brouiller [ bruje ] v. tr. <conjug. : 1>
1 ♦ Mêler en agitant, en dérangeant. ⇒ embrouiller, mélanger. — Loc. fig. Brouiller les cartes, les pistes. — Spécialt P. p. adj. Œufs brouillés, mêlés en cours de cuisson.
2 ♦ Rendre trouble. ⇒ altérer, troubler. Des yeux « brouillés par les larmes » (Duhamel). La buée brouille les verres de mes lunettes. « un nuage traînant brouille le fond du paysage » (A. Gide). Brouiller le teint, altérer sa fraîcheur. — Pronom. Le ciel, le temps se brouille. Sa vue se brouillait. — Brouiller une émission de radio, la troubler par brouillage.
3 ♦ Fig. Rendre confus, troubler. Le désespoir « lui a brouillé la cervelle » (Lesage). Vous me brouillez les idées. ⇒ embrouiller. Pronom. « Ce qu'on me dit se brouille dans ma tête » (Proust).
♢ Confondre. « Elle perdait la mémoire, brouillait les époques » (France) .
4 ♦ Désunir en provoquant une brouille. « Ah ! ne me brouillez pas avec la République » (P. Corneille).
♢ Pronom. Cesser d'être ami. ⇒ se fâcher. Elles se sont brouillées. Se brouiller avec qqn. — Elle est brouillée avec ses parents. Ils sont brouillés à mort.
♢ Fam. Il est brouillé avec les chiffres, avec l'orthographe, il est nul dans ces domaines. ⇒ fâché.
⊗ CONTR. Classer, débrouiller, démêler; clarifier, éclaircir. Raccommoder, réconcilier.
● brouiller verbe transitif (gallo-romain brodiculare, du germanique brod, bouillon) Mettre des choses en désordre ; mêler, troubler un ensemble en l'agitant : Brouiller les cartes. Brouiller des œufs. Dérégler, fausser un mécanisme, modifier un système : Brouiller la combinaison d'un coffre. Rendre la vue, l'esprit, les idées troubles, confus. Faire cesser l'entente qui régnait entre des personnes, les fâcher : Cette affaire d'argent l'a brouillé avec sa famille. Faire que quelqu'un ne comprenne pas une science, une technique, un procédé, etc. : Son professeur l'a brouillé avec les mathématiques. Produire un brouillage. ● brouiller (citations) verbe transitif (gallo-romain brodiculare, du germanique brod, bouillon) Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Ah ! ne me brouillez point avec la République… Nicomède, II, 3, Prusias ● brouiller (difficultés) verbe transitif (gallo-romain brodiculare, du germanique brod, bouillon) Orthographe Bien noter le i après -ill- à l'imparfait et au subjonctif présent : (que) nous brouillions, (que) vous brouilliez. ● brouiller (expressions) verbe transitif (gallo-romain brodiculare, du germanique brod, bouillon) Brouiller les cartes, les pistes, modifier les données d'une question pour la rendre difficilement compréhensible. Brouiller le teint, lui faire perdre sa fraîcheur, le ternir. ● brouiller (homonymes) verbe transitif (gallo-romain brodiculare, du germanique brod, bouillon) ● brouiller (synonymes) verbe transitif (gallo-romain brodiculare, du germanique brod, bouillon) Mettre des choses en désordre ; mêler, troubler un ensemble en...
Synonymes :
- déranger
- dérégler
- désorganiser
- emmêler
- enchevêtrer
- mêler
Contraires :
- classer
- débrouiller
- démêler
- ranger
Rendre la vue, l'esprit, les idées troubles, confus.
Synonymes :
- altérer
Contraires :
- éclaircir
Faire cesser l'entente qui régnait entre des personnes, les fâcher
Synonymes :
- désunir
- fâcher
- séparer
Contraires :
- réconcilier
- réunir
- unir
Produire un brouillage.
Synonymes :
- troubler
brouiller
v.
rI./r v. tr.
d1./d Mettre pêle-mêle; mélanger, mêler. Brouiller des papiers.
— OEufs brouillés, dont on a mélangé les blancs et les jaunes pendant la cuisson.
d2./d Troubler. Brouiller la vue.
|| Brouiller une émission de radio, empêcher par le brouillage de l'entendre clairement.
d3./d Mettre du désordre, de la confusion dans. L'émotion brouillait ses souvenirs.
— Brouiller la combinaison d'un cadenas, d'un coffre, pour la dissimuler.
d4./d Désunir (des personnes), susciter le désaccord entre elles.
rII./r v. Pron.
d1./d Se troubler. Ma vue se brouille.
|| Le temps se brouille: le ciel se couvre de nuages.
d2./d Devenir confus. Idées qui se brouillent.
d3./d Se brouiller avec qqn: se fâcher avec qqn.
