dépouiller [ depuje ] v. tr. <conjug. : 1>
• despoiller XIIe; lat. despoliare, rac. spolia → spolier
I ♦
1 ♦ (XIIIe « quitter sa vieille peau ») Enlever la peau de (un animal). ⇒ écorcher; fam. dépiauter. Dépouiller un lièvre, une anguille. — P. p. adj. Bœuf tué et dépouillé.
2 ♦ Dégarnir (qqn, qqch.) de ce qui couvre. ⇒ dégager, dégarnir, dénuder. Dépouiller qqn de ses vêtements, les lui enlever. ⇒ déshabiller, dévêtir. Dépouiller un poisson de ses écailles (⇒ 1. écailler) , un arbre de ses branches (⇒ ébrancher) . « Les petits bois ombreux frissonnent sous le vent qui les dépouille » (Barrès). ⇒ défeuiller. Arbre dépouillé de ses feuilles. ⇒ dénudé.
3 ♦ (1487) Déposséder (qqn) en lui enlevant ce qu'il a. Des voleurs l'ont dépouillé. ⇒ dévaliser, 2. voler; fam. plumer, tondre. — Priver (qqn) de ses biens, de ses revenus. ⇒ priver, spolier. « Jacques ne voudrait pas dépouiller les enfants de sa sœur » (Sand). Dépouiller qqn de ses droits (⇒ déposséder, déshériter) . Être dépouillé de tout avantage.
♢ Fig. Enlever à (qqch.) un de ses caractères, son contexte. « une intelligence qui dépouillait toujours les choses de leur valeur secrète » ( Martin du Gard). — P. p. adj. Une originalité dépouillée d'affectation.
4 ♦ (1690) Analyser, examiner minutieusement (un document). Dépouiller son courrier. Dépouiller un livre, et par ext. un auteur, le lire en prenant des notes. — Dépouiller un scrutin : faire le compte des suffrages après le vote.
II ♦ (XIIe fig.)
1 ♦ Littér. Abandonner, ôter (ce qui couvre). ⇒ arracher, enlever, quitter, perdre, retirer. « Graziella avait dépouillé ses vêtements de lourde laine » (Lamartine). « un insecte dépouille sa dernière enveloppe larvaire » (Duhamel).
2 ♦ Fig. et littér. ⇒ renoncer (à). Dépouiller l'orgueil. Métaph. « Dépouiller de plus en plus la matière, revêtir de plus en plus l'esprit » (Hugo). — Loc. Relig. Dépouiller le vieil homme : se défaire des inclinations de la nature corrompue.
III ♦ SE DÉPOUILLERv. pron.
1 ♦ Ôter. Se dépouiller de ses vêtements.
♢ Perdre. Les arbres se dépouillent de leur feuillage. Absolt « ses dernières feuilles tombaient comme mes années; sa cime se dépouillait comme ma tête » (Chateaubriand).
2 ♦ Se défaire (de), abandonner. Se dépouiller de ses biens, en faveur de qqn. — Fig. Se dépouiller de ses préjugés. Ne jamais se dépouiller de sa réserve. ⇒ se départir. « mon sentiment se dépouilla presque aussitôt de ce qu'il avait d'abord pu avoir de charnel » (A. Gide). « Je cherche à me dépouiller de mes affections et à n'être qu'un froid philosophe » (Stendhal). ⇒ renoncer (à). Être dépouillé de tout préjugé. ⇒ dénué.
⊗ CONTR. Garnir, revêtir. Mettre, revêtir . Garder.
● dépouiller verbe transitif (latin despoliare) Enlever la peau d'un animal, les écailles d'un poisson, l'écorcher, le dépiauter. En parlant d'un animal, au moment de la mue, faire tomber soi-même sa peau. Littéraire. Dégarnir les végétaux de leurs feuilles, en récolter les fruits : Le vent d'automne a dépouillé les arbres de leurs feuilles. Littéraire. Ôter ses vêtements à quelqu'un, le déshabiller. Prendre quelque chose à quelqu'un malgré lui, le lui soustraire, l'en priver, le déposséder : Dépouiller ses héritiers par un testament. Dégarnir quelque chose d'une autre chose ou l'en priver : Il avait dépouillé son ouvrage de tous les détails inutiles. Lire quelque chose pour l'analyser, l'étudier minutieusement, en extraire l'essentiel, les éléments importants pour soi : Dépouiller les journaux, le courrier. Faire le décompte des suffrages d'un vote. Littéraire. Se défaire, se débarrasser de quelque chose : Dépouiller tout amour-propre. Cuisine Synonyme de écumer. Œnologie Débarrasser un vin des particules solides qui le troublent. ● dépouiller (citations) verbe transitif (latin despoliare) Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 Heureux qui a quelque chose à donner, car à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a. L'Otage, I, 1, Sygne Gallimard Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 Heureux qui est dépouillé injustement, car il n'a plus rien à craindre de la justice. L'Otage, I, 1, Sygne Gallimard François Mauriac Bordeaux 1885-Paris 1970 Académie française, 1933 Nous ne connaissons bien que ce dont nous sommes dépouillés. Trois Grands Hommes devant Dieu Le Capitole ● dépouiller (difficultés) verbe transitif (latin despoliare) Conjugaison Attention au groupe -illi- aux première et deuxième personnes du pluriel, à l'indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous dépouillions, (que) vous dépouilliez. ● dépouiller (expressions) verbe transitif (latin despoliare) Dépouiller le moule, en parlant de la pièce qu'on y a coulée, ou sur laquelle le moule a été pris, s'en détacher complètement, sans être retenue pour certains de ses creux ou de ses reliefs. ● dépouiller (synonymes) verbe transitif (latin despoliare) Enlever la peau d'un animal, les écailles d'un poisson, l'écorcher...
