AVEU
Le terme «aveu» (du latin advocare , appeler ou avoir recours) désignait, à l’époque féodale, l’acte par lequel le serviteur reconnaissait son maître et le maître son serviteur. Il a pris ensuite le sens général d’approbation ou consentement et, dans la langue judiciaire, celui de reconnaissance, par une partie au procès, d’un élément favorable à la thèse de la partie adverse.
Une tendance naturelle pousse les hommes à exprimer des aveux qu’une longue tradition autorise à retenir contre eux à titre de preuves, tant dans le procès civil qu’en procédure pénale. La multiplicité des aveux est un fait d’expérience – bien que la criminologie , trop exclusivement attachée à l’étude des causes du crime, la néglige ordinairement – et l’efficacité juridique reconnue à l’aveu a sa justification.
La preuve par l’aveu n’est cependant pas admise de la même façon dans le procès civil et dans le procès pénal. Ceux-ci conçoivent différemment l’aveu, et la justice criminelle, en particulier, quoique sachant la valeur souvent très relative de l’aveu, manifeste envers lui une fidélité qui se comprend, mais aussi une ardeur à l’obtenir par laquelle s’explique le discrédit dans lequel est tombée l’ancienne «reine des preuves».
Un mot connu, dont l’expression est attribuée à Fouché ou à Talleyrand, mais dont l’inspiration pourrait bien remonter à Voltaire ou Molière, veut que la parole ait été donnée à l’homme pour qu’il puisse déguiser sa pensée. Plus réaliste est sans doute le «N’avouez jamais...» crié par le boucher Avinain à la foule, au moment de son exécution.
Indépendamment des ennuis qu’auront pu valoir à leurs auteurs de «doux aveux» ou quelque «aveu dépouillé d’artifice», il est de fait que l’homme manifeste une propension certaine à s’avouer dépendant, en défaut ou en faute. Ce peut être par égard pour la vérité ou dans quelque sentiment d’humilité qui vaudrait d’être approfondi; de toute façon, le fait est là, comme l’attestent une longue pratique de la confession (sacrement de pénitence) dans le catholicisme et l’expérience des polices de tous pays, qui savent avec quelle facilité tel délinquant, une première fois condamné en suite de ses aveux, avoue encore, et spontanément, après récidive et arrestation nouvelle.
Or, cet aveu consenti aisément, et plus souvent qu’on ne le croirait (dans un tiers des cas, selon Scotland Yard), présente pour la justice une incomparable valeur de preuve.
Certes, l’aveu peut être, par mensonge, contrainte ou erreur, aussi trompeur et fallacieux que bien des témoignages. Pierre Bouchardon, dénonçant la «fragilité de l’aveu» à l’occasion de l’affaire Doise (1861-1862), n’a-t-il pas demandé: «Quel est le magistrat qui, une fois au moins dans sa carrière, n’a reçu de faux aveux?» Comment ne pas croire cependant une personne qui est peut-être la seule à savoir ce qu’elle a fait ou dit, et dont les déclarations paraissent d’autant plus convaincantes qu’elles ne servent pas ses intérêts, mais ceux d’une partie adverse? Qui pourrait nier qu’un aveu puisse seul, en certains cas, délivrer de tout doute la conscience du policier, du procureur ou du juge? Mais tous les aveux ont-ils exactement la même signification?
À l’origine de l’aveu mensonger apparaît le plus souvent la volonté d’obliger autrui. L’aveu, dans l’opinion générale, ne procède cependant pas d’une volonté quelconque, mais plutôt d’une nécessité qui veut qu’on s’incline devant la vérité d’un fait comme devant l’évidence d’un flagrant délit. L’aveu doit-il être compris comme un fait juridique , susceptible d’être retenu en preuve de la même façon que toute autre circonstance de fait, ou est-il un acte juridique , c’est-à-dire une manifestation de volonté produisant un effet de droit ? Il suffit de poser la question pour qu’une distinction s’impose.
En France, par exemple, il est admis dans l’ordre de la procédure civile que «l’aveu n’est toujours qu’une manifestation unilatérale de volonté, laquelle n’est pas nécessairement le reflet exact de la vérité» (R. Perrot), alors que le Code de procédure pénale de 1958 traite l’aveu «comme tout élément de preuve», comme l’une quelconque de ces preuves sur lesquelles le juge de répression peut fonder sa décision, à la condition qu’elles lui soient apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui (art. 427 et 428).
Fondamentale, cette distinction demande à être précisée, mais la préciser, c’est approfondir du même coup la nature de l’aveu.
1. L’aveu civil
En ce qui concerne le procès civil, une autre distinction, si généralement admise qu’elle se retrouve, par exemple, dans le Code de droit canonique de 1983, oppose l’un à l’autre l’aveu judiciaire , fait en présence du juge, et l’aveu extrajudiciaire , qui s’entend de tout autre aveu.
Qu’il soit judiciaire ou extrajudiciaire, l’aveu ne peut porter que sur des questions de fait et n’a de valeur que s’il porte sur des faits que la loi n’interdit pas de reconnaître, générateurs de droits dont elle n’interdit pas de disposer. L’aveu, en outre, n’a force probante, dans les deux cas, qu’à la condition d’émaner d’une personne capable et ayant le pouvoir de disposer de l’objet en litige, ou d’un représentant en ayant reçu régulièrement le pouvoir.
Ainsi présenté, l’aveu apparaît principalement dans le procès civil comme une manifestation de volonté. Mais, en réalité, il n’a pleinement ce caractère que dans le cas de l’aveu judiciaire.
L’aveu judiciaire
L’aveu judiciaire est bien une déclaration de volonté selon l’article 1356 du Code civil qui lui attribue, en France, trois caractères principaux: il fait pleine foi contre celui qui l’a fait, il ne peut être divisé contre lui et il ne peut être révoqué.
