1. dame [ dam ] n. f.
• v. 1050; lat. domina « maîtresse »
I ♦
1 ♦ Féod. Titre donné à toute femme détentrice d'un droit de souveraineté ou de suzeraineté. Haute et puissante dame. « La Dame de Monsoreau », roman d'Alexandre Dumas. Le chevalier et sa dame. « Ballade des Dames du temps jadis », de Villon. Mod. et plaisant La dame de ses pensées. ⇒ dulcinée.
♢ Poét. Dame Nature, Dame Fortune.
♢ Par anal. Dame du Ciel : la Sainte Vierge. ⇒ Notre-Dame.
2 ♦ Vx ou hist. Femme de haute naissance. Une noble dame, une dame de haut lignage. Les dames de la cour. Les Dames de France : les filles du roi de France. Les dames du palais : femmes de haute naissance remplissant une charge auprès d'une princesse royale. Dame d'atour. Dame d'honneur.
♢ Mod. Grande dame : femme de haute naissance. Agir en grande dame, avec noblesse. — Par ext. Une grande dame du théâtre, de la chanson : une artiste exceptionnelle. — La première dame de France : la femme du président de la République. — Dame d'œuvres, dame de charité, dame patronnesse : femme du monde qui se consacre à des œuvres de bienfaisance, qui patronne des fêtes de charité. — Dame de compagnie.
3 ♦ Vieilli Femme mariée. — Dr. Le sieur X contre la dame Y. ⇒ madame. — Pop. Femme, épouse. « avec mon bon souv'nir à vot' dame » (San-Antonio). — Pop. Ma petite dame, ma bonne dame.
♢ Religieuse de certaines congrégations; chanoinesse.
4 ♦ Personne adulte du sexe féminin (usage poli, de bon ton).⇒ femme. Une vieille dame. Se montrer galant envers les dames. Ce n'est pas à dire devant une dame. Plaire aux dames. Qui est ce monsieur, cette dame ? Coiffeur pour dames. Loc. La vieille dame du quai Conti : l'Académie française. — Fam. Dame pipi.
5 ♦ Sport plur. (en appos. à un n. désignant une épreuve sportive, pour indiquer qu'elle est réservée aux femmes) La finale dames (opposé à messieurs).
II ♦ (XVIe) Fig. Une des pièces maîtresses dans certains jeux.
♢ Aux échecs, Deuxième pièce en importance après le roi, qui se déplace d'un nombre indéterminé de cases selon les directions médianes et diagonales de l'échiquier. « On n'annonce pas l'échec à la dame » (F. Le Lionnais). ⇒ reine.
♢ Jeu de dames ou les dames : jeu qui se joue à deux, avec quarante pions, sur un damier de cent cases. Jouer aux dames. Faire une partie de dames. — (1562) Pion qui, parvenu sur la dernière rangée à partir de son camp, a été surmonté d'un autre et peut avancer, reculer, prendre en diagonale à toute distance. — Aller à dame, faire une dame, se dit, aux échecs et aux dames, d'un pion qui parvient sur la dernière rangée du damier opposée à son camp. ⇒ damer (1o).
♢ Chacune des quatre cartes où est figurée une reine. Dame de cœur, de carreau, de trèfle. Pallas, la dame de pique. Le roi l'emporte sur la dame, qui l'emporte sur le valet. « Je prends avec la dame » (Pagnol).
III ♦
1 ♦ (1743) Hie de paveur (l'ouvrier la prend par les deux anses pour la soulever comme un danseur soulève sa danseuse). ⇒aussi demoiselle; damer (2o). — Vx Aller à dame : tomber.
2 ♦ (1878) Mar. Creux pratiqué sur le bord d'une embarcation pour y encastrer l'aviron; appareil servant à retenir ce dernier. ⇒ tolet. Dame de nage.
⊗ HOM. Dam.
dame 2. dame [ dam ] interj.
• 1665; a. fr. tredame, de par Nostre Dame ou de damedieu « Seigneur Dieu »
♦ Fam. et région. Exclamation qui suppose, entre ce qui la précède et ce qui la suit, une relation logique (conséquence, cause, explication). ⇒ pardi (cf. Ma foi). Ils sont partis ? — Dame oui !
● Dame sur une embarcation, structure servant de point d'appui aux avirons pendant la nage.
dame
n. f.
rI./r
d1./d Vx Femme noble; femme d'un noble.
|| Femme à laquelle un chevalier avait voué sa foi. Rompre une lance pour sa dame.
d2./d Femme d'un rang social relativement élevé. C'est une grande dame. La première dame d'un pays, l'épouse du chef de l'état.
d3./d Terme courtois pour femme. Il était en compagnie d'une dame. "Au bonheur des dames" (roman d'émile Zola).
d4./d Femme mariée. C'est une dame ou une demoiselle?
— Pop. épouse. Et votre dame, ça va?
d5./d Nom que portent certaines religieuses.
d6./d Titre donné aux femmes ayant certains offices auprès de reines et de princesses. Dame d'honneur.
rII./r Fig.
d1./d JEU Chacune des quatre cartes figurant une reine. La dame de trèfle.
|| Pièce du jeu d'échecs, appelée aussi reine.
|| Chacun des pions avec lesquels on joue au jacquet.
|| Jeu de dames: jeu qui se joue à deux sur un damier, avec des pions noirs et blancs, et qui consiste à prendre tous les pions de l'adversaire. (Une dame, à ce jeu, est un pion doublé, c.-à-d. recouvert d'un pion de même couleur). Aller à dame: avancer un pion jusqu'aux dernières cases du côté de l'adversaire.
d2./d MAR Dame de nage: évidement demi-circulaire servant de point d'appui à un aviron.
d3./d Outil servant à tasser un sol. Syn. demoiselle.
I.
⇒DAME1, DAM2, subst. fém. et interj.
DOMAINE DE LA PERSONNE ET/OU DE L'ACTIVITÉ HUMAINE
I.— Subst. fém.
A.— Personne adulte du sexe féminin.
1. [P. oppos. à homme, pers. adulte du sexe masc.] Femme adulte mariée ou non.
a) SOCIÉTÉ CIVILE et MILIT. Femme d'un certain rang social ou accomplissant certaines tâches sous la direction ou au service de dames d'un certain rang.
) HIST. et SOCIÉTÉ
— Membre de la noblesse. Dame châtelaine, dame du château. Comme une dame et un seigneur de l'ancien temps (ZOLA, Rêve, 1888, p. 50). Tout roulait entre gens des montagnes, loin du curé, du magister et des dames de domaine (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 226) :
• 1. Pauvre innocente qui se croit déjà dame et châtelaine, avec des comtes et des barons, et un page pour lui porter la queue de sa robe!...
BERNANOS, Sous le soleil de Satan, 1926, p. 71.
[Avec poss.] Notre dame la duchesse demande à parler à notre seigneur le duc (HUGO, L. Borgia, 1833, 2, part. 1, 1, p. 80).
La dame de ... (suivi du nom du lieu dont elle est suzeraine). Elle, cette dame de Beaumont, cette comtesse de Beaumont (elle était comtesse) (BARB. D'AUREV., Mémor. A... B..., 1864, p. 438). La dame du lieu (cf. CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 73).
♦ HIST. [En parlant des filles du roi de France] Synon. Madame. Le roi avait au bal prétendu donner le pas à Mlle de Lorraine sur des dames de France (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 280) :
• 2. ... et le faisant lever, elle le mena à la reine sa mère. Les ambassadeurs furent charmés de la manière, de la contenance, de la grâce et de l'esprit de cette jeune fille de France : ils disaient entre eux qu'elle serait une noble et excellente dame.
BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 2, 1821-24, p. 142.
[P. oppos. au sens ancien du terme demoiselle A 1] On l'appelle mademoiselle, quoiqu'elle ait été mariée. Le nom de dame était encore réservé aux femmes nobles. Et elle reste demoiselle (MICHELET, Insecte, 1857, p. 395).
