souffle [ sufl ] n. m. A ♦
1 ♦ Mouvement de l'air que l'on produit en expirant avec une certaine force (⇒ souffler). Éteindre dix bougies d'un seul souffle. On le renverserait d'un souffle (tant il est faible).
♢ Le fait ou la capacité de souffler fort, longtemps. Pour jouer du clairon, il faut du souffle.
2 ♦ (1553) Le fait d'expirer l'air qu'on rejette par la bouche, en respirant. ⇒ bouffée, expiration, haleine. Murmurer quelques mots dans un souffle. Recueillir le dernier souffle d'un agonisant. ⇒ soupir. Jusqu'à son dernier souffle.
♢ La respiration; son bruit. « Et j'entendais une respiration. Il y avait un souffle » (Bosco). Souffle saccadé et court : halètement. Retenir, reprendre son souffle. Loc. Couper le souffle (à qqn) : interrompre la respiration régulière; fig. étonner vivement. C'est à vous couper le souffle. ⇒ soufflant. « La dame en a le souffle coupé » (J.-R. Bloch). — Avoir le souffle court : être vite essoufflé. — Loc. Être à bout de souffle, haletant de fatigue; fig. épuisé. « À bout de souffle », film de J.-L. Godard. — Le souffle, du souffle : capacité à ne pas s'essouffler, à garder son souffle, endurance. Avoir du souffle : être hardi. Ne pas manquer de souffle. Il a un certain souffle ! (⇒ aplomb, culot; cf. Il ne manque pas d'air) . — Second souffle : regain d'énergie après un ralentissement (en parlant d'un sportif, d'une entreprise, etc.). Chercher, trouver un (ou son) second souffle.
3 ♦ Fig. Force qui anime, inspire, crée. ⇒ esprit. Le souffle vital. ⇒ 1. élan. Le souffle créateur, divin. « ils apportent seuls sur la planète corrompue un souffle de grandeur et d'honnêteté » (Caillois). Communiquer par le souffle : insuffler. Le souffle d'un écrivain, du génie. ⇒ inspiration. Loc. Avoir du souffle, une inspiration puissante. « Les travaux de Pasteur. Quelle ardeur, quel souffle ! » (Duhamel).
B ♦
1 ♦ (1611) Mouvement naturel (de l'air) dans l'atmosphère. ⇒ bouffée, 2. courant, vent. « Parfois un souffle d'air chargé d'aromes des champs s'engouffrait sous le portail » (Maupassant). Pas un souffle de vent ! — Littér. Faible agitation de l'atmosphère. « Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala » (Hugo). Fleurs agitées au moindre souffle. « Un souffle, une ombre, un rien » (La Fontaine).
2 ♦ Air, fluide déplacé (par une différence de pression). ⇒ poussée. Souffle d'un brasier. « De la cage d'escalier montait un souffle obscur et humide » (Camus). Souffle d'un ventilateur, d'un réacteur. — Spécialt Déplacement d'air très considérable provoqué par une explosion. Le souffle a pulvérisé les vitres. Effet de souffle d'un explosif (bombe, obus).
3 ♦ (1832 bruit de souffle) Méd. Bruit anormal perçu à l'auscultation (du cœur, du poumon, etc.). Par ext. Cour. Avoir un souffle au cœur, une lésion des orifices des valvules déterminant un souffle.
4 ♦ Télécomm. Bruit perceptible lorsqu'un récepteur radio n'est pas accordé sur une station émettrice.
● souffle nom masculin (de souffler) Air qu'on chasse par la bouche en expirant plus ou moins fortement : Attiser les braises avec son souffle. Air exhalé en respirant, respiration ; bruit ainsi produit : Retenir son souffle. Capacité à emmagasiner de l'air dans les poumons, en particulier pour un effort : Manquer de souffle. Agitation de l'air ; courant d'air léger : Il n'y a pas un souffle de vent. Déplacement d'air extrêmement brutal produit par une explosion. Littéraire. Mouvement, élan d'exaltation, d'aspiration profonde, d'inspiration : Un souffle de liberté. Roman qui a du souffle. Littéraire. Inspiration de l'écrivain, de l'artiste : Poète qui manque de souffle. Acupuncture Dans la pensée chinoise, énergie qui constitue et anime à la fois les êtres et le cosmos. (La notion de souffle est essentielle en médecine chinoise. En particulier, l'objet de l'acupuncture est de régulariser les souffles, plus précisément les souffles constitutifs et animateurs de l'homme.) Électroacoustique Ensemble de bruits de hauteur indéfinie émis, en dehors de tout signal utile, par un haut-parleur en fin d'une chaîne de transmission. Médecine Bruit entendu à l'auscultation, ressemblant au son que produit l'air en sortant d'un soufflet. ● souffle (citations) nom masculin (de souffler) Raïssa Maritain 1883-1960 Tous les hommes sont faits du même limon, mais pas du même souffle. Cité par Jacques Maritain dans Carnet de notes, 5 juin 1905 Omar Khayyam Nichapur vers 1047-Nichapur vers 1122 Entre la foi et l'incrédulité, un souffle, Entre la certitude et le doute, un souffle. Sois joyeux dans ce souffle présent où tu vis, Car la vie elle-même est dans le souffle qui passe. Rubaiyyat, 130 (quatrains, Trad. El Anet et Mirza Muhammad) Éditions la Sirène ● souffle (expressions) nom masculin (de souffler) Dans un souffle, d'une voix qu'on peut à peine distinguer. Littéraire. Dernier souffle, dernier soupir. Effet de souffle, modification des conditions thermodynamiques dans un espace donné, créée par une explosion, qui engendre dans l'atmosphère une onde de choc entraînant l'air ambiant avec elle dans son déplacement. Familier. Ne pas manquer de souffle, avoir du culot, de l'aplomb. Second souffle, regain de vitalité chez quelqu'un qui accomplit un effort physique intense ; reprise d'activité après une période de fléchissement dans un domaine quelconque. Littéraire. Souffle vital, la vie elle-même. ● souffle (synonymes) nom masculin (de souffler) Air exhalé en respirant, respiration ; bruit ainsi produit
Synonymes :
- haleine
Agitation de l'air ; courant d'air léger
Synonymes :
- bise
- brise
- courant
- zéphyr
Littéraire. Mouvement, élan d'exaltation, d'aspiration profonde, d'inspiration
Synonymes :
- bouffée
Littéraire. Inspiration de l'écrivain, de l'artiste
Synonymes :
- créativité
- lyrisme
- veine
souffle
n. m.
d1./d Mouvement de l'air que l'on expulse par la bouche ou par le nez.
|| Loc. Avoir le souffle coupé, la respiration interrompue.
