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FUGUE
FUGUE

«La fugue (de fuga , fuite) est une forme de composition musicale dont le thème, ou sujet, passant successivement dans toutes les voix, et dans diverses tonalités, semble sans cesse fuir .» Ainsi Marcel Dupré définit-il la fugue. La fugue est fille du contrepoint, qui a atteint son apogée au XVIe siècle. Empruntant les voies de l’imitation, du canon et du ricercare, elle naît de l’évolution de l’écriture polyphonique et contrapuntique.

Le contrepoint consiste essentiellement à conduire simultanément plusieurs lignes mélodiques. L’imitation est une forme de contrepoint qui reproduit les mêmes motifs mélodiques ou rythmiques, à une ou plusieurs voix, sur les différents degrés de la gamme. Le canon est une imitation rigoureuse, et, au départ, la fugue développe un canon à la quinte. Quant au ricercare, il est construit sur le principe d’une imitation contrapuntique libre; il n’a pas les structures complexes et imposées de la fugue; il est plus un genre qu’une forme.

Trois lois fondamentales régissent l’art de la fugue classique. Alors que le contrepoint du XVIe siècle a un caractère modal, la fugue est soumise aux impératifs de l’unité tonale majeure ou mineure. Par opposition à ce que seront la sonate et la symphonie, elle conserve une unité rythmique et une unité thématique . Le sujet d’une fugue, contrairement au thème de la sonate, est toujours exposé, jamais développé.

Forme rigoureuse par excellence, dont l’élément mélodique initial contient en puissance la structure même de l’œuvre, la fugue est une remarquable matière à improvisation, que les organistes et les clavecinistes ont toujours particulièrement appréciée. Dans la technique dodécaphonique atonale, il est possible d’écrire des fugues en imitation contrapuntique rigoureuse. Mais aucun musicien n’a jamais dépassé Jean-Sébastien Bach, qui a porté l’art de la fugue au summum de la rigueur, de la souplesse et de la variété, pour la plus grande joie de l’esprit et le plaisir de l’oreille.

1. Du contrepoint à la fugue

Toute l’histoire de la musique occidentale repose sur l’équilibre permanent qu’on y rencontre entre l’écriture horizontale et l’écriture verticale, entre le contrepoint et l’harmonie. Le contrepoint est antérieur à l’harmonie, puisque la musique du haut Moyen Âge était exclusivement monodique et que le contrepoint est né par hasard, le jour où un musicien a eu l’idée de faire exécuter ensemble deux monodies et par là même de régenter les rapports de ces lignes entre elles. Ensuite, d’autres lignes mélodiques se sont ajoutées aux deux premières: la simultanéité de leur exécution offrait à chaque moment, à l’oreille, un ensemble de notes constitutives d’un accord, et l’harmonie existait de ce fait même. Ainsi, l’harmonie découpe verticalement le matériau musical offert par les hasards calculés du contrepoint.

Le contrepoint n’est nullement une «forme» musicale. C’est un style d’écriture, qui met au-dessus de tout l’indépendance et l’originalité de chacune des parties réelles de la partition. La notion de forme n’intervient qu’à partir du moment où le musicien cherche à compliquer le jeu et à y introduire des conventions arbitraires supplémentaires. C’est le cas du canon . Ce dernier constitue la forme la plus stricte de l’imitation . Lorsqu’une phrase énoncée par une partie est reprise par une autre, mais sur un autre degré de l’échelle musicale, il y a imitation. Lorsque la première et la seconde partie énoncent la même phrase simultanément, mais avec un décalage marqué, il y a canon. La partie proposante s’appelle «antécédent», la ou les parties qui imitent se nomment «conséquent». La chanson enfantine Frère Jacques est le type le plus simple et le plus parfait du canon, où le thème initial reflète parfaitement sa propre image, quel que soit le décalage imposé au départ. Le finale de la Sonate pour piano et violon de César Franck en est un autre exemple célèbre.