♦ [Noblesse du XIXe s. et noblesse contemporaine] Femme de haute naissance chargée de certaines fonctions auprès de la reine, des princesses royales. Dans sa maison, entourée de ses gentilshommes et de ses dames, elle [la princesse de la maison de France] fait observer l'étiquette la plus rigoureuse (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 137).
Dame d'atour(s). Dame chargée de la toilette. Telle dame d'atour de Madame sœur (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 228).
Dame de compagnie. Le bon neveu René chambellan du prince Louis, sa femme dame de compagnie de la princesse, etc. (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 81).
Dame d'honneur. Première dame de la suite de la souveraine et des princesses royales. Il [l'empereur] nous a nommé quelques-unes des personnes qu'on lui avait proposées pour dames d'honneur : la princesse de Vaudémont; une Mme de la Rochefoucauld (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 195) :
• 3. ... James nous conduisit chez deux de ses amis locaux, qui auraient pu être une dame d'honneur et un chambellan pauvre de la reine Victoria réduits à l'indigence.
BLANCHE, Mes modèles, 1928, p. 181.
Dame du palais. J'ai raconté à l'empereur l'anecdote de sa nomination de dame du palais (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823p. 642).
♦ P. ext. [Usage commun à la haute bourgeoisie et à la noblesse] Dame du monde. Me voyant extrêmement riche, le but de ma vie était de devenir une dame titrée (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1836, p. 400). Depuis quand voit-on la suivante avoir la préséance sur la dame? (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 87). Quelques ouvrages de dévotion pour dames du monde (MAURRAS, Avenir Intellig., 1905, p. 49).
Femme qui se comporte comme une dame de la haute société. Oh! oh! la Rate est fringuée en dame (COLETTE, Entrave, 1913, p. 95). Dans son idée, je dois devenir une dame (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1250) Faire de quelqu'une une dame. Lui permettre d'accéder au rang de dame. Le seul voisinage de l'or paternel (...) a fait des dames de ces campagnardes (MAUPASSANT, Mont-Oriol, 1887, p. 86). Emploi adj. En cotillon de dessous, elles avaient un air très républicain, sauf de visage qui restait très dame sous la coiffure (GIONO, Hussard, 1951, p. 220).
— P. anal.
♦ Personne exerçant une profession d'un certain rang ou dans des maisons d'un certain rang :
• 4. Je sais qu'une indiscrétion a été faite alors que j'étais au front et, naturellement, par une femme, ma femme trop heureuse de soumettre au maître les plaquettes que j'avais publiées, (...) et de papoter et d'intriguer (...) avec l'amie de Rémy de Gourmont, sa vieille égérie de toujours et sa plus récente inspiratrice, Mme de C... et miss B... (...) et d'intéresser de si grandes dames de lettres au sort de son mari-soldat.
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 320.
[Suivi du nom du métier] Les plus connues de ces dames de théâtre (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Masque, 1889, p. 1165). Ces dames les institutrices sont très aimables (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 42). [Suivi du nom d'une institution] Une de ses dernières affections fut pour Mademoiselle Verrières, dame de l'Opéra (SAND, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 33). Le ministre avait cédé la place à une dame de la Comédie Française (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 107).
Dame de compagnie. Femme au service d'un particulier (homme ou femme) pour lui tenir compagnie et faire les honneurs de la maison. Nous ne réussissons pas à trouver une dame de compagnie pour ma pauvre maman! (FLAUB., Corresp., 1872, p. 17). Elle se dépensa sans compter, tint la maison de ses parents, à Meudon puis à Paris, se fit gouvernante, infirmière, majordome, dame de compagnie, servante, sans pouvoir désarmer l'agacement muet de sa mère (SARTRE, Mots, 1964, p. 10).
P. ext. Dame de comptoir (vieilli). Femme chargée de la caisse et de la vente dans certains établissements. La dame de comptoir du café qu'il fréquentait (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 185). Je prenais, sur l'offre d'une des dames du comptoir, un bonbon extrait d'un des vases de verre entre lesquels elles trônaient (PROUST, Temps retr., 1922, p. 826). Dame de vestiaire, de lavabo. Préposée au vestiaire, aux toilettes. On ne répond pas, dit la dame du lavabo (NIZAN, Conspir., 1938, p. 12). Elsa (...) parla très fort à la dame du vestiaire (SAGAN, Bonjour tristesse, 1956, p. 146).
♦ [En parlant d'une pers. à qui l'on s'adresse sous l'appellation Madame] Cette dame. On demande au Marquis, par quel hasard cette dame, qu'il appelle madame la Duchesse, attend dans la cour sans entrer (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1625). La dame en question est Mme Adam. D'Osmoy m'a dit qu'elle était plus puissante que tous les ministres (FLAUB., Corresp., 1878, p. 84).
— En partic. Femme du monde qui consacre une partie de son temps à des œuvres pieuses ou charitables. Il en est une [passion] surtout que nos dames de paroisse déguisent assez mal sous les apparences de dévotion dont elles cherchent à les couvrir (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 30). Un petit salut de protection comme en ont, à l'adresse des malheureux, les dames des bonnes œuvres (BRETON, Manif. Surréal., 2e Manif., 1930, p. 124).
♦ Dame de charité. L'actrice se présenta avec la juste mesure d'aisance, avec la distinction accomplie d'une jeune dame de charité introduite chez une personne de son rang (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 327).
♦ Dame patronnesse. Dame patronnesse de trois crèches et de douze œuvres recommandées par le cardinal-archevêque (A. FRANCE, Orme, 1897, p. 63) :
• 5. ... on apprit que Mme Charmet était dame de charité, dame patronnesse de plusieurs œuvres de bienfaisance, et qu'elle était chargée de distribuer aux pauvres les revenus d'une grande fortune.
PONSON DU TERRAIL, Rocambole, t. 2, 1859, p. 76.
— Péj., par dérision
♦ Femme entretenue d'apparence bourgeoise. Dame du demi-monde. L'entreteneur de la dame (GONCOURT, Journal, 1896, p. 964).
[P. allus. au roman de Dumas] Dame au(x) camélia(s). Vieilli. Il faudrait un rude limier pour trouver le rembucher d'une dame aux camélias (POULOT, Sublime, 1872, p. 119). Croyez-vous toujours qu'il y a des dames au camélia (ARAGON, Rom. inach., 1956, p. 221).
[P. allus. iron. à la dame du Lac du roman de Lancelot] Dame du lac. Arg. des gens de lettres, vieilli. Demi-mondaine qui cherche ses conquêtes au Bois de Boulogne, autour du lac :
• 6. En désignant, sous le nom de cocottes, les élégantes du demi-monde, nous employons une expression vieillie, car depuis la dernière exhibition de Longchamp, ces charmantes dépensières s'appellent : les dames du Lac.
AVENEL, Les Calicots, 1866, p. 129.
♦ Fille publique, souvent de luxe. Dame de petite vertu. Synon. prostituée. Aucune de ces « dames » [de la maison de prostitution] ne lui cherchait misère [à Élisa] (E. DE GONCOURT, Élisa, 1877, p. 45). Méfie-toi des dames de la rue, des dames qui font un métier de leurs charmes (DUHAMEL, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 45). Ces messieurs-ci vivent du travail de ces dames-là (CAMUS, Chute, 1956, p. 1477).
♦ Petite dame (vieilli et pop.). Compagne attitrée et entretenue. Petites dames en chambre, modestes et jouant un rôle de veuve (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 131). J'(...) ai appris que M. Xavier Frontenac, au vu et au su de toute la ville, entretenait une petite dame (MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p. 41).
) HIST. et EXPR. LITTÉR.