— Manquer de souffle: s'essouffler facilement.
— être à bout de souffle: être très essoufflé, hors d'haleine.
— Second souffle: regain d'activité.
d2./d Fig. Inspiration. Le souffle du génie.
d3./d Agitation de l'air causée par le vent. Quel calme! Pas un souffle!
d4./d MED Bruit anormal, évoquant le souffle, perçu à l'auscultation de l'appareil respiratoire ou circulatoire.
d5./d Ensemble des effets de surpression dus à l'onde de choc que produit une explosion.
⇒SOUFFLE, subst. masc.
I. — [À propos d'un être animé]
A. — Déplacement d'air produit en expirant volontairement avec une certaine force; air expulsé. Éteindre avec le souffle, d'un souffle une bougie, une chandelle; ranimer le feu avec son souffle. Mon souffle anime une flûte gracile Dont le joueur léger me serait indulgent (VALÉRY, Alb. vers anc., 1900, p. 83). Les champs de mon enfance, quand (...) je défaisais au souffle de mes jeunes lèvres les bulles des pissenlits (JAMMES, Mém., 1923, p. 211).
— [P. allus. aux Écritures]
♦ [P. allus. à la création de l'homme] Souffle créateur, souffle de vie. Souffle par lequel Dieu a animé le premier homme. Dieu a mis en l'homme le souffle de vie de manière à faire de lui un être animé et vivant, dit la Genèse, 2 (MARCEL 1938).
♦ [P. allus. à la puissance de l'Esprit de Dieu qui s'exprime sans cesse par son souffle, source de vie ou de mort, etc.] Synon. esprit (de Dieu). Le méchant qui a levé sa main contre Dieu, qui a bravé le tout-puissant (...) Dieu le fera périr par le souffle de sa bouche (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 982). La puissance du démon est énorme et sa subtilité extraordinaire, mais d'un souffle Dieu renverse tout cela (GREEN, Journal, 1955, p. 145). V. esprit 1re Section I B 1 ex. de Michelet.
Souffle divin, vital; souffle de Dieu; souffle de vie. Souffle par lequel Dieu anime les êtres vivants et exprime sa puissance. Si nous ne sommes que chair, comme l'animal, cette chair fut-elle animée par le souffle vital — comme elle l'est du reste chez l'animal — la santé, le bon équilibre fonctionnel des organes est le bien suprême (BIOT, Pol. santé publ., 1933, p. 33). Dieu qui donne le souffle de vie, le retire à volonté (Foi t. 1 1968). Au fig. [À propos d'une chose qui traduit la puissance de Dieu, qui est sa volonté] Ce fluide qui, zéphyr au printemps, ou plutôt souffle divin, prodigue la fécondité sur la terre, dans les airs et sous les eaux, appelle du néant et fait éclore les germes et les principes de la vie et de la végétation (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 365).
— [Le souffle en tant que manifestation de l'Esprit] On croyait le recevoir [l'Esprit-Saint] sous la forme d'un souffle mystérieux qui passait sur l'assistance. Plusieurs se figuraient que c'était le souffle de Jésus lui-même (RENAN, Apôtres, 1866, p. 60).
— P. anal.
♦ [Le mal, les catastrophes terrestres étant attribuées au démon; p. oppos. au souffle gén. bienfaiteur de Dieu] Souffle de Satan. Dis-moi donc [Océan] si tu es la demeure du prince des ténèbres. (...) et si le souffle de Satan crée les tempêtes qui soulèvent tes eaux salées jusqu'aux nuages (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 142).
♦ COUTUMES, MAGIE, SORCELLERIE. [Le souffle étant utilisé comme moyen d'obtenir qqc., de jeter ou de conjurer un sort, etc.] Souffle bienfaiteur, malfaisant des fées, des sorciers; souffle ensorceleur:
• 1. Lorqu'un enfant naît [en pays canaque], on envoie à l'oncle maternel une belle monnaie; celui-ci, en retour, fait cadeau d'une petite monnaie et se rend aussitôt auprès du nouveau-né pour lui donner la respiration en lui soufflant dans l'oreille. Si, plus tard, le neveu meurt, l'oncle reçoit une nouvelle monnaie (...) elle symbolise « la respiration du défunt », le souffle donné par l'oncle à la naissance.
Hist. sc., 1957, p. 1496.
— P. hyperb.
♦ On le renverserait d'un souffle, expr. fam. [À propos d'une pers. qui est très faible, qui manque de force, de résistance] Il est si faible qu'on le renverserait d'un souffle (Ac. 1935). Au fig. [À propos d'un inanimé abstr. que l'on peut facilement détruire] Cette objection, ce système, cette intrigue peuvent être renversés d'un souffle (Ac. 1835, 1878).
♦ Balayer qqc. d'un souffle, loc. adv. ou verb. Balayer quelque chose très facilement. N'ai-je pas sous mes sandales l'effigie des peuples vaincus? D'un souffle je balayerai, quand je voudrai, toute cette engeance hébraïque, et nous verrons si leur dieu saura les protéger! (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 326).
— Au fig., littér. Ne tenir qu'à un souffle, loc. verb.
— [Le souffle étant producteur de la voix ou d'un son] En réalité, la voix n'est autre chose que du souffle rendu sonore par des attitudes spéciales du larynx (ARGER, Init. art chant, 1924, p. 98). Chaque voyelle obéit à une disposition articulatoire buccale, de beaucoup prépondérante sur la forme qu'offre le larynx au passage du souffle expulsé des poumons (Arts et litt., 1935, p. 50-3).
