pardonner [ pardɔne ] v. tr. <conjug. : 1>
1 ♦ Tenir (une offense) pour non avenue, ne pas en garder de ressentiment, renoncer à en tirer vengeance. ⇒ oublier (cf. Passer l'éponge). Pardonner les péchés. ⇒ remettre. « Il n'y a point d'injure qu'on ne pardonne quand on s'est vengé » (Vauvenargues). PROV. Faute avouée est à moitié pardonnée.
♢ PARDONNER QQCH. à QQN : supporter qqch. de qqn. ⇒ passer. « Je te pardonne tout, et veux tout oublier » (Leconte de Lisle). « Je ne pardonne point aux hommes d'action de ne point réussir » (Flaubert). Je ne me le pardonnerai jamais. Elles se sont tout pardonné.
♢ ( pardonner qqn XVIe) PARDONNER À QQN, oublier ses fautes, ses torts. ⇒ absoudre. « Roxane dans son cœur peut-être vous pardonne » (Racine). Il cherche à se faire pardonner. Allus. bibl. « Pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. » Le roi lui pardonna. ⇒ gracier; amnistier (cf. Faire grâce à). (Pass.) Vous êtes pardonné. — Fam. et vieilli Dieu me pardonne ! pour atténuer une déclaration surprenante. — Absolt Il pardonne facilement (⇒ indulgent) , difficilement (⇒ vindicatif) . « Je tâche de comprendre afin de pardonner » (Hugo). « L'amour-propre offensé ne pardonne jamais » (L. Vigée).
2 ♦ (Sens atténué) Juger avec indulgence, en trouvant des excuses, en minimisant la faute. ⇒ admettre, excuser , 1. supporter, tolérer. Je prie « le lecteur de me pardonner cette petite préface » (Racine). Pardonnez ma franchise.
♢ Spécialt Accepter sans dépit, sans jalousie. « Régnier a eu certainement beaucoup de peine à se faire pardonner [...] son talent » (Romains).
3 ♦ (1572) Au négatif Épargner. C'est une maladie qui ne pardonne pas, mortelle. — Fam. Une erreur qui ne pardonne pas, irréparable.
4 ♦ (XVIe) Dans une formule de politesse Pardonnez-moi cette irruption chez vous. Pardonnez-moi cette expression. Pardonnez-moi de vous déranger, si je vous dérange. — Spécialt (pour s'excuser de contredire un interlocuteur) Pardonnez-moi, mais je crois que... ⇒ pardon (cf. Sauf votre respect).
⊗ CONTR. Accuser, condamner, frapper, punir.
● pardonner verbe transitif (bas latin perdonare, concéder, ou préfixe intensif par- et donner) Accorder à quelqu'un son pardon pour son acte, ne pas lui en tenir rigueur : Pardonner une offense. Ne pas sanctionner une faute, une erreur ou ce qui pourrait être considéré comme un manquement à un règlement, une règle morale : Pardonnez-moi d'insister. Supporter, tolérer, excuser tel comportement, telle qualité chez quelqu'un (surtout en phrase négative ou interrogative) : On ne lui pardonne pas d'être intelligent. ● pardonner (citations) verbe transitif (bas latin perdonare, concéder, ou préfixe intensif par- et donner) André Maurois Elbeuf 1885-Neuilly 1967 Académie française, 1938 Ce que les hommes vous pardonnent le moins, c'est le mal qu'ils ont dit de vous. De la conversation Hachette ● pardonner (difficultés) verbe transitif (bas latin perdonare, concéder, ou préfixe intensif par- et donner) Construction 1. Pardonner quelque chose. Tournure correcte : pardonner les offenses ; pardonnez ma franchise, mais... Remarque Pardonner à quelque chose, tournure correcte, appartient aujourd'hui à un registre soutenu, voire un peu archaïque : pardonnez à ma faiblesse. « Les prêtres peuvent le mieux pardonner aux péchés qu'ils ne commettent pas »(M. Proust). 2. Pardonner à qqn. Tournure correcte : pardonner à quelqu'un ses écarts de conduite ; je lui ai pardonné son indiscrétion. Remarque Pardonner qqn, bien qu'attesté chez les meilleurs écrivains (Flaubert, Mauriac, Aragon, entre autres), est à éviter dans l'expression soignée, en particulier à l'écrit. 