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ENGRAIS
ENGRAIS

Malgré une augmentation continue de la production alimentaire et des progrès certains dans sa distribution et son utilisation, la situation mondiale de l’alimentation est préoccupante, l’expansion restant globalement inférieure à l’accroissement de la population. Pour nourrir la population mondiale en l’an 2000, il faudrait, si elle atteint comme on le prévoit 8 milliards d’habitants, que la production agricole soit accrue de 50 p. 100. La situation est même angoissante dans les pays en voie de développement, aux sols souvent ingrats, et qui sont en pleine explosion démographique.

La mise en valeur des terres inexploitées, qui nécessite souvent d’énormes investissements (drainage, irrigation), ne peut être envisagée qu’à long terme et ne devrait se faire qu’avec de grandes précautions si l’on veut que leur fertilité se maintienne. À court terme, l’un des moyens les plus efficaces d’augmenter fortement la production agricole réside certainement dans une utilisation rationnelle et massive des engrais chimiques. Selon la F.A.O., pour accroître de 44 kilogrammes par an la consommation annuelle de céréales dans les pays en voie de développement, il faudrait, dans ces pays, multiplier par 4 ou par 5 la production d’engrais d’ici à l’an 2000.

C’est dire que le retour à des systèmes de culture où l’«engrais de ferme» (fumier, légumineuse...) est dominant n’est envisageable que pour des secteurs très restreints et des populations riches.

Parmi les éléments fertilisants que les plantes puisent dans le sol, trois sont déterminants: l’azote, le phosphore et le potassium. On les trouve à l’état naturel: nitrates, guano, phosphates d’os, apatites, phosphorites, différents sels de potassium, mais ils ne sont généralement pas directement utilisables comme engrais. C’est la raison pour laquelle l’industrie prépare toute une gamme d’engrais chimiques dont la consommation s’accroît d’environ 10 p. 100 chaque année.

En 1990-1991, la production mondiale fut, d’après la F.A.O., de 82,3 millions de tonnes d’azote (en N), de 38,9 de phosphore (en P25) et de 26,7 de potassium (en K20), soit une valeur de 54 milliards de dollars.

1. Historique

Dès le début du Ier millénaire avant notre ère, l’emploi des déjections animales et humaines, additionnées ou non de déchets végétaux, de pailles, de chaumes et de terre, représenta la contribution apportée par l’homme à la fertilité du sol. La Bible, L’Odyssée , des ouvrages babyloniens du VIIe siècle avant J.-C. montrent une certaine connaissance des propriétés de ces apports, ainsi que de celles des cendres et de la pratique de l’écobuage. Perfectionnées par les Romains dans leurs applications et leurs conjugaisons avec les engrais verts pourvoyeurs d’azote, lupins et fèves, ces méthodes de fertilisation, après un déclin au Moyen Âge, restèrent les mêmes jusqu’à la Renaissance, où, simultanément en Italie, en Angleterre et en France, des ouvrages sur la fertilisation parurent, dont certains, comme ceux de Bernard Palissy, sont une remarquable anticipation des découvertes faites deux cents ans plus tard, dans le domaine de la nutrition des plantes, par Lavoisier, Saussure, Dumas, Boussingault en France, et particulièrement par leur contemporain Liebig en Allemagne (nutrition minérale des plantes vertes).

Ces travaux à peine divulgués se traduisirent par d’actives recherches industrielles tendant à fournir au moindre prix à l’agriculture les trois principes essentiels qui utilisent l’azote, l’acide phosphorique et la potasse. Déjà, au début du XIXe siècle, certains déchets d’industrie, tels que les os et les «noirs» de raffinerie, étaient employés en France pour combattre la déficience phosphatée des sols acides; bientôt, en Angleterre, en Belgique et en France, les craies et sables phosphatés étaient utilisés en l’état, les cendres de varech, les cendres de tourbe fournissaient de la potasse, et, en 1840, parvenaient en Europe les premiers bateaux chargés de guano du Pérou, suivis de près par les cargaisons de nitrates du Chili.

Le traitement des eaux-vannes, le lavage du gaz d’éclairage, celui des gaz de fours à coke alimentaient en ammoniac les ateliers de sulfatation.

Les agronomes réclamant des engrais solubles, l’industrie commençait, d’abord en Angleterre, puis dans tous les pays occidentaux, la fabrication des superphosphates; initialement superphosphate d’os, par traitement de ceux-ci à l’acide sulfurique, puis superphosphate minéral, où le phosphate est obtenu en grande partie à l’état monocalcique, par barbotage des phosphates naturels apatitiques tricalciques dans l’acide sulfurique; la boue obtenue, grâce à la formation dans son sein de sulfate de calcium et après un mûrissement en «cave», est broyée; on obtient un engrais presque totalement soluble dans l’eau. Ce produit, vendu au début à une concentration de 14 p. 100 d’anhydride phosphorique, est actuellement préparé à des teneurs de l’ordre de 16 à 20 p. 100.

Avant la fin du XIXe siècle, la sidérurgie, de son côté, mettait à la disposition de l’agriculture un sous-produit de la fabrication de l’acier à partir des fontes phosphoreuses: les scories de déphosphoration Thomas, obtenues par fixation en convertisseurs de l’acide phosphorique sur la chaux magnésienne. Finement broyées, elles sont solubles dans l’eau acidulée à 2 p. 100 d’acide citrique et renferment de 16 à 20 p. 100 d’anhydride phosphorique.

À la même époque avait été découvert, dans les mines de sel de sodium de Stassfurt, un gisement de sels divers comprenant du chlorure de potassium, de magnésium et du sulfate de magnésium. On reconnut à ces sels des qualités fertilisantes. Ils constituèrent des engrais appréciés, après que l’on eut séparé les sels de potassium des gangues et des sels de magnésium et de sodium.

Les industries locales continuaient à livrer certains de leurs déchets à l’agriculture: tourteaux, déchets d’abattoirs, sang, viandes, os, poils, cuir, cornes, poudrettes, la plupart de ces déchets subissant des traitements mécaniques ou thermiques pour en faciliter l’épandage et l’assimilation; dès que les engrais minéraux parurent sur le marché, ils permirent d’enrichir ces produits organiques aux teneurs souvent faibles en éléments fertilisants; ainsi naquirent les premiers engrais composés.

2. Nomenclature et productions actuelles

La plupart des pays utilisent, pour indiquer les éléments et les principes fertilisants, les termes suivants: azote (N), acide phosphorique (P25) au lieu d’anhydride phosphorique, et potasse (K2O) au lieu d’oxyde de potassium. Une tendance semble se faire jour dans plusieurs pays en faveur de l’adoption de la nomenclature: azote (N), phosphore (P) et potassium (K).