En premier lieu, l’aveu judiciaire relève évidemment du pouvoir d’appréciation du juge , quand il y contestation sur le point de savoir quelle est sa signification exacte. Mais, sous cette réserve, il rend certain le fait avoué, de sorte que l’autre partie au procès est dispensée d’en administrer la preuve, comme l’admet aussi le Code de droit canonique.
En second lieu, l’aveu judiciaire est indivisible , en ce sens que, sauf contradiction ou invraisemblance manifeste, celui qui l’invoque ne peut prétendre retenir exclusivement ce qui lui est favorable dans une déclaration unique, accompagnée d’une condition quelconque (aveu qualifié) ou articulant, avec le fait principal, quelque fait secondaire et distinct qui en est la suite naturelle (aveu complexe).
Enfin, l’aveu judiciaire est irrévocable , en ce que, du moment qu’il a été formulé, et sauf le cas où il procéderait d’une erreur de fait, cet aveu ne peut pas être rétracté, même pour cause d’erreur de droit et alors même que la partie adverse n’en aurait pas encore pris acte.
Ainsi, l’aveu judiciaire, qui fait pleinement foi contre son auteur, ne peut décider de l’issue d’un procès qu’à la condition d’être pris tel qu’il est, dans sa totalité; mais, si le fait avoué est pertinent, il décide de l’issue du procès sans que le plaideur puisse l’éviter en invoquant qu’il a mal mesuré les conséquences juridiques de son aveu. L’aveu judiciaire est bien une manifestation de volonté, un acte juridique.
L’aveu extrajudiciaire
Formulé hors de la présence du juge, l’aveu extrajudiciaire offre évidemment beaucoup moins de garanties que le précédent. Tout d’abord, il faudra en rapporter la preuve, ce qui peut faire difficulté dans le cas d’un aveu verbal. Mais surtout, exprimé sans les formes solennelles de la justice, il peut être suspecté d’avoir été fait avec quelque légèreté et ne peut donc s’imposer au juge avec la même force qu’un aveu judiciaire.
Il en résulte que l’aveu extrajudiciaire relève toujours du pouvoir d’appréciation du juge, libre d’en estimer la valeur, comme le décide encore le Code de droit canonique; et cela, avec cette double conséquence, que, si l’aveu extrajudiciaire, de même nature que l’aveu judiciaire, demeure toujours comme celui-ci une manifestation de volonté, le juge garde cependant, vis-à-vis de lui, la double faculté de le diviser, pour n’en retenir qu’une partie, et de prendre éventuellement en considération la rétractation qui aura pu le suivre.
L’aveu extrajudiciaire, invoqué devant le magistrat mais non formulé en sa présence, relève du pouvoir qu’a ce juge d’en contrôler l’exactitude par d’autres éléments de preuve. Mais il demeure toujours l’expression d’une volonté et, comme tel, ne vaut élément de conviction que s’il est le fait d’une personne civilement capable et ayant le pouvoir de disposer de l’objet en litige.
En somme, manifestation de volonté de la part de son auteur, l’aveu civil extrajudiciaire ne produit pas par lui-même un effet de droit et tend à n’être pour le juge qu’un élément de fait parmi tous ceux qui peuvent fonder sa décision.
2. L’aveu pénal
Si le procès de répression était de même nature que le procès civil, et si l’aveu devait être toujours et exclusivement considéré comme une manifestation de volonté, comment une condamnation pénale pourrait-elle être fondée sur l’aveu d’un prévenu ou accusé? La liberté de l’homme (pour ne parler que d’elle) n’est-elle pas un bien dont celui-ci ne peut disposer et, surtout, le juge criminel n’a-t-il pas le devoir de rechercher lui-même, indépendamment du comportement ou des déclarations de l’accusation et de la défense, la manifestation d’une vérité qu’on doit dire d’ordre public?
Deux grands systèmes juridiques répondent à ces questions dans des sens opposés et différents l’un de l’autre, autant par les méthodes de leurs justices que dans l’ordre des principes.
Coupable ou non coupable?
En Angleterre, où le président des assises n’interroge pas l’accusé (et où il est même recommandé au nouveau magistrat de prendre une gorgée d’eau bénite dans sa bouche à l’ouverture des débats, pour ne l’avaler qu’à leur clôture), l’accusé est appelé dès l’abord à déclarer s’il plaide coupable ou non coupable (guilty or not guilty ). S’il plaide non coupable, les débats s’ouvriront et, à leur terme, le jury, se prononçant par oui ou non, décidera de sa culpabilité. Mais si l’accusé déclare plaider coupable, alors sa culpabilité est dès l’instant tenue pour certaine et le procès ne se poursuivra plus que pour la fixation de la peine et sans intervention du jury. L’accusé peut d’ailleurs revenir sur son choix jusqu’au jugement final et, dans toute affaire sérieuse, le juge ne manquera pas de l’inviter à réfléchir avant d’opter et lui suggérera souvent qu’il ferait mieux de plaider non coupable. Mais il n’en reste pas moins que l’accusé anglais est tenu pour coupable dès lors qu’il déclare plaider coupable.
Aux États-Unis, où le droit s’est formé initialement par «transport» de la common law et adoption du droit anglais, le même système vaut en principe et on peut même y trouver encore plus net le caractère de manifestation de volonté que présente la déclaration faite par l’accusé pour exprimer son choix: choisir de plaider coupable – ce qui se produit en certains districts dans la proportion de 95 p. 100 des cas – permet d’éliminer le jury, et il est admis que, si l’accusé n’est pas assisté d’un avocat, la cour ne doit pas accepter qu’il plaide coupable avant de lui avoir expliqué les conséquences d’une telle déclaration.
En Europe continentale, l’aveu peut avoir exceptionnellement certains effets analogues. Ainsi, en Italie, d’après le Code de procédure pénale de 1930, une instruction sommaire engagée par le procureur de la République se substitue à l’instruction formelle du juge d’instruction, quand l’inculpé, interrogé, a avoué (décision susceptible de recours depuis une loi de 1969). Mais très généralement, et notamment en France, un prévenu ou accusé n’est pas tenu pour coupable du seul fait qu’il s’est reconnu tel.
