TERRE
Avant d’être un concept, la Terre fut une donnée: d’abord, la Terre nourricière – autrement dit, la «terre végétale» –, puis, la Terre où l’homme vit, par opposition à la mer, c’est-à-dire les terres émergées. Tout naturellement, cette Terre, siège de l’humanité, était le centre du monde, qui s’ordonnait autour d’elle, y compris le ciel, dont le mystère autorisait d’y voir la transcendance des affaires terrestres. Cette Terre-là n’avait pas de forme précisée, sinon d’être, de prime abord, une étendue plate, aux marges de laquelle s’étendaient des limbes mystérieux: rien ne laissait supposer – et, d’ailleurs, la question ne se posait pas – qu’elle fût un objet de forme déterminée, situé dans un univers défini, encore moins qu’elle puisse y être en mouvement. Les Sumériens et les Égyptiens, qui furent les premiers astronomes, d’emblée de grande qualité, ne l’imaginaient pas.
Ce sont les Grecs qui, les premiers, conçoivent que la Terre est un objet en forme de sphère; à partir de là, ils effectuent des mesures, certaines d’une étonnante exactitude. En dépit des positions scolastiques, souvent obscurantistes, le consensus sur la sphéricité de la Terre demeurera du Moyen Âge à la Renaissance, même s’il n’est pas toujours franchement exprimé: l’idée du voyage de Christophe Colomb en découle.
La conception de la forme de la Terre, acquise dès l’Antiquité, marque une première étape qui lui donne son autonomie de globe terrestre, à l’extension limitée. La conception de son mouvement, qui ne sera élaborée qu’à la Renaissance, lui donnera son statut de planète dans l’Univers.
Jusque-là, en raison des apparences premières, la voûte céleste paraissait tourner autour de la Terre, ainsi centre de l’Univers, même si les planètes, non encore reconnues comme telles, semblaient être des étoiles aux mouvements complexes, pour lesquelles il fallut concevoir des voûtes emboîtées et des trajectoires relevant d’«épicycles» centrés les uns sur les autres, en un système qui atteignit une complication extravagante: au seuil de la révolution copernicienne, il ne fallait pas moins de quarante-neuf épicycles pour rendre compte des mouvements du ciel et établir les almanachs, d’une façon satisfaisante d’ailleurs.
Le bouleversement que constitue l’abandon du géocentrisme, entrevu par Aristarque de Samos au IIIe siècle avant J.-C., déclenché par le De revolutionibus orbium coelestium , dont la tradition dit que Copernic en tint les épreuves d’imprimerie sur son lit de mort, en 1543, codifié par l’Astronomia nova , publiée en 1609 par Kepler, rencontra de vives résistances. Les célèbres procès de 1616 et de 1633 faits par le Saint-Office à Galilée, et que celui-ci perdit sans être convaincu, en sont l’illustration la plus connue: «Eppure si muove »... C’est que, bien qu’il n’ait pas conçu lui-même la place et les mouvements de la Terre dans le système solaire, Galilée, en inventant la lunette astronomique – on observait jusqu’alors à l’œil nu –, avait découvert les satellites de Jupiter, illustrant ainsi, par comparaison, l’exactitude du nouveau concept de révolution céleste.
Que ces idées soient aujourd’hui familières, maintenant que les satellites artificiels en donnent une constante démonstration, ne diminue pas le fait qu’elles constituèrent la première grande révolution culturelle; celle-ci, en effet, changea définitivement l’idée que l’homme se faisait de lui-même en l’excluant du centre de l’Univers, puisque la Terre n’y était pas.
Plus tard venue que l’astronomie, la géologie sera à l’origine des deux autres révolutions culturelles qui changeront les conceptions de l’homme. Par la compréhension de la nature des fossiles, qui ne fut vraiment acquise qu’avec la Renaissance, naquit l’idée de faunes et de flores se succédant dans le temps, idée qui conduira à la notion d’évolution, ramenant l’homme à son simple statut d’espèce parmi d’autres dans un monde vivant en constante transformation; les résistances au transformisme ne seront pas moindres au XIXe siècle que les résistances à l’héliocentrisme aux XVIe et XVIIe siècles: Darwin y jouera le rôle d’accusé principal, à l’instar de Galilée.
Enfin, il faudra attendre le XXe siècle pour que les développements de la géochimie permettent d’accéder à la mesure absolue du temps, ouvrant des perspectives dont l’unité de mesure est le million d’années. L’histoire humaine se trouve ainsi ramenée à l’état d’ultime péripétie dans l’histoire de la Terre, péripétie dont la brièveté invite à réfléchir sur son avenir.
1. Données générales
La forme de la Terre: du globe au géoïde
Le globe terrestre
Il appartient aux Grecs d’avoir établi que la forme de la Terre était sphérique et d’en avoir, pour la première fois, estimé la grandeur.
Dès le Ve siècle avant J.-C., Anaxagore avait remarqué la forme circulaire de l’ombre portée de la Terre, lors des éclipses de Lune. Au IIIe siècle avant J.-C., Ératosthène de Cyrène avait trouvé entre Syène (Assouan) et Alexandrie une distance de 5 000 stades pour 7 degrés 12 minutes d’angle, soit 250 000 stades environ pour la circonférence terrestre, correspondant à peu près à 44 000 kilomètres, mesure exacte à 10 p. 100 près. D’autres mesures de cette circonférence seront effectuées au cours des siècles qui suivront, souvent moins exactes, la plupart du temps sous-estimées: ainsi, celle de 30 000 kilomètres environ retenue par Ptolémée, au IIe siècle après J.-C., dans sa Syntaxe mathématique , plus connue au Moyen Âge sous le nom arabisé d’Almageste . Cette sous-estimation décida du voyage de Christophe Colomb en 1492, dans lequel il ne se serait sans doute pas engagé, avec les moyens de navigation de l’époque, s’il avait su devoir affronter 10 000 kilomètres de plus pour atteindre l’Asie par l’Ouest; heureusement, l’Amérique était là qui sauva son entreprise en lui donnant une signification inattendue... La réalité de la sphère terrestre, qui venait d’être figurée sous la forme du premier globe connu, construit par Martin Behaim en cette même année 1492, était donc démontrée; ce fait fut définitivement confirmé par la circumnavigation entreprise en 1519 par Magellan et achevée en 1522, sans ce grand capitaine, mort en route, à Mactan, dans l’île de Cebu (Philippines).
La mesure plus exacte des coordonnées terrestres sera faite au siècle suivant, à l’instigation de l’Académie des sciences de Paris, qui fut chargée en 1668, par Colbert, son fondateur, d’établir une véritable carte géographique de la France, «plus exacte que celles qui ont été faites jusqu’icy». Commença ainsi une aventure qui s’achèvera en 1799 par la définition du mètre, base du système métrique, lequel verra le jour en 1810. Les mesures faites par l’abbé Jean Picard, grâce à la méthode de la triangulation mise au point au XVIe siècle par les Hollandais, sur la «méridienne» Paris-Amiens, donnèrent 57 064 toises (du Châtelet) pour un degré d’arc de méridien; soit 40 034 kilomètres pour la circonférence terrestre, valeur très voisine des mesures actuelles. (La toise du Châtelet, ainsi nommée parce qu’elle représentait la distance entre deux crochets fixés dans les murs du Châtelet, à Paris, valait 1,948 8 m; rappelons que toises, pieds, pouces avaient des valeurs différentes d’un pays à l’autre, voire d’une province à l’autre.)
L’ellipsoïde terrestre
Une grande controverse s’engagea alors qui allait opposer, pendant quelques décennies, les deux plus anciennes académies du monde, l’Académie des sciences de Paris, sous l’égide de la dynastie des trois Cassini, réalisateurs de la carte de France, et la Royal Society de Londres, sous l’égide de Newton.
Au vu des résultats de l’abbé Picard, la méridienne Paris-Amiens fut étendue à la méridienne Dunkerque-Perpignan: le degré de méridien, mesuré au sud de Paris, égal à 57 097 toises, était plus long que le degré de méridien mesuré au nord. La Terre n’était donc pas une sphère mais un fuseau allongé selon l’axe des pôles. Ce résultat, acquis en 1718, entrait en contradiction avec la théorie de la gravitation universelle, que Newton avait exposée dans ses Principia , parus en 1687: en raison de la force centrifuge résultant de la rotation de la Terre, celle-ci devait au contraire avoir la forme d’un ellipsoïde aplati aux pôles. Les mesures des périodes d’oscillation de pendules identiques faites par Jean Richier à Paris et à Cayenne permettaient d’annoncer un aplatissement de 1/578 (près de deux fois plus faible que celui qui est mesuré aujourd’hui). Les mesures des Cassini remettaient donc en cause la théorie de Newton.
L’Académie des sciences décida par conséquent de vérifier ces mesures en organisant ce qui peut être considéré comme le premier grand programme scientifique international. Une première expédition, dirigée par Pierre Louis Moreau de Maupertuis – avec, entre autres, Anders Celsius et Alexis Claude Clairaut –, se rendit en Laponie en 1736-1737, et une seconde, sous la direction de Louis Godin – avec Pierre Bouguer, Joseph de Jussieu et Charles Marie de La Condamine, notamment –, opéra au Pérou (en fait, dans ce qui est aujourd’hui l’Équateur) de 1735 à 1744, pour y mesurer un degré d’arc de méridien afin de les comparer. Les résultats confirmèrent la théorie de Newton, qui n’eut plus, dès lors, de contradicteur: par 660 nord, le degré d’arc de méridien, qui valait 57 438 toises, était plus long qu’à Paris et, a fortiori, qu’auprès de l’équateur, où il ne valait que 56 735 toises.
Le géoïde terrestre
Ces controverses donnèrent à la science des mesures une grande impulsion qui conduirait aux développements modernes, d’une part, de la métrologie, d’autre part, de la géodésie. De là viendront le mètre et le système métrique, à la suite d’une nouvelle entreprise de l’Académie des sciences, ainsi qu’une image précise de la forme de la Terre qui fut acquise par l’étude des anomalies de pesanteur. Rapportée à un ellipsoïde de référence calculé au niveau moyen des mers, corrigée de l’effet des reliefs, la pesanteur présente des anomalies positives ou négatives. On peut alors définir un géoïde, surface équipotentielle du champ de la pesanteur au niveau de référence, qui s’écarte de l’ellipsoïde de référence de plusieurs dizaines de mètres (au-dessus ou au-dessous).
La forme du géoïde a été très affinée grâce aux satellites artificiels: par l’analyse de leurs orbites, qui dépendent du champ de pesanteur terrestre, ce qui fut possible dès Spoutnik-2 (1957-1958), qui permit de mesurer un aplatissement polaire de 1/298 – au lieu de 1/297, calculé par les mesures de pesanteur au sol – par des satellites à radar altimétrique (Geos-3 et Seasat, placés sur orbite en 1975 et en 1978, Geosat en 1985, E.R.S.-1 en 1991, Topex-Poséidon en 1992, E.R.S.-2 en 1995), qui ont permis de mesurer directement les ondulations du géoïde marin. Le Goddard Space Flight Center, aux États-Unis, ainsi que l’association du Groupe de recherche de géodésie spatiale de Toulouse (G.R.G.S.) et de l’Institut de géodésie spatiale allemand fournissent des mesures toujours améliorées du champ de gravité terrestre.
Les «mensurations» du géoïde
La Terre a donc la forme d’un géoïde, proche d’un ellipsoïde de révolution, aplati aux pôles d’un taux de 1/298,5, ce qui correspond à un rayon polaire de 6 356,752 kilomètres, plus court de 21 kilomètres environ que le rayon équatorial, égal à 6 378,136 kilomètres; ces valeurs conduisent à une circonférence méridienne de 40 007,864 kilomètres, plus courte de 67 kilomètres environ que la circonférence équatoriale, égale à 40 075,017 kilomètres.
La superficie de la Terre est de 510 065 000 kilomètres carrés, dont 133 620 000 kilomètres carrés de continents, soit 26,2 p. 100, le reste correspondant à la surface des océans et des mers. Le volume de la Terre est de 1 083 320 000 kilomètres cubes, ce qui conduit à une masse de 5,98 練 1024 kilogrammes, pour une densité moyenne de 5,515.
Par rapport à un ellipsoïde de révolution qui aurait pour axe la ligne des pôles, le géoïde (fig. 1) présente des saillies et des dépressions d’une centaine de mètres au maximum, ce qui peut sembler négligeable: vue depuis un satellite, la Terre apparaît bien comme un globe terrestre! Les deux plus grandes protubérances (fig. 2), d’une amplitude maximale de 80 mètres, se situent dans le sud-ouest du Pacifique, au droit de la Nouvelle-Guinée, et dans l’Atlantique nord, approximativement aux antipodes l’un de l’autre; une saillie secondaire de 50 mètres environ se situe dans l’océan Antarctique, au sud-est de l’Afrique. La plus grande dépression, d’une amplitude de 100 mètres environ, se situe dans l’océan Indien, au sud de l’Inde; une dépression moins marquée, de 70 mètres, se place dans l’océan Antarctique, au nord-est de la terre Adélie; enfin, un groupe de dépressions de 50 mètres environ est centré sur l’Amérique du Nord, avec un maximum au niveau de la baie d’Hudson et deux zones moins marquées, dans la région des Bahamas-Petites Antilles, et dans le Pacifique, au sud-ouest de la Californie. Cette distribution des creux et des bosses, sans rapport avec des structures superficielles déterminées, est liée à des irrégularités de la répartition des masses dans les profondeurs du globe qui font l’objet de conjectures.
Le détail des reliefs de la Terre, précisé par les satellites des familles Landsat et S.P.O.T., fait apparaître deux grandes ceintures montagneuses, l’une péripacifique, à prédominance méridienne, l’autre latitudinale, des Caraïbes à l’Indonésie par l’Eurasie méridionale, dite téthysienne en ceci qu’elle est issue de la Téthys, océan aujourd’hui disparu qui séparait, pendant les derniers 200 millions d’années, les continents septentrionaux et méridionaux en cours d’individualisation. Mais les études océanographiques, confirmées par le traitement des données des satellites altimétriques de la famille Seasat, Geosat, Topex-Poséidon, font apparaître que la plus grande chaîne terrestre, longue de 60 000 kilomètres environ, est formée par les rides (médio)-océaniques, qui s’élèvent en moyenne à 2 000 mètres au-dessus des plaines abyssales.
Rapportée au géoïde, l’altitude maximale des terres émergées est celle de l’Everest (8 846 m), dans la chaîne téthysienne de l’Him laya; la profondeur maximale des océans est celle de la fosse des Mariannes (11 034 m), dans le Pacifique occidental. Rapporté au fond des océans, le plus grand dénivelé est celui de la cordillère des Andes, qui atteint près de 15 000 mètres, somme des 8 000 mètres de la fosse d’Atacama (ou du Pérou-Chili) et des près de 7 000 mètres des sommets andins. Enfin, si l’on considère la distance au centre de la Terre, le plus haut relief est le volcan Chimborazo, en Équateur, qui ajoute à ses 6 310 mètres par rapport au géoïde l’épaisseur du bourrelet équatorial (de 21 km environ).
La Terre, planète du système solaire
Un des principaux résultats de la «révolution copernicienne» fut la conception du système solaire, codifiée par Kepler selon des lois toujours en vigueur; en conséquence, les planètes se trouvaient distinguées des étoiles, la Terre n’étant que l’une d’entre elles.
Parmi les neuf planètes principales – auxquelles s’ajoute l’essaim des astéroïdes –, la Terre est une des quatre planètes telluriques, solides, de composition (roches silicatées et fer) et de densité moyenne voisines (entre 3,9 pour Mars et 6,1 pour Mercure), la densité moyenne de notre planète étant de 5,52.
Caractéristiques orbitales
La Terre décrit autour du Soleil, dans un plan dit de l’écliptique, une orbite elliptique dont le Soleil occupe un des foyers (fig. 3). Sa distance au Soleil varie ainsi entre 147 103 311 kilomètres, en janvier (périhélie), et 152 105 142 kilomètres, en juillet (aphélie); sa vitesse orbitale s’échelonne entre 28,084 et 31,028 kilomètres par seconde.
La Terre tourne sur elle-même en 23 heures 56 minutes et 4 secondes, selon un axe incliné de 230 27 sur le plan de l’écliptique, ce qui conduit à une variation considérable de l’ensoleillement en un endroit donné, définissant les saisons. 230 27 nord et sud marquent la latitude des tropiques du Cancer, au nord, et du Capricorne, au sud, où le Soleil arrive à la verticale, à midi, aux solstices de juin (Cancer) et de décembre (Capricorne), le Soleil passant deux fois par an à la verticale de tout lieu situé entre les tropiques. Les cercles polaires, par 660 33 , marquent en complément les limites de la nuit polaire au moment du solstice de l’hémisphère opposé. Le Soleil passe et repasse au zénith de l’équateur lors des équinoxes de septembre et de mars.
Entre deux solstices – ou entre deux équinoxes – consécutifs, on définit une année tropique de 365 jours 5 heures et 48 minutes, exacte mesure de la succession des saisons. Or l’axe de rotation de la Terre n’est pas fixe et décrit en 25 800 ans un cône de demi-angle au sommet égal à 230 27 , autour d’un axe perpendiculaire au plan de l’écliptique, ce qui provoque le phénomène de précession des équinoxes, en conséquence duquel l’année sidérale dépasse de 20 minutes environ l’année tropique; celle-ci est donc en avance d’autant.
La rotation de la Terre est affectée d’autres irrégularités, de moindre grandeur: mouvements de nutation de l’axe des pôles, oscillation angulaire de 9,21 selon une période de 18,6 ans; mouvement erratique de l’axe des pôles, qui décrit une spirale irrégulière à l’intérieur d’un cercle d’une vingtaine de mètres de diamètre; freinage progressif de la rotation dû aux marées terrestres – le jour aurait diminué de 2 heures environ en 350 millions d’années, la rotation se faisant en 12 heures lors de la formation de la Terre, il y a 4,5 milliards d’années (en conséquence, la Lune s’éloigne de la Terre de 3,7 cm par an); variation saisonnière annuelle de l’ordre de la milliseconde, liée aux irrégularités météorologiques entre l’hémisphère Nord, où se concentrent les continents, et l’hémisphère Sud, où ils sont moins importants, etc.
Si les plus marquées de ces irrégularités sont connues depuis longtemps, comme la précession des équinoxes, que les Anciens calculaient sans en connaître la cause, ou le freinage des marées, dont Darwin avait le premier pressenti l’origine, les précisions les plus fines n’ont été acquises qu’à la fin du XXe siècle, grâce à la géodésie spatiale: télémétrie laser sur des satellites artificiels; interférométrie à longue base (V.L.B.I.: Very-Long Baseline Interferometry) à partir du signal émis par une source très lointaine dans l’Univers (en pratique, des quasars); technique Doppler-Fizeau des systèmes G.P.S. (Global Positioning System) et D.O.R.I.S. (Détermination d’orbite et radiopositionnement intégré par satellite).
Les problèmes de l’heure
La rotation de la Terre sur elle-même est à l’origine de la définition de l’heure. La référence est le jour solaire, temps qui sépare deux passages successifs du Soleil au méridien du lieu, très légèrement variable en raison du changement de position de la Terre sur son orbite par rapport au Soleil; on a donc défini un jour solaire moyen de 23 heures 56 minutes et 4 secondes. La division du jour selon le système duodécimal est sans doute d’origine chaldéenne: les Babyloniens divisaient le jour en 12 kaspars... annonciateurs des 24 heures actuelles. Le repérage de ces divisions fut longtemps difficile, utilisant successivement le gnomon, ancêtre du cadran solaire, l’écoulement d’un fluide (clepsydre, sablier), l’échappement d’un engrenage entraîné par un poids (pendule) puis par un ressort; jusqu’aux vibrations de quartz piézoélectriques et, enfin, aux horloges atomiques, dont la plus précise utilise les fréquences d’émission de l’atome de césium. Exactes à 10 size=1漣14 (1 seconde d’erreur en 3 millions d’années!), ces horloges ont permis, en retour, de mettre en évidence les plus infimes irrégularités de la rotation terrestre.
Du fait de la rotation, l’heure est différente en chaque point du globe; on a donc choisi une référence qui est le méridien de Greenwich, près de Londres (G.M.T., Greenwich Mean Time), acceptée au congrès de Washington (1884); mais la France n’adopta qu’en 1911 ce temps universel (U.T.); elle avait jusqu’à cette date conservé le temps du méridien de Paris. Le globe a donc été divisé en 24 fuseaux horaires, de 15 degrés chacun (soit 1 667 km à l’équateur); la ligne de changement de date se situe sur le méridien antipode de celui de Greenwich, dans le Pacifique, à l’aplomb de la Nouvelle-Zélande (on se souvient que Phileas Fogg gagna un jour en la franchissant d’ouest en est).
L’homogénéisation de l’heure dans un fuseau n’a été possible qu’à partir du moment où les communications furent assez rapides pour couvrir tout ou partie du fuseau en un jour, ce qui n’apparut qu’avec le chemin de fer. Auparavant, l’heure était l’heure solaire du lieu; et jusqu’à l’invention des télécommunications hertziennes, certains chefs de train étaient chargés de régler les pendules des gares avec leur chronomètre. En France, c’est la mise en service, le 14 février 1933, de l’horloge parlante inventée par Ernest Esclangon qui mit fin à ces pratiques approximatives.
Le problème du calendrier
La révolution de la Terre autour du Soleil et celle de la Lune autour de notre planète sont à l’origine du calendrier, dont la mise au point fut et ne peut constituer qu’un compromis, même si l’on ne tient pas compte des irrégularités des mouvements de la Terre et de la Lune.
La Lune est à l’origine du mois lunaire, d’une durée de 29 jours 12 heures et 44 minutes. Il s’agit de la division du temps la plus anciennement utilisée: nombre de peuples et de civilisations ont compté en lunaisons et, aujourd’hui encore, celles-ci sont toujours repérées sur les calendriers; notons en outre que beaucoup de fêtes religieuses sont déterminées par les phases de la Lune, ce qui, dans le calendrier actuel, les décale d’une année à l’autre.
La révolution de la Terre autour du Soleil est à l’origine de l’année: l’année tropique – ou année équinoxiale –, qui marque le retour des saisons, sépare deux solstices –ou deux équinoxes – de même nature; elle dure 365 jours 5 heures 48 minutes et 45 secondes. Mais, en raison de la précession des équinoxes, l’année tropique est plus courte de 20 minutes environ que l’année sidérale, de 365 jours 6 heures 9 minutes et 9 secondes, qui mesure le temps que la Terre met à revenir au même point par rapport au Soleil. La définition de l’année est donc, par force, un compromis; on connaît la solution actuelle: une année de 365 jours avec une année bissextile tous les 4 ans, et une correction de 1 jour tous les 400 ans (suppression des années bissextiles qui ne sont pas divisibles par 400), solution qui ne permet cependant pas d’atteindre une exactitude totale...
Quant à la division de l’année en mois, elle a beaucoup oscillé entre les références lunaire et solaire; la variété en est grande, jusqu’au compromis actuel, qui est loin d’être parfait.
2. Constitution interne de la Terre
Avant d’être conçue comme globe terrestre, la Terre n’avait pas posé de question de structure; sauf que les volcans avaient suggéré l’existence d’un feu profond, qui deviendra «feu central» quand la forme du globe sera connue. Les Grecs en feront le séjour d’Héphaïstos, qui deviendra Vulcain pour les Romains.
Peu de progrès seront accomplis par rapport à cette image avant que ne se développent les méthodes géophysiques, au XXe siècle pour l’essentiel.
Structure du globe terrestre
La densité des roches superficielles, égale à 2,7, très différente de celle de la Terre dans son ensemble, égale à 5,52, a conduit à conjecturer une composition variant avec la profondeur (fig. 4). En combinant la nature surtout granitique des roches de surface, celle, surtout basaltique, des roches issues des magmas rejetés par les volcans et la composition en fer-nickel de la majorité des météorites, on en vint à l’hypothèse d’une composition en trois enveloppes emboîtées: le sial – de silice et aluminium – pour la surface, le sima – de silice et magnésium –, au-dessous, jusqu’au nife – de nickel et fer –, au centre de la Terre, en un arrangement qui rende compte de la densité globale de la planète. Au début du XXe siècle, Alfred Wegener usera de cette conception avant qu’elle n’évolue vers celle de croûte-manteau-noyau.
La sismologie allait donner une mesure de ces trois enveloppes: la discontinuité de Mohorovi face="EU Caron" カi が , ou moho, vers 30 kilomètres de profondeur en moyenne, marquée par la réflexion et la réfraction des rais sismiques, constitue la frontière entre la croûte et le manteau; la discontinuité de Gutenberg , vers 2 900 kilomètres de profondeur, est la limite entre le manteau et le noyau. Toutes deux portent le nom de leur découvreur (le Croate Andrija Mohorovi face="EU Caron" カi が et l’Allemand Beno Gutenberg), depuis 1909 pour la première, 1921 pour la seconde. Ultérieurement, la croûte fut divisée en une croûte supérieure et en une croûte inférieure, séparées par une discontinuité de Conrad, souvent discutée, tandis qu’une graine était individualisée au centre du noyau, au-delà de 5 000 kilomètres de profondeur.
La croûte fit l’objet de précisions essentielles. D’une part, la croûte océanique est différente de la croûte continentale, comme le montra Gutenberg en 1921; la première est «basaltique», la seconde «granitique», du moins en moyenne. D’autre part, la croûte continentale s’épaissit sous les chaînes de montagnes en une racine qui peut atteindre 70 kilomètres d’épaisseur sous la cordillère des Andes du Pérou et de Bolivie.
Une étude plus fine des vitesses de transmission des ondes sismiques dans les parties superficielles – menée dans l’archipel des Tonga, dans le sud-ouest du Pacifique, par Jack Oliver et Bryan L. Isacks en 1967 – allait permettre de séparer les milieux solides des milieux visqueux, les premiers conduisant les ondes sismiques plus rapidement que les seconds. Ainsi furent distinguées la lithosphère, solide, comprenant, sur 100 kilomètres d’épaisseur moyenne, la croûte et le manteau supérieur, et l’asthénosphère, visqueuse, correspondant au reste du manteau. Ces distinctions, qui englobent celles de croûte et de manteau, mais avec des limites différentes, constituent les fondements de la tectonique des plaques.