3. Pardonner à qqn de (+ infinitif). Tournure correcte : je ne lui pardonne pas d'être parti sans nous dire au revoir ; je lui ai pardonné d'avoir été indiscret ; on lui pardonnerait de mentir, mais non de voler. Pardonner que + subjonctif (je ne pardonne pas qu'il soit parti sans nous dire au revoir) tend à se répandre, mais cette tournure est encore tenue pour incorrecte par certains grammairiens. 4. Être pardonné. Tournure correcte, aussi bien avec un sujet nom de chose (l'erreur est pardonnée) qu'avec un sujet nom de personne (Paul est pardonné) : vous êtes tout pardonné ; il est reparti pardonné. Ce dernier emploi est correct à la voix passive et déconseillé à la voix active. ● pardonner (expressions) verbe transitif (bas latin perdonare, concéder, ou préfixe intensif par- et donner) Se faire pardonner, obtenir le pardon. Se faire pardonner quelque chose, faire accepter quelque chose des autres sans qu'ils en aient du dépit, de la jalousie. ● pardonner (synonymes) verbe transitif (bas latin perdonare, concéder, ou préfixe intensif par- et donner) Accorder à quelqu'un son pardon pour son acte, ne pas...
Synonymes :
- absoudre
- oublier
Contraires :
- punir
- réprimer
Supporter, tolérer, excuser tel comportement, telle qualité chez quelqu'un (surtout...
Synonymes :
- passer sur
- souffrir
Contraires :
- blâmer
- réprouver
- tenir rigueur
● pardonner
verbe transitif indirect
Littéraire. Excuser quelque chose : Pardonnez à ma rude franchise.
Renoncer à sanctionner quelqu'un, être indulgent pour la faute qu'il a commise : Il faut pardonner à ses ennemis.
● pardonner
verbe intransitif
Pratiquer habituellement la rémission des fautes : Il faut savoir pardonner.
● pardonner (expressions)
verbe intransitif
Ne pas pardonner, ne pas laisser une chance de s'en tirer, être irréparable : Une erreur qui ne pardonne pas.
● pardonner (synonymes)
verbe intransitif
Pratiquer habituellement la rémission des fautes
Synonymes :
- absoudre
- gracier
pardonner
v.
rI./r v. tr.
d1./d Accorder la rémission de (une faute), renoncer à la punir. Pardonner une faute à qqn.
|| Absol. Pardonner à ses ennemis.
d2./d Considérer sans sévérité, excuser. Vous voudrez bien me pardonner cette digression.
rII./r v. intr. (Toujours en tournure négative.) épargner. La mort ne pardonne à personne.
— Ce poison ne pardonne pas, il est mortel.
rIII/r v. Pron.
d1./d (Passif) être digne de pardon, excusable. Une telle faute ne se pardonne pas.
d2./d (Récipr.) Se pardonner mutuellement.
d3./d (Réfl.) Je ne me le pardonnerai jamais.
⇒PARDONNER, verbe trans.
A. — 1. Pardonner qqc. à qqn [Le suj. désigne une pers.] Considérer pour non avenu(e) un manquement, une faute, une offense en n'en tenant pas rigueur à l'auteur et en n'en gardant aucun ressentiment. Pardonner une infidélité à son conjoint; n'avoir rien à pardonner à qqn. Je lui pardonne de bon coeur tout le mal qu'il m'a fait (Ac. 1835-1935). Sa colère se ralluma quand il sut que le roi avait, à la demande de ses oncles, pardonné au duc toute offense et tout attentat (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t.1, 1821-24, p.385). «(...) Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour; pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés (...)» Qu'elle est belle, la première prière! (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p.242). Dieu lui pardonne, comme je lui ai pardonné, la blessure qu'il m'a faite! (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p.662).
— Pardonner à qqn de + inf.:
• 1. MÈRE UBU: Vous n'avez qu'une manière de vous faire pardonner tous vos méfaits (...). Il faut pardonner à la mère Ubu d'avoir détourné un peu d'argent. PÈRE UBU: Eh bien, voilà! Je lui pardonnerai quand elle m'aura rendu tout, qu'elle aura été bien rossée...