Ainsi le canon constitue-t-il une forme, et non plus un style. Il faut ajouter que le compositeur peut choisir, pour établir son canon, n’importe quel degré de l’échelle, et qu’il peut également utiliser tous les artifices prévus dans l’arsenal de l’imitation: mouvement direct, mouvement contraire, mouvement rétrograde (dit aussi «à l’écrevisse»), augmentation ou diminution du thème original (qui est alors énoncé en valeurs plus ou moins longues ou brèves). Tous ces artifices semblent issus de la panoplie du parfait «grand rhétoriqueur» du XVe siècle; ils prouvent en tout cas que le contrepoint, même sous ses aspects les plus modernes et contemporains, conserve intactes ses attaches profondes avec ses origines médiévales.

C’est au XVIe siècle qu’apparaît une forme dont l’importance est grande dans l’histoire de la fugue: le ricercare (d’un mot italien qui signifie «rechercher»). Dans cette forme, en effet, le compositeur utilise plusieurs thèmes qui jouent les uns par rapport aux autres suivant les lois les plus strictes du contrepoint, et l’auditeur est implicitement invité à rechercher ces thèmes dans la trame du discours musical. D’Andrea Gabrieli à Girolamo Frescobaldi, le ricercare croît en complexité et aboutit à un plan assez sévère et compliqué.

2. La composition de la fugue

Contrepoint, imitation, canon, ricercare, tous ces éléments divers donnent naissance à la forme la plus noble et la plus riche qu’aient jamais mis au point les musiciens occidentaux: la fugue . Il s’agit là d’un édifice singulièrement complexe, dans lequel le plan architectural se plie à des normes bien précises et répond à un certain nombre d’impératifs peu à peu accumulés par la tradition jusqu’au XVIIIe siècle; cela n’empêche nullement le compositeur de faire preuve d’originalité. Le plan varie dans des proportions sensibles d’un auteur à l’autre; mais ses lignes essentielles restent immuables, et ce que l’on appelle aujourd’hui la «fugue d’école», telle qu’elle est enseignée dans les conservatoires, correspond à une sorte de type standard issu des œuvres de l’époque classique.

En écrivant une fugue, le compositeur ne doit perdre de vue aucun des trois points suivants: le style, les éléments mêmes du discours, enfin le plan général.

Un contrepoint strict

La fugue est écrite dans un contrepoint des plus stricts, qui ne tolère aucune licence; les différentes parties jouent entre elles en conservant leur autonomie, leur intérêt, leur personnalité; il ne faut jamais donner à l’auditeur l’impression d’un travail «vertical». Les éléments du discours musical ont d’autant plus d’importance qu’ils sont énoncés dès la première mesure et qu’ils doivent contenir en puissance tout le matériau qui sera utilisé par le compositeur jusqu’au bout de la fugue. En effet, il est nécessaire que tous les éléments du développement à venir aient été entendus par l’auditeur et soient connus de lui dès le début de l’œuvre. La fugue ne doit contenir, au point de vue de la matière sonore, aucune surprise; le talent, ou le génie, se font jour uniquement dans la manière d’organiser les éléments sonores, non dans leur renouvellement éventuel comme on peut le faire dans la sonate, le choral, la variation, la symphonie. Pour nourrir son discours, le compositeur ne possède que deux sources thématiques, l’une et l’autre exprimées au point de départ: le sujet et le contresujet .

Le sujet et le contresujet

Le sujet constitue le thème essentiel de la fugue. Le contresujet en est le thème secondaire, mais il possède cette particularité de suivre le sujet comme son ombre, d’être énoncé en même temps que lui, et de pouvoir être joué ou chanté aussi bien au-dessus qu’au-dessous du thème premier. En d’autres termes, après avoir choisi son sujet, le compositeur invente aussitôt un contresujet qui se marie parfaitement avec le sujet, qui soit écrit en contrepoint renversable par rapport à celui-ci et qui possède également une personnalité bien à lui.

En cherchant le sujet et le contresujet, il faut que le compositeur garde toujours présent à l’esprit que de leur richesse dépend celle de la fugue tout entière. C’est pourquoi le contresujet devra s’opposer au sujet: si celui-ci est mélodique, celui-là sera de préférence rythmique et vice versa. C’est la raison pour laquelle plusieurs cellules doivent s’insérer à l’intérieur du sujet et du contresujet, les unes s’opposant aux autres, et fournissant autant d’éléments différents pour le travail ultérieur de développement.