Prennent le nom d’engrais composés ceux qui contiennent plus d’un des trois éléments définis ci-dessus; ils peuvent être binaires ou ternaires; l’énumération des teneurs en éléments aux 100 kg d’engrais s’effectue dans la formule de l’engrais dans l’ordre N, P25, K2O (ex.: 9-12-12). Quand l’engrais composé résulte de réactions chimiques entre les produits porteurs des éléments, les composés prennent le nom d’engrais complexes, même s’il s’agit de sels simples, comme le phosphate d’ammonium ou le nitrate de potassium.

Engrais azotés

Dès le début du XXe siècle, l’industrie réalisait au four électrique la fixation de l’azote de l’air sur le carbure de calcium pour donner naissance à un engrais, la cyanamide calcique ; la production du carbure lui-même s’opérait au four électrique à partir de chaux et de coke:

Cette fabrication consomme quantité d’électricité, ce qui l’a fait délaisser dans beaucoup de pays.

On a aussi tenté la fixation de l’azote atmosphérique directement sur l’oxygène au four électrique; ce procédé a été abandonné à cause de son coût élevé.

À la veille de la Première Guerre mondiale, la synthèse de l’ammoniac fut réalisée industriellement en Allemagne par le procédé Haber-Bosch. La majeure partie de la fabrication actuelle des engrais azotés a pour base l’ammoniac de synthèse. Ce produit, liquéfié, contenant 82 p. 100 d’azote est utilisé directement en culture par injection dans le sol. Des solutions ammoniacales aqueuses sont déversées par irrigation.

L’une des productions qui se sont le plus développées au cours des dernières décennies est celle de l’ urée ; contenant 46 p. 100 d’azote, c’est l’engrais solide dont le transport est le moins coûteux à l’unité fertilisante. Elle couvre 15 p. 100 de la fertilisation azotée dans les pays développés, mais souvent plus de 50 p. 100 dans certains pays en voie de développement. 8 p. 100 de la fertilisation mondiale azotée est assurée par cet engrais, dont la synthèse directe repose sur une attaque carbonique de l’ammoniac, suivie d’une décomposition du carbamate formé dans cette première réaction:

Le sulfate d’ammonium a été le premier mode d’utilisation de l’ammoniac de synthèse; la fabrication en est simple par l’action de l’acide sulfurique sur l’ammoniac. La consommation de cet engrais régresse rapidement (moins de 10 p. 100 de la consommation mondiale d’azote). La production dans les usines à gaz ou par les eaux-vannes est tombée en désuétude.

Mais l’ammoniac a trouvé l’un de ses plus larges débouchés dans la fabrication de l’acide nitrique par oxydation sur catalyseur au platine, suivie d’une postoxydation du bioxyde en peroxyde, puis d’une hydratation. L’acide nitrique sert à la fabrication de nombreux engrais, dont le plus important est le nitrate d’ammonium ; présentement, le quart des engrais azotés consommés sont des préparations appelées suivant les pays: ammonitrates, Kalkamonsalpeter , ammonium nitrates ; le nitrate d’ammonium y est conditionné avec des calcaires soit par mélange soit par enrobage des granules de nitrate. Ces conditionnements sont nécessités par la forte hygroscopicité du nitrate d’ammonium. Par la première méthode, la concentration est comprise entre 26 et 27,5 p. 100, elle atteint 33 à 34,5 p. 100 dans la seconde.

L’acide nitrique permet aussi de produire le nitrate de calcium par action de l’acide sur le calcaire; cet engrais, éminemment hygroscopique, est de moins en moins utilisé et ne représente plus que 3 p. 100 de la fumure azotée mondiale. La difficulté d’éliminer l’eau du produit rend le prix de revient trop élevé; il apparaît toutefois comme un sous-produit de certaines fabrications d’engrais complexes.

À partir de 1950 ont été mises sur le marché des solutions azotées dont la plus courante est la solution à parts égales de nitrate d’ammonium et d’urée. Cet engrais contient 30 p. 100 d’azote en poids, soit 39 kilogrammes d’azote par hectolitre. Pour obtenir des engrais à libération progressive d’azote, à la manière des matières organiques naturelles, l’industrie fabrique des «urées condensées», c’est-à-dire combinées avec des aldéhydes, ou encore enrobées avec soufre ou des matières organiques lentement dégradables.

Engrais phosphatés

La solution la plus élémentaire de la fertilisation phosphatée consiste dans l’utilisation directement en culture des phosphates naturels moulus; un broyage très poussé à permis d’accroître leur efficacité. La consommation de ces phosphates est restreinte à certains pays et représente 5 p. 100 de la fumure phosphatée totale.

Le traitement thermique de certains phosphates permet aussi d’accroître leur action; c’est le cas du traitement dans le four à ciment des minerais aluminocalciques de Thiès, qui acquièrent ainsi une solubilité dans le réactif de Joulie (citrate d’ammonium alcalin). Le produit obtenu est appelé Phospal. En Allemagne, une certaine quantité de phosphates est traitée thermiquement (phosphate Rhénania); au Japon, on produit du phosphate de magnésie fondu. Mais la solubilisation acide est la méthode la plus employée dans le monde.

L’industrie des superphosphates s’est modernisée depuis la Première Guerre mondiale en substituant des modes de fabrication continue aux anciens procédés de «mûrissement» du produit en caves.

L’utilisation, comme matière première, de phosphates de teneurs plus élevées, que le minerai soit lui-même de plus haute teneur ou qu’on l’ait enrichi par des techniques de concentration, telle la flottation, a permis de porter à 16 ou à 24 p. 100 la teneur du superphosphate ordinaire; toutefois, la recherche d’un produit à plus haute concentration a conduit à attaquer les phosphates naturels tricalciques par l’acide phosphorique (acide vert), obtenu lui-même par l’attaque à froid de ces phosphates par l’acide sulfurique suivie de filtration. Un autre mode de fabrication de l’acide (acide de four) est la production de phosphore au four électrique par chauffage à 1 500 0C d’un mélange de phosphate de calcium, de silice et de charbon; l’acide résulte d’une hydratation ultérieure, selon les formules:

L’acide attaque ainsi les phosphates:

Le phosphate monocalcique obtenu renferme de 46 à 48 p. 100 de P25, d’où le nom de superphosphate concentré (ou superphosphate triple). Il est souvent employé dans les mélanges d’engrais.

On fabrique aussi, grâce à l’action conjuguée de l’acide sulfurique et de l’acide phosphorique, des superphosphates enrichis, dont la teneur est supérieure à 38 p. 100.