JARRY, Ubu, 1895, V, 1, p.86.
— Se faire pardonner qqc. V. supra ex. 1.
— [P. allus. à la Bible (Luc VII, 48): Tes péchés te sont pardonnés] Quand la protestante arriva à ce verset: «Puis, Jésus dit à la femme: tes péchés te sont pardonnés» Madeleine eut un sourire de céleste joie (ZOLA, M. Férat, 1868, p.131).
2. [Avec effacement du compl. indir.] Pardonner qqc. Pardonner une injure, les péchés. Apprendre (...) à pardonner les crimes et les injustices des hommes (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.281). On peut pardonner toute faute si un éclair de repentir peut seulement être supposé (ALAIN, Propos, 1914, p.183). Elle est perdue pour toi. Surtout après ce que tu lui as fait, c'est le genre de choses qu'on ne pardonne pas (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p.135).
— Au passif et au part. passé. Faute pardonnée; péché pardonné. Il ne pouvait pourtant pas (...) livrer aux enfants le secret de l'égarement passager de leur mère. Ah! tout était si bien pardonné, oublié, réparé (GIDE, Faux-monn., 1925, p.946).
— En partic. Renoncer à punir. J'avais pour règle de toujours pardonner un premier écart, une première faute [de discipline] (BILLY, Introïbo, 1939, p.167).
— Proverbes. Faute, péché avoué(e) est à moitié pardonné(e); faute, péché caché(e) est à moitié pardonné(e) (vieilli).
— Empl. pronom. à sens passif. La haine se pardonne encore plus que le mépris (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1833, p.167).
3. [Avec effacement du compl. dir.]
a) Pardonner à qqn. Pardonner à ses ennemis. Je vous pardonne pour cette fois mais n'y revenez plus (Ac. 1835-1935). Je me demande encore à cette heure s'il m'a pardonné en mourant (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p.185). Dieu pardonne à chaque homme (Philos., Relig., 1957, p.34-4):
• 2. MICHEL (...): Pardonne-moi, ma petite fille, ma petite Madeleine, pardonne-moi. Tu me pardonnes? MADELEINE: Te pardonner, mon pauvre Michel chéri, moi qui t'ai fait tant de mal!
COCTEAU, Parents, 1938, III, 6, p.289.
— Vieilli, fam. Dieu me pardonne! V. dieu III B 2 d.
— Se faire pardonner. Obtenir le pardon. Le nationalisme a mis à son service des forces religieuses qui, peut-être, éprouvent le besoin de se faire pardonner ou de donner des gages (Philos., Relig., 1957, p.48-1).
— [P. allus. à la Bible]
♦[(Luc XXIII, 34): Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font] Mon père, s'écrioit-il [le Christ] sous le fer des bourreaux:pardonnez-leur; car ils ne savent ce qu'ils font (CHATEAUBR., Génie, t.2, 1803, p.362). P. anal. Seigneur! Pardonnez-leur. Ils ne savent ce qu'ils lisent (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.221).
♦[(Luc VII, 47): Il lui sera beaucoup pardonné parce qu'il a beaucoup aimé] Je me la figurai (...) suivant toujours d'un regard ineffable (...) celui qui avait laissé tomber sur elle cette promesse divine: «Il te sera beaucoup pardonné, parce que tu as beaucoup aimé!» (DU CAMP, Mém. suic., 1853, p.252). P. anal. Et puis enfin il sera beaucoup pardonné à Bergotte puisqu'il a trouvé mon petit enfant gentil (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.574).
— Empl. pronom. réciproque. Des rivaux peuvent à peine se pardonner, après leur passion cessée; ils ne s'aiment jamais (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p.208).
— Rare. Pardonner qqn. Qu'on n'eût point pardonné Labédoyère, parce qu'on n'eût vu dans la clémence qu'une prédilection en faveur de la vieille aristocratie, cela se concevait (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.427). [P. allus. à la Bible, Matth. XVIII, 21, 22] Quand Pierre demande à Christ combien il devra pardonner son frère:Faut-il jusqu'à sept fois? (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p.786).