— [Emprunt à la théorie et au vocab. de l'amour courtois] Femme noble à laquelle se consacrait un chevalier. La dame de ses pensées; servir sa dame; porter le chiffre, les couleurs de sa dame. Synon. amie, maîtresse. Les accusations publiques d'inconstance, de félonie envers sa dame étaient suivies d'arrêts quelquefois sanglans (JOUY, Hermite, t. 3, 1813, p. 6). Le respect attendri du bon chevalier de la Manche pour sa dame Dulcinée (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 149) :
• 7. Le gentilhomme qui accomplit un exploit pour sa dame lui paraissait diminuer par là son exploit : il était choqué par ces fadaises, et détestait l'état d'esprit qui place l'homme, l'homme fort et raisonnable, sous la suprématie de la déficience féminine.
MONTHERLANT, Les Bestiaires, 1926, p. 417.
♦ P. ext. Femme à laquelle un troubadour, un ménestrel offre ses hommages et son amour. Servir sa dame et sa patrie, C'est le devoir d'un troubadour (NADAUD, Chansons, 1870, p. 342).
♦ Mod., p. iron. ou plais. Synon. dulcinée. La dame de mes pensées était une belle personne qui habitait la même maison que nous (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 478). Après avoir écrit cinq pages enflammées à la dame de son cœur (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 67).
— Usage rhét. Dame + abstraction personnifiée. Dame fortune, dame justice, dame nature. Dame convoitise en a rendu plusieurs traîtres à leurs souverains seigneurs (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 24). Dame police n'est pas très crédule de sa nature (VIDOCQ, Vrais myst. Paris, t. 7, 1844, p. 18).
♦ Var. Notre Dame la grammaire (HUGO, Cromwell, 1827, p. 35). Autre dame imposante, l'Histoire (VALÉRY, Lettres à qq.-uns, 1945, p. 79). L'espoir de la victoire et d'une nouvelle grandeur pour « notre dame la France » (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 132).
b) RELIG. et SOCIÉTÉ RELIG.
) Notre-Dame. La Vierge Marie en tant que souveraine protectrice des hommes. Dame du ciel. Leurs grandes ailes [des anges] palpitent de joie à ce glorieux couronnement qui fait Dame du paradis l'humble servante du Seigneur (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 89).
— P. méton. Église vouée à Notre-Dame. Notre-Dame de Paris. Les porches latéraux de Notre-Dame de Chartres, de la cathédrale de Bourges (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p. 238).
) Souvent au plur. Religieuse ayant prononcé ses vœux perpétuels et appartenant à un monastère ou à un couvent comportant une hiérarchie de ses membres. Les dames de la Visitation, du Sacré-Cœur.
♦ Dame de chœur. Religieuse qui a sa place dans les hautes stalles du chœur (p. oppos. à novice et à converse). Synon. professe. Les dames de chœur vivaient en patriciennes (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 155). Les religieuses de tout âge, de tout air, de toute corpulence, les mères et les novices, les converses et les dames de chœur, les paysannes et les nobles (...) toutes gardant ce même air de restriction, de surveillance de soi et d'autrui contre l'infinie variété des périls (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 113).
c) MYTH., FOLKL. Fée. Les fées étaient des dames aussi bien que les saintes; mais des dames voluptueusement parées (A. FRANCE, Vie littér., t. 3, 1891, p. 246). Pour ces dames-fées qui sont trop rieuses (BARRÈS, Cahiers, t. 10, 1914, p. 255).
♦ La dame du Lac. Fée protectrice de Lancelot.
♦ La dame blanche. Être surnaturel dans les anciennes croyances celtes et allemandes. C'est la dame blanche qui passe sous les voûtes (HUGO, Rhin, 1842, p. 338) :
• 8. Aussi peu qu'il soit habité des fées, chacun sent aux brouillards de son cœur sourdre les sources du celtisme. J'ai vu la dame blanche éternellement sous mes yeux, depuis ma petite enfance; ...
BARRÈS, Mes Cahiers, t. 9, 1912, p. 295.
d) Usuel. Personne adulte du sexe féminin. Une jeune, vieille dame; une dame âgée, entre deux âges. Synon. femme. L'almanach des dames (HUGO, Corresp., 1822, p. 341). Son vieux coupé de dame dont les chevaux marchaient au pas (MORAND, Londres, 1933, p. 168).
SYNT. Articles, confection, vêtements pour dames; coiffeur pour dames; compartiment de dames seules, toilettes de dames; faire des ouvrages de dame.
♦ [Dans un lang. courtois, auj. senti comme vieilli ou pop.] Être aimé des dames; plaire aux dames (Ac. 1798-1932). Les graces d'un cavalier et de sa dame (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 297). Et ensuite il ne trouve rien de mieux à faire que d'aller vite occuper une place laissée libre! Au lieu de la laisser à une dame! (QUENEAU, Exerc. style, 1947, p. 14).
— Pop. ou fam. [Dans la formule de salutation] Messieurs dames. Ici, ... ssieurs et dames, nous sommes à la hauteur de la galerie des rois (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 41). Bsoir msieurs dames, dit Pierrot (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 169).
♦ [Avec le dém. ces] Ces monsieur dame auront froid, dit l'aubergiste (ARLAND, Ordre, 1929, p. 315). Ces messieurs-dames exagéraient (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 220).
Rem. Pour l'oppos. ternaire « femme mariée, femme célibataire, monsieur », voir madame.
2. [P. oppos. à demoiselle B, personne non mariée] Femme mariée, et p. ext. femme d'un certain âge.
a) Épouse de bourgeois fortuné ou appartenant à une classe sociale supérieure. Une belle, digne, noble dame; les dames de la bourgeoisie, de la ville. Les dames de Paris vous regarderaient comme une servante (MAUPASS., Une Vie, 1883, p. 243). Il était autre que tous ces gens-là, ces « messieurs », ces « dames », ces « riches » (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1950, p. 161) :
• 9. Une ville dont tous les habitants, même les plus pauvres, étaient des messieurs et des dames, et avaient droit à la soie noire, comme les citoyens romains à la toge. Et quelle capitale!
LARBAUD, A. O. Barnabooth, 1913, p. 207.
— [Dans des syntagmes avec adj. antéposé]
♦ Belle dame. Il va d'ailleurs beaucoup dans le monde (...) chez les belles dames (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 281). [En appellatif] Votre serviteur, belle dame! (BALZAC, Homme d'affaires, 1845, p. 414).
♦ Grande dame. Voilà un homme (...) qui aura fait rire toute une génération de grandes dames et de grisettes (CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p. 221). Il ne songe pas que les lettres de la jeune et belle grande dame ont dû brûler les mains de sa vieille maîtresse (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1950, p. 195).
♦ Vraie dame. Il fallait aller chez une vraie dame, si l'on voulait peindre une dame (HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 42) :
• 10. Cela se raidit, cela fait la fière, cela veut se conduire comme une vraie dame, prendre des responsabilités et cela jouait à la poupée hier encore et au premier chagrin cela courait se jeter dans les jupes de sa maman.
ANOUILH, La Répétition, 1950, IV, p. 110.
— Dame de la maison, du logis (vx). Synon. de maîtresse de maison. Je vous suppose interné dans un salon bourgeois et prenant le café, après dîné, avec le maître de la maison, la dame de la maison et ses demoiselles (BAUDEL., Art romant., 1867, pp. 458-459). La dame du logis a des rentes sur l'État, une comptabilité irréprochable, et, si elle tient à quelque chose, c'est à la considération (BOURGET, Nouv. Essais psychol., 1885, p. 33).
b) [En style noble de petit bourgeois] Épouse de petit bourgeois.