La fabrication de tous ces superphosphates nécessite, sauf pour l’acide au four, l’emploi de quantités très importantes de soufre, matière première soumise à de grosses variations de prix dues à l’accroissement constant de la demande et aux sources nouvelles qui surgissent parfois, par exemple les gaz naturels sulfureux en France (Lacq), au Canada et au Proche-Orient. C’est pourquoi les Américains, qui ont l’énergie électrique à bas prix, développent la production de l’acide phosphorique par voie thermique; ils escomptent d’ailleurs que le coût sera encore abaissé grâce à l’énergie nucléaire.

La production des scories Thomas, sous-produit de la sidérurgie, après avoir atteint près de 8 p. 100 de la production mondiale d’engrais phosphatés, exprimée en P25, est en régression. Finement broyées, elles peuvent être épandues directement ou employées dans les engrais composés.

Le phosphate bicalcique ou phosphate précipité (attaque chlorhydrique des phosphates naturels, suivie d’une précipitation par un lait de chaux) a été abandonné à cause de son prix de revient trop élevé.

Engrais potassiques

Les gisements de potasse exploités à travers le monde comportent soit les mêmes sels qu’à Stassfurt, soit de la sylvinite, mélange de chlorure de potassium et de chlorure de sodium. L’industrie consiste, après extraction du minerai des gisements généralement profonds et tri des impuretés, en la séparation des deux chlorures grâce à leur différence de solubilité à chaud et à froid ou leur différence de densité.

La presque totalité de la production d’engrais est faite sous forme de chlorure de potassium utilisé directement ou surtout en mélange dans les engrais composés ou complexes. Le chlorure est vendu à des teneurs de 60 p. 100.

Une partie est toutefois transformée en sulfate de potassium soit par attaque sulfurique du chlorure, soit par échange des bases avec le sulfate de magnésie.

Les principaux pays producteurs de potasse sont l’ex-U.R.S.S., le Canada, l’Allemagne, les États-Unis et, pour des quantités bien moindres, Israël, la France, la Jordanie... De nouveaux gisements ont été trouvés en Afrique, en Grande-Bretagne et dans diverses autres contrées.

Engrais composés

Les engrais composés sont soit des mélanges d’engrais simples compatibles, soit des produits résultant d’une véritable fabrication comprenant des réactions chimiques. Ils contiennent au moins deux des trois principes fertilisants (azote, phosphore ou potassium). Les engrais de combinaison prennent le nom d’engrais complexes; ils représentent de jour en jour une part de plus en plus importante de la fumure minérale totale.

Une grande partie résulte de la substitution de l’acide nitrique à l’acide sulfurique dans l’attaque des phosphates naturels. Le calcium donne du nitrate de calcium, dont l’eau est difficile à éliminer; on est donc amené soit à le cristalliser à froid et à l’extraire par filtrage, soit à le décomposer par une addition d’acide sulfurique ou carbonique suivie d’une neutralisation de l’acide nitrique libre par l’ammoniac. À ce produit on ajoute des sels de potassium pour obtenir des composés ternaires. De très nombreux brevets ont été pris pour ces fabrications. L’ammonisation des superphosphates est l’une des plus anciennes méthodes de fabrication d’engrais complexes.

La production du phosphate d’ammonium (D.A.P.), développée très activement aux États-Unis dans les années soixante-dix, tourne autour de 5 millions de tonnes de P25 depuis 1980 et constitue ainsi 50 p. 100 de la production d’engrais phosphatés de ce pays. Le phosphate d’ammonium apparaît sous plusieurs teneurs selon les fabrications: le plus commun est le 18-46-0 réalisé par la voie humide (acide vert); on obtient un dosage plus élevé, 20-52-0, par la voie sèche.

Les phosphates d’ammonium sont parfois condensés sous forme de chaînes de molécules d’acide orthophosphorique reliées entre elles par élimination d’eau; on produit aussi, à partir d’acide superphosphorique obtenu à haute température de l’acide vert, des sels plus complexes appelés polyphosphates. Ceux-ci peuvent entrer dans la production de solutions aqueuses d’engrais.

La mise en culture des terres pauvres ou l’élévation des rendements dans les terres anciennement cultivées font de plus en plus apparaître la nécessité d’engrais renfermant du soufre, du magnésium et des oligo-éléments. Lorsqu’il n’est pas effectué par la dolomie ou la chaux magnésienne, l’apport de magnésium se fait sous forme de sulfate soit raffiné (kiésérite à 28 p. 100 de MgO), soit cristallisé facilement soluble (sel d’Epsom à 16 p. 100 de MgO). On trouve les oligoéléments soit sous forme de sels simples ou chélatés, soit incorporés dans des engrais composés.

La plupart des engrais composés sont vendus sous forme de granulés (sauf certains mélanges par lesquels l’efficacité du constituant phosphaté est liée à sa finesse). Les «formules» trouvées sur le marché sont multiples, mais les fabricants s’efforcent de les réduire pour diminuer leurs prix de revient. Pour répondre à certaines demandes précises, des distributeurs confectionnent des mélanges d’engrais simples granulés (dénommés improprement «bulks»). Ces engrais pourraient fortement concurrencer les engrais complexes, mais les divers grains qui les composent tendent à se classer durant le transport et l’épandage, ce qui peut altérer la régularité de celui-ci.

Engrais organiques

Le fumier fut longtemps considéré surtout comme un pourvoyeur d’éléments fertilisants (environ 5 kg de N, 2,5 kg de P25 et 6 kg de K2O à la tonne pour un fumier de bovins) alors que les agriculteurs l’estiment surtout, désormais, pour l’amélioration des qualités physiques du sol (amendement organique). Les déjections animales (purins, lisiers) amènent aux terres de fortes quantités d’éléments fertilisants, mais ne sont pas commercialisées. En revanche, on trouve sur le marché des résidus des activités de transformation des produits agricoles, en particulier animaux. Relativement chers, les engrais organiques restent surtout employés dans les cultures maraîchères. Ils ne représentent plus qu’une part très faible de la fertilisation, malgré les efforts déployés pour faire utiliser les déchets.

3. Consommation

Les engrais sont vendus, dans tous les pays, avec des garanties concernant leur teneur en éléments et leur solubilité dans l’eau et dans certains réactifs. Certains groupes de pays (C.E.E. par exemple) harmonisent leurs réglementations par le jeu des normalisations nationales ou internationales. Cela permet d’effectuer un choix dans la gamme des engrais minéraux, selon les sols, les cultures et les conditions climatiques et aussi de fixer le mode d’application le plus convenable.

