RÉVÉLATION
La révélation a été comprise de façon classique comme la communication d’une vérité par un auteur inspiré de Dieu, dont le message a été confirmé par des signes. Elle a été ainsi interprétée dans la catégorie de la parole et du discours. La réflexion contemporaine procède à partir de la Bible à un renouvellement de cette définition en reconnaissant que la révélation en premier lieu ne se donne pas comme une somme d’énoncés livrés par un intermédiaire, mais comme un acte de Dieu; qu’en deuxième lieu elle inclut d’autres manifestations que la parole: il y a des faits porteurs de révélation; le passage de Dieu se manifeste comme une trace au sein d’un peuple et s’inscrit dans une histoire; qu’enfin elle est moins expression de paroles qu’événement: elle se résume dans un face à face , où le nom de Dieu est invoqué plutôt qu’évoqué, car le nom de Dieu est imprononçable. Ainsi reprise, la notion de révélation inclut à la fois un sens précis, propre à la révélation judéo-chrétienne, et un sens large, dans lequel peuvent venir s’inscrire d’autres conceptions de la révélation, en particulier celles de l’islam et de l’hindouisme. Quant aux traditions auxquelles la notion de révélation demeure apparemment étrangère en raison de l’absence de référence à tout logos , c’est en général à partir d’une réflexion sur la conception de la nature et de l’écriture que la question se trouve néanmoins abordée, la pensée d’un peuple laissant toujours entrevoir à son origine comme dans son mouvement une différence et la trace d’une altérité qui est le signe d’une transcendance (ou, plus exactement, d’une transascendance).
La révélation dans la Bible
Dans la Bible, le fait de la révélation est exprimé principalement par le verbe galah ; et le terme gilouï désigne le «dévoilement» de ce qui était caché, l’«exil» de ce qui résidait d’abord chez soi et en soi et le «déploiement» de ce qui était initialement enveloppé sur soi. La tradition juive parlera d’un dévoilement (ou exil) de la présence: gilouï shekinah . La révélation n’est donc pas d’abord présence de Dieu, mais sortie de Dieu hors de soi dans le monde. Cependant, en s’exilant dans la création, Dieu ne lui est pas demeuré étranger: il a voulu s’y faire entendre, s’y faire voir, s’y faire «connaître» ou plutôt rencontrer par un peuple qui l’accueille. Cette rencontre de l’homme et de Dieu reste une et inexprimable, bien qu’elle soit donnée à tout un peuple et qu’elle s’étale dans le temps: elle se manifeste «de multiples façons» (Luc, I, 1) sans qu’aucun événement puisse jamais l’épuiser dans sa totalité.
Il s’agit cependant d’une rencontre qu’on peut dire personnelle: le Dieu unique s’est manifesté aux patriarches; il a «parlé avec eux», et de là vient le seul nom dont on puisse le désigner: le «Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob», la pluralité des références étant ici la garantie de son unicité. Il s’agit d’une rencontre effective et localisée, mais qui échappe au temps et à l’espace, comme l’indiquent l’échelle de Jacob ou le buisson ardent de Moïse, qui «brûle sans se consumer». Cette rencontre a eu enfin pour témoin tout un peuple (Ex., XIX): au Sinaï, chaque israélite est dit avoir vu Dieu «face à face», plus clairement que ne le verront les plus grands des prophètes. Pour autant, la révélation advenue n’est pas close, et un prophète semblable à Moïse demeure attendu (Deut., XVIII, 18). La trace messianique demeurera, à travers le temps, la clef d’une interprétation de l’histoire à la lumière de la révélation et le soutien d’une espérance qui doit être étendue à tous les peuples.
Si la révélation vient s’inscrire dans l’histoire, c’est qu’elle est avant tout de caractère éthique. Exprimant la manifestation de la volonté divine dans des lois, des coutumes, des rites, elle instaure moins une connaissance proprement dite qu’une voie (halacha ), un enseignement pratique, un comportement distinctif et traditionnel. La révélation constitue «moins une théologie pour l’homme qu’une anthropologie pour Dieu» (Abraham Heschel).
Dans la Bible, la révélation suppose un processus psychologique chez celui qui en est le témoin ou le messager. Le phénomène le plus fréquemment évoqué est la vision ou le rêve, lesquels ne sont pas simplement donnés mais demandent toujours à être interprétés. De tels intermédiaires existaient chez les autres peuples de l’Antiquité, mais la tradition biblique montre à propos de l’affaire de Balaam (Nombres, XXII-XXIV) que seuls sont accrédités à parler au nom de Dieu et à interpréter ses actions ceux qui, comme Joseph, Moïse ou Samuel, se rattachent au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et, comme on dirait aujourd’hui, pensent dans la révélation. C’est la fonction du midrash d’actualiser constamment la révélation en l’interprétant en fonction du présent.
Par cette voie des consultations et interprétations, la révélation s’est ainsi organisée comme torah . Les torot écrites de façon à composer le Sepher torah et celles qui, transmises de bouche à oreille, constituent la tradition orale, torah she be al pè , sont considérées toutes également comme données par Dieu au Sinaï. Toutefois, on trouve chez les prophètes une notion plus large de la Torah comme révélation: la Torah devient ici la loi universelle de la conduite humaine, loi qui est «inscrite non sur des tables de pierre mais dans les cœurs» et dont la connaissance est le privilège des «fils de Dieu» (Jér., XXXI, 33; Deut., XI, 18). L’insistance sur cette notion large de la révélation donne du crédit au judaïsme réformé à côté du judaïsme orthodoxe.
