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ASTROLOGIE
ASTROLOGIE

L’astrologie a traversé les siècles en assumant les rôles les plus divers, et il n’est pas toujours aisé de la reconnaître sous ses multiples apparences et ses statuts les plus contrastés. On lit un texte la concernant en fonction d’une certaine représentation; ainsi celle d’un savoir sur l’humain dont les fondements se situeraient au-delà ou au-dessus de l’humain. Impliquant un état préstructuré de la psyché, l’astrologie dévaloriserait l’homme par rapport à la nature si elle s’avérait fondée. Ses errances mêmes témoignent du fait que l’astrologie n’a pas dû sa gloire tant à sa « vérité » qu’à son crédit ou à sa position stratégique au sein de l’ensemble des savoirs. Ayant fait l’objet de multiples et incessantes tentatives de démystification, mirage qui disparaît quand on s’en approche de trop près ou qu’on veut l’isoler de son environnement, l’astrologie est contradictoire: phénomène de société que certains ne prennent guère au sérieux, elle renvoie l’historien aux efforts des hommes pour harmoniser les savoirs et les religions avec les modernités successives. Fallait-il demander davantage à l’astrologie que d’enseigner aux hommes à regarder vers l’avenir et à s’y préparer? N’est-il pas heureux que ses pouvoirs réels soient si limités tout en étant capables de mobiliser les esprits?

Marginalisée, l’astrologie existe toujours, et son rejet hors de la science pèse sur toute tentative pour rappeler sa grandeur passée et la fascination qu’elle a pu exercer sur de grands esprits. Suscitant encore nombre de publications, les discours astrologiques, bien que désormais perçus comme archaïques, font partie des diverses composantes de la culture européenne, et il convient d’interroger de près les prises de position qu’ils ont suscitées.

1. Émergence et assise des discours astrologiques

L’astrologie existe dès lors que certains croient en elle et veulent savoir ce qu’elle a à leur dire. De ce fait, il est probablement plus important de déterminer ce qu’on attend d’elle que ce qu’elle est objectivement capable de fournir. Mais comment cerner son domaine? Dire, par exemple, que les Centuries de Nostradamus ne sont pas « de l’astrologie » signifie que celles-ci ne peuvent être a priori mises en relation avec le système astrologique, ce qui constitue une approche quelque peu étriquée. Certains nostradamistes se sont ingéniés à démontrer que Nostradamus n’avait que mépris pour l’astrologie. Un portrait psychologique relève-t-il de l’astrologie avant qu’on ait décrété qu’il s’agissait d’un Sagittaire ou d’un saturnien?

Peut-on dater l’apparition de l’astrologie? Ne serait-ce que pour s’orienter, les hommes ont toujours observé le ciel. Mais, dans le ciel étoilé, la voûte céleste apparaît figée et la Lune suit un cycle bien réglé (nouvelle lune-pleine lune); les planètes (d’un mot grec signifiant « errant ») semblent ne suivre que leurs caprices (d’où le nom de « chèvre » que leur donnaient les Babyloniens). Il fallut atteindre un seuil de connaissance relativement élevé et tardif pour cerner la révolution apparente autour de la Terre des cinq planètes Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne (respectivement, dans le panthéon babylonien, les demeures des dieux Nebo, Ishtar, Nergal, Mardouk et Ninib).

Le zodiaque se définit comme le lieu de passage de l’ensemble des planètes sur une bande de 17 degrés (pour les planètes anciennement connues tout au moins). Mais pourquoi avoir découpé la ceinture zodiacale en douze alors que l’on ne connaissait que sept astres? Il semble que cela tienne avant tout au rapport entre la Lune et le Soleil. Entre deux passages du Soleil en un même point du ciel, la Lune a le temps de repasser douze ou treize fois, ou, si l’on préfère, de se joindre autant de fois au Soleil, d’où la division de l’année en douze mois. La division en douze a donc préexisté à la découverte de la trajectoire des cinq planètes. Croire avec les astrologues modernes que le nombre douze est l’annonce qu’il doit exister douze planètes relève de la seule exigence herméneutique. Il faut également prendre en compte la Lune pour expliquer une division non plus en douze, mais en vingt-huit secteurs, inspirée du nombre de jours contenus dans un mois lunaire. L’astrologie indienne est fondée sur une telle division du cercle en vingt-huit: les étoiles situées à proximité de la course soli-lunaire servent de repères et donnent lieu à autant d’astérismes appelés « nakshatras ».

Depuis cette période fondatrice et codificatrice, le savoir astrologique aura subi nombre de perturbations: le discours astrologique est tout sauf monolithique, et l’historien ne doit pas jouer à l’astrologue en supposant une téléologie astrologique. Il a affaire à des documents atteints par le syncrétisme de périodes où l’astrologie a beaucoup emprunté. Il faut se méfier des évidences terminologiques. Trois domaines – voire quatre avec l’hémérologie (le calendrier, avec le mois de mars par exemple) – se partagent les mêmes noms: la mythologie, l’astronomie, l’astrologie; qui a emprunté à qui? C’est ainsi que l’alphabet utilisé par les astronomes pour désigner planètes et signes est, à la Renaissance, le même que celui qui apparaît dans les figures astrologiques.

Selon l’expression de Gaston Bachelard, le zodiaque serait « le test de Rorschach de l’humanité-enfant », c’est-à-dire qu’on aurait projeté au ciel des structures déjà établies, correspondant à une certaine représentation du monde et à une certaine structure sociale. On peut imaginer un état antérieur à cette mise en relation et où on retrouverait des structures de comportement en rapport avec les significations qui seront données par la suite aux astres: une astrologie sans astres et des astres sans astrologie. L’homme a représenté le ciel à son image et non l’inverse, mais il est clair que, dès lors qu’il existait cinq astres, ou sept avec les luminaires, il dut conférer un statut supérieur à certaines de ses valeurs. L’approche anthropocentriste s’impose, et il convient de se situer en fonction du rapport au monde caractérisant les sociétés agraires ou pastorales plutôt que de juger selon nos critères actuels. On est ainsi surpris par les descriptions que les astrologues proposent des éléments. Le feu, par exemple, est un élément que seul l’homme maîtrise. Or on nous explique que le feu est en rapport avec le lion, animal qui n’a que faire du feu. Visiblement, la répartition des éléments entre les douze signes zodiacaux n’a tenu aucun compte de la symbolique des signes correspondants. D’où un décalage entre une astrologie profane à base zodiacale qui s’arrête aux images et une astrologie savante qui utilise diverses grilles de lecture.

Les quatre éléments sont probablement à rapprocher des quatre signes centraux que sont le Taureau, le Lion, l’Aigle (Scorpion) et le Verseau. On y perçoit un dualisme entre les forces amies de l’homme et celles qui le menacent. Il est assez clair que le Feu (le foyer) et l’Eau (le puits), le Taureau et l’Homme sont d’un côté, la Terre (la forêt vierge) et l’Air (la tempête), le Lion et l’Aigle sont de l’autre. Mais la modernité a brouillé le sens de ces valeurs. Cette division ne fait que refléter le découpage entre bonnes et mauvaises saisons. Cette structure quaternaire est essentielle: un des cas les plus intéressants est probablement celui du tétramorphe. Dans le Livre d’Ézéchiel, une scène fait apparaître quatre êtres: l’homme (l’ange), le lion, l’aigle et le taureau. Les quatre évangélistes se verront attribuer chacun l’un de ces symboles, tel saint Marc et son lion. Or ce sont là les composantes du sphinx grec.

Est-ce que les mythologies se sont constituées à partir des planètes? Elles sont certainement antérieures à leur découverte, tout comme on nomme les nouveaux astres en puisant dans un panthéon inépuisable de dieux et de déesses, voire de figures littéraires. On n’a pas inventé le dieu Mars parce qu’il y avait une planète rouge (l’Horus rouge des Égyptiens), on a nommé cette planète Mars à cause de sa couleur. Il est généralement assez problématique de restituer le raisonnement analogique. Quant au nom des astres, il a pu connaître des étapes successives: il semble qu’on les ait d’abord désignés selon leur apparence plus ou moins brillante avant d’y implanter les éléments d’une vision du monde qui est aussi un ordre social, de castes.

Les critiques de l’astrologie, présentes à chaque étape de son développement, semblent d’abord motivées par un sentiment d’incompatibilité des valeurs véhiculées par l’astrologie, mais qui ne lui sont pas propres, en fonction de son histoire, avec celles de la société considérée. Contraignant l’astrologie à réajuster son discours, ceux qui prirent la peine d’en faire le procès – ce fut ainsi le cas des jésuites en France au XVIIe siècle – permirent le plus souvent à l’astrologie d’intégrer les modernités successives. Mais, généralement, quand l’astrologie satisfaisait à une exigence, on lui en présentait une autre.

Une image étrangère

On s’aperçoit, en effet, que le reproche essentiel qu’on fait à l’astrologie est d’être étrangère, en porte à faux, mais c’est aussi ce qui fait son charme. Le processus de traduction des traités et des commentaires arabes relatifs à l’astrologie s’intensifie au XIIe siècle. Il laissera sa marque dans la terminologie technique. Bien que les Arabes aient eux-mêmes emprunté aux auteurs grecs, comme Claude Ptolémée (IIe s. de notre ère), ce détour fixera pour longtemps le caractère oriental de son image médiévale, comme dans d’autres domaines de la connaissance, tels que la chimie. Ces traductions s’effectuaient souvent vers certaines langues vernaculaires (catalan, roman, hébreu) et, de là, vers le latin. Un des cas les plus célèbres est celui de Pierre d’Abano traduisant en latin, à la fin du XIIIe siècle, divers traités du juif espagnol du XIIe siècle, Abraham ibn Ezra (déformé en latin en Abenesra ), d’abord rendus en ancien français. Ces traités comportaient non seulement un exposé d’astrologie généthliaque, fondée sur le moment de la naissance, mais aussi un traité des élections, qui permettait de choisir une date propice pour la menée à bonne fin d’un projet, un traité des interrogations (appelé plus tard d’astrologie horaire) qui expliquait comment répondre aux questions les plus diverses qui pouvaient être posées à l’astrologue. Ce traité avait notamment l’avantage de permettre à l’astrologue de dresser un thème quand bien même aurait-il ignoré la date de naissance, ce qui était fort courant dans les siècles passés. À ce propos, rappelons que la France a été l’un des premiers pays à demander que l’heure de naissance figure sur l’état civil. L’encyclopédie d’Abraham ibn Ezra comportait également un traité sur les jours critiques, utile au médecin, et un traité d’astrologie mondiale à l’intention des politiques.