Une architecture sonore

On comprend maintenant l’importance que revêt l’architecture dans un édifice où les éléments de variété sont aussi soigneusement mesurés au maître d’œuvre. La beauté naît de l’agencement des lignes, de leur équilibre, de leurs jeux réciproques; l’intérêt ne provient pas d’une nouveauté purement anecdotique, mais de la satisfaction supérieure offerte par le fonctionnement heureux d’une machine idéale, dans laquelle le matériau utilisé importe beaucoup moins que la manière dont il est traité. Il convient que l’auditeur puisse prendre conscience du plan de la fugue, puisque après tout c’est là que réside l’originalité du compositeur.

L’exposition

Le point de départ de la fugue se nomme l’exposition . C’est en effet là que sont présentés le sujet et le contresujet. D’ordinaire, pour une fugue à plusieurs parties (ou «voix»), le sujet est énoncé tout seul à l’une des parties, dans le ton de la fugue (par exemple en ut ); aussitôt après vient la réponse: le même sujet est repris par une autre voix, une quinte au-dessus, c’est-à-dire à la dominante (dans notre exemple, sol ), cependant que la partie qui a exposé le sujet au début fait entendre le contresujet, dont c’est la première entrée comme «ombre» du sujet. Dès lors, le sujet (ou la réponse) apparaît autant de fois qu’il y a de parties, et chaque fois il est fidèlement accompagné de son contresujet. En règle générale, sujet et contresujet sont inséparables. Une fois l’exposition terminée, l’auditeur sait à combien de parties est écrite la fugue, il connaît le sujet et le contresujet, et possède, si l’on peut dire, tous les éléments thématiques utilisés par le compositeur.

Les divertissements

Dès lors, la règle du jeu de la fugue consiste à faire alterner les moments où l’on entend sujet, réponse et contresujet, et ceux où le compositeur, entre deux expositions, offre à ses auditeurs une détente. Cette détente intervient une première fois après l’exposition; elle s’appelle divertissement et sert de transition modulante entre l’exposition et un nouvel exposé des thèmes. Tout divertissement doit être fondé sur des éléments mélodiques ou rythmiques empruntés au sujet ou au contresujet; ces éléments ne peuvent évidemment pas être pris aux notes initiales du sujet, pour ne point faire croire à une autre exposition.

Ce divertissement amène la plupart du temps au ton du relatif mineur ou majeur. Comme, pour une tonalité majeure, le relatif est mineur (ainsi, la mineur par rapport à ut majeur), l’intérêt de cette partie de la fugue est de faire entendre le sujet et le contresujet avec une couleur inédite; en effet, il s’agit d’une véritable exposition au ton du relatif; et il suffit de passer du majeur au mineur pour changer réellement d’univers sonore. Cette exposition au relatif est suivie d’un nouveau divertissement destiné à entraîner vers un certain nombre de tons voisins, parmi lesquels le plus important est celui de la sous-dominante (fa par rapport à ut ), ce qui donne encore lieu à une réexposition du sujet et de son contresujet. Cette promenade vers les tons voisins conduit à une grande pédale de dominante .

La strette

Ensuite, à la place de la cadence finale qui pourrait légitimement survenir ici, le compositeur se livre traditionnellement au jeu de la strette . Dans cette ultime partie de la fugue, la règle est de faire entendre le sujet (et la réponse) en canon double ou triple, de plus en plus serré avec lui-même, et, si l’occasion s’en présente, avec toutes les ressources de l’imitation (augmentation, diminution, etc.). Cette partie est d’autant plus importante que le sujet se prête à plus de combinaisons canoniques; de plus, c’est pour le compositeur l’occasion de faire une brillante démonstration de sa virtuosité d’écriture, un peu à la manière dont un violoniste, à la fin d’un mouvement de concerto, vient éblouir par une cadence de haute acrobatie. De même que certaines cadences sont riches de substance musicale, de même la strette peut ne point être un feu d’artifice inutile et vain. Les exemples laissés par Bach, pour ne parler que de lui, sont là pour prouver qu’une strette, à elle seule, peut constituer un monument de vraie musique. À la fin de la strette, une ultime pédale de tonique avertit que la fugue est terminée.

