1. déjeuner [ deʒɶne ] v. intr. <conjug. : 1>
• desjeûner « rompre le jeûne » fin XIIe; lat. pop. °disjunare, d'ab. disjejunare
1 ♦ Prendre le petit-déjeuner, le déjeuner du matin. Il est parti travailler sans déjeuner.
2 ♦ (A remplacé dîner). Prendre le repas du milieu de la journée. Nous avons déjeuné au restaurant. Inviter qqn à déjeuner. Il « déjeunait sur le pouce d'une carcasse, d'une tranche de confit froid » (F. Mauriac). Déjeuner d'un sandwich.
déjeuner 2. déjeuner [ deʒɶne ] n. m.
• XIIe; de 1. déjeuner
I ♦
2 ♦ Repas pris au milieu du jour. REM. Déjeuner a remplacé dîner, comme dîner a remplacé souper. Déjeuner d'affaires. Déjeuner buffet. ⇒ lunch. Déjeuner sur l'herbe. ⇒ pique-nique. Déjeuner-débat.
3 ♦ Ensemble des mets du déjeuner. ⇒ repas. Un bon déjeuner, arrosé de vins fins.
II ♦
1 ♦ Ensemble formé par une grande tasse et sa soucoupe (pour le petit-déjeuner). Un déjeuner de porcelaine.
2 ♦ Fig. DÉJEUNER DE SOLEIL : étoffe dont la couleur passe vite, et par anal. chose qui ne dure pas longtemps (objet, sentiment, résolution, entreprise).
● déjeuner verbe transitif indirect (bas latin disjunare, rompre le jeûne) Manger (de quelque chose) à son déjeuner : Déjeuner d'une salade. ● déjeuner verbe intransitif Prendre le repas du matin ou de midi. En Belgique et en Suisse, prendre le petit-déjeuner. ● déjeuner nom masculin Repas de midi. En Belgique et en Suisse, petit-déjeuner. Les mets eux-mêmes : Un déjeuner froid. Ensemble formé de la tasse et de la soucoupe assorties pour le petit-déjeuner. Suivi d'un nom apposé (avec ou sans trait d'union) désigne un repas durant lequel se déroule une activité : Déjeuner-débat. Représentation picturale d'un repas, ou d'aliments et d'accessoires pour le repas. ● déjeuner (difficultés) verbe intransitif Prononciation [&ph88;&ph89;ʒɶ&ph98;&ph89;], bien prononcer les trois syllabes (dé-jeu-ner).Remarque La prononciation en deux syllabes, supprimant le é ou le eu (t'as d'jà d'jeuné ? Allons déj'ner !), est relâchée. Orthographe Attention, pas d'accent circonflexe sur le u (à la différence de jeÛne et de jeÛner mais comme dans à jeun). Construction Déjeuner de / déjeuner avec → avec. Emploi Déjeuner / petit déjeuner / dîner / souper. → déjeuner n. m. ● déjeuner (citations) nom masculin Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 C'est là que le prélat, muni d'un déjeuner, Dormant d'un léger somme, attendait le dîner. Le Lutrin ● déjeuner (difficultés) nom masculin Emploi Déjeuner / petit déjeuner / dîner / souper. À Paris et dans beaucoup de régions de France, le déjeuner est aujourd'hui le repas pris à la mi-journée, en général entre midi et quatorze heures. Le repas du matin, pris avant la journée de travail, est le petit déjeuner. Le repas du soir est le dîner. Lorsque le repas du soir est pris assez avant dans la nuit, et notamment s'il s'agit d'un repas fin pris après un spectacle, il est dénommé souper (mais le mot comme la chose sont peu fréquents : on ne soupe guère que dans les milieux aisés). Remarque 1. Jusqu'au XIXe s., on nommait déjeuner le premier repas de la journée (celui par lequel on rompt le jeÛne de la nuit), dîner celui du milieu de la journée et souper celui du soir. Cet usage est encore vivant dans certaines régions de France, en Belgique, en Suisse et au Québec. 2. Cette nouvelle distribution des sens des trois substantifs a entraîné l'apparition du verbe petit-déjeuner (je petit-déjeune, tu petit-déjeunes, etc.), admis dans le registre courant. ● déjeuner (expressions) nom masculin Déjeuner de soleil, étoffe dont le soleil fanera la couleur en très peu de temps ; sentiment, chose, résolution éphémère.