Toutefois, Abraham ibn Ezra n’était pas uniquement auteur, compilateur ou traducteur de traités d’astrologie, il s’illustra également par ses commentaires bibliques, souvent nourris d’astrologie. D’une façon générale, toute lecture tendant à se servir des Écritures pour comprendre une époque donnée confine à un certain occultisme, et l’astrologie s’avère alors un excellent outil exégétique.

Compte tenu de la circulation des textes, d’abord du sud vers le nord, notamment de l’Espagne vers la France puis, dans un second temps, au XVe siècle, d’est en ouest, d’Allemagne et d’Italie vers la France et de celle-ci vers l’Angleterre, la France apparaît comme une plaque tournante de l’astrologie européenne. Le royaume sera confronté à l’usage politique de l’astrologie, en vogue dans les pays d’expression allemande, mais également dans les marges francophones du Saint Empire. Les astrologues français durent répliquer aux arguments astrologiques venus d’Allemagne, où officiaient nombre d’astrologues capables de mobiliser l’opinion, tels un Stoeffler, qui annonça, vingt-cinq ans à l’avance, le Déluge pour 1524, ou un Regiomontanus, qui avait prédit la fin du monde pour 1588, un Carion, un Grünpeck.

Idéologiquement marquée par la France, l’Italie profita de ces relations directes: nombre d’astrologues italiens vinrent demeurer en France, notamment sous Catherine de Médicis, tels Cosme Ruggieri, Gabriel Symeoni, Luc Gauric, Francesco Liberati ou Junctin de Florence, qui publiera à Lyon, un des grands centres de la production astrologique au XVIe siècle, un énorme Speculum Astrologiae .

À son tour, l’Angleterre traduira de nombreux traités astrologiques français, ceux d’Auger Ferrier, d’Oronce Finé, de Claude Dariot pour le XVIe siècle, lesquels marqueront la pensée d’un William Lilly ou d’un Nicholas Culpeper au siècle suivant.

La « mondiale » a longtemps été un des plus beaux fleurons de l’astrologie. En effet, l’astrologie arabe puis l’européenne avaient su imposer, depuis le Moyen Âge, un modèle défendu par un Albumasar et, à sa suite, un Pierre d’Ailly (XVe s.), constitué du cycle des conjonctions de Jupiter et de Saturne, qui se rejoignent tous les vingt ans. En tenant compte du fait que ces conjonctions se succèdent selon la structure d’un triangle, on attacherait une importance particulière au changement de triangle. Chacun de ces triangles porte le nom d’un des quatre éléments. Ce n’est évidemment pas tous les vingt ans qu’une conjonction Jupiter-Saturne se produit, que des événements extraordinaires doivent être attendus, mais lorsqu’on change de triangle, de triplicité, ce qui est beaucoup plus rare (tous les deux siècles).

Autour de l’almanach

L’astrologie a souvent été intimement liée au calendrier et s’est parfois confondue avec lui. Elle a été évidemment affectée – dans ses formulations les plus primaires (correspondance jour de la semaine-planète) – par la réforme du calendrier grégorien, en 1582, qui modifiait les correspondances entre jours et phénomènes cosmiques ou météorologiques. Bien que le mois et le signe zodiacal ne coïncident pas et que chaque mois soit dominé en quelque sorte par deux signes, une astrologie populaire a eu tendance à attribuer, pour simplifier, un signe à chaque mois. Il reste que le principe du calendrier est certainement antérieur à la formation de l’astrologie et n’exige nullement la connaissance des planètes. D’une certaine façon, il a existé une astrologie hémérologique (notamment en Chine), comme il en est une d’éphéméridale qui s’appuie sur les positions réelles et ponctuelles des astres. La première est plus ancienne et consistait en correspondances diverses avec les divisions du temps existantes, d’autant qu’on rapproche aisément le nombre de degrés (360) et le nombre de jours (365).

Vecteur principal du discours astrologique, bien davantage que les traités d’astrologie qui s’adressent aux futurs astrologues, l’almanach, terme dont l’origine pourrait être arabe, et son complément, la pronostication, est une institution. L’almanach proprement dit est constitué d’un calendrier comportant les noms des saints et les phases de la lune. Chez Nostradamus, au milieu du XVIe siècle, chaque mois est marqué d’un quatrain. La pronostication étudie la météorologie, saison par saison, mois par mois, mais elle comporte aussi une étude d’un certain nombre de pays ou de monarques auxquels elle annonce le destin pour l’année à venir. Un tel discours exprime surtout la politique du pays où paraît la pronostication, celle de l’aigle impérial ou du lys royal. On conçoit que ces pronostications aient été placées sous surveillance.

Nostradamus, défendu par Ronsard, s’est d’abord fait connaître, au milieu du XVIe siècle (et avant lui Rabelais), comme faiseur d’almanachs et de pronostications avant d’être célébré, surtout après sa mort, comme auteur de Centuries souvent apocryphes. Les almanachs astrologiques d’expression française les plus célèbres furent ceux de Mathieu Laensbergh, dit de Liège , du Messager boiteux de Berne, du Pêcheur fidèle de Milan, soit des publications ne relevant pas directement du royaume de France, et donc a priori suspectes. Mais Troyes ainsi que Rouen furent aussi, au XVIIe siècle et même au siècle suivant, des centres importants pour la production d’almanachs. Le terme almanach va perdre peu à peu son contenu astrologique, tout comme d’ailleurs celui d’horoscope qui sera souvent pris au sens figuré, et on finira par y trouver des anecdotes, des informations utiles, un précis d’histoire, la liste des dignitaires et des foires, etc., comme cela avait déjà été le cas, dès le fin du XVe siècle, pour le Kalendrier et Compost des bergers . L’almanach astrologique a fait l’objet, dans la France du XVIe siècle, de plusieurs mises en garde; il était sujet à un contrôle préalable: c’est ainsi que, lorsque Michel Servet est condamné en 1538 pour son Apologie de l’astrologie appliquée à la médecine, le Parlement en profite pour imposer un contrôle rigoureux de ce type de publication. Les édits d’Orléans (1560) et de Blois (1579) reconduisent ces mesures, sans compter les bulles pontificales d’un Sixte Quint ou d’un Urbain VIII.

Le découpage des saisons et la précession des équinoxes

L’astrologie a souvent connu des surprises désagréables en s’appuyant sur l’astronomie: ses points de repère marquant les saisons allaient s’avérer mobiles, et le début des saisons ne coïnciderait plus guère, au bout d’un certain temps, avec les étoiles censées leur correspondre. Tout se passait comme si le zodiaque faisait insensiblement machine arrière. Le malentendu et la rivalité entre astronomie et astrologie peuvent être symbolisés par l’homonymie des constellations avec les signes et leur croissant décalage. Les mêmes mots pour des référentiels différents. L’astronomie ne se préoccupait pas d’ajuster le zodiaque aux saisons, souci purement hémérologique. Les astronomes, en effet, s’intéressent, dès lors qu’on dépasse le cadre de notre système solaire, à l’ensemble des constellations, et il n’est pas concevable qu’ils se servent de deux critères différents selon qu’il s’agit des constellations zodiacales et extra-zodiacales.

La découverte des équinoxes et des solstices ne pouvait que commencer par des données très approximatives. L’axe passant par deux étoiles fixes « royales », Aldébaran et Antarès, termes d’origine arabe, était assez proche de l’équinoxe ou de ce qui en tenait lieu. Or cet axe stellaire exceptionnel traverse les constellations du Taureau et du Scorpion ; l’utilisation de cette coïncidence trompeuse a permis à ces deux magnifiques étoiles d’annoncer le début du printemps et celui de l’automne, tout comme Sirius annonçait aux Égyptiens les crues du Nil. Deux signes portent la marque d’une connaissance du cycle précis des saisons et du repérage des équinoxes et des solstices: le Cancer et la Balance ; mais cela ne signifie pas pour autant qu’on les ait d’emblée correctement placés. Le Cancer correspond au solstice, dit Vincent de Beauvais, dans son Speculum Naturalis , en ce que c’est un animal qui marche à reculons, ce qui est le cas du Soleil, qui s’arrête (sol-stice) et retourne en arrière, et de la Balance, qui incarne les valeurs d’équilibre équinoxial. Or, à cette place, figuraient les pinces – ou chelles – du Scorpion, qu’il fallut sacrifier pour inscrire ce repérage astronomique se trouvant à l’opposé du point vernal. Signalons qu’une constellation est un ensemble d’étoiles qui peut, a priori, être modifié à volonté selon les besoins du découpage.

Interdisciplinarité de l’astrologie

L’astrologie occupe une place centrale dans le monde médiéval: présente au sein des divers savoirs, depuis la médecine jusqu’à l’agriculture en passant par la prophétie ou l’histoire, elle y jouit – du fait de son appartenance, par le biais de l’astronomie, aux sept arts libéraux – d’un statut qui la place dans l’aréopage du savoir. Les termes d’astrologie et d’astronomie n’ayant pas, au Moyen Âge, le sens spécifique qu’ils ont de nos jours, on précisait alors simplement « astrologie judiciaire » quand il s’agissait de la partie divinatoire, mais « astrologia » pouvait alors désigner l’astronomie. Encore fallait-il distinguer une astrologie licite, « naturelle », et une astrologie « abusive ». Toutes ces nuances ont désormais disparu, montrant ainsi qu’on ne cherche plus à maintenir une quelconque unité de façade. L’astrologie « naturelle » traitait du corps humain, du temps qu’il fait et des produits de la terre, tandis que l’astrologie judiciaire empiète sur la vie de la cité. En fait, le terme d’astrologie naturelle comme, plus tard, celui d’astrologie scientifique au XXe siècle seront rapidement vidés de leur acception restrictive. La prophétie, notamment, s’est souvent appuyée sur l’astrologie, qui lui servait d’alibi, le statut de prophète moderne étant particulièrement suspect aux yeux de l’Église. L’astrologie est ainsi, en quelque sorte, un dénominateur commun, le signe d’une appartenance unitaire.

C’est ainsi que, dans le domaine médical, et cela jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, la question fut de savoir si on pouvait être un médecin averti sans s’appuyer sur l’astrologie, qui lui conférait une légitimité à pronostiquer. Longtemps, le médecin mit un point d’honneur à pouvoir annoncer la durée du mal, mais aussi à préciser la région du corps où pratiquer la saignée grâce à la lune. Renoncer à l’astrologie, c’était aussi renoncer à certaines prétentions liées à une image de marque.

