DIVINATION
Quel que soit l’intérêt des classifications anciennes et modernes des techniques divinatoires, il convient de ne pas donner un cadre systématique trop rigide à des phénomènes encore mal connus. Il est toujours difficile, en effet, dans les sociétés primitives comme dans les civilisations de la haute époque historique, de séparer nettement les fonctions et les méthodes du magicien de celles du devin. Toute divination est liée aux fonctions complexes de l’«homme-médecine» (native doctor ), lequel est à la fois voyant, exorciste, guérisseur, interprète des songes, magicien, et capable de deviner l’agent causal naturel ou surnaturel des maladies afin de choisir un rituel prophylactique. Même si la divination «inspirée» a toujours été rattachée aux sanctuaires oraculaires et pratiquée par des membres du clergé ou des confréries religieuses en Orient et dans les civilisations gréco-romaines, l’histoire nous livre aussi maints exemples d’utilisation de techniques divinatoires «raisonnées».
Classification générale
La division platonicienne
Cicéron distingue deux genres de procédés divinatoires: d’une part, ceux qui se rapportent à la divination artificielle, «les pronostics tirés des intestins des animaux, des prodiges ou des éclairs, les prédictions des augures, des astrologues, des sorts»; d’autre part, les procédés «qui nous viennent de la nature», «les vaticinations et les songes», effets de la divination naturelle (De divinatione ). En réalité, le célèbre orateur emprunte cette classification à Platon ; on la trouve en effet dans le Phèdre , exposée par Socrate en des termes plus dignes d’intérêt pour le psychologue, l’historien et le philosophe.
Socrate déclare: «Lorsqu’elles étaient en délire, la prophétesse de Delphes et les prêtresses de Dodone ont rendu les services les plus signalés à la Grèce, tant pour le salut public que pour l’intérêt particulier; et, lorsqu’elles n’étaient pas inspirées, elles ne lui ont procuré que peu d’avantages ou, parfois, elles n’ont pas même été capables du moindre service réel.» «Les Anciens, ajoute-t-il, n’ont pas regardé le délire (mania ) comme une affection honteuse et déshonorante; car ils n’auraient point confondu sous ce nom le plus beau des arts, qui nous révèle l’avenir, et ne l’auraient point appelé manikè . Et ils se sont servis de cette dénomination parce qu’ils regardaient le délire comme quelque chose de beau lorsqu’il est causé par une influence divine; mais les hommes de nos jours, manquant de goût, ont introduit un t dans ce mot et en ont composé celui de mantikè (mantique, divination, prophétique). Au contraire, les sages, qui cherchaient à connaître l’avenir par le moyen du vol des oiseaux et d’autres signes, comme c’était à l’aide du raisonnement qu’ils donnaient à la pensée humaine (oièsis ) l’intelligence et la connaissance, ont nommé cet art oionoïstikè .»
Ce dernier terme répond à l’expression de Cicéron qui a nommé la divination raisonnée ou conjecturale, divinatio artificiosa , littéralement «artificielle». C’est ainsi que le traduit, en 1584, G. Peucer, lequel ajoute: «Ceux-là sont artistes qui, par conjecture, trouvent quelque chose de nouveau et, par diligente recherche, connaissent ce qui s’est fait avant eux.»
La division platonicienne des procédés divinatoires semble naturelle à l’esprit humain. Elle s’est imposée aussi spontanément aux indigènes de la vallée du Kasaï, lesquels distinguent, selon Fourché et Morlighem, la divination à l’état de veille, Lubuku , de l’inspiration à l’état de transe, Tschilumbu . Aujourd’hui, les noms ont changé mais ces catégories logiques demeurent. Les historiens des religions et les ethnologues modernes continuent d’utiliser une division commode: la divination intuitive ou inspirée; la divination inductive ou raisonnée. À la première se rapportent l’oracle, la prophétie, l’oniromancie, c’est-à-dire la divination par les songes; à la seconde, les sorts, la divination par les êtres animés (animaux, hommes, plantes, arbres) ou inanimés (terre, feu, air, eau, objets divers, nombres, lettres), enfin par les astres, les images, la météorologie et les jours.
Classifications modernes
La classification de l’Encyclopædia Britannica présente des éléments nouveaux qui méritent d’être rappelés. Elle distingue les méthodes internes, conditionnées par un changement d’état de conscience chez le devin, des méthodes externes, dans lesquelles on procède par induction à partir de faits extérieurs. Aux méthodes internes se rattachent les procédés sensoriels, par exemple la divination par la boule de cristal, les automatismes moteurs, l’écriture automatique, la baguette divinatoire, la divination par le crible (cosquinomancie), par un anneau suspendu ou par une clef (cléidomanie), l’oracle en état de transe, et enfin les impressions mentales, notamment les rêves et l’oniromancie. Aux méthodes externes se rapportent la consultation par les sorts, les dés, les osselets, les noix de coco (Polynésie), la divination par les viscères des animaux (haruspicine, extispicine), les augures, les présages, l’astrologie.
On peut critiquer cependant cette classification dans la mesure où, par exemple, elle considère la chiromancie et la cartomancie comme des méthodes divinatoires internes dépendant d’impressions mentales, analogues à l’oniromancie et où elle ne distingue pas nettement les oracles des prophéties. On doit à G. Le Scouézec une classification mieux adaptée aux faits historiques et aux procédés connus. Il distingue cinq groupes de techniques divinatoires.
– Il y a d’abord le prophétisme qui se définit comme «une divination par intuition pure à l’état de veille»; l’auteur le nomme «chresmologie de veille». Cette forme représente l’aspect «le plus intuitif, le plus purement interne» de la divination.
– Le deuxième groupe comprend tous les procédés fondés sur un état hypnique ou hallucinatoire, obtenu de diverses manières, soit par le sommeil, naturel ou artificiel, soit par la transe, qu’elle soit provoquée par des moyens physiques et sensoriels, comme la fixation d’un objet brillant: cristallomancie, hydromancie (divination par l’eau), catoptromancie (divination par le miroir), soit par ingestion, inspiration ou injection d’un produit hallucinogène (pharmacomancie). Le Scouézec nomme ce deuxième groupe de mantiques la «chresmologie hallucinatoire» et, à juste titre, il le distingue du prophétisme.