Synonymes :
- dépiauter
Littéraire. Dégarnir les végétaux de leurs feuilles, en récolter les fruits
Synonymes :
- défeuiller
- dénuder
- écorcer
Contraires :
- garnir
Littéraire. Ôter ses vêtements à quelqu'un, le déshabiller.
Synonymes :
- défaire
- enlever
- retirer
Prendre quelque chose à quelqu'un malgré lui, le lui soustraire, l'en...
Synonymes :
- détrousser
- dévaliser
- enlever
- frustrer
- plumer (familier)
- tondre (familier)
Dégarnir quelque chose d'une autre chose ou l'en priver
Contraires :
- agrémenter
- enrichir
Synonymes :
- Cuisine. écumer
dépouiller
v. tr.
rI./r
d1./d Enlever la peau de (un animal). Dépouiller une anguille.
— Par ext. Priver de ce qui couvre ou garnit. Dépouiller un temple de ses ornements. Le vent a dépouillé les arbres.
|| v. Pron. ôter, perdre ce qui couvre. Se dépouiller de ses vêtements.
d2./d Déposséder. Dépouiller qqn de ses biens.
|| v. Pron. Se dépouiller en faveur de qqn.
— Fam. Se faire dépouiller: subir une agression et se faire voler ses effets personnels.
d3./d Fig. Faire l'inventaire, l'examen minutieux et approfondi de. Dépouiller un compte, un dossier.
|| Dépouiller un scrutin: dénombrer les suffrages.
rII./r Litt.
d1./d Quitter, perdre (ce qui enveloppait). L'insecte dépouille sa première carapace.
d2./d Fig. Renoncer à. Dépouiller sa morgue.
|| v. Pron. Se dépouiller de ses préjugés.
⇒DÉPOUILLER, verbe trans.
I.— [L'idée dominante est celle d'un retranchement ou d'un abandon]
A.— [L'agent de l'action est distinct de ce qui subit cette action et que désigne le compl. d'obj. dir.]
1. [Ce que l'on ôte et que peut désigner un compl. second. est qqc. qui couvre]
a) [Ce qui subit l'action est un animal] Ôter la peau (d'un animal généralement mis à mort), souvent en vue d'un certain usage. Manger (...) la peau entière du saumon qu'ils dépouillaient avec beaucoup d'adresse (Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 64). Sœur Ernestine dépouille et plume le gibier (RENARD, Poil Carotte, 1894, p. 5). Gaspard cependant dépouillant son lièvre, le coupait en quartiers, préparait le civet avec vin, serpolet, bouquet garni (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 242).
Rem. 1. BAUDR. Chasses 1834 fait remarquer : ,,On ne dit pas écorcher un cerf, un lièvre, etc., etc., mais dépouiller, etc.`` 2. Lorsque le verbe est employé à l'actif, le terme peau apparaît rarement comme compl. de la forme verbale. Chats de mer (...) qu'on a dépouillés de leur peau (MORAND, Londres, 1933, p. 304). Lorsque le verbe est employé au passif, ce terme peut constituer le compl. second. : La morue (...) est au préalable lavée et dépouillée de sa peau (BOYER, Pêches mar., 1967, p. 112), ou le suj. de la forme passive : Le poids de la peau fraîchement dépouillée (BÉRARD, GOBILLARD, Cuirs et peaux, 1947, p. 19), à comparer à : Une grenouille fraîchement dépouillée (Hist. sc., 1957, p. 1541).
— P. anal.
♦ [Le compl. d'obj. dir. désigne un élément dont on enlève ce qui constitue l'enveloppe] Ils dépouillent un œuf de sa coque (J. ROSTAND, Genèse vie, 1943, p. 144).
♦ [Le compl. d'obj. dir. désigne du maïs, du chanvre dont on détache la partie récoltée] Les contes que les paysans de Gascogne disent, dans les soirs d'automne, après souper, sur l'aire des métairies, en dépouillant le maïs (A. FRANCE, Vie littér., 1892, p. 73; cf. JAMMES, Géorgiques, Chant 5, 1912, p. 15 et PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p. 15).
♦ [Le compl. d'obj. dir. désigne des chairs enlevées ou qui se détachent] En dépouillant les chairs avec précaution, autour de cette piqûre (BALZAC, Annette, t. 4, 1824, p. 8). Emploi pronom. à sens passif. Je sens se dépouiller mes os (JOUVE, Trag., 1922, p. 19).
b) [Ce qui subit l'action est un être humain, parfois défunt, ce que l'on ôte est qqc. que l'homme porte sur lui, en partic. un vêtement] Retirer, enlever.
♦ [Gén. avec compl. second. désignant ce qui est enlevé] Des serviteurs les [les jeunes princes] dépouillèrent de leurs gorgerins d'émaux, de leurs ceinturons et de leurs glaives (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 231). Ses femmes la [la reine] dépouillent de son armure et la revêtent de ses ornements royaux (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 117). On dépouilla les cadavres de leurs habits (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 25).
— [Sans compl. second.] Dévêtir, déshabiller. Il ordonna que le cadavre de l'amant fût dépouillé comme l'autre, (...) les corps (...) demeurèrent nus au bas des degrés (A. FRANCE, Puits Ste Claire, 1895, p. 284) :
• 1. Agésilas, pour encourager ses hommes, fit un jour dépouiller les Perses prisonniers; à la vue de ces chairs blanches et molles, les Grecs se mirent à rire...