) HIST. [En parlant de femmes du peuple, membres de certaines corporations, qui, dans certaines circonstances, pouvaient être reçues à la Cour] Capable enfin de porter sans trembler la parole au Roi au nom des Dames de la Halle, Angélique Madou recevait Gigonnet avec un profond respect (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 347) :
• 11. ... et l'on voyait accourir par le Pont-Vieux les dames de la halle et des lavoirs, avec des broches, des pelles, des pincettes, des battoirs et des chaudrons d'eau de Javel; ...
A. FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, p. 301.
) Usuel. Épouse. Synon. femme.
— [Suivi d'un nom propre]
♦ [Nom de famille] La dame veuve une telle (Ac. 1835-1932). L'affaire du sieur Ragoulleau et de la dame Morin (BALZAC, Goriot, 1835, p. 192).
♦ [Prénom] Je n'ai pas revu dame Solange (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 270).
— [Avec un poss.] Vieilli, pop. ou région. M. Rastoil, sa dame et sa demoiselle, passeraient la nuit chez les Paloque (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 1211). Voulez-vous me permettre de vous offrir... des bonbons, pour votre dame et votre demoiselle? (T. BERNARD, M. Codomat, 1907, I, 7, p. 158). Des consommateurs se serrent la main sans se connaître, mais il y a des années qu'ils viennent là avec leurs dames (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 43).
— [En appellatif] Fam. Synon. Madame.
♦ [Dans des syntagmes, gén. avec le poss. ma] Vous êtes bien difficile à confesser, ma belle dame (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 414). Figurez-vous, ma pauvre chère dame (ARLAND, Ordre, 1929, p. 220).
♦ [Suivi du prénom] Dame Jeanine, un vieux comme moi, tanné par les orages, ne se trompe pas (ZOLA, Ouragan, 1901, I, 1, p. 458). « Pauvre, pauvre chère dame Thérèse... » (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 198).
— P. anal. et gén. p. iron. [En parlant d'animaux dont le nom est fém. ou en parlant de la femelle] Dame belette. Par le chant du rossignol, j'ai vu la dame rossignol ivre d'amour et de chanson nocturne, s'abandonner à la danse aurorale des feuilles (GIONO, Eau vive, 1943, p. 116).
c) [Dans le lang. d'un domestique] La patronne. En voyant son ancienne dame, la mère Archambauld se confondit en prévenances (A. DAUDET, Jack, t. 2, 1876, p. 272). Adèle elle-même tapait sur l'ancienne demoiselle de sa dame (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 269).
B.— JEUX
1. P. méton. [P. réf. à I A 1 a ] Figure représentant une dame souveraine.
a) JEU DE CARTES. Deuxième figure du jeu (après le roi, avant le valet), représentant une reine couronnée. Dame de pique, de trèfle. Synon. reine. Il a brelan de dames (Ac. 1835-1878). Un jeu de cartes patriotique dans lequel aux rois, aux dames, aux valets de l'ancien régime, il substituait des Génies, des Libertés, des Égalités (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 16). Un peu jeune pour la dame de cœur [Angèle], mais la dame de son tableau [à de Vere] n'a rien à voir avec la nourrice des jeux de cartes ordinaires (BUTOR, Passage Milan, 1954, p. 170) :
• 12. ... ils jouèrent au whist, le soir, au café du Commerce, mais son œil triste déshabillait la reine de trèfle ou la dame de carreau, tandis que le problème des jambes absentes dans ces figures à deux têtes embrouillait tout à fait les images écloses en sa pensée.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Bombard, 1884, p. 973.
SYNT. Avoir une tierce, une quatrième, une quinte à la dame; avoir un quatorze de dames; écarter une dame; jouer une dame.
— La dame de pique. P. méton. fam. les cartes, le jeu. Aimer, courtiser, peloter la dame de pique. Aimer les cartes. Être un parfait honnête homme (...) ennemi de la dame de pique (FEUILLET, Honn. d'artiste, 1890, p. 65). Après la dame du comptoir assez dodue et fort appétissante, il consacrait ses loisirs à la dame de pique (FRANCE 1907).
b) JEU D'ÉCHECS. Seconde pièce du jeu en valeur (après le roi), qui représente une reine couronnée et qui seule peut marcher en tous sens, à moins d'être arrêtée par une autre pièce. Dame blanche, noire. Synon. reine. Donner échec au roi et à la dame (Ac. 1798-1878) :
LE DOCTEUR. — Et moi, avec la tour, je prends la dame.
DUMAS père, Richard Darlington, 1832, I, 1, p. 23.
— (Aller) à dame. Mener un pion jusqu'à la dernière rangée de cases de l'échiquier (côté adversaire) où il prend la valeur d'une dame (cf. Ac. 1798-1878).
2. JEU DE DAMES
a) Au sing. ou au plur. Pièce du jeu.
) Chacune des pièces rondes et plates du jeu, appelé pour cette raison, jeu de dames (infra b). Dame touchée, dame jouée (Ac. 1835, 1878). Synon. pion. Pour le jeu de dames à la polonaise, celui qui se joue encore actuellement, on se sert d'un damier à cent cases et l'on emploie vingt dames ou pions (D'ALLEMAGNE, Récr. et passe-temps, 1904, p. 54).
— (Aller) à dame. Mener un pion jusqu'à la dernière rangée de cases du damier (côté adversaire) où il prend une valeur spéciale et est surmonté d'un pion de même couleur, signalant cette valeur (infra ) :
• 14. JACOBUS. — C'est à vous, madame.
MADAME D'ERMEL. — Vous le faites exprès, hein? (...) une, deux, trois, et à dame!
JACOBUS. — C'est inouï! ...
FEUILLET, Scènes et proverbes, 1851, p. 258.
♦ P. ext., au fig., pop. et vieilli. Aller, partir à dame. Tomber (parce que l'acquisition d'une dame par un joueur laisse présumer la défaite de l'autre joueur). J'y ai mis un de ces trimball'ments qu'il en a été à dame (BRUANT 1901, p. 106).
) Spéc. Pion qui, étant allé à dame, a été surmonté d'un autre pion, et peut marcher en diagonale à toute distance. La dame se déplace comme le pion dans le sens des diagonales. De plus, elle a la faculté de franchir une ou plusieurs cases libres, pourvu que ce soit en ligne droite, et de reculer dans les mêmes conditions (ALLEAU 1964).
b) P. méton., au plur. Jeu pratiqué à deux sur un damier de 100 cases avec 20 pions blancs posés sur quatre rangées pour l'un des joueurs et 20 pions noirs pour l'autre. Les dames; dames à la polonaise; faire une partie de dames. Paisibles joueurs de dames et de dominos (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 236). Partant des points sur lesquels toute l'année ils étaient disséminés en tirailleurs ou comme des pions au jeu de dames (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 675). Quand il ne jouait pas à la manille, c'était au billard ou aux dames (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 33).
♦ Dames à la française (vx ou auj. dans les pays anglo-saxons). Jeu pratiqué sur un damier de 64 cases avec 12 pions disposés sur trois rangées pour chaque joueur (cf. D'ALLEMAGNE, loc. cit.).
♦ P. métaph. Une partie de dames où les pions étaient des hypothèses politiques (MARTIN DU G., Thibault, Été 14, 1936, p. 133).
— P. méton. Jeu de dames. Le damier et les pièces du jeu. Les chariots (...) sont chargés de tables de jeu de trictrac, de jeux d'échecs et de dames, de sixains de cartes (JOUY, Hermite, t. 1, 1811, p. 55). Ils étaient (...) installés sur leurs talons devant un jeu de dames (FROMENTIN, Été Sahara, 1857, p. 114).
Rem. On aurait pu envisager une deuxième entrée pour le jeu de dames, mais les interférences sont si nombreuses qu'il a été jugé plus logique de rattacher ces emplois aux autres sens du mot dame1.