déjeuner
n. m.
d1./d Repas du milieu du jour. "Le Déjeuner sur l'herbe", tableau de Manet (1863).
d2./d Repas du matin, appelé le plus souvent petit déjeuner en France.
d3./d Ensemble des mets qui composent ces repas (partic., le repas du milieu du jour). Le déjeuner est servi.
d4./d Grande tasse et soucoupe assorties qui servent au petit déjeuner.
————————
déjeuner
v. intr. Prendre le repas du milieu du jour.
|| Prendre le petit déjeuner, le repas du matin.
I.
⇒DÉJEUNER1, verbe intrans.
A.— Vx, région. Prendre le repas du matin :
• 1. Alors que, les premiers mois, j'avais gardé mes heures de prière, de repos, de repas, que je m'étais crue obligée chaque jour de déjeuner, de dîner, de souper (...) Maintenant je vivais de bananes ou de mangues heure par heure.
GIRAUDOUX, Suzanne et le Pacifique, 1921, p. 72.
Rem. P. réf. au subst. petit déjeuner, on trouve parfois le verbe qui en dérive, employé p. plaisant. Avez-vous bien dîné? demanda-t-il [André à Julietta]. Oui, très bien dîné, et bien petit-déjeuné aussi (L. DE VILMORIN, Julietta, 1951, p. 173).
— Déjeuner à la fourchette. Prendre un petit déjeuner copieux fait souvent de viandes accompagnées de vin. Mais en fait d'anges je n'estime que ceux qui déjeunent vigoureusement à la fourchette et qui ont du marbre plein leur corset (BARB. D'AUREV., 2e Memor., 1839, p. 345).
B.— Usuel. Prendre le repas de midi. J'ai eu ce jour la société du journal à déjeuner (MAINE DE BIRAN, Journal, 1817, p. 57). Mais d'abord on déjeuna, sur le pouce (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 156) :
• 2. Une servante vint annoncer que le déjeuner était servi.
— Oh! Papa, implora Renée, si nous déjeunions ici, puisque nous y sommes? Il fait si bon. Mais M. Henriot, d'un ton ferme :
— Pas de ça, ma petite! Chaque chose à sa place : c'est ainsi qu'on fait les bonnes maisons. Nous déjeunerons dans la salle à manger, comme d'habitude.
ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 38.
— Déjeuner + prép.
1. [Introduit par de, le compl. circ. de moyen désigne les mets consommés au déjeuner] Je déjeunai fort bien d'une omelette aux fines herbes, d'une aile de poulet au gros sel et d'un morceau de fromage (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 243). Pierrot déjeuna debout : d'un sandwich (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 147).
2. [Introduit par avec, le compl. circ. d'accompagnement désigne la ou les personnes avec qui l'on déjeune] Venez donc me voir et déjeuner avec moi demain matin si vous pouvez (HUGO, Corresp., 1832, p. 518).
• 3. Je m'en vais déjeûner, si grondante de colère rentrée que papa lui-même s'en aperçoit et me demande si j'ai la fièvre (...) Puis je reviens très tôt, à midi un quart et je m'énerve, parmi les rares élèves qui sont là, des gamines de la campagne déjeûnant dans l'école avec des œufs durs, du lard, de la mélasse sur du pain, des fruits.
COLETTE, Claudine à l'école, 1900, p. 50.
Rem. On rencontre chez P. Valéry le néol. déjeunatoire, adj. sur le modèle de dînatoire. Qui est relatif au déjeuner. Charles [Auzillon], de Bordeaux et du Sud-Ouest m'écrit pour des projets déjeunatoires (VALÉRY, Corresp. [avec G. Fourment], 1914, p. 180).