TAINE, Philos. de l'art, t. 2, 1865, p. 194.
c) [Ce qui subit l'action est un végétal, ce qui est ôté est le feuillage] Faire tomber les feuilles, la végétation. L'hiver dépouille les arbres de leurs feuilles (Ac. 1798-1932). Bois silencieux que novembre dépouille (MORÉAS, Stances, 1901, p. 13).
♦ P. ext. [Ce qui est ôté est l'écorce] Scapin taillait de son couteau une baguette qu'il dépouillait d'écorce (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 159).
— Emploi pronom. à sens passif. Se dépouiller feuille à feuille. Les troncs des platanes se dépouillent de leur écorce (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 101). Les arbres se dépouillent de leurs feuilles (FARAL, Vie temps St Louis, 1942, p. 82). Une futaie de hêtres se dépouillait lentement, laissant choir une à une ses feuilles (LA VARENDE, Sorcière, 1954, p. 183).
— P. anal., surtout au part. passé ou en emploi pronom. à sens passif. Se dégarnir de ce qui normalement se trouve au sommet (comme le feuillage à la cime de l'arbre). Déjà mon front se dépouille; je sens un Ugolin, le temps, penché sur moi, qui me ronge le crâne (CHATEAUBR. Mém., t. 1, 1848, p. 427). Comme c'était au matin et qu'il [Fontanes] n'était ni coiffé ni poudré, sa tête parut plus dépouillée de cheveux (SAINTE-BEUVE, Portr. littér., t. 2, 1844-64, p. 275).
d) Emplois spéc.
— LITURG. CATH. (cérémonie du Jeudi Saint). Dépouiller les autels. Enlever temporairement, en les pliant, les nappes qui recouvrent normalement les autels. Après la messe, on dépouille l'autel pour signifier que le Sacrifice est suspendu et jusqu'au Samedi ne sera plus offert à Dieu (Dom G. LEFEBVRE, Missel quotidien et vespéral, Abbaye de St André, s.v. messe du Jeudi Saint).
— SCULPT. Cf. dépouille2 ex.
2. P. ext. [Ce que l'on ôte et que désigne le compl. second. est qqc. qui appartient en propre à qqn ou à qqc.]
a) [Avec une idée de violence, de contrainte] Priver quelqu'un ou quelque chose de ce qui lui appartient en propre, généralement par la force.
) [Ce qui subit l'action et que désigne le compl. d'obj. dir. est un être humain]
— [Ce que l'on ôte est une chose, un bien matériel] Dépouiller qqn de tous ses biens, dépouiller les cadavres de leurs bijoux. Synon. déposséder. Elle n'était venue que pour la dépouiller de son misérable petit pécule de prison (E. DE GONCOURT, Élisa, 1877, p. 221). En son absence [du roi d'Angleterre] Philippe Auguste et Jean Sans Terre avaient commencé à le dépouiller de son royaume (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 281) :
• 2. Hélas! c'est l'ex-abbaye qu'il me faut dire, un des premiers exploits de la Révolution, en Artois, ayant été de dépouiller les Bénédictins de Saint-Vaast de leurs biens meubles et immeubles.
VERLAINE, Œuvres posthumes, t. 2, Souvenirs, 1896, p. 236.
— [Sans compl. second.] Enlever, arracher son argent, ses biens à quelqu'un. J'ai vu des mères dépouillant leurs enfants, des maris volant leurs femmes (BALZAC, Chabert, 1832, p. 146). Le fisc nous dépouille (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 254). Des bandits (...) qui, pistolet au poing, viennent rafler les enjeux et dépouiller les joueurs (MORAND, New York, 1930, p. 192).
— [Ce que l'on ôte est une caractéristique, une valeur humaine] Dans le temps où il dépouille Jésus de sa divinité (BARRÈS, Voy. Sparte, 1906, p. 46). Vous vous obstinez, en outre, à me dépouiller de ma réalité, à m'imposer une figure qui n'est pas la mienne (AUDIBERTI, Mal court, 1947, II, p. 172).
) [Ce qui subit l'action est un élément concr. inanimé] Réformer le monothéisme occidental en le dépouillant de ses meilleures institutions (COMTE, Catéch. posit., 1852, p. 371). Démantibuler un petit appareil de pesage automatique et le dépouiller de sa recette de gros sous (GIDE, Journal, 1914, p. 455) :
• 3. Les enfants piétinent les gazons, cassent les branches des arbres, dépouillent de leurs boutons les buissons à fleurs. Et pas un parent pour arrêter cet absurde saccage, où même ils ne prennent pas grand plaisir. Il s'agit seulement de détruire et que ce qui devrait être à tous ne soit plus à personne.
GIDE, Journal, 1942, p. 113.
b) [Sans idée de violence] Enlever quelque chose, causer la disparition de quelque chose.
) [Ce qui subit l'action est un être humain] Guerre, aventure, avancement social, qui les [certains individus] dépouillent de leurs sentiments d'infériorité (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 508).
) [Ce qui subit l'action est une chose concr. ou abstr.] « Voulez-vous savoir si un chant est beau? Dépouillez-le de ses accompagnements... » (SAINT-SAËNS, Harm. et mélod., 1885, pp. 5-6). Dépouiller la religion des pratiques superstitieuses qui la déshonoraient (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 178). L'analyse physico-chimique, en effet, a déjà réussi à dépouiller de leur mystère un grand nombre de phénomènes vitaux (J. ROSTAND, Vie et ses probl., 1939, p. 146) :
• 4. La poésie est vérité, simplicité. Elle dépouille l'objet d'une crasse de symboles, de métaphores, au point de le rendre invisible, dur et pur.
COCTEAU, Essai de critique indirecte, 1932, p. 195.
