fille [ fij ] n. f.
• v. 1050; lat. filia
♦ Enfant ou personne jeune du sexe féminin.
I ♦ (Opposé à fils)
1 ♦ Personne de sexe féminin, considérée par rapport à son père et à sa mère ou à l'un des deux seulement. La fille de M. Untel; sa fille. Avoir deux filles et un fils. Fille aînée. Fille cadette. Leur plus jeune fille. ⇒ benjamin, dernier. C'est la fille de sa femme, la fille de son mari (⇒ belle-fille ) . La fille de son frère, de sa sœur (⇒ nièce) , de sa tante, de son oncle (⇒ cousine) , la fille d'un de ses enfants. ⇒ petite-fille. — Iron. Elle est bien la fille de son père, de sa mère, elle a les mêmes défauts, les mêmes qualités. — Fille légitime, naturelle. Fille adoptive. Aimer qqn comme sa propre fille. — Fam. La fille Untel. ⇒ mademoiselle.
♢ La fille de la maison, du maître, de la maîtresse de maison.
♢ (En appellatif) Fam. Ma fille (à une étrangère, méprisant). Écoute-moi bien, ma fille. Ma pauvre fille !
♢ La France, fille aînée de l'Église. Jouer la fille de l'air.
♢ Une fille du peuple, de la campagne, du pays, considérée par rapport à ses origines.
2 ♦ Littér. Descendante. Une fille de rois. Hist. Les filles de France, de la famille royale de France. « Cependant mon amour pour notre nation A rempli ce palais de filles de Sion » (Racine). — Par plais. Fille d'Ève : femme. — Poét. Les filles du Parnasse. ⇒ muse. Les filles de la nuit : les étoiles.
3 ♦ Littér. Chose qui résulte d'une autre. ⇒ enfant; 1. fruit. La jalousie, fille du soupçon. « Fille de la douleur ! harmonie ! harmonie ! » (Musset).
II ♦ (Opposé à garçon)
1 ♦ Enfant ou jeune être humain du sexe féminin. « l'œuf fécondé, portant deux chromosomes X, produira une fille » (J. Rostand). Garçons et filles. Elle a accouché d'une fille.
♢ (Même sens que fillette, petite fille [cf. ci-dessous], avec une nuance plus fam.) Des jeux de fille, vélo de fille. Rose, la couleur des filles, bleu, celle des garçons.
♢ Jeune fille (cf. ci-dessous) ou jeune femme. ⇒Fam. gonzesse, nana, 2. nénette; péj. greluche. « Boris n'aurait pas su aimer une fille de son âge » (Sartre).
♢ (En appellatif; au plur. seult) Salut les filles !
♢ Vieilli FILLE À MARIER : jeune fille pour laquelle ses parents cherchent un mari.
♢ (Avec un qualificatif) Une fille sympa. Une belle, une jolie fille. ⇒Fam. 2. canon, pépée, pin up, 1. souris (cf. Une minette). Un beau brin de fille. Une fille laide. Une grande fille dégingandée. ⇒Fam. 1. bringue, 1. gigue. « De belles grandes filles bien découplées » (Gautier). PROV. La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a. — (En attribut) Être fille à, capable de. « Elle aurait été fille à s'en aller avec lui » (Molière). — Elle est bonne fille, brave fille. Elle est assez belle fille. C'est une chic fille.
2 ♦ PETITE FILLE : enfant du sexe féminin jusqu'au début de la puberté. ⇒ 1. fillette, fam. gamine, péj. pisseuse. Une jolie petite fille. Des jeux de petites filles. Les petites filles modèles. — (Au sens I) Une dame et ses deux petites filles. Tu es une grande fille, se dit à une petite fille pour lui marquer de la considération, faire appel à sa raison.
3 ♦ (Équiv. moins fam. de fille) JEUNE FILLE : adolescente ou femme jeune non mariée. ⇒ femme; demoiselle . Une toute, une très jeune fille. ⇒fam. môme. Une jeune fille nubile et vierge. ⇒fam. pucelle. Une grande, une petite jeune fille. Jeune fille qui coiffe Sainte-Catherine. ⇒ catherinette. Faire la jeune fille de la maison. Une jeune fille au pair. « À quoi rêvent les jeunes filles », pièce de Musset. « À l'ombre des jeunes filles en fleurs », œuvre de Proust. Nom de jeune fille : patronyme que l'on porte avant son mariage. Une jeune fille et un jeune homme. Des jeunes filles et des jeunes gens. « une innocence d'enfant, une douceur de jeune fille » (Yourcenar).
4 ♦ Vieilli ou rural Personne non mariée (opposé à femme). Rester fille. « Elle ne supportait pas l'idée de mourir fille » (Balzac). — (1797) Vieilli ou péj. FILLE-MÈRE (cf. mod. Mère célibataire). — VIEILLE FILLE : femme qui a atteint ou passé l'âge mûr sans se marier (péj., implique des idées étroites, une vie monotone). ⇒ célibataire, demoiselle. Des habitudes de vieille fille. (En épithète) Elle ne s'est jamais mariée, mais elle n'est pas du tout vieille fille.
5 ♦ (1409 fille de vie) Vieilli Jeune femme qui mène une vie de débauche; spécialt Prostituée. ⇒ prostituée. Fréquenter les filles. « une fille bien connue pour telle » (Laclos). — Loc. vieilli Fille des rues; fille publique. Fille perdue. (1549) Fille de joie. Fille à soldats.
6 ♦ Nom donné à certaines religieuses. Filles du Calvaire. Filles du Carmel.
7 ♦ Vieilli FILLE DE... : jeune fille ou femme employée à une fonction, un travail. Fille d'auberge, de ferme. Fille de salle (cf. mod. Aide-soignante). « Elle avait été fille de cuisine dans une grande ferme » (Aragon). Fille d'honneur : femme attachée à la personne d'une princesse (⇒ 1. dame) .
