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EXPOSITION
EXPOSITION

Les expositions prennent dans la vie culturelle une place toujours plus importante, au point que des réactions apparaissent pour en déplorer les éventuels excès, tenant soit à la saturation du public concerné, soit, en ce qui concerne les professionnels, à la prépondérance accordée parfois à l’accrochage au détriment des objets exposés.

De telles préoccupations sont toutefois étroitement limitées aux lieux où se concentrent traditionnellement les débats propres aux milieux cultivés, dans les grandes capitales occidentales – européennes et nord-américaines essentiellement – dont Paris constitue un point particulièrement sensible. Il est important également de replacer le phénomène de l’exposition dans son histoire, ainsi que dans l’ensemble des dimensions qui le définissent – et pas seulement dans la dimension artistique, qui n’en est qu’un cas particulier.

Le terme «exposition», en effet, implique à la fois rassemblement et présentation d’un certain nombre d’objets: ce qui sous-entend que ceux-ci possèdent une valeur, et qu’ils intéressent un public. Or les motifs de cet intérêt peuvent être aussi divers que les valeurs qui s’y trouvent investies. On distinguera ainsi quatre grands types de fonctions assumées par les expositions: une fonction, tout d’abord, qu’on peut appeler symbolique , de glorification religieuse ou politique, liée à la valeur ostentatoire des objets (par exemple, expositions des trésors des églises ou des butins militaires); deuxièmement, une fonction commerciale , liée à la valeur marchande (sous la forme, très ancienne également, des foires et, ultérieurement, des Expositions universelles ou encore des nombreux Salons organisés régulièrement dans les grandes villes); troisièmement, une fonction documentaire , liée à la valeur informative ou scientifique (muséums, musées scientifiques et techniques, écomusées, et toutes les expositions documentaires organisées par les divers organismes de diffusion des connaissances); enfin, une fonction esthétique , liée à la valeur artistique des œuvres: fonction relativement récente (le dictionnaire ne l’enregistrera qu’à l’extrême fin du XVIIIe siècle, alors que le sens commercial du terme y apparaît dès le milieu du XVIe), mais qui tend à devenir de façon pour ainsi dire paradigmatique la signification du mot, celle à laquelle on pense spontanément. Il est clair, cependant, que ces différentes fonctions ne s’excluent pas et peuvent s’associer dans une même exposition: le prestige international et la délectation pour un grand rassemblement de chefs-d’œuvre de l’art, la délectation et l’information pour une exposition d’objets archéologiques, etc.

L’exposition et le marché

L’histoire nous apprend d’ailleurs que la fonction esthétique se dégage progressivement d’une fonction commerciale autrefois prépondérante. Ainsi, dans le cas de la peinture, la nécessité d’exposer n’est apparue qu’à partir du moment où le système traditionnel de la vente au public, dans l’atelier-échoppe ouvert sur la rue, fut sinon interdit, du moins déconseillé aux peintres qui voulaient se dégager de leur affiliation à l’artisanat et conquérir un statut «libéral», comme ils s’y efforcèrent en France, dans le cadre du mouvement académique, dès le milieu du XVIIIe siècle, à l’imitation de leurs prédécesseurs italiens. Ainsi, le Discours prononcé en 1648 par Martin de Charmois devant la famille royale, pour plaider la cause de la toute nouvelle Académie des peintres et sculpteurs, jette-t-il déjà le soupçon sur les pratiques commerciales traditionnelles, puisqu’il allait jusqu’à demander au roi de «faire très expresses inhibitions et défenses auxdits maîtres soi-disant peintres et sculpteurs de prendre à l’avenir cette qualité tant qu’ils tiendront boutique ou seront dudit corps» (de la corporation). Certes, une revendication aussi radicale ne pouvait guère être suivie; les académiciens n’allèrent pas jusqu’à interdire à leurs concurrents de la corporation d’exercer, ni jusqu’à faire inscrire dans leurs propres statuts la défense de «tenir boutique». Mais la pratique de la vente en boutique tendit probablement à se raréfier pour l’élite que constituaient les académiciens de l’époque, confinés désormais dans un atelier auquel il convenait de conférer la distinction d’un cabinet d’homme de lettres; de sorte qu’il leur fallut recourir à d’autres moyens que l’exposition-vente pour faire valoir leur talent et attirer une clientèle: apparaissent alors ces «Salons» organisés irrégulièrement à partir de 1667, puis une fois tous les deux ans après 1725, pour «exposer» aux amateurs les œuvres des académiciens. On lit ainsi dans le livret de l’exposition de 1704: «L’Académie sait que quoique la plupart de leurs ouvrages soient faits pour contribuer à la majesté des temples et à la magnificence des palais, il ne laisse pas d’y en avoir un grand nombre d’autres qui ne sont pas plus tôt placés dans les cabinets où ils sont destinés, qu’ils sont souvent dérobés aux yeux du public, et qu’ainsi le progrès que l’Académie fait dans ces arts pourrait être ignoré, si elle n’avait soin de lui fournir de quoi réveiller son attention.»

C’est ainsi également qu’on peut comprendre le développement, dans le courant du XVIIIe siècle, d’un rapport purement esthétique aux œuvres, dégagé de toute relation directement marchande, de toute obligation d’achat: d’où l’apparition du «goût», de la délectation esthète, avec ses spécialistes – critiques, érudits – et ses pratiquants, recrutés dans des cercles qui vont s’élargissant, jusqu’aux succès massifs des Salons du XIXe siècle. L’exposition est ainsi, on le voit, à la fois un symptôme et un instrument de l’évolution du statut des artistes durant l’ère académique.

Parallèlement, la pratique de l’exposition commerciale – héritée de la foire Saint-Germain – continuait, place Dauphine, sur le Pont-Neuf, à l’initiative de la corporation (c’est ainsi que Chardin put exposer au public La Raie ) et de son Académie de Saint-Luc qui chercha, à partir de 1751, à concurrencer la prestigieuse Académie royale par des expositions analogues. Mais l’existence de cette double structure pose la question de la sélection des œuvres exposées: libre tant qu’il s’agit principalement de vendre (et c’est la demande qui se charge alors de sanctionner l’offre), elle ne peut qu’être soumise à contrôle préalable dès lors que l’exposition a pour fonction immédiate non plus de négocier des objets, mais de présenter des «valeurs» esthétiques, subordonnées à l’appréciation cultivée et non plus à la consommation matérielle. Cette question de la sélection – résolue d’emblée par la limitation des Salons aux seuls académiciens, admis dans l’institution sur présentation d’un chef-d’œuvre – se posa cependant lorsque la qualité des productions de l’Académie ne suffit plus à assurer un niveau de qualité acceptable: d’où l’instauration, en 1746, d’une commission, ancêtre du fameux jury qui, au XIXe siècle, régentera l’admission aux Salons. Les deux seules tentatives de suppression du contrôle à l’entrée, en 1791 et en 1848, se solderont vite par un retour au jury, en 1798 et dès 1849, en raison du nombre excessif et de l’insuffisante qualité des œuvres librement proposées. Mais les critères d’admission ne firent pas toujours, on le sait, l’unanimité, ce qui contribue à expliquer la multiplication des lieux dès la seconde moitié du XIXe siècle: Salon des refusés en 1865, exposition chez Nadar en 1874 (la première exposition «impressionniste»), Salon des artistes indépendants en 1884, Salon d’automne en 1903; ou encore, plus récemment (et pour s’en tenir au seul cas de Paris), création en 1966 de l’A.R.C. au musée d’Art moderne de la Ville, ouverture des galeries nationales du Grand Palais (la Réunion des musées nationaux étant chargée de la gestion des grandes expositions), inauguration du Centre Pompidou en 1977, etc.