♦À la forme passive. Vous êtes tout pardonné (Ac. 1878, 1935). Mais ne va pas me dire que tu es malade, n'entreprends pas de te justifier. Bon Dieu! Tu es pardonnée (NAPOLÉON Ier, Lettres Joséph., 1796, p.43). La paix était aussi en lui, parce qu'il était pardonné (RAMUZ, A. Pache, 1911, p.283).
Part. passé en empl. adj. Le silence que l'éloignement et le temps ont amené pour toujours entre quelques personnages de cette histoire leur a permis de se croire mutuellement pardonnés, réhabilités et heureux (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 280). Rencontre du pécheur pardonné avec le Dieu qui est son père (MONOD, Sermons, 1911, p.212). Elle s'endormit, pardonnée, rassurée, triomphante (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.176).
Rem. Si la constr. pardonner qqn est considérée comme incorrecte par les grammairiens, la forme passive est admise (d'apr. DUPRÉ 1972).
b) Littér. [Le compl. indir. désigne p.méton. un inanimé abstr., une qualité de la pers.] Pardonner à qqc. Pardonnez à ma faiblesse, à ma franchise. Dieu est bonté: il pardonne au repentir (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.126).
4. Absol. Pratiquer le pardon (des offenses), accorder son pardon de manière habituelle ou occasionnelle. Pardonner facilement. Je ne pardonne pas par générosité... par grandeur d'âme... Je pardonne parce que je ne puis pas faire autre chose (FLERS, CAILLAVET, M. Brotonneau, 1923, I, 10, p.7). Donc, pas de pardon. Et d'ailleurs j'en ai plein le dos, de pardonner toujours (MONTHERL., Pitié femmes, 1936, p.1195). On ne pardonne pas un peu, ou à moitié; le pardon est comme l'amour: un amour qui aime avec des réserves ou avec une seule arrière-pensée n'est pas de l'amour; et de même un pardon qui pardonne jusqu'à un certain point, mais pas au delà, n'est pas le pardon (JANKÉL., Le Pardon, Paris, Aubier-Montaigne, 1967, p.128).
B. —[Dans des tours ou formules avec atténuation du sens; le suj. désigne une pers.]
1. Considérer avec indulgence une erreur, un défaut, une imperfection, une faiblesse, en trouvant une excuse (à quelqu'un). Synon. excuser, tolérer, supporter. Savoir pardonner une erreur à un débutant; pardonner une étourderie, une incartade, une réflexion. Si vous pardonnez à mon âge, je dois, moi, pardonner à votre peu d'expérience (FIÉVÉE, Dot Suzette, 1798, p.135). On pardonne une sottise à un ami. Mais on ne pardonne rien à sa femme (CHARDONNE, Épithal., 1921, p.264). [Le peuple] lui aurait sans doute, en faveur de ses quartiers de noblesse, pardonné ses idées démocratiques (PROUST, Temps retr., 1922, p.853):
• 3. ... je trouve que votre indulgence pour elle passe les bornes. Moi, je n'ai jamais pu lui pardonner ses robes qui se fourrent obstinément sous les pieds de ma chaise, l'odeur de patchouli qu'elle répand auprès de moi, et les regards pâmés qu'elle promène autour de la table.
ABOUT, Roi mont., 1857, p.280.
— Pardonner à qqn de. J'espère (...) que si l'on trouve que mes forces personnelles n'ont pas répondu à mon zèle, on me pardonnera de n'avoir pu tout faire (CUVIER, Anat. comp., t.3, 1805, p.XVII).
— Se faire pardonner. Il se remettait à suivre l'impatient narrateur en redoublant d'attention, pour se faire pardonner (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1535).
— Empl. pronom. réfl. Ne pas se pardonner qqc. Ne pas se trouver d'excuses pour quelque chose. Mathilde, votre arrivée à Besançon (...) va être un coup mortel pour M. de La Mole, et voilà ce que jamais je ne me pardonnerai (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.463). Elle ne s'était jamais pardonné, elle ne se pardonnerait jamais d'avoir échoué là où réussissaient beaucoup de femmes qui ne la valaient pas (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p.1020).