● fille nom féminin (latin filia) Personne jeune ou enfant du sexe féminin, par opposition à garçon : Mettre au monde une fille. Enfant ou adulte du sexe féminin par rapport aux parents, par opposition à fils. Personne de sexe féminin originaire d'un lieu ou d'un milieu : Fille du peuple. S'emploie comme apposition pour indiquer le féminin après les noms de profession ou de fonction qui n'en ont pas, ou pour lever une ambiguïté en précisant le sexe : Un coursier fille. Avec un complément de nom précisant la fonction, désigne une employée subalterne : Fille de cuisine. Littéraire. Chose (du genre féminin) qui résulte d'une autre : La paresse est la fille de l'oisiveté. Nom des membres d'un grand nombre de communautés religieuses de femmes. ● fille (citations) nom féminin (latin filia) Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 Quand une fille dit deux mots de bon sens et qu'on l'écoute, c'est que Dieu est là. L'Alouette, Jeanne La Table Ronde Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 Je ne sais pas quelle conjuration de cagots et de vieilles filles a pu réussir, en deux siècles, à discréditer le mot plaisir. La Répétition ou l'Amour puni, II, le comte La Table Ronde Marcel Aymé Joigny 1902-Paris 1967 Les mâles sont surtout hardis avec les filles pauvres. La Jument verte Gallimard Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 Quand il y a une vieille fille dans une maison, les chiens de garde sont inutiles. Pierrette Alain René Lesage Sarzeau 1668-Boulogne-sur-Mer 1747 Une fille prévenue est à moitié séduite. Le Diable boiteux Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 […], les verrous et les grilles Ne font pas la vertu des femmes ni des filles. L'École des maris, I, 2, Ariste et III, 5, Sganarelle Jacqueline Pascal, en religion sœur Sainte-Euphémie Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1625-Paris 1661 Puisque les évêques ont des courages de filles, les filles doivent avoir des courages d'évêques. Lettre, 23 juin 1661 Nicolas Poussin Villers, près des Andelys, 1594-Rome 1665 Les belles filles que vous avez vues à Nîmes ne vous auront, je m'assure, pas moins délecté l'esprit par la vue que les belles colonnes de la Maison Carrée, vu que celles-ci ne sont que de vieilles copies de celles-là. Correspondance Jules Supervielle Montevideo, Uruguay, 1884-Paris 1960 Les filles — ça pose trop de problèmes, et ça ne les résout pas. Le Voleur d'enfants Gallimard William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Les hommes sont avril quand ils font la cour et décembre une fois mariés. Les filles sont mai tant qu'elles sont vierges, mais le ciel change dès qu'elles sont femmes. Men are April when they woo, December when they wed ; maids are May when they are maids, but the sky changes when they are wives. Comme il vous plaira, IV, 1, Rosalinde ● fille (difficultés) nom féminin (latin filia) Orthographe Fille mère s'écrit sans trait d'union. Remarque Fille mère n'est pratiquement plus employé aujourd'hui, sauf pour évoquer l'époque révolue où la fille qui avait « fauté » était couverte d'opprobre, ou par plaisanterie. On dit aujourd'hui, sans mépris, mère célibataire. Construction La fille Martin, pour la fille de Paul Martin. → fils ● fille (expressions) nom féminin (latin filia) Être bien la fille de son père, de sa mère, avoir les qualités, les défauts de son père, de sa mère. Vieux. Rester fille, ne pas être mariée, être vierge. Fille aînée de l'Église, nom donné par les papes à la France, sous l'Ancien Régime. Fille de famille, qui appartient à une famille riche, noble. Filles de France, nom donné aux filles légitimes du roi de France. Fille, fille publique, fille de joie, fille des rues (vieux), fille perdue (littéraire) ou fille soumise (vieux), prostituée. Vieux et péjoratif. Fille mère, mère célibataire. Grande fille, fille qui est sortie de l'enfance ; petite fille raisonnable ou que l'on veut flatter. Jeune fille, fille pubère ou femme jeune non mariée. Ma fille, terme d'amitié ou de condescendance adressé à une fille, à une femme ; terme utilisé par les religieux pour s'adresser aux fidèles du sexe féminin. Nom de jeune fille, nom de famille d'une femme avant son mariage. Petite fille, fille jusqu'à l'adolescence ; fillette. Vieille fille, femme célibataire. ● fille adjectif Se dit d'un enfant qui a les caractères attribués aux filles : Elle n'a que deux ans, mais elle est déjà très fille.
fille
n. f.
rI./r (Lien de parenté.)
d1./d Personne de sexe féminin, par rapport à ceux qui l'ont procréée. Fille légitime, naturelle.
— Par ext. Fille adoptive.
|| (Afr. subsah.) Enfant, de sexe féminin, de toute personne considérée comme une soeur ou un frère.
|| Fam. Ma fille: terme d'affection ou de bienveillance (à l'adresse d'une pers. quelconque du sexe féminin).
d2./d Litt. Celle qui est issue, originaire de. Les filles de Sion.
— Plaisant Fille d'ève: femme.
|| Fig. La superstition, fille de l'ignorance.
rII./r (Par oppos. à garçon.)
d1./d Enfant de sexe féminin. Dans cette classe il y a plus de filles que de garçons.
— Grande fille, qui a passé l'enfance. Petite fille, qui n'a pas atteint l'âge de la puberté.
d2./d Jeune personne du sexe féminin. Un beau brin de fille.
d3./d Vieilli Femme qui n'est pas mariée. Rester fille.
|| Cour. Vieille fille, qui s'est installée, avec l'âge, dans son célibat (souvent péjor.).
— Fille mère: mère célibataire.
d4./d Fille perdue, soumise, publique, de joie, ou, absol., fille: prostituée.
d5./d Nom pris par les religieuses de certaines communautés.
d6./d Fille de...: jeune fille, jeune femme employée (à tel travail). Fille de ferme. Fille de salle: serveuse dans un restaurant; chargée du ménage dans un hôpital.
⇒FILLE, subst. fém.
I.— Personne du sexe féminin, considérée du point de vue de son ascendance, de son origine (le subst. masc. correspondant est fils).