L’aveu exprimé devant le juge, même en réponse à son interpellation, peut en fait faciliter les débats, mais il n’empêche pas que le procès suive son cours. Il a, certes, son intérêt, dans une procédure où, suivant un rapporteur du Code d’instruction criminelle de 1808, «rien n’est muet, rien n’est inutile dans le débat [car] la contenance, le sang-froid ou le trouble, les variations, l’altération des traits, les impressions diverses forment un corps d’indices qui soulèvent plus ou moins le voile dont la vérité est enveloppée». Mais l’aveu à l’audience, comme l’aveu qui aurait pu être formulé entièrement, n’est qu’un élément de preuve parmi les autres et ne vaut pas plus qu’eux.
Que vaut l’aveu?
En France, alors que le Code de 1808 ignorait l’aveu par «une sorte de pudeur législative», a-t-on pu dire (R. Garraud), le Code de 1958 le vise expressément et décide que «l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges». Même si un aveu a été constaté par un procès-verbal faisant foi jusqu’à preuve contraire, il appartient aux juges de déterminer quelle valeur il faut reconnaître à cet aveu dont le fait ne peut être contesté, conformément à la règle générale qui veut que la preuve soit libre en matière pénale, mais relève toujours, en principe, du pouvoir d’appréciation des juges. Une critique de l’aveu, aussi nécessaire que la critique du témoignage, permet de faire de l’aveu une preuve; mais elle s’impose absolument, et l’aveu, élément de conviction et non manifestation de volonté, n’a jamais qu’une valeur relative en matière pénale: il est toujours divisible et révocable.
Au Portugal, le Code de procédure pénale de 1987 a décidé, par exemple, que, même si l’aveu lors du jugement autorise en principe le juge à abandonner l’examen des preuves, il n’y est jamais tenu, la gravité de la peine encourue, la contradiction des déclarations entre coinculpés et finalement même la simple conviction du juge constituant autant de motifs prévus par la loi pour ne pas tenir compte de l’aveu.
Bien des circonstances, en fait, sont à prendre en considération, surtout dans le cas d’un aveu tacite , déduit du silence ou du défaut de l’accusé. À plus forte raison faudra-t-il se garder de voir à tout coup un aveu implicite dans une fuite ou un suicide, ou encore, plus simplement, dans la transaction conclue avec la victime.
La France d’avant 1789 admettait évidemment la «preuve vocale», tirée de la confession de l’accusé, «la plus simple comme la plus naturelle qui se présente». Mais il fallait que la confession «soit appuyée de la preuve du corps du délit» et que les juges tiennent compte de l’état où se trouvait l’accusé au moment de l’aveu, de la qualité des faits avoués et de la manière de la confession, c’est-à-dire de ses termes (Muyart de Vouglans). Et cependant, ce que nous retenons surtout de notre ancien droit, c’est que, attaché fanatiquement à la preuve par l’aveu, il n’hésitait pas à autoriser l’emploi de la torture pour l’obtenir.
Aveu spontané, aveu provoqué
Il est des aveux spontanés; il en est de provoqués; il est surtout un «art» de provoquer des aveux «spontanés»: tous les systèmes juridiques qui accordent une valeur de preuve à l’aveu doivent donc s’intéresser aux moyens de le provoquer.
Indépendamment de l’effet «décisoire» qu’elle reconnaît au plea of guilty , la justice anglaise admet en preuve l’aveu exprimé avant la procédure de jugement. Mais elle sait combien la police peut être tentée d’abuser des possibilités qu’elle a de provoquer l’aveu et se méfie fortement des aveux consentis en réponse à des questions posées par les agents de l’autorité. De là les célèbres Judges’Rules , formulées pour la première fois en 1912-1918 et modifiées depuis, d’après lesquelles, lorsque l’officier de police a résolu d’accuser une personne, il doit l’avertir (caution ) que, si elle désire parler, sans y être obligée, ce qu’elle dira sera consigné par écrit et pourra être retenu en preuve.
En France, où existe une procédure d’instruction préparatoire, obligatoire en matière criminelle, la personne formellement inculpée ne peut plus être interrogée que par le juge d’instruction, dans les formes et avec les garanties prévues par la loi; il est admis depuis longtemps, à cet effet, que la personne soupçonnée doit être inculpée dès qu’il existe contre elle «des indices graves et concordants de culpabilité». À l’audience de jugement, par la suite, le président de la cour d’assises ou du tribunal pourra encore interroger l’accusé ou prévenu, et recevoir ses déclarations.
La police reste, en France, fidèle à la pratique d’un interrogatoire dont elle attend, selon les cas, la justification, l’aveu ou l’enferrement de la personne, et même à l’emploi de certains procédés que l’un de ses théoriciens a qualifiés un jour, avec quelque imprudence mais juridiquement, de «tortures licites» (L. Lambert).
Un illustre avocat, au contraire, dénonça la «superstition de l’aveu» et soutint que «lorsqu’au XVIIIe siècle on décida d’abolir la torture, on eût dû comprendre que du même coup l’interrogatoire d’un accusé n’avait plus de sens» (M. Garçon), alors qu’un de ses confrères, savant sur le sujet, décidait que «la question délicate n’est pas tant celle de l’aveu que celle de la manière dont l’aveu est reçu» et concluait «à la conservation de ce mode de preuve, qui ne doit être ni la reine des autres ni leur parent pauvre, mais peut être utilisé aux lumières de la saine raison» (A. Mellor).
aveu [ avø ] n. m.
