SABBAT
SABBA
Transcription du mot hébreu shabbat , le terme sabbat est le nom du septième jour de la semaine, le samedi; conformément à son étymologie (du verbe shavat , «cesser»), il désigne le jour de la cessation du travail, du repos. Institution essentielle à la vie religieuse juive, le sabbat commence dix-huit minutes (pour certains trois heures) avant le coucher du soleil le vendredi soir et se termine une heure après son coucher le lendemain.
Son observance est fondée sur les textes bibliques. Dans la Genèse (II, 1-3), le nom du sabbat n’apparaît pas, mais son sens: «Ainsi furent terminés les cieux et la terre, avec tout ce qu’ils renferment. Dieu mit fin le septième jour à l’œuvre faite par lui; et il se reposa le septième jour de toute l’œuvre qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour et le proclama saint parce qu’en ce jour il se reposa de l’œuvre entière qu’il avait produite et organisée.» Le statut de ce jour est révélé à Israël après la sortie d’Égypte, dans la traversée du désert. Dans l’Exode (XVI), la manne est donnée six jours, avec une double portion le sixième jour, car on ne la récolte pas le septième jour, qui est le «sabbat solennel, le saint chômage en l’honneur de l’Éternel». La quatrième parole du Décalogue identifie le sabbat au septième jour de la création: «Pense au jour du sabbat pour le sanctifier. Durant six jours tu travailleras et t’occuperas de toutes tes affaires, mais le septième jour est la trêve de l’Éternel ton Dieu: tu n’y feras aucun travail, toi, ton fils ni ta fille, ton esclave homme ou femme, ton bétail ni l’étranger qui est dans tes murs. Car en six jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment, et il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié» 8-11). Le Deutéronome (V, 14-15) associe le sabbat à la sortie d’Égypte, à la délivrance de l’esclavage: «Observe le jour du sabbat [...]. Ton serviteur et ta servante doivent se reposer comme toi. Et tu te souviendras que tu fus esclave au pays d’Égypte et que le Seigneur ton Dieu t’en a fait sortir d’une main puissante et d’un bras étendu; c’est pourquoi l’Éternel ton Dieu t’a prescrit d’observer le jour du sabbat.» Enfin la construction du sanctuaire doit s’interrompre durant le sabbat (Exode, XXXV, 1-2), rappel de la prééminence de la sanctification du temps sur la sanctification de l’espace. Chez les prophètes, le sabbat prend une signification historique: son inobservance est tenue pour responsable des malheurs d’Israël; son observance est la condition de la restauration nationale; après la destruction du Temple, il est le «lieu» de la communauté dispersée. On dira plus tard: «C’est le sabbat qui a gardé Israël.»
Le vécu sabbatique se règle sur des commandements négatifs et sur des commandements positifs. Sont interdits les travaux considérés comme ayant été indispensables à la construction du sanctuaire (et à l’élaboration de ce qui accompagne le culte), en référence à Exode XXXV. Ce sont les «travaux originaux», au nombre de trente-neuf (notamment, «semer, labourer, moissonner [...]; tondre la laine, la laver, la peigner, la teindre [...]; écrire, effacer, bâtir, démolir, éteindre le feu, l’allumer [...]; transporter du domaine privé dans le domaine public»). Sont également interdits les travaux «dérivés» qui leur ressemblent (arroser une plante, ce qui est déduit de «semer»; faire un bouquet, déduit de «lier», etc.); s’y ajoutent les interdictions rabbiniques préventives (manipuler des outils, même sans but, de l’argent). L’observance du sabbat implique donc, par exemple, que l’on ne fume, n’écrive, n’écoute la radio, ne regarde la télévision, ne joue de la musique, ne porte des objets, ne passe un examen, ne parle de ses affaires, ne voyage. Sont incluses en ces interdictions toutes les modalités, pénibles ou plaisantes, de l’activité productrice et créatrice de l’homme; c’est la suspension de l’exercice du pouvoir de l’homme sur la nature, de son efficience sur le monde.
L’ensemble des prescriptions a néanmoins une finalité positive. Le sabbat est un jour de fête, accueilli et quitté comme tel par des bénédictions spéciales: «Qu’est-ce qui fut créé le septième jour? la tranquillité, la sérénité, la paix et le repos.» Cela est illustré par les recommandations concernant les vêtements, la nourriture, les invités. On y discerne une idée d’achèvement et de plénitude rendue par l’expression «les délices du sabbat», le sabbat étant le jour où chacun reçoit un «supplément d’âme». Au cours du XIVe Colloque des intellectuels juifs de langue française, C. Riveline estimait que le sabbat témoigne de la possibilité d’un monde où l’homme est source d’épanouissement pour lui-même et pour les autres sans recours à des moyens de «divertissement» ou de «loisir» associés à l’aliénation, aux déterminismes, à l’emprise des choses.