Puis l’application des méthodes de sismique-réflexion à écoute longue, adaptées de la sismique pétrolière, apporta des précisions sur la structure de la croûte. On citera le programme américain Cocorp (Consortium for Continental Refraction Profiling), qui eut de nombreux équivalents, dont le programme français É.C.O.R.S (Étude des continents et des océans par réflexion sismique).
Enfin, les progrès accomplis dans l’étude de la propagation des ondes sismiques ont permis de distinguer dans le manteau des zones chaudes, à vitesse lente, et des zones froides, à vitesse plus rapide. Cette tomographie du manteau, en trois dimensions, a ainsi authentifié la conception des courants de convection, ascendants au niveau des rides (médio)-océaniques, où remonte le matériel chaud du manteau inférieur, descendants à la périphérie des océans, où s’enfonce la lithosphère froide. Tandis que des points chauds (hot spots ), dispersés à la base du manteau, déterminent des ascendances permanentes qui sont à l’origine d’un volcanisme continu.
Mouvements dans le globe terrestre
Si les connaissances sur la forme et la structure du globe terrestre sont dues, pour l’essentiel, à la gravimétrie et à la sismologie, le magnétisme est à l’origine de la découverte et de la mesure des mouvements dans le globe.
Le champ magnétique terrestre correspond à un dipôle magnétique dont l’orientation ne coïncide pas avec l’axe de rotation de la Terre: le pôle Nord magnétique est situé dans l’archipel arctique canadien, à 1 900 kilomètres environ du pôle Nord géographique, tandis que le pôle Sud magnétique se trouve dans l’océan Antarctique, au large de la terre Adélie, à 2 600 kilomètres environ du pôle Sud géographique. Ainsi, l’axe des pôles magnétiques ne passe pas par le centre de la Terre; d’ailleurs, sa position change constamment, de telle sorte que les pôles magnétiques se déplacent de 10 kilomètres par an environ.
L’influence du champ magnétique terrestre, dont l’origine réside probablement, du fait de la rotation de la Terre, dans un effet dynamo à l’intérieur du noyau, fluide dans sa partie externe, est limitée à la magnétosphère terrestre par l’effet du vent solaire, lui-même magnétique: son front en direction du Soleil se situe à 10 rayons terrestres mais la magnétosphère s’allonge très loin dans la direction opposée.
L’observation des variations séculaires du champ magnétique terrestre a permis de définir une convection dans le noyau, avec un panache descendant à l’aplomb du sud de l’Inde, et un panache ascendant à l’aplomb de l’ouest du Pérou.
Les données du champ magnétique terrestre fossile ont permis de déterminer les mouvements de la lithosphère superficielle. Ces données sont de deux ordres: d’une part, en se refroidissant, les laves volcaniques fixent le champ magnétique de l’époque par un effet de magnétisme thermorémanent; d’autre part, à une époque donnée, les particules magnétiques se sédimentent en fonction du champ.
Le paléomagnétisme a démontré la dérive des continents, argumentée au début du XXe siècle par Wegener: à un moment donné de l’histoire géologique, les pôles requis par les roches des divers continents, différents des pôles actuels, sont aussi différents entre eux, preuve de ce que les continents se sont déplacés les uns par rapport aux autres. Les anomalies magnétiques océaniques, parallèles aux rifts (médio)-océaniques, ont permis de calculer le taux de création de la croûte océanique, en admettant qu’elles «fossilisent» les inversions de polarité du champ magnétique terrestre, dont le calendrier a été établi par ailleurs; ainsi a été démontrée et calculée l’expansion océanique.
Combinées entre elles et aux résultats de la sismologie, les données du paléomagnétisme ont fondé la tectonique des plaques, selon laquelle l’expansion océanique, ou accrétion, est compensée par la subduction, génératrice d’arcs insulaires et de cordillères ou annonciatrice de collisions continentales d’où naissent les chaînes alpino-himalayiennes de type téthysien.
Après que quelques mesures lasers au sol eurent commencé de confirmer ces mouvements, ce sont les données acquises grâce à des satellites qui ont permis d’en donner une mesure systématique en temps réel: par interférométrie spatiale à partir du sol sur des sources lointaines (V.L.B.I.) ou grâce aux satellites de positionnement, dont la précision est devenue centimétrique (G.P.S., D.O.R.I.S.). Les résultats de cette géodynamique mesurée ont confirmé ceux de la géodynamique moyennée sur plusieurs millions d’années: expansion océanique et dérive des continents se mesurent en centimètres par an, aujourd’hui comme hier.
Cette actualisation de la géodynamique a ouvert une ère nouvelle dans l’étude des mouvements et des déformations de l’écorce terrestre; elle constitue enfin une voie féconde pour la prévision des risques naturels d’origine interne, séismes et éruptions volcaniques.
3. Histoire de la Terre
L’histoire de la Terre ressortit à la géologie, dont elle représente le cœur, bien que cette discipline concerne tous les aspects (nature, structure et dynamique) de la croûte terrestre [cf. GÉOLOGIE].
La géologie ne s’est constituée en science autonome qu’au début du XIXe siècle, avec une très grande rapidité, succédant à la minéralogie, déjà objet de l’intérêt des Anciens, et nourrie par une réflexion sur la nature des fossiles, qui n’était cependant pas encore une paléontologie. Le De natura fossilium (1546) et, surtout, le De re metallica (1556) de Georg Bauer, plus connu sous le nom de Georgius Agricola, qui font la somme des connaissances du Moyen Âge et de la Renaissance et resteront en usage jusqu’au XVIIIe siècle, résument assez bien cette double origine.
L’Antiquité ne s’était intéressée qu’aux phénomènes dynamiques les plus apparents, éruptions volcaniques et tremblements de terre d’une part, érosion et sédimentation d’autre part, avec toutefois une attention portée aux fossiles. L’œuvre d’Aristote accomplit la synthèse de cette première pensée scientifique, largement spéculative, dont la géologie n’est qu’une petite partie. L’école d’Alexandrie lui donnera, dans les siècles suivants, jusqu’aux premiers de l’ère chrétienne, tout son développement, augmenté de rares connaissances nouvelles dans le domaine des sciences de la Terre, qui contrastent avec les nombreux acquis en astronomie.
Comme pour les autres sciences, le Moyen Âge fut une période de stagnation, avec cette particularité d’attribuer les fossiles et les terrains les contenant aux conséquences du Déluge. La Renaissance rompra avec cette vision; Léonard de Vinci et Bernard Palissy, notamment, ouvriront la voie aux conceptions qui seront, vers la fin du XVIIIe siècle, celles de Cuvier et de Lamarck, qui jetteront les bases de la controverse création-évolution, ou celles de William Smith et de James Hutton pour la géologie de terrain, prémisses de ce que seront la stratigraphie, la pétrologie et la tectonique. Mais tous les beaux esprits n’étaient pas pour autant convaincus: Voltaire préférait croire que les coquilles fossiles trouvées dans les Pyrénées avaient été perdues par les pèlerins se rendant à Saint-Jacques-de-Compostelle – qui portaient en effet des coquilles... Saint-Jacques à leur chapeau – au lieu d’admettre que ces coquillages avaient vécu dans des mers occupant autrefois la région.
Le XIXe siècle verra le développement de toutes les branches de la géologie, éclairées par le principe de l’uniformitarisme de Charles Lyell, dont les Principles of Geology , parus en 1830-1833, donnent la clé de l’interprétation du passé géologique en identifiant les causes anciennes des phénomènes géologiques aux causes actuelles.
Première approche, qualitative, du temps géologique; l’évolution
De l’étude des strates – ce sera la stratigraphie – naît une chronologie relative, chaque couche étant reconnue comme plus récente que celle qu’elle surmonte et plus ancienne que celle qui lui est superposée. On sut ainsi reconnaître le plus ancien du plus récent, mais sans en avoir la mesure; cela suffit cependant pour élaborer un calendrier géologique, avec des divisions en étages, systèmes, ères [cf. STRATIGRAPHIE].
Ce fut cependant le point de départ de la deuxième révolution culturelle après celle de Copernic. Dans la foulée de Lamarck, l’examen des faunes successives conduisit à la théorie de l’évolution ou transformisme, laquelle culmina dans l’œuvre de Darwin, qui fit se rejoindre géologie et biologie en un faisceau d’arguments convergents dans son ouvrage fameux, The Origin of Species , paru en 1859 et dont l’importance égale celle du De revolutionibus de Copernic. Après avoir été remis à sa place dans l’Univers, l’homme était remis à sa place dans le monde vivant.
Les controverses ne furent pas moins violentes qu’au temps de Galilée – sauf qu’il n’y eut pas procès au Saint-Office –, d’autant plus que Boucher de Perthes avait découvert en 1838, dans les terrasses de la Somme, les premiers silex taillés, qu’il avait interprétés comme des traces d’industrie humaine, ouvrant ainsi la voie à la préhistoire.
Seconde approche, quantitative, du temps géologique
Une nouvelle approche, décisive, du temps géologique naît avec le XXe siècle, en conséquence de la découverte de la radioactivité, à la suite de l’intuition du physicien Ernest Rutherford, peu avant la Première Guerre mondiale; Arthur Holmes en sera le pionnier.
Amorcée dans l’entre-deux-guerres, la géochronologie absolue explose littéralement après la Seconde Guerre mondiale. Fondés sur la période de désintégration des éléments radioactifs naturels inclus dans les minéraux, ces travaux utilisent divers couples: uranium-plomb (235U207Pb, 238U206Pb), rubidium-strontium (87Rb87Sr), samariumnéodyme (147Sm143Nd), potassium-argon (40K40Ar), etc.
Désormais, les temps géologiques possèdent un calendrier absolu dont l’unité de temps est le million d’années. Ce qui constitue la troisième révolution culturelle, qui replace l’homme dans le temps, après qu’il l’eut été dans l’Univers et dans le monde vivant. Oubliées les extravagantes chronologies dont on a peine à croire qu’elles eurent cours: selon Lightfoot (1642), le monde avait été créé le 17 septembre 3928 avant J.-C., à 9 heures du matin; tandis que James Ussher, ou Usserius, archevêque d’Armagh, en Irlande, préférait, en 1650, dans sa Chronologie sacrée , le 23 octobre 4004 avant J.-C., à 9 heures du soir! Toutes chronologies (?) qui, depuis le Moyen Âge, donnaient au monde environ 6 000 ans d’âge; et Shakespeare écrivait: «The poor world is almost six thousand years old» (dans As you like it ). Au XVIIIe siècle, Buffon dut se rétracter devant l’Église d’avoir proposé que les six jours de la Création soient en fait six périodes. Et, à la fin du XIXe siècle, lord Kelvin «interdisait», au nom de la physique, un âge du monde supérieur à 100 millions d’années...
Le calendrier de l’histoire de la Terre
Dans un Univers de 15 milliards d’années, l’âge de la Terre, comme celui de la Lune, estimé sur les échantillons du programme Apollo, est de l’ordre de 4,5 milliards d’années. Il s’agit d’ailleurs également de celui du Soleil et du système solaire.
Cet âge a été donné par des zircons, minéraux repris dans des roches plus récentes. Car les terrains les plus anciens qui affleurent, au Swaziland, et dans la région d’Amitsoq, au Groenland, n’ont que 3,8 milliards d’années.
Les divisions du temps – l’échelle stratigraphique – fondées sur la chronologie relative ont été conservées par commodité, au moins pour un temps, mais en étant affectées d’une durée absolue. C’est ainsi que les temps fossilifères (Phanérozoïque, du grec phaneros : apparent; littéralement, phanérozoïque = vie apparente), marqués par l’explosion de la vie mais non pas par son apparition, beaucoup plus ancienne, débutent il y a 540 millions d’années. Les ères qui les divisent sont d’inégales durées: 300 millions d’années pour le Primaire, ou Paléozoïque (de 漣 540 à 漣 245 Ma), 180 millions d’années pour le Secondaire, ou Mésozoïque (de 漣 245 à 漣 65 Ma), 63 millions d’années pour le Tertiaire, ou Cénozoïque (de 漣 65 à 漣 2 Ma), 2 millions d’années environ pour le Quaternaire; à supposer que cette «ère» ait une réelle identité, en dehors du fait que l’homme désire avoir une ère «à lui»..., encore que, d’après les données stratigraphiques récentes, il lui soit antérieur. On mesure ainsi ce que le calendrier stratigraphique a d’artificiel: commodité momentanée au milieu du XIXe siècle, son avenir est en question.
Presque 4 milliards d’années précèdent donc les temps fossilifères. Ce Précambrien (ou Antécambrien) recouvre l’essentiel de l’histoire de la Terre. On le divise en: Protérozoïque (littéralement, première vie, bien que la vie lui soit antérieure), de 漣 2 500 à 漣 540 millions d’années, dont on a de bonnes raisons de penser que l’histoire, divisée en différents épisodes, n’était pas très différente de celle des temps phanérozoïques qu’elle annonçait – les mécanismes de la tectonique des plaques, notamment, y étaient actifs –; et en Archéen, de 漣 4,5 à 2,5 milliards d’années, dont l’analyse, encore insuffisante, cache les premiers stades de l’histoire du globe terrestre, de plus en plus différente à mesure qu’on s’éloigne dans le temps.
L’astronomie et les géosciences, par des voies parallèles mais complémentaires, ont donné à la Terre le statut dans l’Univers qu’on lui connaît aujourd’hui, et dont on peut penser qu’il ne changera plus, sauf modifications radicales de notre conception et de nos connaissances de l’Univers lui-même.
Du même coup, le statut de l’homme en a été changé; il n’est plus qu’un être vivant parmi d’autres, dernier venu sur une Terre vieille de plusieurs milliards d’années, planète parmi d’autres dans un Univers dont l’apparent infini dissimule les origines.
On comprend alors que bien des philosophies en aient conçu du dépit et que les controverses aient été rudes à chaque étape de ces illusions perdues.
4. Origine du système solaire et de la Terre
Le problème de l’origine de la Terre n’est pas distinct de celui de l’origine des planètes et du système solaire. Mais, alors que la cosmogonie s’est longtemps réduite aux théories sur la formation du système solaire, il n’est plus possible aujourd’hui d’ignorer les informations que donne l’astrophysique. La cosmogonie consistait en l’étude de la formation des objets du système solaire: le Soleil, les planètes et leurs satellites, les petites planètes, les météorites, les comètes; mais, s’agissant d’objets tout formés, cette cosmogonie ne pouvait être que spéculative. L’observation des étoiles et de la matière interstellaire et les découvertes des dernières décennies du XXe siècle en ce domaine (composition chimique des étoiles, étoiles jeunes, étoiles possédant un disque circumstellaire, molécules interstellaires, etc.) ont fait progressivement entrer la cosmogonie du système solaire dans sa phase scientifique.
Historique
Les théories de l’origine du système solaire ont évolué en fonction même de nos connaissances. Dans la période la plus ancienne, il s’agit d’expliquer les propriétés mécaniques du système solaire: révolution dans le même sens de toutes les planètes autour du Soleil, révolution dans le même sens de la majorité des satellites, distribution des orbites dans l’espace au voisinage du même plan, rotation axiale des planètes et du Soleil dans le même sens (à l’exception, on le sait aujourd’hui, de Vénus, d’Uranus et de Pluton; mais, sur une durée aussi longue que l’âge du système solaire, ce phénomène apparaît maintenant comme pouvant être dû à une instabilité – dynamique – ayant produit il y a longtemps un changement d’orientation de l’axe de rotation de ces planètes).
Deux groupes de théories se partagent la scène: monistes et dualistes. Dans les premières, le Soleil et les planètes ont une même origine (Descartes, Kant, Laplace); dans les secondes, une catastrophe produite par un corps étranger engendre le système solaire en arrachant du Soleil la matière nécessaire (Buffon, Jeans, Jeffreys).
Une grandeur joue un rôle essentiel dans la discussion: le moment cinétique. Dans le mouvement circulaire uniforme, le produit mvr de la masse par la vitesse et par la distance à l’axe de rotation est le moment de la quantité de mouvement ou moment cinétique; cette grandeur est invariante. Or, dans le système solaire, 97 p. 100 du moment cinétique sont dans les planètes et 3 p. 100 seulement dans le Soleil. Toute théorie cosmogonique doit expliquer pourquoi le corps central tourne aussi lentement.
Les théories monistes décrivent la formation du Soleil et des planètes à partir d’une nébuleuse unique qui se contracte et au sein de laquelle se condensent le Soleil au centre et les planètes dans un disque nébulaire qui l’entoure, ce qui implique nécessairement que le Soleil est en rotation rapide au moment de sa formation: or le Soleil tourne lentement. Ces considérations ont mené, au milieu du XIXe siècle, à l’abandon de la théorie nébulaire.
La théorie catastrophique, sous sa forme moderne, suppose que la collision d’une étoile avec le Soleil arrache de celui-ci un filament qui se condense ensuite en planètes. Cette théorie est discutable (H. N. Russell, 1935), si l’on tient compte de la structure interne du Soleil. Étant donné les vitesses stellaires (environ 20 km 練 s size=1漣1), une collision se faisant à une distance suffisante pour que le filament arraché possède le moment cinétique des planètes est incapable en réalité de produire une telle catastrophe et ne peut soulever qu’une petite vague à la surface du Soleil. Par ailleurs, une collision rasante peut effectivement arracher un peu de matière au Soleil, mais celle-ci ne possède pas le moment cinétique nécessaire. Un argument supplémentaire sur l’instabilité physique du filament (L. Spitzer, 1938) entraîna l’abandon de l’hypothèse catastrophique.
Depuis 1935, un net mouvement de retour s’est fait vers les théories nébulaires (C. F. von Weizsäcker, 1944; O. Schmidt, 1957), la difficulté essentielle concernant le moment cinétique s’étant trouvée résolue par la découverte (O. Struve, 1950) que toutes les étoiles analogues au Soleil, sauf si elles sont jeunes ou très jeunes, tournent lentement. La rotation lente du Soleil est donc une propriété commune des étoiles de type solaire; elle résulte des circonstances de leur formation et de leur évolution et n’est pas particulière au Soleil.
Les développements modernes
Les théories actuelles ne se préoccupent pas uniquement des propriétés mécaniques du système solaire. Elles cherchent aussi à expliquer la composition chimique de la Terre, de la Lune et des météorites et, plus globalement, des planètes telluriques (Mercure, Vénus, la Terre et Mars) et des planètes géantes (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune); le cas de Pluton, mal connu en raison de sa distance, est à part. Ensuite, les théories actuelles se penchent particulièrement sur les défauts ou les excès d’abondance de certains éléments par rapport à la composition solaire. Elles s’efforcent enfin d’interpréter les structures cristallines visibles dans les météorites et dans les roches lunaires, ainsi que les abondances des noyaux radiogéniques.
L’ensemble constitue un domaine d’une grande complexité, où l’on cherche dans l’observation des confirmations de tel ou tel modèle. Malgré les interrogations qui subsistent encore sur les circonstances exactes de la formation du système solaire, on peut ainsi dégager un certain nombre de certitudes.
L’âge de la Terre et la formation du Soleil
L’âge de la Terre, des météorites et de la Lune a été trouvé par la mesure de l’abondance des descendants des éléments radioactifs naturels. Il est égal à 4,56 milliards d’années. L’erreur sur la détermination de cet âge est de 梁 20 millions d’années.
Le Soleil et la nébuleuse primitive se sont formés par condensation et contraction d’une masse gazeuse en rotation. On en a trouvé une confirmation dans la découverte, dans les amas d’étoiles très jeunes, d’étoiles obscurcies par des nuages de matière absorbante et dont la distribution statistique fait penser à l’orientation au hasard de disques nébulaires (fig. 5).
Depuis le milieu des années 1980, l’observation de disques protoplanétaires a apporté un support observationnel aux théories cosmogoniques. Mentionnons particulièrement le cas de Bêta Pictoris, étoile située à 52 années de lumière, autour de laquelle on a mis en évidence, grâce notamment à des observations à 10 micromètres au moyen du télescope de 3,6 m d’ouverture de l’E.S.O. (fig. 6), une condensation qui pourrait résulter de la présence d’une planète analogue en taille à Saturne, planète qui se manifesterait par des éclipses.
La répartition des distances des planètes dans le système solaire (loi de Bode-Titius) et les relations analogues pour les satellites réguliers des planètes géantes semblent s’expliquer par la répartition compétitive du moment cinétique entre les protoplanètes en formation. La loi des distances est faiblement dépendante de la masse en fonction de la distance à l’objet central.
Le proto-Soleil
Le proto-Soleil, dans la dernière phase de sa contraction, a eu probablement une puissance lumineuse plus grande que le Soleil actuel; il a été le siège d’une activité éruptive – avec production de rayons ultraviolets, de rayons X et de particules rapides (rayons cosmiques) – beaucoup plus intense que l’activité éruptive actuelle.
Cette hypothèse correspond à l’observation, dans les amas très jeunes, d’étoiles brillantes (de 10 à 50 fois la luminosité solaire), plus froides que le Soleil et de rayon cinq fois plus grand. Ces étoiles présentent des variations importantes d’éclat qui font penser à l’activité solaire. Elles sont encore en contraction, leur évolution sous l’effet de la gravitation s’arrêtant lorsque leur température centrale est devenue suffisante pour que les réactions thermonucléaires se produisent. La durée de l’évolution est très courte: cent mille ans pour atteindre trois rayons solaires, deux millions d’années pour atteindre le régime thermonucléaire (fig. 5).
Le ralentissement de la rotation solaire s’est fait par éjection de matière emportant au loin l’excès de moment cinétique. L’efficacité du processus tient au fait que, grâce au champ magnétique, la perte de moment cinétique a eu lieu à une distance beaucoup plus grande que le rayon solaire (E. Schatzman, 1962).
La nébuleuse primitive
La nébuleuse primitive qui entoure le Soleil a la même composition que celui-ci: 70 p. 100 d’hydrogène, 28 p. 100 d’hélium, 2 p. 100 pour tous les autres éléments. L’histoire de la nébuleuse primitive comporte un aspect dynamique (mouvements), thermique (sa température en fonction du temps), chimique (évaporation de l’hydrogène et de l’hélium, condensation des autres éléments, au moins dans le domaine des planètes telluriques) et nucléaire (irradiation par le rayonnement cosmique solaire).
Si l’on prend comme éléments caractéristiques des planètes telluriques le fer et le silicium, et si l’on admet que Jupiter et Saturne ont la composition solaire, on trouve que la nébuleuse primitive a eu une masse au moins égale à 2 p. 100 de la masse solaire. Les estimations actuelles penchent en faveur d’une masse inférieure à 0,1 masse solaire.
Dans le phénomène même de formation des planètes, on a le choix entre deux mécanismes: ou bien la nébuleuse primitive est gravitationnellement instable, ce qui conduit à une densité critique (limite de Roche) et à une nébuleuse de masse élevée, ou bien la formation se fait en deux temps, avec d’abord «collage» des poussières entre elles sous l’effet des forces de surface, puis, lorsque le rayon de cette formation devient égal au rayon de capture gravitationnelle, croissance de la planète par accrétion.
La détermination des températures et des pressions dans la nébuleuse primitive repose sur l’étude des météorites. Elle utilise les transformations chimiques, la solubilité des métaux à l’état de traces et des gaz dans les solides, la séparation isotopique, etc. On imagine les processus suivants:
– condensation des composés réfractaires (entre 2 000 et 3 000 K), avec appauvrissement correspondant de la nébuleuse primitive; cela est à rapprocher de la sous-abondance du milieu interstellaire en calcium, titane et aluminium;
– séparation entre métaux et silicates vers 900 kelvins; la condensation du fer avant les silicates peut entraîner, si l’accrétion est rapide, la formation du noyau de fer-nickel des planètes; le quotient Fe/Si des planètes est le suivant:
– fusion et dégazage des premiers produits de condensation, avec formation des chondrules;
– accrétion mettant les grains à l’abri du gaz, vers 550 kelvins;
– la planète Mercure a probablement perdu, sous l’effet de collisions, son enveloppe de silicates.
La température de la nébuleuse primitive s’établit principalement par suite de l’équilibre entre la chaleur reçue du proto-Soleil et la chaleur rayonnée; voisine de 1 500 kelvins initialement, la température a dû s’abaisser ensuite vers 600 kelvins et rester plus longtemps voisine de 200 kelvins.
La détermination de la pression dans la région de formation des chondrules à partir de la diffusion solide du bismuth donne environ de 10 size=1漣4 à 10 size=1漣6 atmosphère. Compte tenu de l’estimation de la température, cela confirme l’estimation de la masse de la nébuleuse primitive.
La condensation des éléments réfractaires s’est faite, d’une part, par condensation (passage de la phase gazeuse à la phase solide), d’autre part, par agglutination de poussières en petits corps que l’on a appelés souvent les planétésimales. La réunion des poussières dans le plan équatorial a probablement été très rapide (de 10 000 à 100 000 ans). La formation de la première génération de corps planétaires par agglutination puis capture gravitationnelle (accrétion) a dû être très rapide également (100 000 ans) au voisinage de la Terre. La chronologie fondée sur l’étude du déclin radioactif 129I129Xe donne un intervalle de temps maximal entre la condensation et l’accrétion de 2,1 millions d’années. L’existence de météorites faites de conglomérats cristallins (les brèchites) suggère que les corps planétaires de première génération se sont brisés par collision et que les fragments ont été ensuite capturés.
L’évaporation des gaz (hydrogène, hélium) a probablement été due à l’irradiation de la nébuleuse primitive par les rayons ultraviolets et les rayons X du proto-Soleil éruptif. La nébuleuse primitive s’entoure alors d’une gaine chaude dont les gaz légers ont disparu probablement en moins d’un million d’années. C’est dans la même période que se sont formés certains éléments radioactifs à courte durée de vie.