L’astrologie pouvait également être considérée comme un atout épistémologique en conférant une structure à des suites disparates d’événements politiques. S’il exprime ses critiques, note les échecs passés, notamment la malencontreuse alerte de 1524, Jean Bodin, dans sa République , reste confiant, à la fin du XVIe siècle, dans la possibilité de constituer un jour une théorie planétaire des changements politiques. Mais n’est-ce pas le moyen d’assurer une assise scientifique à l’histoire empirique?

Les présages célestes

Le calcul de ces rendez-vous entre les deux planètes jugées les plus éloignées se rejoignant tous les vingt ans est évidemment d’abord sous-tendu par l’astronomie. Or le cycle de neuf cent soixante ans que l’on croyait, au Moyen Âge, être celui d’un tour complet était exagéré: cette révolution est de huit cents ans seulement, comme on l’admettra au XVIe siècle. Dès lors, de même que l’accord avec les théories astronomiques ne garantissait pas le succès d’une prévision, ce type d’erreur n’a pas empêché de reconnaître dans certains faits les événements qui avaient été annoncés.

La particularité de la théorie des grandes conjonctions – principal apport de l’astrologie arabe – est de ne pas constituer un phénomène spectaculaire à l’instar des comètes et des éclipses. Le non-initié n’est pas a priori frappé par la conjonction Jupiter-Saturne, sauf si une intense propagande l’y a sensibilisé. En revanche, les deux autres phénomènes sont perceptibles immédiatement et le furent de tout temps, relevant ainsi d’une préastrologie se perpétuant, à cette différence près que l’on connaît le cycle des éclipses depuis l’Antiquité, alors que la comète a résisté, jusqu’à l’identification du passage de la comète de Halley – celle de la tapisserie de Bayeux –, à toute prévision cyclique. La comète apparaissait et on en déduisait ce qu’elle pouvait annoncer à plus ou moins court terme. En fait, on peut penser qu’il en fut ainsi autrefois pour les planètes: l’astrologue regardait le ciel et en tirait des présages plutôt qu’il n’annonçait un événement astronomique dont il ne maîtrisait pas l’occurrence ou la récurrence.

On dira que, tant que l’idée de « sciences humaines » ne nécessitant pas une référence physique précise n’était pas admise, l’astrologie apparaissait souvent comme le recours, au moins sur le plan théorique, d’autant qu’elle marquait aussi d’autres moyens d’appréhender l’homme, pas forcément perçus comme divinatoires, telles la chiromancie, la physiognomonie, la métoposcopie, et qui constituaient l’art de connaître les hommes, selon l’expression de Cureau de La Chambre, médecin de Louis XIV, qui entrera à l’Académie des sciences tout en étant auteur d’un traité de chiromancie. L’astrologie, paradoxalement, a souffert d’un abaissement du seuil épistémologique des sciences de l’homme, elle y a perdu sa position stratégique de passage obligé.

Le refuge artistique

Vouloir évacuer l’astrologie peut apparaître en fait comme une gageure. Outre les positions qu’elle occupe dans les domaines scientifique et théologique, elle tient également sa place dans le champ de l’art, où on tolérera plus longtemps le recours à des motifs zodiacaux, décoratifs, comme dans les synagogues (Beith Alpha en Galilée) ou sous la forme poétique (Aratos). Cantonnée dans l’art, l’astrologie préserve à peu de frais la continuité avec un passé dont les documents susceptibles de fournir tôt ou tard la matrice d’un éventuel renouveau astrologique sont regardés avec suspicion, même sous leurs aspects simplement astronomiques. L’art est censé jouer un rôle d’exorciseur.

Mais, pendant une longue période, l’astrologie était le moyen pour diverses sciences de se relier au corps des sciences reconnues comme l’astronomie, l’astrologie étant en quelque sorte une astronomie appliquée au vivant.

On pourrait résumer cette situation en disant que, si le statut scientifique de l’astrologie est perçu très vite comme discutable, trop de sciences et trop de pouvoirs aux fondements fragiles ont intérêt à son maintien, faute de quoi ils seraient précipités dans l’empirisme. Mais, du jour où elle ne servira plus ou menacera le pouvoir, on dira à son propos: « Le roi est nu. » Ayant longtemps joué le rôle d’interface entre culture savante et culture populaire, son prestige participait à celui des institutions, dont la désacralisation au cœur du siècle des Lumières procède d’un phénomène de même nature que la progressive défaveur dont l’astrologie était marquée.

De l’astrologie aux nombres

L’astrologie a souvent plus été menacée par des formes plus accessibles de divination qui se substituèrent à elles ou lui portèrent ombrage que par le seul rationalisme. C’est ainsi que la kabbale, avec ses sefirot abstraites, nous apparaît comme une variante métaphysique de l’astrologie. Elle joue également le rôle subtil de lien entre Dieu et les hommes, entre le spirituel et le matériel.

Parmi les facteurs déterminant la production astrologique, il faut mettre au premier chef les rendez-vous que les astrologues prennent périodiquement avec l’histoire. De fait, l’impact de l’astrologie pourrait se mesurer au nombre de fois qu’elle fut en mesure de mobiliser les esprits par rapport à une échéance annoncée. C’est ainsi que, dès le début du XVe siècle, la date de 1789 fut avancée par Pierre d’Ailly et reprise au siècle suivant, légèrement modifiée et relayée notamment dans l’« Épître à Henri II » des Centuries nostradamiques : « Jusques à l’an mil sept cens nonante deux que l’on cuidera estre une renovation de siecle. » L’astrologue assume alors le rôle du prophète s’adressant au roi.

Les phénomènes astronomiques récurrents: comètes, éclipses, mais aussi conjonctions de planètes, nouvelles planètes, nouvelles étoiles, etc., donnent bien évidemment lieu à une production astrologique dans toute société qui pratique cette dernière, et sont l’occasion, par là même, de nouvelles attaques contre les croyances mises en œuvre. Certains phénomènes provoquèrent des réactions dans toute l’Europe, comme l’éclipse de 1654, à laquelle Blaise Pascal fera allusion dans ses Pensées . Chaque nouveau passage de la comète de Halley (tous les soixante-seize ans) déclenche ainsi une production de publications ad hoc. On l’a encore vu en 1986.

La naissance d’un prince, voué à succéder à son père, a longtemps donné lieu à de telles publications. Dans une société où l’hérédité du pouvoir a fortement décliné, ce moment de la naissance perd beaucoup de son importance. Au contraire, dans un régime monarchique, les spéculations sur la destinée du dauphin, par exemple, peuvent alimenter ou réveiller un certain intérêt pour l’astrologie. La naissance du futur Louis XIV, en 1638, fut ainsi étudiée par Campanella. Constatons simplement que certaines naissances très attendues furent à l’origine d’une quantité importante de poèmes « généthliaques ». Ceux qui devaient rédiger de tels textes ne prenaient pas pour autant la peine de tenir un discours proprement astrologique, mais on en respectera encore le principe tout au long du XVIIIe siècle. Un dernier cas de figure est celui des crises (guerres, révolutions, etc.) qui peuvent susciter des commentaires astrologiques. Au temps de la Fronde, les mazarinades furent souvent composées selon une forme ou à l’aide d’arguments astrologiques. Qu’un événement de taille ne suscite aucune résonance astrologique, et c’est la marque d’un certain déclin pour la science des astres.

Il conviendrait aussi de s’intéresser aux agents directs de la production astrologique: outre les auteurs, il y a les libraires, les traducteurs et les éditeurs. Ces derniers ne publient-ils que des textes à caractère « occulte »? On observe ainsi que, dès le milieu du XVIIe siècle, l’astrologue Jean-Baptiste Morin préfère se publier lui-même, et Henry de Boulainvilliers, au début du XVIIIe siècle, se contente de faire circuler ses manuscrits astrologiques. La crise de la production astrologique au milieu du XVIIIe siècle semble due à l’absence de relais des éditeurs généralistes vers des éditeurs spécialisés dans l’occultisme: les premiers cessent de publier certains ouvrages tandis que n’ont pas encore émergé les seconds, sinon dans la littérature de colportage. À la veille de la Révolution française, Etteilla et son cercle s’autoéditent ou, en tout cas, assurent la distribution et la vente de leurs œuvres. Au XIXe siècle, les fascicules prophétiques paraissent dans la plupart des villes de France, dans un fort processus de décentralisation. Une lignée d’éditeurs spécialisés se fait jour à Paris, parmi lesquels on citera, depuis un siècle, Dentu, Chamuel, Durville, Chacornac, Leymarie. Par ailleurs, des associations et des revues astrologiques publient les travaux de leurs membres: les Cahiers astrologiques , Sous le ciel , Demain , le Centre international d’astrologie, La Grande Conjonction . Les éditeurs généralistes ont toutefois cessé d’accueillir, sinon sporadiquement, les textes astrologiques, comme Grasset l’avait fait en publiant Maurice Privat dans les années trente, ou Le Seuil André Barbault à la fin des années cinquante.

L’astrologie va se réfugier, au XVIIIe siècle, dans les encyclopédies et les dictionnaires. Le nombre d’entrées qui lui sont consacrées surprendra le lecteur moderne, et son discours se maintient sous cette forme éclatée, comme dans le cas de l’Encyclopédie de d’Alembert et de Diderot, où l’article « Influence » est traduit de l’anglais. L’astrologie fait alors encore partie de la culture générale, ne serait-ce que pour comprendre des textes plus anciens. Aujourd’hui, au mot « aspect », le dictionnaire n’indique plus d’acception astrologique.

Il y a d’importantes différences entre le texte d’un auteur qui ne s’occupe que d’astrologie et un élément astrologique d’une œuvre dont l’astrologie n’est qu’une dimension parmi d’autres.

De même qu’au Moyen Âge et à la Renaissance certains textes astronomiques ne font aucunement référence à l’astrologie – c’est le cas de la Sphère de Sacrobosco, hormis une tardive préface proastrologique de Mélanchton, l’ami de Luther, préfacier lui-même en 1527 de la Pronosticatio de Lichtenberger –, de même l’usage de termes astronomiques dans des ouvrages astrologiques n’implique pas pour autant un intérêt pour la réalité physique qui les sous-tend.