Cette multiplication des expositions proprement «artistiques», essentiellement destinées à la délectation du public, ne doit pas cependant faire oublier la fonction marchande. Sous-jacente dans le contexte des Salons (on ignore ainsi trop souvent que l’organisation d’une exposition indépendante en 1874 n’avait pas tant pour but de s’opposer aux choix esthétiques du Salon, que de trouver une parade à la crise économique qui était venue frapper les impressionnistes après la Commune), elle est patente dans le cadre des galeries privées. Celles-ci en effet prirent peu à peu l’habitude de substituer à l’accrochage permanent de leurs fonds des expositions temporaires: «Nous ne faisions pas non plus d’expositions, témoigne par exemple Kahnweiler. Je me contentais d’accrocher les tableaux. Vous comprenez, les peintres travaillaient tranquillement; je leur avançais de l’argent pour qu’ils puissent vivre. Ils apportaient les tableaux, on faisait les comptes, on accrochait les toiles et ceux que cela intéressait venaient voir.» Aujourd’hui, l’exposition collective ou, autant que possible, individuelle est une étape capitale dans le déroulement de la carrière d’un artiste. Entre 1975 et 1980, 89 p. 100 des artistes en France avaient participé au moins une fois à une exposition collective, et 54 p. 100 avaient bénéficié d’une exposition individuelle. Il suffit d’ailleurs de faire le compte des différentes galeries existant à Paris vers le milieu des années 1980 (environ 450) pour prendre la mesure des innombrables possibilités d’expositions qui s’offrent aux artistes et au public (ce dernier ayant également à sa disposition, toujours à Paris, près d’une cinquantaine de lieux publics présentant des expositions).

En outre, l’organisation d’une exposition tend à devenir un enjeu de plus en plus important pour le marché de l’art: par exemple, lorsqu’elle permet de «réhabiliter» un peintre ou un courant (comme l’exposition Bouguereau au Petit Palais en 1986), ou lorsqu’elle contribue à construire un effet de regroupement ou d’école, à l’initiative d’un critique ou d’un conservateur ainsi doté d’un pouvoir intellectuel et économique non négligeable (par exemple, A New Spirit in Painting , qui opérait une sélection de créateurs contemporains à Londres en 1981). Il faut mentionner enfin ces nouvelles formes d’«expositions» artistiques, bouleversant les modalités traditionnelles de la présentation du travail de l’artiste: interventions in situ , performances et installations (dont les Expositions internationales du surréalisme avaient déjà donné l’exemple entre 1935 et 1965).

Les expositions dans la vie culturelle

Les expositions artistiques ne constituent cependant, on l’a dit, qu’une partie du phénomène. Celui-ci a pris une ampleur inédite, auprès d’un très large public, dès l’instauration des Expositions universelles, dont la première eut lieu à Londres en 1851. Celles-ci manifestent une internationalisation de la vie culturelle dont on sent aujourd’hui les effets, avec les grandes expositions culturelles qui attirent d’une capitale à l’autre de nouvelles formes de tourisme intellectuel, de délectation lettrée ou d’érudition itinérante (citons par exemple, en 1986, l’exposition consacrée au thème de la Méduse à Vienne, et celle sur Arcimboldo au palais Grassi à Venise).

Cette ouverture géographique de l’audience s’accompagne d’un élargissement à des disciplines qui dépassent largement le cadre de l’histoire de l’art: les sciences de la matière et de la vie, l’histoire et les sciences sociales, voire la philosophie et la littérature (on pense, par exemple, à l’exposition Les Immatériaux organisée au Centre Pompidou en 1985) ainsi que des arts réputés «mineurs», tels que la photographie – qui a connu en quelques années une spectaculaire multiplication de ses lieux d’exposition – et même le cinéma (Cités-Cinés à la Cité des sciences et techniques de La Villette en 1987-1988). En France, l’ouverture du Centre Pompidou a particulièrement favorisé ces options pluridisciplinaires, qui renouvellent les formes traditionnellement monographiques ou thématiques, que le thème soit à dominante géographique, historique ou iconographique; c’est ainsi que s’est constituée une série de grandes expositions au rayonnement international: Paris-New York en 1977, Paris-Berlin en 1978, Paris-Moscou en 1979, Paris-Paris en 1981, Présences polonaises en 1983, Kafka en 1984, Les Immatériaux en 1985, Vienne, naissance d’un siècle en 1986, Le Japon des avant-gardes en 1987, Les Années 50 en 1988, Magiciens de la terre en 1989, Art et pub en 1990, André Breton en 1991, Manifeste en 1992.

Ce phénomène illustre bien l’impact de ce qu’on pourrait appeler l’effet d’institution sur l’augmentation sensible du nombre d’expositions durant les années soixante-dix: car c’est la création de nouvelles institutions (elle-même due, pour une part, à la demande créée par l’intensification de la fréquentation) qui tend à multiplier l’offre en matière d’expositions. On notera ainsi, toujours dans le cas de Paris, que de 1944 à 1976 le musée d’Art moderne de la Ville, installé au palais de T 拏ky 拏, organisa environ 190 expositions (dont une vingtaine dans d’autres lieux), soit une moyenne de 5,8 par an; s’y ajoutèrent, de 1968 à 1976, environ 80 expositions organisées par le Centre national d’art contemporain, soit un taux moyen de 9,8 par an; et, de 1977 à 1985, le seul Musée national d’art moderne installé au Centre Pompidou organisa environ 275 expositions d’art plastique, plus une soixantaine exclusivement consacrées à la photographie et une dizaine situées hors du Centre – soit un total de 350 expositions, et un taux moyen de 43,8 par an. Cette vertigineuse accélération, mesurée ici uniquement pour l’art moderne et contemporain et à l’intérieur d’organismes publics – car on ne compte pas là l’offre en provenance des galeries privées, ni les expositions d’art ancien ou d’autres disciplines culturelles – illustre bien et la place énorme prise par ce phénomène dans une ville comme Paris, et l’importance de cet effet d’institution. Celui-ci s’est manifesté, en outre, dans les pays germaniques, par le développement récent des Kunsthalle consacrées à l’art contemporain – structures d’exposition intermédiaires entre le musée et la galerie, étant exclusivement réservées à la présentation des œuvres (hors achat), sans posséder de collections.