— Spéc., GRAV. En principe la fonction de la pointe consiste à tracer le dessin en dépouillant le cuivre du vernis qui le recouvre (M. LALANNE, Grav. eau forte, 1866, p. 21).
Emploi pronom. à sens passif. [En parlant de la grav.] Perdre de sa force en abandonnant une partie de ses éléments. Quand l'encre, contenant une trop grande quantité de vernis fort ne nourrit plus assez les traits du dessin, les finesses alors disparaissent et la composition « se dépouille » (CHELET, Lithogr., 1933, p. 43).
— En partic. [Avec une idée d'amélioration par purification]
♦ ESTHÉTIQUE, en partic. dans le domaine des arts plastiques et littér. Ôter, retirer les ornements afin de simplifier l'expression. Prenez une pièce de vers ou une page de grande éloquence; dépouillez-la de ses métaphores : il ne restera qu'un squelette! (COMBARIEU, Mus., 1910, p. 61). S'efforçant toujours de dépouiller ses discours de toute éloquence (MAGNANE, Bête à concours, 1941, p. 234).
Dans le domaine de la mus. Il serait facile de reconstituer ici l'ossature primitive de la mélodie, en la dépouillant de ses ornements (D'INDY, Compos. mus., t. 1, 1897-1900, p. 69).
♦ ART CULIN. ,,Enlever à la cuiller les impuretés montant à la surface d'un mets pendant l'ébullition. Enlever le beurre ou la graisse apparaissant à la surface d'une sauce pendant la cuisson`` (LASNET 1970).
— ŒNOL., emploi pronom. à sens passif. [En parlant du vin] Perdre sa force (tout en gagnant en qualité) en vieillissant et en déposant les impuretés restées après fermentation. Il en est parfois des hommes comme de certains vins qui ont besoin de vieillir et de se dépouiller pour avoir toute leur saveur, toutes leurs qualités (NERVAL, Fayolle, 1855, p. 121). Les gouvernements sont comme les vins qui se dépouillent et s'adoucissent avec le temps (A. FRANCE, Opinions J. Coignard, 1893, p. 77).
P. métaph. [Sans idée d'amélioration] Toutes les nourritures spirituelles qui l'avaient soutenue [Philomène] jusque-là, se dépouillaient de même et perdaient pour elle leurs douceurs fortifiantes (GONCOURT, Sœur Philom., 1861, p. 68).
B.— [L'agent de l'action est aussi l'être qui subit cette action, le compl. désignant ce qui est ôté étant gén. accompagné d'un déterm. poss. réfl.] Perdre quelque chose, faire abandon de.
1. [Ce qui est ôté est qqc. qui couvre]
a) [En parlant d'un animal, en partic. pour désigner la mue] Abandonner, se dégager de (sa peau, son cocon, etc.)
) Emploi trans. Dépouiller sa peau. Un papillon dépouille peu à peu sa chrysalide et s'envole (COURIER, Lettres Fr. et It., 1808, p. 774).
Rem. Except., le compl. d'obj. désigne le corps et non ce dont l'animal se dégage : Les serpents dépouillent leur corps dans le conduit vert d'un fourré profond (SCHWOB. Monelle, 1894, p. 17).
— P. métaph. Vous avez dépouillé la peau de la vieille noblesse, qui n'est plus de mise aujourd'hui (BALZAC, U. Mirouët, 1841, p. 134).
) Emploi pronom. réfl. Un papillon qui s'est dépouillé de ses enveloppes (MAINE DE BIRAN, Journal, 1820, p. 290). [Sans compl. second.] Les serpents se dépouillent tous les ans (Ac. 1835-1932).
♦ P. métaph. [Désiré] s'était dépouillé de la peau du provincial (BALZAC, U. Mirouët, 1841 p. 8). L'humanité est en train de se dépouiller d'une de ses chrysalides (AMIEL, Journal, 1866, p. 147).
b) [En parlant d'un être humain; ce qui est ôté est qqc. que l'on porte sur soi]
) Emploi trans. Dépouiller ses habits, sa redingote; dépouiller ses ornements sacerdotaux (cf. desservant ex. 2). Si j'avais pu me séparer de mes souvenirs de collège aussi précipitamment que j'en dépouillai la livrée... (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 129). Cette robe de plage (...) je la dépouille en me tortillant comme une couleuvre qui abandonne sa peau (H. BAZIN, Lève-toi, 1952, p. 16).
— P. métaph. [P. réf. à St Paul, Ép. aux Colossiens, III, 9-10 : Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau] Dépouiller le vieil homme. Se défaire de ses mauvais penchants, des inclinations d'une nature corrompue; p. ext. renoncer à ses habitudes anciennes. Il n'a pas dépouillé le vieil homme; il reste, par l'esprit, citoyen de la vieille petite planète (A. FRANCE, Vie littér., 1890, p. 43). On a beau s'y ingénier; jamais on ne dépouille entièrement le vieil homme (LÉAUTAUD, Essai de sentiment., 1899, p. 56).
— Expr. anal. Tous les jeunes gens qui se présentaient chez lui (...) étaient de petits Talma. Il fallait six mois pour leur faire dépouiller le grand acteur, et voir s'ils avaient quelque chose en propre (STENDHAL, Rome, Naples et Flor., t. 1, 1817, pp. 12-13). S'étant vu inculquer autrefois, et ayant gardé à son insu, le respect de certains sujets, il croyait dépouiller l'universitaire en prenant avec eux des hardiesses qui, au contraire, ne lui paraissaient telles, que parce qu'il l'était resté (PROUST, Swann, 1913, p. 251).