Toutefois, les lecteurs – voire les auteurs – de ces deux types d’ouvrages peuvent fort bien avoir été en partie les mêmes. Que nombre d’astronomes aient été astrologues, tel Morin, professeur au Collège royal (bientôt de France), ne signifie pas pour autant que les deux disciplines étaient confondues dans les esprits. L’astrologie constituait un intéressant débouché pour les astronomes, et la position de l’astrologie s’en est trouvée renforcée relativement à d’autres domaines discursifs en mal de reconnaissance. Elle avait le don de conférer une dimension chiffrée à tout discours, à l’instar des mathématiques de nos jours.

Les antiastrologues modernes se recrutent souvent dans la corporation des astronomes et des astrophysiciens: l’astronome Paul Couderc a fait paraître un texte longtemps fameux sur le sujet, et divers astrophysiciens se sont fait une spécialité de la lutte antiastrologique, ainsi Jean-Claude Pecker ou Évry Schatzman, de l’Union rationaliste. La matière astrologique échappe largement à leurs critiques, mais ils semblent n’avoir pas fait le deuil du temps où l’astronomie rayonnait, par le truchement de l’astrologie, bien au-delà de ses limites actuelles. Mais quelle est leur compétence en ce domaine? Il s’agit, en effet, non pas de savoir si les astres sont censés exercer une influence sur l’homme, mais si l’homme peut les avoir intégrés dans son environnement, dans son système sémiologique. Si la longue cohabitation de l’astronomie avec l’astrologie ne fait pas de cette dernière une science, elle ne confère pas non plus aux astronomes le monopole du discours sur l’astrologie. En fait, la rivalité objective entre les deux corporations tiendrait au droit de parler du ciel.

2. Marginalisation et objectivation

Il est de fait que l’astrologie va peu à peu disparaître des traités de médecine, de météorologie et d’agriculture, et se replier sur elle-même, mais pas assez vite pour pouvoir assumer son autonomie. On passe ainsi, par exemple, d’une médecine faisant appel à l’astrologie, à l’astrologie médicale, dépendant de la médecine. Contestée par Pic de La Mirandole dès la fin du XVe siècle, l’astrologie ne fournit plus de modèle aux autres disciplines; elle se mue en un artisanat qui fait flèche de tout bois.

Cependant, sous Louis XIV encore, le médecin Jean-Baptiste Damascène affirme que le statut scientifique de la médecine passe par l’astrologie. L’astrologie restait alors au cœur de polémiques variées: peut-il y avoir science du vivant ou science humaine sans astrologie? disent les uns; l’astrologie n’est-elle pas un simple discours analogique qui prend ses désirs pour des réalités? répliquent les autres.

Dans un premier temps, la révolution copernicienne n’a guère affecté l’astrologie. Les découvertes astronomiques du XVIIe siècle furent nombreuses: on apprenait que Jupiter avait des satellites, que le Soleil avait des taches. Les voyages océaniques permettaient de compléter la carte du ciel et d’ajouter de nouvelles constellations aux quarante-huit traditionnelles. Si l’astrologie perdit alors définitivement son ancien crédit, ce qu’atteste son absence parmi les disciplines reconnues par l’Académie royale des sciences, il convient de faire justice du mythe selon lequel Colbert, le fondateur en 1666 de cette compagnie, serait responsable de cette exclusion, par on ne sait quel édit. Ce dernier a, au contraire, pu accorder sa faveur à l’astrologie: il patronnera auprès de l’Académie l’astrologue Jacques de Graindorge, dont une partie du traité est reproduite dans les procès-verbaux de 1669.

Le dernier tiers du XVIIe siècle verra l’astrologie française se battre pour préserver ses privilèges. En 1661 était parue l’Astrologia Gallica de Jean-Baptiste Morin (dit de Villefranche), professeur au Collège royal, mort en 1656. En 1672, Jean-Baptiste Fayol publie une Harmonie céleste ; en 1697, Eustache Lenoble fait paraître son Uranie . Ce ne sont pas là de simples manuels, mais des sommes ambitieuses qui situent l’astrologie dans un contexte plus large que les manuels du siècle précédent.

En réalité, l’astrologie s’efforçait alors de prendre ses distances à l’égard de cette astronomie dont les changements successifs l’éloignaient de ses structures traditionnelles. L’astrologie pouvait tenter de s’autonomiser: son déclin coïncide aussi avec un processus d’émancipation. L’astrologie régnait sur un certain nombre de savoirs « occultes » ou « magiques » (géomancie, alchimie, magie, kabbale, etc.), qu’elle avait marqués, mais moins immédiatement liés à l’astronomie qu’elle-même, et se présentant comme fondés sur l’expérience. Renonçant à se servir d’éphémérides astronomiques, l’astrologie renoue avec des pratiques anciennes, d’une époque où l’astrologue n’avait pas toujours accès aux données célestes et où il n’y avait pas d’état civil, ni de moyen commode de connaître l’heure.

Une astrologie qui affecte à chaque heure de la journée une planète, qui s’appuie sur le nom de la personne faute de pouvoir restituer la configuration natale, bref qui travaille avec les moyens du bord, l’essentiel étant de parvenir à dresser un « thème » débouchant sur les descriptions des traités astrologiques, en somme une astrologie avec une dose homéopathique d’astronomie, mais qui n’en est pas moins de l’astrologie. Un de ses maîtres sera le Français Alliette, alias Etteilla, adepte du tarot, à la veille de la Révolution, qui prônera une astrologie simplifiée dans son mode de tirage, s’appuyant sur le nom de la personne, sur les chiffres de la date de naissance ou sur les jours de la semaine, et non plus sur les positions réelles des astres. Bientôt, ce faisant, l’astrologie ne sera plus qu’une rubrique parmi cent autres dans les dictionnaires des sciences occultes. Encore lui reproche-t-on ses manières, comme à un noble déchu. Il faut qu’à nouveau elle se singularise.

Dissociée de l’astronomie tout en s’y référant de façon symbolique, l’astrologie allait faire figure de bouc émissaire de la modernité. Le XVIIIe siècle fit de son rejet l’emblème d’une sorte de messianisme scientifique; c’est le démon enfin terrassé, l’Antéchrist, mais aussi la protégée des cours. En France et en Angleterre, elle devient un enjeu culturel, une ligne de démarcation entre le bon et le mauvais goût, ce qui va bien au-delà de la question de son statut scientifique, puisque bien des activités plus fantaisistes encore y sont prisées. Il est de bon ton d’en faire l’oraison funèbre, ou d’en traiter en tant que superstition. L’abbé Pluche, l’auteur de l’Histoire du ciel , et après lui Bailly, maire de Paris sous la Révolution, s’intéressent tout particulièrement à la genèse du zodiaque pour se gausser de raisonnements si naïfs qui ont pourtant connu une telle fortune. On y recherche des explications météorologiques, liées aux régions où l’astrologie s’est développée – saison des pluies et signes marqués dans leur tracé par l’eau: Capricorne (chèvre-poisson), Verseau, Poissons. L’Académie des inscriptions et belles-lettres lance, en 1749, un concours dont le sujet est l’histoire de l’astrologie. On relève, tout au long du siècle, avec complaisance, chez un Voltaire le problème de la précession des équinoxes qui a décalé les signes – l’écart se nomme en sanscrit ayanamsa et avoisine actuellement les 25 degrés (un signe couvre 30 degrés) – et ôte son sens au travail des astrologues qui parlent d’un Soleil en Lion quand il est en fait dans le signe précédent. Au vrai, à cette époque, les astrologues ne se servent plus depuis longtemps des constellations, mais d’un zodiaque tropique dont le point gamma est le passage du Soleil à l’équateur, au début du printemps. Or cet argument de la précession permettra, à la fin du siècle, à Charles François Dupuis, auteur de l’Origine de tous les cultes , à Volney, l’auteur des Ruines , à Delaulnaye d’élaborer une histoire des religions liée au déplacement du point vernal, c’est-à-dire le lieu du ciel – l’étoile, en fait – à laquelle est conjoint le Soleil ou dont il est proche quand commence le printemps (25 920 ans pour revenir à son point de départ). Le culte du Taureau aurait correspondu à un point vernal dans la constellation du Taureau, celui du Bélier lorsque celui-ci se trouvait dans la constellation du même nom: par la suite, on proposa que le christianisme, qui fut souvent symbolisé par le poisson, correspondît au décalage suivant. Mais étaient-ce les étoiles qui imposaient leurs décrets aux hommes ou les hommes qui se servaient d’elles comme d’un calendrier céleste? Pourquoi ne pas annoncer une ère nouvelle, au bout de deux mille ans environ – l’ère chrétienne coïncidant grosso modo avec le début de l’ère des Poissons –, correspondant à la constellation qui, bientôt, accueillera le point vernal, ce qui rejoint le millénarisme de l’an 2000? Voici comment on passe d’une théorie explicative à une « prophétie » – celle de l’ère du Verseau. Ce serait donc en France que serait née, sous la Révolution, la théorie des ères qui fera le tour du monde et qui, prenant le relais de la théorie des grandes conjonctions, se situe dans le prolongement de la grande année de Platon.

Dupuis, membre de la Convention, a également cherché à relier les travaux d’Hercule avec les signes zodiacaux, dès lors qu’on avait affaire à deux séries de douze. On retrouve en effet le héros solaire – proche de Samson (de shamash : « soleil » en sémitique) affrontant des êtres qui figurent également dans le zodiaque. C’est le cas du lion de Némée, du taureau de Crète. On pourrait le faire tout aussi bien pour Gilgamesh, le héros babylonien. L’astrologie devient une clef pour comprendre les cultures et faire apparaître une certaine identité de structure, ce qui annonce, d’une certaine manière, le comparatisme moderne.

Séparée de l’astronomie, passée du service d’une élite dirigeante et puissante vers celui des particuliers, certes plus nombreux, désireux eux aussi de se trouver un destin et de se protéger contre la pression sociale, l’astrologie allait séduire la mère de famille, et serait d’ailleurs de plus en plus symbolisée par une femme, une Madame Irma dont l’archétype est Mlle Lenormand, la « sibylle du XIXe siècle », qui publie pendant la Restauration ses Mémoires sur l’impératrice Joséphine, au point que certains auteurs prirent des pseudonymes féminins, tel Collin de Plancy. Au début du siècle suivant, la vedette sera à Mme de Thèbes.