Mais l’importance grandissante des expositions dans la vie culturelle n’est pas seulement un effet d’institution: c’est aussi, pourrait-on dire, un effet de profession , lié à la re-définition des fonctions de ceux qui sont chargés de les organiser – à savoir les conservateurs. En effet, parmi les quatre grandes fonctions qui leur sont traditionnellement imparties – sauvegarde du patrimoine, enrichissement des collections, recherche, présentation – cette dernière tend, semblet-il, à se développer par l’intermédiaire des accrochages: accrochages permanents et, surtout, temporaires, dans le cadre des expositions. Celles-ci exigent des commissaires (en anglais curators ) un travail et des responsabilités de plus en plus lourds, à mesure qu’augmentent la dimension et l’ambition des manifestations, la spécialisation et le niveau d’exigence; mais elles leur valent du même coup des avantages spécifiques, en matière de capacités d’initiative, d’une part, et de reconnaissance externe, d’autre part, dans la mesure où les expositions ont tendance à être, on va le voir, de plus en plus «signées». Car, contrairement à ce qui se passait encore il y a une génération, le travail du commissaire, au moins en ce qui concerne les grandes manifestations institutionnelles, ne consiste plus seulement à sélectionner, à obtenir et à accrocher des œuvres: il doit, surtout pour les expositions thématiques (et plus encore lorsqu’elles sont pluridisciplinaires), déterminer un point de vue sur la question traitée, avec l’aide éventuelle de spécialistes du sujet; il doit diriger de véritables équipes (qui peuvent atteindre une cinquantaine de personnes) en ayant recours à un architecte; il doit organiser l’accrochage en fonction d’un double souci d’exactitude scientifique et de lisibilité pédagogique; il doit éditer un catalogue susceptible de constituer un ouvrage de référence; il doit enfin gérer des crédits souvent très importants (ainsi le coût moyen d’une exposition dépendant de la Réunion des musées nationaux varie-t-elle entre 5 et 10 millions de francs en 1988 – une «grande» exposition ne coûtant pas moins de 9 à 10 millions – dont 30 p. 100 pour le personnel, de 20 à 25 p. 100 pour la présentation proprement dite, de 25 à 30 p. 100 pour le transport, de 10 à 15 p. 100 pour les assurances, environ 10 p. 100 pour la publicité). L’augmentation des coûts – due notamment à celle des assurances – qui n’est pas toujours compensée par la hausse des recettes (les expositions sont en effet souvent déficitaires) oblige à compléter les subventions d’État par un appel au mécénat: cela ajoute encore aux charges du commissaire, amené à consacrer une partie de son temps à la recherche de crédits.

En contrepartie, la fonction de commissaire d’exposition tend à s’assortir d’un pouvoir et d’un prestige croissants: son nom est cité par les critiques spécialisés, qui de plus en plus commentent le travail d’exposition proprement dit, la qualité de l’accrochage ou l’intelligence de la sélection. De sorte qu’on peut se demander si le commissaire d’exposition ne finira pas par être considéré comme un «auteur» à part entière, et l’exposition elle-même comme une œuvre en tant que telle (de même qu’au cinéma – dont l’économie est d’ailleurs très proche de celle de l’exposition – on a pu assister à la consécration du réalisateur, jadis obscur organisateur, au titre d’auteur). La critique des expositions, dont La Font de Saint-Yenne fut l’initiateur lors du Salon de 1746 avec ses Réflexions sur quelques causes de l’état présent de la peinture en France , tend d’ailleurs elle aussi à se spécialiser, participant activement à ce processus de valorisation du travail d’exposition – dont la France a présenté quelques symptômes avec la création en 1987 d’un Grand Prix national de la muséographie, l’attribution du prix Vasari de l’édition d’art à un catalogue, ou encore la signature de certains catalogues par le commissaire.

Le catalogue, justement, est un élément important de toute exposition. Il trouve son origine dans les livrets des Salons (le premier fut imprimé en 1673), voire dans les listes constituées par les amateurs pour leurs collections privées. Initialement, il était principalement destiné à guider le public dans sa visite en permettant d’ordonner le parcours et d’identifier les œuvres; ainsi les livrets des Salons étaient-ils organisés non par auteurs, mais selon la topographie de l’accrochage, la description des sujets venant avant l’identification de l’artiste. Mais sa fonction d’instrument de recherche, tournée davantage vers les pairs et destinée à la postérité, prend de plus en plus le pas sur sa fonction de présentation: le catalogue devient un véritable instrument scientifique, qui ne cesse de gagner en volume, en poids et en coût – au point que même la numérotation des œuvres tend à disparaître. Le catalogue comme livre de l’exposition, l’exposition comme mise en œuvre d’un discours: une telle évolution illustre bien l’importance prise par la fonction de commissaire d’exposition au sein de la profession de conservateur – l’exposition pouvant devenir un moteur de la recherche historique, au lieu d’en être la simple illustration vulgarisée.

Le public des expositions

La place croissante prise par le phénomène de l’exposition dans la vie culturelle va bien entendu de pair avec l’augmentation de la fréquentation des musées. On en a l’exemple à New York, où l’on doit désormais réserver sa place pour visiter une exposition du M.O.M.A. (Museum of Modern Art) comme on le fait pour voir une pièce de théâtre. On en vit en France la première manifestation spectaculaire avec l’exposition Toutânkhamon au Petit Palais, qui en 1967 reçut près d’un million et demi de visites, tandis que d’autres records, avoisinant cinq cent mille entrées, furent atteints en 1972 avec l’exposition Van Gogh à l’Orangerie, en 1974 avec Le Centenaire de l’impressionnisme au Grand Palais, en 1979 avec l’exposition Dalí au Centre Pompidou, en 1986 avec Vienne, naissance d’un siècle , toujours à Beaubourg – où les longues files d’attente, causées par la nécessité d’un numerus clausus dans les salles pour la sécurité des œuvres, donnèrent aux Parisiens une illustration concrète de ce que pouvait signifier un événement culturel international (le même thème ayant été traité à Venise, à Hambourg, à Vienne, à New York).

Cet accroissement de la consommation apparaît plus spectaculaire encore si l’on tient compte de la multiplication des produits dérivés, tels que reproductions, affiches, catalogues, «petits journaux», qui sont devenus des sources de profits non négligeables. Il provient en partie, certes, de ce qu’on appelle un effet d’offre, c’est-à-dire de l’augmentation du nombre d’occasions de visites. Mais il est aussi une conséquence de cet important phénomène de société qu’est l’élévation du niveau d’études pour les générations de l’immédiat après-guerre, et la transformation corrélative des pratiques de loisirs pour certaines catégories de la population. Ainsi, parmi les 21,4 p. 100 de personnes ayant déclaré avoir visité au moins une exposition dans l’année en 1981 (elles n’étaient que 18,6 p. 100 en 1973), près de la moitié avaient au moins le baccalauréat, et plus de la moitié appartenaient à la catégorie des cadres supérieurs et professions libérales. Cela fait de la visite d’expositions une pratique très sélective socialement – moins certes que le concert de musique classique, l’opéra ou même le théâtre, mais plus que la visite de musées (fréquentés par environ 30 p. 100 des Français en 1981).