) Emploi pronom. réfl. Se dépouiller de ses vêtements. Se dépouiller de cet accoutrement de marche forcée (SAND, Jacques, 1834, p. 269). Le prêtre se dépouille de sa chasuble (HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 64) :
• 5. — Je vois ce qu'est Monsieur le curé, soupira Céleste, trop bon, trop tendre. Par ici, les gens sont durs. Monsieur le curé devra se défendre ou sans quoi... Elle fit comiquement le geste de se dépouiller de sa jupe et de son caraco.
BERNANOS, Un Crime, 1935, p. 737.
— Proverbe. Il ne faut pas se dépouiller avant de se coucher. ,,Il ne faut pas se dessaisir de son bien de son vivant, si l'on ne veut être à la merci d'autrui`` (J.-F. ROLLAND, Dict. mauv. lang., 1813, p. 51). Cf. Ac. 1798-1878.
2. [Ce qui est ôté est qqc. qui appartient en propre à qqn] Quitter, abandonner plus ou moins volontairement quelque chose.
a) [Ce que l'on abandonne est un bien matériel] Emploi pronom. réfl.
— [Avec un compl. second.] Le jeune abbé songeait dès lors à se dépouiller de ses bénéfices et à tout quitter (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 100).
— [Sans compl. second.] Au temps où elle [Madame Burle] croyait à son fils, elle s'était dépouillée, il lui avait mangé ses petites rentes (ZOLA, Cap. Burle, 1883, p. 8). S'ils se dépouillent, c'est pour une plus grande vie (et non pour une autre vie). C'est du moins le seul emploi valable du mot « dénuement » (CAMUS, Noces, 1938, p. 83).
b) [Ce que l'on abandonne est une possession non matérielle, un caractère, une attitude, etc.]
) Emploi trans. Je dépouillerai pour vous toute vanité (BALZAC, Langeais, 1834, p. 261). Quel repos ce sera de dépouiller ma défiance! (GIDE, Caves, 1914, p. 825). Pour simplement dépouiller cette crainte, qui avait dominé notre enfance, des pensums et des retenues (SAINT-EXUP., Courr. Sud, 1928, p. 10).
Rem. Cet emploi peut parfois être rapproché de l'emploi I B 1 b . Quant à lui, il dépouilla sa placidité, plus vite qu'un homme n'ôte sa veste, et bondit hors des fauteuils (BARRÈS, Serv. All., 1905, p. 64).
) Emploi pronom. réfl. Se dépouiller d'habitudes, de son nom. Ursule Creton (...) ne pouvait se dépouiller de la rancune qu'elle nourrissait contre la femme qui avait favorisé la passion de sa belle-sœur et du comte (CHAMPFL., Bourgeois Molinch., 1855, p. 312). Cette espèce agressive de sincérité dont je tends à me dépouiller (VALÉRY, Corresp. [avec Gide]. 1899, p. 355). Il faut se dépouiller du goût français lorsqu'on visite les églises espagnols (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 42).
Rem. 1. Dans tous les cas où l'emploi trans. et l'emploi pronom. réfl. existent parallèlement, le 1er est senti comme vieilli ou littér., le 2e comme usuel. 2. La docum. atteste l'emploi adj. du part. prés. La doctrine mortifiante et dépouillante de Condren (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 437).
II.— [L'idée dominante est celle d'extraction, de sélection]
A.— [En vue d'une étude approfondie]
1. CRIT. [Le compl. d'obj. dir. désigne des documents] Soumettre à une lecture attentive, à une analyse critique afin de dégager les éléments requis par une recherche précise. Dépouiller un dossier, un inventaire, un registre. Vous allez dépouiller cette correspondance; (...) et vous me montrerez votre classement, vos pointages (VALLÈS, J. Vingtras, Bachel., 1881, p. 373). Sainton et Rathery ont dépouillé 230 cas de maladie de Parry et trouvé 10 cas de mydriase (Souques ds Nouv. Traité Méd., fasc. 8, 1925, p. 201) :
• 6. Au lieu de chercher des documents sur les actes, sur les personnes mêmes des Jacobins, il faudrait dépouiller les archives des ordres religieux qui existaient à cette époque.
HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 294
2. P. ext.
a) Par obligation ou habitude professionnelle, prendre connaissance du contenu, en en retenant l'essentiel. Ce travail consistait à dépouiller les journaux, à en extraire le moindre article, le mot, où l'on parlait de son ministre, avec le nom de la feuille consigné en marge (A. DAUDET, Évangéliste, 1883, p. 151). Élisabeth revenue d'Oxford pour servir au bureau qui dépouille la presse étrangère (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 173).
b) Ouvrir et lire pour une connaissance plus ou moins approfondie. Heures du courrier, chauds moments de la vie d'écrivain! Lacérées les enveloppes, dépouillées les lettres d'inconnus (COLETTE, Fanal, 1949, p. 127) :
• 7. M. Jules d'Escorailles, qu'il avait pris pour secrétaire, dépouillait la correspondance, sur un coin du bureau. Il ouvrait soigneusement les enveloppes avec un canif, parcourait les lettres d'un coup d'œil, les classait.
ZOLA, Son Excellence E. Rougon, 1876, p. 216.
B.— [En vue de connaître les résultats d'un comptage] Dépouiller un recensement.
♦ Dépouiller un vote, un scrutin. Extraire les bulletins de vote de l'urne et compter les voix ou suffrages, afin de dégager le résultat de l'élection. Le jeudi 20 décembre 1848, l'Assemblée constituante, (...) étant en séance, à la suite d'un rapport du représentant Waldeck-Rousseau, fait au nom de la commission chargée de dépouiller le scrutin pour l'élection de la présidence de la République... (HUGO, Nap. le Pt, 1852, p. 3). Ils [les secrétaires] dépouillent les votes par bulletins ou constatent le résultat des votes à main levée ou par « assis et levés » (VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 410).