Le Nouveau Testament
Dans le Nouveau Testament, la révélation apparaît comme une «apocalypse», la manifestation d’un «secret caché dans les profondeurs de Dieu depuis l’origine des temps et maintenant dévoilé» (Éph., III, 5). Ce secret, œuvre de la sagesse de Dieu, consiste dans la manifestation survenue en Jésus de Nazareth. Celle-ci, répondant aux deux valeurs du mot davar , est à la fois un événement qui plonge dans le silence de Dieu et une parole qualifiée de multiples façons: parole de grâce (Actes, XIV, 3), parole de réconciliation (II Cor., V, 10), qui réunit les juifs et les gentils, parole de salut (Actes, XIII, 26), parole de vie (Philipp., II, 16), parole de fidélité (II Cor., VI, 7). L’Évangile de Jean précisera que cette parole est le Logos, la personne de Jésus même (Jean, I, 1), en qui la révélation s’est accomplie (Hébr., I, 1; Gal., I, 16). Toutefois cette révélation, bien que définitive (Hébr., X, 12-14), garde un mode d’obscurité; comme l’exprimeront les Pères grecs (Origène, Grégoire de Nysse) en commentant la théophanie de Moïse à propos de celle de Jésus, la gloire de ce dernier s’est manifestée dans la nuée; la révélation demeure voilée, «apophatique». Elle demeure donc objet d’élucidation prophétique en ceci que la révélation ultime de Jésus lui-même reste toujours attendue pour le dernier jour. Close en tant que livrée dans le témoignage inspiré des Apôtres, la révélation ne sera cependant manifestée et descellée définitivement qu’à la fin des temps, lors du retour du Christ pour le jugement dernier. En attendant, l’Esprit-Saint est envoyé pour permettre aux fidèles d’entrer dans une compréhension toujours plus profonde du «mystère» du Christ.
Au cours du IIe siècle, la gnose a renchéri sur cette notion de révélation, en concevant une sorte de révélation continue, en multipliant les révélateurs du mystère après la venue du Christ et en s’écartant de la révélation de l’Ancien Testament (Valentin, Marcion). Mais la tradition chrétienne a retenu avec saint Irénée que le «vrai gnostique» est celui qui pénètre l’économie de la révélation à partir de l’ensemble des Écritures et qui l’appréhende telle qu’elle a été confiée aux Apôtres, en attendant sa «récapitulation», lors du retour du Christ.
La tradition islamique
Dans le judaïsme, la révélation est centrée sur un peuple; dans le christianisme sur la personne du Christ; dans l’islam sur un livre, le Coran. L’islam ne distingue pas, comme font le judaïsme et le christianisme, entre révélation et inspiration. Le texte inspiré s’identifie avec la révélation (wa ム 稜 ). Il est tenu pour avoir été dicté mot à mot à Mahomet.
Le Coran est considéré comme étant la parole même de Dieu. Il reconnaît qu’il y a eu des révélations antérieures, la Torah et l’Évangile, et il s’appuie sur elles, mais il tient qu’elles ont été «manipulées» par la main des hommes et que les livres qui les transmettent ont été falsifiés. Aussi le Coran est-il seul parole authentique, révélation, «sceau de la prophétie».
Le Coran est loi divine, shar 稜‘a . C’est lui qui opère la distinction entre le bien et le mal, de sorte qu’il n’est pas possible de mettre une hiérarchie entre les préceptes. Sans doute, la tradition établit-elle un ordre entre les sourates et un partage entre celles de La Mecque et celles de Médine; elle tient compte aussi des circonstances historiques et sociales et connaît des versets «abrogeants», des versets «abrogés». Mais cette abrogation (naskh ) survenue en raison des circonstances fut un acte divin; elle ne saurait résulter d’une herméneutique au sens moderne du mot. Le texte du Coran est «inimitable» et «intangible»; un verset ne peut être éclairé que par les autres versets.
Quand, à défaut de critère herméneutique reconnu, il fallut interpréter la révélation de Mahomet, ce qui s’avéra nécessaire dès la deuxième génération, une grave controverse divisa l’islam. On eut recours d’abord au précédent constitué par les façons d’agir du Prophète lui-même (sunna ), en consultant ses anciens compagnons à titre de témoins. La conduite à adopter fut ainsi indiquée par le consensus (id face="EU Updot" 襤m ’ ) des anciens. Telle est la position des «sunnites», qui s’appuie sur les traditions gardées dans la communauté. Cependant, le critère d’interprétation ne fut pas reçu par les partisans (c’est le sens du mot arabe traduit par «sh 稜‘ites») des coutumes transmises dans la famille du Prophète. Ceux-ci en appellent également à la sunna de Mahomet, mais le critère est pour eux resté attaché à sa descendance directe. Cette tradition se divisera encore en tenants de la descendance charnelle et tenants d’une descendance spirituelle.
Selon la tradition sunnite, la connaissance révélée est impersonnelle, extérieure au moi du Prophète – ce n’est donc pas une inspiration –, et l’objectivité de la révélation coranique s’impose à tous avec évidence – ce n’est donc pas non plus une intuition. «Juridiquement, on définit le wa ム 稜 comme une information de Dieu à l’un de ses prophètes touchant un précepte juridique ou d’une autre nature. Quant à nous, nous le définissons comme la connaissance que trouve en lui l’individu, avec la certitude qu’elle est de Dieu et transmise par un moyen sensible ou non», écrit le shaykh Mu ムammad Abd dans Rissal al-tahwid , que cite Rachid Ridha. Ainsi la certitude éprouvée par le Prophète fut affirmée par lui comme résultant d’une perception venue de l’extérieur.