• 1283; des anc. formes de avouer : j'aveue
I ♦
1 ♦ Hist. Déclaration écrite constatant l'engagement du vassal envers son seigneur, à raison du fief qu'il en a reçu. ⇒ hommage. — Homme sans aveu : homme qui n'était lié à aucun seigneur, ne pouvait invoquer aucune protection. Par ext. Homme sans feu ni lieu, sans répondant. ⇒ vagabond . Mod. Personne sans scrupule. ⇒ aventurier. « Des gens sans aveu, [...] des écumeurs d'aventures » (Hugo).
2 ♦ Vx ou littér. Action de déclarer qu'on agrée, qu'on autorise. ⇒ consentement. Je ne veux rien faire sans votre aveu. « on nous marie sans notre aveu » (Loti).
II ♦ Mod.
1 ♦ (av. 1626) Action d'avouer, de reconnaître certains faits plus ou moins pénibles à révéler; ce que l'on avoue. ⇒ confession, déclaration, reconnaissance, révélation. Faire un aveu. ⇒ avouer. Faire l'aveu d'un secret, d'une faute. Arracher un aveu à qqn (⇒ question, torture) . « Par un aveu, combien de fautes tu pourrais racheter » (Proust). — L'aveu d'un amour. ⇒ déclaration. — Par exagér. Il faut que je vous fasse un aveu : je n'aime pas Paris. — Spécialt, plur. Reconnaissance de sa culpabilité; reconnaissance de l'imputabilité des faits faisant l'objet de la poursuite. Il a fini par passer aux aveux. Revenir sur ses aveux. Aveux complets.
♢ Dr. Reconnaissance par une partie du fait qui est allégué contre elle. Aveu judiciaire, extrajudiciaire.
2 ♦ Loc. DE L'AVEU DE : au témoignage de. De l'aveu des témoins. « la comédie de Molière existait, avait la vogue, de l'aveu des contemporains » (Faguet).
⊗ CONTR. Désaveu; dénégation. Silence; 2. secret.
● aveu nom masculin (de avouer) Fait de reconnaître ou de déclarer qu'on est l'auteur d'une infraction, d'une action blâmable, ou simplement pénible à révéler : Obtenir les aveux d'un criminel. L'aveu de son ignorance lui a coûté. (Si la déclaration est faite en justice, l'aveu est judiciaire.) Littéraire. Action d'avouer son amour : De tendres aveux. Féodalité Charte délivrée par le vassal à son seigneur, attestant sa prestation de foi et d'hommage et l'acquisition de son fief. (L'aveu était accompagné du dénombrement.) ● aveu (citations) nom masculin (de avouer) Alphonse Allais Honfleur 1854-Paris 1905 Avant de prendre congé de ses hôtes, Dieu convint, de la meilleure grâce du monde, qu'il n'existait pas. Le Courrier français La Table Ronde Georges Bataille Billom 1897-Paris 1962 L'aveu est la tentation du coupable. Le Procès de Gilles de Rais Pauvert Michel Leiris Paris 1901-Saint-Hilaire, Essonne, 1990 Il faut mentir s'il n'y a que du mal à attendre de l'aveu d'une vérité. Fibrilles Gallimard Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Seigneur, dans cet aveu dépouillé d'artifice, J'aime à voir que du moins vous vous rendiez justice. Andromaque, IV, 5, Hermione Cicéron, en latin Marcus Tullius Cicero Arpinum 106-Formies 43 avant J.-C. Nous tenons un accusé qui avoue. Habemus confitentem reum. Pro Ligario, I, 2 Ovide, en latin Publius Ovidius Naso Sulmona, Abruzzes, 43 avant J.-C.-Tomes, aujourd'hui Constanţa, Roumanie, 17 ou 18 après J.-C. Elle ne pèche pas, celle qui peut nier avoir péché ; seul l'aveu d'une faute la perd de réputation. Non peccat quaecumque potest peccasse negare, Solaque famosam culpa professa facit. Les Amours, III, 14, 5 ● aveu (difficultés) nom masculin (de avouer) Orthographe On écrit au singulier : un homme sans aveu. Remarque Cet emploi correspond à un sens aujourd'hui disparu de aveu : « acte par lequel un seigneur reconnaissait qqn pour son vassal ». Emploi On dit passer aux aveux et non passer des aveux. Remarque Passer des aveux, fréquent dans l'écriture journalistique (le suspect a passé des aveux complets), semble s'être formé sur le modèle de passer des accords. ● aveu (expressions) nom masculin (de avouer) De l'aveu de quelqu'un, de son propre aveu, comme il le reconnaît lui-même. Littéraire. Homme sans aveu, sans foi ni loi. Littéraire. Ne rien faire sans l'aveu de quelqu'un, sans son autorisation. Passer aux aveux, avouer un crime, une faute. ● aveu (synonymes) nom masculin (de avouer) Fait de reconnaître ou de déclarer qu'on est l'auteur d'une...
Synonymes :
- révélation
Contraires :
- dénégation
- rétractation
Littéraire. Action d' avouer son amour
Synonymes :
- déclaration
Littéraire. Ne rien faire sans l'aveu de quelqu'un
Synonymes :
- accord
Contraires :
- défense
- refus
aveu
n. m.
d1./d Action de reconnaître qu'on a fait ou dit quelque chose. L'aveu d'une erreur, d'un crime. Passer aux aveux: reconnaître qu'on est coupable.
|| Faire un aveu à qqn, lui avouer qqch. Ant. dénégation.
d2./d DR Déclaration reconnaissant un fait ou un droit allégué par la partie adverse.
|| Loc. Prép. De l'aveu de: selon le témoignage de. De l'aveu de tous, c'est un homme intelligent.
d3./d Litt. Consentement. Il ne fait rien sans mon aveu.
d4./d Homme sans aveu: vagabond sans feu ni lieu.
⇒AVEU, subst. masc.
A.— Action d'avouer quelque chose.