Prononc. et Orth. :[], (je) déjeune []. [ø] fermé long d'apr. jeûne ds FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 1 1787 et comme 1re var., à côté de [œ] ds PASSY 1914. Dans jeûne, l'accent circonflexe marquant la durée s'explique étymologiquement (contraction de 2 syll.) et la durée se justifie, encore, parce que la voyelle se trouve en position tonique. En harm. avec la prononc. [ø] on rencontre la graph. déjeûner ds FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 1 1787 GATTEL 1841 comme ds Ac. 1740 et 1762, les éd. de 1694 et 1718 écrivant desjeuner, les éd. de 1798-1932 enregistrant la forme mod. La disparition de l'accent circonflexe, le changement de timbre s'expliquent par le fait que le verbe n'est plus très senti comme un dér. de jeûne. Il a le sens de prendre un repas plutôt que celui de rompre le jeûne. Au contraire jeûner, jeûneur ont conservé leur accent, mais à jeun n'en porte pas (une nasale en finale absolue étant brève, l'accent circonflexe, signe graphique d'une durée serait malvenu). BUBEN 1935, § 33 signale que sous l'influence de déjeuner on peut rencontrer la prononc. [] pour jeûne (prononc. admise comme var. ds PASSY 1914, jugée tout à fait incorrecte par MART. Comment prononce 1913, p. 92). Mais cette prononc. a peu de chance de s'étendre parce que [ø:] et l'accent circonflexe joue un rôle distinctif p. rapp. à l'adj. jeune. BUBEN 1935, § 33 note, également, la prononc. [] dans laquelle [ø] s'est affaibli en [] et disparaît complètement. Étymol. et Hist. Ca 1155 sei desgeüner « prendre le repas du matin » (WACE, Rou, 1, 197 ds T.-L.), dep. le XIXe s. sert aussi à désigner l'action de prendre le repas de midi, évinçant dans ce sens dîner, l'heure des différents repas s'étant déplacée dans la journée (cf. Dauzat ds Mél. Huguet, pp. 59-66). Prob. du b. lat. disjejunare attesté seulement au XIe s. (Vita S. Walburgis d'apr. E. Benveniste ds Rom. Philol., t. 10, 1956, p. 145), disjunare, littéralement « rompre le jeûne ».
DÉR. Déjeuneur, subst. masc., vx. Personne qui déjeune. Dans la grande salle de Peters. Pas un déjeuneur (GONCOURT, Journal, 1871, p. 762). — 1re attest. 1825 (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, p. 160); de déjeuner1, suff. -eur2. — Fréq. abs. littér. : 3.
BBG. — KURYLOWICZ (J.). Extrapolation d'une loi ling. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, p. 1. — PAMART (P.). Écriture artiste et créations verb. Vie Lang. 1970, p. 307 (s.v. déjeuneur). — QUEM. /e s. t. 3 1972 (s.v. déjeunatoire).
II.
⇒DÉJEUNER2, subst. masc.
Repas quotidien dont la nature et l'horaire sont variables suivant l'époque, la région ou une culture particulière.
A.— Vx, région.
1. Repas léger que l'on prend le matin au lever. Désormais, madame se leva à neuf heures comme une princesse, et même elle exigea que la bonne lui montât son déjeuner au lit (ARAGON, Beaux quart., 1941, p. 15) :
• 1. Si je n'allais pas avec elle [Geneviève], je trouvais cependant mon déjeuner tout prêt, dans la grand'salle : le pain tendre, le sucrier de verre, et les petits toupins du lait et du café, qui cuisaient côte à côte, sur la braise de la cheminée recouverte de cendres tièdes.
BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, p. 68.
Rem. Dans ce cas, déjeuner est fréquemment déterminé par un adj. ou un compl. de nom. Faire le premier déjeuner (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 31). Prendre le déjeuner du matin (DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p. 168).