– Il classe ensuite sous le nom de «divination mathématique», les procédés «savants» tels que l’achilléomancie chinoise (divination par les tiges d’achillée), la géomancie et ses formes africaines, l’astrologie et l’arithmomancie (divination par les nombres).
– Le quatrième groupe comprend sous le nom de «mantique d’observation» la divination par l’état, le comportement et les actes instinctifs des hommes, des animaux, des végétaux, ou bien par les modifications des objets et des êtres inanimés, l’haruspicine, l’extispicine, la divination fulgurale et la radiesthésie.
– La dernière catégorie, celle des «systèmes abacomantiques» (du grec abax , «table à calcul») est constituée par les sorts et par les présages dont la tradition ou des tables de référence fixent l’interprétation divinatoire. Mais l’un des meilleurs moyens de comprendre les techniques divinatoires consiste dans l’étude du statut social du devin.
Le statut du devin et les techniques de l’écriture
Savant intermédiaire entre les connaissances «inférieures» de l’humanité et les puissances «supérieures» de la divinité, le devin traditionnel fait porter son interrogation sur toutes les formes possibles de la présence du sacré dans les messages déchiffrables de l’univers. Aussi, dans les grandes civilisations antiques, la divination et le personnel divinatoire dépendent-ils du pouvoir royal et se rattachent-ils aux traditions sacerdotales. Les devins spécialisés, même s’ils n’étaient pas toujours considérés comme membres du clergé, demeuraient attachés au service de la royauté. Aux Indes, le chapelain royal (purohita ), prêtre-brahmane, spécialiste de la science des signes, conseillait la monarchie. En Chine, la charge de devin par l’écaille de tortue constituait une dignité héréditaire de la cour impériale, la divination étant pratiquée au nom du roi. En Mésopotamie, selon les archives de Mari, le devin participait aux opérations militaires qui tenaient compte de ses présages dans la mesure où ils exprimaient les desseins des divinités tutélaires.
Recueillir et déchiffrer les signes
Techniquement, la consultation divinatoire impliquait, dans la plupart des cas, une récitation de prières ou de formules adressées aux dieux ou aux génies qui pouvaient favoriser l’observation, la recherche et l’interprétation des signes, selon un code traditionnel. L’importance attachée à l’écriture par les civilisations mésopotamiennes explique assez clairement la formation d’un système déchiffrable de l’univers dans lequel tout ordre, en principe, répondait à une cohérence des signes entre eux, à des messages analogiques qui pouvaient être lus et, par là, découverts et compris par le devin, selon des méthodes éprouvées par l’expérience des scribes chargés de conserver «les paroles sacrées des dieux». L’origine divine des signes du présage est bien attestée dans la littérature akkadienne. C’est le dieu Shamash qui donne à lire les messages qu’il écrit sur le foie du mouton. À l’époque néo-babylonienne et séleucide, l’idéogramme qui désignait le «prêtre» fut utilisé à la place de la graphie traditionnelle du nom du «scribe». Ces scribes étaient les descendants des anciens exorcistes, et, comme les lettrés babyloniens depuis cette époque, ils étaient attachés aux temples. De même, dans l’Égypte hellénisée, les devins spécialisés étaient, le plus souvent, des interprètes de la littérature mystico-magique attribuée à Hermès Trismégiste et comptaient parmi eux des scribes d’Alexandrie.
À l’origine de l’esprit scientifique
Comme elle l’a fait dans la formation des alphabets et des écritures, chaque civilisation antique a élaboré son propre système de signes divinatoires en fonction d’une culture donnée. Ces indices, permettant de classer et d’ordonner les faits observés, constituèrent les premiers moyens du développement de l’esprit scientifique. À l’occasion de la XIVe rencontre assyriologique internationale, L. Oppenheim, s’appuyant sur les textes de la littérature astrologique babylonienne, pensa pouvoir affirmer que le «devin-examinateur» était un savant et la divination inductive et raisonnée une science. Au moins est-on en droit de constater que la recherche systématique d’un ordre récurrent dans les événements naturels, même s’il ne répond point à notre logique scientifique, a contribué à substituer la réflexion sur le langage divinatoire à une accumulation d’observations empiriques sans relations mutuelles.
L’extension quantitative du matériel de références écrites nécessaires à la consultation du devin néo-assyrien peut donner quelque aperçu de l’importance de ces collections de documents. Le principal recueil sur la divination, le Bârutu , était composé de dix parties dont chacune comportait une dizaine de tablettes sur lesquelles étaient écrits, en moyenne, un millier de présages, à raison d’une centaine pour chaque tablette. L’ensemble constituait ainsi une somme divinatoire qui ne comptait pas moins de dix mille sentences. On imagine aisément les difficultés de transport d’une telle collection. Aussi en avait-on extrait des morceaux choisis, adaptés à l’apprentissage des élèves à l’usage des devins itinérants qui accompagnaient les armées.
L’écriture des dieux et celle des hommes
Les remarquables recherches archéologiques de M. Jean Nougayrol sur la divination babylonienne ont précisé récemment l’ampleur, l’échelonnement, la complexité et l’extrême diversité de cette documentation cunéiforme. Elle montre quelle place capitale les techniques divinatoires ont tenu pendant plus de vingt siècles dans la civilisation mésopotamienne. M. Nougayrol a souligné, en particulier, les rapports étroits de l’écriture avec les systèmes de signes divinatoires. «Les Mésopotamiens, dit-il, n’ont jamais cessé d’être frappés par l’importance décisive que l’écriture avait eue pour le développement de leur culture et son rayonnement. Ils jugeaient sans doute que les dieux, intelligences suprêmes, devaient disposer, de leur côté, d’une écriture à leur échelle quand ils souhaitaient communiquer leurs décisions aux hommes. La tablette divine ne pouvait être que la création dans son ensemble et, plus particulièrement à partir d’une certaine époque, le ciel constellé, tandis que le dieu-Soleil, pour sa part, continuait d’inscrire ses volontés «dans le ventre du mouton».