Les significations de cette institution sont multiples. Selon A. Heschel, «il est peu d’idées au monde aussi chargées de force spirituelle que l’idée du sabbat». Celui-ci intéresse d’abord le rapport de l’homme à Dieu. Son observance témoigne que Dieu a créé le monde. L’abstention du geste du travail a sa contrepartie positive dans la méditation de l’acte créateur, dans la contemplation et le parachèvement des œuvres divines et humaines. Selon R. S. Hirsch, «l’homme organise le monde en six jours et le septième il le restitue à son Créateur, proclamant ainsi qu’il ne dispose que d’une autorité empruntée». Pour A. Safran, «nos biens ne nous appartiennent que dans la mesure où nous reconnaissons que nous appartenons à Dieu». Le concept de sabbat est central en ce qu’il articule trois aspects de Dieu dans son rapport à l’homme comme créateur, comme libérateur, comme législateur; ce jour fait une loi de la sanctification qui commémore la Création et la sortie d’Égypte; il est un jour de méditation de la Loi.
Il souligne, en deuxième lieu, le rapport de l’homme à l’homme et au monde. Il consiste, en effet, dans l’interruption du travail créateur, mais aussi, et c’est le plus important pour la civilisation humaine en général, dans l’interruption de la peine des hommes, du travail ingrat et avilissant, de l’exploitation, des rapports de service qui font des choses, des animaux et des hommes des instruments; c’est là un rappel et la restauration de la dimension de dignité et de «fin en soi» des êtres vivants. Le sabbat est ainsi rupture du «projet», du désir, de l’agencement de moyens en vue de fins, du travail réfléchi et raisonnable. C’est là l’aspect de cette institution qui est lié à la sortie d’Égypte: libération de l’esclavage, de l’aliénation, des sujétions laborieuses, des déterminismes économiques et sociaux, de l’impératif de la croissance et de la hantise de la production. Dans le loisir même, le sabbat invite à se libérer de la «société de consommation». Il constitue un apport essentiel à la civilisation universelle en affirmant le droit au repos pour tous et, corrélativement, pour les autres jours de la semaine, un droit au travail.
Le sabbat, de plus, sanctifie le rapport au temps. Il y a une «structure sabbatique» à plusieurs niveaux: institution de la remise des dettes à l’occasion de l’année sabbatique, c’est-à-dire tous les sept ans, et «chômage de la terre» considérée comme un être ayant droit au repos et comme devant être respectée par l’abstention de culture cette année-là; l’année «jubilaire» — la cinquantième année, tous les quarante-neuf (7 Œ 7) ans —, qui est marquée par la libération de tous les esclaves et le retour des terres (vendues) à leur propriétaire initial. Sur ce point encore, un défi est lancé par cette fête à l’économie habituelle. On y voit l’importance de la dimension temporelle (A. Heschel déclare: «Le sabbat est notre cathédrale») par rapport à l’espace.
Enfin, le sabbat, qui comporte un sens messianique, est une préfiguration et un avant-goût du monde futur. Le soir du sabbat, on appelle le prophète Élie pour que le lendemain soit un véritable huitième jour qui inaugure le temps de la délivrance complète, au lieu d’être simplement le premier jour de la semaine suivante. Pour les chrétiens, le huitième jour est précisément considéré comme étant celui de la venue effective du Messie: le «jour du Seigneur» tombe donc le dimanche. Ainsi se comprend tout ce que doit la «semaine de cinq jours» au judaïsme d’abord, au christianisme ensuite, sans qu’on ait besoin de rappeler l’échec des «décadis» créés par la Révolution française.
sabbat [ saba ] n. m.
1 ♦ Repos que les juifs doivent observer le samedi (du vendredi au coucher du soleil au samedi au coucher du soleil), jour de joie et de recueillement consacré au culte divin. Le jour du sabbat. ⇒ samedi. REM. Les juifs disent shabbat,chabbat [ ʃabat ] .
2 ♦ (Par une interprétation malveillante des chrétiens) Assemblée nocturne et bruyante de sorciers et de sorcières, au Moyen Âge. « Un démon ivre encor du banquet des sabbats » (Hugo).
3 ♦ (XIVe-XVe) Danse, agitation frénétique. « je danse le sabbat dans une rouge clairière, avec des vieilles et des enfants » (Rimbaud).