Une vive concurrence s’est développée entre les engrais simples, les mélanges binaires et les engrais complexes, concurrence dans laquelle l’agriculteur doit considérer le coût des stockages, transport et épandages qu’il aura à supporter. Des matériels permettant d’épandre les engrais solides sur de grandes largeurs (épandeurs centrifuges, épandeurs pneumatiques) se sont développés pour être aussi performants que les pulvérisateurs qui appliquent les solutions ou les suspensions. L’épandage par avion ou par hélicoptère peut être pratiqué lorsqu’il s’agit de grandes surfaces.

Malgré des tendances propres à chaque région et aux différents systèmes de culture, le choix des systèmes de fertilisation (forme des éléments et teneur de l’engrais, état physique) est extrêmement dépendant de l’organisation de chaque exploitation agricole.

Répartition géographique

La consommation mondiale (fig. 1) a atteint, en 1990-1991 (données de la F.A.O.), 77 millions de tonnes d’azote (N), 36 millions de tonnes d’anhydride phosphorique (P25), 24,4 millions de tonnes d’oxyde de potassium (K2O), soit, au total, 137 millions de tonnes d’éléments fertilisants. Elle a donc doublé en vingt ans pour P25 et K2O et triplé pour N!

En regard de la surface cultivée, la quantité moyenne appliquée paraît très basse; mais il convient de tenir compte de l’extrême diversité des intensités de fumure suivant les continents (tabl. 1).

Si l’on compare les productions des continents et leur consommation, on observe des déficits importants des premières dans les pays qui consomment peu et doivent s’approvisionner auprès d’usines très éloignées, d’où des frais de transport fort importants.

Cet obstacle à l’utilisation d’engrais dans les pays en voie de développement n’est pas le seul, car les prix des produits tropicaux sont trop bas pour que la fumure soit partout rentable. Un Groupe consultatif pour la recherche agronomique internationale est chargé de la recherche sur les productions vivrières dans différents contextes agroclimatiques. La F.A.O. a entrepris une vaste campagne de formation des agriculteurs et conçu de nombreux projets d’usines aux Indes, en Afrique et en Amérique du Sud.

Les études très poussées d’organismes comme la Tennessee Valley Authority cherchent à résoudre le problème de l’approvisionnement des pays d’accès difficile en combinant le transport de matières premières très concentrées fabriquées là où elles reviennent au moindre coût avec l’établissement d’usines transformatrices dans les pays utilisateurs.

C’est ainsi que les pays producteurs de pétrole ou de gaz fabriquent et exportent de l’ammoniac liquide ou de l’urée. En 1980, environ 5 millions de tonnes d’ammoniac circulaient à travers le monde. Auprès des gisements de phosphates se construisent des usines pour produire de l’acide phosphorique, du superphosphate triple ou du phosphate d’ammonium.

L’avenir

La fabrication des engrais est une industrie lourde nécessitant de gros investissements, qui sont engagés à partir d’estimations à moyen terme (de 10 à 15 ans) sur la consommation d’engrais.

Le pays à agriculture développée où vit 23 p. 100 de la population mondiale, utilisent 56 p. 100 des engrais consommés dans le monde. Toutefois, la part des pays en développement est passée de 29 p. 100 en 1980 à 44 p. 100 en 1990 et devrait continuer de s’accroître. On s’attend à ce qu’en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest la consommation diminue en raison de l’évolution de la politique agricole et de l’environnement. On s’attend à une baisse dans les pays de l’Est due aux changements politiques et économiques; la consommation des pays en développement devrait continuer d’augmenter avec une progression ralentie. Certaines études prévoient une demande mondiale de 200 millions de tonnes d’engrais en 1995. Les engrais azotés représenteront plus de 50 p. 100 de la demande dont la moitié sous forme d’urée. Les engrais phosphatés pourraient atteindre 50 millions de tonnes, dont 40 p. 100 sous forme de phosphates d’ammonium.

Les réserves de matière première sont considérables (de 15 à 25 milliards de tonnes de phosphates), mais le coût d’exploitation des gisements augmente notablement. L’utilisation de technologies avancées permet une diversification de sources d’hydrogène pour la fabrication de l’ammoniac, ce qui entraînera une mondialisation de la production d’engrais azotés.

Si une partie des augmentations des capacités de production cherche à couvrir les besoins locaux, la concurrence entre gros producteurs est vive et un certain nombre d’industries nationales ne deviennent plus compétitives. Certaines, en particulier en Europe, font des efforts de reconversions. Mais aucune grande nation ne peut envisager que son agriculture soit totalement dépendante des importations d’engrais, ce qui amène les États à protéger, d’une manière ou d’une autre, leur industrie nationale.

4. Utilisation: la fertilisation

La fertilisation est l’ensemble des techniques concernant l’apport de matières destinées à maintenir ou à augmenter la fertilité d’un sol. On distingue habituellement les amendements , calciques et organiques, qui exercent une action sur le comportement physique de la terre, et les engrais , destinés à améliorer l’alimentation des cultures et renfermant des éléments majeurs (azote, phosphore, potassium), des éléments secondaires (soufre et magnésium), des éléments mineurs (ou micro- ou oligoéléments). Seule l’utilisation des engrais, habituellement dénommée fumure minérale , sera traitée ici (pour l’utilisation des amendements, cf. SOLS).

Accumulation et assimilabilité

L’objectif premier de la fumure minérale est d’apporter les compléments nécessaires à une terre incapable d’assurer par elle-même une nutrition de la plante conduisant au rendement optimal.

On ne peut parler de «fumure équilibrée» en soi, mais de fumure corrigeant le déséquilibre nutritif qu’entraînerait un sol pauvre en certains éléments.

Dans la plupart des sols pauvres, la quantité optimale d’engrais à apporter à une culture est généralement supérieure à la quantité exportée par la récolte ou perdue par drainage. Cela entraîne une accumulation progressive dans le sol de résidus de fumure. Pour l’agriculteur, il est important de savoir s’il peut compter sur cet enrichissement ou si ces reliquats prennent une forme inassimilable. Si l’assimilabilité se maintient, il peut espérer qu’à la suite d’un investissement plus ou moins grand, mais de toute manière nécessaire (pour atteindre immédiatement l’optimum), il lui suffira, après quelques années, de ne pratiquer qu’une fumure d’entretien, qui compensera la disparition des éléments exportés par les récoltes et éliminés par drainage.

Le problème n’a pas de solution générale. Il dépend, pour chacun des éléments, de son comportement dans le sol où il est incorporé, ce comportement étant lui-même influencé par le climat. Cependant, en raison de l’interaction entre climat et sol, on peut souvent établir des présomptions, en général suffisantes (quitte à procéder à des vérifications périodiques de l’enrichissement); de plus, aux bons rendements locaux correspondent des exportations sensiblement constantes.