Pour le sh 稜‘isme, le vrai sens de la révélation coranique dépend en fin de compte de la vérité de l’existence humaine, que le wa ム 稜 manifeste. Aussi la tradition sh 稜‘ite est-elle davantage orientée que la tradition sunnite vers la personne qui reçoit le message révélé ou vers celle qui le transmet; elle conçoit la révélation divine dans la ligne de la prophétie (nubuww ) et d’une prophétie appelée à se poursuivre dans le temps pour interpréter la révélation. Elle est tournée vers la manifestation non pas, certes, d’une nouvelle shar 稜‘a , mais du sens plénier de la shar 稜‘a . Cette manifestation est attendue avec la parousie de l’«im m caché» (ou de l’«im m de ce temps», présentement caché, selon le sh 稜‘isme duodéciman), ce descendant du Prophète qui apportera le sens dernier du wah 稜 .
La pensée sh 稜‘ite trouve son couronnement dans la mystique des soufis, qui représente «l’effort suprême d’intégration de la révélation coranique, la rupture avec la religion purement légalitaire et le propos de revivre l’expérience intime du Prophète» (H. Corbin).
L’hindouisme
Dans la tradition hindoue, on regarde comme ごruti , révélation (littéralement: «ce qui a été entendu»), les livres védiques (de veda, qui signifie connaissance): ブgveda , S maveda , Yajurveda , Atharvaveda , ainsi que leurs compléments. Ces livres anciens se présentent comme la transcription de visions spirituelles de voyants et ont pour objet de régler les actions rituelles des hommes. Les Veda sont polythéistes, mais, les dieux étant différenciés par des particularités qui demeurent communicables de l’un à l’autre, la distinction entre eux reste incertaine, et la puissance divine à l’œuvre dans leurs manifestations diverses ( リta , vrata , dharvan ou dhaman ) est toujours identique.
Depuis l’origine, la religion hindoue est fixée sur l’avat ra , qui est descente de l’indéterminé dans la forme et révélation de la divinité dans l’homme. En Occident, une telle vue n’a jamais existé vraiment, parce que, dans le judaïsme comme dans le christianisme, la présence de Dieu est radicalement transcendante et ne peut être connue immédiatement. Le divin ne se laisse atteindre sans médiation que dans l’expérience mystique; et de semblables expressions du divin ne se rencontrent que dans la tradition ésotérique, dans les gnoses ou dans la Kabbale, qui ne sont pas retenues comme constituant la révélation. En Inde, au contraire, toute existence est déjà une manifestation de Dieu, parce que ce dernier est la seule existence et que rien n’existe qui ne soit une figure ou une image de cette réalité ultime et unique. Tout être conscient est de façon voilée «révélation», descente de l’infini dans le fini de la forme. L’âme, conscience incarnée (déh 稜 ), est une étincelle du feu divin, et cette âme, sortant de l’ignorance de soi, s’ouvre à la connaissance et se développe en un être conscient. Lorsque le divin assume la forme humaine avec son mode d’action humain et la possède dans son éternelle connaissance de soi, quand «ce qui ne naît point» se connaît, alors c’est l’avat ra .
L’avat ra n’est pas l’expression d’un théisme; il se présente même plutôt au premier abord comme un polythéisme. Quand la tradition hindoue approche cette question de l’ultime réalité dont elle est elle-même la manifestation, quand elle se penche sur la source première de la connaissance, elle sort déjà du domaine dit de la révélation, ごruti , pour entrer dans celui de l’enseignement traditionnel, sm リiti , objet d’écriture sacrée, ご stra .
Les Upani ルad qui constituent la «fin du Veda» ou Ved nta, forment la transition entre la vision védique et la pensée philosophique. Le monisme n’apparaît vraiment que dans le Ved nta, et c’est là seulement que les Veda sont regardés comme révélation, ごruti . Les Veda y apparaissent comme vision, liée à l’acte rituel du sacrifice, tandis que le Ved nta est expérience spirituelle. L’ultime réalité est alors reconnue et désignée comme Brahman . Brahman peut être envisagé de deux points de vue: soit comme porteur d’attributs, soutien de l’univers qu’il manifeste, soit et tout autant comme seul existant en soi, dépourvu d’attributs, laissant l’univers à son état d’apparence illusoire. Les deux aspects de Brahman ne sont pas contradictoires ni inconciliables. Les Upani ルad sont fondées sur ce jeu infini de l’être et du devenir: Brahman lorsqu’il «devient» l’univers ne perd rien de l’unité de son être. L’identité entre le moi, atm n , et l’unique réalité, Brahman, ne peut être perdue. Rien n’existe que la révélation de Brahman, immuable dans ses manifestations diverses.
Ces notions esquissées dans les Upani ルad ont été plus tard exprimées avec force dans la Bhagavad G 稜t . C’est là qu’elles trouvent leur cohérence et leur unité, car, si l’on se tourne vers les écrits de la philosophie indienne, on retrouve au contraire la plus grande diversité. Polythéisme, panthéisme, théisme, monisme, dualisme, voire matérialisme, s’entrelacent dans les différents systèmes (dar ごana ) élaborés par des écoles rivales, qui habituellement acceptent mais peuvent parfois rejeter l’idée qu’une révélation soit livrée dans la ごruti .