♢ Fam. Bruit d'enfer. ⇒ chahut, tapage. « Voyez le beau sabbat qu'ils font à notre porte » (Racine).
● sabbat nom masculin (latin sabbatum, du grec sabbaton, de l'hébreu shabbāt) Jour de repos hebdomadaire consacré à Dieu, dont la loi mosaïque fait une stricte obligation. (Commencé le vendredi soir et se terminant le samedi soir, le sabbat est marqué par diverses cérémonies.) Familier et vieux. Vacarme et remue-ménage frénétique. Prétendue assemblée cérémonielle de sorciers et de sorcières, marqué par le culte rendu au diable. ● sabbat (difficultés) nom masculin (latin sabbatum, du grec sabbaton, de l'hébreu shabbāt) Orthographe Avec deux b, comme son dérivé sabbatique. ● sabbat (synonymes) nom masculin (latin sabbatum, du grec sabbaton, de l'hébreu shabbāt) Jour de repos hebdomadaire consacré à Dieu, dont la loi...
Synonymes :
- shabbat
Familier Vacarme et remue-ménage frénétique.
Synonymes :
- boucan (familier)
- chahut
- raffut
- ramdam (populaire)
- tapage
sabbat
n. m.
d1./d RELIG Sabbat: repos que la loi de Moïse prescrit aux juifs d'observer le samedi, septième jour de la semaine, consacré au culte divin.
d2./d Assemblée nocturne de sorciers et de sorcières, dans les croyances médiévales européennes.
d3./d Fig. Désordre bruyant.
⇒SABBAT, SHABBAT, subst. masc.
A. — RELIG. JUIVE. [Sabbat et, plus gén. dans le monde juif dep. la 2e guerre mondiale, shabbat]
1. Septième jour de la semaine; samedi, jour du repos; ensemble des prescriptions liées à ce jour. Observance du s(h)abbat; célébrer, pratiquer, transgresser, violer le s(h)abbat; liturgie, lumières, repas du/de s(h)abbat. C'est vendredi, et l'heure de la première étoile. (...) Le sabbat vient de commencer (THARAUD, Jument err., 1933, p. 11). Que la sorcellerie puisse être comparée à la transgression du Shabbat — (à l'opposé de ceux qui appelèrent délicatement Shabbat les rendez-vous des sorcières!) — est assez remarquable (E. LEVINAS ds L'autre dans la conscience juive, Paris, P.U.F., 1973, p. 66). V. instituteur I ex. de P. Leroux.
— P. anal. Rompre le sabbat, c'est-à-dire aller à la campagne le dimanche, est un des plus grands péchés aux yeux des méthodistes (STENDHAL, Corresp., 1826, p. 435).
2. P. ext.
— La septième année; la fin d'un cycle de sept fois sept ans. La remise des dettes, dans l'année sabbatique, libère l'économie des contraintes de l'argent (...). Le sol, le débiteur, l'esclave sont « rédimés » de leurs aliénations par les retours périodiques du sabbat (Univers écon. et soc., 1960, p. 64-8).
♦ P. méton. La mise en jachère de la septième année prescrite par la Loi juive. Le Lévitique, XXV, 2 à 7 (...) institue le Shabbat de la terre (G. FRIEDMANN ds Le Shabbat dans la conscience juive, 1975, p. 85).
— Le septième millénaire. Jésus ne faisait que prêcher (...) que le temps était accompli, et que le septième millénaire, ou le grand Sabbat divin, allait venir: c'était là ce que l'on appelait le règne, ou le règne de Dieu, ou le royaume des cieux, ou enfin la résurrection (P. LEROUX, Humanité, 1840, p. 751). Les six mille années de l'histoire du monde correspondent aux six jours de la semaine qui conduisent au grand Sabbat cosmique, à la rédemption qui doit se produire le septième jour du monde (G. SCHOLEM, Le Messianisme juif, 1974, p. 131).
B. — Sabbat. [À cause de l'interprétation malveillante du sabbat juif faite par les chrétiens (v. supra ex. 1)]
1. a) OCCULT. Assemblée nocturne de sorciers et de sorcières, tenue dans un lieu désert souvent élevé, dans laquelle le culte rendu au diable, les danses et les orgies rappellent ceux de l'antiquité païenne; pratiques auxquelles on s'y livre. Nuit de sabbat; ronde de sabbat. Rouletabille, frappé au cœur, jeta un cri sourd et il lui sembla que tout se mettait à danser une danse de sabbat autour de lui (G. LEROUX, Roul. tsar, 1912, p. 125). Cette guerre était foncièrement amie des ténèbres. Elle avait dans ses ancêtres la nuit de Walpurgis et le sabbat des nécromants (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 143). V. décharné II A 1 a ex. de Sand, farfadet A ex. de Béranger, messe A 4 ex. de Péladan.