Les éléments nutritifs présents dans le sol sous forme de cations (K, Na, NH4, Mg, Ca, Cu, Zn), bien retenus par l’argile et par les composants humiques, migrent peu en profondeur, sauf dans les sols sableux ou les sols peu argileux et peu épais, particulièrement sensibles au lessivage. Dans le cas d’argiles altérées, le potassium (éventuellement l’ammonium) peut passer en des sites moins accessibles aux échanges (rétrogradation).

Le comportement du phosphore dans les sols est variable. Très fortement retenu dans les sols contenant beaucoup d’hydroxydes de fer et d’aluminium (en particulier sols ferrallitiques ou latéritiques), il est beaucoup plus mobile et reste très assimilable dans les sols bien pourvus en calcium. Dans les terres calcaires, il passe sous des formes progressivement insolubles (apatitiques), et l’agriculteur doit constamment maintenir une fertilisation d’environ 30 p. 100 supérieure à l’entretien. Ce cas mis à part, on peut estimer que le phosphore apporté par les engrais conserve son assimilabilité dans la plupart des sols des pays tempérés.

Le problème du maintien de l’assimilation des engrais azotés se pose d’une manière différente. Pour ce qui est des pertes, les nitrates et l’urée sont facilement lessivés, alors que l’azote ammoniacal est retenu par le pouvoir absorbant du sol. Les pertes par dénitrification restent mal connues et vraisemblablement très variables suivant les conditions de sol. En zone tempérée, on admet une valeur d’environ 15 kilogrammes de N par hectare cultivé, ce qui représente près de 10 p. 100 des apports annuels moyens. Toutes les formes d’azote présentes dans le sol entrent dans un cycle d’évolution qui les fait passer, plus ou moins rapidement, grâce aux microbes, de formes minérales à des formes organiques et inversement, évolution qu’il est possible d’orienter par les techniques culturales. Ce cycle peut modifier considérablement la susceptibilité au drainage de l’azote non consommé par les plantes, les pertes pouvant varier entre 10 et 100 kg/ha ou plus, suivant les sols et les climats.

En conclusion, dans la plupart des sols, les résidus d’engrais non consommés ou non perdus sont capables d’agir au cours des années suivantes: on parle d’arrière-effet , et une partie de l’influence du précédent cultural lui est liée.

Lois d’action des éléments fertilisants

Expérimentalement, les rendements obtenus avec des quantités croissantes d’engrais se situent sur une courbe d’allure parabolique (fig. 2). On constate que:

– le rendement n’est pas nul en l’absence d’engrais; la quantité d’un élément que la terre fournit à la culture est représentée par l’intersection du prolongement de la courbe avec l’axe des abscisses;

– les apports croissants d’engrais sont de moins en moins efficaces;

– le rendement est maximal pour une dose donnée d’un élément fertilisant, au-delà de laquelle se manifeste un effet toxique.

La fertilisation a été longtemps fondée sur le postulat suivant: il est possible d’obtenir, en terre pauvre, par un apport judicieux d’un élément nutritif, un rendement égal à celui qu’on obtiendrait, sans aucun apport, si cette terre était déjà riche en cet élément. Un certain nombre d’expériences récentes démentent ce postulat. Autrement dit, sur le graphique, la courbe (2) est constamment au-dessus de la courbe (1).

On est donc amené à conseiller à l’agriculteur non seulement d’appliquer de fortes doses d’engrais en sol pauvre (ce qui est, à l’évidence, rentable), mais aussi d’employer, dans les sols moyennement pourvus, des quantités d’engrais supérieures aux exportations (et apparemment non rentables) jusqu’à obtenir une richesse suffisante, garante de hauts rendements (effet de «vieille graisse» ). Dès lors, il devra s’en tenir aux apports de restitution.

Cet effet apparaît comme un cas particulier des interactions qui s’exercent entre les différents éléments apportés et entre ceux-ci et les autres facteurs du milieu.

Le rendement réel obtenu pour des conditions données peut être exprimé par la relation:

f 1, f 2, ... sont des fonctions variant de 0 à 1 des facteurs x 1, x 2 (cf. FERTILITÉ). En clair, meilleures sont les autres conditions de milieu, plus forte est l’action d’un apport d’élément fertilisant. Le facteur au niveau le moins élevé limite le rendement (loi du minimum ).

En résumé, on est amené à concevoir la fumure minérale, en sol pauvre, comme un apport destiné à la fois à assurer le meilleur rendement et à enrichir le sol; en sol riche, comme un apport destiné à maintenir la fertilité en compensant les exportations et les pertes.

Le comportement de l’acide phosphorique et de la potasse dans les sols et leur action sur la croissance de la plante ont des caractères nettement distincts de ceux de l’azote. On a pu dire que P et K étaient apportés au sol, ce qui justifiait le terme de fumure de fond , alors que l’azote était apporté à la plante, sur laquelle son action est très spectaculaire.

La fumure phosphopotassique

L’agriculteur doit répondre à trois questions: Combien d’engrais? Sous quelle forme? Quand?

Quantité

En l’absence de pouvoir absorbant important de la part du sol, on pourrait déduire le
besoin de la plante à son maximum de végétation avant la récolte (tabl. 2). En milieu suffisamment riche, la composition des produits exportés du champ (par exemple: grains, racines de betteraves) donne la quantité à restituer. En terre médiocrement pourvue, la fumure dépassera plus ou moins cette valeur minimale d’entretien.

Un diagnostic du pouvoir alimentaire du sol peut être réalisé:

– par l’analyse de la terre, qui, avec des réactifs conventionnels (acides dilués ou sels neutres) indique une certaine richesse en acide phosphorique ou potasse dits «assimilables»; les corrélations observées entre les valeurs obtenues et des expériences au champ permettent de juger de l’intérêt de l’apport d’une quantité donnée d’engrais;

– par l’analyse des plantes, en particulier le diagnostic foliaire utilisé surtout pour les plantes pérennes (arbres fruitiers, vigne, etc.).

Les résultats ainsi donnés par les méthodes de diagnostic ne peuvent conduire qu’à une fixation approximative des doses. Dans les sols reconnus très pauvres, la fumure d’entretien pourra être triplée, alors que dans les sols un peu faibles, une augmentation de 50 p. 100 conviendra.

Les exportations d’acide phosphorique varient, en grande culture, autour d’une moyenne de 50 kg/ha.

Pour la potasse, les variations sont beaucoup plus fortes. Les grains n’exportent pas plus de 40 kg/ha, alors qu’avec les pommes de terre on atteint 200 kg/ha et avec la luzerne pour déshydratation 300 kg/ha. À ces valeurs peuvent s’ajouter les pertes par drainage.