Rem. Canada 1930 et DIONNE 1909 attestent, entre autres, les sens suiv. a) Être en pente. Le chemin dépouille; ce chemin va en dépouillant. b) Glisser sur une pente. La voiture va en dépouillant. Ces sens sont peut-être à rattacher à tailler en dépouille (cf. dépouille2 A).
Prononc. et Orth. :[depuje], (je) dépouille [depuj]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1135 despoillier [aucun, de ses dras (vêtements)] (Le Couronnement de Louis, 1305 ds T.-L.); [ses armes à aucun] (Ibid., 2173); 2. ca 1265 [sa pel] (en parlant d'un serpent) « quitter sa peau » (BRUNET LATIN, Tresor, éd. Carmody, I, CXXXXII); 3. 1er quart XIIIe s. « enlever à quelqu'un ce qu'il a pour se l'approprier » (RECLUS DE MOLLIENS, Miserere, 91, 9 ds T.-L.); 4. 1580 fig. despouiller « enlever » (MONTAIGNE, Essais, II, XII, éd. A. Thibaudet, p. 532); 5. 1611 « dépecer un animal après lui avoir ôté la peau » (COTGR.); 6. 1690 « analyser (...) un livre, un registre » (FUR.). Du lat. class. despoliare « dépouiller, spolier » et « dépouiller de ses vêtements, dénuder » en lat. impérial. Fréq. abs. littér. :1 237 (dépouillant :128). Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 2 506, b) 1 730; XXe s. : a) 1 540, b) 1 267.
DÉR. Dépouillage, subst. masc. a) Action de retirer la peau d'une bête morte. Synon. dépouillement (cf. ce mot I A 1 a). Après la mort de l'animal et son dépouillage (BÉRARD, GOBILLIARD, Cuirs et peaux, 1947, p. 27). P. ext. Le dépouillage d'ancienne toile, y compris le nettoyage des portes-tapisserie. Opération qui consiste à supprimer une toile posée sur des bâtis pour protéger le papier contre l'humidité (ROBINOT, Vérif., métré et prat. trav. bât., 6, 1930, p. 81). b) Action d'enlever la peau ou l'écorce d'un végétal. Le dépouillage du grain à la traîne et au rouleau demandait les mêmes préparatifs (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 145). — []. — 1re attest. 1921 id.; du rad. de dépouiller, suff. -age. — Fréq. abs. littér. : 1.
BBG. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 302, 382.
dépouiller [depuje] v. tr.
ÉTYM. V. 1135, despoillier, au sens I, 2; du lat. despoliare, de de- (→ 2. Dé-), et spoliare (→ Spolier).
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1 (1611). Enlever la peau de (un animal). ⇒ Dépiauter, écorcher. || Dépouiller un lièvre, une anguille.
0.1 Il commençait de dépouiller l'agneau, poussant très loin son poing entre la peau et la chair (…)
Pierre Gascar, les Bêtes, p. 44.
♦ (Sujet n. de chose). || Gangrène qui dépouille l'os (des chairs). ⇒ Dénuder.
♦ Par anal. || Dépouiller le maïs, en détacher les grains.
2 Dégarnir (qqn, qqch.) de ce qui couvre. ⇒ Dégager, dégarnir, dénuder; et aussi enlever, retirer (à). || Dépouiller quelqu'un de ses vêtements. ⇒ Déshabiller, dévêtir (→ ci-dessous, pop.). || Dépouiller une peau de la bourre, du poil (⇒ Ébourrer, peler, raser). || Dépouiller qqch. de ce qui couronne (⇒ Découronner), de ce qui enveloppe (⇒ Défaire, désenvelopper, développer). — Dépouiller un poisson de ses écailles (⇒ Écailler), une viande de ses os (⇒ Désosser). || Dépouiller un arbre de ses branches (⇒ Ébrancher), de son écorce (⇒ Écorcer), de ses fruits (⇒ Défruiter), de ses fleurs (⇒ Défleurir). || L'automne dépouille les arbres de leurs feuilles (⇒ Défeuiller). — Relig. || Dépouiller les autels, enlever les nappes qui les recouvrent.
1 Tantôt, comme une abeille ardente à son ouvrage,
Elle s'en va de fleurs dépouiller le rivage (…)
Boileau, l'Art poétique, II.
2 Graziella avait dépouillé ses vêtements de lourde laine, sa soubreveste galonnée (…)
Lamartine, Graziella, IV, XXX, p. 150.
3 Les petits bois ombreux frissonnent sous le vent qui les dépouille et répondent aux mouvements d'un grand ciel nuageux.
M. Barrès, la Colline inspirée, XIV, p. 220.
♦ (Après 1970). Pop. Obliger (qqn), sous la menace, à se défaire d'un vêtement qu'il porte. ⇒ Dépouille (pop.). || « Quand tu te fais dépouiller alors hop, t'es bien obligé de rechercher les coupables » (le Nouvel Obs., no 727, 16 oct. 1978). — REM. Cet emploi croise les sens 2 et 3.
3 (Déb. XIIIe). Déposséder (qqn) en lui enlevant ce qu'il a. ⇒ Démunir, dénantir, spolier. || Des voleurs dépouillèrent le voyageur. ⇒ Dérober (à), dévaliser, gruger, voler; (fam.) nettoyer, plumer, tondre (→ 2. Caler, cit. 6). || Le fisc dépouille le contribuable. || Dépouiller qqn du nécessaire. ⇒ Dénuer, dépourvoir, priver; misère (réduire à la misère); → Aumône, cit. 4. || Dépouiller qqn de son emploi (⇒ Évincer), de son grade (⇒ Dégrader), de ses droits. ⇒ Déposséder, déshériter, exproprier. || Dépouiller qqn de son prestige, de sa gloire.