1. Action de révéler quelque chose.
a) Action de dévoiler, d'expliquer quelque chose d'ignoré, de caché :
• 1. — J'ai besoin d'un secret, reprit M. Ouine, j'ai le plus pressant besoin d'un seul secret, (...) ... Un secret, comprenez-moi bien, mon enfant, je veux dire une chose cachée qui vaille la peine d'un aveu — d'un aveu, d'un échange, une chose dont je puisse me décharger sur autrui.
BERNANOS, Monsieur Ouine, 1943, p. 1555.
b) Action de reconnaître et de révéler quelque chose, qu'on est l'auteur d'un acte, d'une action, souvent blâmables (faute, tort causé, simple pensée ou omission); action de s'accuser, de se confesser. Faire l'aveu de sa faute, arracher, rétracter des aveux :
• 2. ... la mauvaise conscience aspire à l'aveu et au pardon, la conscience inquiète à la confrontation et au dialogue. Janet dit de la confession qu'elle « semble avoir été inventée par un aliéniste de génie qui voulait traiter des obsédés ». Elle est plus que cela pour le croyant, mais elle est déjà cela pour le psychologue.
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 487.
— Au fig. :
• 3. LES VOLUPTANTES. —
Reviens, vagir parmi mes cheveux, mes cheveux
Tièdes, je t'y ferai des bracelets d'aveux!
Étends partout les encensoirs les plus célestes,
L'univers te garde une note unique! Reste...
LAFORGUE, Les Complaintes, Complainte des voix, 1885, p. 74.
• 4. Dès que la richesse, les prix et la monnaie sont en cause, le pouvoir éprouve une résistance non saisissable. Le conscrit se rend à la caserne et le braconnier à la prison; cela ne fait pas difficulté. Mais donner l'impulsion aux affaires et aux marchés, faire sortir l'argent, tirer des aveux d'une bourse, cela se décrète aisément et ne se fait point.
ALAIN, Propos, 1934, p. 1216.
Rem. Belgicisme. Être en aveux, entrer en aveux pour avouer, faire des aveux, faire l'aveu de sa faute d'apr. HANSE 1949.
— Spéc., DR.
♦ DR. CIVIL. Mode de preuve constituée par la reconnaissance par une partie de l'exactitude d'une allégation et de nature à produire des conséquences juridiques à son détriment. Aveu d'une dette. Aveu judiciaire. Celui qui est fait en justice au cours d'une instance. Aveu extrajudiciaire. Celui qui est fait en dehors de la présence du juge ou dans une autre instance :
• 5. 1354. L'aveu qui est opposé à une partie, est ou extrajudiciaire ou judiciaire. 1355. L'allégation d'un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu'il s'agit d'une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible. 1356. L'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial.
Il fait pleine foi contre celui qui l'a fait.
Il ne peut être divisé contre lui.
Il ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d'une erreur de droit.
Code civil, 1804, p. 246.
♦ DR. PÉNAL. Reconnaissance par un individu d'avoir commis une infraction et constituant un moyen d'instruction insuffisant à lui seul pour entraîner condamnation. Faire l'aveu d'un crime :
• 6. Arrêté la nuit, porteur d'une pince-monseigneur, en compagnie de rôdeurs munis de fausses clefs. Dans une lettre au procureur, il a fait des aveux complets; mais il dit à présent que, cette lettre, un repris de justice l'a forcé à l'écrire. Et il nie tout.
GIDE, Souvenirs de la Cour d'assises, 1913, p. 643.
— Empl. ironiquement :
• 7. La foule des pingouins ignorait le doute : elle eut foi dans la culpabilité de Pyrot, et cette foi devint aussitôt un des principaux articles de ses croyances nationales et une des vérités essentielles de son symbole patriotique. Pyrot fut jugé secrètement et condamné. Le général Panther alla aussitôt informer le ministre de la guerre de l'issue du procès.
— Par bonheur, dit-il, les juges avaient une certitude, car il n'y avait pas de preuves.
— Des preuves, murmura Greatauk, des preuves, qu'est-ce que cela prouve? Il n'y a qu'une preuve certaine, irréfragable : les aveux du coupable. Pyrot a-t-il avoué?
— Non, mon général.
— Il avouera : il le doit. Panther, il faut l'y résoudre; dites-lui que c'est son intérêt. Promettez-lui que, s'il avoue, il obtiendra des faveurs, une réduction de peine, sa grâce; promettez-lui que, s'il avoue, on reconnaîtra son innocence; on le décorera. Faites appel à ses bons sentiments. Qu'il avoue par patriotisme, pour le drapeau, par ordre, par respect de la hiérarchie, sur commandement spécial du ministre de la guerre, militairement... Mais, dites-moi, Panther, est-ce qu'il n'a pas déjà avoué? Il y a des aveux tacites; le silence est un aveu.
— Mais, mon général, il ne se tait pas; il crie comme un putois qu'il est innocent.
— Panther, les aveux d'un coupable résultent parfois de la véhémence de ses dénégations. Nier désespérément, c'est avouer. Pyrot a avoué; il nous faut des témoins de ses aveux, la justice l'exige.
A. FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, p. 259.
— Arg. Faire des aveux. Se mettre à table :
• 8. Il faisait du zèle... Il nous traitait en farouche... Il voulait nous épouvanter! ... Sans doute pour qu'on se mette à table... qu'on lui fasse tout de suite des aveux! ...
CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 637.
2. Action d'admettre quelque chose.
a) Action d'admettre quelque chose d'intime, de personnel, de plus ou moins pénible à reconnaître, concernant sa nature, ses imperfections ou ses sentiments, et de les révéler; confidence, confession littéraire :
• 9. Confidence et confession 31 mars 1898 :
En écrivant la première phrase de ses Confessions : « Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur », Jean-Jacques Rousseau s'est montré — on peut le dire — historien oublieux et mauvais prophète. Car chacun sait que, dans la primitive église, le pénitent s'accusait à voix haute devant l'assemblée des fidèles, et l'on n'ignore pas non plus que, depuis le fameux livre du philosophe de Genève, une foule d'écrivains n'hésitent pas à livrer au public les plus indiscrets aveux sur leur vie privée et sur leurs sentiments intimes. Hâtons-nous d'ajouter que, de toutes les révolutions déchaînées par le génie de Rousseau dans la politique et dans les mœurs, celle-ci du moins a donné quelques beaux fruits. La littérature en fut renouvelée, et cet appel à la sincérité nous a valu des chefs-d'œuvre. Aucun écrit n'est plus intéressant, plus passionnant, en effet, et n'a plus de chances de durée que celui où un homme de bonne foi s'efforce de mettre son âme à nu et de se montrer tel qu'il est.