Forme

Les engrais potassiques , solubles dans l’eau, devraient tous avoir le même effet. Toutefois, l’action du potassium peut être modifiée par l’élément d’accompagnement (effet toxique du chlore sur la pomme de terre et le tabac, effet favorable des sulfates en cas de carence en soufre).

On doit porter une attention particulière au choix de la forme d’acide phosphorique. Les formes solubles à l’eau (superphosphates, phosphates d’ammonium) peuvent être employées dans tous les sols, plus particulièrement dans les sols pauvres et, quand il s’agit des superphosphates, dans les sols calcaires. Les formes solubles dans le citrate d’ammonium (phosphate bicalcique des engrais simples ou complexes) sont utilisables dans la plupart des sols. Les scories Thomas sont efficaces dans les sols non calcaires, surtout lorsque ceux-ci sont acides, car elles corrigent en partie l’acidité. Les phosphates naturels doivent être proscrits des terres calcaires, mais conviennent en terre acide ou même en terre neutre suffisamment riche. On doit noter que les critères légaux de solubilité (soluble à l’eau, soluble au citrate d’ammonium) sont conventionnels et beaucoup plus destinés à vérifier la bonne fabrication d’un engrais qu’à en indiquer l’«assimilabilité». L’agriculteur utilisera l’engrais qui, à égalité d’efficacité, est le moins cher.

Date d’apport

Les engrais phosphatés et potassiques sont bien retenus par le pouvoir absorbant du sol. Mis à part les sols très sableux et les sols à nappe phréatique, où la potasse risque d’être perdue si elle est apportée avant l’hiver, l’apport pourrait se faire indifféremment à l’automne avant le labour, ou au printemps. Cependant, en contrepartie de leur faible mobilité, ces engrais doivent être mis à la portée des racines par enfouissement. Dans les sols très pauvres, la localisation permet, grâce à une concentration élevée dans une bande de terre, d’accroître l’utilisation immédiate. Les apports «en couverture» ne sont admissibles que dans les sols qui ne sont pas trop pauvres. En sol riche, où la réserve assure un bon «volant» nutritif, l’époque d’apport est indifférente.

Les apports d’éléments secondaires et d’oligo-éléments

Ces apports deviennent d’autant plus nécessaires qu’augmentent les rendements et la concentration, donc la pureté des engrais. Dans les cas les plus graves, des lésions apparaissent sur la plante, ce qui permet quelquefois un diagnostic.

La nature du sol (origine pétrographique et pédogenèse) joue un rôle déterminant dans l’apparition des carences. Certaines plantes sont plus sensibles que d’autres à une déficience.

La nécessité d’apporter des oligo-éléments ne revêt donc pas de caractère général comme pour N, P et K. Ils peuvent être apportés soit au sol, en général sous forme de sulfates (magnésium, soufre, zinc, cuivre), de chélates de fer, de borax, soit en pulvérisation foliaire (solution à 2 p. 100 de sulfate de magnésium, à 0,1 p. 100 de sulfates de manganèse, de zinc, de cuivre, à 0,2 p. 100 de borate de soude ou 0,002 p. 100 de molybdate d’ammonium). Les apports doivent rester dans des limites strictes, car leur toxicité se manifeste rapidement.

Dans la culture sur supports inertes, minéraux ou organiques, les plantes doivent recevoir une alimentation équilibrée grâce à des solutions nutritives comprenant tous les éléments à des concentrations assez étroitement définies.

La fumure azotée

Les différences de rendement dues à une variation limitée de la dose d’engrais sont beaucoup plus importantes dans le cas de l’azote que dans celui du phosphore ou du potassium. Alors que, pour ces derniers éléments, un apport excessif est rarement préjudiciable, il l’est souvent pour des doses d’azote ne dépassant que légèrement l’optimum. L’incidence sur la qualité de la récolte peut être considérable.

Le besoin de la plante suit approximativement la formation de la matière sèche, elle-même très sensible aux conditions climatiques.

L’azote nitrique et l’azote ammoniacal, seuls absorbés par les racines, sont minéralisés par un processus microbien à partir de l’azote organique. La quantité ainsi fournie dépend des conditions de sol et de climat. Elle est, en général, notoirement insuffisante pour assurer de hauts rendements et fluctue, au cours de la période de croissance, dans des proportions considérables. Par exemple, dans un limon du Bassin parisien, la quantité totale d’azote est d’environ 4 000 kg/ha, la quantité d’azote minéral étant de l’ordre de 20 kg en hiver et 100 kg en été.

Dose

Les besoins de la plante étant approximativement connus, la quantité d’azote à apporter viendra en complément:

– de celle qui est fournie par l’ensemble de la matière organique du sol. La teneur en azote total ne renseigne pas sur la quantité fournie qui dépend de l’activité microbienne. Des tests par incubation ou hydrolyse ou bien l’observation périodique du sol en place peuvent donner une meilleure idée de ces fournitures. Dans une terre de grande culture, elle est de l’ordre de 80 kg par an;

– de l’azote fourni par les résidus organiques du précédent cultural, azote resté sous forme organique jusqu’au début du printemps. Les résidus pauvres en azote (pailles) ont un effet nul ou négatif; les résidus plus riches (plus de 1,7 p. 100) fournissent assez rapidement une partie de leur azote (20 à 30 p. 100);

– de l’azote minéral présent au début de la croissance de la plante, en fin de période de drainage, très variable suivant les précipitations de l’automne et de l’hiver.

Seule l’expérience culturale est, actuellement, en mesure de fixer des doses d’azote pour chaque culture, eu égard aux conditions de sol. Les quantités suivantes en kg/ha autorisent de bons rendements: pommes de terre, 130; betteraves sucrières, 150; maïs, 120; colza, 180; blé, 130; orge, 70; prairie temporaire, 250; prairie permanente, 150; vergers, 100; vigne, 60.

Mais les impératifs économiques, les potentialités des nouvelles variétés ainsi que les problèmes posés par l’enrichissement des nappes d’eau en nitrates exigent d’adapter très étroitement les fumures aux espérances raisonnables de rendement. Or celles-ci varient chaque année et pour chaque parcelle. Une avance importante dans la prévision de la fumure azotée a été réalisée pour un certain nombre de culture (céréales d’hiver, betterave à sucre, maïs) par la méthode du bilan prévisionnel d’azote (également connue sous le nom de méthode N min). Dans cette méthode, la connaissance des quantités de nitrates présentes dans le sol au printemps est essentielle.