Il ne faut donc pas confondre augmentation de la fréquentation des expositions et démocratisation du public: cette dernière est certes une réalité, mais sans doute moins importante que ne le suggèrent les files d’attente à l’entrée, reflets d’une intensification de la pratique par les mêmes catégories de visiteurs, beaucoup plus que d’une ouverture à d’autres milieux. Autrement dit, à chaque nouvelle visite ne correspond pas – loin de là – un nouveau visiteur.

Les expositions n’ont d’ailleurs jamais constitué un loisir «populaire», au sens où il aurait la faveur des ouvriers ou des petits employés: même lorsque Flaubert, dans son Dictionnaire des idées reçues , en faisait un «sujet de délire du XIXe siècle», ou lorsque les esthètes stigmatisaient la «foule» qui se pressait aux Salons (on parla ainsi de 500 000 entrées en 1878, avec 50 000 visiteurs certains dimanches – soit près du double des entrées quotidiennes au Centre Pompidou), il est probable qu’ils visaient là un public issu des fractions peu cultivées de la bourgeoisie. Il convient, en fait, de distinguer à l’intérieur du «public» différentes catégories, que l’on peut se figurer sous la forme de cercles concentriques: au centre, les «producteurs» intellectuels et artistiques, les artistes et leurs pairs; puis les intermédiaires – spécialistes, organisateurs, critiques; puis les visiteurs de l’exposition; puis les visiteurs potentiels (ceux qui en ont entendu parler, qui auraient pu ou voulu s’y rendre); enfin, ce qu’on appelle le «non-public», celui qui n’est pas du tout concerné.

En outre, selon leur degré de familiarité avec les objets et les enjeux culturels, les visiteurs pourront appliquer à l’exposition une perception plus ou moins esthétique, dans la mesure où ils seront plus ou moins sensibles soit au travail de mise en forme (accrochage, éclairage, disposition...) soit, au contraire, aux œuvres elles-mêmes, indépendamment de leur présentation, qui restera à peu près transparente à leurs yeux. On peut comprendre ainsi les nombreux débats et revirements d’opinion, dans la presse et chez certains visiteurs, dans la mesure où ils visent souvent moins la valeur de l’exposition elle-même que sa position dans la hiérarchie des valeurs cultivées. Car l’exposition est aussi, bien entendu, un important facteur de sociabilité: espace à la fois public, où se donne le spectacle de l’acculturation, et privé, au sens où n’importe qui n’y a pas accès, elle permet, comme dans un salon, de se retrouver et de parler entre gens du même monde (et l’homonymie du «Salon» de peinture et du «salon» mondain n’est sans doute pas insignifiante, au moins symboliquement), sans pour autant avoir à fournir ce travail propre à la mondanité qu’est l’entretien d’une conversation suivie. Elle peut aussi, comme le suggère Louis Marin, devenir un rituel de célébration religieuse; et, en tout cas, un lieu de «consommation ostentatoire du temps» pour les femmes des milieux privilégiés, selon l’analyse du sociologue américain Thorstein Veblen. Mais elle est surtout – et ce n’est pas rien – l’occasion d’exprimer des opinions: ce qui la voue probablement à un bel avenir, malgré le pessimisme affiché par les spécialistes. Certains s’alarment en effet de la multiplication des obstacles: non seulement l’élévation vertigineuse du prix des tableaux et des tarifs d’assurance mais aussi les risques d’endommagement des œuvres par le transport – voire par la simple présence des visiteurs, comme dans la grotte de Lascaux, où la seule respiration des admirateurs suffit à menacer à la longue une œuvre millénaire. Menaces en vertu desquelles l’«exposition», retrouvant son sens juridique, finirait par signifier l’abandon des œuvres (de même qu’on «exposait» les enfants) sur la voie publique...

exposition [ ɛkspozisjɔ̃ ] n. f.
esposicium 1119; lat. expositio
1Action d'exposer, de mettre en vue. étalage, exhibition, 1. montre, présentation. Exposition d'objets, de marchandises dans une vitrine, à une devanture. Liturg. Exposition du Saint-Sacrement : action d'exposer l'hostie consacrée dans l'ostensoir.
Anc. dr. pén. Exposition d'un criminel, exposition publique. 1. carcan, pilori.
2(1797) Présentation publique (d'œuvres d'art). Exposition de peinture, de sculpture, de photographies. galerie (d'art), salon. Exposition des œuvres de Van Gogh; ellipt l'exposition Van Gogh. Inauguration d'une exposition. vernissage. Fréquenter les expositions et les musées.
Par ext. Présentation publique de documents, d'objets se rapportant à un thème. Exposition sur l'évolution du costume. Ellipt Exposition Rimbaud.
(1565) Grande manifestation présentant les produits et les activités économiques d'un ou plusieurs pays. 1. foire, salon. Exposition internationale. « l'Exposition universelle [de 1889], qui a montré au monde [...] la force, la vitalité, l'activité et la richesse inépuisable de ce pays surprenant : la France » (Maupassant). Participants d'une exposition. exposant. Les stands d'une exposition. « Une cité-exposition [...] comme celles qui survivent dix ans, dans quelque parc, à la solennité qui les a fait naître » (Sartre). Le parc des expositions d'une grande ville. Foire-exposition. Abrév. fam. EXPO [ ɛkspo ]. Des expos.
3Fig. Action de faire connaître, d'expliquer. explication, exposé, narration, récit. « L'Exposition du système du monde », ouvrage de Laplace (1797).
Partie initiale d'une œuvre littéraire et spécialt dramatique, où l'auteur fait connaître les circonstances et les personnages de l'action, les principaux faits qui ont préparé cette action. argument, protase. « L'histoire demande le même art que la tragédie, une exposition, un nœud, un dénouement » (Voltaire).
Mus. Dans une fugue, un morceau écrit dans la forme sonate, Partie où les idées, les thèmes principaux sont présentés. Première, seconde exposition.
4Situation (d'un édifice, d'un terrain) par rapport à une direction donnée. orientation, situation. Exposition d'un bâtiment, d'une façade à l'ouest. Cet appartement a une bonne exposition. ensoleillement.
5Action de soumettre à l'action de. Évitez les expositions prolongées au soleil. Photogr. Exposition du papier à la lumière dans le tirage des épreuves. Durée d'exposition. Spécialt Phys. Quantité d'éclairement reçue par une surface pendant un certain temps. Exposition en radiothérapie. dose.
6Rare (Personnes) Le fait d'être exposé (4o).
⊗ CONTR. Dissimulation. 1. Défense, protection.