♦ [À propos d'un son] Être sur le souffle, loc. verb. L'attaque du son est douce ou sur le souffle, quand les cordes vocales vibrent sur un début d'expiration (Arts et litt., 1935, p. 36-6).
— Absol. Fait ou capacité de souffler fort, longtemps. Avoir, manquer de souffle. Par des sons « filés », c'est-à-dire d'assez longue durée et allant du piano au forte et inversement, ils [les professeurs] habituent les enfants à mesurer et à économiser leur souffle (Enseign. mus., 1, 1950, p. 16).
À plein souffle, loc. adv. À plein poumons; en expirant très fort. Je me mis à jouer de la flûte, d'abord doucement, puis à plein souffle (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 151).
B. — Air que l'on exhale naturellement en respirant; expiration naturelle de l'air inspiré; p. méton., haleine. Souffle de la respiration; souffle agréable, fétide; sentir le souffle de qqn. Il a les lèvres épaisses, la figure commune, le souffle malsain (RENARD, Journal, 1901, p. 649). Entre le souffle de l'âne et celui du bœuf, sur la paille, naissent l'espérance, la possibilité d'un univers pur (ARNOUX, Calendr. Fl., 1946, p. 306).
— À portée de souffle, loc. adv. Très près. Le front brûlé (...), la main attentive de Jos-Mari se tendaient d'en haut vers sa protégée, à portée de souffle (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 165).
— [Le souffle en tant qu'élément et manifestation de la vie]
♦ Le souffle de la vie, le souffle vital. Le médecin présenta un miroir et une lumière à la bouche de l'étrangère: le miroir ne fut point terni du souffle de la vie et la lumière resta immobile. Tout était fini (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 112).
Littér. Tant qu'il nous restera un souffle de vie (...) nous combattrons, nous, ces tendances dégradantes (L. BLANC, Organ. trav., 1845, p. 239). Le dernier souffle. La dernière expiration, la dernière manifestation de la vie. Synon. le dernier soupir. Le dernier souffle d'un agonisant, d'un moribond, d'un mourant; exhaler, rendre le dernier souffle; recueillir le dernier souffle de qqn. Quand le dernier souffle eut enlevé son âme, Mon cœur mourut en moi comme un fruit que la femme Porte mort et froid dans ses flancs! (LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 140). Sulphart reçut sur ses lèvres le dernier souffle du moribond, un geignement horrible, comme s'il avait vraiment rendu sa vie dans ce dernier hoquet (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 289). V. exhaler ex. 7. Jusqu'au dernier souffle, loc. adv. Jusqu'à la mort, jusqu'à la fin. Vieillards mettant leur souverain bien dans l'étude talmudique jusqu'au dernier souffle (WEILL, Judaïsme, 1931, p. 187).
♦ N'avoir que le souffle loc. verb., fam., vx. [Le suj. désigne une pers.] Être très faible, avoir peu d'énergie. Ma femme me trompait (...) et personne n'osait le dire (...) Eh bien, Gargaret a eu ce courage, il me l'a dit, lui! (...) Au premier mot, je lui réponds: « Es-tu bête? ma femme, une nature frêle, maigre, qui n'a que le souffle (...) » (LABICHE, Doit-on le dire? 1873, I, 11, p. 27).
C. — P. méton.
1. Respiration (comprenant l'inspiration et l'expiration). Synon. haleine. Souffle haletant, léger, pénible, régulier, ronflant, saccadé. La sueur au front, le souffle oppressé et douloureux, il tira son mouchoir et s'épongea la figure (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 903). Son cœur bat, son souffle s'accélère (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 55).
— Loc. verb.
♦ Retenir, suspendre son souffle. Maîtriser ou arrêter momentanément sa respiration pour mieux écouter ou ne pas faire de bruit. Il était comme un homme qui retient son souffle et craint de respirer, de peur que l'illusion ne cesse (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1551). Parfois il suspendait son souffle pour écouter la respiration de la douce poitrine, où la vie semblait s'être éteinte (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 261). [Involontairement, sous l'effet d'une émotion, d'une attente] Toute cette salle, hier soir, captivée, retenant son souffle (...) que cela paraît étrange si l'on songe à ce que signifie ce Soulier de Satin (MAURIAC, Nouv. Bloc-Notes, 1958, p. 144).
♦ Couper le souffle (fam.). [Surtout avec pron. antéposé] Interrompre la respiration régulière; au fig., étonner vivement, stupéfier. C'est à vous couper le souffle. L'ébahissement lui coupa le souffle (COURTELINE, Train 8 h. 47, 1888, p. 33). Relu les Contes Cruels de Villiers de l'Isle-Adam. Bloy s'y retrouve, le fignolage de la phrase violente, l'effet subit, la fin qui vous coupe le souffle (GREEN, Journal, 1952, p. 153). Coupe-souffle. [En appos. avec valeur d'adj., rare] Étonnant, inquiétant. Faisons, douloureusement, un choix parmi cent visions coupe-souffle (L'Express, 9 août 1976, p. 15, col. 1). Au passif. (En) avoir le souffle coupé. Avoir la respiration momentanément arrêtée sous l'effet d'un phénomène physique ou psychologique (vive émotion); au fig., être vivement étonné, stupéfait. Il y avait une telle certitude dans sa voix que j'en eus le souffle coupé (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 329). Elles rendent [ces machines à vertige] des êtres blêmes, chancelants, à la limite de la nausée. Ils viennent de pousser des hurlements d'effroi, ils ont eu le souffle coupé et ont ressenti l'affreuse impression qu'à l'intérieur d'eux-mêmes, jusqu'à leurs organes avaient peur et se faisaient petits comme pour échapper à un horrible assaut (Jeux et sports, 1967, p. 172).
2. P. méton.
a) Bruit fait en respirant. Écouter le souffle de qqn. On entendait le souffle du cheval dans les brancards, avec un cri d'oiseau très faible, répété (FLAUB., Éduc. sent., 1869, p. 157).
b) P. ext., vieilli, littér. Bruit de voix diffuses et imperceptibles. Un grand souffle désespéré monta du boulevard et gonfla le rideau. — À Berlin! À Berlin! (ZOLA, Nana, 1880, p. 1485).