Cependant, la lecture du signe divinatoire n’était jamais abandonnée aux caprices de l’interprétation individuelle ni subordonnée à des correspondances symboliques d’ordre général dispensant le devin mésopotamien de recourir à la consultation des anciens présages. «Le fait de base, observe M. Nougayrol, est la sentence traditionnelle [...]. Rien, absolument rien, ne dispense de connaître la tradition, c’est-à-dire l’«expérience antérieure». Ce caractère fondamental de la divination inductive dans les sociétés de type traditionnel implique ainsi non seulement un apprentissage mais aussi une initiation à la lecture des textes de référence grâce à des commentaires oraux. Comme ces derniers n’ont pas été conservés par la tradition écrite, il est difficile de préciser le sens des termes techniques dont les spécialistes ne pouvaient se passer pour décrire, par exemple, l’anatomie superficielle d’un foie de mouton ou certains phénomènes célestes. À ces lacunes s’ajoute, en Mésopotamie, l’absence à peu près complète de représentations figurées de l’acte divinatoire et même d’instruments identifiables de façon certaine. L’iconographie assyro-babylonienne compte peu d’images de la vie quotidienne, à l’exception de scènes guerrières, et la divination ne figure pas dans celles qui ont été découvertes.
Intuition et induction
Il importe, au moins, de souligner que la divination inductive et méthodique l’a emporté de beaucoup chez les Babyloniens sur la divination intuitive et inspirée, si fréquente, au contraire, en d’autres civilisations.
On constate le même fait dans la civilisation chinoise ancienne où le développement des techniques divinatoires raisonnées et artificielles forme un contraste assez évident avec une indifférence générale à l’égard du prophétisme. M. Granet a rappelé justement qu’en Chine, «le Souverain d’en haut, création savante de la mythologie politique, n’a qu’une existence littéraire...». Le sentiment du sacré a joué, dans la vie chinoise, un grand rôle mais les objets de la vénération n’y étaient point les dieux. C’étaient, pour les confucéistes et pour les taoïstes, les sages et les saints, pour le peuple, les savants, les inventeurs et les chefs. La mythologie chinoise, comme la mythologie babylonienne, est essentiellement héroïque. On voit ainsi pourquoi les personnages du héros et du prophète reflètent une contradiction et une complémentarité que l’on retrouve, à d’autres niveaux, entre des civilisations sédentaires, fondées sur le sentiment permanent d’une harmonie préétablie entre l’ordre social et l’ordre cosmologique, et des civilisations nomades, où le sens du sacré exigeait une quête perpétuelle des messages divins et de leurs révélations mystérieuses. Les techniques divinatoires impliquent ainsi un choix décisif entre l’Écriture et la Parole. Selon qu’elles sont principalement inductives ou intuitives, elles contribuent à faire mieux connaître les structures logiques et les vocations diverses des grandes civilisations antiques. Dans l’expression même de leur attitude à l’égard des énigmes de leur destinée, ces civilisations révèlent l’essentiel de leur culture et des mythes qui répondent à leurs désirs et à leurs besoins collectifs les plus constants et les plus profonds.
Les techniques divinatoires inductives
C’est probablement à la civilisation préhistorique de la chasse qu’il faut faire remonter les plus anciennes techniques divinatoires connues, celles qui se rapportent à l’extispicine, c’est-à-dire à l’examen des viscères afin d’y découvrir des messages prémonitoires, procédé pratiqué en Mésopotamie dès le IIIe millénaire avant l’ère chrétienne. Il importe, en effet, de rappeler que l’on ne possède pas de témoignages d’utilisation d’oracles et de prophéties, c’est-à-dire de techniques divinatoires intuitives dans l’Égypte pharaonique avant Touthmosis III et Hatshepsout, vers 1500 av. J.-C., alors que la pratique archaïque de l’extispicine mésopotamienne est attestée par des prédictions se rapportant à Sargon d’Akkad (2334-2279).
Le Zodiaque n’apparaît en Égypte qu’au IIIe siècle avant l’ère chrétienne (ostracon démotique de Strasbourg, no 521) et il n’est entièrement constitué à Babylone qu’au IVe siècle avant notre ère. En fait, les horoscopes proprement dits sont extrêmement rares en Mésopotamie et la plus ancienne date que l’on puisse attribuer à un exemplaire isolé n’est pas antérieure à 410 av. J.-C. On peut remarquer que, dans l’ancien Israël, l’astrologie, la «science des Chaldéens», probablement de source hellénistique, conserva le caractère d’une science étrangère et suspecte. Les rabbins insistent sur le fait que si l’astrologie permet de prédire le destin des nations, Israël échappe à cette loi, car, disent-ils, «il n’y a pas pour Israël de mazzâl », c’est-à-dire de destinée fixée par les astres. Certains docteurs admettaient toutefois la validité des prédictions astrologiques individuelles. Rabba enseignait que «la vie, les enfants, la prospérité ne dépendent pas de la piété, mais du mazzâl » (Mo’ed Qaton , 28 a). En revanche, Rabbi Akiba affirme que, même pour un simple Israélite, le mazzâl n’est pas irrévocable. Il en donne pour exemple sa propre fille. Les Chaldéens lui avaient prédit qu’elle mourrait le jour de ses noces, victime d’une morsure de serpent. Le jour venu, elle découvrit un serpent caché dans sa chambre et elle le tua. Elle avait été délivrée en effet de la mort par un acte de charité accompli auparavant (Shabbat , 156 b). Ces contradictions dont on pourrait citer d’autres exemples suffisent à montrer que la «science des Chaldéens» ne paraît pas avoir pénétré chez les Juifs au temps de la captivité de Babylone. Seul, le livre de Daniel révèle la connaissance de quelques symboles astrologiques.
Dans l’Iran ancien, l’Avesta ignore l’astrologie et celle-ci n’est pas antérieure, en Asie Mineure, au IIe siècle avant notre ère. En Grèce, la divination astrologique est inconnue avant l’époque hellénistique et son expansion date de la fusion qui s’opéra entre la culture grecque et les cultures orientales, après les conquêtes d’Alexandre. En revanche, la divination étrusque et romaine a fait une part considérable aux techniques inductives et raisonnées de l’extispicine dont les sources assyro-babyloniennes sont incontestables. L’influence des astrologues chaldéens à Rome a été bien plus tardive et leur importance sociale ne peut pas même être comparée à celle des haruspices.