A.— [Rapport d'ascendance naturelle]
1. [Ascendance directe] Personne du sexe féminin considérée par rapport à son père et/ou à sa mère. Fille légitime, naturelle; doter, marier sa fille; avoir une/des fille(s). Lord Nelvil doit épouser, dimanche prochain, miss Lucile Edgermond, fille cadette de lord Edgermond, et fille unique de lady Edgermond, sa veuve (STAËL, Corinne, t. 3, 1807, p. 259). Il avait déjà une fille de huit ans, Renée, lorsque sa femme expira en donnant le jour à une seconde fille (ZOLA, Curée, 1872, p. 379). Oh!... Tu n'es pas la fille de ton père? Elle rit, point scandalisée d'une liberté de langage qu'elle encourageait : — Mon Dieu, si! moi comme les autres (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 98). V. aussi aîné ex. 1.
a) Emplois partic. Fille adoptive. Fille du logis, de la maison. Fille du maître de maison. Nous vous donnerons de la pierre et du bois, mais vous n'aurez pas la fille de la maison! (CLAUDEL, Annonce, 1948, prol., p. 140).
— Expr. injurieuse. Fille de garce, de putain. Tiens, fille de putain!... Tiens, vois si ça va te le boucher! (ZOLA, Terre, 1887, p. 225).
b) P. ext.
— Personne que l'on considère comme sa fille. Il aurait eu pitié de ses propres mensonges s'il lui avait parlé de sa mère, heureuse de l'accueillir en fille chérie, en épouse de son fils (GOZLAN, Notaire, 1836, p. 76).
— Spéc. Belle-fille.
c) P. anal., rare. Petit (femelle) d'un animal. Au fond de la pièce, contre le radiateur, les deux chattes, mère et fille, dormaient dans les pattes l'une de l'autre (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1464). Une chienne entrait sur ses talons, une petite bête sans race, fille de corniot (GENEVOIX, Raboliot, 1949, p. 36).
2. [Ascendance éloignée, voire très lointaine]
a) Arrière-petite-fille; petite-fille.
b) Fille de + subst. Descendante de. Fille des Césars. C'était la fille des rois des vieilles souches, la fille des rois légitimes (MUSSET ds Revue des Deux-Mondes, 1832, p. 240). La fille des nababs (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 427).
— Vx. Fille de France. Fille ou descendante légitime du roi de France. Merci, Marguerite, merci!... vous êtes une vraie fille de France (DUMAS père, Reine Margot, 1847, I, 4, p. 34).
— Fam. Fille d'Ève.
B.— P. anal.
1. [Rapport d'ascendance, de tutelle morale]
a) [Par rapport à une entité mythique ou symbolique] Aux filles de Baal (BALZAC, Physiol. mar., 1826, p. 74). L'ardente fille de la terre noire (LEROUX, Roul. tsar, 1912, p. 97).
— Poétique. Filles du ciel, de Mnémosyne. Les Muses. Autrefois j'eusse été plus entraîné par les Muses; ces filles du ciel jadis étaient mes belles maîtresses (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 461).
— Loc. verb., pop. Jouer la fille de l'air. S'évader, déguerpir. « Dépêchez-vous et jouez-moi la Fille de l'air avec accompagnement de guibolles » (LARCH. 1861, p. 3).
b) [Par rapport à une institution religieuse ou à son fondateur] Religieuse. Filles du Carmel, de St Vincent de Paul. Cette attitude humiliée devant un supérieur, qui, après tout, n'était qu'un homme, choquait l'esprit plus libre des filles de Port-Royal (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 110) :
• 1. La mère Sainte-Cécile est une stratégiste remarquable d'âme, fit le prieur, mais... mais... cette œuvre qu'elle a rédigée pour les filles de son abbaye contient, je crois, quelques propositions téméraires qui n'ont pas été lues sans déplaisir à Rome.
HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 283.
♦ Fille en Jésus-Christ. Celle qui a un père ou une mère spirituel(le). Être la fille de qqn en Jésus-Christ. Très chère fille en Jésus-Christ, nous avons voulu mettre devant toi l'exemple de sainte Élisabeth (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. 310).
c) [En parlant d'une collectivité par rapport à une institution religieuse ou profane]
— Fille aînée de l'Église. Fille des rois de France. Celle qui est placée sous leur protection. Encore qu'on appelle l'Université la fille du roi (...) (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 386).
— Fille aînée de + autre subst. Celle qui joue un rôle essentiel dans l'évolution d'un mouvement intellectuel, spirituel, etc. :
• 2. M. de Voltaire, passant par Soissons, reçut la visite des députés de l'académie de Soissons, qui disaient que cette académie était la fille aînée de l'Académie Française, « Oui, messieurs, répondit-il, la fille aînée, fille sage. fille honnête, qui n'a jamais fait parler d'elle ».
CHAMFORT, Caract. et anecd., 1794, p. 179.
d) Au fig. Œuvre abstraite ou concrète par rapport à son créateur. La philosophie moderne, fille de Descartes et mère de Hume (COUSIN, Hist. philos. mod., 1847, p. 8). Les différentes œuvres d'un artiste sont toutes parentes comme filles d'un même père, c'est-à-dire qu'elles ont entre elles des ressemblances marquées (TAINE, Philos. art, t. 1, 1865, p. 2).
2. [Rapport d'origine, de provenance]
a) Personne issue, native de.
— Domaine sociol. Ses membres gros et courts en faisaient une fille des champs (ZOLA, M. Férat, 1868, p. 168). À la blonde fille de l'aristocratie s'oppose, bonne ou méchante, la fille de la bourgeoisie riche (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 346). Elles sont presque toutes jolies, madame. Je parle des filles du peuple (FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 75).
— Domaine géogr. Fille du Nord, du Midi.
b) P. anal. [En parlant d'une chose concr. par rapport à son lieu d'origine] Je ne pourrois nombrer ces races innombrables [des plantes] Filles des monts, des bois, de la terre et de l'onde (DELILLE, Trois règnes nature, 1808, p. 61). Les anguilles ne se reproduisent pas en eau douce. L'antiquité, Aristote le premier, les croyait filles du limon (PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 71).
c) Au fig. Chose qui résulte d'une autre, est engendrée par elle. Synon. conséquence, résultat. Cette religion, fille du Bas-Empire (ABOUT, Grèce, 1854, p. 282). C'est une idée assez commune que révolution et guerre sont filles de pauvreté (ALAIN, Propos, 1926, p. 675). La loi, cette fille intelligente de la mort, qui règle le caractère (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 96).
3. Appellatif, vieilli. Ma fille. Appellation affectueuse ou condescendante employée à l'égard d'une personne de sexe féminin (notamment dans les rapports de maître à domestique) (cf. Ac.).