3. P. anal. (de I B 2 a ) [Au trictrac et au jacquet] Chacun des disques dont on se sert pour jouer (analogues aux pions du jeu de dames, mais gén. de taille supérieure). Faire avancer les dames, placer une dame sur une flèche (ALLEAU 1964, s.v. jacquet). Quand toutes les dames d'un joueur sont passées dans la case où étaient empilées, au début, celles de l'adversaire, elles sont retirées du jeu (Alleau 1954, s.v. trictrac).
C.— [Pour désigner d'autres éléments]
1. Dame(-)d'onze(-)heures. Plante dont les fleurs sont ouvertes de onze à quinze heures environ. Synon. sc. ornithogale en ombelle. Elle [une fleur] s'appellera la Dame d'onze heures (COLETTE, Pays et portr., 1954, p. 255).
2. [Dans des expr. désignant une bouteille ou divers contenus]
— Dame-Jeanne. Cf. ce mot.
— Dame blanche (arg.). Bouteille de vin blanc. Une dame blanche! dit Gugusse au patron (...) Et du meilleur! (LARCHEY, Dict. hist. arg., 1878, p. 132).
— Dame verte. (pop.). Absinthe. On a un peu calomnié la pauvre dame verte (LARCH. Nouv. Suppl. Larg. 1889, p. 78). Tombé dans la misère par suite d'un trop grand amour pour la dame verte (LARCH. Nouv. Suppl. Larg. 1889, p. 78).
3. ART. CULIN. Dame blanche. Dessert consistant en glace à la vanille nappée de crème au chocolat (cf. Cuisine moderne et vieilles recettes, Tournay, 1962, p. 169).
II.— Interj., fam., vieilli. [parfois sous la forme dam].
A.— [Exclamation marquant la surprise, l'assentiment du locuteur (par rapport à une chose ou à une assertion)] Mais, dame oui, dame non. Synon. parbleu, pardi. Dam, je ne sais pas, monsieur (HALÉVY, Mar. d'am., 1881, p. 173). Dame! (...) petit mot, tout gros de sous-entendus, d'arrière-pensées, de potins (RICHEPIN, Césarine, 1888, p. 190) :
• 15. « Formidable! ... C'est vous qui faites la cuisine, mademoiselle? »
— « Dame! »
— « Mes compliments! »
La fille daigna sourire.
MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 399.
— [Exclamation renforçant une déclaration] Dis donc, Fanny, te rappelles-tu un déjeuner ici (...) c'est loin, dam! (A. DAUDET, Sapho, 1884, p. 28). Mais sa mort, dame! il l'a soignée, rien n'y manque (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1193) :
• 16. — Parce que je voulais crever assez vite dame! tout simplement! et nom de Dieu! bien sûr que non que je veux point mourir!
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 395.
B.— [Interj. dont l'emploi supposant une relation log. entre ce qui précède et ce qui suit, donne à l'énoncé une valeur de concl. ou sert de charnière du discours] Dame! à force de poser au poitrinaire, on finit par se figurer qu'on l'est réellement (A. DAUDET, Femmes d'artistes, 1874, p. 55).
Rem. Ds la docum. on trouve 2 attestations de bé dame! : « eh bien, dame! » Bé dame, alors, c'est le plus malin des deux qui roule l'autre! (HUYSMANS, Sœurs Vatard, 1879, p. 126). Bé dame! Eh bien, oui (ROUGÉ, Folkl. Touraine, 1943, s.v. dame). BÉL. 1957 atteste également ,,Bédame! Bien dame!``
Prononc. et Orth. :[dam]. Ds Ac. 1694-1932. Pour l'interj., Nouv. Lar. ill. et Lar. 20e consacrent à dam une vedette de renvoi à dame. Cf. aussi ds la docum. : Ah dam! nous sommes si bêtes, nous aut' pésans! que nous finissons par entendre les bêtes (BALZAC, Paysans, 1844, p. 34). Cf. également bé dame! et bédame! (supra II B rem.). Étymol. et Hist. I. A. 1. Ca 1050 dama appellation d'une femme mariée, de haut rang (Alexis, éd. Chr. Storey, 148); 2. ca 1175 « épouse » (CHR. DE TROYES, Chevalier Lyon, 5701 ds T.-L.); fin XIIe s. lang. courtois « femme aimée » (CHASTELAIN DE COUCI, Chansons, éd. A. Lerond, I, 20 et passim); ca 1200 p. ext. s'applique également à des personnes n'appartenant pas à la noblesse (Doon de la Roche, 3266 cité ds A. GRISAY, G. LAVIS, M. DUBOIS-STASSE, Les Dénominations de la femme dans les anc. textes littér. fr., 1969, p. 134); 3. ca 1220 Nostre Dame « la Vierge » (G. DE COINCY, Miracles, éd. F. Kœnig, I Pr 2, 12); 4. XIIIe s. titre donné à une abstraction (Mariage des sept ars, version anonyme, éd. A. Långfors, 210 : damme Théologie). B. 1508 jeu (D'AMERVAL, Diablerie, éd. Ch.-Fréd. Ward, p. 606 : jeu d'echecz ou des dames). II. 1665 interj. (MOLIÈRE, Dom Juan, III, 1). I A du lat. class. domina, domna « maîtresse de maison; épouse; amie, maîtresse; souveraine »; le développement particulier du -o- s'explique par le fréquent emploi proclitique du mot, notamment devant les noms propres. I B ext. de I A p. réf. à l'idée de reine aux échecs et aux cartes et p. allus. au fait que le pion qui a traversé tout le damier au jeu de dames, peut se déplacer d'un nombre illimité de cases diagonalement, comme la reine aux échecs. II de Notre-Dame!, en invocation à la Vierge. Fréq. abs. littér. :12 258. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 13 534, b) 24 974; XXe s. : a) 23 776, b) 12 899. Bbg. CAPELOVICI (J.). Monsieur, madame, mademoiselle. Vie Lang. 1961, p. 602. — DENINON (P.). Dame oui! Déf. Lang. fr. 1968, n° 45, pp. 11-12. — MANIU (N.). À propos d'une étymol. fr. : dame. Lang. et litt. 1948, t. 4, pp. 200-207. — PAULI 1921, p. 45. — POHL (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Arch. St. n. Spr. 1969, t. 205, n° 5, p. 363. — QUEM. 2e s. t. 3 1972. — RIEGLER (R.). Wasserjungfer und Wiesel. Archivum romanicum. 1925, t. 9, p. 210. — SAIN. Lang. par. 1920, p. 272; Sources t. 1 1972 [1925], p. 171. — SAINT-JACQUES (B.). Sex, dependency and language. Linguistique. Paris. 1973, t. 9, p. 95. — TICHY (O.). K Etimologiim interjekci. Casopis pro moderni filologii. 1958, t. 40, pp. 216-217.
II.
⇒DAME2, subst. fém.
[DOMAINES TECHNIQUES]
A.— TECHNOL. Instrument servant à tasser un sol ou à paver, formé d'un corps lourd s'élargissant vers le bas et muni, dans sa partie supérieure, soit d'une barre horizontale, soit de deux poignées permettant son maniement. Synon. demoiselle, hie. On peut les affermir [les terrains tourbeux] en les lardant de piquets (...) qu'on enfonce (...) au moyen d'une dame à quatre mains (BRICKA, Cours ch. de fer, t. 1, 1894, p. 131).
♦ Dame de fonte. Dame du bitumier, masse en fonte qui s'emploie chaude pour pilonner les aires en plâtre, l'asphalte, etc. On battait le sol des aires avec une grosse dame de fonte (GIONO, Joie, 1935, p. 451).
B.— 1. P. ET CH.
a) Massif de maçonnerie, digue qu'on laisse de distance en distance pendant le creusement d'un canal pour retenir l'eau hors du chantier (cf. Ac. 1835-1932).
b) Cône de terre laissé d'espace en espace dans une tranchée pour servir de mesure de profondeur (cf. Ac. 1932).