Pour trouver celle-ci sous sa forme pure, il faut revenir au Ved nta, en particulier sous sa forme vishnouite. En K リルユa (autre nom de Vi ルユu), Dieu a pris possession de la conscience humaine, s’est mis à conduire le monde, et le monde a été mis en présence de l’avat ra . Cependant, le K リルユa qui importe n’est pas l’homme historique qui parla et conduisit les hommes dans la vérité, mais la révélation éternelle du divin. La pensée hindoue estime ainsi que K リルユa s’est manifesté de nombreuses fois, en particulier en Jésus, mais que l’incarnation historique de celui-ci n’est d’aucune importance à côté de son incarnation éternelle en K リルユa.
La pensée philosophique moderne
La notion grecque de logos a permis à la théologie chrétienne de rendre compte de la révélation accordée d’abord aux patriarches et à Moïse, puis advenue en Jésus-Christ comme rencontre d’une personne, elle-même Verbe divin. Cette donnée a été mise en cause pour la première fois par Spinoza (Tractatus theologico-politicus ), pour qui l’attribution à Dieu du concept de personne est une représentation religieuse, non un concept spéculatif, Dieu est nature, et la révélation se confond avec la connaissance de cette nature. Hegel, en héritier de Spinoza, admet que juifs et chrétiens puissent reconnaître en Dieu la personnalité, ce qui leur permet de tenir la Bible pour révélée. Mais pour lui la révélation s’identifie avec le mouvement même de la dialectique, c’est-à-dire de la négativité. Elle est irruption dans l’histoire, illumination de la raison; et son objet est de faire connaître à l’homme sa destinée. En soumettant la raison à la révélation, les théologiens ont introduit l’arbitraire dans l’activité de l’absolu. La religion manifestée n’est pas autre chose que la religion rendue accessible à la raison. Dieu ne peut donc surgir dans l’histoire qu’au terme de l’évolution spirituelle, au moment où le chrétien prend conscience de son unité avec Dieu en Jésus et où se trouve révélé à l’esprit ce qu’est Dieu. L’important n’est pas que la vérité ait été octroyée à l’homme dès l’origine et de l’extérieur, mais que l’homme puisse la pénétrer aujourd’hui et du dedans, avec le langage de la philosophie. L’effort de la raison pour pénétrer l’Écriture est manifesté dans la mesure où l’individu pense enfin l’universel (Hegel, L’Esprit du christianisme et son destin ; Phénoménologie de l’Esprit ).
Schelling a récusé la tentative hégélienne dans son cours à l’université de Berlin de 1850-1852 (Philosophie de la Révélation ) en cherchant à ramener la négativité hégélienne vers une positivité, voire vers l’irrationnel: «Rien n’est plus irrationnel que de vouloir rationaliser ce qui ne se donne pas pour rationnel.» Rejetant donc la prétention au rationnel, Schelling remplace au cœur du réel le rationnel par l’absolu (l’impensable, das Unvordenkliche ). La révélation ne peut être qu’expliquée, c’est-à-dire recevoir un sens de l’effort de la raison. La part de négativité se trouve au niveau de l’historicité de la révélation, où intervient la liberté de l’homme. L’homme a la possibilité de poser le monde pour soi et hors de Dieu. La rédemption ne peut se réaliser que par une abnégation, par l’acte de «kénose» de Dieu dans l’humanité. Mais cette kénose n’a de sens qu’eu égard à une positivité, à une spécificité de la révélation par rapport à la raison humaine.
La philosophie idéaliste, dans son ensemble et dans ses oppositions, ne fait que manifester que la révélation a toujours été pensée comme objet d’une onto-théologie. Critiquée par Kierkegaard du point de vue de la foi, et par Feuerbach et par Marx du point de vue de l’athéisme, cette onto-théologie fait aujourd’hui l’objet d’un dépassement. L’effort de la pensée contemporaine consiste soit à faire retour à l’origine, c’est-à-dire à penser non la révélation mais dans la révélation (philosophie existentielle), soit à rappeler que la révélation est toujours la révélation d’un autrui (E. Lévinas): de Dieu nous ne pouvons saisir que la trace; la révélation se donne à penser seulement quand elle est reçue comme l’appel d’un visage, qui demande à être reconnu, rencontré dans un pur «face à face», et quand elle est acceptée comme exigence éthique, comme ouverture à l’autre, hors de toute violence. La pensée de la révélation se déploie ainsi surtout à partir de la catégorie fondamentalement biblique de la rencontre.
révélation [ revelasjɔ̃ ] n. f.
• 1130; revelacium 1190; lat. revelatio, de revelare « révéler »
1 ♦ Le fait de révéler, de découvrir, (ce qui était caché, secret). ⇒ divulgation. « Toute révélation d'un secret est la faute de celui qui l'a confié » (La Bruyère). Dès que j'eus la révélation de son infidélité.
♢ Une, des révélations. Information sur les points obscurs d'une affaire. Faire des révélations (à la police, aux journalistes). Menaces de révélations (⇒ chantage, délation, dénonciation) . « si on me condamne, pour qu'on m'acquitte, je ferai des révélations; je dénonce tout le monde ! » (Balzac). Les révélations d'un témoin.
2 ♦ (1902) Personne dont il est brusquement donné au public de découvrir le talent, les performances. La dernière révélation du ski autrichien.
3 ♦ (1190) Phénomène par lequel des vérités cachées sont révélées aux hommes d'une manière surnaturelle; ces vérités. ⇒ mystère; aussi fidéisme. « Si le christianisme est chose révélée, l'occupation capitale du chrétien n'est-elle pas l'étude de cette révélation même ? » (Renan). — Les trois révélations : les religions juive, chrétienne et musulmane.