II.— Être humain de sexe féminin (le subst. masc. correspondant est garçon). École de(s) filles; vêtements de filles :
• 3. Pendant les vacances, il racolait impérieusement les enfants des fermiers et leur faisait la classe : une photo le représente, dans la cour de Meyrignac, entouré d'une dizaine d'élèves, filles et garçons.
BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 35.
A.— [Du point de vue de son âge ou de son état-civil]
1. [Du point de vue de son âge, p. oppos. à la femme adulte]
a) Enfant de sexe féminin (synon. fillette); adolescente, jeune fille. Lycée de jeunes filles. C'est une jolie petite fille, dit le docteur, une jolie petite fille avec une framboise sous la mamelle gauche (FRANCE, Orme, 1897, p. 135). Grande fille. Celle qui est nubile ou pubère.
b) [Avec une valeur caractérisante]
— Subst. + de fille. Qui a les caractéristiques d'une fille. Cheveux, joues, manières de fille. Beau cavalier, Monmond, et qu'on s'arrache! Clerc de notaire, une figure de fille et des cheveux noirs bouclés, comment voulez-vous qu'on résiste? (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 307) :
• 4. En effet, le jeune homme était d'un tempérament si nerveux qu'il avait, à la moindre imprudence, des indispositions de fille, des bobos qui le retenaient dans sa chambre pendant deux ou trois jours.
ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 1037.
— Emploi adj., rare. Et je vais offrir ma tasse de thé, suivie de Marcel, autrement câlin et fille que moi, qui porte les sandwiches (COLETTE, Cl. Paris, 1901, p. 88).
2. [Du point de vue de son état-civil; p. oppos. à la femme mariée] Personne de sexe féminin jeune ou qui n'est pas mariée. Synon. demoiselle1. L'affection d'une fille à marier pour un mari probable (CONSTANT, Journaux, 1803, p. 34). V. aussi demoiselle1 ex. 3.
a) Jeune fille. [P. oppos. à dame, jeune femme (mariée); le masc. correspondant est jeune homme] Elle avait commencé de parler comme elle eût fait avec une de ces femmes, avec, peut-être, une de mes jeunes filles en fleurs (PROUST, Prisonn., 1922, p. 340). V. aussi demoiselle1 A 2 a, citat. de Renard.
♦ Nom de jeune fille. Patronyme d'une femme avant son mariage. La femme de Bellamy s'appelle Odette et son nom de jeune fille est Godreau (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 32).
b) Fille(-)mère. Femme ayant un enfant hors mariage. Elle ne sait pas que l'assistance est assez secourable aux filles-mères (RENARD, Journal, 1905, p. 1023).
Rem. L'expr., considérée comme péj., est actuellement remplacée par le synon. mère(-)célibataire.
c) Vieille fille. Femme célibataire d'un certain âge (le masc. correspondant est vieux garçon). Cette demeure (...) habitée par deux vieilles filles dévotes (FLAUB., Champs et grèves, 1848, p. 199). V. aussi célibataire ex. 2.
Rem. 1. On rencontre dans cette acception, vx, fille. Vous êtes fille, vous resterez fille, vous mourrez fille (BALZAC, Splend. et mis., 1844, p. 80). 2. Demoiselle est souvent employé de nos jours afin d'éviter le terme désobligeant de vieille fille.
— P. compar., péj. Elle ouvrit sa valise et entreprit de s'installer avec des soins méticuleux de vieille fille (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 84).
B.— P. ext., emplois gén. fam. Femme (généralement jeune), célibataire ou non. Brave, chic, jolie fille; les filles du pays, du village. C'était, ma foi, un beau brin de fille : elle avait cinq pieds et quelques pouces, et une vraie moisson d'appas (MUSSET, Il ne faut jurer, 1840, III, 3, p. 154). Ça l'a vexée. On dit ça comme ça; on dit : pauvre fille. C'est sans intention (SARTRE, Nausée, 1938, p. 89). C'est une fille épatante (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 393).
1. La fille + nom patronymique. Parfois péj. Mon nom, c'est Léonie Vincent, mais le commissaire de police, lui, il dit la fille Vincent. Nuance... (AYMÉ, Cléramb., 1950, p. 46).
2. Loc. verb. Courir les filles.
a) Être (une) bonne fille. Avoir bon caractère, être généreuse. Elle est trop bonne fille pour m'en vouloir (GREEN, Journal, 1946, p. 17).
b) Être fille à. Être une fille capable de. Elle était fille à se tirer d'affaire (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 121).
C.— [Du point de vue de son état, de son mode de vie]
1. [Pour indiquer un état] Fille de + subst. indiquant un métier, une charge, un titre.
a) Vieilli. Fille de + subst. indiquant gén. le lieu de travail. Fille de cuisine, de ferme, de service. Synon. servante, employée. Elles sont honnêtes, car il n'y a pas de maîtresse lingère ou autre qui ne recommande à ses filles de boutique de parler au monde poliment (MUSSET, Mimi Pinson, 1845, p. 218). Elle entra dans une autre ferme, y devint fille de basse-cour (FLAUB., Cœur simple, 1877, p. 7).
— Spéc. Fille de salle. Employée chargée du ménage, de l'entretien dans les chambres et salles d'un hôpital. Une fille de salle soulevait une poussière qui retombait sur les malades, sous prétexte de balayer (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 147).
— Région. (Belgique), vieilli. Fille de quartier. Femme de ménage (BAET. 1971).
b) Fille (d'honneur/de qualité). Personne qui accompagne une femme noble. (Quasi-)synon. dame, demoiselle d'honneur, suivante. Elle s'est amusée, en attendant de plus brillans succès, à mettre la discorde entre les filles d'honneur de la princesse (GENLIS, Chev. cygne, t. 2, 1795, p. 298). P. ext. Fille d'honneur. Celle qui accompagne la mariée.
2. [Pour indiquer un mode de vie]
a) Péjoratif. Fille (de joie, des rues, publique, soumise, etc.). Femme aux mœurs libres, faisant commerce de son corps. Fréquenter les filles. Synon. prostituée, putain (pop.). J'étais très triste en sortant de chez Louason, à cinq heures. Je croyais avoir vu qu'elle était une fille (STENDHAL, Journal, t. 1, 1801-18, p. 288). Je ferais mieux de rire de tout cela, et d'aller me soûler à la taverne ou bien de courir chez la fille de joie me vautrer dans quelque ignoble et vénale volupté (FLAUB., Smarh, 1839, p. 115). Lorette est un mot décent inventé pour exprimer l'état d'une fille ou la fille d'un état difficile à nommer (BALZAC, Homme d'affaires, 1845, p. 401). Cf. La fille Élisa (Goncourt).