Formation de la Terre et des planètes telluriques
Dans la capture gravitationnelle, l’énergie libérée par la chute des planétésimales a pour effet de produire une planète chaude. Les silicates terrestres ont donc probablement été fondus au moment de la formation de la Terre. Le refroidissement s’est ensuite effectué lentement, en raison de la présence des éléments radioactifs, en plus grande abondance qu’aujourd’hui. Les conditions ont pu être favorables à la séparation physique du fer et des silicates, soit par condensation préalable du fer, soit par chute lente du fer vers l’intérieur de la Terre, où il a formé, en alliage avec le nickel, le «nife» central.
Le cas de la Lune apparaît comme particulier. Par capture gravitationnelle, un corps de la taille de notre satellite ne peut atteindre dans son intérieur une température assez élevée pour pouvoir fondre. Une modélisation très détaillée [cf. LUNE] conduit à penser qu’une collision de la Terre avec une planète ayant une masse de l’ordre de celle de Mars (un dixième de la masse de la Terre) lui a arraché une partie de son manteau de silicates. Le rassemblement de cette matière fondue serait à l’origine de la formation de la Lune. Cette hypothèse est en accord avec la forme de la Lune, initialement liquide et qui s’est solidifiée dans sa forme actuelle alors qu’elle était plus près de la Terre que maintenant. L’évolution du système Terre-Lune, avec séparation progressive de la Terre et de la Lune par suite du ralentissement de la rotation terrestre, s’accorde bien avec cette image.
Composition chimique de la Terre
Le deutérium, le lithium et le béryllium terrestres ont probablement été formés dans la Galaxie par action des rayons cosmiques galactiques sur le milieu interstellaire, dans la période précédant la formation du système solaire. De la même façon, les éléments radioactifs (par exemple, l’uranium ou le thorium) ont été produits par une ou plusieurs explosions de supernovae dans la Galaxie, avant la formation du Soleil. Un certain nombre d’anomalies d’abondance s’expliquent simplement par évaporation de composés volatils au cours de la formation des planétésimales. L’atmosphère terrestre primitive, créée en milieu réducteur, devait essentiellement consister en méthane, ammoniac et vapeur d’eau; sa composition actuelle résulte, d’une part, de la dissociation de ces molécules par le rayonnement solaire, suivie de l’évaporation de l’hydrogène et des réactions subséquentes d’oxydation, d’autre part, de plusieurs milliards d’années de phénomènes biologiques (assimilation chlorophylienne) conduisant à la production d’oxygène; certains éléments, l’hélium notamment, proviennent simplement du broyage par érosion des roches radioactives.
5. Mouvements de la Terre
Le mouvement de la Terre se décompose en deux parties: sa rotation autour de son centre de masse et le mouvement de ce dernier. Chacune de ces deux parties peut à son tour se décomposer en plusieurs composantes de propriétés différentes. Ainsi le mouvement de rotation de la Terre comprend-il la rotation autour de son axe instantané de rotation et le mouvement de cet axe, qu’on repère soit dans l’espace [cf. PRÉCESSION ET NUTATION], soit par rapport à la croûte terrestre (cf. infra , Mouvement du pôle ). De même, le mouvement de son centre de masse est la résultante du mouvement autour du Soleil et du mouvement du Soleil dans la Galaxie (cf. la GALAXIE).
Parmi ces mouvements, la rotation autour de son axe est celui qui gouverne l’alternance des jours et des nuits. Il a longtemps été utilisé pour la mesure du temps et demeure lié à sa définition pratique, qui est le temps universel coordonné . Le mouvement autour du Soleil est celui qui produit la succession des saisons ; il fut, pendant quelques années, utilisé pour définir l’échelle de temps dynamique (temps des éphémérides).
Enfin, l’observation de tous les astres (et des sondes spatiales) s’effectuant à partir de la Terre, la connaissance des mouvements de notre planète est essentielle pour interpréter leurs positions apparentes. Il en résulte que l’étude des mouvements de la Terre a de très nombreuses applications pratiques et théoriques.
Mouvement de la Terre autour du Soleil
La Terre tourne autour du Soleil en se déplaçant approximativement sur une ellipse d’excentricité 0,016 73 et de demi-grand axe 149 598 600 kilomètres, qui est, par définition l’unité astronomique de distance . Le plan de cette ellipse est celui de l’écliptique . Vers le 2 janvier, la Terre est le plus près du Soleil (périhélie) à une distance de 147 100 000 kilomètres, tandis que, vers le 2 juillet, elle se trouve à son aphélie, à une distance de 152 100 000 kilomètres environ.
Le mouvement exact est calculé par les méthodes de la mécanique céleste [cf. MÉCANIQUE CÉLESTE]. La longitude l du Soleil, comptée sur l’écliptique à partir de l’équinoxe J.2000, est donnée par:
où t est compté en siècles de 36 525 jours à compter du 1er janvier 2000 à 12 heures, où E est l’équation du centre décrivant l’ellipticité de l’orbite terrestre d’après les lois de Kepler [cf. KEPLER (J.)], où enfin Per est une somme de termes périodiques. On a:
où M est l’anomalie moyenne (cf. MÉCANIQUE CÉLESTE, chap. 1) de la Terre sur son orbite.
Les débuts des saisons sont définis par les instants pour lesquels l prend les valeurs 00, 900, 1800 et 2700. Leur durée est:
Les variations de l’ascension droite 見 du Soleil sont soumises à une irrégularité supplémentaire R , appelée réduction à l’équateur , et due à l’inclinaison de l’écliptique sur l’équateur. On a:
où Per est une somme de petits termes périodiques, et:
Rotation de la Terre
La Terre tourne autour de son axe de rotation en 23 h 56 min 4,09 s. L’axe de rotation n’est pas fixe; son mouvement dans l’espace est la précession [cf. PRÉCESSION ET NUTATION]. Ses déplacements par rapport à la Terre constituent le mouvement des pôles (cf. infra , Mouvement du pôle ). On repère cette rotation par rapport à l’équinoxe (point 塚), et l’angle horaire du point 塚 en un lieu donné est le temps sidéral local , qui est donc l’angle formé par le méridien local avec le plan fondamental contenant l’axe de rotation et l’équinoxe.
Le temps sidéral T s proprement dit est le temps sidéral local du méridien international, origine des longitudes sur la Terre et improprement appelé encore méridien de Greenwich. Si L est la longitude géographique d’un lieu, comptée positivement vers l’ouest, le temps sidéral est donné par la relation:
où, T l est le temps sidéral local du lieu considéré.
Toutefois, malgré son nom, le temps sidéral n’est pas un temps; c’est, en fait, un angle fondamental en astronomie de position. Pour les besoins pratiques, on se réfère à la direction du Soleil et non à celle de l’équinoxe. On définit ainsi le temps solaire local vrai qui est l’angle horaire du centre du Soleil, exprimé en heures, minutes et secondes (3600 = 24 heures). On a:
où 見 est l’ascension droite du Soleil donnée par (3).
Le temps solaire vrai de Greenwich admet une définition analogue, et l’on a:
Ce temps n’est pas uniforme. Il comprend toutes les irrégularités du mouvement apparent du Soleil en ascension droite. On appelle temps astronomique moyen le temps solaire vrai corrigé de toutes ses parties périodiques E :
E , appelée équation du temps, contient les quantités E et R (formules 2 et 4) et les autres irrégularités de 見 . La fonction E , représentée sur la figure 7 pour toute l’année, est utilisée pour dessiner la courbe correctrice d’un cadran solaire dont le stylet donne le temps solaire local vrai.
Le temps moyen vaut 0 heure lorsque le Soleil passe au méridien, c’est-à-dire à midi. Pour se conformer à l’usage, et lorsque la rotation de la Terre servait d’étalon de mesure du temps, on avait introduit le temps universel (T.U.), temps moyen de Greenwich augmenté de 12 heures et à la place duquel l’abréviation erronée de G.M.T. (Greenwich Mean Time) est encore parfois employée. Actuellement, alors que la seconde du système international d’unités est fondée sur la fréquence d’une transition de l’atome de césium et que l’échelle de temps est le T.A.I. (temps atomique international, cf. TEMPS), on utilise le temps universel coordonné (U.T.C. selon l’abréviation anglaise admise) construit de la manière suivante:
– la fonction de seconde est celle qui est donné par le T.A.I.;
– les nombres entiers de secondes et, par suite, de jours, heures et minutes sont les valeurs choisies de telle façon que la différence T.U.-U.T.C. soit toujours, en valeur absolue, inférieure à 0,9 s. La dérive du T.U. par rapport au temps atomique est rattrapée par l’addition éventuelle d’une seconde supplémentaire le 31 décembre à 24 heures ou le 30 juin à 24 heures.
Le temps civil diffère du temps universel coordonné U.T.C. d’un nombre entier d’heures selon des règles définies par la loi dans chaque pays et qui peuvent changer suivant la saison (heures d’été). Il ne suit que très approximativement le système théorique des fuseaux horaires, selon lequel la différence entre le temps civil et le temps universel est la même dans un fuseau qui est compris entre les longitudes (150 . N + 70 30 et 150 . N 漣 70 30 (le nombre N étant un entier compris entre 0 et 23). Ainsi, la France a pour temps civil d’hiver le temps du fuseau de l’Europe centrale, dans lequel aucune partie de son territoire n’est cependant placée.
Mesure de la rotation de la Terre
Mesurer la rotation de la Terre revient à déterminer, en fonction du temps, les variations de l’orientation d’un repère de référence lié à la Terre et défini par la position d’un certain nombre de stations d’observation par rapport à un système de référence céleste fixe [cf. ASTROMÉTRIE ET ASTRONOMIE FONDAMENTALE]. La méthode la plus précise est la radio-interférométrie à longue base (V.L.B.I.), qui permet de relier la base de l’interféromètre aux directions de radiosources extragalactiques (quasars) représentant le repère céleste. Mais le système céleste peut aussi être défini d’une façon dynamique par le mouvement de corps hors de la Terre. Ainsi, les observations de distances de réflecteurs déposés sur la Lune ou de satellites artificiels munis de rétroréflecteurs permettent aussi de positionner le système terrestre dans l’espace. Enfin, des méthodes radioélectriques satellitaires, plus indirectes, utilisant la réception de signaux émis par des satellites de navigation (systèmes Transit, G.P.S.), sont traitées de façon à fournir également des informations sur l’orientation de la Terre. En combinant les résultats donnés par ces diverses techniques, le Service international de la rotation terrestre (S.I.R.T., en anglais I.E.R.S., pour International Earth Rotation Service) obtient et publie régulièrement les paramètres de la rotation de la Terre, avec une précision de l’ordre de 0,000 08 seconde, soit un gain d’un facteur de 50 à 100 par rapport aux anciennes techniques astronomiques désormais abandonnées.
Mouvement du pôle
L’axe de rotation de la Terre par rapport à la croûte terrestre n’est pas non plus fixe, mais se déplace à l’intérieur d’un carré de 20 mètres de côté (fig. 8). La précision avec laquelle la position du pôle est déterminée est de l’ordre de 0,000 3 pour cinq jours d’observation. Ce mouvement admet deux périodes principales: une période annuelle, d’origine météorologique, et la période de Chandler, due à l’interaction des forces d’attraction luni-solaires avec les structures superficielle et interne de la Terre. Il s’y ajoute des irrégularités d’amplitude plus faible.
Rotation de la Terre
La rotation de la Terre proprement dite n’est pas uniforme. Elle présente des irrégularités d’origines différentes. Certaines sont périodiques et sont interprétées par l’effet de mouvements atmosphériques à caractère saisonnier. D’autres sont attribuées aux vents stratosphériques zonaux, dont le régime change tous les deux ou trois ans. D’autres encore, très irréguliers et à variation rapide, sont dues aux vents et aux variations de pression atmosphérique diversement répartis sur le globe. Les marées terrestres et océaniques [cf. MARÉES] produisent également des variations périodiques, notamment semi-annuelles, mensuelles et à très courtes périodes. Certains mouvements internes dans le manteau terrestre ont aussi un effet sur la rotation de la Terre. Il y a probablement d’autres effets, plus petits, qui n’ont pas encore été repérés ou analysés. Enfin, il y a un ralentissement général de la rotation dû à l’interaction entre la Terre et la Lune qui produit les marées [cf. MARÉES]. L’énergie provenant de ce ralentissement de la Terre est dissipée en partie par le frottement des ondes de marées dans les mers peu profondes, en partie par un transfert vers la Lune, qui s’éloigne lentement de la Terre en absorbant une énergie de 2,7 . 1012 watts. La réalité de cette décélération a été confirmée par des observations paléontologiques: certains coraux fossiles présentent des anneaux de croissance journalière dont la dimension est modulée par l’ensoleillement. On a pu ainsi montrer que la durée du jour était de 21 heures il y a 500 millions d’années.
En effet, un ralentissement de la rotation provoque un allongement de la durée du jour. La figure 9 donne la différence entre la durée du jour et 86 400 secondes enregistrées entre 1984 et 1991. On y reconnaît, mélangés, les principaux effets décrits ci-dessus, notamment une structure récurrente annuelle due aux marées et aux effets climatiques saisonniers. La tendance moyenne d’allongement de la durée du jour représente le ralentissement de la rotation de la Terre. Mais cet effet n’est pas régulier. Il y a de forts échanges de moment cinétique entre les diverses structures de l’intérieur de la Terre, si bien que ce ralentissement est tantôt absorbé et même inversé par les mouvements internes, tantôt accéléré. La figure 10, qui donne la variation moyenne de la durée du jour depuis 1800, montre ces phénomènes, ainsi que l’allongement séculaire de la durée du jour.
terre [ tɛr ] n. f.
• 1050; terra 980; lat. terra
I ♦ Élément solide qui supporte les êtres vivants et leurs ouvrages, et où poussent les végétaux.
1 ♦ Surface sur laquelle l'homme, les animaux se tiennent et marchent. Tomber à terre, face contre terre. — Sauter à terre. Mettre pied à terre : descendre de cheval, d'un véhicule à deux roues. Mettre un genou en terre. Toucher terre, la terre. ⇒ 1. sol. À fleur, à ras de terre. « Il saluait... Il s'inclinait jusqu'à terre » (Hugo). — Loc. Courir ventre à terre (d'abord en parlant d'un cheval),très vite. — Soulever de terre. Sous terre, sous le niveau du sol (⇒ souterrain) .
♢ Loc. Vouloir rentrer sous terre (de honte). Il aurait voulu être à cent pieds sous terre. Avoir les pieds sur terre : être réaliste. Revenir sur terre, sur le plan des réalités concrètes et non de l'imagination (⇒ terre-à-terre) .
♢ PAR TERRE :sur le sol. Tomber par terre. S'asseoir, se coucher, se rouler par terre. Dormir par terre (cf. Sur la dure). Par terre, c'est de la pierre, du parquet. Ne jetez pas vos papiers par terre. Prendre ce qui est par terre (⇒ ramasser) . Mettez-le, posez-le par terre. Laver par terre, le sol. Pop. subst. Laver le par terre.
2 ♦ Matière qui forme la couche superficielle de la croûte terrestre. « La terre des allées, détrempée par la pluie » (Chateaubriand). ⇒ boue. Chemin de terre, non revêtu. « Le sol de terre battue » (Claudel). Élévation, monticule de terre. ⇒ levée, remblai, 1. talus, tumulus. Terre pulvérulente. ⇒ poussière. Mottes de terre. Creuser, remuer la terre. Cacher, enfouir dans la terre. ⇒ enterrer. Mettre, porter un mort en terre. « Et son ombre sera légère à la terre où je dormirai » (Musset). Ver de terre. Vieilli Charbon de terre : houille (opposé à charbon de bois) .
♢ Au plur. Quantité de terre. Terres rapportées.
3 ♦ Spécialt (tarre 1252) Élément où poussent les végétaux; étendue de cet élément. La terre et la roche, et le sous-sol. Terre aride, inculte, fertile. ⇒ terrain. Bonne terre. Terre arable, cultivée. Terre légère; grasse et compacte (⇒ glaise) ; calcaire. Terre de bruyère. Terre végétale. ⇒ humus, terreau . Terre noire. ⇒ tchernoziom. Terre rouge. ⇒ latérite, terra rossa. Coin, lopin, lot, parcelle, pièce de terre. Labourer, retourner, cultiver, travailler la terre (⇒ agriculture) . Façons (1, 3o) données à la terre. Les fruits, les produits de la terre. « Vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne ! » (Rousseau). — La terre s'épuise, s'appauvrit. Terre usée. Amender, fertiliser la terre par des engrais. Laisser reposer la terre. Terre en jachère. — EN PLEINE TERRE : dans une terre qui n'est pas dans un contenant. Arbuste qui pousse en pleine terre. Culture de pleine terre (cf. De plein champ).
♢ Étendue indéterminée de terrain où poussent les végétaux. Terres incultes. Terres à blé, à céréales, à pâturages; à vignes, propres à ces usages, à ces cultures. Terres cultivées, labourées. ⇒ labour. Défricher les terres vierges. — Politique de la terre brûlée, de destruction des récoltes et des villages dans une retraite militaire.
♢ Par ext. LA TERRE : les activités de la campagne, de la vie paysanne. ⇒ glèbe. Aimer la terre; avoir le goût, la passion de la terre. — Le retour à la terre, aux activités agricoles, à la vie rurale.
4 ♦ (v. 1170) Étendue limitée, bornée, de surfaces cultivables, considérée comme objet de possession. ⇒ 2. bien, domaine, héritage, propriété. Acquérir, acheter, vendre... une terre; affermer une terre. « Un rabais sur le prix de cette terre » ( Stendhal). « Petite terre et de maigre rapport » (Jaloux). La terre d'un seigneur, la terre seigneuriale. « Appeler chacun par le nom de sa terre » (Montaigne). PROV. Qui terre a guerre a. — Au plur. Vivre de ses terres. Propriétaire de terres. ⇒ terrien. Partage des terres. Se retirer sur ses terres.
5 ♦ (1080) Vaste étendue de la surface solide du globe. ⇒ territoire, zone. Terres arctiques, australes, boréales. La terre des dieux : la Grèce. « Grèce, ô mère des arts, terre d'idolâtrie » (Musset). « À mille milles de toute terre habitée » (Saint-Exupéry). — La Terre promise : Canaan, la Judée; fig. pays d'abondance. Terre sainte : les lieux où vécut Jésus, selon les Évangiles.
6 ♦ LA TERRE, LES TERRES, opposée(s) à un autre élément,à la mer, aux eaux, ou limitées par elles. ⇒ 2. continent, île. « Homme qui court la terre et les mers » (La Rochefoucauld). « La ligne idéale qui sépare [...] sur les cartes, la terre ferme de la mer » (Martonne). La fin des terres (cf. Finistère). La terre ferme (cf. Le plancher des vaches). Transports par air, par mer et par terre. L'armée de terre (opposé à la marine, l'aviation) . Un village dans les terres, éloigné du rivage, de la côte. « Balbec-en-terre [et] Balbec-plage » (Proust). Navire qui touche terre. ⇒ aborder. Aller à terre. ⇒ débarquer. Terre ! exclamation poussée par le premier qui aperçoit la terre. — Avion qui se pose à terre. ⇒ atterrir.
♢ Arts Le sol, dans un paysage (opposé à ciel, eaux). « Le point précis où commençait le ciel et où finissait la terre » (Gautier). Entre ciel et terre.
♢ Math. Ligne de terre, intersection des plans de projection horizontal et vertical, en géométrie descriptive.
7 ♦ La croûte terrestre (considérée dans son ensemble ou dans un lieu déterminé). La terre tremble, gronde. Tremblement de terre. ⇒ séisme. Les secousses de la terre. ⇒ 1. tellurique.
8 ♦ Électr. Le sol, qui a un potentiel électrique égal à zéro. Prise de terre. — Réseau de conducteurs enterré, à potentiel constant. Mettre à la terre : relier à la terre par un conducteur. Par anal. Masse jouant dans un circuit électrique le même rôle que le sol.
♢ Par ext. Conducteur allant de l'appareil à la terre.
II ♦ Le milieu où vit l'humanité; notre monde.
1 ♦ Ensemble des lieux où l'homme peut aller (avant les voyages spatiaux), considérés à l'échelle humaine. Cet homme « qui avait parcouru vingt-cinq ans la terre entière » (France). « Dieu créa le Ciel et la Terre » ( GENÈSE ).
2 ♦ Le milieu où vit l'humanité, considéré d'une manière abstraite et générale. « Tant qu'il y aura des hommes sur la terre » (France). « Terre des hommes », ouvrage de Saint-Exupéry. La vie « telle qu'elle se manifeste sur la terre » (France ). Être seul sur la terre, au monde. « Ces gens-là, les plus malheureux de la terre » (Montesquieu). Être sur terre. ⇒ exister, 1. vivre. Sur toute la terre. ⇒ mondial, planétaire, universel.
♢ Relig. Le lieu où l'homme passe sa vie matérielle, charnelle (opposé à ciel, à vie éternelle). ⇒ terrestre. La terre et le ciel. « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté » ( ÉVANGILE St Luc). Le pape, représentant de Dieu sur la terre. — Par ext. Le paradis sur la terre. — Le sel de la terre. Remuer ciel et terre.
3 ♦ (XVIe ) Notre monde considéré comme un astre, un corps sphérique. ⇒ globe. « Pythagore disait que la terre était ronde » (Fénelon). Faire le tour de la terre.
♢ (1543) Planète appartenant au système solaire, animée d'un mouvement de rotation sur elle-même et de révolution autour du Soleil. La Lune, satellite de la Terre. Clair de Terre. Mouvements de la Terre et mesure du temps. La Terre est âgée de quatre à cinq milliards d'années. Noyau interne de la Terre. « Voyage au centre de la Terre », de J. Verne. — Parties superficielles, solide (⇒ lithosphère) , liquide (⇒ hydrosphère) et gazeuse (⇒ atmosphère) , de la Terre.
♢ Spécialt Ensemble formé par la lithosphère (écorce terrestre) et l'hydrosphère, étudié par la géographie et la géologie. — Représentation de la Terre. ⇒ cartographie; mappemonde, planisphère. Coordonnées d'un point de la Terre (⇒ latitude, longitude) .
III ♦
1 ♦ Didact. Matière, substance particulière extraite du sol ou considérée comme caractéristique de l'élément solide de notre globe (dans l'ancienne science).
♢ L'un des quatre éléments, chez Empédocle, Aristote et dans la science médiévale. Chim. Anc. L'un des principes ou éléments constitutifs de toutes les substances.
♢ Chim. mod. TERRES RARES : oxydes métalliques, à propriétés très voisines, existant en proportion variable dans des minerais disséminés, rarement en quantité suffisante pour être exploitables. ⇒ lanthanides. — Par ext. Les métaux correspondant à ces oxydes (de no at. 57 à 71). Le lanthane, l'europium, le terbium, l'holmium sont des terres rares.
2 ♦ Matière pulvérulente dans la composition de laquelle entre généralement l'argile, et qui sert à fabriquer des objets. Terre à porcelaine (⇒ kaolin) , à briques. Terre à potier, utilisée en céramique, en poterie. Terre anglaise : mélange d'argile plastique et de quartz (pour la faïence). Terre de pipe : terre anglaise additionnée de chaux. Absolt Pipe en terre. Terre à foulon. Terre glaise.
♢ TERRE CUITE : argile ordinaire ferrugineuse durcie par la chaleur; ensemble des produits céramiques fabriqués avec cette substance. Briques, tuiles, carreaux, poteries de terre cuite; casseroles, cruches, statuettes en terre cuite. Le pot de fer et le pot de terre. Plat de terre vernissée. — Par ext. Une terre cuite : statuette, médaillon, modèle, etc., en terre cuite.
♢ Nom de différents colorants (couleurs minérales). Terre de Sienne ou terre d'ombre, colorants bruns. ⇒ ocre. Terre verte, à base de carbonate de cuivre hydraté.
⊗ HOM. Taire, ter.