L’extispicine
Cette technique, attestée dès l’époque sumérienne en Mésopotamie, se développa dans toute son ampleur au IIe millénaire avant l’ère chrétienne. Un ritualisme strict et minutieux accompagnait chaque geste du devin qui procédait à l’examen des viscères des agneaux sacrifiés, principalement du foie, de la vésicule biliaire, des poumons et des intestins.
Une symbolique complexe
L’haruspice appliquait successivement à cette analyse l’observation de la présence ou de l’absence d’un élément de base; de sa situation (droite ou gauche, en haut ou en bas); de son état (bon ou mauvais, sec ou humide); de sa position (droite ou penchée par rapport à la norme ou relativement à un autre élément); de sa couleur (claire, sombre, noire, rouge, vert-jaune, blanche); de son nombre (unique, double, triple).
Après cet examen des «parties constitutives», le devin recherchait les «marques fortuites», au sein d’un ensemble précis ou d’une zone déterminée. La valeur de présage du signe changeait du tout au tout, selon sa situation. Même s’il était favorable en soi, on le jugeait bon pour le client du devin si le signe se trouvait à droite et favorable pour son ennemi s’il était situé à gauche.
Dans le recueil Bârutu , précédemment cité, on indique certains aspects de cette symbolique qualitative: «Longueur (de l’élément observé) = réussite (dans l’avenir); mobilité et liberté = réussite; abondance = renommée; protubérance = renommée; pointe = victoire; épaisseur = force; ampleur = valeur; grandeur = rivalité; attachement = assise ferme, etc.» «Si la Présence, longue, atteint le Chemin: le prince réussira dans la campagne entreprise.» Cette sentence signifiait que la ligne du foie, dénommée «la Présence» pouvait, dans les cas favorables, atteindre un autre sillon hépatique appelé «le Chemin». Les autres parties ou zones des viscères portaient aussi des noms symboliques. La vésicule biliaire, «l’Amère», fut appelée antérieurement «le Berger» et le troisième lobe caractéristique du foie de mouton, «le Doigt». La «face stomacale» du foie comportait, par exemple, «le Creuset», «le Fort», «la Porte du palais» (l’incisure ombilicale), «le Fondement du trône» et «la Paix» (la vésicule lymphatique).
Le principe de base de la division des signes attribuait la droite «à ce qui est mien», la gauche «à l’ennemi». On admettait que deux marques analogues se confirment tandis qu’une troisième renverse le pronostic, d’où l’axiome des haruspices: «À trois, cela change.»
Toutefois, l’extispicine pouvait revêtir deux formes bien distinctes. Tantôt, le devin recherchait sur les viscères quelque message spontané des dieux, pouvant se rapporter à n’importe quel événement; tantôt, on sacrifiait la victime dans une intention précise afin d’obtenir une réponse limitée à la question posée. Dans ce dernier cas, on ne se bornait plus à relever un ou deux signes importants; il fallait étudier successivement toutes les parties des viscères. On obtenait ainsi un tableau de dix à vingt signes dont on retenait seulement la valeur favorable ou défavorable. Si les signes fastes l’emportaient nettement, le dieu consulté répondait «oui». S’il faisait connaître au contraire son refus, le consultant pouvait ou bien renoncer à sa décision ou bien provoquer un «contre-examen» et demander une nouvelle consultation, en espérant que la divinité se laisserait fléchir. Dans certains cas, il arrivait, nous dit un texte, que «le prince manquât d’agneaux pour ses consultations».
Une science sacerdotale
Comme le devin babylonien, l’haruspice étrusque tenait compte de la «Présence» du dieu. Une maquette d’un foie, en terre cuite, découverte à Faléries, montre sur son lobe gauche un sillon léger qui, en Balylonie, indiquait et concrétisait la présence divine. On sait qu’en 1877 fut trouvée près de Plaisance une maquette hépatoscopique en bronze, d’une importance archéologique considérable. La face convexe du foie est divisée en deux lobes portant les noms étrusques du Soleil et de la Lune, séparés par la ligne d’une orientation nord-sud. Sa face concave compte des cases intérieures, également orientées; seize cases extérieures, sur le pourtour du foie, contiennent des noms de divinités qui se rapportent aux divisions cardinales selon lesquelles les Étrusques partageaient les influences du Ciel.
Ainsi chaque élément constitutif du foie divinatoire était-il situé sous la dépendance d’un dieu, favorable ou hostile, selon sa place dans l’ensemble qui représentait, symboliquement, un templum microcosmique, analogue au grand Temple céleste. Le foie était considéré par les Anciens comme le siège et l’organe du feu de la vie. Au moment où montait vers les sièges des dieux, répartis dans le Ciel, la flamme invisible du sacrifice, la nature ordinaire de l’organe animal changeait dès cet instant sacré. Le foie se faisait alors miroir et réflétait, dans son ordre particulier, la lumière de l’harmonie éternelle et universelle. La présence du dieu y devenait image et réalité. Aussi le devin étrusque, haruspex , était-il à la fois théologien et prêtre et l’extispicine devint en Étrurie comme à Rome une science sacerdotale.
Les techniques astrologiques
Le thème de naissance
L’histoire de cette science traditionnelle a été exposée dans l’article ASTROLOGIE. Il convient de traiter ici brièvement de ses techniques divinatoires qui se sont développées en Mésopotamie longtemps après celles de l’extispicine. Elles comportent plusieurs opérations successives: la première consiste dans l’établissement du thème de naissance, appelé actuellement horoscope, qui représente l’état géocentrique de la voûte céleste, ou du moins de l’écliptique, au-dessus et au-dessous de l’horizon, à l’heure et au lieu d’une naissance. Cette «carte du ciel» comporte la localisation précise de deux groupes d’éléments primordiaux; les signes du Zodiaque et les planètes. Elle détermine les positions et les relations angulaires diverses de ces planètes entre elles et avec douze secteurs de l’horoscope, distincts des signes du Zodiaque, les maisons astrologiques , relations nommées aspects . Elles permet enfin de prévoir par quatre méthodes principales les modifications de ces relations mutuelles au cours du temps, par les directions astrologiques, les transits des planètes sur les points sensibles de l’horoscope, les révolutions solaires et les révolutions lunaires .