♦ Fille de Baal. V. baal ex. 4.
— Emploi adj., rare. Qui caractérise une femme de mauvaise vie. Synon. provocant, vulgaire. Cette dégradation [des âmes avant la Révolution] se montrait jusque dans les habits (...) et la femme de haut parage disait à sa chiffonneuse :« Ce bonnet n'a pas l'air assez fille » (J. DE MAISTRE, Œuvres compl., t. 1, Frag. sur Fr., 1821, p. 200). Elle [Sidonie] avait justement la grâce frelatée, un peu fille, qui devait plaire à cette nature de gandin [Georges Fromont] (A. DAUDET, Fromont jeune, 1874, p. 66).
— P. métaph. Les Anglais (...) payaient quarante millions par an à l'Europe monarchique et diplomatique, sorte de fille publique que le peuple anglais a toujours entretenue (HUGO, Homme qui rit, t. 2, 1869, p. 12).
b) Fille repentie. Femme qui renonce à la prostitution. Elle y choisit pour séjour un couvent de filles repenties (MONTALEMBERT, Ste Elisabeth, 1836, p. 180).
REM. Fifille, subst. fém., fam. Terme affectueux, d'amitié vis-à-vis d'une fille. C'est une bonne affaire, fifille! Tu es ma fille, je te reconnais (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 214).
Prononc. et Orth. :[fij]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) fin Xe s. fillie « personne du sexe féminin considérée par rapport à son lieu d'origine » (Passion, éd. D'A. S. Avalle, 261 : fillies Jerusalem); b) ca 1050 filie « personne du sexe féminin considérée par rapport à ceux dont elle est née »(La Vie de Saint Alexis, éd. Chr. Storey, 40); 2. 2e moitié du XIIIe s. Filles-Dieu « nom donné à certaines religieuses » (RUTEBEUF, Le Frère Denise ds Œuvres, éd. E. Faral, et J. Bastin, t. II, p. 291 vers 231); 3. 1389 « femme qui mène une vie de débauche » (Ordonnances des rois de France de la troisième race, t. 7, p. 309 : fille de joye); 4. a) 1606 « femme attachée à la reine » (DU VAIR, Actions et traités oratoires, éd. R. Radouant, I, 679); b) 1655 fille d'honneur « suivante » (MOLIÈRE, Étourdi, III, 3); 5. 1528 « jeune fille nubile ou femme non mariée », (CL. MAROT, Epithalame, I, 57 ds Œuvres lyriques, éd. C. A. Mayer, p. 312); 6. 1601 « chose qui naît d'une autre » (A. DE MONTCHRESTIEN, La Reine d'Escosse, éd. J. D. Crivelli, 618). Du lat. class. filia « enfant du sexe féminin, jeune personne ». Fréq. abs. littér. :38 195. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 51 757, b) 67 548; XXe s. : a) 63 442, b) 43 921. Bbg. ADAMS (G.C.S.). Words and descriptive terms for woman and girl in French and Provençal and border dialects. Chapell Hill, 1949, 99 p. — CHAUTARD (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 478. — HASSELROT 1957, p. 218 (s.v. fifille). — KLEIN (J.-R.). Le Vocab. des mœurs de la Vie Parisienne sous le Second Empire. Louvain, 1976, pp. 94-95. — MAT. Louis-Philippe 1951, p. 70, 184. — MORIN (Y.-C.). The Phonology of echo-words in French. Language. Baltimore. 1972, t. 48, p. 105 (s.v. fifille). — PAULI (I.). Enfant, garçon, fille ds les lang. rom. Lund, 1919, 42 p. — QUEM. DDL t. 14, 15; t. 1, 5 (s.v. fifille). — SAINT-JACQUES (B.). Sex, dependency and language. Linguistique. Paris, 1973, t. 9, p. 95. — ULLMANN (S.). Words and their meanings. Camberra, 1974, 23 p.
fille [fij] n. f.
ÉTYM. V. 1050; lat. filia.
❖
♦ Enfant ou personne jeune du sexe féminin.
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I La fille de (qqn), sa fille, etc. (opposé à fils) : personne du sexe féminin considérée par rapport à sa filiation.
1 (Par rapport à son père et à sa mère ou à l'un des deux seulement). Enfant de sexe féminin. || Fille légitime. || Fille naturelle. || Fille aînée. || Fille cadette. || Leur plus jeune fille, la dernière, la benjamine. || Fille unique. || Devoirs d'une fille à l'égard de ses parents (→ Étendre, cit. 19). || La mère et la fille, et sa fille (→ Ardeur, cit. 25; augmenter, cit. 4; cajoler, cit. 5; convoiter, cit. 1; esprit, cit. 106). || C'est la fille de sa femme, la fille de son mari (⇒ Belle-fille), la fille de son frère, de sa sœur (⇒ Nièce). || Le père et la fille, et sa fille (→ Approuver, cit. 10; atteindre, cit. 16; audace, cit. 21; borner, cit. 25; bougonner, cit.). || La fille, les filles de Mme X, de M. X, des X. || La fille, les filles Dubois, des Dubois. ⇒ Mademoiselle (mademoiselle Dubois). || Marier sa fille. || Il doit épouser la fille de M. Un tel (→ Campagnard, cit. 4). || Le mari de sa fille. ⇒ Gendre. || La fille de l'hôte (→ Caresser, cit. 2). || Elle est (la) fille d'un épicier. — Par ext. || Fille adoptive (⇒ Adoption, filiation).
1 Et je me dis toujours qu'étant fille de roi,
Tout autre qu'un monarque est indigne de moi.
Corneille, le Cid, I, 2.
2 Le devoir d'une fille est dans l'obéissance.
Corneille, Horace, I, 3.
3 Jetez sur votre fille un regard paternel (…)
Corneille, Polyeucte, V, 3.
4 (…) je lui veux faire aujourd'hui connaître
Que ma fille est ma fille, et que j'en suis le maître
Pour lui prendre un mari qui soit selon mes vœux.