L’astrologie ferait désormais miroiter à des populations culturellement marginalisées la perspective d’accéder à l’usage de mots comme « recherche », « science », « loi », « expérience ». S’il fut un temps où un médecin, un propagantiste religieux s’initiaient à l’astrologie pour étayer leurs propos respectifs, si la science s’y référait, même si c’était pour la rejeter, son statut allait s’inverser: empruntant à la médecine, à l’histoire, les astrologues modernes peuvent bien se passionner pour l’astronomie, les astronomes n’en ont cure. Cette inversion constitue un des traits marquants de ce qu’on peut appeler le « ghetto astrologique ». L’astrologie ne relève plus que de la mode ou du commerce, de la culture quotidienne de l’homme de la rue: les gens connaissent leur signe astrologique...

L’éclipse supposée de deux siècles de l’astrologie française

En France, l’astrologie, dit-on, serait réapparue à la fin du XIXe siècle, après deux siècles d’un silence commencé durant la seconde moitié du XVIIe siècle, tandis que l’astrologie anglaise se serait maintenue durant cette période. Il est vrai que l’astrologie française de la fin du siècle dernier a été littéralement colonisée par l’astrologie anglo-saxonne, qui lui a enseigné à se servir des nouvelles planètes, non pas tant d’ailleurs, au départ, dans un esprit scientifique, mais plutôt en considérant celles-ci d’un point de vue théosophique, comme les étapes d’une nouvelle révélation (Alan Leo, Max Heindel, Alice Bailey). Mais on aurait beaucoup étonné les Français, vers le milieu du XIXe siècle, si on leur avait déclaré que l’astrologie avait disparu. Seuls des puristes pourraient tenir un tel discours: pour le public français de l’époque, l’astrologie est bel et bien présente, et peu lui importe qu’il s’agisse d’une variété plus ou moins fruste, d’autant que, tout compte fait, il existe une population qui ne fait guère de différence entre science et pseudo-science. Que les astrologues modernes contestent a priori la valeur des thèmes réalisés par leurs prédécesseurs les place au même niveau que leurs adversaires auxquels ils reprochent de ne pas mettre à l’épreuve les techniques pratiquées.

L’Almanach prophétique de Bareste, à partir de 1840, est tout à fait ouvert aux portraits zodiacaux, même s’il prend un ton quelque peu badin, qui est d’ailleurs toujours de mise. La littérature occultiste consacre volontiers des chapitres à l’astrologie et, en 1863, paraît L’Homme rouge des Tuileries de Paul Christian, roman initiatique, qui est un exposé substantiel de l’astrologie en vigueur, mâtinée, il est vrai, de tarot. Ce texte est d’ailleurs marqué par une véritable imposture. L’auteur restitue une préface d’Auger Ferrier à Catherine de Médicis, pour faire croire à son lecteur que le système onomantique (basé sur le nom) constituait le contenu du traité ainsi annoncé. Cela dit, dès le XVIe siècle, on trouvait dans le Livre d’Arcandam , préfacé par un contemporain de Ferrier, Antoine Mizauld, une méthode de la même veine.

Il convient de relativiser considérablement la question du mode de tirage, qui constitue une des principales sources de polémique entre astrologues. L’essentiel reste la somme précieuse de notations empiriques accumulées par les astrologues au cours des siècles sur la condition humaine sublunaire en général. Les astrologues ont su décrire notre société dans son ensemble, mais non pas circonscrire de façon pertinente le cas d’un individu en particulier, dans un temps donné, par rapport au cosmos. À cela est venu se mêler une somme de spéculations symboliques coupées du réel.

À la recherche du « fait astrologique »

Un discours, dès lors qu’il n’exprime plus une dimension forte de la culture, est en devoir de se justifier de manière objective. Un tel itinéraire pourra donc déboucher sur la recherche du « fait astrologique »: c’est ainsi que les astrologues se sont efforcés de montrer que l’astrologie a une réalité qui n’est pas simplement conjoncturelle, que l’influence des astres est plus qu’un simple mythe fondateur. Et, au fond, à force d’y croire et d’en avoir une certaine pratique, l’astrologie n’est-elle pas devenue réalité, et l’homme bel et bien « relié » aux astres?

Mais comment proposer un discours fondé qui recoupe l’ensemble des pratiques « astrologiques »? Dans cette recherche s’est distingué le Français Michel Gauquelin (1928-1991), qui a travaillé, pendant quarante ans, sur cinq cent mille dates de personnes ayant acquis un certain renom dans leur profession. Ayant réfuté les travaux statistiques établis pendant la première moitié du siècle par le polytechnicien Paul Choisnard et le Zürichois Karl Ernst Krafft, qui travaillera pour Hitler, il fit remarquer, entre autres, que l’absence de pondération statistique en fonction des variations du nombre des naissances au long de l’année, selon les pays considérés, majore artificiellement la présence de certains signes dans les statistiques zodiacales; une telle mésaventure serait évitée si l’on utilisait des groupes témoins de personnes prises au hasard. Michel Gauquelin parvint à isoler une corrélation entre le choix professionnel et la planète se levant ou culminant au moment exact de la naissance dans cinq cas (Lune, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne). Mais le résultat était un peu maigre pour les astrologues. Gauquelin ne parvint pas davantage à convaincre tout à fait ses adversaires, dont une riposte a consisté à soutenir que, dans une société aussi avertie de l’astrologie que la nôtre, les personnes tendent à s’autodéterminer en s’identifiant à leur propre portrait astrologique, bien que l’astrologie n’occupe tout de même pas la place qui est la sienne en Inde.

On ne saurait accuser Gauquelin d’avoir fait la part belle aux astrologues, puisque ses travaux sont négatifs pour le Soleil et Mercure, ainsi que pour les nouvelles planètes inconnues avant la fin du XVIIIe siècle, Uranus, Neptune, Pluton. Mais la question est de savoir si, comme le prétendent nombre d’astrologues, ce sont les nouveaux astres qui ont annoncé les temps nouveaux, dont ils incarneraient les valeurs, ou si les hommes, astrologues ou astronomes, n’ont fait que projeter une fois de plus dans le ciel l’esprit de leur époque. Toutefois, Michel Gauquelin ne proposait pas d’explication vraiment satisfaisante de ses résultats: pourquoi ces cinq astres auraient-ils une action sur l’homme? Au contraire, dans ses derniers travaux, il reconnaît que les astrologues ont parfois su déterminer ces influences planétaires qu’il a mises en évidence. Par quelle méthode ont-ils pu découvrir l’influence propre à chaque planète?

Précisons l’importance d’une hypothèse qui figure chez Kepler, au début du XVIIe siècle, celle de l’hérédité planétaire, reprise par Paul Choisnard et par Michel Gauquelin, qui la relie aux récentes recherches obstétriques: ce serait, en fait, l’enfant qui déclencherait la naissance et qui choisirait, en quelque sorte, le moment de l’accouchement en tenant compte des configurations astrales. Les astrologues préfèrent supposer que les astres agissent au moment même de la naissance.

La thèse du rendez-vous suppose chez le nouveau-né une perception assez étonnante, il est vrai, de la situation planétaire, mais certaines naissances survenues à des moments extrêmement précis sur le plan astronomique ne sont peut-être pas uniquement dues au hasard. Pour s’en rendre compte, il conviendrait d’étudier le comportement du futur nouveau-né dans les heures précédant la venue au monde, en rapport avec le mouvement des astres. En cas d’accouchement provoqué, selon Gauquelin, la corrélation n’existerait plus, et les positions planétaires n’auraient plus de signification. Voilà qui fait ressortir la dimension biologique et héréditaire de la sensibilité aux astres. Il ne saurait être question de laisser entendre que l’homme pense grâce aux astres et que les fonctions correspondant aux planètes disparaîtraient en quelque sorte avec les planètes, ce qui reste le postulat implicite de la plupart des discours astrologiques. La notion de synchronicité jungienne, qui pose l’identité entre ce qui est en haut et ce qui est en bas (table d’Émeraude), a surtout pour avantage de présenter l’astrologie comme ayant une valeur absolue, car, pour être viable, la synchronicité doit être parfaitement et immédiatement décodée, alors que, dans le modèle aristotélicien, on peut procéder par approximations successives.

La recherche astrologique postgauquelinienne s’oriente désormais vers la mise en évidence d’un modèle dépouillé de sa dimension horoscopique, c’est-à-dire de la référence à une équation individuelle natale spécifique, et s’efforce d’apprécier s’il n’existerait pas des séquelles d’une très ancienne relation pré-astrologique dans laquelle le ciel aurait été utilisé consciemment comme horloge régulatrice des activités de certaines sociétés.

Pourquoi, s’il en était ainsi, n’existerait-il pas un cycle universel qui atteindrait chaque individu dans sa vie personnelle tout en exerçant une influence collective? Mais, pour qu’un tel cycle existe pour l’humanité, il faudrait que les hommes aient décidé, dans le passé, de s’y conformer. Les saturnales – durant lesquelles maîtres et esclaves changeaient de rôles – perpétuaient l’idée d’un astre déclencheur qui, à certains moments, serait le signal, en quelque sorte hypnotique, d’un renversement de situation. Un tel modèle pourrait intégrer certaines notations astrologiques dispersées et faisant l’objet d’une myriade de corrélations: révolution copernicienne. En revanche, les nouvelles planètes n’ont de réalité qu’astronomique, et leur usage, aux côtés des anciennes planètes, relève d’un nouveau syncrétisme.

3. Syncrétisme et exégèse

Pour mettre en perspective la littérature astrologique, il importe de se demander ce qu’elle a à cacher, ce qui se dissimule derrière des constructions bien polies: on appréciera dès lors le talent de l’exégète à évacuer les apories structurelles ou contextuelles. Une nouvelle conception de l’histoire des textes astrologiques se fait jour: l’étude et la comparaison des gloses construites autour des articulations les plus fragiles du discours astrologique. L’historien doit mettre au jour un discours apologétique masqué, le plus souvent, sous la forme d’un « simple » exposé des règles de l’astrologie, dévoiler les impropriétés symboliques et les rapprochements destinés à atténuer les solutions de continuité (à commencer par l’intégration de nouvelles planètes) requises pour introduire de nouveaux réseaux conceptuels.