— Loc. adj. ou verb.
♦ (Dire qqc.) dans un souffle. (Dire quelque chose) très doucement, très bas, d'une voix à peine audible. L'abbé répondait faiblement, un peu hagard, dans un souffle: « Dieu y pourvoira! » (ARNOUX, Crimes innoc., 1952, p. 293).
♦ Lâcher, laisser échapper un souffle de + subst. désignant un état d'esprit, un sentiment. Laisser échapper un léger sifflement exprimant notamment la peur, le dédain, la moquerie, le scepticisme ou une désapprobation agacée. Lui, absorbé, ne lâchant de loin en loin qu'un petit souffle de dédain, achevait silencieusement la bouteille de cognac (ZOLA, Nana, 1880, p. 1308).
c) En partic. Bonne capacité respiratoire permettant des efforts physiques soutenus et en partic. de souffler pendant longtemps; temps pendant lequel on peut rester sans respirer. Synon. haleine. Il faut du souffle pour jouer de la trompette. Le souffle lui manquait; elle dut ralentir un peu, porta la main à sa poitrine (GREEN, Journal, 1934, p. 256).
— Locutions
) [L'idée est celle de bonne capacité respiratoire] Loc. adj. et verb.
♦ Avoir du souffle, loc. verb. Pouvoir soutenir de façon prolongée un effort physique; avoir de l'endurance. On jouera surtout au pied. Mais si vos avants ont du souffle, de l'entrain... (AYMÉ, Nain, 1934, p. 240).
♦ (Être) en souffle, loc. adj. ou verb. (Être) en forme, (avoir une) respiration aisée, régulière. L'athlète surentraîné est moins « en souffle » (Féd. Franç. Athlétisme, Cahiers, 1939 ds PETIOT 1982).
♦ Ne pas manquer de souffle (au fig., pop., fam.). Avoir de la hardiesse, de l'aplomb, du culot. Synon. fam. ne pas manquer d'air. [Fifi:] On voulait seulement te dire un mot... Il manquait pas de souffle, le Fifi. J'ai dit: — Vous vouliez uniquement me refiler quelques valves dans le tronc (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 21).
) [L'idée est celle d'une mauvaise capacité respiratoire]
♦ À perte de souffle, loc. adv. Sans s'arrêter, interminablement; jusqu'à l'épuisement. Courir à perte de souffle. Au fig. Juifs askenazim ou sefardim (...) passent des siècles à commenter à perte de souffle bible et talmud, et à commenter leurs commentaires (WEILL, Judaïsme, 1931, p. 32).
♦ Loc. adj. ou verb.
(Être) à bout de souffle. (Être) haletant de fatigue; p. méton., (être) épuisé. Très pâle, les lèvres entr'ouvertes, il paraissait à bout de souffle, comme s'il avait reçu au cœur un coup violent (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 111). Nous nous mîmes à courir à en perdre haleine. (...) nous arrêtâmes à bout de souffle dans la grande allée des cyprès (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 130). P. anal. [En parlant d'un inanimé] (Être) à bout de souffle. (Être) en mauvais état, usé. Bagnole, stylo à bout de souffle. Ils louèrent (...) un local délabré et achetèrent un harmonium à bout de souffle (Enseign. mus., 2, 1950, p. 10). Au fig., fam. (Être) à bout de souffle. (Être) fatigué, épuisé. À peine ces renseignements fournis, il avait semblé que l'intérêt de la réunion fût épuisé et notre curiosité à bout de souffle (ESTAUNIÉ, Appel route, 1921, p. 10). [Le plus souvent à propos d'une entreprise, d'une industrie ou d'industriels] L'économie capitaliste [en Allemagne] paraissait aux uns atteindre le comble de la puissance, tandis que d'autres — ou les mêmes — la voyaient à bout de souffle (Arts et litt., 1936, p. 48-5).
(Être) hors de souffle. (Être) essoufflé. Alors un énergumène convulsif, enroué, suant, hors de souffle, qui avait dévalé l'escalier quatre à quatre se précipita dans la salle (ARNOUX, Roi, 1956, p. 273).
(Avoir) le souffle court; (être) à court de souffle (v. court1 I B 6). Être essoufflé. Synon. (avoir la) courte haleine, (être) à bout de souffle (supra), manquer de souffle (infra). À court de souffle et peu résistant par la voix, Karl Marx (...) a laissé à ses disciples la charge et la gloire de répandre ses idées par la parole (WICART, Orateur, t. 2, 1936, p. 251). Verdâtre, les lèvres cireuses, les paupières plombées, le souffle saccadé et court (CAMUS, Peste, 1947, p. 1232). Au fig. [Le suj. désigne une activité humaine] Ne pas être en bon état, perdre de son dynamisme. Synon. s'essouffler. Les gouvernements sont obligés aussitôt de ralentir l'allure de l'économie, qui a le souffle court depuis que les marchés de capitaux ne fournissent plus les disponibilités nécessaires (Le Monde, 7 janv. 1968, p. 9, col. 5-6).
♦ Loc. verb.
Ne pas/ne plus avoir de souffle. Être essoufflé. J'ai monté l'escalier quatre à quatre. Je n'ai plus de souffle (COCTEAU, Parents, 1938, I, 3, p. 200).
Manquer de souffle. Être essoufflé; ne pas avoir assez d'endurance. Je crains de manquer de souffle au dernier moment pour cette dernière côte à gravir (GIDE, Journal, 1944, p. 276). P. anal. [En parlant d'un inanimé] Mal fonctionner. Des ratés d'allumage et des toussotements sont perceptibles. Le moteur manque de souffle et fonctionne mal (CHAPELAIN, Techn. automob., 1956, p. 352).
Perdre le souffle. Se fatiguer, peiner, s'essouffler après un effort physique. On convint que M. Roux réciterait son poème en accompagnant les deux professeurs (...) sur les Tournelles, dont la pente douce ne lui ferait pas perdre le souffle (FRANCE, Mannequin, 1897, p. 84). P. anal. [En parlant d'un inanimé] Fonctionner irrégulièrement, mal ou pas du tout; avoir des ratés. Sur une côte des plus rudes (...) l'autobus perdait le souffle et reculait (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 261).