♦ En partic., usuel. Petit déjeuner. Sur le devant de son vêtement de nuit s'étalaient avec gloire les taches de chocolat des petits déjeuners (MONTHERL., Filles, 1936, p. 989) :
• 2. Fort malheureusement, il se trouva que la cuisinière jugea son cadeau inférieur aux autres et, le lendemain matin, mon arrière-grand'mère avala plusieurs bouchées d'arsenic avec son petit déjeuner.
GREEN, Journal, 1935-39, p. 228.
— Déjeuner à la fourchette. Déjeuner où l'on mange souvent de la viande accompagnée de vin :
• 3. Mme SORBET. — Monsieur, je ne tiens pas le déjeuner à la fourchette.
FLORIMON. — Alors, madame, faites-moi donner des côtelettes.
Mme SORBET. — Prenez donc garde, monsieur, que c'est encore du restaurant, et l'on ne trouve ici que ce qui constitue l'ancienne limonaderie.
LECLERCQ, Madame Sorbet, 1835, 6, p. 141.
2. Au fig. Le déjeuner désignant familièrement une chose sans importance, p. réf. à la frugalité traditionnelle du premier repas; cf. Lar. 20e. Déjeuner de soleil. Tissu dont la couleur passe au soleil :
• 4. [Gladys :] — ... Mon Dieu! que j'ai pleuré dans le train, en m'en retournant!... J'en ai gâté ma robe. Elle était si fragile! Un déjeuner de soleil, comme mon beau roman! ...
BOURGET, Pastel, 1889, p. 51.
♦ P. ext. Projet, sentiment éphémère. Le frais amour de deux corps juvéniles est un matin d'avril. Il passe comme une rosée. La jeunesse du cœur est un déjeuner de soleil (ROLLAND, J. Chr., Adolesc., 1905, p. 336).
3. P. méton.
— Vx. Service à déjeuner composé généralement d'un plateau, d'un sucrier, d'une tasse et sa soucoupe :
• 5. — Comment, s'écria Madame Vauquer, le père Goriot aurait fondu son déjeuner de vermeil?
— N'y avait-il pas deux tourterelles sur le couvercle? dit Eugène.
— C'est bien cela.
— Il y tenait donc beaucoup, il a pleuré quand il a eu pétri l'écuelle et le plat.
BALZAC, Le Père Goriot, 1835, p. 60.
— Usuel. Ensemble formé par la tasse et la soucoupe assorties. J'ai lavé moi-même mes deux déjeuners en vieux Marseille. J'ai lu deux Harmonies poétiques. Puis j'ai écrit à mon mari que j'avais lavé nos deux déjeuners et lu mes deux Harmonies (GIRAUDOUX, Lucrèce, 1944, I, 4, p. 37).
B.— Courant
1. Repas plus copieux du milieu de la journée. Déjeuner d'affaires (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 90). Déjeuners de chasse (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1960-1907, p. 9). Les déjeuners sur l'herbe (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Découverte, 1884, p. 958). Un déjeuner littéraire (GREEN, Journal, 1949, p. 328) :
• 6. Car quand nous étions tous dans le petit salon de Gilberte, tout d'un coup regardant l'heure elle disait :
— Dites donc, mon déjeuner commence à être loin, je ne dîne qu'à huit heures, j'ai bien envie de manger quelque chose.
PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 506.
Rem. 1. Déjeuner est parfois déterminé par des adj. qui l'opposent à petit déjeuner. Le second déjeuner était servi ... Midi sonnait (BALZAC, Chanterie, 1850, p. 242). Au grand déjeuner, je force la confiance des enfants (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 256). 2. Dans certaines régions ou dans certains milieux, le déjeuner est nommé dîner. Le dîner des hôtes, car l'on appelait au cloître le déjeuner dîner et le dîner souper, était composé d'un bouillon épaissi par des îles réunies de semoule (HUYSMANS, Oblat, t. 1, 1903, p. 58).
— Déjeuner(-)dîner ou déjeuner dinatoire. Repas servi tard dans la journée et tenant lieu de dîner. Avant de quitter le château, Hautemare descendait à l'office où il trouvait une sorte de déjeuner-dîner pour lui préparé (STENDHAL, Lamiel, 1842, p. 41).