Date

L’agriculteur doit éviter les pertes, mais profiter de la mobilité de l’azote pour amener celui-ci à la portée des racines. Les apports avant l’hiver sont aléatoires à moins d’être utilisés immédiatement (colza, cultures dérobées). Les apports de printemps tiennent compte de l’échelonnement des besoins de la plante, de l’état de la végétation et des fournitures possibles par le sol; ils seront faits à la reprise des labours pour les plantes sarclées, à la montaison pour les blés à forte population; ils seront échelonnés sur les prairies. En climat fortement pluvieux (tropiques), les apports sont très fractionnés. Les risques de lessivage peuvent être limités par l’emploi de différentes formes d’«azote-retard». En climat sec, l’apport est fait en fin de saison pluvieuse ou par localisation plus ou moins profonde.

Formes

Par suite de l’activité microbienne propre à chaque sol, l’azote apporté évolue vers un certain équilibre nitrique, ammoniacal, organique, spécifique du sol. Aussi les différences de résultats pour les diverses formes d’azote sont peu importantes. Cependant, sur les plantes à croissance rapide, le simple délai de transformation peut, par exemple, favoriser les nitrates dans un sol à faible activité microbienne. De même, en sol à fort lessivage, l’azote des engrais ammoniacaux peut persister plus longtemps.

L’urée est transformée en peu de jours en azote ammoniacal et son action est très voisine. En outre, elle peut être utilisée en pulvérisation foliaire sur les cultures peu sensibles aux brûlures chimiques.

Plan de fumure d’une exploitation

La fumure doit être sûre, pratique et rentable.

Les types d’engrais, leur quantité, leur date d’utilisation et leur mode d’apport ne doivent pas faire courir de risque grave d’inefficacité ou de toxicité.

La fumure doit s’intégrer dans l’organisation de l’exploitation, sans surcharger de travail les périodes de pointe, et admettre le minimum d’investissement.

Il est dès lors tentant d’amener la fumure en une seule fois, l’azote en étant le pivot. On peut également appliquer une fumure de fond à l’automne, l’apport d’azote étant fait rapidement au printemps avec des épandeurs centrifuges ou des rampes de pulvérisation. Le coût de la fertilisation est différent suivant les engrais et les techniques choisis. Le choix est d’autant plus facile que la date d’apport est moins impérative. C’est une raison supplémentaire de conseiller à l’agriculteur d’enrichir ses sols. À l’extrême, on peut, dans certains cas, envisager de bloquer la fumure de fond en tête de rotation.

L’agriculteur a intérêt à utiliser le minimum de types d’engrais, à la limite un seul engrais complet ou un seul binaire phosphopotassique avec un engrais azoté. Il est alors nécessaire d’établir un plan général de fumure de l’exploitation.

On calcule une fumure de base d’après les exportations en P et K et les fumures azotées optimales pour la région. On a ainsi le minimum d’unités fertilisantes à acheter pour l’ensemble de l’exploitation ou par hectare. On en déduit l’équilibre de fumure, par exemple en N, P25, K2O: 1-0, 7-0, 9, valable pour l’entretien, c’est-à-dire les terres ayant déjà atteint le niveau optimal. En général, il faut utiliser des fumures correctives pour P25 et K2O, en fonction des résultats de l’analyse de terre par parcelle. Les nouvelles quantités d’engrais sont alors calculées. Leurs formes sont ensuite choisies pour concilier efficacité, prix et commodité d’emploi.

Le calcul de rentabilité doit s’envisager différemment au cours de la phase de redressement de la fertilité et au cours de la phase d’entretien. Pendant cette dernière, la rentabilité est apparemment nulle, puisque l’engrais n’apporte pas de supplément de rendement. Mais une fraction du capital en terre est consommée. Il s’agit donc d’une dépense d’entretien au sens strict. En revanche, au cours de la phase de redressement, on peut calculer une rentabilité apparente d’après le supplément de rendement. Mais la quantité apportée au-delà de l’entretien est capitalisée dans le sol. À la rentabilité apparente s’ajoute celle qui découle de l’élévation du plafond des rendements (effet de «vieille graisse»). Cet investissement peut justifier une indemnité au fermier sortant.

La gestion de la fertilisation tant sur le plan agronomique (en kilos d’éléments) que sur le plan de la gestion financière (en francs) est devenue beaucoup plus précise grâce à l’informatique. Les logiciels de gestion financière sont très utilisés; ceux qui peuvent prendre en charge toutes les conditions agronomiques des différentes parcelles de l’exploitation et l’organisation de celle-ci commencent à l’être.

En France, la part des engrais dans les consommations intermédiaires est de l’ordre de 20 p. 100, mais de fortes différences se marquent suivant les systèmes de culture (par exemple plus de 30 p. 100 dans les régions de grande culture). Ramenés à la valeur de la production totale, les engrais représentent 15 p. 100 dans les systèmes céréaliers, 10 p. 100 dans les systèmes à plantes industrielles, 6 p. 100 dans les systèmes fourragers.

engrais [ ɑ̃grɛ ] n. m.
• 1510; de engraisser
1En loc. (animaux) À L'ENGRAIS : de manière à engraisser ( engraissement) . Mettre des bovins à l'engrais (à l'herbage ou à l'étable). Des porcs à l'engrais.
Techn. D'ENGRAIS : apte à être engraissé. Moutons d'engrais.
2(1690) Substance que l'on mêle au sol pour le fertiliser par l'introduction des principes chimiques immédiatement utiles à la végétation. fertilisant. Engrais riche en azote, en phosphore, en potassium. Engrais végétaux. Engrais vert : plante (généralt légumineuse fourragère) que l'on ne fauche pas, mais que l'on enfouit dans le sol à fertiliser. — Engrais organiques (fumier, lisier, engrais humain, guano, poudrette, eaux-vannes, etc.). Engrais mixte. compost. « Le plus fécondant et le plus efficace des engrais, c'est l'engrais humain » (Hugo). Engrais minéraux ou chimiques.

engrais nom masculin (de engraisser) Produit organique ou minéral incorporé à la terre pour en maintenir ou en accroître la fertilité. Synonyme de engraissement. ● engrais (expressions) nom masculin (de engraisser) Engrais foliaire, engrais appliqué sur le feuillage pour améliorer la nutrition des plantes cultivées. Engrais retard ou à libération progressive, engrais dont les éléments fertilisants sont progressivement mis à la disposition des plantes par décomposition de la combinaison chimique qui les contient. Engrais vert, engrais organique obtenu en enfouissant par un labour, au moment où elle devrait être fauchée, une légumineuse qu'on a préalablement semée. ● engrais (synonymes) nom masculin (de engraisser)
Synonymes :
- engraissement

engrais
n. m.
d1./d Action d'engraisser. Mettre un boeuf, un porc à l'engrais.
d2./d AGRIC Toute matière qui augmente la fertilité du sol, en constituant un aliment supplémentaire pour les plantes (par oppos. à amendement).
Encycl. On distingue les engrais naturels: fumier, eaux usées, guano, et les engrais chimiques: nitrates, phosphates, sels de potassium, calcium, etc. En ce qui concerne leur action, les engrais plastiques, qui fournissent des apports en grande quantité (azote, phosphore, etc.), s'opposent aux engrais catalytiques, qui fournissent des oligo-éléments (fer, manganèse, chrome, etc.). Enfin, les engrais verts ou verdage, plantes (légumineuses notam.) semées puis enfouies sur place par un labour, enrichissent le sol en matières organiques.