⇒BROUILLER, verbe trans.
A.— Rendre trouble par agitation. Brouiller un liquide, un vin (en remuant la lie).
— P. anal. Rendre trouble, confus et inutilisable par quelque autre moyen. Brouiller une piste :
• 1. Quand le notaire les reçut enfin, et qu'il fallut signer, le vieux [Fouan] chercha ses lunettes, les essuya; mais ses yeux pleins d'eau les brouillaient, sa main tremblait...
ZOLA, La Terre, 1887, p. 333.
• 2. ... il n'y a plus de terrains d'aviation, donc plus d'avions, l'électronique est brouillée, les ports sont tous détruits et infectés, ...
A. BEAUFRE, Dissuasion et stratégie, 1964, p. 128.
— P. ext. Agiter et mélanger de manière à mettre en complet désordre. Brouiller les cartes (avant un tirage) :
• 3. On a joué (...) au jeu du secrétaire : on écrivait des questions sur des bulletins; on pliait les bulletins, et on les brouillait dans une corbeille; chacun devait prendre une question au hasard...
O. FEUILLET, Le Journal d'une femme, 1878, p. 6.
— Emploi pronom. Devenir trouble, confus :
• 4. Les traits assez nets du Berry calcaire — le vrai Berry — se brouillent aux approches du Massif Central.
VIDAL DE LA BLACHE, Tabl. de la géogr. de la France, 1908, p. 156.
B.— Au fig.
1. Mettre du désordre dans les idées ou les affaires. Mais ce qui surtout brouilla toutes les cervelles (A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 304) :
• 5. — Monsieur, dit l'avoué, vous brouillez toutes mes idées. Je crois rêver en vous écoutant. De grâce, arrêtons-nous pendant un moment.
BALZAC, Le Colonel Chabert, 1835, p. 46.
— Locutions
♦ Brouiller les pistes. D'autres policiers, notamment dans l'entourage de Briand, ministre des Affaires étrangères à l'époque, brouillaient les pistes (L. DAUDET, Bréviaire du journ., 1936, p. 187).
♦ Brouiller les cartes. Il paraît évident que Danton brouilla les cartes, espérant encore regagner la Gironde (G. LEFEBVRE, La Révolution fr., 1963, p. 350).
— Emploi pronom. :
• 6. Maintenant elle trouvait plutôt que c'était elle qui avait tort. Mais elle ne savait plus bien, les choses se brouillaient dans sa tête; ...
MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, p. 977.
2. Rompre une union, faire naître la désunion entre des personnes :
• 7. Son père la force à bouder Paris; il veut la brouiller avec une amie intime; ...
STENDHAL, Lucien Leuwen, t. 1, 1836, p. 277.
— Emploi pronom. Se brouiller avec qqn. Cesser d'être en bons termes :
• 8. ... j'ai hérité d'une part dans une fabrique d'objets en caoutchouc, je me suis brouillé avec ma belle-mère...
GIRAUDOUX, Siegfried et le Limousin, 1922, p. 33.
3. Fam. Être brouillé avec qqc. Comprendre ou retenir difficilement qqc. :
• 9. ... qu'est-ce que ce monsieur assez bien de sa personne qui sortait comme j'entrais? Je dois le connaître (...) mais je ne l'ai pas remis, vous savez que je suis brouillé avec les noms...
PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 207.
PRONONC. :[], (je) brouille [].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1219 « altérer, abîmer » (Guill. le Maréchal, 7517, Meyer dans R. Hist. litt. Fr., t. 5, p. 304); 2. 1268-71 « mêler en dérangeant » (E. BOILEAU, Métiers, éd. G.-B. Depping, 272 dans T.-L.); 1611 brouiller les cartes, œufs brouillez (COTGR.); 3. 1346-1407 « rendre trouble » (E. DESCHAMPS, II, 181 dans GDF. Compl. : La veue me trouble et breille); 1652-96 pronom. (SÉVIGNÉ, 12 dans LITTRÉ : Le jeudi le temps se brouilla); 4. XVe-XVIe s. « rendre confus [le cerveau] » (L'Amant ressuscité, p. 206 dans LA CURNE); 5. ca 1470 « désunir » (Trahison de France, p. 166 dans GDF. Compl.); 1651 (CORNEILLE, Nicomède, 564, cité dans Ch. Marty-Laveaux, Œuvres de Corneille, Paris, t. 11, p. 141 : Ah! ne me brouillez point avec la République).