Rem. Ces 2 sens sont aussi attestés ds la plupart des dict. gén. à partir de BESCH. 1845, de même que ds CHESN. 1857, BOUILLET 1859, BACH.-DEZ. 1882.
2. MÉTALL. Les laitiers et la fonte s'accumulent au fond du creuset; les premiers s'écoulent par-dessus la paroi du creuset qu'on appelle dame (WURTZ, Dict. chim., t. 1, 2e vol., 1870, p. 1436).
C.— MAR., au plur. ,,Ouverture en forme de demi-lune, du calibre d'un manche d'aviron, et qui est aménagée dans le plat bord d'une embarcation pour servir de point d'appui au manche de l'aviron pendant la nage [navigation]`` (LE CLÈRE 1960). Synon. demoiselle, tolets. Les avirons restèrent suspendus sur leurs dames (VERNE, Vingt mille lieues, t. 2, 1870, p. 55). En voici un [bateau pliant] avec deux avirons et dames de nage (BOURGET, Enf. morte, 1928, p. 121) :
• ... il [M. Dufour] plaisanta sur le mot « dames », dont on désigne les deux montants qui retiennent les avirons, disant que les canotiers, et pour cause, ne sortaient jamais sans leurs dames.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Une Partie de campagne, 1881, p. 375.
Prononc. et Orth. :[dam]. Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. I. A. 1270 dam « digue » (Actes français du comté de Flandre, éd. R. Mantou, Liège, 1972, p. 433) — 1442 dam (Cartulaire de l'abbaye de Marquette ds Romania, t. 68, 1944-45, p. 196). B. 1. 1690 dame « partie de terre conservée en travers d'un canal qu'on creuse » (Marquis DE SOURCHES, Mémoires, t. 3, p. 383 ds Fr. mod., t. 17, p. 220); 2. 1694 « cônes de terre laissés dans les fouilles pour servir de témoins lors du métré des déblais » (CORNEILLE); 3. 1752 « partie de terre restée debout au centre des fourneaux de mine qui ont fait explosion » (Trév.); 4. 1757 « pièce de pierre ou de fonte dans un creuset de haut fourneau » (Encyclop. t. 7, p. 150 b, s.v. forge). II. 1743 « instrument servant à damer » (LE BLOND, Traité d'artillerie, p. 89). III. 1783 mar. (Encyclop. méthod. Mar. d'apr. FEW t. 3, p. 125 b); 1831 « cheville de fer destinée à empêcher le câble de glisser; tolet destiné à retenir les avirons » (WILL.). I empr. d'abord au m. néerl. dam « digue » (dep. 1165 ds GRIMM2 t. 6, 146), puis de nouv. au néerl. à la fin du XVIIe s., prob. par l'intermédiaire de Hollandais travaillant dans le nord de la France à l'assèchement de marais, VALKH., pp. 29-30. Le terme de fonderie est peut-être empr. à l'all. (FEW t. 15, 2, p. 53 a), cf. GRIMM2 t. 6, 149, 40. II de dame1 p. réf. à la forme de cet outil constitué d'un morceau de bois conique qu'on soulève au moyen de deux anses. III orig. obsc. : pour JAL1 ce mot remonte au néerl. dam, le terme de mar. étant une extension du sens de « digue » dans la mesure où la cheville fait obstacle au mouvement du câble alors que FEW t. 3, p. 125 b le considère comme une extension de dame1 p. allus. obscène au mouvement de l'aviron entre les deux consoles.
1. dame [dam] n. f.
ÉTYM. V. 1050; du lat. domina « maîtresse ».
❖
———
1 Féod. Titre donné à une femme détentrice d'un droit de souveraineté ou de suzeraineté. || Notre sire le roi et notre dame la reine. || Haute et puissante dame. || La dame de…, suivi du nom du lieu dont elle est suzeraine. || La Dame de Monsoreau, roman d'A. Dumas.
♦ ☑ Loc. Anciennt ou par archaïsme. La dame de céans, du logis, « notre dame » : la châtelaine, et, par ext., la maîtresse de maison (→ Céans, cit. 3). — ☑ Le chevalier et sa dame, la dame de ses pensées, celle qui régnait sur son cœur et dont il portait les couleurs. ⇒ Ami(e), maîtresse (→ Cependant, cit. 4; chevalier, cit. 4). — Mod. et par plais. || La dame de ses pensées. ⇒ Dulcinée.
♦ Par anal. Littér. || Les dames des prairies, des bois : les fées, maîtresses souveraines de la nature. || La Dame du lac (dans les romans de la Table ronde) : la fée Viviane, dont le domaine se cachait au fond d'un lac enchanté. — La dame blanche : fantôme féminin de plusieurs traditions nordiques. || La Dame blanche, opéra-comique de Boieldieu.
♦ Relig. || La Dame du Ciel : la sainte Vierge, reine spirituelle de la chrétienté et du paradis. ⇒ Notre-Dame.
1 Las ! Je suis seul, sans compagnie !
Adieu ma Dame, ma liesse !
Ch. d'Orléans, Ballade, LVII, « Sur la mort de sa dame ».
2 Loué soit-il (le Fils de Dieu), et Notre Dame,
Et Loïs, le bon roi de France !
Villon, Testament, VII.
3 Dame du Ciel, regente terrienne (de la terre)
Emperiere (impératrice) des infernaux palus (…)
Les biens de vous, ma Dame et ma Maîtresse,
Sont trop plus grands que ne suis pecheresse (…)
Villon, le Testament, « Ballade » (Prière de la mère de Villon à Notre-Dame).
4 Je n'eus pas besoin qu'on m'en dît davantage, pour me déterminer à établir Violante dame souveraine de mes pensées.
A. R. Lesage, Gil Blas, V, I, p. 324.
5 Déjà il baissait sa visière et se recommandait à la dame de ses pensées, lorsque le son d'un cor se faisait entendre.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, t. II, IV, V, IV.
6 Perinis (le page de la reine), beau doux ami, dit Tristan, retourne en hâte vers ta dame. Dis-lui que je lui envoie salut et amour, que je n'ai pas failli à la loyauté que je lui dois, qu'elle m'est chère par-dessus toutes les femmes (…)
J. Bédier, Tristan et Iseut, XVII, p. 184.
7 Dame (la reine Guenièvre), c'est vous qui me fîtes votre ami, si votre bouche ne mentit. Le jour que je pris congé de vous, je vous dis que je serais votre chevalier où que je fusse et vous me répondîtes que vous le vouliez bien. Et je vous dis encore : Adieu, dame ! Et vous répliquâtes : Adieu, beau doux ami ! Et jamais plus ce mot ne m'est sorti du cœur.
J. Boulenger, les Amours de Lancelot du lac, p. 219.
8 La dame des pensées est toujours présente à l'esprit, ou aux sens, de celui qui médite, réfléchit, compose, exprime. Elle suscite en lui le rythme créateur.
Léon Daudet, la Femme et l'Amour, II, p. 41.
2 Vx ou hist. Femme de haute naissance. || Une noble dame, une dame de haut parage. — Les dames de la cour. || Dame de qualité. — La Ballade des Dames du temps jadis, de Villon. — Hist. || Les Dames de France : les filles du roi de France. — ☑ Loc. Dame du palais : femme de haute naissance remplissant une charge honorifique auprès d'une princesse royale (syn. : dame d'atour, dame d'honneur).
9 Ci entrez, vous, dames de haut parage (…)
Fleurs de beauté à céleste visage (…)
Rabelais, Gargantua, LIV, Inscription mise sur la grande porte de Thélème, p. 176.
10 Les dames du palais sont dans une grande sujétion. Le Roi (…) veut que la Reine en soit toujours entourée. Mme de Richelieu, quoiqu'elle ne serve plus à table, est toujours au dîner de la Reine, avec quatre dames, qui sont de garde tour à tour.
Mme de Sévigné, 367, 5 janv. 1674.