♦[P. méton., le suj. désigne un attribut de la pers.] Ce soir, pour la première fois, je me suis vu moi-même à la télévision. Je ne passais pas «en direct» (...). Je me suis donc vu et observé de cet oeil implacable qui ne se pardonne rien parce qu'il se sait sous le contrôle d'innombrables témoins (MAURIAC, Nouv. Bloc-Notes, 1961, p.158).
— [Formule de politesse ou d'atténuation employée dans les mêmes circonstances que pardon (v. pardon B 2)]
♦À l'impér. Pardonne-moi, pardonnez-moi ce dérangement, ma distraction, mon irruption chez vous; pardonnez-moi de ne pas vous avoir reconnu, de vous contredire. Pardonnez-moi; je ne l'ai pas dit exprès; ah! ah! ah! c'est drôle; ça m'a échappé (GIDE, Faux-monn., 1925, p.1119). Et maintenant, je me sauve. Pardonnez-moi, Suzanne: je suis pressé, pressé (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.262).
♦[Dans des formules développées] Veuillez me pardonner de vous avoir fait attendre. Ces messieurs voudront-ils bien me pardonner si je leur adresse la parole sans être connu? (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1835, p.113). Mais, Monsieur Triballet, vous êtes tout pardonné d'avance... [d'un retard] (CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1853, p.64). Daignez pardonner, monsieur, la liberté que je prends (SARDOU, Rabagas, 1872, II, 11, p.77).
2. Ne pas être affecté d'un avantage, d'une supériorité qu'un autre possède sur vous; voir sans chagrin, sans dépit, sans jalousie. Cette femme a bien de la peine à pardonner aux autres leur beauté (Ac. 1835-1935). Ne peux-tu me pardonner de te ravir un prix que tu as ravi toi-même à mon frère, et à tous ceux qui ont osé se mesurer avec toi? (COTTIN, Mathilde, t.2, 1805, p.181). [Souvent à la forme négative] Ne pas pardonner à qqn son succès. Voilà dans quelle condition m'a mis l'inimitié d'un procureur du roi devenu substitut à Paris aujourd'hui, qui ne m'a pas pardonné ma supériorité (BALZAC, Cous. Pons, 1847, p.212).
— Ne pas pardonner à qqc. Le monde ne pardonne pas (...) aux affections vraies, aux dévouements absolus: ce sont des mariages de coeur, qui le blessent personnellement (GONCOURT, Journal, 1860, p.828).
— Se faire pardonner qqc. Se faire pardonner sa gloire à force d'amabilité. Nouvel enrichi qui veut se faire pardonner ses millions (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.518).
C. —Au fig., absol. [Le suj. désigne un inanimé]
1. Ne laisser aucune chance de survie. Oui, mon ami, je suis malade, et d'une de ces maladies qui ne pardonnent pas (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p.33). On l'assura qu'il s'agissait bien de cette maladie. —Ce n'est pas possible puisqu'il est guéri. Vous le savez aussi bien que moi, la peste ne pardonne pas (CAMUS, Peste, 1947, p.1345).
— Fam. Erreur, manoeuvre qui ne pardonne pas; ça ne pardonne pas. (Dict.XXes.).
2. Ne laisser (aucun défaut) dans l'ombre. La grande lumière ne pardonne rien. Le soleil est encore plus cruel (Arts et litt., 1935, p.22-1).
REM. Pardonnant, -ante, part. prés. adj. [En parlant d'une pers.] Qui pardonne (facilement). Un Espagnol pardonnant ne croit pas avoir pardonné (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.230). Je sortirai d'ici à son bras, plaintive et pardonnante (COLETTE, Cl. ménage, 1902, p.258). V. chevaucher ex. 8. [P. méton.] Amour pardonnant. Les épanchements de sa pardonnante tendresse (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p.204). 2. Pardonnement, subst. masc., rare et littér. Aptitude, penchant à pardonner. Synon. pardon. [Daudet] arrive, comme en ces heures qui précèdent la mort, à avoir un peu de pardonnement de Jésus-Christ à l'égard de ceux qui ont été les plus cruels pour lui (GONCOURT, Journal, 1891, p.18). 3. Pardonneur, subst. masc., rare. Celui qui pardonne. Je me sentais plein d'une générosité de paresse qui avait les mêmes effets apparents que la morale chrétienne du pardon. Splendide hypocrisie des pardonneurs! (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p.158).