D'un gallo-roman brodiculare (DEI; GAM. Rom.2 t. 1, p. 384; EWFS2; v. aussi FEW t. 15, 1, p. 300a) dér. de brodicare, postulé par le bergamasque brodigar « souiller » (DEI) et dér. du germ. brod « bouillon », v. brouet. Cette hyp. est la seule à pouvoir rendre compte des formes anc. trisyllabiques du mot fr.; aussi l'hyp. d'une dérivation de l'a. fr. breu, brou (brouet) d'apr. fouiller, souiller (BL.-W.5; DAUZAT 1968; REW3, n° 1321) est-elle à écarter.
STAT. — Fréq. abs. littér. :713. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 960, b) 769; XXe s. : a) 847, b) 1 293.
BBG. — DUCH. 1967, § 45. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 217, 236, 292, 316. — SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], p. 135, 442, 444. — SCHUCHARDT (H.). Romanische Etymologien. Sitzungsberichte der philosophisch-historischen Klasse der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften. 1899, t. 141, n° 3, p. 139. — TILANDER (G.). Rem. sur le Roman de Renart. Göteborg, 1923, p. 167.
brouiller [bʀuje] v. tr.
ÉTYM. 1219; gallo-roman brodiculare, de brodicare; du germanique brod « bouillon ». → Brouet, brouillade, 1. brouillard.
❖
1 Mêler en agitant, en dérangeant. ⇒ Mélanger, mêler.
♦ Vx (objets concrets, matériels). || Brouiller des papiers, des dossiers. || Brouiller une pelote de fil. ⇒ Bouleverser, emmêler, enchevêtrer.
♦ Mod. (avec une valeur, souvent symbolique ou métaphorique, de suppression d'un ordre). || Brouiller la combinaison d'un coffre-fort. || Brouiller les pistes. ⇒ Embrouiller.
♦ ☑ Loc. Brouiller les cartes, les battre avant de donner. — Fig. Mettre du trouble, de la confusion dans une affaire.
1 C'est dans le jeu politique et parlementaire (…) que des joueurs, mauvais joueurs, battus, brouillent les cartes, renversent le jeu, font perdre le voisin.
Ch. Péguy, Œ. compl., t. XII, p. 22.
1.1 (…) une conscience scrupuleuse eût précisément évité les fautes qui nous ont coûté l'Indochine et, au Maghreb, ont brouillé irréparablement les cartes de la France.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 47.
♦ Spécialt. || Brouiller des œufs (→ Jus, cit. 4, et ci-dessous, le p. p.). || Brouiller des couleurs. || Brouiller en écrasant. ⇒ Broyer.
2 Vieilli. Rendre trouble, confus (un liquide). ⇒ Altérer, déranger, troubler. || Brouiller un liquide, du vin, le rendre trouble en le remuant. ⇒ Agiter.
♦ Mod. Rendre trouble, difficile à voir. || Brouiller les verres d'une lunette, un objectif, les rendre troubles, opaques. || La pluie, la buée brouille les fenêtres. || Brouiller les yeux, la vue. || Les larmes lui brouillent la vue. || Brouiller le teint : altérer la coloration de la peau. || Les nuages brouillent le ciel.
2 Par moments un nuage traînant brouille le fond du paysage.
Gide, Journal, 1909, la Mort de Charles-Louis Philippe.
3 Rendre inaudible. || Brouiller une émission de radio, la rendre inaudible en émettant un son parasite sur la même longueur d'onde (⇒ Brouillage, 3.).
4 Fig. Rendre confus, embrouiller.
♦ Mod. || La colère lui a brouillé l'esprit, la cervelle, les idées. ⇒ Troubler. || Brouiller les souvenirs, les dates d'histoire. ⇒ Confondre, mêler.
3 Là ma douleur trop forte a brouillé ces images (…)
Corneille, Polyeucte, I, 3.
4 Quel accident nouveau te brouille ainsi le sens ?
Corneille, Mélite.
5 C'étaient discours en l'air inventés par ma flamme,
Pour brouiller ton esprit et celui de sa femme.
Corneille, Pertharite, IV, 2.
6 Ce serait brouiller toutes ses affaires.
Racine, Remarques sur l'Odyssée.
7 J'avais les plus belles pensées du monde, et vos discours m'ont brouillé tout cela.
Molière, Dom Juan, I, 2.
8 Vous savez mieux que personne comme on est peu maîtresse de ses craintes et de ses imaginations; elles ont ici toute leur étendue; rien ne brouille, ni ne démêle ces émotions (…)
Mme de Sévigné, 830, 10 juil. 1680.
9 (…) le désespoir de se voir toujours oublié dans les promotions lui a brouillé la cervelle.