♦ Vx (largement attesté au XIXe). Femme d'un certain rang social.
10.1 (…) sa femme qui a voulu faire la dame, au lieu de faire un métier et d'en faire faire un à ses filles.
E. Delacroix, Journal, 8 juin 1854.
♦ ☑ Mod. Grande dame : femme de haute naissance, de la noblesse. || Faire la grande dame : affecter de grands airs. || Agir en grande dame, avec noblesse, distinction, générosité. — Par ext. (mod.). || Une grande dame de la chanson, du théâtre, une artiste exceptionnelle. || C'est vraiment une grande dame (équivalent masculin : un grand monsieur).
11 (…) ce que faisant, elle restait grande dame quand même, grande dame jusqu'au bout des ongles, et imposante à tous.
Loti, les Désenchantées, II, p. 26.
12 Être grande dame, c'est jouer à la grande dame, c'est-à-dire, pour une part, jouer la simplicité.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VII, p. 91.
♦ ☑ Loc. La première dame de France : l'épouse du président de la République française.
♦ Dr. (précédant un nom propre). || Le sieur X contre la dame Y. ⇒ Madame.
♦ Pop. Épouse, femme. ⇒ Bourgeois(e). || Venez-donc avec votre dame. || C'est la dame à monsieur Paul. — REM. Cet emploi est normal dans certains usages régionaux; il était moins populaire au XIXe s. que de nos jours.
12.1 Plusieurs de ces messieurs étaient avec leurs dames. La femme du proviseur, la jolie blonde, vêtue d'une toilette bleu ciel du plus piquant effet, causa une grosse émotion (…)
Zola, Son Excellence Eugène Rougon, t. II, p. 90.
12.2 Puis nous allâmes dîner, avec nos « dames », chez Jean Galtier-Boissière où René Lefèvre, que je n'avais pas revu depuis le temps de la zone libre, à Nice, s'amenait en voiture.
Francis Carco, Ombres vivantes, p. 207.
12.3 — Et qui c'est, qu'on invitera à ma noce ? demande-t-elle.
— J'y ai déjà pensé, répondit Sidonie. Y aura moi, turellement; et puis Dominique, Eulalie et Clovis; et puis Saturnin et sa dame.
R. Queneau, le Chiendent, p. 233-234.
♦ Vx (langue class.). || Dame, suivi d'un n. propre, employé par courtoisie pour les petites commerçantes, les domestiques ou salariées occupant dans la maison un rang un peu élevé (intendante, gouvernante, duègne). Cf. Dame Claude, in l'Avare, de Molière; le personnage de Dame Pluche, dans On ne badine pas avec l'amour, de Musset. — Fig. et par plais. || Dame Belette, dans La Fontaine (→ Belette, cit.)…
13 Il jugea qu'à son appétit
Dame baleine était trop grosse.
Dame fourmi trouva le ciron trop petit (…)
La Fontaine, Fables, I, 7.
♦ Par allégorie. || Dame, suivi d'un n. de valeur abstraite. || Dame fortune, dame justice, dame nature.
4 Relig. Religieuse de certaines congrégations; chanoinesse. || Les dames de Remiremont, de Fontevrault, du Sacré-Cœur. — ☑ Loc. Dame de chœur : religieuse qui a le droit de siéger au chœur (par oppos. à sœur converse). → Professe.
14 Ainsi, au couvent comme ailleurs, il y avait une aristocratie et une démocratie. Les dames de chœur vivaient en patriciennes. Elles avaient des robes blanches et du linge fin. Les converses travaillaient comme des prolétaires, et leur vêtement sombre était plus grossier.
G. Sand, Histoire de ma vie, III, XII, t. III, p. 155.
15 Quinze ans après, en 1655. Le parc du couvent que les Dames de la Croix occupaient à Paris.
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Décor du 5e acte.
15.1 C'est une fois veuve que Mme de Miramion s'engage dans la confrérie des Dames de la Charité, que sainte Jeanne de Chantal fonde la Visitation, que Louise de Marillac administre les œuvres de saint Vincent, c'est une fois veuve que Mme de la Fayette écrira, que Mme de Sévigné connaîtra la renommée, que d'autres voyageront, administreront leurs biens, acquerront enfin cette autonomie que la vie leur a refusée jusque-là. La mise en garde de Bossuet souligne bien que l'état de veuve est un état enviable.
F. Mallet-Joris, Jeanne Guyon, p. 127.
5 Mod. Personne adulte du sexe féminin (dans un usage de bon ton). ⇒ Femme. || Un monsieur et une dame. || Ce n'est pas à dire devant les dames. || Se montrer galant envers les dames. || Être empressé auprès des dames. || Plaire aux dames. || Être le cavalier d'une dame, à la danse, dans un cortège. || Que veut cette dame ? || Une dame âgée. — Fam. (à un enfant) ou par plais. || Dis bonjour à la dame ! Allus. littér. || La Dame aux Camélias (A. Dumas fils). || Ces dames au chapeau vert, roman de Germaine Acremant.
16 Pour les dames on sait mon respect en tous lieux (…)
Molière, les Femmes savantes, III, 2.
17 Rien ne pèse tant qu'un secret :
Le porter loin est difficile aux dames;
Et je sais même sur ce fait
Bon nombre d'hommes qui sont femmes.
La Fontaine, Fables, VIII, 6.
18 Je me rappelai heureusement une maxime de feu mon grand-père, qui avait coutume de dire que tout est permis aux dames, et que tout ce qui vient d'elles est grâce et faveur.
France, le Crime de S. Bonnard, II, Œ., t. II, p. 358.
19 (…) vous excuserez un vieillard déshabitué du monde, peu fait au langage des dames et désolé de son erreur.
France, le Crime de S. Bonnard, IV, Œ., t. II, p. 457.
19.1 Songez-donc ! une dame américaine catholique et qui nous invite à déjeuner, Mounier et moi (…)
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 15.
♦ Sports (Au pluriel, en apposition à un nom désignant une épreuve sportive, pour indiquer qu'elle est réservée aux femmes). || La finale dames (opposé à messieurs).
♦ ☑ Loc. Les belles dames : les femmes élégantes de la haute société. → fam. Du beau linge. — REM. Attesté avec un redoublement ironique (vieilli) : || « Les robes inédites des belles dadames, qui rendirent (…) d'autres belles dadames vertes de jalousie » (Marianne, 5 juil. 1939, p. 8). — C'est une dame, une vraie dame, une femme distinguée. — Dame de fer.
♦ ☑ Loc. Vx. Les dames de la Halle : les vendeuses des Halles à Paris. — Vieilli. || Dame de comptoir. ⇒ Caissière. || Dame de vestiaire, de lavabo; (fam. et mod.) dame pipi, préposée à l'entretien et à la surveillance des toilettes publiques (variante : || « Elle a pu trouver du boulot comme madame pipi dans une brasserie » E. Ajar [R. Gary], l'Angoisse du roi Salomon, p. 219.)
19.2 Deux couples se précipitèrent vers le buffet, bousculant Madeleine, aussi indifférents à la maîtresse de maison que si elle avait été la dame-pipi de cette assemblée hétéroclite.
Michel Déon, les Vingt ans du jeune homme vert, p. 325.
➪ tableau Noms de métiers.
♦ Dame de chœur : choriste figurant dans un ballet. || Dame d'œuvres, dame de charité, dame patronnesse : femme du monde qui se consacre à des œuvres de bienfaisance, qui patronne des fêtes de charité. — Dame de compagnie (ou de bienfaisance). ⇒ Compagnie.
REM. Cet emploi est issu du sens 2 : selon les époques, il implique l'extension d'un terme honorifique ou l'assimilation, par courtoisie, des femmes à celles de la haute société : il reflète toujours une hiérarchie sociale appartenant au passé, d'où ses connotations souvent ironiques (→ ci-dessus, cit. 12.1 et divers emplois spéciaux). Cependant, dans les inscriptions publiques, Dames, plutôt que Femmes, est encore souvent opposé à Hommes (lui-même souvent remplacé par : Messieurs).