COPPÉE, La Bonne souffrance, 1898, p. 181.
— Plus précisément. Déclaration d'amour. Faire un doux aveu :
• 10. Avec quel délice, je me retrouvai dans le lieu où mon oreille avoit été frappée du son enchanteur de ces paroles : Et moi aussi, Olivier, je vous aime! Aveu plein de charmes et de candeur, qu'avant ce jour aucun amant peut-être n'entendît prononcer...
Mme DE GENLIS, Les Chevaliers du Cygne, t. 1, 1795, p. 132.
b) Adhésion personnelle que l'on donne à quelque chose d'abstrait; action de faire sienne une idée, une conviction :
• 11. En somme la crédulité c'est l'objet qui s'impose à nous, c'est une croyance entièrement subjective et qui cependant n'est pas notre œuvre. C'est grâce au doute au contraire, qui libère le sujet de la fascination de l'objet, que la croyance devient nôtre : la croyance authentique n'est pas seulement celle qui est en moi mais celle que j'avoue. Et cette notion d'aveu est peut-être ce qui éclaire le plus celle de croyance. Si je n'avoue que ce que j'accepte de moi-même, si l'aveu ainsi porte toujours sur l'être, il faut dire que ma croyance est mon plus profond aveu. La psychologie contemporaine place le doute, qui est en somme le pouvoir de nier, dans la perspective d'une évolution de nos croyances comportant trois étapes essentielles. À une première étape, à l'étape de la crédulité primitive, comme dit Bain, l'adhésion à une croyance est spontanée, irréfléchie : cette adhésion, pré-critique, est plutôt adhérence. Puis vient l'attitude critique, mettant en doute la vérité des jugements auxquels nous avions accordé jusque là notre assentiment. Enfin, à un troisième stade, l'adhésion n'est accordée qu'après une délibération réfléchie qui ne donne aux croyances que la valeur conforme à cette réflexion.
J. LACROIX, Marxisme, existentialisme, personnalisme, 1949, p. 117.
c) Rare, littér. Action de reconnaître comme vrai ce qu'un autre a dit ou fait, témoignage qu'on rend :
• 12. Si l'on veut juger du point de confusion où nous sommes parvenus, qu'on lise le Bulletin quotidien de presse étrangère publié par les soins de notre Quai d'Orsay. Ce bulletin peut bien enregistrer, tous les jours, les aveux officiels d'intervention de l'Allemagne et de l'Italie : le Quai d'Orsay n'accepte pas moins de rencontrer les représentants de ces états à Londres, au comité de non-intervention.
GUÉHENNO, Journal d'une « Révolution », Été 1937, p. 259.
— Usuel. De l'aveu de (elliptiquement pour ainsi que cela résulte de l'aveu de). Selon l'opinion de..., ainsi qu'en convient..., ainsi que le reconnaît... :
• 13. Pendant un déjeuner, on parla d'un grand cousin dissipé qui considérait sa mère comme une idiote : de l'aveu de mon père elle l'était en effet. Il déclara cependant avec véhémence : « Un enfant qui juge sa mère est un imbécile. »
S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 110.
SYNT. Aveu de défaite, d'une (de) faute(s), d'impuissance, des lèvres, des sentiments; aveu(x) brutal(aux), complet(s), formel(s), involontaire(s), naïf(s), nécessaire(s), secret(s), sincère(s), tacite(s); tel(s) aveu(x), gens sans aveu, sincérité d'aveux; dernier, nouvel (nouveaux), pareil, premier(s), prétendus, propre(s), triste(s) aveu(x); un (des) aveu(x) (s')échappe(nt); aveu(x) échappé(s); devoir un aveu, échapper un (des) aveu(x), faire un (des) aveu(x), obtenir un (des) aveu(x), recevoir un (des) aveu(x).
B.— Action d'avouer quelqu'un.
1. DR. FÉODAL
a) Acte d'un vassal reconnaissant quelqu'un pour seigneur, duquel il déclarait tenir tel héritage, et généralement suivi du dénombrement, description détaillée des biens composant le fief. Aveu et dénombrement, aveu et déclaration, rendre un aveu :
• 14. Les fiefs subsistaient, entre lesquels la hiérarchie, de vassal à suzerain, se maintenait par l'aveu et le dénombrement, ainsi que par une redevance à chaque mutation; ...
G. LEFEBVRE, La Révolution fr., 1963, p. 51.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe s. ainsi que ds Ac. 1932 et ROB.
b) P. oppos. à désaveu. Acte par lequel un vassal reconnaissait quelqu'un pour seigneur.
Rem. Attesté ds LITTRÉ, Nouv. Lar. ill., ainsi que ds la plupart des dict. gén. du XXe s.
— Au fig. :
• 15. Les puissances chrétiennes commencent leurs traités d'alliance et de paix par une formule religieuse qui les met sous la protection de l'être trois fois saint, présent aux conventions solennelles des peuples, comme aux pensées intimes des hommes : usage vénérable, aveu de foi et hommage envers la divinité, et le seul acte public de religion que puissent faire les peuples réunis en un corps.
BONALD, Législ. primitive, t. 2, 1802, p. 103.
c) Acte d'un seigneur reconnaissant quelqu'un pour vassal.
Rem. Attesté ds LITTRÉ, Nouv. Lar. ill., DG, Ac. 1932, Lar. encyclop., QUILLET 1965.