On voit, par ces indications, que quatre séries de facteurs fondamentaux interviennent constamment dans les techniques de l’interprétation astrologique: signes, planètes, maisons, aspects. Les signes sont au nombre de douze. Ce sont dans l’ordre, et occupant chacun trente degrés du Zodiaque: le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, la Balance, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne, le Verseau, les Poissons. Les planètes, dans l’astrologie traditionnelle, étaient au nombre de sept: les deux «luminaires» – le Soleil et la Lune – Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne. Les astrologues modernes tiennent compte de trois planètes nouvelles: Uranus, Neptune et Pluton. Les maisons répondent à une division de la voûte céleste en douze secteurs et la première commence toujours au-dessous de l’horizon oriental en un point précis du Zodiaque, selon l’heure et le lieu de naissance, et qui, nommé ascendant , détermine à proprement parler, l’horoscope lui-même. Les aspects sont des positions mutuelles que peuvent prendre entre elles deux planètes ou bien des planètes avec la position des maisons, selon le nombre de degrés qui les séparent sur l’écliptique. On distingue les aspects majeurs – la conjonction (00), le sextile (600), le carré (900), le trigone (1200), l’opposition (1800), – des aspects mineurs : le semi-sextile (300), le semi-carré (450), le sesqui-carré (1350), le quinconce (1500). On considère que certains de ces aspects sont favorables et d’autres défavorables, mais cette interprétation doit être nuancée car, dans certains cas, elle dépend des autres éléments du thème de naissance.
L’établissement de l’horoscope
Quatre opérations permettent d’établir un horoscope quand on connaît l’heure légale de la naissance donnée par l’état civil. On calcule l’heure locale qui a varié selon l’heure légalement en usage en France depuis le 14 mars 1891, et qui change selon la distance entre le lieu de naissance et le méridien considéré, de Paris ou de Greenwich. On transforme ensuite cette heure locale en heure sidérale ou ascension droite du méridien, angle que forme le méridien avec le point vernal, au centre de la Terre et dans le plan de l’équateur céleste. Le temps sidéral à midi moyen, pour chaque jour, est donné, d’ailleurs, par les éphémérides. Connaissant l’heure sidérale, on calcule son rapport avec l’heure de la naissance et l’heure locale. On peut établir ensuite la domification , localisation zodiacale des maisons de l’horoscope, laquelle est donnée par les éphémérides selon la latitude du lieu de naissance. À partir de ces éléments, on construit le thème ; on y reporte la position des planètes à l’heure de la naissance; on y trace les lignes des douze maisons ainsi que les aspects des planètes. Enfin, l’horoscope achevé, on peut aborder la partie la plus difficile des opérations astrologiques: l’interprétation.
En effet, l’établissement d’un horoscope est analogue à la composition d’un paysage symbolique. Avec de la patience, n’importe qui est capable de procéder aux calculs préliminaires. En revanche, un grand astrologue est encore plus rare qu’un grand musicien ou qu’un peintre de génie et, en dehors de ses dons exceptionnels, il lui faut consacrer des dizaines d’années à l’étude exclusive de son métier et de ses traditions symboliques. C’est assez dire quelle imposture représente l’astrologie commerciale contemporaine. André Breton, qui connaissait fort bien ces problèmes, a répondu de façon parfaite, en avril 1954, à la question: «Estimez-vous l’astrologie?» «C’est, à mon regard, a-t-il dit, une très grande dame, fort belle et venue de si loin qu’elle ne peut manquer de me tenir sous le charme. Dans le monde purement physique, je n’en vois pas dont les atours puissent rivaliser avec les siens. Elle me paraît, en outre, détenir un des plus hauts secrets du monde. Dommage qu’aujourd’hui – au moins pour le vulgaire – trône à sa place une prostituée.»
Et, comme on lui demandait si l’astrologie «pouvait être considérée comme un mode de développement objectif des pouvoirs poétiques de l’homme», André Breton précisa: «Tant que les astrologues scrutant réellement le ciel nocturne, se sont laissé imprégner de tout ce qui en émane pour en rapporter les scintillations à la nuit de l’existence humaine, oui, tous les pouvoirs poétiques étaient mis en jeu. Depuis l’apparition des éphémérides – si pratiques et, qui mieux est, n’est-ce pas, à la portée de tous! – je doute qu’ils les gardent en main.»
La géomancie
Une aire de diffusion considérable
Aussi peu connue du grand public que l’extispicine, la géomancie – 塚兀, la terre, 猪見益精﨎晴見, la divination –, à la différence de l’astrologie et de la cartomancie, a conservé, depuis la plus haute antiquité, des traditions divinatoires à peu près intactes et d’un profond intérêt pour l’histoire universelle des civilisations. Son aire de diffusion a été considérable puisqu’on la retrouve en Extrême-Orient, aux Indes, à Madagascar, en Afrique et en Amérique du Sud, comme à Byzance et en Europe où, à l’époque médiévale, on lui reconnaissait encore assez d’importance et de valeur pour justifier son enseignement en diverses universités, principalement à Padoue.
On attribue généralement aux Arabes son développement et son expansion. En revanche, on ne sait rien de précis sur son origine véritable. Peut-être n’a-t-on pas attaché toute l’attention nécessaire à la pratique de cette divination chez les Pygmées qui sont mentionnés, cependant, par le géomancien de Madagascar, parmi les maîtres qu’il invoque avant ses opérations.
