demeure [ d(ə)mɶr ] n. f. I ♦ Vx ou loc.
1 ♦ Vx Le fait de demeurer, de tarder. ⇒ délai, retard. « Voyons donc ce que c'est, sans plus longue demeure » (P. Corneille).
♢ Mod. Loc. Il y a PÉRIL EN LA DEMEURE : il peut être dangereux d'attendre, il faut agir vite. Il n'y a pas péril en la demeure : ce n'est pas urgent, rien ne presse.
2 ♦ Loc. adv. (fin XVIIe) À DEMEURE : en permanence, d'une manière stable. S'installer à demeure à la campagne.
3 ♦ Loc. adj. (XIIIe) EN DEMEURE Dr. Responsable de l'inexécution de son obligation. Cour. (avec mettre, mise) Mise en demeure : obligation faite au débiteur de se libérer. ⇒ commandement, 1. sommation. Mettre un débiteur en demeure. — Par ext. Mettre qqn en demeure de (et l'inf.). ⇒ enjoindre, exiger, ordonner, signifier, 1. sommer . C'est une véritable mise en demeure. ⇒ ultimatum; comminatoire.
II ♦
1 ♦ (mil. XVIe) Vieilli ou littér. Lieu construit dans lequel on vit. ⇒ domicile, foyer, gîte, habitation, logement, logis, maison, résidence, séjour. « on dirait qu'il se contente de la plus fragile demeure : baraque de planches ou cabane de roseau » (Caillois). — Mod. Maison (généralement belle ou importante). Une demeure seigneuriale. ⇒ 1. château. « elle avait exploré, pièce par pièce, les profondeurs de la vieille demeure » (Bosco).
2 ♦ Fig. et littér. La dernière demeure. ⇒ tombeau. Accompagner qqn à sa dernière demeure.
● demeure nom féminin (de demeurer, s'attarder) Retard apporté par le débiteur dans l'exécution de son obligation, constaté par une interpellation du créancier effectuée par sommation. ● demeure (citations) nom féminin (de demeurer, s'attarder) Jean Cayrol Bordeaux 1911 Tout poème est une mise en demeure. Pour tous les temps Le Seuil ● demeure (difficultés) nom féminin (de demeurer, s'attarder) Sens Il y a péril en la demeure. Attention à un contresens fréquent. L'expression signifie « il y a péril à trop tarder » (littéralement, « dans le retard ») et non pas « il y a péril dans la maison ». Remarque Dans l'ancienne langue, la demeure signifiait « le fait de demeurer en l'état » et, par suite, « le retard » (ce sens s'est conservé dans l'expression mettre en demeure = sommer de s'exécuter sans retard). ● demeure (expressions) nom féminin (de demeurer, s'attarder) Il n'y a pas péril en la demeure, on ne risque rien à attendre. Mettre en demeure, ordonner quelque chose à quelqu'un d'une manière impérative, le lui enjoindre ; pour un créancier, sommer le débiteur de remplir une obligation. ● demeure nom féminin (de demeurer, habiter) Littéraire. Domicile, lieu où l'on habite. Maison d'une certaine importance : Une belle demeure du XVIIIe siècle. Chambre du cerf, du chevreuil. ● demeure (citations) nom féminin (de demeurer, habiter) Jules Barbier Paris 1825-Paris 1901 et Michel Carré Paris 1819-Argenteuil 1872 Salut, demeure chaste et pure ! Livret de Faust (opéra de Gounod) Bible Il y a beaucoup de demeures dans la maison du Père. Évangile selon saint Jean, XIV, 2 ● demeure (expressions) nom féminin (de demeurer, habiter) À demeure, de façon permanente, de manière fixe. Littéraire. Dernière demeure, cimetière, tombeau. ● demeure (synonymes) nom féminin (de demeurer, habiter) Littéraire. Domicile, lieu où l'on habite.
Synonymes :
- foyer
- logis
- maison
- résidence
demeure
n. f.
rI./r
d1./d DR Retard mis à remplir une obligation.
d2./d Mettre un débiteur en demeure de payer, le sommer d'acquitter ses dettes.
|| Cour. Mettre qqn en demeure de tenir ses promesses, ses engagements.
|| Il n'y a pas péril en la demeure: on ne risque rien à maintenir les choses en l'état.
rII./r Loc. adv. à demeure: de façon permanente. Châssis fixé à demeure.
rIII/r Habitation, maison d'une certaine importance. Une belle demeure.
— Fig., litt. La dernière demeure: la tombe.
⇒DEMEURE, subst. fém.
I.— Vieilli. [L'idée dominante est celle de retard]
A.— Fait de tarder à faire quelque chose, retard. Faire qqc. sans demeure. Je ne restai pas en demeure, et je rompis contre le champion une seconde lance mort-née (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 42).
— DROIT
1. Il y a péril en la demeure. ,,Le moindre retard peut causer du préjudice`` (Ac.). Il est tenu de même d'achever la chose commencée au décès du mandant, s'il y a péril en la demeure (Code civil, 1804, art. 1991, p. 358). P. ext. Je vois péril en la demeure Et je vais sur-le-champ aviser nos amis De fuir (AUGIER, Diane, 1852, II, p. 106).