♢ Illumination individuelle. Les révélations des mystiques. ⇒ vision; visionnaire.
♢ Révélation de connaissances ésotériques (⇒ initiation) .
4 ♦ (1870) Tout ce qui apparaît brusquement comme une connaissance nouvelle ou un principe d'explication; la prise de connaissance elle-même. Avoir une brusque révélation. « Quand je vis l'Acropole, j'eus la révélation du divin » (Renan).
♢ Expérience personnelle qui révèle des impressions, des sensations nouvelles. Avoir la révélation du plaisir. ⇒ découverte.
5 ♦ Photogr. Révélation de l'image latente (⇒ révélateur) .
⊗ CONTR. Duperie, tromperie; 2. secret; obscurité.
● révélation nom féminin (bas latin revelatio, de revelare, révéler) Action de révéler, de dévoiler, de faire connaître quelque chose : La révélation d'un complot. Information nouvelle ou élément inédit : Faire des révélations. Prise de conscience ou expérience soudaine d'une réalité, qui laisse une trace durable : Ce voyage en Égypte a été une révélation. Personne ou chose dont le public découvre brusquement les qualités exceptionnelles : Ce romancier a été la révélation de l'année. Acte par lequel Dieu fait connaître aux hommes son dessein de salut et se fait connaître à eux ; le donné révélé dont l'Église a le dépôt et qu'elle a la charge de conserver et de transmettre. ● révélation (citations) nom féminin (bas latin revelatio, de revelare, révéler) André Breton Tinchebray, Orne, 1896-Paris 1966 Privez-vous. La révélation est fille du refus. Le Surréalisme et la Peinture Gallimard André Breton Tinchebray, Orne, 1896-Paris 1966 Tout doit pouvoir être libéré de sa coque […] Ne vous croyez pas à l'intérieur d'une caverne, mais à la surface d'un œuf. Le Surréalisme et la Peinture Gallimard ● révélation (synonymes) nom féminin (bas latin revelatio, de revelare, révéler) Action de révéler , de dévoiler, de faire connaître quelque chose
Synonymes :
- aveu
Information nouvelle ou élément inédit
Synonymes :
- déclaration
Personne ou chose dont le public découvre brusquement les qualités...
Synonymes :
- découverte
révélation
n. f.
d1./d Action de révéler (sens 1); ce qui est révélé. Faire des révélations.
d2./d Manifestation de Dieu, d'une volonté surnaturelle, faisant connaître aux hommes des vérités inaccessibles à leur simple raison; ces vérités.
|| THEOL La révélation divine ou, absol., la Révélation.
d3./d Expérience intérieure au cours de laquelle on éprouve des sensations, des sentiments jusqu'alors ignorés ou qui permet de prendre subitement conscience de qqch. Cette rencontre a été pour moi une révélation.
|| Découverte soudaine de qqch qu'on avait jusque-là méconnu ou ignoré. Avoir la révélation de l'opéra.
d4./d Personne que l'on découvre, dont le talent, les dons se révèlent subitement. Ce joueur a été la révélation du match.
⇒RÉVÉLATION, subst. fém.
A. — Action de révéler quelque chose à quelqu'un; résultat de cette action.
1. La révélation de qqc. Action de porter à la connaissance quelque chose de caché, d'inconnu. La révélation d'un secret, d'un complot. Ce terme, dans l'usage n'est point accompagné de l'idée odieuse qu'on attache à ceux de délation et de dénonciation, bien qu'il leur soit synonyme. Il semble que la révélation d'un crime ou d'un délit dangereux pour la société soit un devoir pour le citoyen (ST-EDME t. 5 1828). Les experts ne veulent pas raconter ici leur expertise: ils la monnoyent dans les journaux. On nous cache des documents dont la révélation serait, dit-on, nuisible aux intérêts de la Défense Nationale (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 206).
♦ P. méton. [L'obj. de la révélation désigne une pers.] Révélation des complices (Ac. 1835-1935).
— DR. PÉNAL. Révélation ou violation de secret. ,,Manquement à l'obligation du secret professionnel (...) [qui] constitue un délit, hormis les cas où la loi oblige à se porter dénonciateur. (Cod. pén. art. 368)`` (CAP. 1936).
2. En partic. Communication orale ou écrite d'un fait demeuré jusque-là ignoré ou secret; fait, chose révélé(e). Dites bien que, sur Van Gogh, je prépare un ouvrage qui comportera des révélations sensationnelles et des renseignements scientifiques (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 52). V. civisme ex. de France:
• 1. Vous avez jugé bon de livrer au public le journal intime d'une femme, journal que celle-ci n'aurait jamais consenti d'écrire si elle eût pu se douter du sort qui lui serait fait un jour. La mode est aux confessions, aux révélations indiscrètes, sans souci du préjudice matériel ou moral que ces indiscrétions peuvent causer aux survivants...
GIDE, Robert, 1930, p. 1314.
SYNT. Révélations curieuses, étranges, inattendues; révélations personnelles; faire une, des révélation(s); faire, avoir la révélation que; avoir la révélation de qqc.; avoir, attendre, obtenir, recevoir des révélations de qqn; apporter des révélations sur qqc.
— DR. CANON. ,,Déclaration qui se faisait à un prêtre, après la publication d'un monitoire, de ce qui s'était passé de secret dans une affaire`` (GUÉRIN 1892). On publia des monitoires pour avoir révélation de telle chose (Ac. 1835, 1878).