♦ Faire le sabbat. La sorcellerie était fort pratiquée dans la contrée (...) on y faisait beaucoup le sabbat. Les sorcières y allaient (...) sur un manche à balai ou changées en poules noires (A. FRANCE, Vie littér., 1892, p. 95).
♦ Aller au sabbat. Parle-t-on des sorciers? Du sabbat? (...). Ma grand'mère disait que sa mère les avait vues aller au sabbat et qu'il y avait plein de petites épingles (BARRÈS, Cahiers, t. 6, 1907, p. 97). V. blâmer ex. 10.
— P. méton. Danse de sorcières. Tous les démons de l'Atlantique, Cheveux épars et bras tordus, Dansent un sabbat fantastique Autour des marins éperdus (LECONTE DE LISLE, Poèmes barb., 1878, p. 210).
b) Représentation d'un sabbat de sorciers. Des peintures (...) comme certains Sabbats de Goya (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 144).
2. P. anal., fam., vieilli
a) Réunion bruyante, licencieuse; orgie. Mes petites actrices voient arriver avec ennui le jour où elles ne vont plus jouer et ne plus faire leur sabbat de tous les soirs dans les combles du théâtre (GONCOURT, Journal, 1889, p. 918). J'admire que chez les Goncourt le récit de leurs médiocres orgies corresponde très exactement à l'idée qu'Emma Bovary et que le pharmacien Homais se faisaient du sabbat des étudiants parisiens (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 98). V. bestial ex. 5.
— Loc. fig. Un sabbat de + subst. Synon. une orgie de (v. orgie C). Véritable sabbat de couleurs et de formes, Où la cruche hydropique, avec ses flancs énormes, Semble un hippopotame (GAUTIER, Albertus, 1833, p. 128).
b) Agitation désordonnée et bruyante; vacarme. Synon. cirque (v. ce mot II A 3), ramdam (pop.). [Elle] s'était aperçue enfin que sa sœur cadette tapait sur le piano, et elle lui allongeait des claques, elle la flanquait à la porte, giflant et poussant dehors par la même occasion la plus petite, avec sa casserole. Ce fut un sabbat infernal (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 310). Le sabbat sans queue ni tête que les hommes menaient sur terre (...) n'était pas digne d'occuper le philosophe (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 228). V. diable I C 3 c ex. de Colette.
♦ Faireinir son sabbat. Voilà Madame qui se remue; elle va faire son sabbat: faut que j'y aille (BALZAC, Goriot, 1835, p. 50). Et il y eut une bataille féroce, les deux sœurs tombées par terre, se dévorant, hurlant (...) — Tonnerre! (...) Voulez-vous bien finir votre sabbat, ou je vous flanque toutes à la porte! (ZOLA, Fécondité, 1899, p. 151).
— Un sabbat de + subst. Un bruit assourdissant de. Dans un sabbat de sabots, ils grimpaient la côte (LA VARENDE, Nez-de-cuir, 1936, p. 43). Toute la maison s'est mise à hurler, à feuler, à miauler, un horrible sabbat de gémissements, de sanglots, de plaintes rugissantes (GENEVOIX, Avent. en nous, 1952, p. 43).
REM. 1. Chab(b)at, (Chabat, Chabbat)subst. masc., var. [Corresp. à supra A] Le jour du chabbat, le Juif se désengage, et il n'y a engagement véritable que s'il y a parallèlement à lui une possibilité de désengagement (J. EISENBERG, A. ABECASSIS, À Bible ouverte, 1978, p. 189). 2. Sabbatiser, verbe intrans., vx. Célébrer le sabbat (v. supra A 1). Dieu s'est rendu mon lieu de repos. Comment négligerois-je de sabbatiser? (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p. 122). 3. Sabbatisme, subst. masc., vx. Observance du sabbat. [Plutarque] parle de sabbatismes, de prosternations, de honteux accroupissements, etc. Lisez le passage entier, et vous ne saurez s'il s'agit de dimanche ou de sabbat (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 188).