— En composé [Le second terme désignant l'activité pratiquée pendant le déjeuner] Déjeuner-concert (Le Monde, 9 janv. 1866). Déjeuner-débat (Le Monde, 15 oct. 1965 ds GILB. 1971). Le prochain déjeuner-conférence, organisé par la Société française de Géographie économique et d'Action coloniale (L'Œuvre, 13 juin 1941).
2. P. méton. La nourriture, les mets qui composent le repas :
• 7. ... cette foule d'écoliers externes qui se rendent aux lycées, leurs livres sous le bras et le déjeûner à la main; ...
JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 2, 1812, p. 57.
Prononc. et Orth. :[]. Pour [ø:] fermé long à la 2e syll. et pour la graph. déjeûner, cf. déjeuner1. Ac, 1740-1878 admet la var. déjeuné, alors que les éd. de 1694, 1718 et 1932 enregistrent uniquement la graph. en -er. Celle en -é est donnée, en tant que var., également, ds FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 1 1787, LAND. 1834, GATTEL 1841, BESCH. 1845, LITTRÉ, GUÉRIN 1892 et DG, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e (pour lequel cette var. est rare). Étymol. et Hist. a) Fin XIIe s. (Naiss. du chev. au cygne, 2261 ds GDF. Compl. : pense del desjuner); b) 1728 « ensemble de vaisselle servant à ce repas » (Journal de Verdun d'apr. HAVARD). Substantivation de déjeuner1.
STAT. — Déjeuner1 et 2. Fréq. abs. littér. :5 881. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 5 624, b) 9 524; XXe s. : a) 10 798; b) 8 609.
BBG. — ARICKX (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, n° 3, p. 125. — BENVENISTE (E.). À propos du fr. déjeuner. Rom. Philol. 1956-57, t. 10, p. 145. — DAUZAT (A.). Déjeuner, dîner, souper du Moyen-Âge à nos jours. In : [Mél. Huguet (E.)]. Paris, 1940, pp. 59-66; L'Hist. de déjeuner, dîner, souper. Vie Lang. 1952, pp. 3-5. — DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 12. — PIRON (M.). Les Belgicismes lex. In : [Mél. Imbs (P.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1973, t. 11, n° 1, p. 299. — QUEM. /e s. t. 4 1972.
ÉTYM. V. 1155, sei desgeüner « manger » (aussi se desjeuner de « se nourrir de [en rompant le jeûne] » et « prendre le repas du matin »); du lat. pop. disjunare, d'abord disjejunare (XIe), de dis- (→ 1. Dé-), et bas lat. jejunare « jeûner », du lat. class. jejunus « à jeun ». → Dîner; jeun (à), jeûner.
❖
1 Prendre le « petit-déjeuner » (→ 2. Déjeuner, 1; 1. petit-déjeuner [n.]), le déjeuner du matin. || Il est parti travailler sans déjeuner. ⇒ 2. Petit-déjeuner (v.).
1 Du reste, déjeunons, messieurs, et buvons frais.
Boileau, le Lutrin, IV.
2 Tenez ! mon oncle, ou je me trompe, ou vous n'avez pas déjeuné. Vous êtes resté le cœur à jeun sur cette maudite lettre de change; avalons-la de compagnie ! je vais demander le chocolat. (Il sonne. On sert à déjeuner.)
A. de Musset, Il ne faut jurer de rien, I, 1.
2 (A remplacé dîner). Prendre le repas du milieu de la journée. || Nous avons déjeuné au restaurant. || Inviter qqn à déjeuner. || Les Espagnols déjeunent tard. || Déjeuner sur le pouce. || Déjeuner avec un ami. — Déjeuner d'une omelette et d'une salade.
3 Il filait comme un chien à la cuisine, friand des restes du garde-manger; déjeunait sur le pouce d'une carcasse, d'une tranche de confit froid, ou encore d'une grappe de raisin et d'une croûte frottée d'ail; son seul bon repas de la journée !