L’Aigle et le Scorpion

Il apparaît ainsi que le Scorpion n’a pas été initialement inscrit dans le schéma astrologique. Il fut mis en place à un stade antérieur en tant que constellation et, d’ailleurs, la disposition des étoiles évoque assez bien cet animal, et notamment sa queue venimeuse. Deux signes auraient dû le remplacer: la Balance et l’Aigle. Pour ce qui est de l’Aigle, les astrologues ne purent aboutir, en raison de l’habitude bien ancrée de désigner cette région du ciel sous le nom de Scorpion. Au contaire, c’est le Scorpion qui va s’intégrer au symbolisme astrologique et évincer l’Aigle. Nous avons là une expression intéressante du conflit astrologie-astronomie, tout comme les nouveaux astres, dont la nomination revient aux astronomes (ainsi Uranus, qui est, en mythologie, le père de Saturne), vont s’insérer dans le discours astrologique.

Le rapport planète-signe avant Ptolémée

Les luminaires ont certainement constitué le noyau d’un premier stade astrologique. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’on a élaboré une astrologie incluant des astres moins présents. Or il nous apparaît que, dans l’arsenal astrologique, cette dualité n’a jamais tout à fait disparu, et que la Lune fait parfois double emploi avec Vénus, ou le Soleil avec Jupiter.

Le dispositif de domiciles planétaires transmis par le Tetrabiblon de Ptolémée nous permet de remonter au-delà, de par les incohérences symboliques qu’on peut y relever, et les astrologues, depuis cette époque, ont été amenés à justifier, avec quelque sophistication, une structure qui, si astronomiquement elle est satisfaisante, est en rupture avec une astrologie plus naïve et en phase avec le discours mythologique. Il apparaît que les affectations de Mercure et de Vénus ont été inversées, tout comme ceux de Jupiter et de Mars avec lesquels ils sont respectivement en couple.

Au lieu d’avoir Mercure en Gémeaux et en Vierge et Vénus en Taureau et en Balance, on aurait eu d’abord le contraire. Avant d’avoir Jupiter en Sagittaire et en Poissons et Mars en Bélier et en Scorpion, les rôles auraient été inversés. À l’appui de cette thèse, la référence mythologique et symbolique. C’est ainsi que les deux signes de Vénus, tels qu’ils avaient été conçus dans une période préptoléméenne, correspondent bien à deux signes représentés par un couple et par une vierge, souvent accompagnée à la Renaissance d’une licorne aux valeurs phalliques. Car, dans l’iconographie astrologique, les Gémeaux sont souvent campés comme un couple qui s’enlace. Nous sommes là dans un domaine vénusien, et d’ailleurs le Kalendrier des bergers représente les « vénusiens » sous la forme d’un couple. Dès lors, les deux signes de Mercure auraient d’abord été le Taureau et la Balance. Le premier est un animal de trait, il évoque le cheptel (capital), la seconde est un outil de mesure, de commerce, très mercurien.

Si l’on passe à l’autre groupe, Mars, le dieu guerrier, devait mieux correspondre au départ avec l’archer (Sagittarius en latin). Quant aux Poissons, nous rappellerons l’histoire d’Andromède menacée d’être emportée par un monstre marin envoyé par Neptune, le dieu au trident. C’est un monde de gladiateurs. Enfin, Jupiter, le maître de l’Olympe, correspond au Bélier, le premier signe du zodiaque, l’animal qui entraîne les autres. Il était lié à Jupiter Ammon, à tête de bélier. Il convient de ne pas se fixer sur le Scorpion, dont nous avons dit qu’il était un élément étranger au système astrologique, et y placer l’Aigle. Or Jupiter se transforma en aigle, qui fond comme l’éclair sur sa proie, pour ravir Ganymède et l’amener en Olympe.

Ces observations nous permettent de comprendre l’émergence de la symbolique zodiacale telle que nous la connaissons encore de nos jours. Les signes sont des hypostases des planètes. Si le zodiaque est globalement structuré à partir des équinoxes et des solstices, en revanche, les signes du zodiaque doivent leur symbolique aux correspondances planétaires mythologiques, dont la diffusion progressive proviendrait d’un ensemble de signifiants d’origine probablement mésopotamienne.

Cet agencement allait se trouver en concurrence avec un autre, dit des exaltations, ne comportant, pour sa part, qu’un signe par planète et laissant donc cinq signes sans régent. Les deux agencements allaient finir par se combiner avec plus ou moins de bonheur. Ce second dispositif nous intéressera dans son traitement des luminaires: il place le Soleil en Bélier et la Lune en Taureau. Il apparaît qu’initialement c’était l’inverse, le Soleil occupant le Taureau, ce qu’évoque le culte du dieu solaire Mithra, lié au taureau. Pourquoi un tel changement? Cela aurait tenu à la prise en compte de la précession des équinoxes, qui aurait amené à constater que le point vernal se trouvait plutôt dans la constellation du Bélier que dans celle du Taureau. Mais il eût fallu poursuivre le mouvement et placer l’exaltation du Soleil en Poissons le moment venu, et ainsi de suite. La théorie de l’ère du Verseau, liée au déplacement du point vernal, serait le vestige de ce principe.

Les effets du progrès

Si l’astrologie a pu séduire divers interlocuteurs au cours de son histoire par la perspective d’une caution scientifique, elle a elle-même été tentée par quelques améliorations de ses outils, faisant ainsi cohabiter modernité et archaïsme. C’est ainsi que certaines recherches concernant le calcul des maisons – système de repérage qui, au départ, intéresse autant les astronomes que les astrologues – ont été progressivement appliquées à la pratique astrologique, en particulier celles de l’astronome allemand Johannes Müller, dit Regiomontanus (XVe s.), connues sous le nom de modus rationalis . Les résultats en étaient sensiblement différents, ce qui pouvait amener une planète à se trouver dans une maison selon tel mode de domification et dans une autre selon tel autre. En effet, si les grands axes (horizon, méridien) sont les mêmes, en revanche, les pointes de maisons intermédiaires sont sujettes à variations. Ce fut là un « choc » important pour l’astrologie, beaucoup plus que le passage progressif de l’astronomie à l’héliocentrisme. Mais un tel système fonctionne très mal sous les latitudes polaires.

La technique des révolutions solaires est également liée aux maisons: chaque année, on dresse un thème pour l’anniversaire (plus exactement pour le retour du Soleil sur la position natale), mais il est conseillé de voyager ce jour-là afin de se trouver en un lieu où les maisons soient le mieux disposées. Car, selon le cas, pour la même heure, les planètes se trouveront dans des maisons différentes et agiront donc sur des domaines différents de l’existence. Le destin s’en trouvera changé. L’astrologie offre ainsi des possibilités de moduler l’action des astres sur l’homme; une autre voie est celle des talismans, qui permettent de neutraliser certaines influences. Dilemme pour l’astrologie: ou bien elle prône un déterminisme absolu qui a des allures scientifiques, ou bien elle met en place tout un ensemble de facteurs pouvant interférer, et alors ses effets deviennent bien difficiles à cerner.

Notons par ailleurs que la représentation du thème varie et que les astrologues ne parviennent pas toujours à se lire mutuellement. Un des cas les plus remarquables est le thème en ellipse que Kepler a pu connaître dans sa pratique d’astrologue: avant d’introduire cette figure dans ses lois astronomiques, il s’imaginera sauver l’astrologie en lui proposant, dans le cadre de son Harmonie des sphères , de nouveaux aspects, dits « mineurs », qui n’auront d’ailleurs que peu de succès. Ces divergences médiévales autour de la domification furent relayées au XVIIe siècle par l’exploration à la lunette qu’effectua Galilée et qui fit apparaître des « lunes » autour de Jupiter. Les astronomes, les premiers, attendaient des astrologues qu’ils prennent en compte leurs travaux. Mais l’astrologie pouvait-elle se permettre de faire varier son discours? En ce sens, des deux sciences, la plus « folle » aux yeux du profane était bien l’astronomie.

Le fétichisme astronomique

L’astronomie n’a pas seulement fourni à l’astrologie des corps célestes, mais encore toutes sortes de découpages qui n’ont qu’une valeur très relative. C’est ainsi que les nœuds de la Lune, qui sont les points où les éclipses ont lieu, ont fini par revêtir, sous l’influence de l’astrologie hindoue, probablement, qui les nomme Rahou et Ketou, une riche signification symbolique qui rivalise avec celle des planètes.

On se trouve bel et bien en face de deux approches astrologiques opposées de l’astronomie, l’une qui s’y réfère systématiquement et utilise tout facteur céleste, matériel ou immatériel, par une sorte de fascination qui s’étend jusqu’à la moindre donnée astronomique, et l’autre, au contraire – de la chiromancie à l’alchimie –, qui garde ses distances face à l’astronomie moderne et ne croit qu’au septénaire, ancré dans la mémoire collective, attitude plus compatible avec le monothéisme puisqu’on s’éloigne ainsi des périls de l’astrolâtrie, qui asservit non seulement les esprits mais, à la longue, les corps, comme semblent l’avoir montré les travaux de Gauquelin.

Les nouvelles planètes

La fin du XVIIIe siècle est le théâtre de la découverte de la première planète au-delà de Saturne, dont le temps de révolution est presque le triple, quatre-vingt-quatre ans, comme l’avait annoncé peu avant la loi de Bode. Cet astre qui, pendant des millénaires, fut considéré comme le plus éloigné – ce qui expliquerait qu’il soit représenté sous les traits d’un vieillard – se trouva ainsi détrôné en 1781, dut abandonner son fief du Verseau à Uranus (père de Saturne dans la mythologie gréco-latine), mais, ce faisant, c’est le système des grandes conjonctions Jupiter-Saturne qui se trouve caduc, et les astrologues d’antan apparaissent comme des ignorants aux yeux des nouveaux astrologues. Cela ne pouvait apparemment qu’ouvrir davantage la brèche entre astrologie et astronomie. La nouvelle astrologie mondiale sera essentiellement axée sur les planètes au-delà de Saturne. Au XXe siècle, les astrologues belge (Louis Horicks) et français (Armand et André Barbault), à la fin des années trente, établiront une sorte de coefficient de concentration planétaire. Le principe analogique est simple: plus les planètes sont rapprochées, plus la situation est critique, mieux elles sont réparties et plus l’atmosphère est à la détente. Cela aboutit, curieusement, à faire de l’opposition entre deux planètes un facteur favorable, ce qui est en contradiction avec la doctrine astrologique. Depuis, une autre dialectique que celle de guerre et de paix a été proposée, qui fait alterner les processus d’évolution et d’involution des structures politiques, tous deux pouvant générer des tensions.