A. R. Lesage, le Diable boiteux, X, 101.
10 Elle perdait la mémoire, brouillait les époques (…)
France, le Petit Pierre, XXIV.
11 La mémoire a donc bien ses degrés successifs et distincts de tension ou de vitalité, malaisés à définir, sans doute, mais que le peintre de l'âme ne peut pas brouiller entre eux impunément.
H. Bergson, Matière et Mémoire, p. 186.
♦ Vx. || Brouiller une affaire. || Il a tripoté dans mes affaires et n'est parvenu qu'à les brouiller. || Cet homme brouille tout ce qu'il touche (⇒ 1. Brouillon).
♦ Vx. Troubler, altérer, gâter.
12 Je me console des inquiétudes qui viennent brouiller la joie de vous voir bientôt à Paris.
Mme de Sévigné, 859, 6 oct. 1680.
♦ Vx. Absolt. ⇒ Bafouiller, bredouiller.
13 Il cherche, il brouille, il crie, il s'échauffe (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 7.
5 ☑ Loc. Vx. Brouiller du papier, le noircir en griffonnant, en écrivant rapidement. ⇒ Barbouiller. — Par ext. || Brouiller un sonnet.
14 Ma sœur, un mot d'avis sur un méchant sonnet
Que je viens de brouiller dedans mon cabinet.
Corneille, Mélite, II, 4.
15 J'ai plus brouillé de papier à dire de méchantes choses, que vous n'en aviez employé à écrire les plus belles choses du monde.
Racine, Lettres.
6 (Compl. n. de personne; sujet n. de personne ou de chose). Désunir en provoquant une brouille. || Brouiller qqn avec son meilleur ami. || Ce mot a failli me brouiller avec toute la bande (→ Pisse-froid, cit. 1).
16 La déesse Discorde ayant brouillé les Dieux (…)
La Fontaine, Fables, VI, 20.
17 Elle est très mauvaise, cette fille-là… Elle savait bien qu'elle te brouillerait avec la Madelon (…)
G. Sand, la Petite Fadette, XVII.
17.1 Mais Mme Verdurin (…) avait fini par trouver un plaisir désintéressé dans ce genre de drames et d'exécutions, l'avait irrémédiablement brouillé avec la personne dangereuse, sachant, comme elle le disait, « mettre bon ordre à tout » et « porter le fer rouge dans la plaie ».
Proust, Sodome et Gomorrhe, éd. Folio, p. 305.
——————
se brouiller v. pron.
1 (Choses). Devenir trouble, confus. || Ce liquide, ce mélange s'est brouillé. || Son teint se brouille. || Sa vue se brouille. || Le ciel, le temps se brouille. ⇒ Gâter (se).
18 Les nuages couvrirent bientôt la surface de la terre; dès que mon fils commença à parler, le temps se brouilla (…)
Mme de Sévigné, 846, 28 août 1680.
♦ Fig. et vx. || Les affaires se brouillent.
♦ Mod. (Abstractions humaines). || Son esprit, ses idées, ses souvenirs se brouillent.
19 Oh ! qu'ils (les souvenirs) se brouillent donc et que tout se confonde (…)
Loti, les Désenchantées, VI, 52.
20 (…) mais je ne me rappelle même plus. Ce qu'on me dit se brouille dans ma tête, j'y attache si peu d'importance !
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XII, p. 165.
♦ Vx (faux pronominal). || Se brouiller l'esprit, la tête : agiter en vain des idées. ⇒ Casser (fam., se casser la tête), torturer (se).
21 (…) Si nous n'aimions point à nous brouiller l'esprit
Ni de ce que l'on fait ni de ce que l'on dit !
Corneille, Imitation de J.-C., I, 668.
22 Je m'aperçus bientôt que tous ces auteurs étaient entre eux en contradiction presque perpétuelle, et je formai le chimérique projet de les accorder, qui me fatigua beaucoup et me fit perdre bien du temps. Je me brouillais la tête, et je n'avançais point.
Rousseau, les Confessions, VI.
♦ Vx. || Se brouiller : s'embarrasser, s'embrouiller.
23 Pompée et César s'unissent par intérêt et puis se brouillent par jalousie.
Bossuet, Hist. des variations, III, 17.
24 (…) quelque chose d'épouvantable (…) qui eût été capable (…) de nous brouiller, ce qui nous permettrait de nous réconcilier, de refaire différente et plus souple la chaîne qui nous liait.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XI, p. 33.
♦ Fig. || Se brouiller avec le bon sens : perdre le bon sens.
♦ Se brouiller avec la justice : s'exposer à l'action de la justice en commettant un délit, un méfait.