Molière, les Femmes savantes, II, 9.
5 Il (Claude) n'osait épouser la fille de son frère.
Racine, Britannicus, IV, 2.
6 Fille d'Agamemnon, c'est moi qui la première,
Seigneur, vous appelai de ce doux nom de père (…)
Racine, Iphigénie, IV, 4.
7 Comprenez-vous que je vais mourir sans les voir, mes filles ? Avoir soif toujours, et ne jamais boire, voilà comment j'ai vécu depuis dix ans (…) Mes deux gendres ont tué mes filles. Oui, je n'ai plus eu de filles après qu'elles ont été mariées.
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 1073.
8 Comme ils n'ont rien que le maigre salaire d'un métier ou d'un grade sans prestige, ils épousent les filles des marchands.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », I.
9 Quand vous vantez à une mère la beauté d'une de ses filles (…) elle pense que c'est la plus laide qui est la plus jolie.
Colette, la Naissance du jour, p. 236.
♦ La fille du logis, la fille de la maison : la fille du maître, de la maîtresse de maison.
10 (…) en lisant le Disciple, elle a appris que le rêve d'un jeune précepteur laïque, nourri de philosophie matérialiste, est de séduire la fille de la maison.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, XV, p. 167.
♦ (1640). Par anal. Personne qu'on considère et qu'on aime comme sa propre fille. || « Elle a trouvé dans sa nièce une fille tendre et soumise » (Académie). || Cette petite est une fille, une vraie fille pour eux qui n'ont pas d'enfant.
♦ Fam. || Ma fille (en appellatif). || Voici un cadeau pour toi, ma fille. || Eh bien, ma fille, tu n'es pas difficile ! (→ Désaveu, cit. 1).
11 (…) Venez, venez, mes filles,
Compagnes autrefois de ma captivité (…)
Racine, Esther, I, 1.
12 — Tu n'es pas folle d'appeler la princesse ta fille ? — Je l'appelle ma fille. Je ne lui dis pas qu'elle est ma fille.
Giraudoux, Électre, II, 9.
♦ Fille en Jésus-Christ, se dit d'une religieuse par rapport à la supérieure ou à la fondatrice de l'ordre.
13 Thérèse dont vous vous faites gloire d'être les filles en Jésus-Christ.
Bourdaloue, Exhortation sur sainte Thérèse, t. I, p. 320.
➪ tableau Principaux noms de religieux.
♦ Appellatif. (D'un ecclésiastique à une femme). || Je vous bénis, ma fille.
♦ ☑ Loc. fig. La fille aînée des rois de France : l'Université. || La France, fille aînée (cit. 1) de l'Église. — Une fille de l'Église : une catholique exemplaire.
14 Une vraie fille de l'Église, non contente d'en embrasser la sainte doctrine, en aime les observances, où elle fait consister la principale partie des pratiques extérieures de la piété.
Bossuet, Oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche.
2 (XVe). Littér. Descendante. || La fille des Césars. || Une fille de rois. || Une fille du sang d'Hélène (→ Autel, cit. 6).
♦ (Le compl. désigne un lieu d'origine). || Filles du Rhin. || Filles de Jérusalem (→ Bien-aimé, cit. 4), de Sion (→ Étude, cit. 37), de Corinthe (→ Boucle, cit. 3). — Hist. || Les filles de France, de la famille royale de France.
15 Cependant mon amour pour notre nation
A rempli ce palais de filles de Sion,
Jeunes et tendres fleurs par le sort agitées,
Sous un ciel étranger comme moi transplantées.
Racine, Esther, I, 1.
♦ Personne du sexe féminin qui provient d'un milieu social donné. || Une fille d'épiciers, de filateurs, etc.
16 Elle oubliait qu'elle-même, fille de pétroliers, avait une fortune personnelle dix fois supérieure à celle de Marie.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XIII, p. 178.
♦ Par plais. ☑ Fille d'Ève : femme.
♦ Poét. || Les filles de Mémoire, de Parnasse. ⇒ Muse. || Les filles d'enfer (cit. 2). ⇒ Furie. || Les filles du destin : les Parques. || Les filles de la nuit : les étoiles (cit. 22). || Les filles de Bélial (Bible, Rois, I, I, 46) : les femmes idolâtres, et aussi les femmes sans pudeur (Littré). — (Dans La Fontaine). || Fille de l'air (cit. 22) : la mouche; filles du ciel : les abeilles; filles du limon : les grenouilles (→ Astre, cit. 5).
♦ (Fin XVIIe). Littér. (D'une chose qui naît d'une autre). ⇒ Conséquence, effet, enfant, fruit, résultat. || La jalousie, fille du soupçon. || La grande industrie, fille de deux inventions (→ Artisanat, cit. 3). || Tristesse, fille de la solitude.
17 (…) je vois sa mine admirante et spirituelle, qui ne laisse point croire que son admiration soit fille de l'ignorance (…)
Mme de Sévigné, 1158, 30 mars 1689.
18 Fille de la douleur ! harmonie ! harmonie !
A. de Musset, Premières poésies, « Le saule », I.
———
II (V. 1050; opposé à garçon).
1 Enfant du sexe féminin. || Garçons et filles. || Elle a mis au monde une fille (→ 2. Enceinte, cit. 1). || Le ciel a comblé mes vœux en me donnant une fille (Littré). || Il naît plus de garçons que de filles, mais la mortalité étant plus forte chez les premiers, l'égalité numérique des sexes tend à se rétablir vers l'âge adulte.
19 Qu'un ovule soit pénétré par un spermatozoïde à chromosome X, l'œuf fécondé, portant deux chromosomes X, produira une fille; qu'un ovule soit fécondé par un spermatozoïde à chromosome Y, l'œuf, portant un chromosome X et un chromosome Y, produira un garçon.
Jean Rostand, l'Homme, p. 85 (→ Femme, cit. 10).
20 (…) elle (la princesse Palatine) aurait voulu être un garçon, et rapporte gaiement que dans sa jeunesse, ayant entendu dire qu'une fille l'était devenue à force de sauter (l'anecdote est déjà dans Pline), elle avait fait des sauts si terribles que c'était miracle si elle ne s'était pas cent fois cassé le cou.
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 85.
