalacrocorax harrisi ); elle s’est considérablement raréfiée à la suite d’hécatombes imputables à l’Homme; plus de dix millions de Tortues auraient été sacrifiées en raison de leur viande et de la graisse qu’elles fournissaient.
Plus de 60 p. 100 de la faune aviaire des îles Hawaii est éteinte ou en voie de l’être. Le dernier Drepanis pacifica , le « Mamo » des Hawaiiens, a disparu en 1898.
Lorsque les espèces ne sont pas exterminées, leurs aires de distribution se restreignent de plus en plus, et les derniers survivants se réfugient dans des zones réduites. En voici quelques cas: Rhinocéros de l’Inde (Rhinoceros unicornis ), Rhinocéros de Java (Rhinoceros sondaicus ), Rhinocéros de Sumatra (Didermocerus sumatrensis ), Rhinocéros blanc d’Afrique (Ceratotherium simum ), Lion d’Asie (Panthera leo persica ), Cheval sauvage (Equus caballus przewalskii ), Chameau sauvage (Camelus bactrianus ), Onagre (Equus onager ), Hémippe (Equus hemippus ), Girafe (Giraffa camelopardalis ), etc.
Les organismes nationaux et internationaux
Cette situation tragique alerta les esprits, et les premières mesures destinées à protéger la nature datent du XVIIIe siècle. Les États-Unis créèrent le Yellowstone National Park il y a un siècle (1872); la république du Transvaal fonda la Sabi Game Reserve, qui deviendra le Krüger National Park en 1926. Le Parc national Albert, au Zaïre, fut inauguré en 1925.
Après plusieurs tentatives, une Union internationale pour la protection de la nature a été constituée en 1954; des congrès, des conventions, des colloques se tiennent annuellement et définissent les règles de la défense et de la protection de la faune et de la flore. Les notions de « parc national », de « réserve naturelle intégrale », de « parc naturel régional », de « réserve spéciale » sont précisées. L’Assemblée générale de l’U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature), tenue à New Delhi en décembre 1969, a codifié la définition du parc national: « Un parc national est un territoire relativement étendu, qui présente un ou plusieurs écosystèmes, généralement peu ou pas transformés par l’exploitation et l’occupation humaine, où les espèces végétales et animales, les sites géomorphologiques et les habitats offrent un intérêt spécial du point de vue scientifique, éducatif et récréatif, ou dans lesquels existent des paysages naturels de grande valeur esthétique; territoire dans lequel la plus haute autorité compétente du pays a pris des mesures pour empêcher ou éliminer dès que possible, sur toute sa surface, cette exploitation ou cette occupation et pour y faire effectivement respecter les entités écologiques, géomorphiques ou esthétiques ayant justifié sa création; territoire dont la visite est autorisée, sous certaines conditions, à des fins récréatives, éducatives et culturelles. »
L’U.N.E.S.C.O. se préoccupe également de ces problèmes et a élaboré des plans pour un programme international de parcs nationaux. Des « sanctuaires de la nature » ont déjà été créés, d’autres le seront prochainement dans le monde entier. Des résultats sont déjà acquis; grâce à des mesures sévères, les Chamois, les Marmottes, les Bouquetins se multiplient. En France, la réserve de la Camargue et les réserves ornithologiques des Sept-Îles et du cap Fréhel ont favorisé le repeuplement de diverses espèces.
La zoologie en voie de disparition?
Dans le cadre de la recherche scientifique en général et face aux menaces qui pèsent sur la biodiversité en cette fin de XXe siècle, que peut représenter la zoologie? Et d’abord, dans quel état se trouve-t-elle pour affronter le XXIe siècle?
Comme toutes les « sciences mères », elle souffre d’une crise d’identité: les disciplines qui se sont constituées au niveau de ses interfaces avec d’autres sciences sont devenues autonomes et se sont appropriées une partie de sa substance. Les échelles des domaines sur lesquels œuvrent ces nouvelles sciences sont souvent très différentes de celle d’un organisme: de l’écologie, qui englobe la biosphère comme sujet d’étude, à la biologie moléculaire s’emboîtent toute une série de disciplines essaimées de la zoologie; elles privilégient en général une approche mécaniste du vivant mais, si les indéniables progrès qu’elles ont enregistrés au fil des ans dans leurs domaines respectifs n’ont fait qu’asseoir leur légitimité, il est utile de noter que cette attitude ainsi que la désaffection consécutive qui a touché la botanique ou la zoologie traditionnelle a peu à peu oblitéré une vision intégrée de l’être vivant. Or, qu’on le veuille ou non, c’est d’abord au niveau de l’organisme que s’effectue notre prise de conscience du vivant; l’étape suivante, l’identification, requiert un savoir qui, pour être jugé « généraliste » par d’aucuns, n’en est pas moins indispensable au « spécialiste », et pour la validité de ses recherches et pour la communication de ses résultats. Mais la formation en zoologie des jeunes chercheurs est actuellement si sommaire qu’il est à craindre qu’elle ne finisse par disparaître et ne laisse définitivement la place à une vision du vivant éclatée en différentes spécialités, plus ou moins indépendantes les unes des autres. Les problèmes d’identification qui résulteraient d’un tel état de fait finiraient par se poser à tous les niveaux de la recherche: que seraient des études écologiques, physiologiques ou de biologie moléculaire dans lesquelles les organismes qui en seraient l’objet n’auraient pu être identifiés correctement au préalable?