Les occultistes français avaient pourtant commencé par ignorer splendidement Uranus, lequel sera suivi par une cascade d’astéroïdes, dont le premier découvert fut baptisé Cérès, en 1801, en hommage à la Sicile, lieu d’où elle fut découverte au début du XIXe siècle. En revanche, en Angleterre, un courant était favorable à l’intégration de cet astre aperçu au bout du télescope, Herschel, du nom de son « inventeur », qui ne prendra le nom du dieu Uranus que plus tard. On dressera ainsi le thème de Napoléon avec le nouveau venu. Bien plus, on définira la fonction du nouvel astre à la façon d’une comète annonçant un événement. Uranus sera l’astre annonciateur de la Révolution de 1789.

Mais, en renonçant au septénaire, c’était ainsi la correspondance entre les jours de la semaine et les planètes qui perdait son sens. Un occultiste français, sous la Révolution, proposa de créer un « urandi » en l’honneur d’Uranus. Rappelons que la Lune donne son nom au lundi, Mars au mardi, Mercure au mercredi, Jupiter au jeudi, Vénus au vendredi, Saturne au samedi et le Soleil au dimanche. Le fait qu’on ait remplacé en français le jour du Soleil par le jour du Seigneur est assez significatif. Dans de nombreuses langues, la correspondance est moins bien respectée: c’est ainsi que, en allemand, mercredi se dit Mittwoch , ce qui veut dire très prosaïquement « milieu de semaine ». Mais quelle est la raison d’être de cette série planétaire sans pertinence astronomique qui figurait encore dans le Kalendrier des bergers mais n’est même plus signalée dans les traités modernes? Etteilla a montré qu’il s’agissait simplement d’un dérivé de l’ordre astronomique classique. Si on inscrit les sept planètes sur un cercle et qu’on trace une étoile à sept branches, on génère l’ordre des jours de la semaine, qui ne figure plus dans les traités d’astrologie occidentale, mais a encore sa place dans les traités d’astrologie hindoue. Un tel ordre est plus astrologique qu’astronomique; il implique un certain traitement géométrique.

Exotisme

La fin du XVIIIe siècle est marquée par un vif intérêt pour l’Égypte. La campagne de Bonaparte va aboutir à la découverte du zodiaque du temple de Dendérah, qui sera d’abord recopié puis ramené en triomphe, en 1822, à Paris au musée du Louvre, à la barbe des Anglais.

Une polémique opposera les savants de l’époque quant à l’âge dudit zodiaque. Nul traité sur l’Égypte, alors, sans son chapitre sur le zodiaque. Certains affirment, à partir de la précession des équinoxes et de l’orientation du monument, que le zodiaque est d’une ancienneté qui remet totalement en cause la chronologie biblique. D’autres, et ils auront raison, voient en ce zodiaque un monument élevé du temps de Néron. On voit que, si l’astrologie n’est plus considérée comme une science, elle occupe les académiciens.

L’astrologie indienne n’est pas en reste: les Anglais, maîtres du sous-continent, font connaître les zodiaques indiens, dès le XVIIIe siècle, ce qui permet de fructueuses comparaisons. C’est ainsi que le signe du Capricorne y figure sous les traits d’un crocodile. Cette astrologie est, au demeurant, de la même famille que celle qui nous est venue de Mésopotamie, à la différence de la chinoise, dont le public connaît aujourd’hui les douze animaux correspondant à un cycle de douze ans.

Cette astrologie indienne est, d’une certaine façon, une cristallisation de l’astrologie grecque, au contact de laquelle elle s’est trouvée, notamment lors des conquêtes d’Alexandre le Grand (IVe s. av. notre ère), comme le montre le nom de certains termes techniques chez un Var hamihira (VIIe s. de notre ère). Cette astrologie exerça à son tour son influence sur l’astrologie arabe et persane lorsqu’un Albiruni, lors d’un voyage en Inde, rapporta des données dont certaines semblent avoir été adoptées et finalement transmises à l’Occident chrétien. Il semble que l’un des apports les plus remarquables de l’Inde aurait été le goût des subdivisions du signe (navamsa , division en neuf, par exemple). Est-ce que l’Inde n’a pas préservé un état de l’astrologie oublié ailleurs? Car son astrologie reste très proche, de par son zodiaque et ses principes, de celle que nous avons héritée de Babylone, tout en offrant des variantes troublantes. On notera que l’astrologie indienne est, globalement, restée jusqu’à ce jour réfractaire à l’usage des nouvelles planètes et conserve son attachement pour les constellations. Cette astrologie indienne a d’ailleurs marqué fortement l’astrologie occidentale moderne, si bien que certains astrologues français et anglais travaillent, de nos jours, à partir des constellations.

En fait, l’essor de la connaissance des langues orientales et de l’archéologie, le déchiffrement des hiéroglyphes mais surtout des tablettes rédigées en cunéiforme ne feront que confirmer l’importance accordée à l’astrologie dans les civilisations antiques, tout en renforçant la conviction des hommes des XVIIIe et XIXe siècles, qui ne souhaitent précisément pas avoir trop de points communs avec des civilisations ou des époques jugées avec condescendance.

Un rapport ambigu au passé

Le credo astronomique chez l’astrologue l’amène à rejeter des formes d’astrologie ne correspondant plus aux connaissances astronomiques modernes. Cela écrase les différentes techniques utilisées par les astrologues au cours des siècles, et les astrologues modernes ne comprennent plus guère les méthodes jugées obsolètes de leurs prédécesseurs. Ils sont parfois embarrassés par les succès d’un Nostradamus ou d’un Pierre d’Ailly, dont ils contestent jusqu’au caractère proprement astrologique. Il importe que l’historien, pour sa part, utilise les ouvrages qui étaient alors en usage, qu’il reconstitue le raisonnement qui a abouti à faire telle prédiction. L’astrologue aime à se présenter comme un empiriste qui utilise des recettes qui « marchent » plutôt que comme un doux poète qui regarde le monde avec les lunettes de son imagination.

Vers une astrologie restaurée

La démarche de l’historien peut-elle servir le praticien? Signaler un syncrétisme accentué par des développements différents d’un pays à l’autre, un découplage, est-ce que cela est susceptible d’interpeller l’astrologue et de l’engager à renoncer à ses déviations? Dans la mesure où celles-ci ont fait l’objet d’une exégèse justificatrice, que les Gémeaux, par exemple, sont attribués, depuis au moins Ptolémée, à Mercure, peut-on raisonnablement l’inviter à les relier à Vénus ? N’y a-t-il pas plutôt une fuite en avant qui se manifeste à travers l’intégration de nouvelles données astronomiques dont l’absence expliquerait les échecs passés? Mais, précisément, est-ce qu’il est acceptable d’intégrer celles-ci alors que, bien qu’ayant existé depuis toujours, elles ne firent pas partie de l’univers des sociétés traditionnelles? Nouvelle querelle des Anciens et des Modernes...

Il est pour le moins paradoxal qu’un savoir qui clame l’existence d’une harmonie universelle soit si peu préoccupé par sa cohérence interne, qu’une « science » qui s’efforce de rationaliser, de trouver des raisons aux comportements et aux événements néglige autant de s’expliciter. Il y a un paradoxe de l’Homo astrologicus : structurant le monde à sa guise, il nie, par son discours, les capacités structurantes de l’homme, mais, en même temps, il rêve du temps où l’homme sculptait le monde et lui faisait dire ce qu’il voulait.

Le discours astrologique comporte deux niveaux: celui du consensus, à fonction intégratrice, et qui est accepté comme la référence commune à tous ceux qui se disent astrologues, et celui de la pratique, qui est l’affaire personnelle de l’astrologue en situation, dont la tâche est d’adapter ce discours aux représentations de son client. Il y a, dès lors, parmi les astrologues des maîtres à penser, qui structurent le domaine, et des techniciens, qui font passer, avec les moyens du bord, le général pour du particulier, aidés en cela par le client lui-même qui, dès lors qu’il est bien disposé ou bien préparé, fera lui-même l’effort de donner du sens à ce qui lui est proposé.

La part de l’interprétation y est toujours considérable. Paradoxalement, la précarité actuelle de l’astrologie nous laisse libres de l’accepter ou de la rejeter: elle n’existe que parce que nous le voulons bien et tant que nous le souhaitons et ne nous dit que ce que nous sommes disposés à en entendre. Personne n’est dupe – c’est ce qu’Edgar Morin appelle une croyance « clignotante » –, alors que l’astrologue, au fond, attend des encouragements de son client autant qu’un salaire. L’astrologie nous apparaît comme une tunique que nous mettons quand nous nous sentons nus et que nous avons froid. Elle est une injection d’absolu dans un monde d’arbitraire. Elle amènera ainsi un Goethe vieillissant à commencer son autobiographie par une description de son thème natal. En astrologie, les mots ont plus d’importance que les astres auxquels ils renvoient plus ou moins vaguement. Le discours de l’astrologue n’a d’efficience que s’il est truffé de noms de planètes, de signes, etc. L’entretien astrologique implique une certaine régression consentie par le patient, retour vers un monde où les choses porteraient un nom qui les définirait intrinsèquement, ce qui implique à la fois qu’il y ait un être et que cet être puisse avoir un nom qui ne soit pas simplement contingent. La prise de conscience de ce que le nom attribué n’avait d’autre fonction que de désigner par convention et non de signifier allait précisément saper les bases de l’astrologie. Il n’est pas indifférent que la Logique de Port-Royal (1662), qui se répandra dans toute l’Europe, prenne pour exemple, dans le discours initial de Pierre Nicole, cette même astrologie qui, jusque-là, pouvait affirmer que ce n’était pas par hasard que le ciel avait été baptisé comme il l’avait été.

astrologie [ astrɔlɔʒi ] n. f.
• v. 1260 « astronomie »; lat. d'o. gr. astrologia
Art de déterminer le caractère et de prévoir le destin des hommes par l'étude des influences astrales, des aspects des astres, des signes. horoscope.
Hist. Connaissance des correspondances célestes et terrestres. hermétisme.

astrologie nom féminin Discipline ayant pour objet l'étude des corrélations entre la configuration, la qualité propice ou néfaste du ciel géocentrique lors d'un événement terrestre, d'une part, et la nature, les développements de cet événement d'autre part.

astrologie
n. f. étude des corrélations entre la position des astres lors d'un événement terrestre et la nature et les développements de cet événement. (L'astrologie est pratiquée depuis la plus haute antiquité et a servi d'élément moteur au développement de l'astronomie, avec laquelle elle s'est longtemps confondue.)