Une merveilleuse discipline de composition

La fugue, directement issue du canon et de l’imitation, est aussi bien un moyen qu’une fin. Il est évident qu’elle constitue, pour l’apprenti compositeur, un merveilleux entraînement; rien de tel que la fugue pour «se faire la main». On y acquiert une aisance, une liberté d’écriture incomparables. C’est pourquoi la fugue d’école fait partie intégrante des disciplines obligatoires à la formation du compositeur. Un bon improvisateur à l’orgue doit être rompu aux techniques du contrepoint, de l’harmonie et de la fugue; ainsi à la sortie de la classe d’orgue du Conservatoire de Paris, l’élève est jugé sur l’improvisation d’une fugue dont il connaît le sujet imposé dix minutes seulement avant de s’asseoir aux claviers. D’autre part, le concours de Rome, qui était un concours de composition pure, comportait une épreuve préalable où les candidats avaient à écrire une fugue d’école stricte.

3. L’évolution de la fugue

Des formes mineures

Historiquement, l’évolution de la fugue montre tout d’abord une longue oscillation entre la modalité et la tonalité, tout au long de deux siècles, le XVIe et le XVIIe, où se fixent peu à peu les règles d’un jeu auquel les plus grands compositeurs apportent des améliorations successives. Des «sous-formes» de la fugue ont pris naissance en même temps que la fugue elle-même. Il y a la fughette , petite fugue considérablement simplifiée et qui cherche à ne point rebuter un auditoire qu’indisposerait peut-être un genre trop sévère. Il y a le thème fugué , qui se contente d’emprunter à la fugue ses éléments essentiels, sans se perdre dans d’inutiles développements. Mais il y a aussi le redoutable fugato , qui n’est en quelque sorte qu’un démarrage de fugue: lorsqu’il arrive dans une œuvre où manifestement le compositeur ne trouve plus rien à dire, il essaye de tromper l’auditeur et de lui faire croire à un rebondissement de l’intérêt. Or, la plupart du temps, il n’en est rien, et le fugato ne fait que masquer une totale pénurie d’inspiration. Ce n’est pas sans raison que l’arrivée d’un fugato suscite des inquiétudes trop souvent fondées.

Jean-Sébastien Bach

Lorsque Jean-Sébastien Bach, au début du XVIIIe siècle, s’empare du genre, il n’a plus qu’à codifier définitivement une forme qui, avec lui, atteint sa perfection et que l’on a analysée plus haut. Deux autres compositeurs, contemporains exacts du cantor de Leipzig, ont eux aussi contribué à porter la fugue à son point de perfection quasi définitif: Georg Friedrich Haendel et Domenico Scarlatti. Si l’on n’oublie pas non plus les admirables Fugues à cinq de l’organiste français Nicolas de Grigny (1672-1703), il est certain que c’est Bach qui est parvenu à la plus riche virtuosité en matière de fugue. Parmi tant et tant de fugues toutes plus exemplaires les unes que les autres, il faut citer: les quarante-huit fugues (précédées d’autant de préludes) du Clavier bien tempéré , recueil qui restera longtemps encore le livre de chevet de tous les vrais musiciens; l’Offrande musicale , où l’on peut étudier notamment le magnifique ricercare à six voix; L’Art de la fugue , écrit entre 1740 et 1748 et demeuré inachevé, véritable testament musical de Bach, dont les seize fugues et les quatre canons représentent une somme inégalable; la grande fugue de la Messe en si , et les merveilleuses fugues que Bach s’est amusé à insérer dans les trois premières Sonates pour violon seul , et dans lesquelles sa virtuosité jongle avec les difficultés que lui oppose l’écriture pour un instrument qui de lui-même se refuse à être polyphonique; enfin, les nombreuses fugues pour orgue, dont la variété d’inspiration et la qualité d’écriture éclatent autant que partout ailleurs.

De Bach à nos jours

Après Bach et Haendel (Lessons pour clavecin), la fugue, qui a trouvé son équilibre classique, rencontre en Joseph Haydn et Wolfgang Amadeus Mozart des artisans attentifs. Trois quatuors de Haydn et le Requiem de Mozart sont là pour prouver que ce genre réputé intellectuel est capable de renfermer beaucoup de tendresse et de lyrisme. Avec Ludwig van Beethoven, la fugue s’élargit, s’adaptant d’elle-même aux impératifs du préromantisme. C’est le cœur même de Beethoven qui bat dans les fugues pour piano des Sonates op. 106 et 110, ainsi que dans celles du Quatuor op. 59 no 3 et de la Missa solemnis , enfin dans la Grande Fugue en du Quatuor op. 133.