2. État d'un débiteur en retard dans l'exécution de son obligation :
• 1. ... l'obligation est éteinte si la chose a péri ou a été perdue sans la faute du débiteur et avant qu'il fût en demeure.
Code civil, 1804, art. 1302, p. 234.
B.— P. ext. Obligation imposée à quelqu'un de mettre fin à son retard.
1. Loc. verbale. Mettre (qqn) en demeure (de). Le sommer d'exécuter son obligation sans tarder :
• 2. 1929. Le dépositaire n'est tenu, en aucun cas, des accidens de force majeure, à moins qu'il n'ait été mis en demeure de restituer la chose déposée.
Code civil, 1804, p. 348.
— P. ext. L'obliger à faire une chose sans retard. On le verrait demain si quelque événement la mettait en demeure de choisir (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1906-07, p. 230).
♦ Emploi pronom. réfl., rare. Se mettre en demeure. S'imposer de. Elle (...) se mit en demeure de déshabiller Paul (COCTEAU, Enf. terr., 1929, p. 37).
2. Loc. subst. Mise en demeure. ,,Sommation signifiée par le créancier au débiteur d'avoir à se libérer (sans retard)`` (CAP. 1936).
— P. ext. Demande impérative, ordre :
• 3. — Si j'ai bien saisi, dit enfin Léonard avec un sourire d'ironie, c'est une mise en demeure. Vous désirez être de moitié dans mon enseignement. (...) Non, aucune mise en demeure : simplement (...) le conseil de votre vieux directeur, qui, (...) ne s'en intéresse pas moins à la bonne santé de votre âme.
ESTAUNIÉ, L'Empreinte, 1896, p. 199.
II.— [L'idée dominante est celle de s'attarder, de rester dans un lieu]
A.— Fait de s'attarder, de rester (longuement) quelque part sans intention d'en bouger
— Loc. adv. À demeure. De manière durable, permanente. Je pense que les bas-reliefs doivent être scellés à demeure dans l'église (MÉRIMÉE, Lettres Grasset, 1870, p. 180). L'évêque ne réussissait pas à découvrir un prêtre qui osât s'expatrier à demeure dans les bourrasques et les tempêtes (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 225).
♦ Spéc. AGRIC. ,,Labourer à demeure. Donner le dernier labour avant de semer`` (Ac.). ,,Semer à demeure. Répandre la semence dans un lieu où la plante ne doit pas être transplantée`` (Ac.). On sème à demeure le persil, le cerfeuil (Ac.). DR. À perpétuelle demeure :
• 4. Les glaces d'un appartement sont censées mises à perpétuelle demeure lorsque le parquet sur lequel elles sont attachées fait corps avec la boiserie.
Code civil, 1804, art. 525, p. 97.
B.— P. ext.
1. Fait de demeurer, de rester dans un lieu; séjour. Il n'a pas fait longue demeure à sa campagne (Ac.).
2. P. méton., littér. Lieu où l'on habite, habitation. Choisir, établir sa demeure quelque part (Ac.). Bientôt, c'est la télévision qui dans chaque demeure apportera sa présence agissante (HUYGHE, Dialogue avec visible, 1955, p. 383).
♦ P. métaph. La dernière demeure. Le tombeau. Conduire qqn jusqu'à sa dernière demeure. La jeune morte n'alla point à sa dernière demeure dans le corbillard des pauvres (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 81). La demeure des morts. Le cimetière. Il [le vieux pasteur] sort de son presbytère, bâti tout auprès de la demeure des morts (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 311).
— Spéc. Lieu où vivent habituellement certains animaux (cf. DUCHARTRE 1973). À la Guyane, les demeures de termites sont d'énormes monticules de quinze pieds de haut (MICHELET, Oiseau, 1856, p. 299). Des pluviers et des vanneaux à la recherche des lombrics exilés de leur demeure par l'inondation (MICHELET, Oiseau, 1856 p. 313).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1119 « certain laps de temps » (PH. DE THAON, Comput, 2484 ds T.-L. : demure de tens), sens isolé; 2. 1176-81 demore « retard » (CHR. DE TROYES, Chevalier lion, éd. M. Roques, 5799); 1273 dr. estre en demore « être en retard pour s'acquitter d'une obligation » (Cart. de l'év. d'Autun, 1re p., XIV, Charmasse ds GDF.); 1835 mettre en demeure (Ac.); 3. 1er quart XIIIe s. demeure « lieu où l'on séjourne » (Lancelot du Lac, éd. H. O. Sommer, t. II, p. 20 ds IGLF). Déverbal de demeurer. Fréq. abs. littér. :3 050. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 490, b) 3 461; XXe s. : a) 4 756, b) 4 428. Bbg. Archit. 1972, p. 159. — ROG. 1965, p. 235.
demeure [d(ə)mœʀ] n. f.
ÉTYM. XIIe; de demeurer.
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1 Vx. Le fait de demeurer (I., 2.), de tarder à faire quelque chose. ⇒ Délai, retard. || Faire une chose sans demeure, sans retard. || Sans plus longue demeure.