25 — Une aventure où je me brouillai avec la justice (…)
— Je te conjure au moins de ne m'aller point brouiller avec la justice.
Molière, les Fourberies de Scapin, I, 2 et 5.
——————
brouillé, ée p. p. adj.
1 (Choses). Mêlé, mélangé.
♦ (1611). || Œufs brouillés, dont les blancs et les jaunes ont été mélangés (et non battus, comme pour l'omelette) en cours de cuisson. ⇒ Brouillade (régional); et → Fondue, cit. 1.
2 Qui a été rendu confus, peu net. || Un teint brouillé. || Ciels brouillés, poème de Baudelaire. — (Passif et p. p.). || Brouillé de…, par… || Des yeux brouillés (de…), dont le regard n'est pas net. || Vue brouillée.
26 Et, sur ce visage étrange (de Danton), brouillé de petite vérole (…)
Michelet, Hist. de la Révolution franç., t. I, p. 1025.
27 (…) aux yeux battus, tout brouillés de sommeil (…)
Zola, l'Assommoir, t. I, p. 7.
28 (…) des yeux gris, dans un teint de brune, un peu brouillé (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 217.
29 (…) ma vue était brouillée par mon trop grand désir de l'embrasser (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XII, p. 225.
30 Jean-Pierre releva le front, montrant des yeux gonflés mais beaux qui, même brouillés par les larmes, illuminaient son étroite figure d'adolescent.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, X, 3.
30.1 Au repos, l'expression de Valérie était d'une tristesse tendre, et Ferral se souvenait que la première fois qu'il l'avait vue il avait dit qu'elle avait un visage brouillé, — le visage qui convenait à ce que ses yeux gris avaient de doux.
Malraux, la Condition humaine, p. 98.
♦ Avoir l'estomac brouillé, et, par métonymie, être, se sentir brouillé après un bon repas (par confusion avec barbouillé).
♦ Une émission de radio brouillée. || Une voix brouillée.
♦ (Abstrait). || Affaires brouillées. || Cartes, pistes brouillées. || Idées, souvenirs brouillés. ⇒ Disparate. || Esprit brouillé.
31 Là, le petit solitaire put faire tout son saoûl, des lectures brouillées, indigestes.
Michelet, Extraits historiques, p. 350.
32 Plus les pistes lui paraissent brouillées, plus l'homme est enclin, pour sortir à tout prix de la confusion, à accepter une doctrine toute faite qui le rassure, qui le guide.
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 238.
3 Passif, p. p. et adj. (Personnes). || Être brouillé avec qqn, ne plus être en bons termes avec lui. ⇒ Fâché (→ Paix, cit. 7). || Brouillé à mort. || Ils sont brouillés.
33 Que votre oncle soit brouillé ou non avec elle, il faudra bien se raccommoder.
A. de Musset, Il ne faut jurer de rien, III, 5.
34 (…) je fus surpris d'entendre Andrée, que je croyais brouillée à mort avec elle, dire : « Je lui écrirai demain, parce que si j'attends sa lettre d'abord, je peux attendre longtemps, elle est si négligente. » Et se tournant vers moi elle ajouta : « Vous ne la trouveriez pas très remarquable évidemment, mais c'est une si brave fille, et puis j'ai vraiment une grande affection pour elle. » Je conclus que les brouilles d'Andrée ne duraient pas longtemps.
Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, éd. Folio, p. 562.
♦ (V. passif). Fig. || Être brouillé avec la raison, le bon sens, la justice (→ ci-dessus, Se brouiller, 2.). || Être brouillé avec la grammaire, avec les mathématiques, les chiffres, les noms, ne pas les comprendre ou les oublier facilement. — P. p. || Un élève brouillé avec l'orthographe.
35 — Dites-moi, ma bonne tante, demanda M. de Guermantes à Mme de Villeparisis, qu'est-ce que ce monsieur assez bien de sa personne qui sortait comme j'entrais ? Je dois le connaître parce qu'il m'a fait un grand salut, mais je ne l'ai pas remis; vous savez je suis brouillé avec les noms, ce qui est bien désagréable, dit-il d'un air de satisfaction.
Proust, Du côté de Guermantes, éd. Folio, p. 277.
❖
CONTR. Accorder, arranger, clarifier, classer, débrouiller, démêler, distinguer, éclaircir. — Accorder, raccommoder, réconcilier, réunir. — Clair, net.
DÉR. Brouillage, 1. brouillard, 2. brouillard, brouille, brouillement, brouillerie, brouilleur, brouillis, 1. brouillon, 2. brouillon.
Encyclopédie Universelle. 2012.