B. — RELIGION
1. Dans les relig. positives. Acte pouvant s'exercer suivant divers modes, par lequel Dieu ou la divinité, se manifeste à l'homme et lui communique la connaissance de vérités partiellement ou totalement inaccessibles à la raison; ensemble de vérités ainsi portées à la connaissance de l'homme et constituant le fondement de la religion en question. Être frappé, saisi, touché par la révélation. Ne peut-il pas sembler qu'il y ait eu, dans tous les cultes intelligents, une certaine part de révélation divine? Le christianisme primitif a invoqué la parole des Sibylles et n'a point repoussé le témoignage des derniers oracles de Delphes (NERVAL, Filles feu, Isis, 1854, p. 658):
• 2. ... Dieu doit leur avoir dit de ce que nous ne savons pas, de ce que nous ignorons nous autres. Dieu doit leur avoir fait des révélations particulières. Hauviette: Il n'y a point de révélations particulières. Il n'y a qu'une révélation pour tout le monde; et c'est la révélation de Dieu et de Notre-Seigneur-Jésus-Christ. De Dieu par lui-même et par Notre-Seigneur-Jésus-Christ. C'est une révélation pour tous les bons chrétiens, pour tous les chrétiens, même pour les mauvais, et pour les pécheurs, pour tous les bons paroissiens.
PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 26.
SYNT. Révélation orale, écrite; la révélation égyptienne, judéo-chrétienne, juive, chrétienne; la révélation biblique, mosaïque, prophétique, évangélique; la révélation des Écritures, de l'Ancien, du Nouveau Testament, de l'Évangile, du Coran; le dépôt, le contenu, les données, les enseignements de la révélation.
— En partic., dans la relig. judéo-chrét.
♦ Révélation naturelle. Manifestation de Dieu qui se fait connaître par la création et par la conscience de l'homme. Là où l'Apôtre [saint Paul] invoquait contre les païens, une révélation naturelle qui les condamne, saint Justin admet en leur faveur une révélation naturelle qui les sauve (GILSON, Espr. philos. médiév., 1931, p. 29). V. infra ex. de Dheilly.
♦ Révélation surnaturelle. Manifestation de Dieu communiquant à l'homme par la parole adressée à ses messagers, la connaissance de son être, de sa volonté, de son plan tel qu'il se développe dans l'histoire. La révélation surnaturelle, d'abord destinée à un petit groupe, se manifeste ensuite comme adressée à l'humanité entière. Elle se présente sous forme partielle et progressive; sa continuité est assurée par la personne du Christ qui en est le centre et en qui elle s'achève. Tandis que la révélation naturelle commence avec l'homme et s'achèvera avec lui, la révélation surnaturelle commence avec Abraham pour se terminer avec la mort du dernier apôtre ou mieux avec la fin du Nouveau Testament (DHEILLY 1964, p. 1027).
♦ Révélation directe. Communication que Dieu établit directement avec l'un de ses élus, notamment par vision ou par audition. Les auteurs sacrés ne donnent pas d'explications sur la manière dont se sont produites ces révélations directes. On sait seulement que Moïse entendait la voix de Jéhovah mais ne pouvait voir sa face (...). Sur le chemin de Damas, saint Paul entendit et vit Jésus (...). Il y a certainement dans ces révélations directes une action divine qui s'exerce sur l'intelligence de l'homme et se fait reconnaître elle-même (Bible 1912, p. 1082).
♦ Révélation transmise. Révélation transmise aux autres hommes par les médiateurs de Dieu; en partic. ,,celle que Moïse a transmise à ses frères`` (GUÉRIN 1892).
♦ Révélation primitive. Révélation faite à Adam et aux patriarches. V. infra ex. de MARCEL 1938.
♦ Révélation mosaïque. Révélation faite à Moïse et aux prophètes. Dieu a instruit l'homme en le créant: c'est la révélation primitive, puis Il a renouvelé et développé celle-ci par l'organe de Moïse et des Prophètes: c'est la révélation mosaïque (MARCEL 1938).
♦ Révélation chrétienne. Révélation de Dieu en Jésus-Christ. Laissée à ses seules forces, l'intelligence humaine ne peut donc pénétrer le mystère divin; elle arrive seulement à comprendre vraiment un point, à savoir que Dieu reste pour elle incompréhensible. La révélation chrétienne change cet état de choses, non pas complètement, car notre connaissance de Dieu n'est jamais ici-bas compréhensible, même au sens vulgaire du mot; mais elle le change partiellement, dans les limites où le Verbe divin, fait homme, nous a parlé de son père (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 1044).
♦ La révélation de Saint Jean. L'Apocalypse (v. ce mot A 2). Plusieurs théologiens, même catholiques, ont cru que des faits du premier ordre et peu éloignés étoient annoncés dans la révélation de saint Jean (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 308).
— Empl. abs. Les trois révélations. Les religions juive, chrétienne et musulmane. (Ds LITTRÉ, ROB.). Les deux révélations. La religion juive et la religion chrétienne (d'apr. GUÉRIN 1892). La révélation. La révélation chrétienne, le christianisme. Dans le péril où le pousse sa philosophie [Locke], il abandonne sa philosophie et toute philosophie, et il en appelle au christianisme, à la révélation, à la foi (COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., t. 2, 1829, p. 350).