● terre nom féminin (latin terra) Planète du système solaire habitée par l'homme (avec une majuscule). Surface de cette planète ; ensemble des lieux habités, le monde : Parcourir la terre. Ensemble des hommes, de l'humanité : Des conflits qui bouleversent la terre entière. Lieu où l'homme passe sa vie, par opposition à l'au-delà, au ciel ou à la mort : Ne pas croire au bonheur sur cette terre. Partie solide et émergée du globe, par opposition à la mer, aux eaux, à l'air : Être en vue de la terre. (On dit aussi terre ferme.) La surface solide où l'homme marche, se déplace, vit, construit, etc. : Tomber la face contre terre. Étendue de la surface solide du globe, considérée d'un point de vue géographique, national, régional, etc. : Les terres arctiques. Étendue de terrain qui est la propriété de quelqu'un, d'une commune, etc. : Un propriétaire vivant sur ses terres. Matière constituant la couche superficielle du globe où croissent les végétaux : Creuser la terre. Sol cultivable : Une terre à blé. Sol considéré comme l'élément de base de la vie et des activités rurales ; ces activités elles-mêmes (au singulier) : Les produits de la terre. Électricité Masse conductrice de la terre, dont le potentiel électrique en chaque point est pris, par convention, égal à zéro. Conducteur de faible impédance relié à la terre. (On dit aussi conducteur de terre.) Connexion accidentelle d'un conducteur avec la terre. (On dit aussi contact avec la terre.) Minéralogie et Chimie Nom donné aux oxydes métalliques que l'on regardait autrefois comme des corps simples ayant pour caractères principaux d'être secs, fixes, inodores, insipides, insolubles dans l'eau, comme l'yttria, l'alumine, la silice. Peintures et vernis Nom générique de pigments minéraux naturels, constitués, pour le plus grand nombre, par des oxydes de fer fixés sur des minéraux voisins des argiles. (Les principales terres utilisées dans l'industrie sont : la terre de Cassel, de ton brun-noir ; la terre d'ombre ou ombre ; la terre de Sienne ; les terres vertes.) Sculpture Pâte argilo-sableuse utilisée, crue ou demi-cuite, pour façonner par modelage ou moulage des œuvres sculptées. ● terre (citations) nom féminin (latin terra) Roger Caillois Reims 1913-Paris 1978 Académie française, 1971 Je rends grâce à cette terre qui exagère tant la part du ciel. Les Impostures de la poésie Gallimard Aimé Césaire Basse-Pointe, Martinique, 1913 Il nous reste toujours des terres arbitraires. Cadastre, Ode à la Guinée Le Seuil René Char L'Isle-sur-la-Sorgue, Vaucluse, 1907-Paris 1988 La terre qui reçoit la graine est triste. La graine qui va tant risquer est heureuse. La Parole en archipel Gallimard Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 L'eau ainsi est le regard de la terre, son appareil à regarder le temps. L'Oiseau noir dans le soleil levant Gallimard Robert Garnier La Ferté-Bernard 1545 ?-Le Mans 1590 Le pays est partout où l'on se trouve bien, La terre est aux mortels une maison commune. Bradamante Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Je lisais. Que lisais-je ? oh ! le vieux livre austère, Le poème éternel ! — La Bible ? — Non, la terre. Les Contemplations, Écrit au bas d'un crucifix, III, 8 Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 La terre est au soleil ce que l'homme est à l'ange. Les Contemplations, Explication, III, 12 Félicité de La Mennais Saint-Malo 1782-Paris 1854 Vous n'avez qu'un jour à passer sur la terre ; faites en sorte de le passer en paix. Paroles d'un croyant Georges Limbour Courbevoie 1900-Cadix 1970 La terre chantera comme une toupie, dont nous tirerons la ficelle d'or. La Boîte aux coquillages Gallimard comte Joseph de Maistre Chambéry 1753-Turin 1821 La terre entière, continuellement imbibée de sang, n'est qu'un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu'à la consommation des choses, jusqu'à l'extinction du mal, jusqu'à la mort de la mort. Les Soirées de Saint-Pétersbourg Henry Millon de Montherlant Paris 1895-Paris 1972 Académie française, 1960 Il faut des haines à la société en vue des bouleversements dont elle progresse, comme la terre a besoin d'être labourée pour être fertile. Les Olympiques Gallimard Jacques Prévert Neuilly-sur-Seine 1900-Omonville-la-Petite, Manche, 1977 Il faut […] être très poli avec la terre et avec le soleil. Histoires Gallimard Jacques Prévert Neuilly-sur-Seine 1900-Omonville-la-Petite, Manche, 1977 Notre Père qui êtes aux cieux Restez-y Et nous nous resterons sur la terre Qui est quelquefois si jolie. Paroles, Pater Noster Gallimard Pierre de Ronsard château de la Possonnière, Couture-sur-Loir, 1524-prieuré de Saint-Cosme-en-l'Isle, près de Tours, 1585 Si le grain de froment ne se pourrit en terre, Il ne saurait porter ni feuille ni bon fruit : De la corruption la naissance se suit, Et comme deux anneaux l'un en l'autre s'enserre. Épitaphes, À lui-même Tristan Tzara Moineşti, Roumanie, 1896-Paris 1963 Que la terre advienne sur terre et se multiplie la graine de son règne. Terre sur terre Les Trois Collines, Genève Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Tout va sous terre et rentre dans le jeu ! Charmes, le Cimetière marin Gallimard Federico García Lorca Fuente Vaqueros 1898-Víznar 1936 La terre est le probable paradis perdu. La tierra es el probable paraíso perdido. Mar, Versos finales Neftalí Ricardo Reyes, dit Pablo Neruda Parral 1904-Santiago 1973 La terre s'est imposé l'homme pour châtiment. La tierra hizo del hombre su castigo. Chant général William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en rêve votre philosophie. There are more things in heaven and earth, Horatio, Than are dreamt of in your philosophy. Hamlet, I, 5, Hamlet ● terre (difficultés) nom féminin (latin terra) Orthographe 1. La Terre (= planète du système solaire habitée par l'homme), toujours avec une majuscule : la Terre tourne autour du Soleil ; l'atmosphère de la Terre comparée à celles de Mars et de Vénus. - Avec une minuscule dans tous les autres sens : il a parcouru la terre et les mers, les animaux qui vivent sous terre, cultiver une terre grasse et fertile, des terres argileuses, etc. 2. Terre à terre (= qui ne s'intéresse qu'aux aspects matériels de la vie courante) s'écrit sans trait d'union et reste invariable : elles sont très terre à terre. On écrit mettre pied à terre, sans trait d'union, mais un pied-à-terre (= un logement que l'on occupe occasionnellement), avec deux traits d'union. Sens et registre À terre / par terre. Les deux expressions sont équivalentes pour le sens ; par terre est plus courant, à terre plus soutenu. Remarque Littré distinguait entre à terre, employé pour les objets qui, avant une chute, n'ont pas de contact avec le sol, et par terre, employé pour les objets reposant sur le sol : le tableau est tombé à terre, mais la chaise est tombée par terre. Cette distinction n'a plus cours. ● terre (expressions) nom féminin (latin terra) À l'intérieur des terres, dans l'arrière-pays ou assez loin de la côte, par opposition au bord de mer. À terre, sur le sol ; sur la terre ferme. Mettre quelqu'un en terre, l'enterrer, lui donner une sépulture. Mettre quelqu'un plus bas que terre, le considérer, le traiter avec le plus grand mépris, tenir sur lui des propos très durs. Par terre, sur le sol ; anéanti, ruiné. Politique de la terre brûlée, destruction systématique des récoltes et des biens par une armée ou une population qui se retire devant l'envahisseur ; fait de ne rien laisser à un successeur éventuel. Revenir, redescendre sur terre, sortir d'un moment de rêverie. Sous terre, au-dessous du niveau du sol. En pleine terre, dans le sol même et en plein air (par opposition à sous abri, sous châssis, en serre). Terre noire, synonyme de tchernozem. Terre cuite, argile façonnée, cuite à basse température et n'ayant reçu aucune glaçure ; l'objet lui-même obtenu de cette façon. Terre de pipe, argile fine et blanche, contenant de la chaux, utilisée au XVIIIe s. pour la confection des pipes et pour celle d'objets et de statuettes, eux-mêmes appelés terre de pipe. Terres rares, dénomination habituelle des lanthanides et de leurs oxydes. À terre, terme d'école utilisé pour indiquer qu'un mouvement déterminé s'exécute sans quitter le sol. Terre décolorante, produit utilisé en huilerie pour décolorer les huiles brutes. (Ce sont des silices ou des silicates naturels activés par traitement acide.) Ligne de terre, ligne horizontale résultant de l'intersection du plan figuratif et du plan géométral. Circuit de terre, ensemble des conducteurs réunissant entre eux et aux prises de terre les points qui doivent être normalement au potentiel du sol. Prise de terre, conducteur ou ensemble de conducteurs enterrés, servant à établir une liaison avec la terre. Sciences de la Terre, ensemble des sciences étudiant la nature et l'histoire du globe terrestre (géologie, géomorphologie, climatologie). Terre sainte, lieux sanctifiés par la naissance, la vie et la mort de Jésus-Christ. Terre !, cri poussé par la vigie qui aperçoit la terre. Terre d'ombre ou terre de Nocera, variété naturelle d'oxyde ferrique hydraté provenant d'Ombrie, d'où son nom. (C'est un ocre brun rougeâtre, employé en peinture.) Terre rouge, argile rouge résultant de l'altération superficielle des sols calcaires. Terre de Sienne, argile renfermant des oxydes de fer et de manganèse qui lui donnent une coloration ocre brun. (Elle est utilisée en peinture.) Terres vertes, composés provenant de la décomposition de pyroxènes et de certaines argiles. (Elles fixent les colorants basiques et sont employées en peinture.) ● terre (homonymes) nom féminin (latin terra) taire verbe ter adverbe terre forme conjuguée du verbe terrer terrent forme conjuguée du verbe terrer terres forme conjuguée du verbe terrer ● terre (synonymes) nom féminin (latin terra) Planète du système solaire habitée par l'homme (avec une majuscule).
Synonymes :
- globe
Surface de cette planète ; ensemble des lieux habités, le monde
Synonymes :
- monde
La surface solide où l'homme marche, se déplace, vit, construit...
Synonymes :
- sol
Étendue de terrain qui est la propriété de quelqu'un, d'une...
Synonymes :
- bien
- domaine
- fonds
- parcelle
- propriété
- terrain
Agriculture. Terre noire
Synonymes :
Géographie et Géologie. Sciences de la Terre
Synonymes :
- géosciences
terre
la troisième planète du système solaire, au-delà de Mercure et Vénus, plus proches du Soleil, et avant Mars, plus éloigné. Sa distance au Soleil varie de 147,1 à 152,1 millions de km en raison de l'excentricité de son orbite, qu'elle décrit en 365 j 6 h 9 min 9,5 s (année sidérale), à une vitesse moyenne d'environ 30 km/s. L'orbite terrestre, dont l'excentricité varie sur une période d'environ 100 000 ans (elle vaut actuellement 0,0167), sera quasi circulaire dans 24 000 ans. Dans un repère lié aux étoiles supposées fixes, le plan de l'orbite terrestre oscille de 20 37' en 41 000 ans. La Terre a la forme d'un ellipsoïde de révolution très peu aplati (géoïde), dont le rayon équatorial (6 378,1 km) est à peine plus grand que le rayon polaire (6 356,8 km). La Terre tourne sur elle-même en 23 h 56 min 4,1 s (jour sidéral) autour d'un axe incliné sur le plan de l'orbite terrestre d'un angle, l' obliquité de l'écliptique, qui varie entre 240 36' et 210 59' en raison de l'oscillation du plan de l'orbite terrestre; le 1 er janvier 2000, l'obliquité de l'écliptique sera de 230 26' 21,4". Le phénomène des saisons résulte de l'obliquité de l'écliptique: tout au long de sa révolution orbitale, la Terre ne se présente pas toujours au Soleil sous le même aspect. L'axe de rotation de la Terre est animé d'une combinaison de mouvements dont les périodes et l'ampleur sont très diverses: un lent mouvement de rotation (période, environ 26 000 ans) autour d'une perpendiculaire au plan de l'écliptique (la précession), auquel s'ajoute la nutation, petite oscillation de 18,7 ans de période. La Terre a un unique satellite, la Lune.
— L'âge de la Terre (estimé d'après celui des roches) est d'environ 4,6 milliards d'années. Sa masse est de 6.10 24 kg; sa densité moyenne vaut 5,52, ce qui, pour un rayon moyen de 6 370 km, induit une accélération de la pesanteur de g = 9,8 environ (9,83 aux pôles, 9,81 à Paris, 9,78 à l'équateur). L'étude des ondes sismiques nous renseigne sur la structure interne du globe terrestre, composée de trois grandes unités concentriques. La plus superficielle est l' écorce (ou croûte), épaisse de 5 à 7 km sous les océans et de 35 km au niveau des continents. Le manteau, séparé de l'écorce terrestre par la discontinuité de Mohorovicic, s'étend jusqu'à 2 900 km de profondeur; sa couche supérieure, la lithosphère, se sépare en une mosaïque de plaques dont les dérives sont commandées par des courants très lents qui circulent à travers le manteau. Le noyau, séparé du manteau par la discontinuité de Gutenberg, comporte deux zones, le noyau externe supposé liquide (2 200 km d'épaisseur) et le noyau interne (ou graine), considéré comme solide, d'environ 1 250 km de rayon. La Terre a un champ magnétique propre, dont l'origine tient probablement à l'existence de courants électriques circulant dans le noyau métallique de la planète. Il s'assimile au champ d'un barreau aimanté (champ dipolaire), dont l'axe fait un angle de 11,60 avec l'axe de rotation de la Terre et dont les pôles magnétiques constituent les deux extrémités; son intensité vaut actuellement 0,5 gauss (en moyenne) à la surface du globe. Les lignes de force du champ magnétique terrestre se referment d'un pôle magnétique à l'autre jusqu'à une altitude d'environ 20 000 km. Au-delà, sous l'action du vent solaire (V. Soleil), elles délimitent une vaste cavité, la magnétosphère, de forme très dissymétrique: la partie dirigée vers le Soleil est bordée par une onde de choc située à environ 10 rayons terrestres; à l'opposé se situe la queue de la magnétosphère qui s'étend sur plus de 60 rayons terrestres. L'atmosphère terrestre, qui a permis à la vie de naître et de se développer comprend: la troposphère, entre le sol et une altitude variant entre 7 km aux pôles et 16 km à l'équateur (90 % de la masse gazeuse qui constitue l'atmosphère, 100 % de la vapeur d'eau); la stratosphère (ou ozonosphère), jusqu'à 60 km; la mésosphère, jusqu'à 80 km; la thermosphère, jusqu'à 1 000 km.
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terre
n. f.
rI./r (Avec une majuscule.) La Terre: la troisième planète du système solaire, habitée par l'espèce humaine. La distance de la Terre au Soleil. La Lune, satellite de la Terre. (V. Terre.)
|| Par méton. Ceux qui habitent la Terre, les hommes. Ce conquérant rêvait de soumettre toute la Terre.
rII./r Portion de la surface du globe qui n'est pas recouverte par les eaux marines; étendue de sol.
d1./d (Par oppos. à mer.) La terre ferme. Terre!
|| à terre (par oppos. à à bord). L'équipage est descendu à terre.
|| L'armée de terre (par oppos. à la marine et à l' armée de l'air).
d2./d Région, pays. Les terres boréales, australes. La Terre sainte: les lieux où vécut Jésus-Christ.
d3./d Domaine, fonds rural. Vendre, acheter une terre.
— Loc. (Québec) Vivre sur une terre, dans une ferme.
|| (Afr. subsah.) Chef de terre.
|| (Considérée quant à son état.) Une terre labourée, en friche.
|| (Québec) Terre à bois, exploitée pour la production de bois de chauffage.
— Terre en bois debout, boisée, non défrichée.
rIII/r Sol.
d1./d (En tant que surface sur laquelle on marche, on se déplace, on construit des édifices, etc.) Tremblement de terre: V. séisme.
|| Loc. à terre, par terre: sur le sol. Tomber à terre.
— Mettre pied à terre: descendre de cheval, de bicyclette.
|| Loc. fig. Avoir les pieds sur terre: avoir le sens des réalités concrètes.
— Terre à terre: qui manque d'élévation de pensée, d'originalité; commun, prosaïque.
d2./d (En tant que surface cultivable.) Le retour à la terre, à la culture.
— Litt. Les biens, les fruits de la terre, ce qu'elle produit; les récoltes.
|| Plante cultivée en pleine terre, qui pousse ses racines dans le sol même (par oppos. à en pot, en bac, etc.).
d3./d (En tant que lieu de sépulture.) Porter un mort en terre.
d4./d ELECTR La terre: le sol, en tant que conducteur de potentiel électrique nul. Prise de terre.
|| Par ext. Conducteur ou ensemble de conducteurs qui établissent une liaison avec le sol. Mettre à la terre le bâti d'une machine.
rIV./r
d1./d Matière de composition variable, de texture granuleuse ou pulvérulente, qui constitue le sol. Terre végétale, terre arable.
— (Considérée quant à sa composition.) Terre calcaire, argileuse.
— TECH Terre armée: terre amoncelée en remblais renforcés par des armatures (généralement métalliques). Barrage en terre armée.
|| CHIM Terres rares: oxydes métalliques très peu abondants dans la nature, qui correspondent aux éléments de numéro atomique 21 (scandium), 39 (yttrium), 57 (lanthane) et 58 à 71 (lanthanides); par ext., ces éléments.
d2./d Terre cuite: terre argileuse façonnée et durcie au feu.
rV./r (Par oppos. à ciel, à au-delà, etc.) Lieu où vivent les hommes.
— Spécial. Lieu où ils passent leur existence corporelle. La vie sur terre.
|| Loc. fig. Remuer ciel et terre.
⇒TERRE, subst. fém.
I. — Planète, milieu où vit l'homme.
A. — [Gén. avec majuscule] Élément de l'Univers s'opposant à d'autres corps célestes, d'autres mondes ou éléments.
1. [P. réf. aux astron., aux cosmogonies anc.] Ce milieu considéré généralement comme le centre du monde. L'évêque d'Hippone (...) croyait la terre plate, parce qu'il lui semblait la voir telle (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 137). [Philolaos] (...) distingue l'Olympe renfermant les éléments les plus purs, puis le Monde contenant jusqu'à la Lune les astres tournant autour du feu central, et enfin, entre la Lune et le centre, une « région où se trouvent les choses soumises à la génération, apanage de ce qui anime les transmutations ». Ainsi fut formulée pour la première fois avec précision cette division polaire de l'univers entre le monde de la pureté et de l'éternité, et le monde « sublunaire » de l'impureté et de la corruption, dont la Terre faisait partie (Astron., 1962, p. 13 [Encyclop. de la Pléiade]).
— MYTH. Élément primordial, divinisé, conçu comme la mère universelle. Union du Ciel et de la Terre; les fils de la Terre (les Titans, les Géants). Si, frappé d'un second coup du trident d'Éole, la terre déchaîne l'Eurus sur l'humide Empire, quoiqu'agitées par ce nouveau tiran les Ondes sont toujours dociles à leur premier maître (CHÊNEDOLLÉ, Journal, Append., 1833, p. 181). Kronos d'un coup de serpe lui tranche les parties sexuelles [à Ouranos]. Cet acte de violence aura des conséquences cosmiques décisives. Il éloigne à jamais le Ciel de la Terre, il le fixe au sommet du monde comme le toit de l'édifice cosmique (Mythol. t. 1 1981, p. 258). Terre(-)mère. Culte des puissances élémentaires traduisant la lassitude des bêtes forcées que nous sommes — des bêtes écrasées, usées, laminées par le bruit forcené, par le dynamisme forcené de milliers de machines qui nous obsèdent. Résurrection compensatrice d'une sorte de culte de la Terre Mère sur le sein de qui il est si bon, le soir, d'allonger filialement ses membres endoloris (L. FEBVRE, La Sensibilité et l'hist., [1941] ds Combats, 1953, p. 238). [Un patient] voyait les étoiles naître et briller dans la terre. Elles sortaient du sein de la terre; la terre n'était pas en cette obsession une simple image du ciel étoilé. Elle était la grande mère productrice du monde, productrice de la nuit et des étoiles. Dans le rêve de son patient, Neumann montre la force de l'archétype de la terre-mère (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 49).
♦ Poét. [Par personnification] La terre dort, s'éveille; flancs, sein, colère, respiration de la terre. Ô Nuit magicienne, ô douce, ô solitaire, Le Paysage avec sa flûte de roseau T'accueille; et tes pieds nus posés sur le coteau Font tressaillir le cœur fatigué de la terre (SAMAIN, Chariot, 1900, p. 133). L'étonnant printemps rit, viole... On ne sait d'où Venu? Mais la candeur ruisselle à mots si doux Qu'une tendresse prend la terre à ses entrailles... (VALÉRY, J. Parque, 1917, p. 103).
2. ASTRON., cour. Planète du système solaire, ayant la forme d'une sphère légèrement aplatie aux pôles, parcourant une orbite elliptique autour du Soleil en un an et tournant sur elle-même en vingt-quatre heures environ, formée de roches dont la surface est en grande partie recouverte d'eau, entourée d'une enveloppe de gaz, et qui est le seul corps céleste connu à ce jour où se manifeste la vie. Je revoyais la nébuleuse primitive, puis la terre détachée d'elle, et la lune détachée de la terre. Cette lune était morte aujourd'hui, et la terre mourrait aussi. Elle allait, se glaçant de seconde en seconde (BOURGET, Disciple, 1889, p. 175). La terre est bleue comme une orange (ÉLUARD, Œuvres compl., L'Amour la poésie, Paris, Gallimard, t. 1, 1968 [1929], p. 232). La pleine terre coïncide avec la nouvelle lune. (...) Le clair de terre, beaucoup plus intense que le clair de lune, est suffisant pour rendre visible la partie du sol lunaire qui ne reçoit pas l'éclairement direct du soleil (DANJON, Cosmogr., 1948, p. 215):
• 1. Il fallut plusieurs siècles de recherches en Mécanique pour étayer l'hypothèse du mouvement de la Terre sur elle-même et autour du Soleil et prouver ainsi que Copernic (et avant lui Aristarque) avaient raison contre « l'évidence ». En effet, l'un des arguments opposés par le bon sens à cette hypothèse était que si la Terre tournait, les habitants le sentiraient!
KOURGANOFF, Astron. fondam., 1961, p. 7.
SYNT. Étude, sciences de la Terre; origine, âge, histoire de la Terre; axe, masse, diamètre, rayon (polaire, équatorial), pôle, orbite, croûte, noyau de la Terre; champ électrique, magnétique de la Terre; champ de gravité de la Terre; force d'attraction de la Terre; constitution, forme de la Terre; climat de la Terre; satellites tournant autour de la Terre; système Terre-Lune, Terre-Soleil.
♦ Expr. Et pourtant, la terre tourne; cela n'empêche pas la terre de tourner. [Pour exprimer que rien ne peut arrêter le cours des événements] Vous pensez qu'un tremblement de terre en Nouvelle-Guinée n'empêche pas la vigne de pousser en France, les fromages de se faire et la terre de tourner (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 16). Voici deux jours que je l'ai sur le dos et qu'elle n'a pas arrêté de me raconter des horreurs sur son mari. Dire qu'il y a des femmes pareilles et que la Terre tourne! (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 51).
— P. anal. Planète, corps céleste semblable à la Terre. L'univers est peut-être alors comme un énorme dossier où chaque feuille est un monde analogue à celui que nous connaissons, avec ses étoiles, ses lunes et ses terres (Gds cour. pensée math., 1948, p. 140). Anaxagore fut traduit devant les juges pour avoir soutenu que la Lune était une Terre semblable à la nôtre et le Soleil une pierre incandescente (Astron., 1962, p. 11 [Encyclop. de la Pléiade]).
B. — 1. Milieu physique où l'homme vit et exerce ses activités, où existent différentes formes de vie.
a) Surface du globe terrestre. Description, exploration de la terre; représentation de la terre par la cartographie; parcourir la terre; faire le tour de la terre; les habitants de la terre. La terre entièrement reconnue, explorée, équipée, je dirai même entièrement appropriée (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 196). La séismologie a montré qu'en plus des tremblements de terre dont les foyers se situent dans l'écorce terrestre, au voisinage des côtes et des fosses océaniques, il existe sous les continents des foyers allant jusqu'à 700 km de profondeur (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 497).
— Expr. (liées à la représentation plane du globe). Au bout, aux confins, aux extrémités de la terre. Très loin. On est étonné quand on entre à Londres dans les habitations où siègent les directeurs de ces établissements dont le poids se fait sentir au bout de la terre (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 114). Aux deux bouts, aux deux extrémités de la terre. Très éloigné. Vous étiez plus loin l'un de l'autre que deux exilés aux deux bouts de la terre, séparés par le monde entier (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 357). D'un bout à l'autre, aux quatre coins, à tous les coins de la terre. Partout. Il ira séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre et les rassemblera pour la guerre contre les saints (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 338).
b) Séjour de l'homme. Synon. monde1. Julien fut saisi d'une envie démesurée de purger la terre d'un de ses plus lâches coquins... (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 388). — Moi, je suis syndicaliste-socialiste, commença-t-il. Je suis citoyen de la terre. Camarade Soleil brille pour tout le monde (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 146).
— Locutions
♦ Remuer ciel et terre.
♦ Les grands, les princes, les puissants, les rois... de la terre. Ceux qui ont le pouvoir, tous les avantages. Tel est le cantique des modernes pauvres, à qui les heureux de la terre — non satisfaits de tout posséder — ont imprudemment arraché la croyance en Dieu (BLOY, Journal, 1892, p. 66). S'il parlait souvent d'une façon vague de ce que l'on appelle les grands de la terre, c'était avec la modestie qui sied lorsqu'on parle de soi (RADIGUET, Bal, 1923, p. 30). Les déshérités, les damnés de la terre. Ceux qui n'ont rien. V. damné ex. 4.
♦ Les enfants, les fils de la terre. Les hommes. Les Enfants de la Terre veulent actuellement que la Philosophie aide les hommes à s'enrichir (NIZAN, Chiens garde, 1932, p. 167). Du fond du monde accourez tous (...), Libres pour cette extrême guerre! Les dieux grondent: Fils de la Terre. Peuples innombrables, Marteaux, Debout!... (MUSELLI, Ballades contradiction, 1941, p. 113).
♦ Sur la terre, sur terre. Au monde, dans le monde. J' suis seule sur la terre, M'sieu... j' n'ai personne à qui parler... personne à qui compter mes ennuyances... Je n'ai pu d' père, pu d' mère, ni frère, ni sœur, personne! (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, R. Prudent, 1886, p. 644). — On finit par oublier qu'il existe d'autres choses sur terre, dit Louis (...): « Des choses qui s'appellent la beauté, la poésie, la vérité (...) » (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 252).
Nom abstr. + venu sur terre. Incarné. N'a-t-il pas dit à madame Roguin qu'il ne m'avait jamais fait d'infidélité, même en pensée. C'est la probité venue sur terre, cet homme-là (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 7).
— [Dans des tournures hyperboliques pour renforcer un superl. rel., un coll.]
♦ Le plus + adj. + de la terre, que la terre ait porté. L'homme le plus heureux de la terre; la plus charmante femme de la terre; la plus belle chose de la terre. C'était le plus grand menteur de la terre (GONCOURT, Journal, 1887, p. 640). Compréhensif et magnanime, tel est le caractère officiel de la plus grande loque de père que la terre ait portée (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 173).
♦ Tous les, toutes les + subst. + de la terre. Ces deux misérables qui avaient toujours dormi sur la paille, mangé du pain noir, travaillé comme des bêtes, souffert toutes les misères de la terre, allaient mourir! (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Mis. hum., 1886, p. 651). La tortue, ce mets recherché par tous les gourmands de la terre (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 128). En partic. [Dans une tournure nég. pour exprimer que rien ne pourra changer les faits] En supposant un revers en Espagne, nous avions une révolution en France, et tous les Cosaques de la terre ne nous auraient pas sauvés (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 144). Enfin tous les alibis de la terre ne prévaudront point contre ceci: que lady Falkland et Cernuwicz se sont vus (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 342).