) [L'idée est celle de reprendre sa respiration]
— Loc. verb.
♦ Prendre (son) souffle. Inspirer profondément avant un effort physique. Pour prendre souffle, il enflait son torse en poche de biniou, écrasant ses trois mentons entre sa mâchoire baissée et son thorax soulevé (HAMP, Marée, 1908, p. 23). Si l'escalier est long et raide, je prends mon souffle, et j'adopte un rythme qui ne serait pas celui d'un « cent mètres » (RUYER, Cybern., 1954, p. 90).
♦ Reprendre (son) souffle. Reprendre sa respiration, le plus souvent en marquant un temps de pause. Synon. reprendre haleine, souffler. Je m'étais assis pour reprendre souffle (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 196). À l'occasion d'une colère, de pleurs, un enfant « se pâme » mais reprend vite son souffle (QUILLET Méd. 1965, p. 479). Au fig. Marquer un temps de pause pour rétablir une situation compromise. [Lénine] signe le traité de Brest-Litovsk sans — à peine — le lire. Il le considère en effet comme une simple paix de Tilsit, qui lui est nécessaire pour reprendre souffle (BILLOTTE, Consid. strat., 1957, p. 40-02).
♦ Trouver un nouveau souffle (au fig.). Trouver une nouvelle vitalité. Le Luxembourg a trouvé un nouveau souffle en faisant de sa capitale la rivale des havres fiscaux plus lointains (P. URI, L'Europe se gaspille, 1973, p. 14).
— Loc. subst. ou verb. [Le plus souvent empl. avec les verbes donner, prendre, trouver...] Deuxième souffle (rare), second souffle. Impression de soulagement et de retour d'un rythme respiratoire normal éprouvé après un effort physique intense. Sportif qui retrouve son second souffle. Le second souffle a plus d'importance en demi-fond que sur les distances de 800 à 1 500 mètres (Féd. Franç. Athlétisme, Les Courses, 1939 ds PETIOT 1982). Au fig. Deuxième souffle (rare), second souffle. Nouvelle période d'activité dans un domaine quelconque. Mais les Comités d'Expansion cherchent aussi à travers ce congrès un deuxième souffle (L'Express, 13 juin 1966, p. 63, col. 2). C'est l'administration bien souvent qui est « le demandeur » de réforme, puis qui en assure le « second souffle » (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 437). P. méton. et p. plaisant. [Appliqué aux pers. ayant atteint la quarantaine] Des réformes, des recettes déclinées pour tous les âges, pour les moins de seize ans, pour les adolescentes, pour les dix-neuf-trente-quatre ans, pour le « second souffle » jusqu'à cinquante-quatre ans (Le Nouvel Observateur, 7 juin 1976, p. 69, col. 2).
♦ Au fig. Troisième souffle. Regain de vitalité après plusieurs périodes d'essoufflement, de difficultés. Pour se donner un troisième souffle, l'Afrique du Sud devra-t-elle donc abandonner la Namibie? (Le Nouvel Observateur, 3 mai 1976, p. 49, col. 1).
D. — Au fig. [Le souffle en tant qu'influence immatérielle qui inspire un créateur; à propos d'un artiste, d'un écrivain, d'un homme de science ou de son œuvre] Énergie créatrice, richesse d'inspiration. Le souffle du génie; le souffle d'un écrivain. [Meissonier] apparaît actuellement (...) comme (...) n'ayant jamais rien pensé de grand ou de profond, sans souffle, sans largeur, sans originalité (MAUCLAIR, De Watteau à Whistler, 1905, p. 162).
— Un souffle de + compl. désignant l'auteur, l'artiste ou le lieu que rappelle l'œuvre ou qui l'a inspirée. Il y a dans Berkeley comme un souffle de Malebranche, et Wolf est un écolier de Leibniz (COUSIN, Hist. gén. philos., 1861, p. 525).
— Locutions
♦ Loc. subst. Manque de souffle. L'originalité commence à manquer; pour les meubles usuels, on se contente le plus souvent de recopier les formes de l'époque précédente. (...) mille tendances s'affrontent, se succèdent, se remplacent. Le manque de souffle a comme première conséquence le retour aux styles du passé (VIAUX, Meuble Fr., 1962, p. 154).
♦ Loc. verb.
Avoir du souffle. Avoir une inspiration riche et soutenue. Ces pages [de M. Zeller] sur César ont du souffle et sont d'un écrivain (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 9, 1865, p. 332).
Avoir le souffle divin (vieilli). [Albert] avait en lui le souffle divin, l'intelligence et l'amour du beau (SAND, Consuelo, t. 2, 1842-43, p. 26):
• 2. On peut lui trouver [à Chénier] même de l'élégance et de l'harmonie; ce qui lui manque, c'est le charme; il n'a point le souffle divin, mais c'est son frère qui l'avait bien éminemment; c'est celui-là qui était poète. Chénier a sûrement du talent, mais c'est un talent fait, un talent artificiel.
CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1807, p. 20.
Manquer de souffle. Être à court d'imagination; manquer d'originalité, d'élan, de vie. Mlle Henriette Sauret a publié, paraît-il, un volume intitulé:Je respire... (...) Il se peut que Mlle Henriette Sauret respire. Elle manque en tout cas complètement de souffle (LÉAUTAUD, Théâtre M. Boissard, 1926, p. 226).
II. — [À propos d'un inanimé]
A. — Mouvement de l'air.
1. Littéraire
a) ) Mouvement naturel de l'air dans l'atmosphère, vent. Synon. bouffée, courant, rafale. Souffle furieux, glacial, violent; souffle de vent; souffle de la bise, de l'orage, du zéphir. Un grand souffle me passa sur le visage. Le vent s'élevait! (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Épave, 1886, p. 724). La touche picturale [dans les tableaux de Van Gogh] tournoyant à la manière dont la pluie d'un orage suit les souffles qui la happent, accentue la danse frénétique des éléments (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 91).