Prononc. et Orth.:[], (il) pardonne []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.I. 1. Fin Xes. perdoner vida a «faire grâce, laisser la vie à (quelqu'un qui était condamné à mort)» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 223); 2. fin Xes. «remettre à quelqu'un (la punition d'un péché)» (ibid., 307: tu nos perdone celz pecaz); 3. 1100 «tenir une offense comme non avenue» (ROLAND, éd. J. Bédier, 2005: Ferut vos ai, car le me pardunez); 4. mil. XVIes. formule de politesse (YVER, Le Printemps, Troisiesme histoire ds Conteurs français du XVIes., éd. La Pléiade, p.1197: pardonnez moy si je ne peus mentir); 1694 vous êtes tout pardonné «terme de civilité par lequel on répond à quelqu'un qui s'excuse d'une liberté qu'il a prise» (Ac.); 5.1573 «épargner» (LARIVEY, Straparole, 2e nuict, V ds GDF. Compl.); 6. 1616-20 «excuser, juger avec indulgence» (A. D'AUBIGNÉ, Histoire Universelle, VII, 23, éd. De Ruble, V, p.39); 7. 1693 «voir sans dépit chez quelqu'un» (RACINE, Phèdre, II, 5). II. Verbe pronom. 1. 1520 «se ménager» (G. MICHEL, trad. Suétone, III, 107v° ds HUG.: Pardonne toy, mon amy Tibere, pardonne toy et faictz prudentement tes affaires); 2. 1606 «être pardonnable» (NICOT: Peine qui ne se pardonne point quelque prière qu'on face); 3. 1668 verbe réfl. (LA FONTAINE, Fables, I, VII, éd. H. Régnier, I, p.79: Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes). Du lat. tardif perdonare (att. une seule fois dans l'Esope de Romulus [entre 350 et 500], éd. Thiele, p.157 d'apr. FEW t.8, p.231a, v. aussi ERN.-MEILLET, p.179a). Fréq. abs. littér.:6144. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 10563, b) 10191; XXes.: a) 8006, b) 6835. Bbg. GOHIN 1903, p.338. — RECANATI (Fr.). Encore un mot d'excuse. Semantikos. 1979, t.3, n° 1, p.31.
pardonner [paʀdɔne] v. tr.
ÉTYM. V. 1050, pardoner; perdoner la vida « faire grâce de la vie » en 980; de par, et donner d'après un bas lat. pardonare « accorder (une grâce) », de per et donare.
❖
1 (1845). a (Avec un compl. direct). Tenir (une injure, une offense) pour non avenue, ne pas en garder de ressentiment, renoncer à en tirer vengeance. ⇒ Oublier (cit. 12), passer (sur une faute). → Éponge (passer l'éponge sur…). || Pardonner les offenses (→ Facile, cit. 24), une infidélité (cit. 10), les torts, les maux qui nous viennent d'autrui (→ Pardon, cit. 3). || Oublier et pardonner. ⇒ Oublier (cit. 5). || Pardonner les péchés. ⇒ Remettre.
1 Il n'y a point d'injure qu'on ne pardonne quand on s'est vengé.
Vauvenargues, Maximes et Réflexions, 582.
1.1 Je te pardonne tout, et veux tout oublier.
Leconte de Lisle, Poèmes tragiques, « Les Érinnyes », II, IX.
b (Sans compl. direct). || Pardonner à (qqn), lui accorder le pardon. ⇒ Absoudre, innocenter. || Il faut lui pardonner. ⇒ Admettre (admettre les excuses de qqn), crédit (faire crédit à qqn). || Pardonner à son ennemi (→ Meurtrier, cit. 2). || « Roxane dans son cœur (cit. 122) peut-être vous pardonne » (Racine). || « Pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font » (→ Calvaire, cit. 1, Bible). — Renoncer au droit de punir quelqu'un. || Le roi lui pardonna. ⇒ Grâce (faire grâce), gracier; amnistier, réhabiliter.