♦ [Pour exprimer une totalité, un haut degré] Verbe + la terre entière. Voilà ce qui, pour moi, vaut la terre entière. Il tira deux portraits (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 162). Subst. + de la terre entière. L'odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre entière (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 23).
c) P. méton. L'ensemble des êtres humains; l'humanité entière. Régner sur toute la terre; soumettre toute la terre; être connu, craint de la terre entière; avoir la terre à ses pieds. Le règne de Marie-Louise a été fort court, disait l'Empereur; mais elle a dû bien en jouir; elle avait la terre à ses pieds (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 414). Celui qui, du haut de la montagne, cria vainement à la terre inattentive: « Tu ne tueras pas. Tu ne jugeras pas » (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 112).
— Le ciel et la terre. Les dieux, Dieu et les hommes. Défier le ciel et la terre. Héraklès ramène Prométhée dans l'Olympe et réconcilie la terre et le ciel (L. MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p. 70). Gervaise trouvait honteux qu'une femme de cet âge, ayant trois enfants, fût ainsi abandonnée du ciel et de la terre (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 522).
♦ Attester le ciel et la terre; prendre le ciel et la terre à témoin. La Guillaumette dut prendre le ciel et la terre à témoin de sa bonne foi, sortir la croix et la bannière et en appeler à Croquebol. (..) Bout (...) finit par être convaincu (COURTELINE, Train 8 h. 47, 1888, p. 138). Leurs plaidoyers différaient comme leurs tempéraments. L'un d'eux fut tragique, grandiloquent, il attesta le ciel et la terre (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 293).
♦ À la face du ciel et de la terre. Au grand jour; ouvertement. Tirer la chose au clair, par-devant un tribunal de justice, tenu à la face des cieux et de la terre (MARAT, Pamphlets, Relation fid. affaires Nancy, 1790, p. 251).
— Exclamations
♦ Terre et ciel/cieux! Synon. plus cour. ciel! Mais, terre et ciel! qu'a donc cette union de si fatal? Dites-moi ce qui vous rend si farouche? (BOREL, Champavert, 1833, p. 145). Seule, une tenture de velours cramoisi lui barrait encore le passage. Y toucher, à celle-là, terre et cieux! il n'osait pas (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 367).
♦ Au nom de la terre. [Calqué sur au nom du ciel avec l'idée de revenir aux choses plus concr.] Au nom de la Terre, un peu de bon sens et de sincérité! (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 241).
2. Monde matériel, imparfait qui est le domaine de l'homme durant son existence, s'opposant au monde divin ou à l'univers spirituel; p. méton., la vie terrestre, temporelle. Terre corrompue; terre de perdition; la terre des hommes; élever de la terre au ciel. Sur le thème plastique de la danseuse posée en arabesque, on pourrait faire des variations symboliques à l'infini; tant de choses s'y retrouvent: attachement à la terre et nostalgie du ciel — Dionysos et Apollon, — (...), spiritualisation, par le miracle de la danse, de la matière libérée de sa pesanteur (LIFAR, Traité chorégr., 1952, p. 156):
• 2. Le dévôt superstitieux laisse la route de la réalité, de la vie, de la nature, à l'athée; et celui-ci la bouche et la barre, lui refusant toute projection vers l'infini. La terre ainsi comprise devient pour l'athée le fini absolu, le fini sans communication avec l'infini.
P. LEROUX, Humanité, 1840, p. 226.
— Locutions
♦ Le maître, le créateur du ciel et de la terre. Dieu. Le Dieu de la métaphysique n'est qu'une idée; mais le Dieu des religions, le Créateur du ciel et de la terre, le Juge souverain des actions et des pensées, est une force (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 99).
♦ De la terre, de cette terre (loc. adj.). Qui appartient, qui est propre à notre monde matériel. Synon. terrestre. Intérêts, passions, joies, choses de la terre. Dieu, ma chère sœur, vous a donné des richesses, il pourrait, par exemple, vous les retirer!... mais tous les biens de la terre ne sont rien, et Dieu, en nous les enlevant, nous délivre de la servitude du péché (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 145). On ne peut pas être heureux sans faire du mal aux autres. C'est la justice de cette terre (CAMUS, État de siège, 1948, 3e part., p. 289).
Royaume de la terre. La société humaine. Celui qui n'a pas cru en mon Père, celui-là n'entrera pas dans le royaume des cieux. Celui qui n'a pas cru en sa mère, celui-là n'entrera pas dans le royaume de la terre. Toute foi me semble une duperie, toute autorité un fléau, toute tendresse un calcul (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 274).
♦ Être, tenir de la terre; avoir qqc. de la terre. Avoir les caractéristiques de notre monde matériel. La merveilleuse sérénité du visage de Morhange se fit alors telle que je ne vis plus son interlocutrice. Il n'y avait plus rien de la terre dans ce visage transfiguré (BENOIT, Atlant., 1919, p. 262). On ne gouverne pas un État avec pour seule arme le chapelet. Un pape est du ciel et de la terre (...). Dieu est loin, (...) et les hommes sont proches, terriblement proches (MONTHERL., Malatesta, 1946, III, 5, p. 500).
♦ Sur (la) terre, sur cette terre. Ici-bas. Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Elle espérait que la voix de ces messieurs, plus autorisée que la sienne, que les conseils de leur vieille expérience éclairée... ramèneraient à des idées plus saines et plus pratiques... On n'est pas sur la terre pour s'amuser!... (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 15). Ah! Ah! la belle avance de vous priver sur la Terre si c'est dans l'espoir de vous rattraper au Paradis! (SALACROU, Terre ronde, 1938, III, 1, p. 232).
[Dans des expr. évoquant l'idée d'un monde futur meilleur] Règne céleste sur la terre; aménagement du royaume de Dieu sur terre; paradis sur (la) terre. Cette société idéale que les chrétiens appellent le règne de Dieu sur la terre, cette république fraternelle que nous voulons fonder (L. MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p. 163). La religion révolutionnaire (le socialisme) promet d'installer le ciel sur la terre. On aura la justice sur la terre (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1907, p. 115).
[Dans des expr. évoquant l'existence temporelle de l'homme] Passer sur la terre; temps à vivre sur la terre. Jamais, depuis que je suis sur la terre, pareil dégoût des hommes ne m'avait étouffé! (FLAUB., Corresp., 1872, p. 433). Pendant son passage sur terre il est permis à l'être humain de ne pas perdre la communication avec le monde spirituel qui est son monde véritable (DURRY, Nerval, 1956, p. 154). [Pour évoquer la mort] Vivre seule, toujours seule; jamais aimée! Ô mon Dieu, ne le permettez pas! Retirez de la terre la pauvre Ourika! (DURAS, Ourika, 1824, p. 123). Quand Béatrix quitta la terre, dans tout l'éclat de sa jeunesse et de la virginité, il la suivit par la pensée dans ce monde invisible dont elle était devenue l'habitante (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 67).
[Dans des expr. évoquant la réalité p. oppos. à l'univers spirituel, intellectuel, au rêve] Avoir les pieds sur (la) terre; ramener, rappeler, retomber sur (la) terre; tomber du ciel sur la terre; se dégager de la terre; perdre terre; être retenu à la terre; tenir à la terre. Aussi Socrate, en combattant les sophistes, en couvrant de ridicule leurs vaines subtilités, criait-il aux Grecs de rappeler enfin sur la terre cette philosophie qui se perdait dans le ciel (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 50):
• 3. ... considérons un Descartes ou un Pascal. Nous les voyons toujours qui cherchent terre. Car les pensées de tête sont un peu trop ce qu'elles veulent; et le pouvoir de combiner, qui donne tant de plaisir aux médiocres, lasse bientôt les maîtres. Ils cherchent donc la terre du pied, et relient leurs plus hautes pensées à leurs plus petites misères, afin de faire penser le corps aussi...
ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 233.
II. — Couche superficielle du globe non recouverte par les mers, les océans.
A. — [P. oppos. à la mer (parfois à un lac, un fleuve) et à l'atmosphère]
1. La partie émergée de la croûte terrestre, les continents et les îles. Concentration des terres dans l'hémisphère nord; physionomie des terres émergées à une époque; relèvement des terres lors des transgressions; direction terre-mer, mer-terre des vents; courir les terres et les mers; combattre sur terre et sur mer; langue de terre s'avançant dans la mer. Le dieu qui peuple l'air d'oiseaux, la terre d'animaux, les ondes de reptiles (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 21). Chaque semaine, un grand oiseau blessé, une mouette ou un corbeau, venant du large ou de la terre, se faisait prendre (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 100).
♦ [P. oppos. à de mer, de l'air] Armée, forces de terre. Armée, forces, puissance qui est/sont destinée(s) à combattre sur terre. Les forces navales françaises libres (...) se présenteront devant Beyrouth dès que les forces de terre auront franchi le col de Sofar (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 394). [P. méton.] Le Surcouf est en route pour vous rejoindre. Plusieurs officiers de terre également (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 522).
— [À propos de voies de commun. et, p. méton., de transp., de véhicules] La jeune École (...) se tourne vers l'Orient, vers les pays de grand soleil, dont toutes les routes de terre et de mer conduisent en Grèce (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 143). L'intense circulation routière de la fin du Moyen Âge explique que la voie de terre ait été préférée à la route d'eau, si couramment utilisée pendant l'Antiquité (P. ROUSSEAU, Hist. transp., 1961, p. 73).
♦ Par (voie de) terre. Par la route. Aller aux Indes par terre; transport par terre; voituriers par terre et par eau. Autant dire à un homme qui aurait dépensé tout son avoir à gréer un bâtiment: « Faites le voyage par terre » (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 185). Notre mer offre un bassin bien circonscrit dont un point quelconque du pourtour peut être rejoint à partir d'un autre en quelques jours, au maximum, de navigation en vue des côtes et, d'autre part, par voie de terre (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 247).
— [Dans le lang. des marins en partic.]
♦ Loc. verb. Chasser, chercher la terre. Essayer de la découvrir. Apercevoir la terre. Perdre terre. Perdre de vue la terre. Raser, côtoyer, ranger, élonger la terre. Naviguer près des côtes. Mettre cap à terre, gagner la terre, tirer un bord à terre. S'en approcher. Aller, descendre à terre. Quitter le bord. Prendre terre. Aborder. Aller à terre avec une longue-vue. ,,Rester à bord, le navire étant au mouillage`` (GRUSS 1978).
♦ Loc. nom.
Mise à terre. Débarquement. Des paquebots « trans-Manche », aménagés en transports d'infanterie (...) et porteurs de chaloupes de débarquement pour la mise à terre de ce personnel (LE MASSON, Mar., 1951, p. 53).
Brise, vent de terre. Brise, vent qui souffle de la terre vers la mer. Quand le seul empêchement vient du vent de terre, notre navire doit l'avantage surtout à l'étendue de ses nageoires (MAIZIÈRE, Nouv. archit. nav., 1853, p. 64). Comme celui qui se dévêt à la vue de la mer, comme celui qui s'est levé pour honorer la première brise de terre (SAINT-JOHN PERSE, Exil, 1942, p. 218).
Homme, équipe, bordée de terre. Homme, équipe qui travaille à terre. Les buissons touffus des mâtures de la flotte atterrie dépassaient le quai. Les hommes de terre halaient avec moins de peine, aidés par l'eau plus haute qui rapprochait d'eux les bateaux (HAMP, Marée, 1908, p. 21).
Gens de terre. Ceux qui vivent à terre, ne sont pas marins. Laver le pont quand les lames déferlent dessus, cela semblerait une opération très insensée à des gens de terre (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 148).
♦ La terre ferme. Le continent (v. aussi infra II C 1 a). Les îlots sur lesquels avaient été déposés par les pirates eux-mêmes un germe de villes, entrèrent en contact avec la terre ferme et s'y rattachèrent même artificiellement (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 170). Vers 1625 avant J.-C., la civilisation minoenne de la Crète fut transplantée sur la terre ferme; ainsi se forma la civilisation dite mycénienne (HADDON, Races hum., trad. par A. Van Gennep, 1930, p. 119).
[Dans des nom géogr.] Terre-Ferme. ,,Amérique du Sud espagnole du XVIe au XVIIIe s.`` (Lar. encyclop.). Les productions les plus communes du Mexique, du Pérou, du Brésil, de la Guiane, de la Terre-Ferme d'Amérique et des îles innombrables qui avoisinent leurs rivages (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 295). États de Terre(-)Ferme. Provinces de la République de Venise en Italie péninsulaire. Je dictais le passage sur la Venise de terre ferme (DU BOS, Journal, 1927, p. 181).
♦ La grande terre. Continent, île importante. De l'autre côté des lagunes, c'était la grande terre (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 95). Sous divers prétextes, et parfois, sans prétexte, ils demandaient une barque pour les conduire au continent et, quitte à être malades pendant la traversée, ils gagnaient la grande terre, d'où ils ne revenaient qu'au bout de plusieurs jours (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 16).
♦ L'intérieur des terres (p. oppos. au littoral). Il est avantageux, pour réduire les frais de transport que les ports soient situés le plus loin possible à l'intérieur des terres (M. BENOIST, PETTIER, Transp. mar., 1961, p. 183).
♦ Par les terres. Par l'intérieur des terres. Nous étions descendus en Armagnac par les terres. M. Rezeau se laissa convaincre de remonter par les côtes (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 159).
♦ Exclam. Terre! [Cri de la vigie qui aperçoit la terre] Le matelot de vigie cria: « Terre à bord! » — Déjà? dit Benoît en montant sur son banc de quart. — Je ne me croyais pas si près des côtes (SUE, Atar-Gull, 1831, p. 4). P. anal. Une voix forte se fit entendre: « Terre! Terre! » Le ballon (...) avait, depuis l'aube, franchi une distance considérable (...) et une terre assez élevée venait, en effet, d'apparaître (VERNE, Île myst., 1874, p. 6). P. métaph. Où est le temps où j'entendais une voix en moi crier « Terre » dès que tu apparaissais (CAMUS, État de siège, 1948, 2e part., p. 259).
— ZOOL. Courlis de terre. Œdicnème. V. ce mot ex.
2. Une île, des îles, une partie du continent. L'aspect de Longwood ne saurait être agréable qu'au voyageur fatigué d'une longue navigation, pour qui toute terre a des charmes (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 252). Il fallait, coûte que coûte, marcher droit contre le vent, à cause de terres douteuses qui pouvaient être là, derrière nous (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 131).
— MAR. Terre de beurre. ,,Nuage voisin de l'horizon donnant l'illusion d'une terre`` (GRUSS 1978). Terre sous le vent. ,,Terre vers laquelle souffle le vent`` (GRUSS 1978).
B. — Partie limitée de cette surface.
1. Contrée, pays, région déterminée, considérée du point de vue de certaines de ses caractéristiques. On chasse nos frères, s'écrièrent les enfans de Mahomet: on outrage le peuple du prophète! des infidèles occupent une terre consacrée, et profanent les temples de l'Islamisme (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 80). Sa pensée, un moment, s'égara vers ces terres lointaines qu'il ne verrait jamais, l'Azaouad, le Tafilalet, l'Iguidi, là-bas, dans les profondeurs du désert (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 46). Ce bonnet était pour elle quelque chose d'infiniment précieux (...), peut-être comme emblème du village, comme symbole de la patrie, comme insigne des filles d'une terre adorée (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 222).
SYNT. Terre exotique, australe, boréale; terre de culture, de forêts, de pâturage; terre de la liberté, de l'honneur; terres de mission; la terre d'Afrique, de France, d'Irlande, de Bretagne; terre autrichienne, française, italienne, polonaise; conquérir une terre.
♦ Terre nouvelle. Terre que l'on découvre. Au XVIe siècle, là fut la pépinière des plus entreprenants découvreurs de terres nouvelles (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 375). P. métaph. On ne découvre pas de terre nouvelle sans consentir à perdre de vue (...) tout rivage. Mais nos écrivains craignent le large; ce ne sont que des côtoyeurs (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1214).
♦ Terre inconnue. Terre qui reste à découvrir. Des hommes intrépides (...) avaient reculé pour l'Europe les bornes de l'univers, lui avaient (...) ouvert des terres inconnues. Gama avait pénétré dans l'Inde (...) Colomb (...) avait atteint ce monde jusqu'alors inconnu, qui s'étend entre l'occident de l'Europe et l'orient de l'Asie (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 121). P. compar. Si mes premières années sont en arrière de moi comme une terre inconnue, ce n'est pas par une défaillance fortuite de la mémoire et faute d'une exploration complète: il n'y a rien à connaître dans ces terres inexplorées (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 399).
♦ Terre natale, maternelle, paternelle. Pays, région d'origine. Émigré malgré lui, jamais il ne la fit contre nous [la guerre], sachant trop ce qu'il devait à la terre natale, et qu'on ne peut avoir raison contre son pays (COURIER, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 1, 1822, p. 152). À voir quelle douleur minait à la longue un homme toujours séparé de la terre maternelle, je me sentis une grande hâte de connaître et d'adorer la mienne (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 179). Cette vieille tradition: défendre la terre de nos morts, accomplir la destinée de notre pays (BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1917, p. 268).
♦ Terre étrangère, d'exil. Terre où l'on n'a pas ses racines. Oh! mon Roi! Vous que j'avais vu sur la terre étrangère, je vous ai revu sur cette même terre où vous alliez mourir! (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 289). Un mort, cela ne peut plus souffrir: qu'importe désormais si son séjour en terre d'exil se prolonge plus ou moins? (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 241).
♦ Terre(-)Sainte. La Palestine. Synon. terre promise, terre de promission. Il était très heureux (...) d'être enveloppé à son dernier soupir et enseveli dans le manteau qu'il avait rapporté de son pèlerinage en terre sainte, et qui avait touché le Tombeau (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 308). Sur un petit point du globe, l'extraordinaire aventure palestinienne, l'effort héroïque de pionniers qui tentent de rendre la vie à la Terre-Sainte, la terre historique et légendaire (WEILL, Judaïsme, 1931, p. 6).
— HIST. JUIVE. Terre de servitude. L'Égypte. Comme le peuple d'Israël dans la terre de servitude: Nous crions vers vous, Seigneur (LAMENNAIS, Paroles croyant, 1834, p. 182).
— [Dans des nom géogr.] Terre-de-Bas, Terre-de-Haut (archipel des Saintes); Basse-Terre, Grande-Terre (Guadeloupe); Terre-Neuve, Terre de Baffin (Canada); Terre Adélie, Terre de Graham, Terre de la reine Maud (Antarctique). Vers le milieu du Secondaire la bordure américaine du Pacifique se soulèvera, des Aléoutiennes à la Terre de Feu (COMBALUZIER, Introd. géol., 1961, p. 151). Ces services météorologiques sont implantés dans les départements et territoires ci-après: Antilles-Guyane, Réunion (...), terres australes et antarctiques françaises (Amsterdam, Crozet et Terre Adélie) (Météor. fr., 1963, p. 14).
— Un coin de terre. Région, petite partie d'un pays. Jacques était partagé entre la joie de ramener son frère (...) et le regret d'abandonner ce coin de terre. Il avait connu chez les Soudanais un sentiment inéprouvé (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 268).
2. Étendue délimitée, considérée comme un bien, généralement exploitée. Synon. domaine, propriété foncière. Vivre dans une terre avec Madame de Chasteller et faire produire à cette terre les douze ou quinze mille francs nécessaires à notre luxe modeste! (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 368). Tous ses revenus passaient en achats de terres; c'est ainsi qu'il en était arrivé (...) à reconstituer dans son intégrité l'ancien domaine de La Seiglière (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 76).
♦ Nom de terre. Beaucoup de familles nobles abandonnent leur patronyme pour ne porter que le nom de terre, le fief étant par définition le signe de la possession féodale (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 737).
SYNT. Acheter, acquérir, affermer, démembrer, exploiter, partager, tenir une terre; posséder une/des terre(s); confisquer, remembrer des terres; vente des terres des émigrés; se retirer, vivre (retiré) dans ses terres; bail, revenu, produits d'une terre; une terre de n hectares, de n francs; une belle, une bonne terre; une terre magnifique.
— En partic. Partie d'un domaine en cultures. Son héritage était en propriétés, des terres, des prairies, des bois, des fermes (ZOLA, Nana, 1880, p. 1455).
— [Avec déterm. évoquant le possesseur, le régime de propriété] Terre du roi, d'un prince, des Rohan, d'évêché; terre impériale, seigneuriale, ecclésiastique, communale, des communaux. L'égalité est le principe de l'art de l'agri mensor romain. S'il ne partage d'abord que les terres patriciennes, c'est qu'alors il n'y a point d'autre propriété (MICHELET, Journal, 1831, p. 79). Avec la féodalité disparurent la distinction entre terres nobles et terres roturières, la hiérarchie des fiefs et leurs coutumes (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 556).
♦ Terre allodiale, bénéficiaire, franche, salique. Les cultivateurs conservaient libres les terres qui leur avaient été concédées et qu'on appelait terres de franc-alleu (NERVAL, Filles feu, Angélique, 1854, p. 553). Celui qui tient en héritage, sur terre de main-morte, la dernière héronnière (SAINT-JOHN PERSE, Exil, 1942, p. 227).
— [Avec déterm. évoquant l'orig.] C'est là, dans cette terre familiale, que s'était retiré le lieutenant Jacquemin (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 128). Quand il avait pris possession de la terre ancestrale, puis à la naissance de son fils, un sentiment de durée, de plénitude, l'avait pénétré (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 94).
— Proverbe, vieilli. Abandonner la terre pour le cens. Qui terre a, guerre a.
— Expr. Chasser sur les terres de qqn.
1. a) Sol considéré dans sa nature, son aspect, sa consistance. Terre blanche de neige, boueuse, durcie, gelée, glissante, inondée; la terre gèle, boit, frémit, s'ouvre, rayonne, croule, se dérobe sous les pas. Elle s'écrase contre le sol, elle sent sur sa poitrine et sur ses joues l'âcre fraîcheur de la terre (BERNANOS, Joie, 1929, p. 683). Loess des grandes terres jaunes de la Chine (BRUNHES, Géogr. hum., 1942, p. 134). De l'autre côté du Rhône (...) il y avait de la terre vallonnée et des vergers (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 213).
♦ Terre basse. Plaine, vallée. La terre de la Louisiane étant basse occasionne en quelques endroits un peu trop de vase (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 345). Terre haute. Plateau, montagne. Les hautes terres du Mexique. En face de nous, c'était la rade (...) ceinte par des terres hautes, des collines pareilles à celles qui se dressent au-dessus de la ville (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 53).
— Au fig. La terre manque sous les pas, les pieds. V. manquer II A 2 b.
— Terre ferme. Sol qui ne se dérobe pas sous les pas, qui n'est pas marécageux. Malhabile encore à mesurer les distances, ou prenant pour de la terre ferme le flottant tapis de fleurs, elle a perdu pied brusquement (GIDE, Symph. pastor., 1919, p. 926). [P. oppos. à l'air] Ce fut également en France, grâce à Ader, que le premier [appareil] plus lourd que l'air quitta la terre ferme (Industr. aéron. fr., 1962, p. 4). Au fig. Terre ferme. Ce qui est solide, sûr. Il y a une heure à attendre encore avant de la questionner, avant de relier cet incident dérobé à la terre ferme de nos conversations, de notre confiance (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p. 175).
b) Sol en tant que support, surface d'appui, niveau de référence, constitué de terre ou de toute autre matière. Baiser la terre; terre de fleurs. Nous sommes les deux vivants faisant tache dans ce lieu illusoire et vaporeux, ce village qui jonche la terre, et sur lequel on marche (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 170).
♦ Au fig. Mettre, traîner plus bas que terre. Dénigrer. Sitôt que nous sommes devenus grands, voilà que nous nous rebiffons contre eux [les instincts], que nous les étouffons, que nous les traînons plus bas que terre... Nous ne savons qu'inventer pour les déprécier (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 199). J'aimais mieux, tiens, l'autre, ce garçon que tu mets à présent plus bas que terre... — Oh! maman!... Un imbécile! (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 16). Mettre plus haut que terre. Idéaliser. Agathe situait Paul plus haut que terre (COCTEAU, Enfants, 1929, p. 139).
♦ Soulever de terre. Élever au-dessus du sol. Dans un transport qui toucha les deux mères, la jeune Alphonsine me souleva de terre, me pressa sur son cœur et me couvrit de baisers (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 22). Au fig. Mettre dans un état d'exaltation. Ils ne sentaient plus le froid, ces ardentes paroles les avaient chauffés aux entrailles. Une exaltation religieuse les soulevait de terre, la fièvre d'espoir des premiers chrétiens de l'Église (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1380). Ce qui me gonflait, ce qui me soulevait de terre, c'était l'enthousiasmante assurance d'avoir été célestement désigné par l'oiseau. Déjà j'étais enclin à me croire une vocation (GIDE, Si le grain, 1924, p. 478).
♦ Reprendre terre, toucher terre. (Re)prendre contact avec le sol. Suspendu par les mains, les jambes ballantes cherchèrent la treille, retrouvèrent son appui rugueux. Il se laissa glisser sans bruit, reprit terre (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 47). Il agitait ses bras courts, comme s'il eût voulu aider l'avion. Celui-ci toucha terre, s'infléchit, accrocha l'extrémité d'un plan et cela sans capoter (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 478).
♦ Au fig. Ne pas toucher terre. Perdre contact avec la réalité. Capus ne touche plus terre. Il marche à dix centimètres, au moins, du sol. Il fait pour Micheau une pièce qui passera dix jours après La Veine (RENARD, Journal, 1901, p. 646). Perdre terre. Même sens. Les flots de sensations nouvelles produites par un succès si étonnant faisaient un peu perdre terre au bon sens de M. Leuwen (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 312).
— Bas de terre, près de terre. [En parlant d'un animal] Ayant des pattes courtes. D'admirables chevaux paissent là, partout, de ce modèle appelé hunter, massif, ramassé, près de terre, à l'ossature carrée (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 181). Haut de terre. Élevé au-dessus du sol. Le longiligne est étroit dans l'ensemble, avec des membres très longs et un tronc démesurément court. À quatre pattes, il est « haut de terre » comme le lévrier (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 216).