♦ Au fig. Mouvement, manifestation, poussée. Être renversé par le souffle de l'adversité. L'expérience faite dans la Mitidja n'a que trop prouvé l'impossibilité de protéger la colonisation par fermes isolées, (...). Elle a disparu au premier souffle de guerre (H. BUGEAUD, 1841 ds Doc. hist. contemp., p. 183).
) Faible agitation de l'air; vent léger et agréable. Synon. brise, haleine, zéphir. Souffle chaud, frais, léger, tiède; petit souffle. Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle; Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala (HUGO, Légende, 1859, p. 86). Le cheval était bien toujours là, tendant le cou vers les souffles frais de la Meuse (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 450).
b) P. méton. Odeur, vapeur qui s'exhale d'un lieu. Synon. bouffée, exhalaison. Souffle agréable, léger, parfumé; souffle des champs, des pelouses. Et c'étaient les violettes qui revenaient toujours (...) une mer de violettes (...) les accompagnant du souffle de leurs fleurs (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1348). Au sortir de Putney, le souffle des pelouses et des espaces champêtres les reçut [des voyageurs] dans sa délicate odeur humide (LARBAUD, Amants, 1923, p. 37).
c) Au fig.
) Manifestation subtile de quelque chose. Synon. bouffée, vent. Un souffle de bonté traversait ce film russe [Okraïna] mis en scène par Boris Barnett avec une sorte de ferveur dans la simplicité (Arts et litt., 1936, p. 34-5).
) Mouvement d'exaltation, d'inspiration profonde. Synon. vent. Les postes de garde furent renforcés et ces tentatives cessèrent assez rapidement. Elles suffirent, cependant, pour faire lever dans la ville un souffle de révolution qui provoqua quelques scènes de violence (CAMUS, Peste, 1947, p. 1356). La semaine dernière, les ouvriers des Chaussures Lusso, à Romans, ont occupé leur usine pendant cinq jours. On a senti, en novembre, passer le souffle de mai. Ce n'est pas encore la tempête (L'Express, 11-17 nov. 1968, p. 53, col. 3).
2. Mouvement de l'air produit par une machine ou dû à une cause autre qu'atmosphérique. Souffle d'un brasier, d'un compresseur, d'une hélice, d'un réacteur, d'une soufflerie, d'un soufflet, d'un ventilateur. L'éclaboussement des étincelles, le rayonnement, le souffle de la forge et du feu (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 142).
— P. ext. Mouvement de l'air provoqué par le déplacement d'un objet. Souffle d'un éventail. Le souffle de cette porte que j'ai ouverte, un soir, devait éteindre à jamais mon bonheur, comme il aurait éteint une lampe débile (MAETERL., Trésor humbles, 1896, p. 190).
— En partic. Violent déplacement d'air produit par une explosion. Souffle des explosions, des déflagrations; effet de souffle d'une bombe, d'un canon, d'un explosif, d'un obus. L'éclatement [des obus explosifs] provoque dans l'air un ébranlement intense, connu sous le nom de souffle du projectile (PALOQUE, Artill., 1909, p. 122). L'effet de souffle atomique se distingue nettement de l'effet de souffle des explosifs classiques non seulement par sa puissance propre mais par sa nature (BILLOTTE, Consid. strat., 1957, p. 40-16).
B. — Bruit.
1. Littér. [À propos d'une chose concr., le plus souvent d'un mécanisme ou d'un instrument de mus.] Bruit régulier qui rappelle celui de la respiration. On entendait le souffle huilé de l'ascenseur qui descendait (BUTOR, Passage Milan, 1954, p. 11). L'on n'entendit que (...) le souffle d'un petit train lointain (COLETTE, Pays. et portr., 1954, p. 76).
— Loc. adj., fam. À bout de souffle. Au son inharmonieux, discordant; p. méton., en mauvais état, usé; qui fonctionne mal. Un ronflement d'obus à bout de souffle nous courba tous (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 265).
2. Spécialement
a) MÉD., PATHOL. Bruit normal ou pathologique de l'appareil respiratoire ou circulatoire perçu à l'auscultation, et qui ressemble au bruit d'une colonne d'air (ou de liquide) dans un conduit. Souffle respiratoire; souffle aortique, anorganique, cavitaire, cardiaque, cardio-pulmonaire, diastolique, mitral, placentaire, systolique, utérin, vasculaire; avoir un souffle au cœur; souffle au cœur. La respiration soufflante devient un souffle doux, puis un souffle intense, sans atteindre encore au souffle tubaire (CADET DE GASSICOURT, Mal. enf., t. 1, 1880, p. 207). À l'auscultation, on perçoit un fort bruit de souffle, retentissant jusque dans les parties saines, lors de « pleurésie sèche », ou affaibli et voilé si l'épanchement est abondant (NOCARD, LECLAINCHE, Mal. microb. animaux, 1896, p. 235).
b) ÉLECTRO-ACOUST. Ensemble de bruits parasites internes émis par un haut-parleur que l'on perçoit surtout durant les intervalles d'une transmission et qui a pour origine l'agitation thermique des atomes. Synon. bruit de fond. La platine magnétophone à cassette est équipée du système Dolby. Ce système, réducteur de bruit, fait disparaître le « souffle » de la bande souvent perceptible à bas niveau sonore, à l'enregistrement comme à la lecture (Le Point, 5 déc. 1977, p. 131, col. 2).