Les romantiques, eux aussi, ont vu quel impact une fugue pouvait avoir sur la sensibilité. Après Felix Mendelssohn, qui avait réhabilité Bach et dont la virtuosité se fait jour dans les trois Sonates pour orgue , Robert Schumann et surtout Johannes Brahms (Deutsches Requiem ) ont recours à la fugue, mais elle est écrite dans un style beaucoup plus libre. Giuseppe Verdi lui-même, dans son Quatuor à cordes et dans le célèbre finale de Falstaff , donne des modèles de fugues magistralement conçues. La liberté dont il est question ici concerne la structure dans la mesure où le genre, par définition, repose sur une somme de règles et d’interdits très stricts; en changeant certaines règles pour d’autres tout aussi impératives, le compositeur se plie de toute manière à une discipline librement consentie qui, bien souvent, est le meilleur catalyseur du génie.

Ainsi ont fait Richard Strauss (dans la fin de la Sinfonia domestica ) et tous ceux qui, depuis le début du XXe siècle, furent attirés par les charmes sévères de la fugue. Paul Hindemith, comme Bach, a cherché à grouper un certain nombre de fugues dans le Ludus tonalis (où, entre un praeludium et un postlude, douze fugues voisinent avec douze préludes). Maurice Ravel, dans Le Tombeau de Couperin , donne un ravissant exemple de fugue moderne et libre. Il suffit de citer Arthur Honegger, Igor Stravinski (Symphonie de psaumes ), Alban Berg (deuxième acte de Wozzeck ) et de rappeler pour terminer que Béla Bartók, dans le premier morceau de la Musique pour instruments à cordes, percussion et célesta , offre un merveilleux modèle de ce que l’on pourrait appeler la «fugue de l’avenir», c’est-à-dire une fugue où les conventions de jadis sont toutes transposées dans le langage d’aujourd’hui sans rien perdre pour autant de leur rigueur et de leur nécessité. Une telle œuvre prouve que, loin d’être un genre abstrait, sclérosé et mort, la fugue, aujourd’hui comme autrefois, est le moyen le plus complet et le plus sûr que possède un compositeur pour exprimer pleinement sa pensée musicale.

fugue [ fyg ] n. f.
• 1598 « canon »; it. fuga
IComposition musicale écrite dans le style du contrepoint, caractérisée par une entrée successive des voix, un thème répété ou suivi de ses imitations, qui forme plusieurs parties (exposition, contre-exposition, réponse; développement; strette, pédale, conclusion) qui semblent « se fuir et se poursuivre l'une l'autre » (Rousseau). 2. canon; imitation. « L'Art de la fugue », de J.-S. Bach. Par ext. L'écriture des fugues. Classe de fugue. II(1728) Action de s'enfuir momentanément du lieu où l'on vit habituellement. absence, échappée, équipée, escapade, fuite. Faire une fugue. « Ces fugues sont fréquentes. Ça se termine classiquement par une rentrée au bercail, l'oreille basse » (Aragon). Escapade (pour un mineur) sous l'influence d'une impulsion morbide. Enfant qui fait des fugues. fugueur.

fugue nom féminin (italien fuga, du latin fuga) Composition musicale contrapuntique, en imitation, dont le thème s'appelle sujet. ● fugue nom féminin (de fugue) Fait pour quelqu'un, en particulier pour un mineur, de s'enfuir de son domicile. Action de partir momentanément quelque part, escapade sans conséquence : Faire une fugue à la campagne.fugue (synonymes) nom féminin (de fugue) Fait pour quelqu'un, en particulier pour un mineur, de s'enfuir...
Synonymes :
- désertion
- évasion
- fuite
Action de partir momentanément quelque part, escapade sans conséquence
Synonymes :
- escapade

fugue
n. f.
d1./d Forme musicale, basée sur le contrepoint et dont les parties semblent se fuir dans les reprises du motif.
d2./d Abandon subit du domicile habituel pendant une courte période. Faire une fugue.