2 Prenez garde à vous; si votre frère pèche contre vous, reprenez-le, et s'il se repent, pardonnez-lui. Et s'il pèche contre vous sept fois le jour, et que sept fois le jour il revienne à vous, et vous dise : Je me repens, pardonnez-lui.
Bible (Sacy), Évangile selon saint Luc, XVII, 3-4.
3 (…) elle avait repris ses habitudes d'avant, si vaillante d'ailleurs et si irréprochable que tous l'avaient pardonnée.
Loti, Ramuntcho, I, I.
REM. La construction pardonner quelqu'un, qui se rencontre chez quelques écrivains, est considérée par les grammairiens comme incorrecte. Cependant, la forme passive Vous êtes pardonné est admise.
3.1 L'un des délinquants fut chassé sur l'heure. Celui-ci avait été pardonné : c'était un sujet hors ligne (…)
F. Mauriac, le Nœud de vipères, I, VII.
♦ ☑ Fam. et vieilli. Dieu me pardonne ! Formule qui sert à atténuer une déclaration trop brutale ou surprenante.
4 Il s'était mis en jeune homme. Dieu me pardonne, je crois qu'il avait du rouge, il m'a paru rajeuni.
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 1052.
♦ Pardonner à qqn de faire (ou d'avoir fait) qqch. || Ils ne sauraient me pardonner de dévoiler (cit. 2) leurs impostures.
♦ Par ext. || Pardonner à qqch. || « Vous perdez le respect, mais je pardonne à l'âge » (cit. 55, Corneille). || Pardonner beaucoup à la fragilité humaine (→ Indulgent, cit. 7).
5 Pardonne, cher Hector, à ma crédulité.
Racine, Andromaque, III, 6.
c Absolt. || Pardonner. || Il pardonne facilement (⇒ Indulgent), difficilement (⇒ Vindicatif). || Qui pardonne aisément, invite à l'offenser (cit. 1). || Pardonner par grandeur d'âme, par bonté, par faiblesse (cit. 35). || « Je pardonne aisément par la raison que je ne sais pas haïr » (Montesquieu, → aussi Haïr, cit. 17, Molière). || « L'amour-propre (cit. 5) offensé ne pardonne jamais » (Vigé).
6 On pardonne tant que l'on aime.
La Rochefoucauld, Maximes, 330.
7 On peut pardonner, mais oublier, c'est impossible.
Balzac, Petites misères de la vie conjugale, Pl., t. X, p. 1033.
8 Pour savoir si la mer est indulgente et bonne,
Et parmi les sanglots dont le roc retentit
Un soir ramènera vers Lesbos, qui pardonne,
Le cadavre adoré de Sapho, qui partit
Pour savoir si la mer est indulgente et bonne !
Baudelaire, « Lesbos », les Fleurs du mal, Pièces condamnées, Pl. p. 151.
9 (…) si l'on ne peut pardonner, cela ne vaut pas la peine de vaincre. Soyons pendant la bataille les ennemis de nos ennemis, et après la victoire leurs frères.
Hugo, Quatre-vingt-treize, III, II, VII.
10 Je tâche de comprendre afin de pardonner.
Hugo, l'Année terrible, Mai, VI.
11 Il n'était point de ceux qui pardonnent, même quittes, et qui anéantissent les comptes après le règlement. Toute victoire avait dans sa bouche amère un goût morose de représaille.
A. Hermant, l'Aube ardente, XI.
2 (Sens atténué). || Pardonner qqch. à… : considérer, juger avec indulgence ou patience en trouvant des excuses, en minimisant la faute. ⇒ Admettre, excuser, supporter, tolérer. || Une grâce qui fait tout pardonner (→ Niais, cit. 1; hors, cit. 14). — Pardonner à qqn (de…). || Wilde ne pardonnait pas à Dickens d'être humain (→ Artiste, cit. 12). — « Je ne puis pardonner à Descartes… » (→ Chiquenaude, cit. 4, Pascal).
12 Je prie (…) le lecteur de me pardonner cette petite préface (…)
Racine, Britannicus, 1re préface.