c) PHONÉT. Bruit continu qui accompagne l'articulation des consonnes dites aspirées. La plupart des observateurs (...) ont été induits en erreur par le souffle sourd plus ou moins long qui, dans ces langues (germaniques), sépare une occlusive sourde de la liquide qui vient après (GRAMMONT 1950, p. 74).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1160 « mouvement de l'air que l'on produit en expirant avec une certaine force » (Enéas, éd. J.-J. Salverda de Grave, C.F.M.A., 7712: sofle); 2. a) ) 1553 « respiration, expiration de l'air inspiré » (Bible, impr. J. Gerard, Eccl., 28, 14 d'apr. FEW t. 12, p. 408b); ) 1636 dernier souffle (MONET); b) ) 1846 manquer de souffle fig. (COUSIN, Hist. philos. mod., t. 4, p. 28); ) 1885 le souffle coupé par fig. (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Pte Roque, p. 1040); ) à bout de souffle 1887 « épuisé » (ZOLA, Terre, p. 504); 1960 au fig. (GODARD, A bout de souffle [titre de film]); ) 1910 avoir du souffle « être hardi » (d'apr. ESN. 1966); c) second souffle ) 1907 sports (L'Auto, 5 mai ds PETIOT 1982); ) 1964 au fig. en style journalistique (ROB.); 3. a) 1562 « inspiration » (BONIVARD, Amartigenée, p. 78 ds LITTRÉ); b) 1671 « force qui anime, inspire » (LA FONTAINE, Le Songe de Vaux ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 8, p. 257). B. 1. 1604 « mouvement naturel de l'air » (MONTCHRESTIEN, Hector ds les Tragédies, éd. Petit de Julleville, p. 32 ds IGLF); 2. a) 1636 « air déplacé (par une différence de pression) » (MONET: souffle du canon); b) 1909 « déplacement d'air produit par une explosion » (PALOQUE, loc. cit.); 3. méd. a) 1833 souffle (Journ. de méd. et de chir. pratiques, IV, p. 390 ds QUEM. DDL t. 8); b) 1837 bruit de souffle (A. RACIBORSKI, Précis pratique et raisonné du diagnostic, pp. 775-6, ibid.); 4. 1949 phys. (Nouv. Lar. ill.). Déverbal de souffler. Fréq. abs. littér.:5 551. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 5 745, b) 9 216; XXe s.: a) 10 333, b) 7 547. Bbg. MUDIMBE (V. Y.). Air: ét. sém. Wien, 1979, pp. 447-448.
souffle [sufl] n. m.
ÉTYM. V. 1220, sens II.; sofle, v. 1130; de souffler.
❖
———
1 (1611). Mouvement naturel de l'air dans l'atmosphère. ⇒ Bouffée (cit. 2), courant, haleine, rafale (cit. 3); vent. || Un souffle d'air (→ Immuable, cit. 2; polir, cit. 10), de vent. || Les souffles de l'autan (cit. 3), de la brise. || Les premiers souffles de l'orage (→ Gonfler, cit. 4). || Un souffle glacial (cit. 1), tiède (→ Miséricordieux, cit.), chaud et parfumé (→ Aromate, cit. 5). || Le souffle du vent dans le feuillage. ⇒ Bruit. — Spécialt. Faible agitation de l'atmosphère. || Pas un souffle de vent n'agitait (cit. 2) les arbres. ⇒ Brin. || « Le beau lac de Némi qu'aucun souffle ne ride » (→ Candide, cit. 3). || Fleurs agitées au moindre souffle (→ Lys, cit. 13). — Fig. || « Un souffle, une ombre, un rien » (cit. 84).
1 Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.
Hugo, la Légende des siècles, VI.
2 Parfois un souffle d'air chargé d'aromes des champs s'engouffrait sous le portail et, en soulevant sur son passage les longs rubans des coiffures, il allait faire vaciller sur l'autel les petites flammes jaunes au bout des cierges (…)
Maupassant, Contes de la Bécasse, « Les sabots ».
2 (1636). Air, fluide déplacé par une différence de pression. ⇒ Poussée. || « Comme fond (cit. 13) une cire au souffle d'un brasier ». || Souffle d'un ventilateur, d'une soufflerie; d'une hélice, d'un réacteur. — Spécialt. || Effet de souffle d'un explosif (bombe, obus). ⇒ Soufflant, souffler.
3 La maison était calme et des profondeurs de la cage d'escalier montait un souffle obscur et humide.
Camus, l'Étranger, I, III.
3 (1833; bruit de souffle, 1832, in D. D. L.). Bruit anormal perçu à l'auscultation, dans l'appareil respiratoire ou circulatoire, et qui ressemble au bruit d'une colonne d'air (ou de liquide) dans un conduit. || Souffles au cœur, souffles cardiaques, souffle cardio-pulmonaire (systolique), mitro-aortique (souffle en écharpe), extra-cardiaque ou anorganique. || Souffle diastolique. || Souffles vasculaires. Par ext. (cour.). || Avoir un souffle au cœur, une lésion des orifices des valvules déterminant un souffle.
4 (1949). Phys. Bruit dans un récepteur d'ondes radioélectriques, ayant pour origine l'agitation thermique des atomes. || « Il est parfois utile d'annuler le fonctionnement du décodeur (en stéréo) ce qui réduit notablement le souffle » (Science et vie, no 105, p. 61, 1974).
———
II
1 Mouvement de l'air qu'une personne produit en expirant avec une certaine force. ⇒ Souffler. || Éteindre dix bougies d'un seul souffle. — Par hyperb. || On le renverserait d'un souffle : il est très faible.
4 Laissez. — Tous ces enfants sont bien là ! — Qui vous dit
Que la bulle d'azur que mon souffle agrandit
À leur souffle indiscret s'écroule ?
Hugo, les Feuilles d'automne, XV.
5 Une grande voix de fauve baryton, à long souffle, persiste à travers les sons acérés d'un chat ténor habile aux trémolos, aux chromatiques aiguës (…)
Colette, la Naissance du jour, p. 33.
♦ Absolt. || Le souffle : le fait ou la capacité de souffler fort, longtemps. || Pour jouer du clairon, il faut du souffle.
2 (1553). Fait d'expirer, air qu'on rejette par la bouche, en respirant. ⇒ Bouffée, expiration, haleine. || Exhaler un souffle empoisonné (→ Haleine, cit. 6). — ☑ Loc. Le dernier souffle. ⇒ Soupir (→ Expirant, cit. 3; 2. râle, cit. 2). || Recueillir le dernier souffle d'un agonisant (⇒ Mort, mourir). || Défendre ses convictions jusqu'à son dernier souffle.
6 Un jour, le dernier d'entre eux exhalera sans haine et sans amour dans le ciel ennemi le dernier souffle humain.
France, le Jardin d'Épicure, p. 26.
7 Que mon dernier souffle, emporté,
Dans les parfums du vent d'été,
Soit un soupir de volupté !
Charles Cros, Nocturne.