FUGUE, subst. fém.
I.— MUS. Forme de composition contrapuntique fondée sur l'entrée et le développement successifs de voix selon un principe strict d'imitation qui donne à l'auditeur l'impression que chaque voix fuit ou en poursuit une autre. Art de la fugue et du contrepoint; fugue par augmentation; fugue à miroirs; sujet, contre-sujet, exposition, développement, strette, conclusion d'une fugue. Une fugue (...) claire, pure, mais insipide aussi et froide comme de l'eau de puits (BERLIOZ, À travers chants, 1862, p. 200) :
1. Bach possédait des dons d'improvisation prodigieux. Il réalisait aux claviers, avec une aisance incroyable, des fugues doubles et triples, à 5 et 6 voix, et des canons en augmentation d'une longueur surprenante.
DUPRÉ, Improvis. orgue, 1925, introd.
II.— Action de fuir, de s'enfuir.
A.— Fuite, action de quitter pour un temps plus ou moins long l'endroit que l'on occupe habituellement. La fugue de la famille royale (MARAT, Pamphlets, Affreux Réveil, 1790, p. 239) :
2. CÉLIMARE. — (...) ce voyage dont je vous parlais tout à l'heure (...) c'est une fuite (...) une fugue!...
TOUS. — Comment?
CÉLIMARE. — Je suis ruiné, poursuivi, traqué! la Bourse...
LABICHE, Célimare, 1863, III, 11, p. 129.
B.— PSYCHOPATHOL. Impulsion morbide qui pousse un individu (généralement un enfant ou un adolescent) à quitter son milieu social, familial, et à partir souvent sans but et à l'aventure. La fugue est toujours un signe morbide sérieux (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 481).
REM. 1. Fugato, subst. masc., mus. Passage en style fugué qui n'est pas développé. Les fugato (...) relèvent (...) de la plus ennuyeuse des scholastiques (LA LAURENCIE, Éc. fr. violon, 1922, p. 97). On peut noter l'emploi du plur. rég. ital. fugati chez Koechlin. Tendance à borner une fugue à son exposition ou à quelques entrées affirmée par le Roi David de Mr A. Honegger et par les fugati de Mr Milhaud (Écrit. fugue, 1933, p. 268). 2. Fuguer, verbe intrans. Construire, développer une fugue. L'objet sonore initial, auquel on propose de fuguer avec lui-même, est bien ou mal choisi (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 153). 3. Fuguette, subst. fém. Petite fugue. La première des fuguettes de Haendel, exigeant la liaison parfaite de chaque note à la suivante (GIDE, Journal, 1914, p. 496).
Prononc. et Orth. :[fyg]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. [Fin XIIIe s. fugue « fuite » (Chron. de Robert Guiscart, I, 18, Champollion ds GDF.), attest. isolée tirée d'une trad. fr. d'un texte lat. écrit par un italien] 1. 1598 fugue musicalle (PH. DE MARNIX, Differ. de la Relig., I, V, 2 ds HUG.); 2. 1728 « fuite momentanée » (MARIVAUX, Triomphe de Plutus, III, 165 ds IGLF : Oh! que voilà qui est chromatique! Faisons une petite fugue ma reine; allons-nous en). Empr. à l'ital. fuga, attesté comme terme de mus. dep. le XVIe s. (V. Galilei ds BATT.), d'abord « fuite » et « départ subit » (dep. XIVe s. Simintendi et Dante ds BATT.), empr. au lat. class. « fuite » (cf. fougue1); 2 est soit réempr. à l'ital. dans son sens d'orig. (BL.-W.5), soit issu de 1 (FEW t. 3, p. 836b; à l'appui de cette hyp. v. le texte cité supra 1728). Fréq. abs. littér. :304. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 44, b) 103; XXe s. : a) 954, b) 625.
DÉR. Fugueur, euse, adj. et subst. (Celui, celle) qui fait des fugues. Lulu avait été un fugueur et un paresseux qui se faisait mettre à la porte de tous les établissements (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 196). Des « aliénés difficiles », violents ou fugueurs (H. BAZIN, Fin asiles, 1959, p. 143). [], fém. [-ø:z]. 1re attest. 1930 (Lar. 20e); de fugue, suff. -eur2.
BBG. — HOPE 1971, p. 198. — QUEM. DDL t. 8.