13 La privation des grâces est un défaut que les femmes ne pardonnent point, même au mérite (…)
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, I, XLV.
14 Je ne pardonne point aux hommes d'action de ne pas réussir, puisque le succès est la seule mesure de leur mérite.
Flaubert, Correspondance, 429, 26 sept. 1853.
15 Ce que les hommes vous pardonnent le moins, c'est le mal qu'ils ont dit de vous.
♦ Spécialt. Accepter, considérer sans dépit, sans envie, sans jalousie. || Henri de Régnier a eu beaucoup de peine à se faire pardonner son talent (→ Micmac, cit. 1).
16 À un malheureux, gangrené de phtisie et d'envie, qui va mourir avant d'avoir eu vingt ans, le prince Muichkine, ouvrant la porte dit : « Passez le premier, et pardonnez-nous notre bonheur ».
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », III.
♦ Au pronominal. || « Nous nous pardonnons tout… » → Autre cit. 3, La Fontaine.
3 (1572). Épargner. Excepter. || La mort ne pardonne à personne (Littré). — Absolt. ☑ C'est une maladie qui ne pardonne pas, qui ne laisse aucune chance de guérison (cf. fam. Il n'y a pas de pardon). Fam. Une faute, une erreur qui ne pardonne pas, sans remède, irréparable.
17 Attention ! On a vite fait de s'accrocher avec des crampons. Marchez lentement, évitez surtout de piétiner la corde, car ça ne pardonnerait pas !
R. Frison-Roche, la Grande Crevasse, in Classe de franç., 1953-1954, p. 122.
4 (XVIe). || Pardonner qqn; pardonner qqch. à qqn. (Dans une formule de politesse ou d'atténuation). ⇒ Excuser. || Je vous prie de me pardonner si telle de mes questions vous paraît indiscrète (cit. 8). || Pardonnez-moi cette irruption (cit. 3) chez vous. || Pardonnez-moi cette expression, ce mot (→ Inconséquence, cit. 11). — Spécialt. (Pour s'excuser de contredire un interlocuteur). || Vous me pardonnerez, pardonnez-moi, mais je suis obligé de vous contredire.
18 Madame, pardonnez. J'avoue, en rougissant,
Que j'accusais à tort un discours innocent.
Racine, Phèdre, II, 5.
19 Doña Sol ! — Pardonnez ! Nous autres Espagnoles,
Notre douleur s'emporte à de vives paroles.
Hugo, Hernani, V, 6.
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se pardonner v. pron.
ÉTYM. (XVIe; « se permettre »).
1 Être pardonnable, pardonné. || Ce genre de faute ne se pardonne pas.
2 Réfl. || Pardonner à soi-même (→ Braver, cit. 8; fatal, cit. 12). — Récipr. || Se pardonner mutuellement. ⇒ Réconcilier (se). → Irrémissible, cit. 1.
20 Le mal se rend chez vous au quadruple du bien.
Les daubeurs ont leur tour, d'une ou d'autre manière (…)
Vous êtes dans une carrière
Où l'on ne se pardonne rien.
La Fontaine, Fables, VIII, 3.
21 Perfide, cet affront se peut-il pardonner !
Racine, Iphigénie, II, 5.
22 Une erreur involontaire se pardonne et s'oublie aisément.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, II, XXVII.
23 (…) je ne me pardonnerai jamais, à moi chétif enfant des muses, d'avoir été si puissant et si heureux, là où le chantre de la Jérusalem avait été si faible et si misérable.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 11.
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pardonné, ée p. p. adj.
♦ (Au sens 1). En parlant d'une chose, d'une action. || Tous les torts réciproques furent pardonnés (→ Envoler, cit. 8). || Sa faute est pardonnée. ☑ Faute avouée est à moitié pardonnée. — Allus. bibl. || « Ses nombreux péchés lui sont pardonnés… » (→ Aimer, cit. 5, Bible).
24 Les fautes de l'amour seront pardonnées. Ou plutôt, on ne fait rien de mal quand on aime seulement.
France, le Lys rouge, XIX.
♦ (Personnes). || Des coupables pardonnés.
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CONTR. Accuser, condamner, frapper, punir.
Encyclopédie Universelle. 2012.