exposition nom féminin (latin expositio, -onis) Action de mettre en vue ; fait d'être montré, exposé : Exposition d'un mort sur un lit de parade. Étalage pour la vente : Exposition de livres dans la vitrine. Présentation au public d'œuvres d'art ; ensemble des œuvres exposées : Exposition de peinture. Présentation de produits divers de l'industrie, de l'agriculture, etc. : Exposition de machines-outils. L'exposition universelle. Endroit où se font ces présentations : Entrer à l'exposition. Mise en vente en grande quantité d'un ensemble d'articles de même type dans les grands magasins : Exposition de blanc. Orientation d'un édifice, d'une pièce, d'un tableau, etc., considérée par rapport à la manière dont ils reçoivent la lumière, le jour, le soleil : L'appartement a une double exposition. État de quelqu'un, de quelque chose qui est soumis à l'influence, à l'action de quelque chose : L'exposition au froid. Action d'expliquer, de développer, de faire connaître ; exposé : Faire l'exposition de sa doctrine. Littérature Début d'une œuvre littéraire, et en particulier d'une œuvre dramatique, dans laquelle on expose le sujet. Liturgie Cérémonie qui consiste à montrer aux fidèles ce qui est offert à leur vénération. Musique Dans une composition, section dans laquelle le thème ou les différents éléments thématiques sont présentés. Photographie Action d'exposer une surface sensible ; action d'un rayonnement sur une surface sensible. ● exposition (expressions) nom féminin (latin expositio, -onis) Magasin d'exposition, surface où l'on expose des produits destinés à la vente sans les commercialiser. Exposition d'enfant, abandon d'un enfant ou d'un incapable dans un lieu public. (Aujourd'hui délaissement.) ● exposition (synonymes) nom féminin (latin expositio, -onis) Action de mettre en vue ; fait d'être montré, exposé
Synonymes :
- présentation
Présentation de produits divers de l'industrie, de l'agriculture, etc.
Synonymes :
- concours
- foire
- salon
Orientation d'un édifice, d'une pièce, d'un tableau, etc., considérée par...
Synonymes :
- situation
Action d'expliquer, de développer, de faire connaître ; exposé
Synonymes :
- explication
- exposé
Littérature. Début d'une œuvre littéraire, et en particulier d'une œuvre dramatique...
Synonymes :
- introduction
- protase

exposition
n. f.
rI./r
d1./d Action de mettre en vue. Exposition de marchandises.
d2./d Présentation au public de produits commerciaux, d'oeuvres d'art; lieu où on les expose. Exposition des arts ménagers. Exposition de peinture.
d3./d Fig. Action d'exposer (des faits, des idées). Exposition d'une doctrine.
|| LITTER Première partie d'une oeuvre, dans laquelle l'auteur expose le sujet, les caractères des personnages, etc.
|| MUS Première partie d'une oeuvre instrumentale (fugue, sonate), où les thèmes à développer sont présentés.
rII./r
d1./d Orientation (d'une maison, d'un terrain). Exposition au nord.
d2./d Action de soumettre à l'effet de. Exposition au soleil.
PHOTO Fait d'exposer une surface sensible à la lumière.
d3./d DR Exposition d'un enfant, son abandon.