— À fleur de terre; à/au ras de terre; à rase terre, rez de terre, rez-terre. Au niveau du sol. Tout au bout de cette allée vous rencontrerez un puits à rase terre (BOREL, Champavert, 1833, p. 218). La souche devra par ailleurs être recépée rez-terre pour faciliter l'affranchissement des rejets (COCHET, Bois, 1963, p. 130).
— À terre, par terre. Sur le sol. À genoux par terre; écouter l'oreille à terre; frapper un homme à terre. À terre, il y avait, comme dallage, des carreaux blancs et roses (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 653). On apercevait, par terre, des programmes froissés, des tickets de métro (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 263). Ventre à terre. À plate terre. V. plat1 II B 2 b.
♦ [Avec des verbes indiquant une position, un mouvement] L'éclatement formidable d'un obus le jeta par terre (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 65). Il me sembla que la respiration me manquait, je vis tournoyer la maîtresse de classe et sa petite tribune, et je glissai doucement du banc à terre (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 103).
SYNT. (Se) coucher à/par terre; s'allonger, s'étendre par terre; étendre, poser qqc. à/par terre; étaler des choses par terre; assis à/par terre; accroupi par terre; jeter, laisseraire tomber qqc./qqn à/par terre; rouler, tomber (de tout son long) à/par terre; se ficher par terre; sauter à/par terre; rideau, robe qui traîne presque à/par terre; mettre pied, genou à terre; pendre jusqu'à terre.
Laver par terre. Laver le sol. C'est moi qui fais tout! Malgré l'état où vous me voyez!... Je me décarcasse! Je lave par terre! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 490).
Regarder à terre. Loc. adj. Regard, œil, nez à terre. En direction du sol, en baissant la tête. Je bafouillai, le nez à terre (GYP, loc. cit.). Il avait baissé les paupières et ce fut à lui désormais de tenir ses regards à terre (VERCORS, Sil. mer, 1942, p. 69).
Jeter, flanquer qqc. à/par terre. Abattre, détruire. On devait flanquer les vieilles cambuses par terre et faire du moderne (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 624). Être à/par terre. Être détruit. Brest est par terre aujourd'hui et j'ai peine à imaginer la masse énorme de ses décombres (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 57). [En parlant d'un inanimé abstr.] Il vit tous ses plans par terre: faudrait-il donc se contenter d'une simple amitié? Tout semblait remis en question (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p. 92). Vous flanquez brutalement du premier coup mes déductions par terre (BERNANOS, Crime, 1935, p. 844).
♦ Loc. fig.
Avoir, garder les pieds par/sur terre. Être dans le réel, le concret. Mon frère, en ces temps troublés, dans ses plus graves débordements, il gardait toujours un peu les pieds sur terre (...). Il était méditatif, « posé », pensif et sensé (BAYON, Le Lycéen, Paris, Quai Voltaire, 1987, p. 45).
Ses pieds ne touchent plus à terre. Il a perdu contact avec la réalité. Ils avaient oublié le reste du monde, et leurs pieds ne touchaient plus à terre. Tout entiers à la joie de s'aimer, ils commettaient de ces terribles étourderies (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p. 112).
Ne pas tenir à terre. Ne pas tenir en place par impatience. Charles d'Este ne tenait pas à terre, d'impatience; il grondait, hâtait ses gens (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 208).
À ras de terre. Qui touche au concret, sans grande envergure. En juin dernier, M. André Bettencourt a proposé une série de mesures « à ras de terre » (L'Express, 11 juill. 1977, p. 95, col. 1).
♦ Spécialement
CHASSE. [Le suj. désigne un chien de chasse] Mettre le nez à terre. Suivre la voie. Il pencha la tête et réfléchit comme un limier qui met le nez à terre pour être juste à la voie (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 568).
LUTTE. La plupart des parades de ces différentes prises à terre s'exécutent en fléchissant les bras, en s'écrasant au sol ou en s'allongeant sur le ventre (R. VUILLEMIN, Éduc. phys., 1941, p. 178). Dans la lutte à terre, c'est-à-dire lorsqu'un des adversaires se trouve à quatre pattes, si l'autre s'empare d'un de ses bras, c'est un ramassement de bras (Comment parlent les sportifs ds Vie Lang. 1954, p. 375).
DANSE. Depuis l'origine, on distingue deux grandes parties dans la danse: la danse terre à terre ou à terre et la danse d'élévation ou aérienne (BRILLANT, Probl. danse, 1953, p. 97).
— Contre terre. Se prosterner, tomber face contre terre. Il trébucha dans son sabre, et donna du nez contre terre (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 85). L'adjudant s'était couché, l'oreille contre terre et écoutait, les yeux fermés (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 159).
— Dans la terre, en terre. Dans l'épaisseur du sol. En Espagne, l'habitat dans la terre est pratiqué à Guadix (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 152). On le plantait alors [le chemin] de ses arbres; ils sont nos contemporains. Nous les avons presque tous aidés à ficher en terre (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 71).
♦ (Mettre) le/un genou, le nez en terre. Vers le sol, sur le sol. Brusquet, le nez en terre et la queue frétillante, indiquait le gibier à son maître (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 181). Ils en aperçurent sept à la file, le genou en terre, l'arme à l'épaule, frappés comme ils tiraient (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 422).
— Sous (la) terre. Dans l'épaisseur du sol, au-dessous de la surface du sol. Des galopades, sous la terre ébranlaient les talus sablonneux (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 241). D'énormes racines (...) ont remué et mis au jour deux, trois blocs de pierre d'un monument antique enfoui sous terre (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 105).
♦ Au fig.
Rentrer sous terre. Vivre dans la clandestinité. Le parti communiste et prolétarien, ayant perdu la liberté de la presse et la liberté de réunion (...) fut réduit à rentrer sous terre et à s'organiser en sociétés secrètes (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 35).
Vouloir rentrer/être sous terre. Désirer, disparaître par honte, par gêne. Se plantant droit devant Arcangeli, qui, les yeux baissés et transi, aurait bien voulu être sous terre, il lui dit, d'une voix étranglée de furie:— Sortez, impudent coquin! (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 188). Vouloir rentrer/être à six/cent pieds sous terre. V. pied 2e Section I.
— Sur (la) terre. Sur la surface du sol. Se coucher, dormir, s'étendre sur la terre. Une pluie douce tombe sur la terre (LAMENNAIS, Paroles croyant, 1834, p. 224). Je couchai cette nuit sur la terre (...), et malgré l'humidité, je dormis bien (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 62). Au fig. Avoir les pieds sur terre. V. pied 1re Section I B 1 c .
— Vers la terre. En direction du sol. Pencher, courber vers la terre; regard vers la terre. L'âge s'accumule et le courbe vers la terre (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 210). Mouque et Bonnemort, le nez vers la terre, gardaient au milieu du tumulte un silence de profonde approbation (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1262).
c) ÉLECTR. Le sol en tant qu'il constitue une masse électrique, dont le potentiel est supposé nul; p. ext., tout conducteur relié au sol par une impédance négligeable. En cas de rupture à l'un des fils de ligne (...) on pouvait toujours assurer le fonctionnement avec l'autre fil et la terre comme conducteur de retour (SOULIER, Gdes applic. électr., 1916, p. 124). Une valeur anormale [de l'intensité du courant] indique un défaut dans les postes ou la ligne. À l'émission. — Le galvanomètre indique une intensité plus forte: il y a perte à la terre sur la ligne (A. LECLERC, Télégr. et téléph., 1924, p. 129).
♦ Prise de terre. Borne électrique, constituée par une grande surface métallique enfouie dans le sol à une profondeur suffisante pour que l'humidité maintienne la conductibilité (d'apr. Électron. 1963-64). Les appareils de grande puissance et tous ceux qui sont utilisés en milieu humide (...) doivent obligatoirement être reliés à la terre par une prise de terre, afin d'éliminer tout risque d'électrocution (BONNEL-TASSAN 1966).
♦ Brancher, mettre à la terre. Relier à une prise de terre. À cette heure, la Tour Eiffel envoie ses messages. Si je tendais un long fil de cuivre bien isolé, et si j'en approchais un autre fil mis à la terre, j'aurais peut-être une petite étincelle à chaque onde (ALAIN, Propos, 1914, p. 181).
2. a) Étendue de sol meuble où poussent les végétaux, utilisée pour les cultures (v. aussi infra III A). Aurelle (...) admirait les bois, les calmes villages, le poil jaunissant de la terre (MAUROIS, Sil. Bramble, 1918, p. 251):
• 4. ... il prenait de plus en plus sur sa gauche, il se serrait à la chaîne qu'il venait de franchir (...); — dans de la rocaille et des neiges, puis de la glace, puis des cailloux; puis la terre a recommencé à se montrer, la terre a recommencé à être d'une belle couleur verte dans les pâturages...
RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 200.
SYNT. Terre abondante, aride, appauvrie, avare, boisée, inculte, en friche, fertile, cultivable; bonne terre; la terre fleurit, verdoie, se couvre de fleurs, nourrit les hommes, s'épuise; terre de châtaigneraies; terre(s) à blé, à vigne, à sucre; terre d'élevage, de pacage; terres maraîchères.
♦ La graisse de la terre.
♦ Les fruits de la terre. Ce qu'elle produit. L'usufruitier d'un domaine recueille, pendant toute la durée de l'usufruit, les fruits naturels ou industriels de la terre, ceux qu'elle produit spontanément et ceux qu'en obtient la culture (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 164).
♦ [Dans des noms de plantes et de racines comestibles] Pomme de terre. V. pomme de terre. Noix de terre. Synon. terre-noix. La noix de terre, la patate sauvage, le capillaire, l'oseille sauvage (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 173).
♦ Sortir de terre
[Le suj. désigne un végétal] Apparaître à la surface au cours de la croissance. M. Lorrain (...) vint se mettre à deux genoux devant le jardin pour voir si son oseille sortait de terre (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 235).
[Le suj. désigne un animal] Cet immense bourdonnement des insectes, qui sortent de terre aux premiers beaux jours, se fit entendre pour la première fois à ses oreilles (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 48). P. anal. Il surgirait de terre à la station Saint-Paul, dans les parages mêmes du rendez-vous (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 215).
P. ext. Apparaître soudain. Ah! c'est cruel, Champavert, de haïr ainsi une femme, et puis de sortir de terre comme un démon, deux ou trois fois l'année, pour venir lui mentir, lui dire qu'on l'aime (BOREL, Champavert, 1833, p. 235).
Au fig. Naître, apparaître. Un art hybride et convulsif sort de terre, un peu débile, mais si étincelant d'ardeur qu'il trace d'un élan un sillon ineffaçable (FAURE, Hist. art, 1912, p. 272).
♦ Ver de terre.
♦ Terre vierge. Sol qui n'a jamais été cultivé. Des hommes nouveaux étaient venus, qui voulaient défricher les terres vierges (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 578). P. anal. L'Algérie était donc, au point de vue de la législation des mines, terre vierge (CHARDON, Trav. publ., 1904, p. 334).
♦ Terre vague. Terrain non exploité. Presque toutes les concessions faites aux monastères, dans les premiers siècles de l'Église, étoient des terres vagues que les moines cultivoient de leurs propres mains. Des forêts désertes, des marais impraticables, de vastes landes, furent la source de ces richesses que nous avons tant reprochées au clergé (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 540).
♦ En pleine terre. Dans le sol. Dès que la terre se réchauffait, on pouvait voir l'infirme (...) transplanter des pots en pleine terre les boutures ou les plants (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 60).
♦ Terre brûlée.
♦ Expressions
La terre est basse. Les travaux agricoles sont pénibles. Oh! celui-là, on ne le tiendra pas souvent ici. La terre est trop basse; c'est bon pour nous (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 252). « Qu'est-ce que c'est, la Légion? — C'est des régiments où on prend tous ceux qui savent plus où se mettre. Des gars qui trouvent que la terre est trop basse pour travailler » (A. SYLVÈRE, 1950 ds Cl. DUNETON, Bouquet des expr. imagées, Paris, Éd. du Seuil, 1990, p. 453).
Trouver terre rase et maison nette. Ne rien trouver. Napoléon, arrivant à la souveraine puissance, trouva donc, ainsi qu'on le dit vulgairement, terre rase et maison nette, et put composer une cour tout à fait à son gré (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 396).
— [Dans des empl. évoquant le travail de l'homme] Amender, ameublir, biner, cultiver, défricher, labourer, piocher, sarcler la terre; planter une terre de; mettre des plants en terre; rotation des terres; terre abandonnée à elle-même; le dur travail de la terre; servitude du travail de la terre. Il y a entre le paysan propriétaire et la terre qu'il travaille échange de substance et de force (...). L'homme fait la terre et la terre fait l'homme (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 243). Un paysan (...) jette le grain là où il lèvera, et ne dépense pas son effort à ensemencer une terre qui lui rendra des chardons (AYMÉ, Jument, 1933, p. 24).
♦ Métiers, travaux de la terre. Diverses activités agricoles. Toute l'Antiquité classique distingue comme principaux métiers de la terre le labourage et la plantation (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 135). À l'époque des grands travaux de la terre, pendant la fenaison, la moisson, les vendanges, il allait aux champs avec les siens (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 176).
♦ Remueur de terre. Laboureur. Il songea qu'il avait toujours été seul, que personne dans le monde (...) n'avait aimé le pauvre remueur de terre et faucilleur de blé qu'il était (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 87).
♦ Carré, planche de terre. Parcelle d'un champ, d'un jardin. Il jeta un coup d'œil aux planches de terre, pour juger de la main du laboureur et du semeur (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 96). Elle baissa les yeux et vit les carrés de terre, avec leurs semis et leurs jeunes pousses (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 163).
♦ Région. (Canada). Faire de la terre. Défricher le sol pour le cultiver. Nous allons faire de la terre... Faire de la terre! C'est la forte expression du pays, qui exprime tout ce qui gît de travail terrible entre la pauvreté du bois sauvage et la fertilité finale des champs labourés et semés (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 39).
— P. métaph. ou au fig. Du peuple il faut toujours, poëte, qu'on espère, Car le peuple, après tout, c'est de la bonne terre, La terre de haut prix, la terre de labour (BARBIER, Ïambes, 1840, p. 156). Je vous défie de pénétrer l'essence profonde d'une sonate ou d'un quatuor de Beethoven, si vous n'avez au moins la subcon-science de la tragédie intérieure, — de cette terre puissante et chaude, dont la musique est la fleur (ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1937, p. 22).
b) Le sol en tant qu'objet de possession. Acheter de la terre, des hectares, des arpents de terre. Il souligne l'influence du genre de vie des riches. S'ils consomment de la terre (parcs, chasses, chevaux) pour leur plaisir direct, ils éliminent des hommes (Hist. sc., 1957, p. 1607). Dans les régions où la société traditionnelle est le mieux conservée, la possession de la terre demeure la source et le signe de la puissance des grands comme l'objet de la convoitise des petits (Traité sociol., 1967, p. 325).
♦ (Petit) lopin de terre. Les blancs sont arrivés. Et alors ce n'est plus la même chose, il y a eu Tom, Jack, Dick, chacun avec son petit lopin de terre à lui (CLAUDEL, Échange, 1954, I, p. 733).
c) P. méton. Les travaux agricoles, la nature, la campagne. Aimer la terre; la terre manque de bras. Nous allions les regarder avec ma mère, ces drôles de paysans s'acharner à fouiller avec du fer cette chose molle et grenue qu'est la terre, où on met à pourrir les morts et d'où vient le pain quand même. « Ça doit être bien dur la terre! » qu'elle remarquait chaque fois (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 121).
♦ Retour à la terre.
♦ Hommes, gens de la terre. Les paysans, les ruraux. C'est un appel qui vient de Paris, aux travailleurs de la terre!... Après les ouvriers de l'usine on va enrôler les travailleurs de la terre (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 106). À leur aise... Il faut avoir besogné durement de l'aube à la nuit avec son dos et ses membres pour comprendre ce que cela veut dire; et les gens de la terre sont ceux qui le comprennent le mieux (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 40).
3. Sol où l'on enterre les morts dans de nombreuses civilisations. Pourrir dans la terre. Exultez, avant que l'heure vous rappelle au sein de la terre (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 383). Écoute, Félicité, l'argent et le magasin nous ne l'emporterons pas sous la terre. — Bien sûr, qu'elle me dit. — Et si nous faisions un petit? (PAGNOL, Fanny, 1932, II, 6, p. 136).
♦ Mettre, porter en terre. Enterrer. Si ma mère (...) ne m'avait pas construit avec solidité, j'étais un homme à mettre en terre (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 236). Ah! Raboliot, mauvais diable, c'est sûr que tu me porteras en terre! (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 56).
♦ Être dans/sous la terre, retourner à la terre. Être mort, mourir. La grâce adorable des êtres qui, retournés à la terre depuis des siècles, frémissent sur la toile de jeunesse et de vie (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 162). Le vieux est depuis bientôt quarante ans sous la terre et c'est lui, Martial, à son tour, le vieux (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1432).
♦ Terre bénite, chrétienne, consacrée, sainte. ,,Terre préparée par les bénédictions du prêtre à recevoir les corps des fidèles`` (MARCEL 1938). Le fantôme resterait là, jour et nuit, autour de l'auberge, tant que le corps du vieux guide n'aurait pas été retrouvé et déposé dans la terre bénite d'un cimetière (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Aub., 1886, p. 1082). Elle s'agenouillait et offrait de donner n'importe quoi pour que son homme, après sa mort, reposât en terre chrétienne (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 223). Les nains, on en a enterré une bonne douzaine au cimetière du couvent et cela n'a pas été une petite affaire de les faire inhumer en terre sainte; il a fallu d'abord les exorciser (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 156).
4. Sous-sol dont on extrait des combustibles. Les Anglais ont adopté la dénomination de racine latine petroleum. Le mot allemand Erdol correspond à huile de terre (CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 3). Charbon de terre.
III. — Substance formant la partie superficielle du globe.
A. — 1. Matière friable, de composition variable, provenant de la dégradation des roches et de la décomposition des débris végétaux et animaux; au plur., une certaine quantité de cette matière. [Il] ouvrit la boîte; elle contenait du sable grisâtre... — C'est la terre de Sainte-Hélène? dit-il religieusement (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 190). La rivière était rouge de terres entraînées par la crue (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1907, p. 301).
SYNT. Terre d'un chemin, d'une allée; extraire de la terre; recouvrir de terre; rejeter la terre dans un fossé; transporter de la terre; enlever des terres; soutenir des terres par un mur; la terre cède sous le pied, s'éboule; être souillé, plein de terre; mains noires de terre; brouettée, charretée, pelletée de terre; couche de terre; motte de terre; monticule de terre; banquette, digue en terre; chemin, levée de terre; sac de terre.
♦ [P. réf. à la Genèse] Il n'est pas d'absurdités que les philosophes modernes n'aient dévorées, plutôt que de supposer l'homme sorti primitivement des mains du créateur, formé dans son corps d'élémens terrestres, puisque son corps se résout en terre, animé d'un esprit non égal, mais semblable à l'esprit divin (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 278). Comme il se voyait exclu de l'assemblée des anges, il ne put soutenir que l'homme, formé de terre, soit élevé à la dignité des anges (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 360).
♦ [Dans les rites funéraires, p. allus. à la mort] Avec une petite pelle, chacun jette dans la fosse un peu de terre, d'une terre qu'un employé des Pompes funèbres tient sur un plateau (RENARD, Journal, 1901, p. 697). Cette ombre de ton frère condamnée à errer toujours si on ne jette pas sur le cadavre un peu de terre avec la formule du prêtre (ANOUILH, Antig., 1946, p. 177). Que la terre lui soit légère.
a) Terre + déterm. indiquant un état. Terre meuble, durcie, détrempée. Cette tranchée toute neuve était ourlée de terre fraîche, comme une fosse commune (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 268). Je me suis emparé de la construction tout entière (...). Le tout, gros comme un œuf de pigeon, formé de quatre alvéoles oblongs; en terre dure comme de la brique, ou presque. Chaque alvéole (...) contenait quatre ou cinq araignées assez petites (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 770).
b) Terre + déterm. indiquant la nature, la texture liée à une composition particulière. Terre franche. V. franc3. Terre grasse. Terre lourde. Terres fortes. V. fort1. Terre froide. Terre maigre. V. maigre1. Terre légère.
c) Terre + déterm. indiquant une couleur. Le ruisseau promenait ses eaux vives et limpides entre de hautes berges de terre rouge, dont la couleur décelait la présence de l'oxyde de fer (VERNE, Île myst., 1874, p. 107). On pouvait voir les tranchées allemandes: deux lignes minces, l'une de terre brune, l'autre de marne blanche (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 42).
— PÉDOLOGIE
♦ Terres noires. Terres riches en humus, très fertiles. Le type le plus classique [des sols noirs] est celui des terres noires de l'Ukraine (Tchernoziom) dont les facteurs génétiques sont un climat continental faiblement acide et très fort en hiver, une roche mère le plus souvent assez riche en calcaire (...), enfin une végétation de steppe dense (Géol., t. 1, 1972, p. 867 [Encyclop. de la Pléiade]).
P. méton. Terre noire. Région de Russie où se trouve ce type de sol. Le prince Galitch est un des plus riches boyards de cette partie de la Russie appelée « Terre noire », féconde entre toutes, placée entre les forêts du Nord et les steppes du Midi (G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 70).
P. métaph. Des contes de fées allemands (...) composaient un climat de légende qui s'enfouit, avec la légende de ma propre enfance, dans ces terres noires où s'élaborent les végétations du rêve (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. IX). Ce besoin continuel d'établir un contact — trait de caractère primordial du peuple russe (...) — a contribué à faire de la terre russe la terre d'élection, la véritable terre noire du psychologique (SARRAUTE, Ère soupçon, 1956, p. 39).
♦ Terres rouges. Formation argileuse, provenant de la décarbonatation des calcaires dans les climats méditerranéens. Synon. terra rossa (infra rem.). Les terres rouges (terra rossa) fréquentes dans les dépressions des chaînons calcaires du Languedoc et de Provence (...) sont (...) pour une large part des argiles de décalcification. Il s'y ajoute néanmoins presque toujours une fraction détritique importante (Géol., t. 1, 1972, p. 829 [Encyclop. de la Pléiade]).
d) Terre + déterm. indiquant la composition, le constituant le plus remarquable. Terre argileuse, calcaire, ferrugineuse, marneuse, siliceuse; terre d'alluvions; terre glaise. Pour diviser les terres limoneuses, Mariez à leur sol les terres sablonneuses (DELILLE, Homme des champs, 1800, p. 70). Tu as vu, sous l'éclatement des percutants, cette terre de craie de la Marne entrer en effervescence, comme les encriers où, au lycée, nous jetions un morceau de carbure de calcium (BENOIT, Atlant., 1919, p. 81).
♦ Terre d'infusoires. Synon. de kieselguhr. Au cours du temps, on a pris aussi le silex, la terre d'infusoire (farine fossile) pour faire le verre soluble (Cl. DUVAL, Verre, 1966, p. 39).
2. Cette substance en tant qu'élément propre à la croissance des végétaux, aux cultures. Terre arable; engraisser les terres. L'endroit fut nettoyé, sarclé avec soin, fouillé même, pour en chasser les insectes ou les vers; on y mit une couche de bonne terre amendée d'un peu de chaux (...) puis le grain fut enfoncé dans la couche humide (VERNE, Île myst., 1874, p. 187):
• 5. Il faudra nettoyer au croissant, arracher à la pioche, niveler à la bèche, sarcler et puis passer le soc, et herser, afin d'obtenir une terre souple, ameublie, c'est-à-dire perméable à l'air, ouverte aux agents atmosphériques qui l'imprègnent d'azote, aux myriades d'infiniment petits qui la nitrifient...
PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 31.
♦ Terre de bruyère. Terre végétale. Terre contenant une forte proportion de matières organiques. La berge (...) dépassait de plus d'un mètre la surface du courant. Il y avait, à sa partie supérieure, une bonne épaisseur de terre végétale où on voyait pendre par touffes les racines du chiendent; dessous venait une couche de sable, puis une couche de cailloux (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 155).
— Terre à + subst. désignant une plante. Terre particulièrement favorable à la culture de cette plante. Terre à froment, à betteraves, à vigne. La betterave demande de bonnes terres franches, profondes et fraîches sans être humides. D'une manière générale les bonnes terres à blé sont propres à la betterave (ROUBERTY, Sucr., 1922, p. 19).
3. Cette substance considérée dans ses emplois artistiques, artisanaux ou industriels.
a) CONSTR. Hutte, maison de terre; terre à pisé. Il était bien tel qu'il l'avait quitté, l'Oustalet, avec ses murs de terre crue et sa toiture de chaume (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 124). Ces matériaux de fortune, pisé ou terre mélangée de paille hachée, terre et cailloux roulés en couches alternantes, limon avec soubassement de silex, loess et entrecroisements de poutres, représentent des combinaisons variées pour suppléer à la pierre de taille (VIDAL DE BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 162).
♦ Terre battue. Terre foulée, fortement comprimée. Wimbledon peut être considéré comme le championnat du monde de tennis (une compétition sur terre battue porta d'ailleurs, un moment, cette appellation (...)) (Jeux et sports, 1967, p. 1381).
b) CÉRAM., POT. Matière naturelle constituée par différentes argiles; cette matière telle qu'elle résulte du travail du potier. Terre plastique; terre réfractaire; terre blanche, citronnée. [Elles] font, avec une terre (...) aussi fine que celle de la porcelaine, ces jolies poteries d'un beau rouge foncé, et qui n'ont pas besoin d'être vernies (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 212). Les fabriques de Moustiers sont de petites entreprises (...). La production de ces manufactures est caractérisée par une terre fine et particulièrement sonore (G. FONTAINE, Céram. fr., 1965, p. 48).