6 Fam. ou pop. En appellatif, s'adressant à une « dame », aux sens 3 ou 4, indifféremment. — (Précédé d'un adj.). || Oui, ma bonne dame. || Eh, dites-donc, ma brave dame, ce n'est pas votre tour ! || Bonjour, ma petite dame !
♦ Pop. (Au pluriel, en appellatif, coordonné avec Messieurs). || Bonjour, Messieurs (pop. Monsieur, M'sieu) Dames ! || Ces messieurs dames désirent ? — Les formules standard correspondantes sont : || Messieurs, Mesdames; Madame, Monsieur (→ Madame); ces messieurs et ces dames.
7 (Dans quelques expressions; en parlant de femmes « de petite vertu »). || Dame galante, de petite vertu. Allus. littér. || La Vie des Dames galantes, de Brantôme. || Les Dames du bois de Boulogne (film de R. Bresson). — (Dans le langage des maisons closes). || Ces dames au salon !
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II Fig.
1 (XVIe). Une des pièces maîtresses dans certains jeux. — (Échecs). Deuxième pièce en importance (après le roi) qui se déplace d'un nombre indéterminé de cases selon les directions perpendiculaires et diagonales de l'échiquier. ⇒ Reine. || Faire échec à la dame. || Aller à dame : transformer un pion en dame en le poussant jusqu'à la dernière ligne de cases de l'échiquier.
20 (…) souvent, avec des pions qu'on ménage bien, on va à dame, et l'on gagne la partie (…)
La Bruyère, les Caractères, VIII, 64.
21 C'était un peu comme une partie d'échecs : il poussait un pion, déplaçait un cavalier, une dame, un événement.
P. Mac Orlan, la Bandera, V, p. 64.
2 Jeu de dames, qui se joue à deux, avec quarante pions sur un damier de cent cases. || Avoir une dame, faire une dame, aller à dame : avoir transformé un pion qui, ayant traversé victorieusement le damier, a été doublé pour le distinguer des autres et qui peut avancer, reculer, prendre en diagonale à toute distance. ⇒ Damer, damier (dér.). || Jouer aux dames, faire une partie de dames. || Déplacer une dame. → Pion, cit. 4. || Prendre, souffler une dame. || Dame damée.
3 Cartes. Chacune des quatre cartes où est figurée une reine. || Judith, dame de cœur; Rachel, dame de carreau; Argine, dame de trèfle; Pallas, dame de pique. || Abattre une dame. || Le roi l'emporte sur la dame, qui l'emporte sur le valet. || Un carré de dames. — Spécialt (belote). || Avoir la dame et le roi d'atout. ⇒ Belote, rebelote. — ☑ Loc. Courtiser, peloter la dame de pique : aimer les cartes. — Fig. ⇒ Pique.
22 Je prends avec la dame… L'as, le roi, le valet, le dix, et c'est trois pour moi. À vous de faire, monsieur Brun.
Pagnol, Marius, III, 6.
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III Dame blanche : libellule.
23 À l'ouest dormaient debout les quenouilles des roseaux, serrées comme les lances d'une armée, d'où montait à intervalles réguliers la note flûtée d'une rainette. Une dame blanche le frôla de son aile, se posa sur un cyprès, et tourna vers lui sa face hallucinée.
M. Tournier, Vendredi…, p. 165.
♦ Dame des marais, dame au long bec. ⇒ Bécasse. — Dame d'onze heures. ⇒ Dame-d'onze-heures.
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IV Interj. ⇒ 4. Dame.
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CONTR. Cavalier, chevalier, serviteur, sujet, vassal; roturier; célibataire, demoiselle, fille (jeune, vieille); convers (sœur converse); homme, monsieur, sieur.
DÉR. 1. Damer, dameret, damette, damier.
COMP. Belle-dame, bonne-dame, dame-blanche, dame-d'onze-heures. — Madame, Notre-Dame.
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2. dame [dam] n. f.
ÉTYM. 1734; emplois métaphoriques de 1. dame.
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1 (1743). Techn. Hie de paveur (l'ouvrier la prend par les deux anses pour la soulever, comme un danseur soulève sa danseuse). ⇒ aussi Demoiselle; 2. damer. || Dame à manche incliné. ⇒ Batte.
0 (…) il a écouté son cœur qui battait dans son oreille, comme si on damait la cave à la dame de fonte, au fond de la maison.
J. Giono, le Grand Troupeau, I, in Œ. roman., Pl., t. I, p. 553.
♦ Pop. || Aller à dame : tomber.
2 (1878). Mar. Creux, encoche pratiquée sur le bord d'une embarcation pour y encastrer l'aviron; appareil (ferrure sur pivot) servant à retenir ce dernier. ⇒ Tolet. || Dame de nage. || Remplacer la dame par des tolets.
3 Fam. Bouteille ou contenu (alcool) d'une bouteille. || Dame blanche : bouteille de vin blanc. — Dame-Jeanne (voir ce mot). — Dame verte : absinthe.
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DÉR. (Du sens 1) 2. Damer.
COMP. (Du sens 3) Dame-jeanne.
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3. dame [dam] n. f.
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1 Digue qu'on laisse en travers d'un canal en creusement pour empêcher l'eau qui est dans la partie déjà utilisable de se déverser en aval.
2 (1694). Petite éminence de terre laissée comme témoin dans un endroit où l'on a creusé.
3 (1752). Partie de terre restée debout entre des fourneaux de mine explosés.
4 (1757). Métall. Petit mur incliné qui ferme la partie inférieure de l'orifice d'un creuset de haut fourneau, en laissant un passage par lequel s'écoulent les laitiers.
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COMP. Dame-ronde.
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4. dame [dam] interj.
ÉTYM. 1665; de l'anc. franç. tredame, juron issu de par nostre dame ou de damedieu « Seigneur Dieu ».
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♦ Fam. et vieilli (ou régional). Exclamation qui suppose entre ce qui la précède et ce qui la suit une relation logique (conséquence, cause, explication…) et la renforce. ⇒ Foi (ma foi), pardi. || Ils sont partis ? — Dame oui ! : c'est naturel, c'était à prévoir. || Dame non ! : ce serait anormal. || Mais dame ! : mais naturellement. — Régional (1825, in D. D. L.). || Bé dame (pour Eh bien, dame !).
1 Ce doit être à midi; oui, monsieur, en plein midi… Mais dame ! avec la brume de mer ce plein midi-là ne valait guère mieux qu'une nuit noire comme la gueule d'un loup…
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « l'Agonie de la Sémillante ».
2 Et pouvait-il en être autrement avec une femme qui foulait aux pieds les plus saintes choses (…) qui dans l'affaire Dreyfus avait pris ouvertement parti contre l'armée et fait cause commune avec les pires anarchistes (dame oui !). (On n'aurait pas pu penser, n'est-ce pas, qu'un Réveillon serait avec les anarchistes ? Voilà ce qui prouve qu'on doit faire bien attention en mariant les jeunes gens […].)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 524.
REM. 1. Le mot n'est plus compris et serait rattaché aujourd'hui à 1. dame.
2. On trouve aussi la graphie dam ! :
3 Voilà; mon cher Valade, je compte mener cette existence une semaine ou deux encore : je fais des vers, et je me trouve un peu soûl tous les soirs; que voulez-vous de plus ?
Soûl ? direz-vous, pourquoi ? Dam ! avec Vana, il est difficile, tant cette fille aime la noce, de se coucher avec toute sa raison.
Germain Nouveau, Lettre à Léon Valade, été 1873, Pl., p. 816.
➪ tableau Principales interjections.
Encyclopédie Universelle. 2012.