N’oublions pas que les sciences mères, de par leur situation « centrale », peuvent et doivent être à la fois une source et un centre de convergence des différents niveaux de la recherche.
zoologie [ zɔɔlɔʒi ] n. f.
• 1750; lat. sc. zoologia (1661); cf. zoo- et -logie
♦ Branche de la biologie qui a pour objet l'étude des animaux. Zoologie descriptive : morphologie animale. Zoologie systématique (⇒ zootaxie) . Parties de la zoologie : anatomie et physiologie animales; étude de l'évolution; embryologie; écologie et éthologie animales; zoogéographie. Les disciplines de la zoologie. ⇒ conchyliologie, entomologie, erpétologie, helminthologie, ichtyologie, malacologie, mammalogie, ornithologie; zoosémiotique.
● zoologie nom féminin (latin scientifique zoologia) Étude scientifique des animaux.
zoologie
n. f. Science de l'étude des animaux.
Encycl. L'inventaire de la faune de la planète est loin d'être terminé. Plusieurs animaux de grande taille ont encore été découverts au XXe s., notam. dans la grande forêt d'Afrique tropicale (okapi, hippopotame nain, paon congolais, etc.), en Asie (varan de Komodo), en Amérique du Sud, dans l'océan Indien (coelacanthe). Les animaux se subdivisent en protozoaires et métazoaires. Parmi les grands embranchements de métazoaires inférieurs, on distingue les embranchements suivants: spongiaires; cnidaires; plathelminthes; némathelminthes; mollusques; annélides; pararthropodes; arthropodes; échinodermes. Le dernier embranchement, celui des cordés, aboutit à l'homme. Un de ses sous-embranchements, les vertébrés, comprend les classes suivantes: agnathes, poissons cartilagineux, poissons osseux, amphibiens, reptiles, oiseaux, mammifères; certains reptiles ont donné naissance aux oiseaux et d'autres aux mammifères.
⇒ZOOLOGIE, subst. fém.
Branche des sciences naturelles qui a pour objet l'étude et la classification des animaux. Zoologie comparée, descriptive, fossile, générale, marine, systématique; congrès, société, traité de zoologie. L'objet fondamental de la zoologie est de dresser l'inventaire des formes animales, de faire de celles-ci un classement méthodique et d'analyser leur structure, leur développement, leurs relations respectives et leurs rapports avec le milieu ambiant (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 401).
— P. iron. Jean-Marie Benoist est en train de devenir l'un des plus étranges spécimens de notre zoologie politico-culturelle (Le Nouvel Observateur, 4 mars 1978, p. 78, col. 2).
— P. méton. Ensemble d'animaux. Dans cette verdure balsamique apparaissent de place en place des bêtes empaillées: un aigle, les ailes étendues, un hibou, des mouettes sur un perchoir doré, un putois sur un socle d'acajou (...). Toute une zoologie morte peuple ce feuillage desséché (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 34).
REM. -zoologie, élém. de compos. V. anthropozoologie (s.v. anthrop(o)- C), ethnozoologie (s.v. ethno- A), paléozoologie (s.v. palé(o)- II).
Prononc. et Orth.:[]. PASSY 1914 []. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1750 (PRÉV.). Comp. des élém. formants zoo- et -logie; cf. le lat. sc. mod. zoologia, 1661 (SPERLING, Zoologia Physica ds NED), transcr. du gr. mod. titre d'un ouvrage de Johannes Schröder (ibid.), comp. du gr. « tout être vivant », en partic. « animal » et de - (v. élém. formant -logie); en angl., zoologia est att. dès 1669 (NED). Fréq. abs. littér.:80.
zoologie [zɔɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. 1750; lat. sc. zoologia, XVIIe; → Zoo-, et -logie.
❖
♦ Branche des sciences naturelles qui a pour objet l'étude des animaux. || Zoologie descriptive. ⇒ Zoographie, vx; morphologie (animale). || Zoologie statique. || Classification, taxinomie en zoologie. ⇒ Zootaxie; systématique (zoologique). || Parties de la zoologie : anatomie et physiologie animales; étude de l'évolution; embryologie; étude des milieux (⇒ Écologie) et des mœurs (⇒ Éthologie) des animaux, de leur distribution géographique (⇒ Zoogéographie). || Disciplines particulières en zoologie (⇒ Conchyliologie, entomologie, helminthologie, herpétologie, ichtyologie, malacologie, mammalogie, ornithologie). || Aux yeux du naturaliste, zoologie et botanique sont inséparables. → Règne, cit. 2; et aussi paléontologie (animale). ⇒ Protistologie. || Zoologie et systèmes signifiants, et communication. ⇒ Zoosémiotique.
1 La zoologie, donnant la description et la classification des espèces, n'est qu'une science d'observation qui sert de vestibule à la vraie science des animaux.
Cl. Bernard, Introd. à l'étude de la médecine expérimentale, II, II.
2 Un jour viendra où la zoologie sera historique, c'est-à-dire, au lieu de se borner à décrire la faune existante, cherchera à découvrir comment cette faune est arrivée à l'état où nous la voyons.
Renan, Dialogues et Fragments philosophiques, Œ. compl., t. I, p. 638.
➪ tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
❖
DÉR. Zoologiste.
Encyclopédie Universelle. 2012.