On notera également que les techniques divinatoires qui procèdent par une progression de quatre (huit, seize, trente-deux, soixante-quatre) semblent plus anciennes que celles qui se rapportent à une progression de trois (six, douze, vingt-quatre). Les unes, selon le symbolisme traditionnel, se réfèrent au carré ou à la Terre; les autres, au cercle ou au Ciel. La géomancie, comme la divination chinoise par le Yijing paraît se rattacher à des cultes chthoniens dont le sens et la portée demeurent encore inconnus mais qui pouvaient avoir quelque relation aves des rites de fertilité. Le nom donné par les Arabes à la géomancie Zarb el Raml , traduit en grec de Byzance par Krouein to Ramlion , signifie littéralement «frapper le sable», et cet acte, traditionnellement, devait s’effectuer avec le médius dont on connaît le symbolisme phallique universel. Il s’agit d’une opération rituelle d’ouverture de la «terre-mère» et l’on sait quels dangers magiques redoutables représentait ce rite dans les sociétés primitives.
Procédé divinatoire chez les Sara
On se reportera, de préférence, aux recherches fondamentales de R. Jaulin si l’on désire avoir quelque aperçu de l’analyse structurale de la géomancie, telle qu’elle est encore pratiquée dans la région du Tchad chez les Sara. Ce procédé divinatoire est constitué par la formation de seize figures distinctes qui correspondent à des arrangements, par groupes de quatre, de deux signes, pair ou impair. L’interprétation repose sur l’association de deux groupements de ces seize figures: l’un deux est donné par le hasard et l’analyse combinatoire montre qu’il peut compter 65 535 exemplaires particuliers; l’autre est un étalon qui sert de canevas fixe et qui présente un tableau ordonné des seize figures radicales. Le premier est considéré comme le système «en activité», le second, comme le système «au repos».
Le géomancien, se servant généralement du majeur de la main droite, trace quatre lignes parallèles formées de huit à quinze points dans le sable, rapidement et sans les compter. Afin de laisser au hasard la détermination de cette série de points, il arrive souvent que le devin demande à un assistant quelconque d’effectuer cette première opération. On compte alors les points de telle manière qu’en fin de ligne il n’en reste qu’un ou deux. On obtient ainsi une première figure composée de haut en bas d’une combinaison variable de quatre éléments, pairs ou impairs, superposés. On répète quatre fois cette opération qui produit les quatre figures appelées «mères» que l’on place de droite à gauche, par ordre de formation.
À partir de là, deux opérations permettent d’obtenir les autres éléments du thème divinatoire. Par transposition verticale de la première ligne horizontale des quatre «mères», on obtient une cinquième figure, la première «fille», et, successivement, les trois autres, par le même procédé. On dispose alors ce deuxième tableau d’ensemble à gauche du premier.
Par addition des points des deux premières «mères», on produit une somme, paire ou impaire, ligne à ligne, et l’on forme ainsi la neuvième figure. Les deux «mères» suivantes composent la dixième; les deux premières «filles», la onzième; les deux «filles» suivantes, la douzième. On nomme ces quatre nouvelles figures les «nièces» des précédentes. Par addition des deux premières «nièces», on obtient le «Témoin droit» puis, avec les deux suivantes, le «Témoin gauche», treizième et quatorzième figures, qui, de nouveau par addition forment le «Juge». Cette quinzième figure est combinée, par le même procédé, avec la première «mère» et l’on obtient, enfin, la seizième et dernière figure du thème. On voit ainsi que ces seize éléments sont obtenus à raison de quatre par tirage au sort, quatre par transposition et huit par addition. Chacun d’eux occupe une position particulière dans seize cases du thème, appelées «maisons», parmi lesquelles douze ont été assimilées à celles de l’astrologie, probablement à une époque assez tardive.
En fait, les géomanciens africains ne tiennent compte primitivement que de la comparaison du thème ainsi obtenu avec le système étalon, dit «au repos», et connu à l’avance, comme on peut rapporter une expression du réel, divers mais limité, à un ordre référentiel, unique et matriciel.
Dans la tradition occidentale, les seize figures, au repos, ne correspondent pas à celles de la tradition orientale. Par exemple, Guillaume de Meerbeke, dans son traité manuscrit de géomancie, composé vers 1347 à Cambridge, assimile entièrement les seize figures de la géomancie aux douze signes astrologiques, en attribuant deux figures au Taureau, aux Gémeaux, à la Vierge et au Scorpion.
Géomancie et société
Ces confusions entre les deux systèmes ont pertubé, en grande partie, l’observation des techniques divinatoires géomantiques en Occident. En revanche, grâce à ses observations directes en Afrique, R. Jaulin, par l’analyse d’une figure «radicale» nommée El Jam ’a «l’Assemblée», a précisé son importante signification historique et sociologique. L’époque à laquelle apparut la géomancie en Afrique et en Perse correspondait à celle de la sédentarisation des grands clans nomades vainqueurs. Par leurs alliances, ils dominèrent les populations vaincues et formèrent des cités. L’endogamie de clan tendait alors à disparaître au profit d’une exogamie des clans ou des sous-groupes de la nouvelle cité. Le refus de l’alliance nouvelle impliquait ainsi le retour à la vie nomade, la dispersion. R. Jaulin a vu dans «l’Assemblée» et dans la situation de cette figure dans le système géomantique une correspondance symbolique entre l’ensemble ordonné des valeurs divinatoires et la situation sociale créée par la nouvelle distribution des tribus et des groupes islamisés. Le contraire de l’union par alliance est la dispersion. Or, précisément, la figure opposée à «l’Assemblée» est la «Route», Tariq , le retour à la voie du nomade, la plus pauvre figure du système géomantique entier, et qui, en quelque sorte, exclut tout échange.
«Tout se passe, conclut R. Jaulin, comme si la structure du système divinatoire n’était pas seulement un objet abstrait de pensée permettant de comprendre le réel, mais comme si les structures de l’un et de l’autre – le système et le réel – n’en faisaient qu’une, concrète et précise.»
Ce jugement permet de considérer non seulement la géomancie mais aussi les principales techniques divinatoires traditionnelles comme des inventaires constitués de jugements, de faits et de valeurs relatifs aux événements fondamentaux, aux opérations logiques et aux échanges matériels, psychologiques et spirituels d’une culture. La réflexion sur le contenu du langage divinatoire, tel que l’expriment ses multiples procédés dans l’histoire des civilisations, est capable de nous apprendre non pas à connaître l’avenir mais, ce qui compte davantage, à mieux comprendre les limites de la conscience possible du devin et du savant dans les structures d’une société donnée.
divination [ divinasjɔ̃ ] n. f.