♦ Au fig., mod. Individu ne possédant rien; individu sans moralité, dont l'activité et les revenus sont inavouables :
• 16. C'était la première fois qu'elle entendait une voix sympathique prononcer avec ce religieux respect le mot de « révolutionnaire », qui éveillait, dans son esprit, l'image d'individus à mine louche, capables d'incendier et de piller les quartiers riches pour assouvir de bas appétits : des hommes sans aveu, qui cachent des bombes sous leur veste, et contre lesquels la société n'a d'autre recours que la déportation.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, p. 367.
Rem. Selon LITTRÉ et BÉL. 1957 sans aveu s'applique aussi aux choses et signifie « qui n'est reconnu de personne ».
2. Littér. Autorisation, approbation donnée par quelqu'un à quelqu'un, généralement un inférieur, de faire ou d'avoir fait quelque chose :
• 17. Nous avions déjà l'aveu de sa mère. Nous reçûmes, le 24, son consentement régulier, qui assurait tout.
MICHELET, Journal, 1849-60, p. 594.
3. Au fig. Conformité de quelque chose avec quelque chose d'abstrait (cf. avouer I A 3 b) :
• 18. Toujours, quand on ne se livre pas à la volonté divine, on veut que Dieu veuille ce que l'homme veut. Et pourtant croire en Dieu, le désirer, l'appeler, tout cet aveu nécessaire de la conscience n'a de raison, pour nous, qu'autant que nous attendons de lui ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne pouvons être ni faire seuls. Si on ne le veut pas où il est, c'est qu'on le voudrait où il ne peut être.
M. BLONDEL, L'Action, 1893, p. 397.
PRONONC. :[avø].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. a) 1283 dr. féod. « acte établissant l'engagement d'un vassal envers son seigneur » (PH. DE BEAUMANOIR, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, 65, 1423 : Et en teus cas est il bon as tenans que il ne facent nus aveus, car il pourroient perdre); début XVIe s. homme sans aveu « qui n'est lié à aucun seigneur » (Amadis de Gaule, I, 9, ds Dict. hist. Ac. fr. t. 4, p. 765 : Ah! pauvre Damoysel de la mer, sans parentz, sans terre, n'adveu, comme as tu osé mettre ton cœur si hault, que d'aymer celle qui precelle toutes aultres), d'où 1700 « vagabond » (COMTE DE PONTCHARTRAIN, Secretaire d'Etat, au premier président du Parlement de Paris ds DEPPING, Correspondance administrative sous Louis XIV, t. 2, p. 332, ibid.); b) 1387 p. ext. « action de déclarer qu'on autorise, consentement » (FROISSART, Chron., 1. II, chap. 124, ibid.); 2. a) av. 1626 « action de confesser qqc., de reconnaître certains faits » (THÉOPHILE, Élégie à une dame, ibid., p. 768 : Vous entendez le poids, le sens, la liaison, Et n'avez, en jugeant, pour but que la raison; Aussi mon sentiment à vostre adveu se range); 1668 (en parlant de faits pénibles à révéler) (MOL., Amph., II, 6 ds ROB.); b) 1681 de l'aveu de « au témoignage de » (BOSS., Hist. univ., II, 21, ibid.)
Déverbal de avouer d'apr. les formes fortes de l'ind. prés. du type de il aveue (1283, Beaumanoir ds T.-L.).
STAT. — Fréq. abs. littér. :2 418. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 3 418, b) 2 746; XXe s. : a) 3 845, b) 3 582.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — BARR. 1967. — BOUILLET 1859. — BRUANT 1901. — Canada 1930. — CAP. 1936. — Comm. t. 1 1837. — DUPIN-LAB. 1846. — FÉN. 1970. — Gramm. t. 1 1789. — LACR. 1963. — LAFON 1969. — LEMEUNIER 1969. — LEP. 1948. — MARCEL 1938. — MARCH. 1970. — PIERREH. Suppl. 1926. — POROT 1960. — RÉAU-ROND. 1951. — ROG. 1965, p. 236. — SANDRY-CARR. 1963. — Sexol. 1970. — ST-EDME t. 2 1825. — SPR. 1967.
aveu [avø] n. m.
ÉTYM. 1283; des anc. formes de avouer : j'aveue.
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1 Hist. Déclaration écrite constatant l'engagement du vassal envers son seigneur, à raison du fief qu'il en a reçu. ⇒ Hommage.
1 Le seigneur et le vassal sont liés personnellement l'un à l'autre par une cérémonie symbolique, la foi et hommage (…) Elle se complète assez vite par un engagement écrit (aveu), suivi d'une description minutieuse du fief reçu (dénombrement) que le seigneur conserve dans ses archives.
Olivier-Martin, Précis d'hist. du droit franç., no 486.
♦ (Homme) sans aveu, qui n'était lié à aucun seigneur, ne pouvait invoquer aucune protection. — Mod. Homme sans feu ni lieu, sans répondant. ⇒ Vagabond; aventurier.
2 Des gens sans aveu (…) des écumeurs d'aventures, des chasseurs d'expédients, des chimistes de l'espèce escroc (…) les fruits secs de l'improbité, les existences en banqueroute, les consciences qui ont déposé leur bilan (…)
Hugo, les Travailleurs de la mer, V, 6.
2 (1387). Vx ou littér. Action de déclarer qu'on agrée, qu'on autorise. ⇒ Agrément, approbation, autorisation, consentement. || Je ne veux rien faire sans votre aveu.
3 Vos règles vous défendent de rien imprimer sans l'aveu de vos supérieurs qui sont rendus responsables des erreurs de tous les particuliers (…)
Pascal, les Provinciales, 17.
4 Jusqu'à ce que ma flamme ait eu l'aveu d'un père (…)
Corneille, le Menteur, V, 6.
5 (Je suis criminel) D'avoir fait tout ceci sans l'aveu paternel (…)
Molière, le Dépit amoureux, V, 7.