⇒ASTROLOGIE, subst. fém.
Science de certains astres (le Soleil et la Lune, appelés luminaires, et les planètes Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton) considérés dans leurs relations entre eux, dans leurs positions dans les signes du zodiaque; art d'interpréter ces configurations particulières à une certaine date, établies dans une carte du ciel, en vue de déterminer le caractère de quelqu'un, de prédire l'avenir :
1. Dante croyait à cette maxime, répandue parmi les sages de tous les temps, et surtout chère aux poètes, qu'il existe une harmonie préétablie entre les œuvres de Dieu et les conceptions humaines, et que l'homme est un abrégé de l'univers. Il ne refusait pas toute confiance aux spéculations de l'astrologie, qui cherchait à développer cette idée en constatant de nombreuses correspondances entre les phases des révolutions célestes et celles de la vie terrestre.
OZANAM, Essai sur la philos. de Dante, 1838, p. 91.
2. ... on ne saurait croire combien la croyance à l'astrologie a été utile à l'humanité. Si Képler et Tycho-Brahé ont pu vivre, c'est parce qu'ils vendaient à des rois naïfs des prédictions fondées sur les conjonctions des astres. Si ces princes n'avaient pas été si crédules, nous continuerions peut-être à croire que la nature obéit au caprice, et nous croupirions encore dans l'ignorance.
H. POINCARÉ, La Valeur de la sc., 1905, p. 169.
3. Une relation d'universelle sympathie régit toutes les manifestations de la vie et explique la croyance de tous les penseurs de la renaissance à la magie : aucun geste, aucun acte n'est isolé, ses répercussions efficaces s'étendent à la création entière, et l'opération magique atteint tout naturellement les choses ou les êtres les plus lointains. L'astrologie, de même, est nécessairement inscrite dans le système de tous ces philosophes : l'analogie essentielle qui existe entre la nature et l'homme permet d'admettre, sans étonnement, que chaque destinée soit liée au cours des astres et des constellations. L'homme est au centre de la création, où il occupe une place privilégiée dans la chaîne des êtres, grâce à sa dignité de créature pensante et consciente, de miroir où l'univers se reflète et se connaît.
BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve, 1939, p. 50.
4. ... Pythagore. Seule cette conception mystique de la géométrie a pu fournir le degré d'attention nécessaire aux débuts de cette science. N'est-il pas reconnu d'ailleurs que l'astronomie sort de l'astrologie, la chimie de l'alchimie? Mais on interprète cette filiation comme un progrès alors qu'il y a dégradation de l'attention. L'astrologie et l'alchimie transcendante sont la contemplation des vérités éternelles dans les symboles fournis par les astres et les combinaisons de substances. L'astronomie et la chimie en sont des dégradations. L'astrologie et l'alchimie comme magies en sont des dégradations encore plus basses.
S. WEIL, La Pesanteur et la grâce, 1943, p. 134.
5. Nous savons encore peu de chose des mille courants qui nous relient à ce plus vaste corps et charrient ses influences jusqu'à notre corps domestiqué. Il est remarquable que la science de Kepler et la foi de saint Thomas n'aient pas cru devoir rejeter au principe les affirmations de l'astrologie. Ils croyaient à l'influence des astres, et quelques savants commencent aujourd'hui à dresser des tables statistiques, afin de voir si des corrélations psycho-cosmiques s'en dégageront. C'est le seul moyen scientifique d'aborder le problème. La solidarité qu'affirme partout l'univers laisserait plutôt supposer que les résultats seront positifs, et permettront, comme déjà la chirologie, la graphologie et la physiognomonie, d'écarter de l'astrologie le bavardage des charlatans.
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 121.
SYNT. Astrologie chaldéenne, égyptienne, orientale; astrologie collective, divinatoire, individuelle, judiciaire; figure, thème, manuel, traité d'astrologie; les principes, les spéculations de l'astrologie; étudier l'astrologie; s'initier, s'adonner, se livrer à l'astrologie.
Vx. Astrologie judiciaire (ou elliptique) ou astrologie proprement dite, divinatoire (p. oppos. à astrologie au sens ancien de « astronomie », science des astres ») :
6. Dès qu'on admet la fatalité, c'est-à-dire l'enchaînement des causes l'astrologie judiciaire existe et devient ce qu'elle était jadis, une science immense, car elle comprend la faculté de déduction (...). L'astrologie judiciaire, la divination, a régné pendant sept siècles, non pas, comme aujourd'hui, sur les gens du peuple, mais sur les plus grandes intelligences, sur les souverains, sur les reines et sur les gens riches.
BALZAC, Le Cousin Pons, 1847, p. 123.
Rem. Dans l'ex. suiv., a le sens de « science du cosmos » :
7. ... l'imagination des anciens avait rêvé une sorte d'astrologie judiciaire ou de science cosmologique, s'étendant à l'œuvre de Dieu tout entière, ciel et terre. L'idée de périodicité, de rétablissement, de retour, de résurrection de toutes choses, était l'idée principale et caractéristique de cette astrologie. (...) ce que l'on appelle la fin du monde, ou la consommation finale, suivie de résurrection, ou, comme disaient les apôtres de Jésus, d'une palingénésie générale, d'un rafraîchissement universel, sous les auspices d'un roi ou d'un messie, d'un prophète ou d'un type envoyé par Dieu à cet effet, est une dérivation de l'antique cosmologie dont nous parlons.
P. LEROUX, De l'Humanité, t. 2, 1840, p. 689.
Astrologie naturelle. Étude de l'action des astres sur les éléments telluriques. Astrologie statique. Celle qui considère exclusivement la carte du ciel à la date de naissance. Astrologie dynamique. Celle qui, étudiant les transits et les directions des astres, considère le tracé de l'individu dans son mouvement à travers le temps (d'apr. Divin. 1964, p. 245).
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. Ca 1250 « étude des astres, spécialement de leur influence sur la destinée des hommes » (Ph. MOUSKET, Chronique rimée, éd. Reiffenberg, 1836, vers 9772 : Astrologie sietme di Ki des estoiles, tout de fi, Nos moustre le cours et l'afaire, Et la cose couvierte esclaire, Et si fait bien detierminer Comment on peut adevener Des aventures les regars, Quant uns afaires est espars); 1549 astrologie judiciaire (CALVIN, Advertissement contre l'astrologie qu'on appelle judiciaire, Genève); 2. 1370 « étude des astres, synon. de astronomie » (ORESME, Ethiques, 33 ds GDF. Compl. : Aussi est il de plusieurs sciences comme de astrologie) — XVIe s. ds HUG.
Empr. au lat. astrologia « étude des astres, astronomie » (CICÉRON, De orat., 1, 187 ds TLL s.v., 965, 73); synon. de astrologie, en b. lat. (TERTULLIEN, Idol., 9, ibid., 966, 44). Le lat. est empr. au gr. « astronomie » (XÉNOPHON, Memorables, 4, 7, 4 ds LIDDELL-SCOTT) « astrologie » (SEXTUS EMPIRICUS, Adversus Mathematicos, 5, 1, ibid.). Pour les rapports entre astronomia et astrologia et les deux accept. de astrologia, cf. ISIDORE, Orig., 3, 26 ds TLL s.v., 965, 59.
STAT. — Fréq. abs. littér. :92.
BBG. — Archéol. chrét. t. 1 1924. — BARB. Misc. 8 1928-32, p. 416. — BOUILLET 1859. — Divin. 1964. — DLF M. Â. — Foi t. 1 1968. — LAVEDAN 1964. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MARCEL 1938. — MASSON 1970. — MULLER 1966. — NELLI 1968. — NYSTEN 1814. — ST-EDME t. 2 1825.

astrologie [astʀɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. V. 1260; lat. astrologia « étude des astres, astronomie »; grec astrologia « astronomie, astrologie », de astron « astre », et -logia. → -logie.
Art de déterminer le caractère et de prévoir le destin des hommes par l'étude des influences supposées des astres, des signes. Ascendant, aspect (et : conjonction, sextil, quartil, trin ou trigone, opposition), astre, astrologue, astromancie, avenir, cercle, ciel, horoscope (et : direction, domification, généthliologie, maison, maître, thème); influence, maison, méridien, naissance, planète (et : chute, déjection; configuration, conjonction, dignité, exil); position, sidération, sidéromancie, signe (signes du zodiaque; signes de feu, de terre, d'air, d'eau), zodiaque.
Astrologie divinatoire. Astromancie.
1 Maintenant même que la science des astres, que l'on nomme Astrologie, a pris si grand accroissement (…)
J. Amyot, Demandes des choses romaines, 24.
1.1 (…) on ne saurait croire combien la croyance à l'Astrologie a été utile à l'humanité. Si Kepler et Tycho Brahé ont pu vivre, c'est parce qu'ils vendaient à des rois naïfs des prédictions fondées sur la conjonction des astres. Si les princes n'avaient pas été si crédules, nous continuerions peut-être à croire que la Nature obéit au caprice (…)
H. Poincaré, la Valeur de la science, VI.
Hist. Connaissance des correspondances célestes et terrestres. Hermétisme.
(1549). || Astrologie judiciaire : étude de l'influence supposée des astres sur les jugements déterminant les conduites (décisions, choix du moment d'agir, etc.).
2 Comme les maladies de l'esprit ne se guérissent guère, l'astrologie judiciaire et l'art de prédire par les objets vus dans l'eau d'un bassin avaient succédé, chez les chrétiens, aux divinations par les entrailles des victimes ou le vol des oiseaux, abolies par le paganisme.
Montesquieu, Grandeur et Décadence des Romains, 21.
Astrologie et hermétisme, et magie, et occultisme.
3 L'astrologie pourrait s'appuyer sur de meilleurs fondements que la magie; car si personne n'a vu ni farfadets, ni lémures, ni dives, ni peris, ni démons, ni cacodémons, on a vu souvent des prédictions d'astrologues réussir (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Astrologie. (→ Astrologue).
Didact. || Astrologie onomantique : détermination du destin par un système numérologique basé sur les données de la kabbale et sans intervention des positions astronomiques des corps célestes, pris seulement comme symboles.
Astrologie naturelle : étude de l'action des astres sur les éléments telluriques.
Astrologie statique, qui considère uniquement la carte du ciel à la date de la naissance (par oppos. à astrologie dynamique).
DÉR. Astrologien, astrologique, astrologiser.

Encyclopédie Universelle. 2012.