• XIIIe; lat. divinatio → deviner
1 ♦ Action de découvrir ce qui est caché par des moyens qui ne relèvent pas d'une connaissance naturelle. ⇒ devin; astrologie, magie, mantique, numérologie, occultisme, spiritisme; -mancie. Divination de l'avenir. ⇒ oracle, prédiction, prophétie, révélation, vaticination, voyance. Les anciens pratiquaient la divination par l'interprétation de signes (divination artificielle) ou par communication directe avec la divinité (divination spontanée). ⇒ 2. augure. Divination par les cartes (⇒ cartomancie) , le marc de café. « Des divinations par les songes, des sortilèges » (Pascal). ⇒ oniromancie.
2 ♦ Faculté, action de deviner, de prévoir. ⇒ clairvoyance, intuition, prescience, sagacité; conjecture, hypothèse, prévision. « Dans un tel effort pour faire revivre les hautes âmes du passé, une part de divination et de conjecture doit être permise » (Renan).
● divination nom féminin (latin divinatio, -onis) Art de prédire l'avenir par l'observation et l'interprétation de certains phénomènes. Sorte de prévision instinctive ; intuition : Par une sorte de divination, il ne prit pas l'avion ce jour-là. ● divination (synonymes) nom féminin (latin divinatio, -onis) Art de prédire l'avenir par l'observation et l'interprétation de certains...
Synonymes :
- magie
Sorte de prévision instinctive ; intuition
Synonymes :
- prémonition
divination
n. f.
d1./d Art de deviner l'avenir par l'interprétation des présages. Les Romains recouraient à la divination dans leurs affaires publiques et privées.
d2./d Faculté de deviner le futur, d'expliciter des pressentiments.
⇒DIVINATION, subst. fém.
A.— [Correspond à deviner A]
1. Art de deviner, de découvrir ce qui est ignoré ou caché en sortant des voies ordinaires de la connaissance par le recours à des procédés occultes, à des pratiques magiques; en partic., art de prédire les événements futurs. La divination des Étrusques était un art de surprendre aux dieux la connaissance des intérêts de la terre (MICHELET, Introd. Hist. univ., 1831, p. 433). L'astrologue de la cour (...) offre l'aide de la divination et des charmes, pour trouver les mines inconnues et les trésors enfouis (NERVAL, Sec. Faust, 1840, p. 199) :
• 1. ... la magie, l'alchimie, la divination par les astres, par les songes, par l'évocation, coexistent dans plus d'un esprit avec la culture classique la plus limpide et la discipline des sciences exactes.
VALÉRY, Variété V, 1944, p. 266.
SYNT. Procédé de divination; divination par les cartes (cartomancie), par les astres (astrologie), par l'inspection de la main (chiromancie), par le vol des oiseaux (ornithomancie), par l'inspection des entrailles des animaux sacrifiés, par les sorts, par l'eau, par les flammes; pratiquer la divination.
— P. méton.
a) Cette forme de connaissance. Art, don de la divination.
b) Pratique de divination :
• 2. ... une conscience toute moderne [Hugo] tente de retrouver, par une sorcellerie évocatoire, les dons et les divinations que l'humanité primitive posséda, mais qu'elle a perdus.
BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve, 1939, p. 376.
2. Faculté de deviner :
• 3. ... il [Étienne] avait trouvé de mystérieuses correspondances entre ses émotions et les mouvements de l'Océan. La divination des pensées de la matière dont l'avait doué sa science occulte, rendait ce phénomène plus éloquent pour lui que pour tout autre.
BALZAC, L'Enfant maudit, 1831-36, p. 386.
3. Action de deviner :
• 4. ... la divination était commencée depuis quelques minutes, car déjà plusieurs dames, à qui la bohémienne avait méchamment raconté le passé au lieu de l'avenir, étaient retournées un peu décontenancées à leur place...
GOZLAN, Le Notaire de Chantilly, 1836, p. 145.
— Spéc., dans le domaine parapsychol. [Correspond à deviner A spéc.] :
• 5. ... ses expériences (...) comprenaient 14 000 essais de divination de cartes à jouer et de boules de loto tirées au hasard d'un sac. Les conclusions du professeur de Stanford sont négatives. (...) « on n'a trouvé aucune trace de transmission objective de la pensée ».
AMADOU, La Parapsychologie, 1954, p. 147.
B.— [Correspond à deviner B]
1. Action de deviner. Comme le dit très-bien le citoyen Volney, la lecture est une divination perpétuelle (DESTUTT DE TR., Idéol., 1803, p. 316). Le tact (...) se définira souvent comme une divination de l'à-propos (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 129) :
• 6. ... l'inverti dépiste l'inverti avec une rapidité et une sûreté presque infaillibles. Il peut se tromper un moment mais une divination rapide le remet dans la vérité.
PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 921.
— Résultat de cette action. Je m'arrêtai une seconde et Andrée, avec une divination charmante, me laissa causer un instant avec les feuilles de l'arbuste (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 922) :
• 7. ... de là cette curiosité inquiète avec laquelle chacun scrute sans cesse l'âme d'autrui; de là, ces surprenantes divinations, ces pressentiments, cette lucidité, ce don surnaturel de pénétration...
SARRAUTE, L'Ère du soupçon, 1956, p. 37.
♦ Avoir des divinations; donner (à qqn) la divination de qqc.; acquérir une divination de qqc. Des lueurs anciennes remontaient dans l'esprit du jeune homme, lui donnaient la divination des choses entendues (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 74) :
• 8. ... voyageant, parlant peu, mais regardant beaucoup, il avait acquis une divination du visage féminin, cette langue riche et complexe que des siècles ont formée.
ROLLAND, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, p. 1514.
2. Faculté, portée à un haut degré, de deviner, de découvrir quelque chose que l'on ne sait pas, et que l'on cherche à connaître le plus souvent, par des voies diverses (intuition, perspicacité, observation, comparaison, interprétation, supposition, conjecture, etc.) mais en dehors de raisons démonstratives, en ayant cependant le sentiment d'être dans le vrai. Manquer de divination. Je puis, le dictionnaire et la divination aidant, faire un bon traducteur (MALLARMÉ, Corresp., 1871, p. 339). Par une prescience, par une divination merveilleuse qu'ont les malades, il comprenait tout de la vie (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 134) :
• 9. Ses amis [d'A. Daudet] connaissaient sa divination. Il analysait les événements les plus lointains, les plus divers, avec une perspicacité presque infaillible.