4 Participe à ma gloire au lieu de la souiller.
Tâche à t'en revêtir, non à m'en dépouiller.
Corneille, Horace, IV, 7.
5 (…) la mort change de nature pour les chrétiens, puisque, au lieu qu'elle semblait être faite pour nous dépouiller de tout, elle commence (…) à nous revêtir (…)
Bossuet, Oraison funèbre de la duchesse d'Orléans.
6 On le dépouilla de son riche bénéfice pour le faire évêque de Zamora, petit diocèse de quatre mille écus de rente; c'était en quelque sorte devenir d'évêque meunier.
A. R. Lesage, le Bachelier de Salamanque, p. 73.
♦ Absolt. || Dépouiller qqn, le priver de ses biens, de ses revenus. ⇒ Priver, spolier.
7 (…) Jacques ne voudrait pas dépouiller les enfants de sa sœur pour les siens, puisqu'il les aime quasi autant les uns que les autres.
G. Sand, la Mare au diable, IV, p. 36.
7.1 — Ah çà ! que voulez-vous dire ? demanda Fix.
— Je veux dire que c'est de la pure indélicatesse. Autant dépouiller Mr. Fogg, et lui prendre l'argent dans la poche !
J. Verne, le Tour du monde en 80 jours, p. 156.
♦ (Compl. n. de chose). || L'ennemi dépouilla la région. ⇒ Dévaster, piller. || Dépouiller un magasin, une vitrine, un musée. ⇒ Vider. || Dépouiller une église de ses richesses.
8 (…) il fit dépouiller les églises du Kremlin de tout ce qui pouvait servir de trophée à la grande armée.
♦ Arts, littér. Ôter tout ornement pour rendre l'expression plus simple. ⇒ Dépouillement (3., b). || Dépouiller son style. → ci-dessous, Dépouillé, 4.
♦ Fig. Enlever à (qqch.) un de ses caractères, son contexte. || Dépouiller une démarche de tout artifice. ⇒ Dégager. || Dépouiller une citation de son contexte. ⇒ Isoler.
9 Je souffre toujours en vous voyant user de la science monstrueuse avec laquelle vous dépouillez toutes les choses humaines des propriétés que leur donnent le temps, l'espace (…)
Balzac, Séraphîta, Pl., t. X, p. 481.
10 (…) une intelligence qui dépouillait toujours les choses de leur valeur secrète, de tout ce qui était, en somme, le véritable sens, la beauté de l'univers !
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 69.
4 (1690). Analyser, examiner (un document). || Dépouiller les pièces d'un dossier, un compte. || Dépouiller une documentation. || Dépouiller son courrier. || Dépouiller un livre, et, par ext., un auteur, le lire en prenant des notes.
11 Je dépouillai en moins de quinze jours, la plume à la main, deux cents pages de cette Physiologie de Beaunis emportée dans ma malle (…)
Paul Bourget, le Disciple, p. 254.
♦ Dépouiller un scrutin : faire le compte des suffrages après le vote. || Les scrutateurs dépouillent les bulletins.
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II (XIIe, fig.).
1 Littér. (Avec un complément d'objet qui désigne la chose enlevée). Abandonner, ôter (ce qui couvre). ⇒ Abandonner, arracher, enlever, ôter, perdre, quitter, retirer. || Dépouiller ses vêtements. — Le ver à soie dépouille sa première enveloppe.
12 (…) comme un insecte dépouille sa dernière enveloppe larvaire pour se montrer dans sa forme parfaite (…)
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, III, XV, p. 187.
13 Non, il faut à tes yeux dépouiller l'artifice.
Racine, Esther, II, 1.
14 (…) je me surprends encore tous les jours à dépouiller quelque ancienne idée, quelque prétendue impression de ma jeunesse, pour rentrer dans la vérité des choses et de moi-même.
15 Dépouiller de plus en plus la matière, revêtir de plus en plus l'esprit, telle est la loi.
Hugo, Post-scriptum de ma vie, De la vie et de la mort.
♦ (Sujet n. de chose).
16 L'Art y dépouilla (dans les Flandres) toute idéalité pour reproduire uniquement la Forme.
Balzac, la Recherche de l'absolu, Pl., t. IX, p. 477.
♦ ☑ Loc. Relig. Dépouiller le vieil homme : se défaire des inclinations de la nature corrompue. — Par anal. et le plus souvent par plais. Renoncer à ses mauvaises habitudes. || Vous savez que j'ai dépouillé le vieil homme, je ne fume plus.
17 N'usez point de mensonges les uns envers les autres; dépouillez le vieil homme avec ses œuvres,
Revêtez-vous du nouveau (…)
Bible (Sacy), Épître de saint Paul aux Colossiens, III, 9-10.
17.1 Bielinski rencontre soudainement Hegel. Dans sa chambre, à minuit, sous le choc de la révélation, il fond en larmes comme Pascal, et dépouille d'un seul coup le vieil homme.
Camus, l'Homme révolté, p. 558-559.
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se dépouiller v. pron.
1 Perdre sa dépouille. || Les serpents se dépouillent tous les ans. ⇒ Muer.
2 Ôter, enlever (ce qui couvre). || Se dépouiller de ses vêtements.
18 Les nations ne jettent pas à l'écart leurs antiques mœurs comme on se dépouille d'un vieil habit.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, III, I, VIII.