⇒EXPOSITION, subst. fém.
A.— [Correspond à exposer A]
1. Action de disposer de manière à mettre en vue. Dans d'autres mystères, on retraçait la même idée [de la génération] par l'exposition du phallus (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 477) :
1. En habillant le cadavre pour l'exposition funèbre (...) Jérémie fit remarquer : — c'est dommage que monsieur le baron ait juste voulu couper ses favoris ce jour-là.
DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 219.
En partic.
a) DROIT
Vx. Exposition d'enfant. Abandon en secret d'un nouveau-né en un lieu où il est susceptible d'être recueilli. L'exposition des enfants fut la pratique constante de l'antiquité (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 279). Exposition d'un condamné. Peine consistant à présenter un condamné aux regards de la foule. Arrêté, jugé, condamné aux galères, j'ai subi l'exposition et la flétrissure (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 793). On nous mit en exposition sur la plate-forme (GOBINEAU, Nouv. asiat., 1876, p. 232).
Vieilli
Publication d'un acte judiciaire. Si, dans le cours des deux mois de l'exposition du contrat, il n'a pas été fait d'inscription du chef des femmes (...) sur les immeubles vendus, ils passent à l'acquéreur (Code civil, 1804, art. 2195, p. 401).
Action de présenter dans un lieu public des écrits, des objets ou des images obscènes ou contraires aux bonnes mœurs pour les mettre en vente. Un fabricant a été poursuivi pour l'exposition d'un objet de ce genre [une ceinture de chasteté pour hommes] (GONCOURT, Journal, 1881, p. 113).
b) LITURG. CATH. Exposition du Saint Sacrement, de reliques. Cérémonie consistant à présenter une hostie, des reliques pour qu'elles soient vénérées des fidèles. Venise où sont nées les gazettes, est réduite à lire l'affiche qui annonce sur le même placard l'opéra du jour et l'exposition du Saint Sacrement (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 356).
2. Présentation publique, pour une durée déterminée en un certain lieu, de produits agricoles, manufacturés ou d'œuvres d'art. Organiser, aller voir, visiter une exposition :
2. Vendredi 12 juillet. Exposition centennale. Je ne sais si ça tient à ce jour, fait pour des expositions de machines et non pour des expositions de tableaux, mais la peinture, depuis David jusqu'à Delacroix, me paraît la peinture du même peintre, une peinture bilieuse.
GONCOURT, Journal, 1889, p. 1005.
a) Dans le domaine comm.
) [Le compl. déterminatif désigne ce qui est exposé] Le jeune Bonmont (...) visitait l'exposition des automobiles établie dans un coin du jardin des Tuileries (FRANCE, Anneau améth., 1899, p. 264). Il y avait exposition et concours de fleurs (...) dans tout Londres (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1905, p. 24).
) [Qualifié par un compl. déterminatif ou un adj. désignant une branche de l'activité écon.] Exposition d'horticulture, de l'industrie; exposition agricole :
3. Un autre moyen de propagation, également neuf et important, est procuré par la succession des expositions industrielles mettant la clientèle au courant des dernières réalisations.
GRANDJEAN, Orfèvr. XIXe s., 1962, p. 6.
Spéc. Exposition internationale, universelle, coloniale.
) En partic. Mise en vente à des prix spéciaux d'une grande quantité d'articles dans les grands magasins. Le Bonheur des dames inaugurait ses magasins neufs par la grande exposition des nouveautés d'été, qui devait durer trois jours (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 611).
b) Dans le domaine des B.-A. :
4. ... j'ai retrouvé Rome dans les tableaux de Robert et de Schnetz, qui sont à peu près, je crois, ce qu'il y a de mieux au Salon. Puisque vous lisez les articles de M. Delécluze, vous avez vu que l'exposition de cette année est un combat entre l'école de David et les romantiques.
J.-J. AMPÈRE, Corresp., 1824, p. 304.
) [Le compl. déterminatif désigne un type d'œuvre d'art, le domaine artistique dont relèvent les œuvres] Exposition de peinture, de sculpture; une exposition de dessins. Une remarquable exposition d'estampes japonaises (GIDE, Journal, 1934, p. 1205).
) [Le compl. déterminatif est le nom de l'artiste, le nom de l'école à laquelle il appartient, ou encore le titre de l'exposition; il peut être adjoint sans prép.] L'exposition d'aquarelles, organisée à l'Orangerie, pour faire transition entre l'exposition Cézanne et celle de Rubens (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 155). J'ai assisté au vernissage de l'exposition « Mai », au palais de Tokio (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 103).
[Qualifié par un adj. désignant une école ou un mouvement artistique] À l'exposition surréaliste. On achève d'accrocher des dessins et de mettre en place d'invraisemblables choses (GREEN, Journal, 1933, p. 143).
) Absol. Il faut au Peintre l'exposition, il faut au Barde l'impression (BOREL, Rhaps., 1831, p. 10).
Faire une exposition. Exposer. Le groupe « Nouvelle génération » faisait sa deuxième exposition à la galerie Billiet (LHOTE, Peint. d'abord, 1942 p. 164).
SYNT. Exposition en plein air, itinérante, temporaire; exposition officielle, commémorative, rétrospective; salle, stand, vitrine d'exposition.
3. P. ext.
a) Lieu où sont exposés des produits ou des œuvres. Tu me piloteras dans l'exposition. Est-ce convenu? (FLAUB., Corresp., 1880, p. 9). Il sortait de l'exposition des pastellistes (GONCOURT, Journal, 1895, p. 773).
b) Ensemble des produits ou des œuvres exposés. Le catalogue de l'exposition. Le tableau le plus prodigieux de cette exposition (...) c'est La Bacchanale (LHOTE, Peint. d'abord, 1942 p. 82).
Littér. Ensemble d'objets qui s'offrent à la vue. (Quasi-)synon. étalage. Les deux femmes (...) offraient sur elles une exposition de couleurs outrageusement bizarres (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 89). Entre ces expositions d'apéritifs et ces cascades de café-crème, les cinémas éclatent comme des feux d'artifice (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 64).
c) Rare. Manière dont sont exposés des produits ou des œuvres. J'avais dit de mettre les ombrelles bleues en bordure (...) une équipe de garçons dut remanier l'exposition des ombrelles (ZOLA, Bonh. dames, 1883 p. 617).
B.— [Correspond à exposer B 1]
1. [Le compl. prép. introduit par à désigne un agent physique]
a) Action de disposer de manière à soumettre à l'action de. Cette acidité [de l'urine] disparaît (...) par l'exposition de l'urine à l'air (BERNARD, Notes, 1860, p. 47). L'exposition aux rayons X de la mouche drosophile crée des mutations par rapport à l'espèce originale (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 220) :
5. La pigmentation, au lieu d'être uniforme, peut être disposée en réseau ou en reticulum, entre les mailles duquel la peau conserve sa couleur habituelle. Elle peut être due à des expositions répétées à un foyer chauffant...