L. DAUDET, Alphonse Daudet, 1898, p. 14.
— P. méton. Cette forme de connaissance. Faculté de divination. Don de divination fondé non sur des pratiques de sorcellerie, mais provenant de facultés puissantes d'observation et de déduction (BARRÈS, Cahiers, t. 7, 1909, p. 311). Ferdinand, pour Joseph, a beaucoup mieux que de la clairvoyance. Disons de la divination (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 172) :
• 10. Ce sens de l'Extrême-Orient qu'a cette créature, l'intuition qu'elle possède des grandes époques historiques, la divination de la Chine, du Japon, de l'Inde (...) le remplissent d'un ravissement...
GONCOURT, Journal, 1872, p. 871.
♦ Avoir la divination de qqc. Avoir la connaissance intuitive, l'intuition de quelque chose ou que donne quelque chose. Ma mère (...) croyait que les enfants ont la divination de ce qui leur convient (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 211). Elle n'était plus attentive qu'à Christophe. Elle avait la divination de la tendresse, et percevait ce qu'il souffrait (ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 786) :
• 11. Se subordonner, ce n'est pas seulement servir la société, c'est nous servir. C'est la grande vérité découverte et pratiquée par Gœthe. Il est rare qu'un artiste tout jeune en ait la divination.
BOURGET, Essais de psychol. contemp., 1883, p. 18.
3. Spéc. [Correspond à deviner B 2 c spéc.] Jeu de divination. Jeu d'esprit consistant à deviner quelque chose, à trouver la solution de quelque chose (cf. devinette, charade, rébus, énigme...). Charades, énigmes, anagrammes, logogriphes et autres jeux de construction ou de divination (AMIEL, Journal, 1866, p. 75).
4. En partic. [À propos de recherches du type des études caractérologiques d'après l'écriture, la physionomie...] Divination par la physionomie. Sans croire en aucune manière à la divination des âmes par l'écriture, il était sensible à la forme des lettres comme à une sorte de dessin (FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 179).
Rem. On rencontre ds la docum. la forme arch. devination. Synon. de divination (supra B). Sa devination de la Chine, du Japon, de l'Inde (FUCHS, Lex. Journal Goncourt, 1912). Jamais, disait-il, il n'était descendu si à fond de la nature humaine; et c'était de la devination plus que de l'observation (ZOLA, Bête hum., 1890, p. 271).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Pour la forme devination, cf. devin. Étymol. et Hist. 1. 1206 devinoison occult. (Chron. de Turpin, Ms. Ars. 5201 [XIIIe s.], p. 223b ds GDF.) — 1578 devinaison (LA BODERIE, De l'honneste amour, p. 377, ibid.); ca 1214 devination (ANGER, Trad. Vie Saint Grég., 88 ds T.-L.) — 1585 (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, II, 260), encore en 1768 (DESGROUAIS, Les Gasconismes corrigés, p. 147) et en 1872 (GONCOURT, Journal); début XVe s. divignacion (Catholicon, BN lat. 17881 ds GDF. Compl.); 2. av. 1770 divination « prévision, intuition » (La Bletterie, s. réf. ds BRUNOT t. 6, p. 1358). Empr. au lat. class. divinatio « divination, art de prédire ». Fréq. abs. littér. :192.
divination [divinɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. XIIIe; var. devination, 1214; lat. divinatio, du supin de divinare. → Deviner.
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1 Action de découvrir ce qui est caché par des moyens qui ne relèvent pas d'une connaissance naturelle ou ordinaire; pratique permettant cette découverte. ⇒ Devin; astrologie, magie, mantique, occultisme, parapsychologie, spiritisme, et le suffixe -mancie (bibliomancie, cartomancie, etc.). || La divination de l'avenir par un prophète, un voyant. ⇒ Oracle, prédiction, prophétie, révélation, voyance. || Les Anciens pratiquaient la divination par l'interprétation des signes (divination artificielle) ou par communication directe avec la divinité (divination spontanée). ⇒ Augure. || Procédés de divination. ⇒ Mantique; -mancie. || Divination par le marc de café, à l'aide d'un miroir. || La fulguration, divination par l'interprétation des éclairs. || Les divinations de la pythie. || Divinations par les entrailles des victimes, le vol des oiseaux (→ Astrologie, cit. 2). || L'art de la divination. || Don de voyance et de divination. → Paranormal, cit.
1 C'est don de Dieu que la divination; voilà pourquoi ce devrait être une imposture punissable, d'en abuser.
Montaigne, Essais, I, 31.
2 Des divinations par les songes, des sortilèges (…)
♦ Rare. Action, faculté de deviner. || Posséder la divination des pensées.
2 Action de deviner, de connaître instinctivement; résultat de cette action. ⇒ Clairvoyance, inspiration, intuition, sagacité; conjecture, hypothèse, prévision; → Astronomie, cit. 2. || Divination instinctive. || Avoir des divinations. || Avoir la divination de qqch. — Manquer de divination. || Une clairvoyance poussée jusqu'à la divination. || Comment le sait-il ? C'est de la divination ! || Ce fut par une sorte de divination que Champollion pénétra le sens de maint hiéroglyphe (Littré).
3 Dans un tel effort pour faire revivre les hautes âmes du passé, une part de divination et de conjecture doit être permise.
Renan, Vie de Jésus, Introd., p. 81.
4 (…) ce royaume supérieur des formes idéales et des forces incorporelles au seuil duquel la pensée s'arrête et que les divinations du cœur peuvent seules pénétrer.
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 265.
5 Notons (…) de sa part une rapidité merveilleuse à comprendre sans s'attarder, et le foisonnement de sa pensée intuitive, où la part de divination sera infiniment plus grande et plus féconde que le simple don d'observer.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 331.
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DÉR. Divinatoire.
Encyclopédie Universelle. 2012.