♦ (1553). La respiration; son bruit. || Le souffle d'une respiration haletante (cit. 5). || Le souffle ronflant d'un chien (→ Ébrouement, cit. 3). || Souffle léger (→ Parfum, cit. 4). || Souffle brutal (→ Hoquet, cit. 5), hâtif (→ Démarche, cit. 1), pénible (→ Passer, cit. 74), saccadé et court (→ Étouffer, cit. 43)… ⇒ Halètement. || Un souffle harmonieux, symbole du beau style (→ Écrire, cit. 52). — Retenir son souffle (→ Ramper, cit. 5). ☑ Loc. Couper (cit. 25.4) le souffle : interrompre la respiration régulière, et, fig., étonner vivement. || C'est à vous couper le souffle. ⇒ Soufflant. — Avoir le souffle court : être vite essoufflé.
8 Pour elle une foule était un souffle; et au fond ce n'est que cela. Les générations sont des haleines qui passent. L'homme respire, aspire et expire.
Hugo, l'Homme qui rit, II, II, IX.
8.1 (…) en ce qui concerne, par exemple, la question du souffle, là où chez l'acteur le corps est appuyé par le souffle, chez le lutteur, chez l'athlète physique c'est le souffle qui s'appuie sur le corps.
Cette question du souffle est en effet primordiale, elle est en rapport inverse avec l'importance du jeu extérieur.
A. Artaud, le Théâtre et son double, Idées-Gallimard, p. 196.
9 Et j'entendais une respiration. Car on respirait à côté de moi; il y avait un souffle; l'haleine tiède m'en était parfaitement sensible. Quelqu'un était entré en silence dans l'église, à mon insu.
H. Bosco, Un rameau de la nuit, p. 218.
10 Ciel Quelle noblesse ! Quelle hauteur ! La dame en a le souffle coupé.
J.-R. Bloch, la Nuit kurde, p. 68.
3 (Dans des loc.). Respiration aisée, régulière.
♦ ☑ À bout de souffle. || Être à bout de souffle, haletant de fatigue, et, par ext., épuisé (→ Caquetage, cit. 2); au fig. (→ À bout de course). || « À bout de souffle », film de J.-L. Godard (1960). — Reprendre souffle (→ Change, cit. 5). ⇒ Souffler (I., 2., supra cit. 5 et 6). || Reprendre son souffle.
♦ (1909). || Athlètes bien en souffle (→ Gymnase, cit. 4). — (1907). || Trouver son second souffle : reprendre une respiration aisée après un moment d'essoufflement.
♦ ☑ (1965, in Petiot). Fig. Second souffle : reprise d'une activité, regain d'énergie. || « L'U. R. S. S. est aujourd'hui à la recherche de son “second souffle” » (le Figaro, 17 nov. 1966). || Trouver, prendre son second souffle. || Donner son second souffle à une entreprise. — || « Après plus de soixante films, il cherchait son deuxième souffle » (l'Express, 16 janv. 1978).
♦ (Av. 1871, Littré). || Le souffle, du souffle : capacité à ne pas s'essouffler, à garder son souffle; endurance. || Avoir, manquer (⇒ Poussif) de souffle. — Fig. || Avoir du souffle, une inspiration puissante, soutenue (→ ci-dessous, 4.).
11 (…) j'ai le cœur fatigué… (Je fume trop). Au bout de vingt ans, je perds le souffle.
Gide, Ainsi soit-il, p. 33.
12 (…) l'essoufflement est très intense, provoquant même une certaine sensation de malaise. Mais, bientôt, apparaît un phénomène physiologique assez curieux, désigné sous le nom de second souffle. Il consiste en un ralentissement du rythme, une diminution de la ventilation pulmonaire, donc (…) une diminution apparente du degré d'essoufflement bien que l'intensité du travail effectué reste constante (…)
R. Fabre et G. Rougier, Physiologie médicale, p. 802.
12.1 — Dites donc, mon petit, puisque vous êtes en souffle, ces jours-ci, vous ne voudriez pas, au lieu de leçon… (— Nous y voilà). — Au lieu de leçon, faire un petit assaut amical avec ce Monsieur ? Venez que je vous présente.
Jean Prévost, Plaisir des sports, p. 81.
♦ ☑ (1910). Loc. fam. Avoir du souffle : être hardi, effronté. || Il a un certain souffle ! ⇒ Aplomb, culot (→ Il ne manque pas d'air).
4 (1562, spécialt; XVIIe). Par métaphore, fig. Influence immatérielle de la force qui anime, inspire, crée… ⇒ Aspiration (divine), aura, esprit, effluve, émanation (cit. 9), exhalaison. || Le souffle créateur, divin, animateur. ⇒ Âme (cit. 17; et → Animer, cit. 1; brûlant, cit. 10). || Communiquer par le souffle. ⇒ Insuffler. || Le souffle de la grâce (cit. 26). || Souffle prophétique (cit. 1). || Le souffle vital, de la vie. ⇒ Âme, pneuma. — N'avoir plus qu'un souffle de vie (⇒ Frisson) : être très faible, agonisant. — En proie (cit. 12) à tous les souffles. — Un souffle de colère le soulevait (→ Casser, cit. 6).
13 Enfin, le 5, à six heures moins onze minutes du soir, au milieu des vents, de la pluie et du fracas des flots, Bonaparte rendit à Dieu le plus puissant souffle de vie qui jamais anima l'argile humaine.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. IV, p. 80.
♦ Spécialt. || Le souffle d'un écrivain, du génie… ⇒ Inspiration (→ Inconnu, cit. 33; inspirer, cit. 3). || Un souffle puissant, qui emporte tout (→ ci-dessus, 3., fig. : avoir du souffle).
14 (…) j'ai recherché, dans la bibliothèque de l'Institut, les travaux de Pasteur. Quelle ardeur, quel souffle, et, surtout, quelle admirable logique !
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VI, XVII.
15 (…) ce que nous savons, c'est qu'il y avait dans certaines de vos œuvres antérieures un souffle… un souffle… qui emportait tout.
J. Anouilh, Ornifle, I.
Encyclopédie Universelle. 2012.