— Terre + déterm. indiquant son usage principal. Terre à four. Le tuyau destiné à conduire la fumée au dehors donna quelque travail aux fumistes improvisés. Il parut plus simple à Cyrus Smith de le fabriquer en terre de brique (VERNE, Île myst., 1874, p. 179). Argiles réfractaires, comme celles de Forges, de Bollène, etc.; très plastiques, blanches, grises, jaunâtres, noirâtres, parfois marbrées, elles constituent, selon leur pureté, la terre à creusets, la terre de pipe, la terre à poteries, grès et à faïences (LAPPARENT, Minér., 1899, p. 478).
— Terre + déterm. indiquant sa provenance. La vaisselle (...) de terre grise de Samadet, dans les Landes, rugueuse au dehors, vernie au dedans (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 159). Il y a un départ très délicat à faire entre les produits de faïence fine de Toul, et les statuettes en terre de Lorraine, qu'elles proviennent de Lunéville ou de Niderviller (G. FONTAINE, Céram. fr., 1965, p. 125).
— Terre cuite.
— En/de terre (cuite) + éventuellement autre déterm. Façonné en terre. Assiette, cruche, potiche, récipient, ustensile de/en terre (cuite); pipe de terre. Un bouquet de fleurs rares s'épanouissait dans un pot de terre émaillée au milieu d'une petite table (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 275). Ces énormes vases de terre vernissée, décorés de relief, comme tatoués, dans lesquels ils mettent l'eau, le manioc (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 782). Des sortes de bouteilles en terre cuite très poreuse qu'on utilise dans les pays chauds pour rafraîchir l'eau (BOURDE, Trav. publ., 1928, p. 145).
♦ (C'est) le pot de terre contre le pot de fer. V. pot1.
♦ [P. réf. à la couleur de la terre cuite commune] Il avait fait le portrait de sa concierge en passe-boule, couleur terre-cuite (JACOB, Cornet dés, 1923, p. 97). Cet homme à demi couché sur la banquette, en face de moi, là. Sa tête de terre cuite aux yeux bleus (SARTRE, Nausée, 1938, p. 161).
— P. méton. Objet, ensemble d'objets en terre. Une terre cuite grecque, chinoise. La terre de Strasbourg varie entre un rose plus ou moins ocré et un gris chamois; le décor de son émail blanc laiteux d'une qualité magnifique, consiste en une sorte de lambrequin que Charles Hannong exécute en bleu, mais que Paul Hannong réussit aussi en polychromie (G. FONTAINE, Céram. fr., 1965, p. 54).
c) [En peint.] Cette substance colorée naturellement, utilisée comme pigment. Les terres sont obtenues par simple traitement physique des roches de couleurs généralement moins vives que celles des pigments artificiels. Elles sont constituées le plus souvent par des oxydes de fer fixés sur des minéraux voisins des argiles (Peint. 1978).
♦ Couleur, teinte qui rappelle la terre (brun, ocre) Déjà Corot, renonçant à la couleur, optait pour les valeurs dont il multipliait les nuances à l'infini (...). Dunoyer de Segonzac et Derain ont repris sa technique, à base de tons rompus (...), avec dominance de terres (Arts et litt., 1935, p. 30-9). Un chromatisme qui glisse peu à peu du bleu le Pont de Chatou 1910 à des terres et des verts relevés de noirs et de blancs livides la Maison à l'auvent 1920 (DORIVAL, Peintre XXe s., 1957, p. 63).
— Terre + déterm. indiquant généralement la région dont elle provenait à l'origine, pour désigner une couleur particulière.
♦ Terre d'ombre ou terre d'Ombrie.
♦ Terre de Sienne (naturelle). Terre de couleur jaune brun, constituée par des argiles colorés par l'oxyde de fer ferrique hydraté et accessoirement du bioxyde de manganèse (d'apr. Peint. 1978). Papier teinté d'une légère couche de terre de Sienne (GONCOURT, Journal, 1860, p. 739).
(Couleur) terre de Sienne. Des traces allant de la couleur terre de Sienne naturelle, moins chaude et très claire jusqu'à la terre de Sienne brûlée très puissante et très foncée (CLOSSET, Trav. artist. cuir, 1930, p. 44). Quand on a besoin d'un mur on le trouve toujours, sale, ocre ou terre de Sienne (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 470).
♦ Terre de Sienne brûlée, calcinée. Pigment rouge foncé obtenu par calcination de la terre de Sienne naturelle (d'apr. Peint. 1978). V. supra ex. de Closset.
♦ Terre verte. Terre allant du gris-vert au vert, constituée essentiellement par des silicates complexes colorés par des sels de fer (d'apr. Peint. 1978).
d) [Usages liés au pouvoir absorbant et décolorant de certaines argiles] Dans la fabrication des huiles de vaseline, le traitement alcalin est suivi de traitements à la terre décolorante jusqu'à ce que l'huile soit aussi claire et limpide que de l'eau (CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 96). On emploie de plus en plus un filtre formé essentiellement d'une terre claire très fine, la terre de Kieselguhr (Industr. fr. brass., 1955, p. 9). Terre à foulon.
♦ Terres activées. Argiles ayant subi un traitement à l'acide qui décompose les constituants argileux, solubilise l'alumine et met en liberté la silice amorphe qui possède un grand pouvoir absorbant. La décoloration ou blanchiment se fait surtout par adsorption, sous vide, au moyen de terres naturelles ou mieux de terres activées et de charbons décolorants (BRUNERIE, Industr. alim., 1949, p. 49).
B. — CHIMIE
1. ALCHIM., CHIM. ANC. Une des quatre substances pures. Pourquoi pas d'autres éléments que le feu, l'air, la terre et l'eau? — Ils sont quatre, rien que quatre, ces pères nourriciers des êtres! Quelle pitié! (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1119).
♦ Terre noire. Un des constituants de toute substance:
• 6. ... on fait dériver l'arabe El-Kimyâ (alchimie) du mot égyptien Kêm, terre noire. Cette terre noire ne doit pas, bien entendu, être considérée uniquement sous forme de boue fertilisante des crues du Nil mais, dans la pensée des alchimistes alexandrins, comme la matière originelle à laquelle il s'agirait de ramener tous les métaux avant leur conversion en or.
CARON, HUTIN, Alchimistes, 1959, p. 116.
— Absol. Signes de terre. Les signes du Taureau, de la Vierge, du Capricorne. Un signe appartient en effet à des catégories: il correspond à l'un des quatre éléments traditionnels, air, feu, eau ou terre (Divin. 1964, p. 186).
2. CHIM. [Jusqu'au XIXe s.] Oxyde métallique considéré comme un corps simple avant qu'on ne parvienne à le décomposer, dont les caractères principaux étaient d'être sec, inodore, insipide, insoluble, comme la chaux, la baryte, la strontiane, la potasse, la soude, la magnésie... (d'apr. NYSTEN 1824). [Davy] réussit à isoler successivement le baryum, le strontium, le calcium et le magnésium. D'autres terres comme l'alumine, la glucine, la silice, résistèrent à ses tentatives, mais il soupçonna la présence d'un métal dans leur composition (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 306).
— [Pour désigner des corps ayant une structure partic.] Terre foliée minérale. Acétate de sodium. Terre foliée de tartre. Acétate de potassium. On emploiera les apéritifs les plus doux, tels sont le sel ammoniac, la terre foliée du tartre, le tartre martial soluble (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 287). V. terbium ex. de J. Chim. Phys.
3. Terres rares. Oxydes d'un groupe de métaux (et, p. ext., ces métaux eux-mêmes) rares sur terre, semblables à l'aluminium pour beaucoup de leurs propriétés, englobant les corps des numéros atomiques 57 à 71, auxquels on adjoint souvent le scandium et l'yttrium. Durant la première partie du siècle, on s'intéressa beaucoup aux éléments des terres rares car leur étroite ressemblance posait un problème chimique assez préoccupant (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 427).
REM. 1. Terra incognita, subst. fém. inv. Synon. de terre inconnue (supra II B 1). a) Terre non encore explorée. Au temps où l'Afrique centrale était terra incognita, la géographie s'en remettait au récit d'un explorateur unique si celui-ci offrait des garanties suffisantes d'honnêteté et de compétence (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 260). b) Au fig. Domaine inexploré. Même si l'on ne retient qu'une partie de ce qu'elle avance [la science psychique] comme certain, il en reste assez pour que nous devinions l'immensité de la terra incognita dont elle commence seulement l'exploration (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 337). 2. Terral, subst. masc., mar., météor. ,,Vent de terre et particulièrement, vent du nord-nord-ouest en Méditerranée`` (VILLEN. 1974). 3. Terraplane, subst. masc., transp. Aéroglisseur terrestre. C'est donc avant tout pour permettre aux pays en voie de développement d'assurer les transports terrestres que la technique des aéroglisseurs « terraplane » a été mise au point. Les terraplanes associent le coussin d'air et la roue. Le premier assure la sustentation du véhicule et la roue ne conserve que ses fonctions de propulsion et de guidage. En conséquence le terraplane peut évoluer sur tous les types de terrains (Encyclop. Sc. Techn. t. 1 1969, p. 174). 4. Terrarium, subst. masc. Réservoir à paroi de verre, dont le fond est couvert de sable, de terre dans lequel on élève certains animaux: reptiles, batraciens, insectes, et où parfois on cultive des plantes. Chez les grossistes qui commercialisent des plantes d'aquarium, on trouve à la fois ces plantes et des plantes de terrarium (Magazine Aquarium, mai 1986, p. 56, col. 1). Dans sa ferme de Chizé (Deux-Sèvres), Jean-Marie Guérineau s'est lancé dans l'élevage des mygales, (...). Mesurant entre 15 et 20 cm, elles nécessitent un terrarium chauffé à 20o C et des insectes vivants pour nourriture (Ça m'intéresse, avr. 1988, p. 71, col. 1-2). 5. Terra rossa, subst. fém. inv., géol. Synon. de terre rouge (supra III A 1 c). Les formes [rocheuses calcaires] du type méditerranéen, avec roche nue, tout au plus accompagnée d'un peu de terra rossa dans le fond de quelques fentes (Géol., t. 2, 1973, p. 86 [Encyclop. de la Pléiade]). 6. Terrine, subst. fém., hapax. Petite terre, petit domaine. La famille mange plus de bouillie de marrons que de pain blanc, le papa ménage ses culottes, maman se donne à peine une robe d'hiver et une robe d'été (...). Les choses sont comme cela chez vous, si l'on vous envoie douze cents francs par an, et que votre terrine ne rapporte que trois mille francs (BALZAC, Goriot, 1835, p. 120).
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 980 terra « planète du système solaire habitée par l'homme » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 6); 1588 et 1671 remuer (le) ciel et (la) terre; 2. déb. XIIe s. terre « les habitants de la terre » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, II, 10). B. 1. Ca 980 terra « surface du globe terrestre portant les êtres vivants » (Passion, 328); id. loc. a terra « sur le sol » (ibid., 60); 1160-74 metre a teree « arraser (une forteresse) » (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 4503); 1176-81 a terre venir « descendre (de cheval) » (CHRÉTIEN DE TROYES, Lion, éd. M. Roques, 5663), supplanté par l'expr. metre le pié a terre 1377, v. mettre; 1176-81 par terre « sur le sol » (ID., ibid., 5628); spéc. ca 980 terra « croûte terrestre » (Passion, 322); 1924 électr. prise de terre; 2. p. oppos. à la mer ca 1050 prendre terre « aborder » (Alexis, éd. Chr. Storey, 80), supplanté par toucher (la) terre 1623 et 1642; 1539 terre ferme « continent » (EST.); 1671 armée de terre (POMEY, s.v. armée); 1678 vent de terre (GUILLET, p. 317); 3. ca 1050 terre « vaste étendue, territoire, pays » (Alexis, 112); ca 1208 Terre sainte d'outremer (VILLEHARDOUIN, Constantinople, éd. E. Faral, § 27); 4. ca 1050 « étendue de terrain d'un propriétaire, domaine foncier » souv. au plur. (Alexis, 402). C. 1. Ca 1050 « matière constituant la partie superficielle de l'écorce terrestre » spéc. metre an terre « ensevelir » (ibid., 579); 2. ca 1100 désigne la terre du point de vue de ses qualités agricoles terre gaste « terre inculte » (Roland, éd. J. Bédier, 3127); 3. ca 1145 désigne un des éléments tere (WACE, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 700); 4. ca 1210 « élément où poussent les végétaux » (HERBERT LE DUC DE DANMARTIN, Folque de Candie, éd. O. Schultz-Gora, 10306); 1252 fonz de tarre (Reg. cueill. du Temple, f° 3 r° ds GDF. Compl.); 1690 en pleine terre (FUR.); 5. ca 1150 désigne une matière destinée à certains empl. (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 164); 1536 terre cuite, terre cuycte (Inventaire de Charles Quint ds HAVARD); 1676 chim. (CHARAS, Pharmacopée royale, p. 10); 1904 terres rares désigne certains oxydes (Nouv. Lar. ill.). Du lat. terra « globe terrestre », « matière » (pour cultiver ou matière première), « un des éléments », « surface, sol », « continent (p. oppos. à la mer) », « pays, contrée », « territoire appartenant à une personne », « support de la vie terrestre ». Fréq. abs. littér.:39 142. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 66 532, b) 52 497; XXe s.: a) 60 565, b) 45 134.
DÉR. Terrir, verbe intrans. a) Mar. Arriver en vue de la terre, toucher terre. Synon. atterrir. [Si] le Bonadventure ne subissait pas quelque courant inconnu, il devait terrir juste sur l'île Tabor (VERNE, Île myst., 1874, p. 339). b) [Le suj. désigne une tortue] Venir pondre à terre. La saison où les tortues terrissent (Ac. 1798-1935). — [], [te-], (il) territ [-]. Att. ds Ac. dep. 1694. — 1res attest. av. 1620 « arriver près de la terre » (AUBIGNÉ, Hist. univ., I, 107, de Ruble ds GDF. Compl.), spéc. 1690 (FUR.: Terrir. Terme dont les Naturalistes se servent en parlant des tortuës qui vont à terre pondre leurs œufs); de terre, dés. -ir; cf. le m. fr. terir « fouler aux pieds »1488 [éd.] (La Mer des hystoir., t. 1, f° 60 h ds GDF.) et « tomber à terre » 1605 [éd.] (DU PINET, Dioscoride, préface, ibid.).
BBG. — BUYSSENS (É.). Les N. sing. Cah. F. Sauss. 1973, n° 28, pp. 25-34; Les N. des corps célestes. Ling. antverp. 1972, t. 6, pp. 17-19. — DUB. Dér. 1962, p. 68 (s.v. terrarium). — HHOLLYMAN 1957, pp. 29-32. — PERGNIER (M.). Qq. considérations sur l'équivalence sém. R. Phonét. appl. 1983, n° 66-68, pp. 133-140. — PICOCHE (J.). Struct. sém. du lex. fr. Paris, 1986, pp. 44-46. — QUEM. DDL t. 9, 12, 13, 19, 20, 30.
terre [tɛʀ] n. f.
ÉTYM. 1050; terra, v. 980; du lat. terra, qui possède les principaux sens du français.
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I Dans le monde physique, dans le milieu naturel où vit l'homme (⇒ Nature, II., 6.), l'élément solide qui supporte les êtres vivants et leurs ouvrages et où poussent les végétaux.
1 (Sens abstrait : surface). Surface sur laquelle l'homme, les animaux se tiennent et marchent, qu'il s'agisse de la surface terrestre, à l'état naturel ou aménagé, du sol d'une construction, d'une habitation, d'un véhicule, etc. ⇒ Sol; parterre. — REM. Dans cet emploi, terre est plus abstrait que sol, et correspond à des expressions figées, déjà courantes en anc. franç., pour la plupart, notamment : (1080) à terre et (v. 1175) par terre. — À terre (on disait aussi en anc. franç. à la terre), contre terre, par terre. || Jeter, lancer, mettre (⇒ Déposer, poser) à terre, par terre, à bas (→ Sur, dessus la place, vx). Par ext. || Jeter (III., 3.) à terre, par terre. ⇒ Abattre (cit. 1), atterrer (vx), renverser; et, au fig., anéantir, détruire. — Vieilli. || Mettre à terre, par terre : abattre, détruire (cf. Mettre sur le carreau). — Fam. || Ficher (cit. 9), foutre par terre. || Se flanquer (cit. 9) par terre (→ Instinct, cit. 7). || Tomber à terre (→ Prendre, cit. 125). || Tomber par terre (→ Instabilité, cit. 2, Corneille). || Face contre terre. || Rouler (cit. 19) par terre. || Se taper le derrière par terre. — Sauter à terre (→ Musculature, cit. 3). ☑ Mettre pied à terre : descendre de cheval (⇒ Pied, infra cit. 17), et, par ext., s'arrêter (⇒ Pied-à-terre). || Étendre à terre. ⇒ Coucher. || Se coucher (1. Coucher, cit. 19 et 21) à terre, contre terre, par terre (cf. Sur la dure). || Être assis (→ Pouf, cit. 1), couché par terre (→ Fusil, cit. 5). || Se rouler à terre, par terre (→ Angoisse, cit. 3; mélange, cit. 12). ⇒ Rouler (se; 1.). — Laver par terre (→ Main, cit. 6). Fam. || Laver le parterre. ⇒ Parterre. — Mettre, poser un genou (cit. 15), les genoux en terre. ⇒ Agenouiller (s'). — Regarder à terre, par terre; avoir les yeux, le regard fiché (cit. 4) en terre : être méditatif et triste. — REM. Seuls des critères d'usage permettent de distinguer à terre de par terre, plus courant, surtout dans la langue parlée.
1 — Je m'en suis aperçu, Madame, étant par terre.
Molière, les Femmes savantes, III, 2 (→ Gravité, cit. 13).
♦ ☑ Loc. (Avec une valeur moins abstraite. → Sol). Toucher terre, la terre. ☑ À fleur, à ras de terre (→ 1. Bas, cit. 1). || Oiseau qui rase la terre. ☑ Loc. fig. (vieilli). Baiser, raser la terre : être plat, vil. ☑ Fam. Mesurer la terre : tomber de tout son long. — Retomber (cit. 12), pendre, tomber, s'incliner jusqu'à terre (→ Saluer, cit. 2). — ☑ Ventre à terre. || Prosterné (cit. 5), ventre à terre. ☑ Loc. Courir (cit. 1) ventre à terre (d'abord en parlant d'un cheval). → Arrêter, cit. 7. — Sembler ne pas toucher la terre (→ Galop, cit. 1; marcher, cit. 7). ☑ Fig. Ne pas toucher terre : avoir l'impression de se soulever, de planer… (→ Inonder, cit. 16). — ☑ Entre ciel et terre. — ☑ Vx. Reprendre terre (par allus. à Antée, géant mythologique) : reprendre des forces, de la vigueur (Mme de Sévigné, 631, 30 juil. 1677). — Soulever qqn, qqch. de terre. ⇒ Porter (→ Matelas, cit. 3). — Le plus grand scélérat que la terre ait porté (→ Enfer, cit. 6). || La terre lui manquait (cit. 27). — Sous la terre, sous terre : sous le niveau du sol naturel (⇒ Souterrain); au fig. : dans un lieu caché; d'une manière sourde, par des intrigues (Mme de Sévigné, Saint-Simon, in Littré). ☑ Rentrer (cit. 17) sous terre; (1573, in D. D. L.) souhaiter d'être à cent pieds sous terre (par confusion, honte). — ☑ Mettre plus bas (cit. 66) que terre (→ Réagir, cit. 4).
♦ || Terre à terre ou terre-à-terre loc. adj. (XVIIe; loc. adv. « sans s'élever du niveau commun », XVIe), s'est dit au sens propre des chevaux, des danseurs… qui galopent, dansent par petits sauts, sans s'élever beaucoup. N. m. (1719, Richelet). Vx. || Le terre à terre. Fig. (d'abord en parlant des écrivains; cf. Furetière, 1690). Matériel et peu poétique. || Écrire, parler, aller terre à terre. Adj. || Un esprit terre à terre, terre-à-terre. ⇒ Bas (4.), matériel, positif. || Préoccupations terre-à-terre du ménage. ⇒ Popote, pot-au-feu.
2 (…) sa femme n'était pas sensible à la poésie, elle n'habitait pas sa sphère (…) elle marchait terre à terre dans le monde réel, tandis qu'il avait la tête dans les cieux.
Balzac, la Maison du Chat-qui-pelote, Pl., t. I, p. 52.
3 La bourgeoisie des habitudes, la vie terre à terre, le calme plat des consciences, le « bon goût » et le « bon sens », tout le petit égoïsme tranquille est dérangé, avouons-le, par les monstres du sublime.
Hugo, Shakespeare, II, III.
4 Notre pensée vivant au-dessus des choses bourgeoises, a de la peine à descendre au terre-à-terre de la pensée ordinaire, tout entière alimentée par les basses réalités de la vie et la matérialité des événements journaliers.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 15 juin 1857, t. I, p. 151.
♦ ☑ (Fig., dans le même sens). Être, ne plus être sur la terre, revenir sur terre, sur le plan des réalités concrètes, matérielles (→ aussi le sens II, ci-dessous). ☑ Fam. Il a les pieds sur (la) terre : c'est un homme positif, réaliste.
5 Impossible, en semblable pays, de rêver, de philosopher à l'allemande, de voyager parmi les chimères de la fantaisie et les systèmes de la métaphysique. On est tout de suite ramené sur terre (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. I, p. 249.
♦ Sous (la) terre. || Objets cachés sous (la) terre (ou dans la terre, en terre). — Spécialt. Enterré; mort.
♦ ☑ Loc. fig. (1573). Vouloir être à cent pieds sous terre : avoir honte, être très confus. → aussi ci-dessous 3, d.
2 (V. 1210). Matière qui forme la couche superficielle de la croûte terrestre (⇒ Sol, 2.), considérée dans sa surface ou dans son épaisseur. || Sol (cit. 1) en simple terre naturelle. || Terre battue. || Sol de terre battue (→ Grange, cit. 2). — La terre du chemin, du sentier… (→ Cadence, cit. 4; marcher, cit. 10). || La terre des allées, détrempée (1. Détremper, cit. 1) par la pluie. ⇒ Boue. — Chemin (cit. 22), route de terre, non revêtu(e). — Égaliser (cit. 3), tasser la terre. || Creuser, fouiller, fouir (cit. 2), remuer la terre. ⇒ Terrassement. || Enfoncer, cacher dans la terre. ⇒ Enterrer. || Piocher, pelleter, transporter de la terre. || Terre meuble. || « Rejeter la terre mouvante et le sable pour trouver le roc » (→ Irrésolu, cit. 1, Descartes, par métaphore). || Brouettée de terre. || Tas de terre (→ Pelle, cit. 1). || Élévation, monticule de terre. ⇒ Butte, chaussée, crête, levée, remblai, terrasse, terre-plein; cairn, tumulus. || Talus de terre. ⇒ Ados. || Sac à terre (vx), de terre. ⇒ Sac. || Terre pulvérulente. ⇒ Poussière. || Particules, morceaux, mottes de terre (→ Fantassin, cit. 2). — Uniformes jaunis (→ 2. Kaki, cit. 1), souillés par la terre (⇒ Terreux). — Animaux qui vivent dans la terre. ⇒ Terricole, terrier. || Ver de terre. || On croyait que les petits animaux, les insectes… naissaient de la terre. || « Excrément (cit. 7) de la terre ». || Manger de la terre. ⇒ Géophage, géophagisme.
6 La terre, telle que les tranchées que nous suivons en montrent les couches, est d'abord un mince humus noir comme du charbon, puis du sable jaune, et enfin l'argile, rouge de soufre ou de cinabre.
Claudel, Connaissance de l'Est, Arche d'or dans la forêt.
7 La terre des villes est couverte d'une carapace de pierres taillées, ou d'un enduit noir malaxé par des machines, fondu par des chaudières, d'une croûte qui défend à la terre de respirer, de s'imbiber des eaux de pluie, de se disperser en poussière, qui protège de son contact les hommes des villes.
P. Nizan, le Cheval de Troie, I, I.
♦ ☑ Loc. Charbon de terre (ou de pierre, de houille [cit. 1]) : la houille, par oppos. au charbon de bois. ☑ Huile de terre : ancienne désignation du pétrole, du bitume…
♦ (Au plur.). Quantité de terre. || Enlever les terres. ⇒ Déblayer. || Terres enlevées (⇒ Déblai), jetées (⇒ Jectisse), rapportées, de rapport (supra cit. 8). || Soutenir des terres par un clayonnage, un coffrage. — En parlant des caractères d'un sol. || Excavation dans des terres molles, dures, grasses.
♦ Vx. || Une, des terres. Couche, épaisseur de terre. || Couper des racines entre deux terres, sans retourner la couche superficielle. — Fig., vx. || Entre deux terres : d'une manière souterraine, cachée.
3 (1252, tarre). a La terre, une terre (qualifiée). Spécialt. L'élément où poussent les végétaux (en particulier, par le travail de l'homme); étendue de cet élément. — REM. Dans cet emploi, terre peut désigner une matière, une substance concrète, aussi bien qu'une étendue, et les mêmes expressions (terre fertile, bonne terre, etc.) peuvent être prises dans l'un et l'autre sens. → 2. Sol (cit. 2); terrain, terroir. — La terre et la roche, et le sous-sol. || Terre aride (cit. 3), inculte, stérile. || Terre où poussent des plantes sauvages. ⇒ Lande. — Terre arable, cultivée. ⇒ Campagne (II.), culture, glèbe (cit. 2 et 3). — Coin (cit. 12), lopin (cit. 2 et 3), lot, parcelle (cit. 1 et 2), pièce de terre. ⇒ Champ. || Un arpent (cit. 1) de terre (→ Papier, cit. 21). || Fonds de terre (→ ci-dessous, 4.). || Cultiver (cit. 2 et 4), travailler la terre. ⇒ Agriculture, culture (cit. 2). || Ce que reçoit et donne la terre (→ Herseur, cit.). || Produit, rendement de la terre. — Façons données à la terre. || Gratter (cit. 3), fouiller (cit. 3 et 4), labourer (cit. 3 et 5) la terre, les terres. ⇒ Labour. || Colmater, effondrer; ameublir, défoncer, retourner (cit. 5) la terre. || Terre ameublie. || Terre compactée. — Enfouir (cit. 2), enfoncer dans la terre (une graine, une plante). ⇒ Planter.|| Mettre en terre des noyaux (cit. 1). || Enlever une plante de terre. ⇒ Arracher. || Entourer de terre le pied d'un arbre. ⇒ Chausser (5.), rechausser, terrer.