♦ Même sens que fillette, petite fille (→ ci-dessous, 2.), avec une nuance plus familière. || Je ne veux pas jouer avec les filles. || Fille déjà grandette, grandelette. || Fille pubère. || Fille nubile (⇒ Adolescence). || Cou maigre de fille poussée (cit. 59) trop vite. || Comment l'esprit vient aux filles. — Éducation (cit. 3) des filles. || Collège, lycée de filles.
21 (…) j'avais chargé un enfant des petites classes de porter une lettre à une « fille », comme disent les écoliers dans leur dur langage.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 10.
2 (Dans des syntagmes figés). a Petite fille : enfant du sexe féminin jusqu'à l'âge nubile. ⇒ Bambine, fillette, gosse. || Une mignonne petite fille blonde, brune (⇒ Blondinette, brunette). || Jeux de petites filles (→ Étrenne, cit. 4). || Les Petites Filles modèles, de la comtesse de Ségur. || Étourderie (cit. 2) de petite fille. || Petite fille qui ne veut pas dire bonjour (→ Ennoblir, cit. 4). || Homme qui aime les petites filles. || Elle a des manières de petite fille, elle joue à la petite fille. → Femme-enfant. — Fam. || Une grande petite fille (cet emploi manifeste la lexicalisation du syntagme).
♦ (En emploi adj.). || Elle a dix-sept ans, mais elle fait très petite fille.
♦ (Au sens I.). || Une dame et ses deux petites filles.
b (Équivalent moins familier de fille). || Jeune fille : fille nubile ou femme jeune non mariée. ⇒ Femme; demoiselle; adolescente, jouvencelle, tendron (fam.); → Art, cit. 18; aventure, cit. 19; babil, cit. 4; bleuet, cit. 1; broncher, cit. 9; cerise, cit. 3; chœur, cit. 5; danseur, cit. 6. || Une gracieuse, une charmante jeune fille. ⇒ Bachelette (vx). || Le chaperon d'une jeune fille. || Jeune fille travaillant dans les métiers de la mode comme apprentie (⇒ Arpette), couturière (⇒ Cousette), coursière (⇒ Trottin). || Jeune fille qui coiffe Sainte-Catherine. ⇒ Catherinette. || Jeune fille aux allures garçonnières. ⇒ Garçonne. || Jeune fille simple et sentimentale. ⇒ Midinette. || À quoi rêvent les jeunes filles, pièce de Musset. || À l'ombre des jeunes filles en fleurs, œuvre de Proust. || Les Jeunes Filles, roman de Montherlant.
22 Enfin, vers quinze ans le stade terminal (de la puberté) ou nubilité correspond au retour au calme du corps et de l'esprit. L'organisme a complètement évolué. La fillette est devenue jeune fille. Elle sort de l'âge ingrat et entre dans l'âge de grâce. Elle se pare des séductions de la jeunesse.
André Binet, Vie sexuelle de la femme, p. 47.
23 Cela est plaisant, oui, ce mot de mariage; il n'y a rien de plus drôle pour les jeunes filles (…)
Molière, le Malade imaginaire, I, 5.
24 Hélas ! que j'en ai vu mourir de jeunes filles !
C'est le destin. Il faut une proie au trépas.
Hugo, les Orientales, XXXIII, 1.
25 (…) à peine veuf de cette veuve, il prend pour femme une jeune fille. Il a la passion des jeunes filles, et nul n'a su jusqu'où.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », IV.
26 Ne fallait-il pas prémunir la jeune fille au moment de son entrée dans le monde, contre les dangers d'une éducation par trop conventionnelle ?
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, VIII, p. 130.
♦ (Qualifié par un adj. qualifiant l'âge). || Une petite jeune fille (jeune dans la catégorie des jeunes filles; cf. une jeune fille petite, de petite taille). || Une grande jeune fille (plus âgée, qui a grandi). || De grandes jeunes filles niaises. → Pecque, cit. 3.
♦ Spécialt. Fille nubile et vierge. ⇒ Pucelle, vierge; (fig. et vx) brebis, colombe. || Ce n'est plus une jeune fille.
c ☑ Vieille fille : femme qui a atteint ou passé l'âge mûr sans se marier (péj., implique des idées étroites, une vie monotone). ⇒ Célibataire, demoiselle (→ Border, cit. 7; effacer, cit. 32). || Des vieilles filles dévotes. || Des habitudes de vieille fille. — (En épithète). || Elle ne s'est jamais mariée, mais elle n'est pas du tout vieille fille.
26.1 Sèche, les yeux creusés par les veilles, c'était le type accompli de la vieille fille endurcie, aguerrie, fière de l'holocauste de ses quatre neveux tués sur divers fronts.
Pierre Klossowski, la Révocation de l'Édit de Nantes, p. 114.
3 (Av. 1530). Avec la même valeur que jeune fille. ⇒ fam. Gonzesse, nana, nénette, souris; femme. || Les garçons et les filles (→ Aimant, cit. 3, Loti; assister, cit. 4, Barrès). || Une fille des champs, de la campagne. || Fille raisonnable, déraisonnable (→ Abuser, cit. 8, Rousseau; accommoder, cit. 18, Molière; âge, cit. 8, La Fontaine; agitation, cit. 2, Fénelon; agréable, cit. 12, La Fontaine; apporter, cit. 16; apprendre, cit. 55, Sand; attacher, cit. 7, Corneille; austère, cit. 5, Pascal; avare, cit. 2, Boileau; barreau, cit. 1, Regnard; campagne, cit. 7, La Bruyère; chair, cit. 49; déshonorer, cit. 7, Molière; éducation, cit. 15, Baudelaire; estoc, cit. 1, Hugo).
27 (…) si tous les garçons et toutes les filles s'encloîtraient, le monde périrait (…)
Voltaire, l'Homme aux 40 écus, VIII.
28 (…) je puis vous assurer que, par son bon esprit, par les qualités de l'âme, et par la noblesse des procédés, elle est demoiselle autant qu'aucune fille, de quelque rang qu'elle soit, puisse être.
Marivaux, Vie de Marianne, VII.
♦ En appellatif. || Salut, les filles ! || Comment ça va, les filles ? — REM. Le mot n'est employé en appellatif qu'au pluriel et avec le possessif (→ ci-dessus supra cit. 11).