F. Mauriac, Thérèse Desqueyroux, VI, p. 100.
❖
DÉR. 2. Déjeuner.
————————
ÉTYM. XIIe; substantivation de 1. déjeuner.
❖
1 Vieilli ou régional (Nord, Belgique, Canada). Repas du matin que l'on prend au lever (notamment dans un usage où dîner correspond à déjeuner, 2.).
1 Et qu'au retour tantôt un ample déjeuner
Longtemps nous tienne à table et s'unisse au dîner.
Boileau, le Lutrin, IV.
1.1 On nous donne à déjeuner, entre neuf et dix heures, toujours une volaille au riz, des fruits crus, ou des compotes, du thé, du café, ou du chocolat; à une heure on sert le dîner (…)
Sade, Justine, t. I, p. 166 (1791).
♦ Petit déjeuner (pour distinguer du sens 2) : ce même repas, appelé premier déjeuner à la fin du XIXe siècle (P. Larousse, 1870), par opposition à second déjeuner, ou déjeuner à la fourchette (1846). → ci-dessous, 2. ⇒ 1. Petit-déjeuner.
2 Repas du milieu du jour (déjeuner a remplacé dîner, comme dîner a remplacé souper). ⇒ aussi Lunch. || Déjeuner d'affaires. || Déjeuner sur l'herbe. ⇒ Pique-nique. — (V. 1940). En composition. Déjeuner accompagné d'une manifestation. || Déjeuner-concert, déjeuner-spectacle. || Déjeuner-débat, -conférence, -colloque.
2 (…) les trois hommes sentaient régner entre eux une atmosphère d'excitation mentale (…) Au lieu d'une séparation qui ne pouvait que la rompre, un déjeuner en commun, dans un salon particulier, y ajouterait encore. Clair-obscur aimable d'un salon d'entresol; deux lampes allumées au mur; la nappe, les couverts espacés; l'odeur des plats (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, p. 92.
3 On a critiqué longtemps l'usage, aujourd'hui triomphant, d'appeler déjeuner l'ancien dîner (servi au milieu de la journée). L'histoire des mœurs explique ce changement de la façon la plus simple : il n'y a pas eu substitution de nom, à Paris : c'est l'heure du dîner qui, du XVIe au XIXe siècle s'est déplacée peu à peu, de onze heures à midi (Louis XIV), à deux et trois heures (Louis XV), cinq heures (Napoléon Ier, heure conservée dans les casernes), six heures (Louis-Philippe), sept heures (fin du XIXe s.), suivant en cela le souper qui s'était avancé assez tard dans la nuit, à l'exemple de la cena romaine quelques siècles auparavant.
A. Dauzat, Étude linguistique franç., p. 12.
3 Par métonymie. a Les mets du déjeuner (surtout au sens 2). || Un bon déjeuner, bien arrosé. || Mon déjeuner ne passe (cit. 23) pas.
4 Quel déjeuner ! Le diable m'emporte ! tu vis comme un prince.
Eh ! que voulez-vous ! quand on meurt de faim, il faut bien tâcher de se distraire.
A. de Musset, Il ne faut jurer de rien, I, 1.
4 (1749). Ensemble formé par la tasse et la soucoupe assortie (pour le petit-déjeuner). || Acheter un déjeuner de porcelaine.
5 ☑ Fig. Déjeuner de soleil : étoffe dont la couleur passe vite, et, par anal., ce qui ne dure pas longtemps (objet, sentiment, résolution, entreprise).
5 — Ce que je comprends mal,
C'est ce bonapartisme aigu d'un libéral.
— C'est vrai, républicain (…)
Mon rouge, que j'ai cru solidement vermeil,
A déteint…
— (Le duc, ironique). Ce fut un déjeuner de soleil.
Edmond Rostand, l'Aiglon, I, 10.
❖
COMP. 1. Petit-déjeuner.
Encyclopédie Universelle. 2012.