⇒ENGRAIS, subst. masc.
A.— [Dans certaines loc.; en parlant d'un animal] Action d'engraisser. Mettre du bétail, des volailles à l'engrais. Mouton d'engrais. Apte à être engraissé. — Ces deux grands bœufs, sur le devant, sont à l'engrais depuis trois mois; le boucher juif, Isaac Schmoûle, en a envie (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 50).
1. Les nourrins ou petits cochons à l'engrais étaient les favoris de pas mal de pères dans le couvent — affection toute désintéressée, puisque aucune viande ne paraissait jamais dans l'écuelle du Chartreux.
BARRÈS, La Colline inspirée, 1913, p. 116.
Au fig. [En parlant d'une pers.] La vie de province ne lui déplaisait pas; il se trouvait à l'engrais dans sa petite ville, mangeant, dormant, flânant (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 64).
B.— Matières organiques ou chimiques qu'on répand sur la terre ou qu'on y enfonce pour la fertiliser. Répandre de l'engrais dans un champ. Ils ont fait des prairies artificielles, ce qui leur a permis (...) de renouveler la terre à force d'engrais, au point que, dans beaucoup de lieux, elle a changé de couleur (MICHELET, Journal, 1833, p. 113) :
2. Pas un paysan chinois, (...) ne va à la ville sans rapporter, aux deux extrémités de son bambou, deux seaux pleins de ce que nous nommons immondices. Grâce à l'engrais humain, la terre en Chine est encore aussi jeune qu'au temps d'Abraham.
HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 505.
En partic. Engrais chimique, engrais organique (cf. Forest. 1946); engrais humain, engrais vert ou végétal (cf. FÉN. 1970).
Prononc. :[]. Enq. : /, (D)/. Étymol. et Hist. 1. 1510 terres en engrois (Invent. par la cons. de Treourec, Arch. Finist. ds GDF. Compl.); 2. 1559 à l'engrés (d'animaux), (AMYOT, Agis et Cléom., 69 ds LITTRÉ); 3. 1690 « substance qu'on mêle au sol pour le fertiliser » (FUR.). Déverbal de engraisser. Fréq. abs. littér. :211. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 194, b) 349; XXe s. : a) 388, b) 310.

engrais [ɑ̃gʀɛ] n. m.
ÉTYM. 1510; déverbal de engraisser.
1 Loc. adv. et adj. (Animaux). … à l'engrais : de manière à engraisser. || Mettre des bovins à l'engrais, soit à l'herbage, soit à l'étable. Engraissement. || Les porcs à l'engrais ne doivent pas être isolés, mais logés deux par deux. || Mettre des oies, des volailles à l'engrais. Gaver.
Loc. adj. (Techn.). … d'engrais : apte à être engraissé. || Moutons d'engrais.
2 (1690). a L'engrais : substance que l'on mêle au sol pour le fertiliser en y introduisant des principes chimiques immédiatement utiles à la végétation (→ Comice, cit. 2; dépouille, cit. 10). Amendement, fertilisation.
1 (…) l'engrais diffère de l'amendement, en ce que ce dernier est destiné à corriger les défauts d'un sol et non principalement à y introduire des principes immédiatement utiles à la végétation. Pour qu'un engrais soit efficace, il n'est pas nécessaire qu'il apporte des éléments manquant dans le sol; il vient s'ajouter à ceux qui peuvent y être disponibles pour la végétation, en vue d'activer la vigueur de celle-ci.
Omnium agricole, p. 329.
b (Un, des engrais). || Industrie, commerce des engrais. || Emploi des engrais. Chaulage, écobuage, enfouissement, épandage, fumure, plâtrage. || Principaux éléments apportés par les engrais : azote, calcium, fer, magnésium, potassium, phosphate, soufre. || Engrais biologiques, catalytiques, radioactifs.
Engrais végétaux. || Engrais verts : légumineuses fourragères, fanes enfouies dans le sol (ex. : colza, féverole, lupin, seigle, trèfle, vesce). aussi Goémon, tourteau, varech, vinasse; humus.
Engrais animaux ou organiques : les déjections de l'homme (engrais flamand, poudrette, eaux-vannes); les débris animaux (engrais azotés organiques). Colombine, gadoue, guano; égout (eaux d'égout); falun, marne. || Engrais mixtes : mélange d'engrais végétaux et animaux. Compost, fumier (froid ou chaud), lisier, purin.Terres utilisées comme engrais. Limon, tangue, terramare, terreau. || Engrais chimiques (ou minéraux complémentaires, commerciaux). || Engrais potassiques : carbonate, chlorure, sulfate de potassium; kaïnite, sylvinite. || Engrais phosphatés. Phosphate, scorie (de déphosphoration), superphosphate. || Engrais nitriques ou azotés. Crude ammoniac, cyanamide, nitrate (de chaux, de soude), urate. || Engrais binaires, ternaires, renfermant deux, trois éléments de base. || Engrais composés, formés par mélange, et engrais complexes, formés par combinaison chimique ( Ammonitrate).
2 Un peu de sel versé sur les terres glaiseuses est un des meilleurs engrais possibles (…)
Voltaire, Correspondance, Turgot, 18 févr. 1776.
3 (…) le plus fécondant et le plus efficace des engrais, c'est l'engrais humain. Les Chinois (…) le savaient avant nous. Pas un paysan chinois (…) ne va à la ville sans rapporter, aux deux extrémités de son bambou, deux seaux pleins de ce que nous nommons immondices. Grâce à l'engrais humain, la terre en Chine est encore aussi jeune qu'au temps d'Abraham. Le froment chinois rend jusqu'à cent vingt fois la semence. Il n'est aucun guano comparable en fertilité au détritus d'une capitale (…) On expédie à grands frais des convois de navires afin de récolter au pôle austral la fiente des pétrels et des pingouins, et l'incalculable élément d'opulence qu'on a sous la main, on l'envoie à la mer. Tout l'engrais humain et animal que le monde perd, rendu à la terre au lieu d'être jeté à l'eau, suffirait à nourrir le monde.
Hugo, les Misérables, V, II, I.

Encyclopédie Universelle. 2012.