6 Chloris ne voulut donc couronner tous ces biens
Qu'au sein de sa patrie, et de l'aveu des siens.
La Fontaine, les Filles de Minée, 335.
7 Donc, on nous marie sans notre aveu, comme des brebis ou des pouliches.
Loti, les Désenchantées, II, 7.
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II Mod.
1 (Av. 1626). Action d'avouer, de confesser qqch., de reconnaître certains faits plus ou moins pénibles à révéler; ce que l'on avoue. ⇒ Confession, déclaration, reconnaissance, révélation. || Un aveu franc, sincère, véritable. || Faire un aveu. ⇒ Avouer. || Faire l'aveu d'un secret, d'une faute, d'un crime. || Aveu du pécheur. ⇒ Mea-culpa, peccavi. || Recevoir un aveu. || Arracher un aveu à qqn. || « L'effet cathartique de l'aveu est (…) largement utilisé par la psychanalyse » (Bardenat, in Porot, 1975). — Par exagér. || Il faut que je vous fasse un aveu : je n'aime pas Stendhal.
♦ Spécialt (au plur.). Le fait d'admettre sa culpabilité; en droit, reconnaissance de l'imputabilité des faits faisant l'objet de la poursuite. || Arracher des aveux à un suspect. || Il a fini par passer aux aveux (→ ci-dessous, cit. 19 et 19.1). || Faux aveux d'un innocent. || Aveux obtenus sous la contrainte. || Extorquer des aveux. || Revenir sur ses aveux. || Passer (cit. 129.1) des aveux complets.
8 À vous en faire un aveu véritable,
L'époux, Alcmène, a commis tout le mal (…)
Molière, Amphitryon, II, 6.
9 Non, non, un franc aveu n'a rien que j'appréhende.
Molière, le Misanthrope, V, 2.
10 C'est le sincère aveu que je voulais vous faire !
Racine, Britannicus, IV, 2.
11 Madame, elle vous veut faire l'aveu fidèle
D'un secret important qui vous touche plus qu'elle.
Racine, Bajazet, V, 5.
12 Je meurs, pour ne point faire un aveu si funeste.
Racine, Phèdre, I, 3.
13 Que de peine à faire un aveu sincère !
14 Les mauvais succès sont les seuls maîtres qui peuvent (…) nous arracher cet aveu d'avoir failli, qui coûte tant à notre orgueil (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre.
15 (…) tout est vain en nous, excepté le sincère aveu que nous faisons devant Dieu de nos vanités (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre.
16 (…) Je n'ai jamais pu prendre sur moi de décharger mon cœur de cet aveu dans le sein d'un ami.
Rousseau, les Confessions, II.
17 Par un aveu, combien de fautes tu pourrais racheter.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. II, p. 102.
18 Heureux de se sentir écouté, compris, et, pensait-il sans doute, approuvé, il débordait d'aveux.
Gide, les Faux-monnayeurs, III, 1.
19 Mais le conseiller d'État avait cependant entendu confesser l'homme et lui arracher des aveux sur la conspiration.
Louis Madelin, Hist. du Consulat de l'Empire, t. V, 9.
19.1 L'interrogatoire de Michel Henriot avait repris sur ces entrefaites, entraînant assez vite des aveux : c'est lui qui avait tué, il niait seulement le mobile d'intérêt.
A. Breton, l'Amour fou, Folio, p. 158.
20 (…) il vit ses paupières s'abaisser en signe d'aveu, et sa tête s'incliner deux fois.
Martin du Gard, les Thibault, VIII, 14.
21 Anne s'était dérobée à tout aveu.
Martin du Gard, les Thibault, VII, 25.
22 Tu ne peux imaginer cette délivrance après l'aveu, après le pardon.
F. Mauriac, Thérèse Desqueyroux, II.
23 Je n'étais pas inquiet et ne fis rien pour provoquer tes aveux.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, I, 1.
23.1 (…) il s'agit toujours de dévoiler un secret, d'avouer. L'aveu chrétien avait été la rançon du pardon, la voie de la pénitence. Le talent n'est pas un pardon, mais il agit de façon aussi profonde.
Malraux, Antimémoires, Folio, p. 13.
♦ Spécialt. || L'aveu d'un amour. ⇒ Déclaration. — Absolt (vieilli ou plais.). || De doux, de tendres aveux.
24 J'ai fait l'indigne aveu d'un amour qui l'outrage (…)
Racine, Phèdre, III, 3.
25 Voilà longtemps que je vous aime :
— L'aveu remonte à dix-huit ans !
Th. Gautier, Émaux et Camées, « Dernier vœu ».
♦ Dr. Reconnaissance par une partie du fait qui est allégué contre elle. || Aveu judiciaire, extrajudiciaire.
26 La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits; tels sont (…)
4o La force que la loi attache à l'aveu de la partie ou à son serment.
Code civil, art. 1350.
27 L'aveu qui est opposé à une partie est ou extra-judiciaire ou judiciaire.
Code civil, art. 1354.
28 L'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial.
Il fait pleine foi contre celui qui l'a fait.
Il ne peut être divisé contre lui.
Il ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d'une erreur de droit.
Code civil, art. 1356.
2 ☑ Loc. De l'aveu de… : au témoignage de…
29 Et d'abord il est certain, de l'aveu des Juifs, que la vengeance divine (…)
Bossuet, Hist. universelle, II, 21.
30 La chose s'était passée, de son aveu, en tout bien tout honneur (…)
Antoine Hamilton, Mémoires du comte de Gramont, 9.
31 (…) par ce seul fait que la comédie de Molière existait, avait la vogue, de l'aveu des contemporains, elle (…)
Émile Faguet, XVIIe s., Études littéraires, p. 268.
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CONTR. Désaveu, dénégation, rétractation. — Refus, opposition. — Silence, secret.
COMP. Désaveu.
Encyclopédie Universelle. 2012.