1 Voyons donc ce que c'est, sans plus longue demeure.
Corneille, Mélite, III, 4.
♦ ☑ Loc. mod. Il y a péril en la demeure : le moindre retard peut entraîner de graves inconvénients…, il y a danger à attendre. || N'allez pas si vite, il n'y a pas péril en la demeure.
1.1 L'auscultation met les nerfs à l'épreuve. Pendant tout le temps qu'elle dure, on scrute du regard la physionomie du médecin. Quand on le connaît, on apprend à interpréter ses airs soucieux qui ne signifient pas forcément qu'il y ait péril en la demeure.
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 559.
2 (XIIIe). Dr. || En demeure : responsable du retard dans l'exécution de son obligation.
2 Le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, soit par l'effet de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure.
Code civil, art. 1139.
♦ Par ext. Obligation faite à qqn de mettre fin à son retard. ☑ Loc. Mise en demeure : sommation, commandement. ☑ Mettre (qqn) en demeure de…, le sommer d'exécuter sans tarder son obligation.
3 C'est (…) le créancier qui, en principe, met le débiteur en demeure, et non l'arrivée du terme. De là le brocard : « Dies non interpellat pro homine ». Tant que le créancier garde le silence, on peut croire que le retard qui se produit ne lui cause aucun préjudice et qu'il autorise tacitement le débiteur à attendre.
M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. II, no 168.
♦ Par ext. et cour. || Mettre qqn en demeure d'exécuter ses engagements. ⇒ Enjoindre, ordonner, signifier, sommer. || C'est une véritable mise en demeure. ⇒ Exigence, ultimatum.
4 (les Gens de lettres) s'alarmèrent ou plutôt cabalèrent en exigeant qu'on mît l'artiste en demeure de livrer son œuvre « fin courant ».
Georges Lecomte, Ma traversée, p. 220.
♦ ☑ Se mettre en demeure de faire qqch., se placer dans les conditions nécessaires pour le faire. ⇒ Arranger (s'arranger à), faire (faire en sorte de), préparer (se préparer à).
5 S'accoutumer à écrire comme on parle et comme on pense, n'est-ce pas déjà se mettre en demeure de bien penser ?
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 12 nov. 1849, t. I, p. 92.
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II
1 (Mil. XVIe). Vieilli ou littér. Lieu construit dans lequel on vit. ⇒ Domicile, foyer, gîte, habitation, logement, logis, maison, résidence, séjour. || Établir sa demeure en province. || Choisir (cit. 20) une demeure. || Il a fait ici sa demeure.
♦ Mod. Maison (généralement belle ou importante). || Une demeure seigneuriale. ⇒ Château.
6 Le choix d'une demeure aux humains inconnue
Assurait leur félicité.
La Fontaine, Fables, XII, 15.
7 La Renommée enfin commença de se plaindre
Que l'on ne lui trouvait jamais
De demeure fixe et certaine.
La Fontaine, Fables, VI, 20.
8 Où fait-il sa demeure ? — Au pied de cette roche.
Corneille, Œdipe, III, 4.
9 Cet hôtel de Mouhy (…) cet hôtel de Lyon (…) les agréables demeures que voilà !
Molière, la Comtesse d'Escarbagnas, 2.
10 Dans ces maisons éparses et champêtres je plaçais en idée notre commune demeure.
11 Il s'arrêta devant une demeure, d'un type londonien banal, rigoureusement semblable à ses voisines, avec double vérandah et portique d'entrée (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXVI, p. 255.
12 Des celliers aux mansardes, elle avait exploré, pièce par pièce, les profondeurs de la vieille demeure (…)
H. Bosco, le Mas Théotime, II, p. 53.
♦ Par anal. Abri, retraite d'un animal. || La demeure souterraine du blaireau. || La demeure du cerf. ⇒ Chambre, reposée.
2 Fig. et littér. || La dernière demeure. ⇒ Tombeau. || Accompagner, conduire qqn jusqu'à sa dernière demeure.
♦ La céleste demeure; les demeures éternelles. ⇒ Ciel, paradis. — La sombre demeure. ⇒ Enfer. — Demeure sacrée (→ Bétyle).
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III ☑ Loc. adv. (Fin XVIIe). À demeure : d'une manière fixe, stable. ⇒ Permanence (en permanence). || Être nommé à demeure, dans un poste. || S'installer à demeure à la campagne.
13 Quand je retrouvais dans la poussière des bibliothèques d'Italie les chefs-d'œuvre de l'antiquité grecque, je n'étais pas à demeure dans ces bibliothèques.
14 Tant qu'on fut dans les alizés de l'hémisphère nord, il put se tenir à demeure sur le pont, assis à l'ombre, respirant la bonne brise, s'intéressant à la manœuvre et causant avec des amis.
Loti, Matelot, XLVI, p. 172.
♦ Dr. || À perpétuelle demeure. ⇒ Définitivement.
15 Le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle demeure, quand ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou lorsqu'ils ne peuvent être détachés sans être fracturés et détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés.
Code civil, art. 525.
Encyclopédie Universelle. 2012.