♦ ☑ Fille à marier : jeune fille pour laquelle ses parents, la famille, etc., cherchent un mari.
♦ ☑ Loc. (Vx ou régional). Rester fille : ne pas se marier.
29 En atteignant à l'âge de soixante ans, époque à laquelle les femmes se permettent des aveux, elle a dit en confidence à madame du Coudrai (…) qu'elle ne supportait pas l'idée de mourir fille.
Balzac, la Vieille Fille, Pl., t. IV, p. 333.
30 Je vous ferai remarquer que je vais avoir vingt-quatre ans. Avez-vous espéré que je resterais toujours fille ?
Pierre Benoit, Mlle de la Ferté, II, p. 77.
♦ (1797, in D. D. L.). Vieilli ou péj. || Fille-mère ou fille mère : mère non mariée, mère célibataire.
30.1 Jamais je ne te dirais : « Tu as fait de moi une fille mère, répare ! Au contraire, je veux être fille mère. Tu n'auras aucun devoir envers moi ».
J. Dutourd, les Horreurs de l'amour, p. 597.
30.2 Moi, je bois, en tant que garçon-père, terme équivalent pour mon sexe à l'expression fille-mère, à la louable honnêteté morale d'Aurore et de Cornélie qui ne s'amusèrent pas à faire un enfant à un homme pour lui gâcher sa vie.
René Fallet, le Triporteur, p. 310.
b Vierge. (En épithète). || Être fille. || Cesser d'être fille : perdre sa virginité (→ Escalade, cit. 3).
4 (XVe). Avec un qualificatif. Femme jeune. || Une belle, une jolie fille (→ Atour, cit. 5; bien, cit. 4; brûler, cit. 53.5; capiteux, cit. 4; carrure, cit. 2; couturier, cit. 1). || Un beau brin de fille (→ Appât, cit. 19). ☑ La plus belle fille du monde ne peut donner (cit. 17) que ce qu'elle a (prov.). — Elle est bonne fille, bienveillante, généreuse. || C'est une brave fille (on dit moins : une bonne fille). — Fam. || C'est une chic fille.
31 De belles grandes filles bien découplées, avec leurs magnifiques tresses tombant sur les épaules (…)
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 11.
32 (…) bonne fille dans l'intimité, affectueuse, tendre même.
Huysmans, Là-bas, p. 217.
♦ Être fille à, capable de.
33 (…) elle aurait été fille à s'en aller avec lui.
Molière, le Médecin malgré lui, III, 7.
5 (1409, fille de vie). a Vieilli. Femme de « mauvaise vie »; spécialt, prostituée. || Il fréquente les filles (→ ci-dessous, cit. 40). || Aller voir les filles.
b Mod. (Dans des expressions et loc.). Même sens. || Fille entretenue. || Fille de rencontre. || Fille des rues. ⇒ Coureuse. || Fille perdue. — Spécialt. Prostituée. || Fille à deux sous. → Pierreuse, cit. 1. — ☑ Loc. Fille de joie (→ Abonder, cit. 4; 2. champagne, cit. 1). || Fille publique, fille soumise. — (Déb. XVIIe). Absolument :
34 Tout aux tavernes et aux filles.
Villon, Ballade à ceux de mauvaise vie, p. 104.
35 (…) une fille, bien connue pour telle !
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre CXXXV.
36 « Celui qui n'a pas vu beaucoup de filles ne connaît point les femmes », me disait gravement un homme, grand admirateur de la sienne, qui le trompait.
Chamfort, Maximes, Sur les femmes et le mariage, XX.
36.1 Y a-t-il un seul homme raisonnable qui soit envieux de faire partager sa jouissance à des filles de joie ? Et n'y a-t-il pas des millions d'hommes qui prennent pourtant de grands plaisirs avec ces créatures ?
Sade, Justine…, t. I, p. 195.
37 (…) d'abord parurent des canons, sur lesquels des harpies, des larronnesses, des filles de joie montées à califourchon, tenaient les propos les plus obscènes et faisaient les gestes les plus immondes.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 220.
38 Quand on n'a que des désirs physiques (…) En France, les filles peuvent donner à beaucoup d'hommes autant de bonheur que les femmes honnêtes, c'est-à-dire du bonheur sans amour (…)
Stendhal, De l'amour, XLI.
39 (…) ces créatures que le dictionnaire de la mode a successivement classées sous les titres grossiers ou badins d'impures, de filles entretenues, de lorettes et de biches.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Le peintre de la vie moderne, IV.
40 J'allais autrefois à l'hôpital Broca où l'un de mes anciens camarades de lycée était externe en médecine. J'ai vu passer au spéculum toutes les filles, avec leurs maladies.
Ch.-L. Philippe, Bubu, V, p. 118.
41 Le bon sens populaire a fait, depuis longtemps, justice d'une expression malheureuse : on ne dit plus jamais fille de joie, on pense parfois fille de douleur.
G. Duhamel, Biographie de mes fantômes, VI, p. 99.
6 (1606). Nom donné à certaines religieuses. || Filles du Calvaire. || Filles-Dieu. || Filles du Carmel, de la Charité. — Vx. || Les filles bleues.
7 (Av. 1673). || Fille de… : jeune fille ou femme employée à une fonction, un travail. ⇒ Servante. || Fille de service, de cuisine, de salle. || Fille d'auberge, de ferme. — Vx. Fille de chambre. ⇒ Femme (de chambre). || Fille de boutique, de magasin. ⇒ Demoiselle, employée.
42 Une fille de salle soulevait une poussière qui retombait sur les malades, sous prétexte de balayer.
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 147.
43 Elle avait travaillé dans un restaurant à Orléans, elle avait été fille de cuisine dans une grande ferme beauceronne, où il fallait servir plus de cent ouvriers agricoles.
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 294.
➪ tableau Noms de métiers.
♦ Fille d'honneur : fille de qualité attachée à la personne d'une reine, d'une princesse. ⇒ Dame. || Les filles d'honneur de la reine, ou, simplement, les filles de la reine.
♦ (En appellatif). Vx. || Ma fille, se disait à une domestique.
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CONTR. Parent, père, mère. — Garçon. — Femme (mariée).
DÉR. Fifille, fillasse, fillette.
COMP. Belle-fille, petite-fille.
Encyclopédie Universelle. 2012.