2. Dans le vocab. mystique. Connaissance relative aux choses surnaturelles, conçue comme donnée à l'individu par inspiration divine. Révélations intérieures; révélations particulières (supra ex. 2); recevoir des révélations. Tu n'as pas su cela, jeune homme, parce que tu n'étais pas prêtre, parce que tu n'avais ni révélations, ni visions, ni pressentiments (SAND, Lélia, 1833, p. 81). Causes d'erreurs au sujet des révélations privées: ceux qui les reçoivent les interprètent mal à cause de leur obscurité ou parce que Dieu n'en donne qu'une demi-intelligence (...) on les interprète trop à la lettre, on n'en voit pas le véritable esprit (...) les visions peuvent ne représenter tel événement que de façon approximative, ou n'ont qu'une valeur symbolique (MARCEL 1938).
C. — Phénomène par lequel une réalité cachée ou ignorée se manifeste, s'impose soudainement à la conscience ou à la connaissance; prise de conscience immédiate, découverte par voie d'intuition, d'inspiration, d'illumination. Cette espèce d'instinct, plus sûr que le raisonnement, qui, par une révélation intime, soudaine, profonde, donne à chacun comme la vive intuition de ce qui est au fond de toutes les âmes (LAMENNAIS ds L'Avenir, 1831, p. 351). [Une impression] si particulière, si spontanée, qui n'avait été ni tracée par mon intelligence, ni atténuée par ma pusillanimité, mais que la mort elle-même, la brusque révélation de la mort, avait, comme la foudre, creusée en moi, selon un graphique surnaturel, inhumain, comme un double et mystérieux sillon (PROUST, Sodome, 1922, p. 759).
SYNT. Révélation brusque, brutale, subite, inattendue, spontanée; révélation progressive; avoir, attendre, recevoir la révélation de qqc.; avoir des révélations (relativement à qqc.); la révélation de l'amour, du plaisir; la révélation de soi-même.
— P. méton.
♦ [Désigne une chose] Fait, réalité que l'on découvre inopinément et qui, souvent, s'avère riche d'enseignement ou de grande conséquence. [La Zambinella] jeta sur Sarrasine un des coups d'œil éloquents qui disent souvent beaucoup plus de choses que les femmes ne le veulent. Ce regard fut toute une révélation. Sarrasine était aimé! (BALZAC, Sarrasine, 1831, p. 416). La course de taureaux fut pour l'enfant la seconde des trois grandes révélations... faut-il dire « de sa jeunesse », ou bien « de sa vie »? (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 385).
[Suivi d'un compl. déterminatif] Ce qui révèle, ce qui est l'expression, la manifestation de quelque chose. Le pays qu'un grand homme a habité et préféré, pendant son passage sur la terre, m'a toujours paru la plus sûre et la plus parlante relique de lui-même; une sorte de manifestation matérielle de son génie, une révélation muette d'une partie de son âme, un commentaire vivant et sensible de sa vie, de ses actions et de ses pensées (LAMART., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 329). Dès que l'homme se sert du langage pour établir une relation vivante avec lui-même ou avec ses semblables, le langage n'est plus un instrument, n'est plus un moyen, il est une manifestation, une révélation de l'être intime et du lien psychique qui nous unit au monde et à nos semblables (GOLDSTEIN ds MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 229).
♦ Personne qui s'impose (principalement dans le domaine du sport, des arts, du spectacle) en manifestant sa valeur, son talent, ses qualités. La révélation de l'année. Il paraît que Hindenburg c'est une révélation, lui dis-je. — Une vieille révélation, me répondit-il du tac au tac, ou une future révolution (PROUST, Temps retr., 1922, p. 761). Ce jeune cinéaste de 26 ans [Humberto Solas] s'impose comme l'une des révélations les plus fracassantes et les plus sûres du cinéma cubain et mondial (Les Lettres fr., 6 août 1969, p. 20, col. 3).
D. — OPT., PHOT. Apparition de l'image donnée par un système optique. Révélation de l'image latente (ROB.). L'optique classique ne considérait que les images définies comme lieu des sommets des cônes issus du système optique (...). Tous les raisonnements portaient sur la structure de ces lieux géométriques, en considérant la révélation de l'image comme un simple procédé destiné à confirmer les prévisions du calcul arithmétique ou de la construction géométrique (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 204).
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694, 1718: reve-; dep. 1740 révé-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1190 relig. « inspiration par laquelle Dieu fait connaître surnaturellement certaines choses » (MARIE DE FRANCE, Es-purgatoire, 65 ds T.-L.); 2. a) Fin XIIIe s.-déb. XIVe s. [ms.] revelaciun « action de révéler (un secret, un crime,...) » (Ms. Londres, B.L., Egerton 613, f ° 16 r °); b) 1835 « information qui explique des événements obscurs ou fait connaître des éléments nouveaux » (Ac.); c) 1902 « personne qui manifeste brusquement de grandes qualités, un grand talent » (L'Auto-vélo, 13 janv. ds PETIOT); 3. 1831 « tout ce qui apparaît brusquement comme une connaissance nouvelle, de sensations ou de sentiments jamais éprouvés » (LAMENNAIS, loc. cit.); 4. 1941 phot. (DUHAMEL, Inv. abîme, p. 70). Empr. au b. lat. eccl. revelatio « action de laisser voir, de découvrir (en parlant de choses divines) » (v. BLAISE Lat. chrét.), du lat. de l'époque impériale revelatio « action de laisser voir, de découvrir », dér. de revelatum, v. révélateur. Fréq. abs. littér.:1 959. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 2 197, b) 2 349; XXe s.: a) 3 032, b) 3 373. Bbg. GALL. 1955, p. 117, 118, 378. — QUEM. DDL t. 17.
révélation [ʀevelɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1130; revelaciun, 1190, en théol.; lat. revelatio, de revalere. → Révéler.