QUILLET Méd. 1965, p. 300.
En partic., PHOT. Action d'exposer une surface sensible aux rayons lumineux. L'exposition à la chambre noire varie avec la nature du sujet (VILLON, Dessin. et impr. lithogr., 1932, p. 508).
b) Fait d'être soumis à l'action de. Quelques heures d'exposition à un soleil ardent, suffiront pour produire le premier effet (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 218). Il [le laitier] perd à peu près toute résistance par exposition prolongée à une [certaine] température (CLÉRET DE LANGAVANT, Ciments et bétons, 1953, p. 88).
2. Spéc. Orientation d'un site, d'un immeuble ou d'une partie de cet immeuble par rapport à l'influence de divers facteurs du milieu (soleil, vent, pluie, etc...). Si le sens du vent détermine l'exposition des toitures, la direction de la lumière marque celle du logis des gens, des bêtes et des choses (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 143) :
6. ... il faut d'abord prouver que chaque point de la surface du globe ne varie jamais dans sa nature, son exposition, sa situation élevée ou enfoncée, son climat, etc., etc...
LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 267.
[Suivi d'un compl. déterminatif introduit par de ou à, ou d'un adj. désignant un point cardinal] Sur un endroit plus élevé, à l'exposition du midi (...) était un second village (Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 64). L'exposition septentrionale de ma cellule (JOUY, Hermite, t. 5, 1814, p. 56). Les paysans (...) s'étaient avisés de planter en vignes ce coteau, que son exposition au midi et sa pente raide désignaient (ZOLA, Terre, 1887, p. 45).
Rem. 1. Il semble que la constr. avec de soit vieillie. 2. On trouve qq. attest. ds la docum. où le compl. déterminatif n'est pas introduit par une prép. Aucun de ces défauts ne se rencontre dans l'exposition Nord (JOUY, op. cit., p. 55).
Loc. vieillie. Être dans une exposition (+ adj.). Être exposé de telle manière. Ces deux villages, dans l'exposition favorable du Nord (LATOUCHE, L'HÉRITIER, Lettres amans, 1821, p. 77). À mi-côte, flanqué par les bois de la Ronce dans une délicieuse exposition (...) on m'a construit un chalet (BALZAC, Mém. jeunes mar., 1842, p. 344).
C.— [Correspond à exposer C]
1. [Construit avec un compl. déterminatif désignant ce qui est exposé] Action de présenter, par écrit ou oralement, généralement sans prendre position, des données de fait ou le contenu d'une œuvre sous forme d'un développement ordonné visant à l'exhaustivité. La preuve de cette proposition découle des premiers principes du droit public; elle exige l'exposition de quelques faits préliminaires (ROBESP., Discours, Sur la pétition du peuple avignonois, t. 6, 1790, p. 587). L'exposition des bases du système de Locke devait être accompagnée d'une discussion approfondie (COUSIN, Hist. philos. XVIIe s., t. 2, 1829, p. 287). Ce volume doit aboutir à l'exposition du problème religieux à la Chambre (BARRÈS, Cahiers, t. 6, 1907-08, p. 65) :
7. À chaque pas nouveau que nous faisons dans l'étude de l'univers, les rapports des objets s'étendent, se multiplient, se compliquent à nos yeux; et, dans chaque genre, leur connaissance et leur exposition systématique constituent ce qu'on appelle la science.
CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 336.
Vieilli. Faire l'exposition de. Exposer. Je faisais devant la Société philomatique l'exposition critique des expériences de Magendie et Brodie (BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 202).
Littér. [Correspond aussi à supra A] Action de présenter, de révéler dans un discours. Je suis (...) le plus stérile des hommes dans l'exposition de mes sentiments, et quand j'ai dit je vous aime j'ai tout dit (CHATEAUBR., Corresp., t. 1, 1789-1824, p. 379).
2. P. ext.
a) [En construction abs. ou qualifié par un adj. désignant une attitude discursive ou intellectuelle] Démarche intellectuelle ou didactique suivie pour présenter des faits ou le contenu d'une œuvre. L'art d'exposer clairement, amplement, tranquillement, comme il convient à l'exposition philosophique, me fait défaut (AMIEL, Journal, 1866, p. 74). Il est bon, non pour la valeur, mais pour la clarté de l'exposition, d'indiquer la pensée motrice (BLONDEL Action, 1893, p. XXII).
SYNT. Exposition analytique, didactique, scientifique, synthétique.
b) Vieilli. Ce qui est exposé. Synon. exposé. De grâce, mettez un peu d'ordre dans votre exposition (FRANCE, Livre ami, 1885, p. 294).
[Emploi comme élément, en tête ou à la fin d'un énoncé] On voit par l'exposition précédente que c'est principalement le grand épiploon que nous devons avoir en vue (CUVIER, Anat. comp., t. 4, 1805, p. 86). [Les] principes qui m'ont guidé dans l'exposition que je vais faire de cet ordre des animaux (LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 275).
3. En partic., ARTS DRAM. et LITT. Partie initiale d'une œuvre où sont présentés les personnages et les circonstances du drame ou de l'intrigue. Un apologue est une espèce de petit drame : il a son exposition, son nœud, son dénouement (FLORIAN, Fables, 1792, p. 18). Ce récit est au drame qui le complète ce que sont les prémisses à une proposition, ce qu'est toute exposition à toute tragédie classique (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 138) :
8. ... les expositions en récit sont indispensables dans les tragédies françaises, et certainement elles ont beaucoup moins d'intérêt que les expositions en action.
STAËL, Allemagne, t. 2, 1810, p. 308.
P. anal., MUS. Partie initiale d'une fugue ou d'une composition musicale de forme sonate présentant le sujet ou le thème du morceau. Nous touchons à la véritable forme ternaire (type menuet) qui comporte une première partie, avec exposition modulante (jouée deux fois), puis des commentaires, et une réexposition concluant au ton principal (POTIRON, Mus. église, 1945, p. 74) :
9. ... dans les deux premiers morceaux, la forme-sonate déroule sa succession habituelle d'exposition (thèmes A et B), et de coda dans l'ordre immuable et consacré, ainsi que les cortèges rituels d'une corrida!
ROLLAND, Beeth., t. 2, 1937, p. 425.
Prononc. et Orth. :[]. Cf. é-1. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1119 esposicïun « exposé, présentation, explication » (PH. DE THAON, Comput, éd. E. Mall, 2779); 2. 1565 « action de présenter, d'étaler, de mettre à vue (des marchandises) » (Coutumes de la Chatellenie de Lille ds Nouveau Coutumier Général, t. 2, p. 924); 3. 1636 « abandon (d'un enfant) » (MONET); 4. 1676 « situation, orientation (d'un bâtiment) » (FÉLIBIEN, p. 3); 5. 1690 « situation de risque, position découverte ou dangereuse » (FUR.). Empr. au lat. expositio « exposé, explication » et « abandon (d'un enfant) », dér. de exponere (v. exposer). Fréq. abs. littér. : 1 591. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 385, b) 2 770; XXe s. : a) 3 682, b) 1 884.