Prononc. et Orth.:[saba], [-]. Ac. dep. 1694: sabbat. Étymol. et Hist. 1. Ca 1170 sabat « jour de repos des juifs » (Rois, éd. E. R. Curtius, p. 209 [II Rois, 16, 18]); 2. [2e moit. XIVe s. « agitation bruyante, vacarme » (FROISSART, s. réf. ds BL.-W.1-5)] 1451 mener le sabbat (CHARLES D'ORLÉANS, Ballades, CI, 19 ds Poésies, éd. P. Champion, p. 157: les Anglois menoient leur sabat); ca 1485 (Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 16808: il y auroit ung beau sabat); 3. 1508 sabbat « assemblée nocturne de sorciers et de sorcières » (E. D'AMERVAL, L. de la diablerie, éd. Ch. F. Ward, f ° 29b: les jours que je tien mon sabbat). Empr. au lat. chrét. sabbatum, lui-même empr. au gr. et celui-ci à l'hébr. « sabbat », dér. du verbe « s'arrêter; se reposer » (cf. Gen. 2, 2-3). Au sens 3, cf. le lat. médiév. sabbatum (ca 1475, J. VINCENTII ds J. HANSEN, Quellen und Untersuchungen zur Geschichte des Hexenwahns und der Hexenverfolgung im Mittelalter, Bonn, 1901, p. 229: demonum sabbata; ca 1500, S. CHAMPIER, ibid., p. 257: demoniaca sabbata). On a également employé, pour désigner les assemblées de sorciers et de sorcières, le mot synagogue (ca 1460 ds HANSEN, op. cit., p. 189; 1586 senegogaz, 1609 signaguogue ds PIERREH.; cf. FEW t. 12, p. 493), en lat. synagoga (1438 ds HANSEN, p. 462; cf. P. F. FOURNIER, Étymol. de sabbat ds Bibl. de l'Éc. des Chartes, t. 139, 1981, pp. 247-249). En ce qui concerne la dégradation sém. qu'ont subie les mots sabbat et synagogue, cf. brouhaha, ramadan, ramdam. Fréq. abs. littér.:260. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 568, b) 269; XXe s.: a) 409, b) 229. Bbg. WARTBURG (W. von). Sabbatum: Samstag. In:[Mél. Orr (J.)]. Manchester, 1953, pp. 299-300.
sabbat [saba] n. m.
ÉTYM. XIIe; lat. ecclés. sabbatum, de l'hébreu schabbat par le grec sabbaton.
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I Repos que les juifs doivent observer le samedi (du vendredi au coucher du soleil, au samedi au coucher du soleil), jour consacré au culte divin. || Le jour du sabbat. ⇒ Samedi. || L'observation du sabbat, deuxième commandement de Dieu dans l'Exode, XX, 9-10 (→ 1. Fumer, cit. 28.1). La fête elle-même. || Aller au sabbat (→ Laver, cit. 10).
♦ Dans ce sens, on trouve plus souvent la forme hébraïque shabbat.
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II
1 (Par une interprétation malveillante des chrétiens, v. 1360). Cf. aussi Nuit de Walpurgis. || Sorciers qui vont au sabbat sur un manche à balai (cit. 2). || « Un démon ivre encor du banquet des sabbats » (Hugo; → Réveiller, cit. 3). || Danse macabre (cit. 4) et sabbat.
1 Depuis deux ans, maître Cornélius vivait donc seul avec sa vieille sœur, qui passait pour sorcière. Un tailleur du voisinage prétendait l'avoir souvent vue, pendant la nuit, attendant sur les toits l'heure d'aller au sabbat.
Balzac, Maître Cornélius, Pl., t. IX, p. 915.
2 Il pense aux civilisations qui permettaient l'orgie, aux mystères priapiques, aux saturnales, aux réunions du sabbat dans les nuits du moyen âge.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XV, p. 155.
2 (XIVe-XVe). Danse de sorcières; danse, agitation frénétique. || Danser, mener le sabbat. — Fam. Bruit d'enfer. ⇒ Boucan, chahut, ramdam. || Le sabbat des chattes en délire (→ Disperser, cit. 7). || Un sabbat de tous les diables.
3 Voyez le beau sabbat qu'ils font à notre porte.
Messieurs, allez plus loin tempêter de la sorte.
Racine, les Plaideurs, I, 8.
4 Tous les démons de l'Atlantique,
Cheveux épars et bras tordus,
Dansent un sabbat fantastique
Autour des marins éperdus.
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Effet de lune ».
5 (…) je danse le sabbat dans une rouge clairière, avec des vieilles et des enfants.
Rimbaud, Une saison en enfer, « Mauvais sang ».
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DÉR. Sabbataire, sabbatique.
Encyclopédie Universelle. 2012.