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1 (1611; revalaucion, en 1318). a Vieilli. || La révélation de… : le fait de révéler, de découvrir, de rendre public (ce qui était caché, secret). ⇒ Divulgation (→ Cacher, cit. 56). || La révélation d'un secret (⇒ Indiscrétion), d'un complot, d'une conspiration (⇒ Aveu). || Révélation de la vérité (→ La vérité éclate). — Vx. || Révélation des complices, leur désignation. — Être poursuivi pour non révélation de complot. || Menace de révélation d'un scandale… (⇒ Chantage).
1 Toute révélation d'un secret est la faute de celui qui l'a confié.
La Bruyère, les Caractères, V, 81.
b (Une, des révélations). Chose qui vient à la connaissance de qqn, information orale ou écrite sur une question obscure. || Faire des révélations. ⇒ Confidence, déclaration. || Révélations sensationnelles. || Faire des révélations : mettre dans la confidence. || Je n'ai aucune révélation à vous apporter (→ Notable, cit. 2). — Dr. || Révélations ou imputations diffamatoires.
2 Oh ! d'abord, moi, je n'ai pas envie de m'exposer; j'ai menti à la justice, c'est vrai (…) si on me condamne, pour qu'on m'acquitte, je ferai des révélations; je dénonce tout le monde (…)
Balzac, Paméla Giraud, V, 8, in Théâtre, t. I, p. 423.
♦ (1902). Personne dont il est brusquement donné au public de découvrir le talent, les performances (dans le domaine des arts, du spectacle, du sport). || Ce jeune pianiste a été la révélation du concours international. || La dernière révélation du ski autrichien (→ Découverte).
2 (1190). Phénomène par lequel des vérités cachées sont révélées aux hommes, d'une manière surnaturelle; ces vérités. ⇒ Apocalypse (étym.), mystère; et aussi → Absolu, cit. 16; mystère, cit. 1. || La révélation divine. ⇒ Dieu, religion. || La foi et la révélation (→ Certitude, cit. 5). ⇒ Fidéisme. || La théologie catholique distingue la révélation primitive, la révélation mosaïque (→ 2. Canon, cit. 2) et la révélation chrétienne. || La révélation biblique. ⇒ Bible. — Les trois révélations : les religions juive, chrétienne et musulmane. — Illumination individuelle. || Les révélations des mystiques. ⇒ Vision, visionnaire. — Par anal. (Magie, spiritisme). || La révélation de l'avenir (⇒ Divination), de vérités occultes…
3 Ayant considéré d'où vient qu'il y a tant de faux miracles, de fausses révélations, sortilèges, etc., il m'apparut que la véritable cause est qu'il (y) en a de vrais; car il ne serait pas possible qu'il y eut tant de faux miracles s'il n'y en avait de vrais, ni tant de fausses révélations s'il n'y en avait de vraies (…)
Pascal, Pensées, XIII, 818.
4 À l'égard de la révélation, si j'étais meilleur raisonneur ou mieux instruit, peut-être sentirais-je sa vérité, son utilité pour ceux qui ont le bonheur de la reconnaître; mais si je vois en sa faveur des preuves que je ne puis combattre, je vois aussi contre elle des objections que je ne puis résoudre.
Rousseau, Émile, IV.
5 Si le christianisme est chose révélée, l'occupation capitale du chrétien n'est-elle pas l'étude de cette révélation même, c'est-à-dire la théologie ?
Renan, Souvenirs d'enfance…, III, Œ. compl., II, p. 819.
♦ ☑ Loc. (Guez de Balzac, in Littré) Savoir par révélation, par une connaissance intuitive, innée ou surnaturelle et non par l'expérience.
3 (1870). Ce qui apparaît brusquement comme une connaissance nouvelle ou un principe d'explication; la prise de connaissance elle-même. ⇒ Dessillement. || Avoir une révélation. || Cette révélation de la grandeur (→ Atteindre, cit. 20). || Attendre une révélation (→ Posséder, cit. 35). || « Quand je vis l'Acropole, j'eus la révélation du divin » (cit. 13). — La révélation que… (et indic.). || Elle eut subitement la révélation qu'elle avait réussi (→ Comprendre, saisir en un éclair… et aussi destinée, cit. 20).
6 Sans arrêt, l'esprit en éveil présente, autour de cette lueur vacillante, autour de cet indice incertain, des images et des souvenirs précis, susceptibles de déterminer une révélation totale — j'entends ce mot au sens où l'emploient les photographes (…)
G. Duhamel, Inventaire de l'abîme, V.
4 Expérience personnelle qui révèle des impressions, des sensations nouvelles. || Attendre, demander (cit. 43) des révélations. || La révélation intérieure. || Ce fut une véritable révélation (en parlant d'une situation nouvelle, de sensations ou de sentiments jamais éprouvés, d'une chose qu'on croyait connaître et qu'on découvre sous un jour nouveau). ⇒ aussi Initiation; baptême (figuré).
7 (Rubinstein) jouait les yeux clos et comme ignorant du public. Il ne semblait point tant présenter un morceau que le chercher, le découvrir, ou le composer à mesure, et non point dans une improvisation, mais dans une ardente vision intérieure, une progressive révélation dont lui-même éprouvât et ravissement et surprise.
Gide, Si le grain ne meurt, I, VI, p. 168.
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DÉR. Révélatoire.
Encyclopédie Universelle. 2012.