8 (…) vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne !
Rousseau, Disc. sur l'inégalité des hommes, II.
♦ ☑ Loc. En pleine terre, se dit des plantes, des arbres qui poussent dans une terre qui n'est pas dans un contenant (pot, jardinière, caisse, châssis…). || Culture de pleine terre ou de plein champ. — Les fruits (1. Fruit, cit. 33), les produits de la terre. — (Qualité, caractères de la terre). || Terre avare (cit. 28), ingrate (→ Dur, cit. 27), pauvre; féconde (cit. 9, par métaphore), fertile (cit. 2), riche. — La terre s'épuise (→ Réparer, cit. 2), s'appauvrit. || Terre usée. || Amender, bonifier, fertiliser (cit. 1) la terre. ⇒ Amendement (2.), bonification, compost, composter, engrais, limonage… (→ Compenser, cit. 5). || Marner les terres (→ Marnière, cit.). || Laisser reposer la terre. || Terre en jachère (cit. 1). || Cultiver la terre par assolement. ⇒ Assoler; 3. sole.
♦ ☑ Loc., vx. Poire de terre. ⇒ Topinambour. — Mod. || Pomme de terre. ⇒ Pomme de terre.
♦ (Composition de la terre). || Étude de la terre par l'agrologie, l'agronomie, la pédologie. ⇒ Sol. || Faire analyser une poignée de terre. || Terre alluviale, d'alluvion, limoneuse (cit. 1; ⇒ Limon); terre végétale : sol riche en substances colloïdales organiques (⇒ Humus, terreau). → Dépouille, cit. 10; 1. nu, cit. 13. || Terre compacte, forte, tenace (riche en argile); grasse et compacte (⇒ Glaise, marne), légère (sablonneuse…), maigre. || Terre froide, siliceuse et pauvre. || Terre meuble (cit. 2). || Terre caillouteuse, sablonneuse; argileuse, argilifère (⇒ Argile), argileuse et calcaire (⇒ Marne), siliceuse… || Terre franche (infra cit. 13). — Terre jaune. ⇒ Lœss. || Terres rouges (argile rouge ou terra rossa). || Terre noire. ⇒ Tchernoziom; humus (cit. 1). || Terre de bruyère.
8.1 Il laboura avec une si grande intelligence, en se proportionnant à la nature du terrain; en creusant avec le soc, ou en ne faisant qu'effleurer le sol, suivant que la terre végétale était profonde ou légère.
Restif de La Bretonne, la Vie de mon père, p. 137 (1776-1779).
♦ ☑ Loc. Tactique de la terre brûlée, de destruction des récoltes et des villages (dans une retraite militaire…). ☑ Fig. Politique de la terre brûlée, consistant à détruire des ressources utilisables par un adversaire, en s'interdisant, de ce fait, d'y avoir soi-même recours.
b (Une, des terres). Étendue de terrain où poussent les végétaux (considérée d'une manière vague, à la différence du sens 4). || Terres incultes (cit. 1). — Terres à blé, à céréales, à pâturages (⇒ Herbue), à vignes, propres à ces usages, à ces cultures. || Terres cultivées, labourées (cit. 4; ⇒ Labour cit. 2), plantées, complantées de… || Terre inondée et cultivée. ⇒ Noue (1.). || Une terre cultivée en jardin, en potager, en verger (⇒ Ouche). || Les palus, terres d'alluvion plantées de vignobles. || Terres enfoncées (⇒ Baissière), inondées, marécageuses, paludéennes. — Défricher, mettre en culture les terres vierges.
c La terre, symbole des activités de la campagne, de la vie paysanne. ⇒ Glèbe. || Le paysan (cit. 3 et 5) et la terre (→ aussi Lien, cit. 7; serf, cit. 1). || Aimer la terre; avoir le goût, la passion (cit. 24) de la terre (→ Classe, cit. 8; gîter, cit. 4). || La possession de la terre (→ ci-dessous, 4.). — ☑ Le retour à la terre, à la culture, aux activités agricoles (→ Repliement, cit. 3).
9 (Le père Fouan) avait aimé la terre en femme qui tue et pour qui on assassine. Ni épouse, ni enfants, ni personne, rien d'humain : la terre ! Et voilà qu'il avait vieilli, qu'il devait céder cette maîtresse à ses fils, comme son père la lui avait cédée à lui-même, enragé de son impuissance.
Zola, la Terre, I, II.
10 (Le Français) revient à sa compagne séculaire : la terre. C'est elle qui attache les Français à la France, beaucoup plus que les Français. Ils sont tant de peuples différents qui travaillent depuis des siècles, côte à côte, sur cette brave terre, que c'est elle qui les unit : elle est leur grand amour.
R. Rolland, Jean-Christophe, Dans la maison, I, p. 961.
d (V. 1050, mettre en terre). La terre (surtout dans des locutions, comme en terre). Le sol où l'on place les morts, dans la plupart des civilisations. || Mettre, porter un mort en terre. ⇒ Enterrer. || « Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière… » (→ Enfermer, cit. 1). || Enterrer qqn en terre chrétienne (→ Secours, cit. 5). — Terre sainte, bénie et consacrée à l'inhumation des fidèles (→ un autre sens ci-dessous, I., 5.). — Ensevelir (cit. 2) dans le sein de la terre. || Retirer de terre. ⇒ Exhumer. — ☑ Loc. fig. Porter le diable (cit. 17) en terre. — Pelletées de terre jetées sur le cercueil (→ Entendre, cit. 34; enterrer, cit. 13; inhumation, cit. 1). ☑ Être sous six pieds de terre, avoir six pieds de terre sur la tête : être mort (→ Raison, cit. 76). — « Que la terre te soit légère » (cit. 1). || « Et son ombre sera légère À la terre où je dormirai. » ⇒ Cimetière (cit. 5). || « Les morts dorment (cit. 22) en paix dans le sein de la terre. » || « Laissez (cit. 5) -moi m'endormir du sommeil de la terre ! »
11 (…) le refus qu'on a fait à Voltaire et à Molière de les enterrer (…) dans ce que nous appelons terre sainte (…)
D'Alembert, Correspondance avec le roi de Prusse, 30 avr. 1779.
e La terre, la Terre, divinité, abstraction ou symbole (surtout aux sens a et ci-dessus et aussi au sens II). || « La terre nourricière, la terre mère, la terre tombeau » (→ Inclinaison, cit. 5, Péguy). || La terre, bonne mère nourrice (cit. 10). || Le sein de la terre (→ Ouvrir, cit. 15). || Notre mère la Terre.
12 (…) la terre seule demeure l'immortelle, la mère d'où nous sortons et où nous retournons (…)
Zola, la Terre, V, VI.
13 (…) j'abandonnai, cette nuit-là, aux puissances élémentaires le soin d'accorder ma pensée aux desseins obscurs de la terre. Car j'avais confiance en elle. La chaleur douce de son sein, où ne soupiraient que les sources et les feuilles, m'inclinait à cette amitié avec la vieille mère des hommes.
H. Bosco, le Jardin d'Hyacinthe, p. 196.
4 (V. 1170). a (Une, des terres). Étendue limitée, bornée, de la surface terrestre (et, spécialt, de terres cultivables. → ci-dessus, 3., a) considérée comme objet de possession. ⇒ Bien (2. Bien, I., 2.), domaine (I., 1.), fonds (I., 1.), propriété. || Acquérir, acheter, vendre… une terre; affermer, amodier une terre (⇒ Amodiation, 2. ferme). || Possesseur (cit. 1) d'une terre (→ Posséder, cit. 36). || Le prix de cette terre (→ Escompter, cit. 1). || Une petite terre (→ Propriété, cit. 13). || Le rapport d'une terre. || Terre censive. — Féod. || La terre d'un seigneur, la terre seigneuriale. ⇒ Seigneurie. || Appeler chacun par le nom (cit. 12) de sa terre. || Nom de terre (→ aussi Noblesse, cit. 16; particule, cit. 2). || Terre serve. ⇒ Servage (cit. 1). || Nulle terre sans seigneur (adage féodal). — ☑ (1585). Prov. || Qui terre a guerre a (Molière, l'Amour médecin, I, 1).
14 Elle (la noblesse) obligeait celui qui l'avait à n'être que l'homme d'une terre, et le vassal de qui avait l'hommage de cette terre.
Valery Larbaud, Barnabooth, Journal, II, 11 juin.
b Absolt. || La terre, objet de possession : terrain destiné à la culture ou cultivé. || Avoir pour dix mille francs de terre (→ Établir, cit. 30). || Morcellement (cit. 2) de la terre. || Fonds de terre (→ 1. Manse, cit. 1). || « L'homme s'est fait terre, la loi (1. Loi, cit. 22) est territoriale » (Michelet).
c Au plur. || Des terres (→ Héritage, cit. 5; indépendance, cit. 15). ⇒ Foncier. || Vivre de ses terres (→ Infélicité, cit. 2). || Propriétaire de terres. ⇒ Terrien. || Partage des terres. ⇒ Agraire (loi). || Se retirer sur ses terres (par plais., chez soi; → Ouvrir, cit. 42). || Braconner, chasser sur les terres d'autrui (par métaphore, aller sur ses brisées). — Féod., hist. || Les terres du seigneur, du suzerain, du souverain (→ Obéissance, cit. 10). || Les terres de la maison d'Autriche (→ Incursion, cit. 1). || Jean sans Terre.
15 — Si vous poursuivez le mérite, ce n'est pas sur nos terres que vous devez chasser.
Molière, les Précieuses ridicules, 9.
5 (1080). Vaste étendue de la surface solide du globe, de la planète Terre (II., 4.). ⇒ 1. Pays (cit. 6), territoire. || Terres arctiques, australes, boréales… || La terre natale (cit. 3). || « Milly, ou la Terre natale », poème de Lamartine. || La terre de ses Pères (→ Nationalisme, cit. 1 et 2; patrie, cit. 9). || La Terre et les Morts, de M. Barrès. || Terre lointaine (cit. 1), étrangère (→ Frontalier, cit. 1; habiter, cit. 11). — Terre d'exil : par métaphore, le séjour ici-bas (→ Exil, cit. 12). — Terres inconnues (cit. 15, par métaphore), inexplorées (→ Désert, cit. 7). — Terre d'élection, de malédiction. || La terre des dieux : la Grèce (→ Moitié, cit. 8). || « Grèce, ô mère (1. Mère, cit. 20) des arts, terre d'idolâtrie… ». || L'Allemagne, terre de l'harmonie (cit. 16), de la musique. — Terre promise. || La Terre promise, de promission : la Palestine; au fig., pays d'abondance. ⇒ Promettre (cit. 22 et 23; et supra). — Terre sainte : les lieux où vécut le Christ, selon les Évangiles. ⇒ Lieu (les Lieux saints).
16 Godefroi de Bouillon n'eut pas plutôt la terre sainte qu'il s'assit découragé sur cette terre, et languit de reposer dans son sein.
Michelet, Hist. de France, IV, IV.
17 Donc nous voilà en Égypte, terre des Pharaons, terre des Ptolémées, patrie de Cléopâtre (ainsi que l'on dit en haut style).
Flaubert, Correspondance, 245, 15 janv. 1850.
♦ Géogr. || Basses, hautes terres (→ Mamelon, cit. 3; monotone, cit. 4). || Des terres basses et plates (→ Imperceptible, cit. 3).
♦ Rare. ⇒ Sol, terrain. || Ondulation de la terre (→ Saillir, cit. 4).
6 (XIIIe). || La terre, les terres, opposées à un autre élément, à la mer, aux eaux, ou limitées par elles. ⇒ 2. Continent, île… (→ Flottant, cit. 1; incertitude, cit. 5). || Courir la terre et les mers (→ Assoupissement, cit. 7; et aussiétendre, cit. 54).
♦ Terre ferme. || Les îles et la terre ferme (→ Gelée, cit. 3). || La terre ferme et la mer (→ Littoral, cit.). — La terre et l'onde (cit. 6). || La fin des terres (finis terræ; cf. Finistère). || À d'immenses (cit. 5) distances de toute terre : en pleine mer. — Une langue (cit. 48), une bande de terre. ⇒ Péninsule. — Transports par air, par mer et par terre. || Envoyé par terre, par voie de terre (→ Indou, cit. 1). — En terre, dans les terres, éloigné du rivage, de la côte. || Balbec-en-terre et Balbec-plage (cit. 6). — Dans l'eau et sur terre (→ Poisson, cit. 1), sur terre et sur mer.
18 Dieu donna à l'élément aride le nom de Terre, et il appela Mers toutes ces eaux rassemblées.
Bible (Sacy), Genèse, I, 10.
♦ Mar. (dans des loc.). || Prendre, toucher terre. ⇒ Aborder, atterrir (II., 1.). || Attaquer la terre, s'en approcher pour atterrir. ⇒ Atterrer. || Navire qui rallie la terre, qui touche terre (⇒ Navigation). || Marins, matelots qui revoient la terre (→ Jupe, cit. 6), qui prennent terre. || Aller à terre. ⇒ Débarquer, descendre (à terre). || Avoir toujours un pied en terre. ⇒ Plancher (cit. 5 : plancher des vaches). — Perdre terre : cesser de voir la terre, en parlant d'un navire; et aussi perdre pied. — Vx. || Raser la terre, aller terre à terre : rester près des côtes. || Voisinage de la terre. ⇒ Atterrage. — Vent de terre. || La mousson (cit. 2) de terre. || Terre sous le vent. — Terre !, exclamation poussée par la vigie ou par le premier qui aperçoit la terre. — Terre de beurre : nuage donnant l'illusion de la terre. — Terre des feux, de feu. ⇒ Feu (III., 2.). || Terre-Neuve (⇒ Terre-neuvas).
19 À force de naviguer, le bâtiment qui le portait vint prendre terre au fond de la mer Noire, à la petite ville de Poti.
A. de Gobineau, les Nouvelles asiatiques, p. 21.
♦ (D'un avion). || Se poser à terre; reprendre terre. ⇒ Atterrir. — Milit. || Armée (cit. 11 et 12), troupes de terre. ⇒ Infanterie (→ 1. Marine, cit. 5).
♦ (Peint., littér.). Le sol, dans un paysage, dans le spectacle de la nature (cit. 60), opposé au ciel, aux eaux. || Le point où commence le ciel et où finit la terre (→ Lointain, cit. 13). ⇒ Horizon. || On ne voit ni le ciel ni la terre : l'obscurité est complète. || La scène sur la terre… (→ Lune, cit. 4). || « Et la terre, et le fleuve… » (→ Carnage, cit. 3). — Géom. descriptive. || Ligne de terre : intersection du plan vertical et du plan horizontal de projection.
7 La croûte terrestre (considérée dans son ensemble ou dans un lieu déterminé). || La terre tremble (→ Cérémonie, cit. 4; ruine, cit. 9), gronde (→ 1. Foudre, cit. 5). || Tremblement de terre. ⇒ Séisme (→ Sismographe, cit.). || La solidité de la terre (au-dessous [cit. 21] des océans). || Les secousses de la terre (→ Observatoire, cit. 2). ⇒ Tellurique.
8 Techn. (électr.). Le sol considéré comme ayant un potentiel électrique égal à zéro. || Prise de terre. — Par ext. Réseau de conducteurs enterré, à potentiel constant. || Terre constituée par une prise de contact métallique, un grillage… || Mettre à la terre : relier à la terre par un conducteur. Par anal. Toute masse jouant dans un circuit électrique le même rôle que le sol. ⇒ 1. Masse (IV., 2.). || Trouver une borne terre.
♦ Par ext. Conducteur allant de l'appareil à la terre.
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II (V. 980). Le milieu où vit l'humanité, dans son ensemble; notre monde. ⇒ Monde (II., 1.), univers.
1 L'ensemble de tous les lieux où l'homme peut aller (avant les voyages spatiaux), considérés à l'échelle humaine. — Voyager par toute la terre, aller aux confins de la terre (→ Péril, cit. 7), parcourir la terre entière (→ Désennuyer, cit. 5). || Un coin de terre : un pays (→ Patrie, cit. 6). — La face (cit. 28) de la terre (→ Nez, cit. 11, Pascal).
♦ Spécialt (dans la Bible, la Genèse). || Dieu créa le Ciel et la Terre (→ Monothéisme, cit.; et aussi esprit, cit. 3).
2 Le milieu où vit l'humanité, considéré d'une manière abstraite et générale. || Les hommes, le genre (cit. 4) humain sur la terre (→ Sous le soleil). || De la terre. ⇒ Sublunaire, terrestre (1.). || Tant qu'il y aura des hommes sur la terre (→ Mien, cit. 27). || Terre des hommes, œuvre de Saint-Exupéry. || La vie telle qu'elle se manifeste sur la terre (→ Activité, cit. 1). || Notre part de bonheur tient à la terre, à la vie terrestre (→ Malheur, cit. 31). — Les choses de la terre, terrestres, humaines… (→ Réalité, cit. 8). || Les biens (2. Bien, cit. 2 et 27), les trésors de la terre (→ Croire, cit. 56). — Sur la terre, sur terre : dans la vie humaine (→ Faute, cit. 45). || Être seul sur la terre, au monde. || Le seul, le plus… sur la terre (→ Portée, cit. 12), de la terre (→ Malheureux, cit. 6). ⇒ Monde (au).
♦ La terre : lieu et symbole de la vie. || L'homme vit un jour (cit. 63) sur la terre (→ aussi Proportion, cit. 2). || Rester sur terre : vivre (→ Prier, cit. 8). || Quitter la terre : mourir (→ Athée, cit. 9). — Être sur terre. ⇒ Exister, vivre.
♦ Relig. Le lieu où l'homme passe sa vie matérielle, charnelle (opposée au ciel, à la vie éternelle). || La terre et le ciel (→ Énigme, cit. 7; nécessaire, cit. 5; royaume, cit.). || « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. » ⇒ Paix (→ Gloire, cit. 49). — ☑ Loc. Le sel (cit. 1 et 2) de la terre. — Représentant (cit. 6 et 7) de Dieu sur la terre. — Par ext. || Le paradis sur la terre (→ Mariage, cit. 23). ☑ Loc. fig. Remuer ciel (cit. 11) et terre.
3 Par métonymie. Les hommes, l'humanité. ⇒ Monde (II., 4.). || Civiliser la terre (→ Enthousiasme, cit. 13). || Les maux qui affligent (cit. 6) la terre. || « Ils avaient vaincu toute la terre » (→ Grand, cit. 57). || « Ce je ne sais quoi (→ Amour, cit. 10) remue toute la terre. »
♦ Par exagér., vx. || Toute la terre : beaucoup de monde (→ Auditeur, cit. 1; présomptueux, cit. 1).
4 (XVIe; retour à l'hypothèse grecque de la sphéricité de la terre). L'habitat humain, notre monde considéré comme un astre, un corps (très approximativement) sphérique. ⇒ Globe (3.); → Monde, cit. 4, Molière. || La terre est ronde (→ Antipode, cit. 1). || Rotondité (cit. 1) de la terre. || Faire le tour de la terre. || Fusée, engin cosmique qui quitte la Terre. — La terre est un grain (cit. 18) de sable, une goutte de boue (cit. 5).
♦ (Dans les sciences modernes). Astron. et cour. (après Copernic, 1543; Rabelais, 5e Livre, ch. 26). Planète appartenant au système solaire, animée d'un mouvement de rotation sur elle-même et de révolution autour du Soleil. ⇒ Révolution, rotation; orbite, pôle; écliptique (cit.). || L'équateur (cit. 1 et 2) de la Terre. || La Lune, satellite de la Terre. || Distance Terre-Lune. || Éclipse de Lune produite par le cône d'ombre de la Terre. || Rayonnements, radiations reçues sur la Terre (rayonnement solaire, rayons cosmiques…). || Mouvements de la Terre et mesure du temps. || Formation, origine de la Terre. || Âge de la Terre (quatre à cinq milliards d'années).
♦ Étude physique, chimique, descriptive… de la Terre. ⇒ Géo-. || Supplément à la théorie de la Terre, œuvre de Buffon. || Forme (⇒ Sphéroïde), dimensions de la Terre, aplatissement, élasticité de la Terre. || Masse de la Terre (→ Pesanteur, cit. 2). || Noyau (cit. 4) interne de la Terre. || Les entrailles de la Terre (→ Lave, cit. 1; plutonique, cit.). || Ancienne hypothèse du feu central de la Terre. || Le centre de la Terre. — Parties superficielles, solide (⇒ Lithosphère), liquide (⇒ Hydrosphère) et gazeuse (⇒ Atmosphère), de la Terre. || Dynamique interne (⇒ Tectonique) et externe de l'écorce de la Terre (⇒ aussi Sial, sima). ⇒ Géologie. || Champ électrique, magnétique de la Terre.
♦ Spécialt. L'ensemble formé par la lithosphère (écorce terrestre; ⇒ Minéral, roche, sol) et l'hydrosphère, étudié par la géographie et la géologie. — Représentation de la Terre. ⇒ Cartographie, géodésie, topographie (→ Planisphère, cit.). || Coordonnées d'un point de la Terre (⇒ Latitude, longitude).
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III (V. 1210). Philos., sc., techn. Matière, substance particulière extraite du sol ou considérée comme caractéristique de l'élément solide de notre globe (dans l'ancienne science).
1 L'un des quatre éléments (cit. 10, 11; et supra), chez Empédocle, Aristote et dans la science médiévale. || Anaximandre considérait la terre comme le principe de toutes choses. — Anc. Chim. L'un des principes ou éléments constitutifs de toutes les substances. || Au XVIIe siècle, Becher divise la terre, principe de la sécheresse, en vitrifiable, inflammable (⇒ Phlogistique) et mercurielle; au XVIIIe siècle, De Fourcroy n'admet que la terre vitrifiable (« silice ») et la terre argileuse pure (ou alumine). — Au XIXe siècle, Terre se disait encore de certains oxydes : chaux, alumine, magnésie… (cf. Thenard, in Littré). || Terres métalliques. || Terre pesante : la baryte.
20 Cette substance (la terre) mérite, à juste titre, le nom d'élément, puisqu'elle entre, comme principe constituant, dans la composition de tous les corps et qu'on la retrouve, après les analyses, comme dernier résultat (…) La terre élémentaire est aussi difficile à définir que le feu, l'air et l'eau. La meilleure définition qu'on en peut donner est de dire que c'est un élément (…)
Baumé, Chimie expérimentale et raisonnée, t. I, p. 90 (1773).
21 Les premiers chimistes qui ont écrit depuis le renouvellement des Lettres (…) reconnaissaient (…) l'existence de six éléments au lieu de quatre. Becher admettait trois terres et c'était de leur combinaison que résultait, selon lui, la différence qui subsiste entre les substances métalliques.
Lavoisier, Traité élémentaire de chimie, Disc. préliminaire, t. I (1789).
♦ (V. 1900). Mod. || Terres rares : oxydes métalliques, à propriétés très voisines, existant en proportion variable dans des minerais disséminés, rarement en quantité suffisante pour être exploitables. — Cour. Les métaux correspondant à ces oxydes, tous éléments de no at. 57 à 71 (lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhéum, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium, lutetium; on y ajoutait autrefois le scandium et l'ytrium).
REM. Outre l'expression terres rares, la chimie moderne emploie encore celle de métaux alcalino-terreux (leurs oxydes : chaux, strontiane, baryte étaient appelés terres).
2 (XIIIe). Techn. Se dit de diverses matières pulvérulentes dans la composition desquelles entre généralement l'argile. || Terre à porcelaine (⇒ Kaolin), à briques. || Terre à potier, se dit de toutes les « terres » utilisées en céramique, en poterie (⇒ Boucaro, cérame…). || Terre anglaise : mélange d'argile plastique et de quartz (pour la faïence). ⇒ Cailloutage (4.). || Terre de pipe : terre anglaise additionnée de chaux. || Pipe en terre (→ Fourneau, cit. 9). — Terre à polir : tripoli. || Terre pourrie : argile figuline servant au nettoyage des métaux. — Terre à foulon : argile smectique. || Terre à brayer. ⇒ Braye. || Tasser de la terre autour d'un moule. ⇒ Enterrage. — Terre glaise : argile malléable servant au modelage. ⇒ Sculpture (→ Saillie, cit. 4).
♦ (1536). || Terre cuite : argile ordinaire ferrugineuse durcie par la chaleur; produits céramiques formés de cette substance (→ Charger, cit. 4). || Briques, tuiles, carreaux, poteries de terre cuite; casseroles, cruches, statuettes en terre cuite. — Absolt. || Le pot (cit. 3) de fer et le pot de terre. || Plat (cit. 24) de terre. || Terre vernie (→ Gras, cit. 37). || Une terre cuite, statuette, médaillon, modèle, etc., en terre cuite. ⇒ Sculpture. || De belles terres cuites.
♦ Nom de différents colorants (couleurs minérales). || Terre de Sienne; terre d'ombre (⇒ 1. Ombre, infra cit. 14), terre à ombrer. ⇒ Ocre. || Terre verte, à base de carbonate de cuivre hydraté. || Terre de Cassel (vert) : manganate de baryum. || Terre de momie. || Terres brunes. — Terre bolaire(⇒ 2. Bol), utilisée autrefois en pharmacie.
♦ En Afrique noire. || Terre de barre : argile sablonneuse de couleur rougeâtre, utilisée en construction. || Trois greniers sont « en terre de barre » (O. Bhêly-Quénum).
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DÉR. 1. Terrage, terrasse, terreau, terrée, terrer, terrier, terril, terrir. — V. aussi Terrine.
COMP. Terrefort.
Encyclopédie Universelle. 2012.