19 (…) tandis qu'autour d'eux les Cariens, les Lydiens, et en général tous leurs voisins barbares, avaient honte de paraître nus, ils (les Grecs) se dépouillaient sans difficulté de leurs habits pour lutter et courir.
Taine, Philosophie de l'art, t. I, II, V, p. 70.
♦ Perdre. || Les arbres se dépouillent de leur feuillage. — Absolt. || Les arbres se dépouillent feuille à feuille. Par anal. || Tempes qui se dépouillent. || « Mon front se dépouille » (Chateaubriand, in T. L. F.). → fam. Déplumer (se).
20 Revenant le long des haies à peine tracées, la pluie m'a surpris; je me suis réfugié sous un hêtre : ses dernières feuilles tombaient comme mes années; sa cime se dépouillait comme ma tête (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 295.
3 Se défaire (de), abandonner. || Se dépouiller de sa fortune, de ses biens. || Se dépouiller en faveur de qqn. ⇒ Appauvrir (s'), priver (se). || Se dépouiller de tout (→ Donner jusqu'à sa chemise).
21 (…) amasser du bien avec de grands travaux, et élever une fille avec beaucoup de soin et de tendresse, pour se dépouiller de l'un et de l'autre entre les mains d'un homme qui ne nous touche de rien ?
Molière, l'Amour médecin, I, 5.
♦ Fig. ⇒ Abandonner, défaire (se défaire de), renoncer (à). || Se dépouiller de tout sentiment de haine. || Se dépouiller de ses erreurs, de ses préjugés. || Ne jamais se dépouiller de sa réserve. ⇒ Départir (se). || Se dépouiller d'un droit, du pouvoir (⇒ Abdiquer).
22 César, se dépouillant du pouvoir souverain,
Nous ôtait tout prétexte à lui percer le sein.
Corneille, Cinna, III, 4.
23 (…) me dépouiller au plus tôt de toutes sortes de vanités (…)
Molière, Dom Juan, V, 3.
24 Je cherche à me dépouiller de mes affections et à n'être qu'un froid philosophe.
Stendhal, De l'amour, p. 126.
25 (…) mon sentiment se dépouilla presque aussitôt de ce qu'il avait d'abord pu avoir de charnel, et, de lui-même, s'épura pour ainsi dire, de sorte qu'il ne restait plus en moi, comme il advient souvent dès lors, qu'une charité très ardente.
Gide, Journal, 2 août 1930.
25.1 (…) comme vous reconnaîtrez facilement, même dans une circonstance tragique, à certains gestes, à certains tics professionnels, que le forgeron n'a pas pu dépouiller le forgeron. Sans doute c'est bien de la vanité, et même absurde, à nous que de dire que nous aurions voulu pouvoir nous dépouiller de nous-même.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 642.
4 Rare. (En parlant d'un liquide). Perdre sa force, sa couleur, ses impuretés.
26 Les gouvernements sont comme les vins qui se dépouillent et s'adoucissent avec le temps.
France, les Opinions de Jérôme Coignard, Œ., t. VIII, p. 358.
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dépouillé, ée p. p. adj.
1 Dont on a enlevé la peau. || Bœuf tué et dépouillé.
2 Dépouillé de ses vêtements. || Tête dépouillée. ⇒ Chauve. || Arbre dépouillé de ses feuilles. ⇒ Chenu.
27 Les arbres entièrement dépouillés, j'embrassais mieux l'étendue du parc.
E. Fromentin, Dominique, III, p. 52.
28 Le bel arbre, maintenant dépouillé de ses feuilles, déployait, nue et noire sous le ciel, sa puissante et fine membrure.
France, l'Anneau d'améthyste, Œ., t. XII, p. 268.
3 Voyageur dépouillé par les brigands. || Dépouillé de tout bien, de tout honneur, de tout pouvoir.
29 La royauté fut donc conservée; mais, dépouillée de sa puissance, elle ne fut plus qu'un sacerdoce.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, IV, III, p. 284.
30 D'autres encore, et ce sont les plus nombreux, assurés qu'ils sont d'être finalement dépouillés par le fisc ou par l'inflation, se bornent à gagner le strict nécessaire.
G. Duhamel, Manuel du protestataire, II, p. 72.
31 Si je l'avais voulu, vous seriez aujourd'hui dépouillés de tout, sauf de la maison et des terres.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, I, I, p. 12.
♦ Fig. || Démarche dépouillée d'artifice. || Esprit dépouillé de craintes, de préjugés.
32 (…) je me tiens là, devant mon Dieu, plus dénué et plus dépouillé de mérites, plus désarmé que personne au monde.
F. Mauriac, la Pharisienne, XIV, p. 230.
33 (…) ce pauvre être si façonné, si maniéré, était devenu terriblement dépouillé et simple.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, II, XIX, p. 230.
4 Style dépouillé : style sans aucun ornement. ⇒ Sévère, sobre.
34 C'était aussi dépouillé qu'un constat, aussi morne qu'un exposé de M. Couve (…)
Gide, Si le grain ne meurt, VIII, I, p. 213.
5 Vin dépouillé, débarrassé des particules solides en suspension, décanté. — Vin qui a perdu de sa richesse en alcool.
35 Voilà le style que je goûte comme je goûte les bordeaux très vieux ou qui, sans être vieux, sont très dépouillés (…)
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 127.
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CONTR. Couvrir, enfouir, vêtir. — Acquérir, donner, enrichir, prendre, remettre, rendre, réparer, restituer.
DÉR. Dépouille, dépouillement, dépouilleur.
Encyclopédie Universelle. 2012.