fugue [fyg] n. f.
ÉTYM. 1598, de Marnix; désigne jusqu'à la fin du XVIIe ce que l'on appelle aujourd'hui « canon »; de l'ital. fuga, même sens; « fuite », fin XIIIe, attestation isolée; du lat. fuga (comme l'italien), de fugere. → Fuir.
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I (1598). Composition musicale écrite dans le style du contrepoint et dans laquelle un thème et ses imitations successives forment plusieurs parties qui semblent « se fuir et se poursuivre l'une l'autre » (Rousseau). Canon; imitation. || Petite fugue. Fuguette. || La véritable fugue n'a été codifiée qu'à la fin du XVIIe siècle. || Parties d'une fugue : exposition (la 1re voix énonce le sujet, repris à la quinte par la 2e voix [réponse] tandis que la 1re voix exécute un contre-sujet et ainsi de suite jusqu'à ce que toutes les voix aient exposé le sujet); contre-exposition; développement (les entrées du sujet, ou modulations, sont séparées par les épisodes ou divertissements); strette (où les entrées et les réponses sont rapprochées en vue de la conclusion), pédale, conclusion. aussi Contre-fugue. || Fugue à deux, quatre voix. || Fugue double, triple, à deux, trois sujets. || Fugue régulière, libre, irrégulière. || Les fugues du Clavecin bien tempéré, des livres d'orgue; l'Art de la fugue, de J.-S. Bach. || La grande fugue, dernier quatuor de Beethoven. || Prélude, toccata et fugue.Par ext. L'écriture des fugues. || Théorie de la fugue. || Classe de fugue. || Premier prix de fugue. || Apprendre la fugue et le contrepoint.
1 Dans toute fugue, la confusion est en même temps ce qu'il y a de plus à craindre et de plus difficile à éviter; et l'on peut dire qu'une belle fugue bien traitée est le chef-d'œuvre du meilleur harmoniste.
Rousseau, in Encycl. (Diderot), art. Fugue.
1.1 À l'égard des contre-fugues, doubles fugues, fugues renversées, basses contraintes et autres sottises difficiles que l'oreille ne peut souffrir et que la raison ne peut justifier, ce sont évidemment des restes de barbarie (…)
Rousseau, Lettre sur la musique franç.
2 Comme il (Beethoven) le dit à Karl Holz : « Faire une fugue n'est rien, en soi (ce n'est pas de l'art)… Mais l'imagination veut aussi maintenir ses droits; et de nos jours, en l'antique forme, un autre esprit, vraiment poétique, doit entrer ». En vérité, Jean-Sébastien (Bach) n'avait pas attendu Beethoven, pour « faire entrer dans ses fugues un élément poétique » (…)
R. Rolland, Beethoven, p. 323.
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II (1728, Marivaux). Action, fait de s'enfuir momentanément du lieu où l'on vit habituellement. Absence, échappée, équipée, escapade, fuite. || Faire une fugue (→ Décamper, cit. 5). || Courte fugue, fugue prolongée. || Il s'est déjà enfui plusieurs fois de chez ses parents, il n'en est pas à sa première fugue. || Elle lui avait pardonné ses nombreuses fugues ( Fredaine). || Adolescent en fugue. Fugueur.
3 (…) vous dites que vous méditez une fugue dans mes déserts, et vous me proposez de quitter mes déserts pour le fracas de Paris !
Voltaire, Lettre, 4209, 3 août 1775.
4 Cette fugue à deux donnait subitement à leur intimité que tous ignoraient encore, une sorte de consécration matérielle, qui la troublait comme une enfant en faute.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 267.
5 Ces fugues sont fréquentes. Ça se termine classiquement par une rentrée au bercail, l'oreille basse. La police arrive d'ailleurs toujours à retrouver les gens.
Aragon, les Beaux Quartiers, III, II.
5.1 (…) un télégramme adressé à son mari lui apprenait que l'un de ses fils, en fugue en Italie, venait d'échouer dans une prison de Milan.
Marie-Claire Blais, Une liaison parisienne, p. 97.
(1901, in D. D. L.). Psychopathol. Escapade sous l'influence d'une impulsion morbide. || Enfant qui fait des fugues. Fugueur.
6 La fugue est un accès de durée généralement courte, tandis que le vagabondage est un état chronique.
M. Garnier et V. Delamare, Dict. des termes de médecine, art. Fugue.
DÉR. Fugué, fuguer, fuguette, fugueur.
COMP. Contre-fugue.

Encyclopédie Universelle. 2012.