exposition [ɛkspozisjɔ̃] n. f.
ÉTYM. Fin XIIe; esposicium, v. 1119; lat. expositio, du supin de exponere. → Exposer.
Action d'exposer, résultat de cette action.
A
1 (1505). Action de mettre en vue, d'exposer. Étalage, exhibition, montre, présentation. || Exposition d'objets, de marchandises dans une vitrine, une devanture de magasin. || Il en fit l'exposition aux yeux de tout le monde (Académie, 8e éd.).
Spécialt (liturgie cathol.). || Exposition du Saint-Sacrement : action d'exposer l'hostie consacrée dans l'ostensoir, après la Messe. || Trône d'exposition, trône de l'exposition, sur lequel on place l'ostensoir. || Exposition solennelle du Saint-Sacrement le jeudi saint.Exposition de reliques, dans un reliquaire.
Dr. || Exposition d'objets ou d'images obscènes, délit d'outrage aux bonnes mœurs.Exposition de monnaies contrefaites ou altérées.
1 Quiconque aura contrefait ou altéré les monnaies d'or ou d'argent ayant cours légal en France, ou participé à l'émission ou exposition desdites monnaies contrefaites ou altérées (…) sera puni des travaux forcés à perpétuité.
Code pénal, art. 132.
2 Sera puni (…) quiconque aura commis le délit d'outrage aux bonnes mœurs; — Par la vente, mise en vente ou l'offre, même non publiques, l'exposition, l'affichage ou la distribution (…) d'écrits (…) objets ou images obscènes ou contraires aux bonnes mœurs (…)
Code pénal, Loi du 2 août 1882, art. 1er.
2 (1797; comm., 1565). Cour. Présentation publique de produits (de l'industrie, de l'agriculture) ou d'œuvres d'art; ensemble des produits, des œuvres d'art exposés; lieu, emplacement où on les expose. || Exposition de peinture, de sculpture. Galerie (d'art), salon. || Exposition temporaire, dans un musée. || Exposition circulaire, itinérante. || Exposition annuelle. || Catalogue de l'exposition. || Tableaux de l'exposition. || Les Tableaux d'une exposition, œuvre musicale de Moussorgsky (1874). || Avoir les honneurs de la cimaise, dans une exposition. || Exposition des chefs-d'œuvre d'un musée, d'une pinacothèque. || Exposition des œuvres de Van Gogh.Par abrév. || Exposition Van Gogh. || Exposition de manuscrits à la Bibliothèque nationale. || Exposition de photographies, de reproductions d'art. || Avant-première, inauguration d'une exposition. Vernissage. || Exposition consacrée à un artiste. Rétrospective. || Peintre qui fait une exposition dans une galerie, qui expose.
3 Cette Exposition française est à la fois si vaste et généralement composée de morceaux si connus (…) que la critique doit chercher plutôt à pénétrer intimement le tempérament de chaque artiste et le mobile qui le font agir, qu'à analyser, à raconter chaque œuvre minutieusement.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Expos. univ., II.
3.1 De l'aveu de tous, jamais exposition ne fut plus réussie. L'originalité était un attrait de plus. Tout est usé en matière d'exposition, les expositions industrielles et artistiques sont bien rebattues; des expositions de chevaux, de chiens, de tapisseries, de costumes, de sauvages, de volailles ou de fromages, tout cela est bien vieux, bien usé. Une exposition de barricades, voilà qui est vraiment nouveau !
A. Robida, le Vingtième Siècle, p. 282.
4 La poussée de la production individualiste a eu pour conséquence de multiplier les expositions, les galeries, et d'intensifier le commerce des tableaux (…)
Denis, in Encycl. (de Monzie), XVI, 68-16.
Exposition industrielle, agricole… : exposition où sont présentés publiquement les produits de l'industrie, de l'agriculture d'un ou plusieurs pays. Foire, salon (de l'auto); forum. || Exposition nationale, internationale.Exposition coloniale, qui présentait les richesses d'un Empire colonial dans la métropole. || Exposition universelle, présentant les produits de toutes les industries. || Exposition agricole ( Concours). || Participants d'une exposition. Exposant. || Jury de l'exposition. || Comité d'organisation d'une exposition. || Les stands, les vitrines d'une exposition. || Les bâtiments d'une exposition; cité-exposition. || Foire-exposition. || Expositions universelles de Paris (1855, 1867, 1878, 1889 et 1900). || L'exposition des arts décoratifs de 1925. || L'exposition internationale de 1937, à Paris. || L'exposition internationale de Bruxelles en 1958. Absolt. || L'Exposition, et, abrév. fam., l'expo [lɛkspo], celle dont il est question. || Organiser, inaugurer une exposition. || Visiter une exposition.
5 Je me garderai bien de critiquer cette colossale entreprise politique, l'Exposition universelle (de 1889), qui a montré au monde, juste au moment où il fallait le faire, la force, la vitalité, l'activité et la richesse inépuisable de ce pays surprenant : la France.
Maupassant, la Vie errante, I, p. 4.
6 (…) l'Exposition, qui allait s'ouvrir en septembre (1806), devait faire éclater les progrès incroyables réalisés, depuis trois ans, par l'industrie nationale. C'était, on se le rappelle, Chaptal qui, reprenant l'idée du directeur François de Neufchâteau, avait, en l'an IX, institué l'exposition annuelle.
Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Vers l'Empire d'Occident, VII, p. 88.
7 (…) une cité-exposition (…) comme celles qui survivent dix ans, dans quelque parc, à la solennité qui les a fait naître.
Sartre, Situations III, p. 103.
Appos. || Foire exposition.
Spécialt. Mise en vente organisée par un grand magasin pour présenter les nouveautés de la saison ou un groupe d'articles. || Grande exposition de blanc.
3 Anc. dr. pénal. Le fait de présenter (un condamné) aux regards de la foule. || L'exposition d'un criminel. || Exposition publique. Carcan, pilori.
B
1 (V. 1119). Action de faire connaître, d'expliquer. Explication. || L'exposition d'une théorie, d'un système. || Exposition d'un ensemble de faits. Exposé, narration, récit (→ Économie, cit. 11). || Exposition d'une méthode. || L'Exposition de la foi catholique, œuvre de Bossuet (1671). || L'Exposition du système du monde, ouvrage de Laplace (1797).
8 On pense à Rome à faire une exposition doctrinale.
Bossuet, Lettre sur le quiétisme, 355.
2 Partie initiale (d'une œuvre littéraire et, spécialt, d'une œuvre dramatique), où l'auteur fait connaître les circonstances et les personnages de l'action, ainsi que les principaux faits qui ont précédé et préparé cette action. Argument. || Exposition d'une tragédie. Protase (→ Dénouement, cit. 1).Vx. || L'exposition d'une dissertation, d'un discours. Exorde, introduction. || Exposition du sujet. Proposition.
9 L'art de l'exposition dramatique consiste à la rendre si naturelle qu'il n'y ait pas même le soupçon de l'art.
Marmontel, Œ., t. VIII, p. 343, in Pougens.
10 J'ai toujours pensé que l'histoire demande le même art que la tragédie, une exposition, un nœud, un dénouement (…)
Voltaire, Lettre à Schouvalof, 1562, 17 juil. 1758.
(XXe). Mus. Dans une fugue, dans un morceau écrit dans la forme sonate, Partie où les idées principales, les thèmes principaux sont présentés. || L'exposition d'un thème. || Première, seconde exposition et contre-exposition.
C
1 (1680). Situation (d'un édifice, d'un terrain…) par rapport à une direction donnée. Orientation, situation. || L'exposition d'un bâtiment, d'une façade, d'un appartement. || Cette villa jouit d'une bonne exposition. Vieilli. || « Cette villa est dans une belle exposition, dans une agréable exposition » (Académie).Exposition au levant, au midi, au couchant, au nord. || Exposition d'un champ, d'un coteau. || L'exposition d'une plante joue un rôle important dans la culture.
11 Cet appartement (…) se trouvait dans un corps de logis à l'exposition du midi.
Balzac, le Curé de Tours, Pl., t. III, p. 786.
Exposition d'un tableau, la façon dont il est placé par rapport à la source de lumière qui l'éclaire. Éclairage.
2 Action de soumettre à l'action de… || Exposition d'un vêtement à l'air, au soleil, à la chaleur. || Évitez les longues expositions au soleil. Insolation. || L'exposition du corps aux rayons X.
12 La percussion, le frottement, et même la seule exposition aux impressions de l'atmosphère, suffisent pour donner au fer cette vertu magnétique.
Buffon, Hist. des minéraux, Œ., t. IX, p. 86, in Pougens.
(1932, Larousse). Photogr. || Exposition du papier à la lumière dans le tirage des épreuves. || Durée d'exposition.
13 La durée d'exposition varie avec l'intensité et la qualité de la lumière, la nature du cliché et la sensibilité du papier.
Jean Prinet, la Photographie, p. 45.
Durée d'exposition. || Exposition trop brève, trop longue. Sous-exposition, surexposition.
D Rare. (En parlant de personnes). Le fait d'être exposé ou d'exposer (D., 2.).(1636). Absolt (dr.). Action d'abandonner (un enfant ou un incapable hors d'état de se protéger lui-même) afin de se soustraire à l'obligation de lui donner des soins. Abandon, délaissement. || Exposition d'un enfant nouveau-né. || Exposition dans un lieu solitaire, non solitaire. || Selon les cas, l'exposition est un délit ou un crime (cf. Code pénal, art. 349-353).
14 Les premiers Romains eurent une assez bonne police sur l'exposition des enfants. Romulus (…) imposa à tous les citoyens la nécessité d'élever tous les enfants mâles et les aînées des filles. Si les enfants étaient difformes et monstrueux, il permettait de les exposer, après les avoir montrés à cinq des plus proches voisins.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XXIII, XXII.
CONTR. Dissimulation. — Conclusion, dénouement, nœud (de l'action). — Défense, protection.
COMP. Contre-exposition, sous-exposition, surexposition.

Encyclopédie Universelle. 2012.