désir [ dezir ] n. m.
• fin XIIe; de désirer
1 ♦ Tendance vers un objet connu ou imaginé; prise de conscience de cette tendance. ⇒ appétence, appétit, aspiration, attirance, attrait, besoin, convoitise, envie, faim, goût, inclination, intention, passion, penchant, soif, souhait, tendance, tentation, visée, vœu. « Ses désirs étaient toujours si impérieux qu'il ne doutait jamais de leur exécution » (Martin du Gard). Agir selon ses désirs. — Désir fugitif, momentané. ⇒ caprice, curiosité, fantaisie. Désir ardent, exaspéré, fou, passionné. Exprimer, formuler un désir. ⇒ souhait, vœu. Vos désirs sont pour nous des ordres. On cherche à satisfaire tous ses désirs, ses moindres désirs. « La possession d'une chose en donne des idées plus justes que le désir » (Rivarol). — Prendre ses désirs pour des réalités.
♢ Absolt La force qui pousse à désirer. « Même l'intelligence ne fonctionne pleinement que sous l'impulsion du désir » (Claudel ).
♢ DÉSIR DE (qqch.). Un désir de changement. — Suivi de l'inf. Le désir de réussir, de commander : l'ambition. Désir de savoir : curiosité. Il brûle du désir de vous plaire. Des têtes « qu'animait un vif désir de déplaire » (Gautier). Le désir de bien faire. ⇒ volonté, 2. vouloir. « Ce désir de vivre qui renaît en nous chaque fois que nous prenons de nouveau conscience de la beauté et du bonheur » (Proust). Le désir d'être père, mère.
2 ♦ Spécialt Tendance consciente et suscitée par qqn aux plaisirs sexuels; ses manifestations physiques. L'imagination « prend soin d'irriter les désirs, en prêtant à leurs objets encore plus d'attraits que ne leur en donna la nature » (Rousseau). ⇒ concupiscence, libido. — Le désir. Éprouver du désir pour qqn. ⇒ désirer. Un cri de désir. Éveiller, provoquer le désir. ⇒ ardeur, 1. feu, flamme, passion. « Le cœur est l'organe du désir [...] tel qu'il est retenu, enchanté, dans le champ de l'Imaginaire » (Barthes). Il n'y a plus de désir entre eux. « Le miracle de l'amour humain, c'est que, sur un instinct très simple, le désir, il construit les édifices de sentiments les plus complexes et les plus délicats » (Maurois).
3 ♦ Littér. L'objet du désir. « Tous vos désirs, Esther, vous seront accordés » (Racine).
⊗ CONTR. Dédain, indifférence, mépris, peur, répulsion.
● désir nom masculin Action de désirer, d'aspirer à avoir, à obtenir, à faire quelque chose ; envie, souhait : Avoir le désir de voyager. Objet du désir ; vœu : Prendre ses désirs pour des réalités. Élan physique conscient qui pousse quelqu'un à l'acte ou au plaisir sexuel : Brûler de désir. Terme central de la doctrine de J. Lacan, se situant par rapport à l'Autre entre le besoin et la demande. ● désir (citations) nom masculin Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 Si Dieu avait voulu que l'amour soit éternel […] il se serait arrangé pour que les conditions du désir le demeurent. Ardèle ou la Marguerite, le général La Table Ronde Théodore Agrippa d'Aubigné près de Pons, Saintonge, 1552-Genève 1630 Désirs, parfaits amours, hauts désirs sans absence, Car les fruits et les fleurs n'y font qu'une naissance. Les Tragiques Gaston Bachelard Bar-sur-Aube 1884-Paris 1962 L'homme est une création du désir, non pas une création du besoin. La Psychanalyse du feu Gallimard Simone de Beauvoir Paris 1908-Paris 1986 C'est le désir qui crée le désirable, et le projet qui pose la fin. Pour une morale de l'ambiguïté Gallimard Henri Bosco Avignon 1888-Nice 1976 Il est d'un esprit économique de l'âme de réserver une part de désir jusqu'à la fin. L'Âne Culotte Gallimard Guillaume Amfrye, abbé de Chaulieu Fontenay, Vexin normand, 1639-Paris 1720 Heureux libertin qui ne fait Jamais sien que ce qu'il désire, Et désire tout ce qu'il fait ! Épître au chevalier de Bouillon Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 […] Et le désir s'accroît quand l'effet se recule. Polyeucte, I, 1, Polyeucte Salvador Dalí Figueras 1904-Figueras 1989 La culture de l'esprit s'identifiera à la culture du désir. Le Surréalisme au service de la révolution, n° 3 Robert Desnos Paris 1900-Terezín, Tchécoslovaquie, 1945 Les lois de nos désirs sont des dés sans loisir. Corps et biens Gallimard Georges Duhamel Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966 Académie française, 1935 Le désir d'ordre est le seul ordre du monde. Cécile parmi nous Mercure de France Bernard Le Bovier de Fontenelle Rouen 1657-Paris 1757 Il y a tel homme dont tous les désirs se termineraient à avoir deux bras. Du bonheur André Gide Paris 1869-Paris 1951 Je te le dis en vérité, Nathanaël, chaque désir m'a plus enrichi que la possession toujours fausse de l'objet même de mon désir. Les Nourritures terrestres Gallimard José Maria de Heredia La Fortuna, près de Santiago de Cuba, 1842-château de Bourdonné, près de Houdan, 1905 Académie française, 1894 Et ses yeux n'ont pas vu, présage de son sort, Auprès d'elle, effeuillant sur l'eau sombre des roses, Les deux Enfants divins, le Désir et la Mort. Les Trophées, le Cydnus Lemerre Marcel Jouhandeau Guéret 1888-Rueil-Malmaison 1979 Un jour vient où vous manque une seule chose et ce n'est pas l'objet de votre désir, c'est le désir. Réflexions sur la vieillesse et la mort Grasset Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Un seul désir suffit pour peupler tout un monde. La Mort de Socrate Stéphane Mallarmé Paris 1842-Valvins, Seine-et-Marne, 1898 Gloire du long désir, idées […]. Poésies, Prose François Mauriac Bordeaux 1885-Paris 1970 Académie française, 1933 Le désir transforme l'être qui nous approche en un monstre qui ne lui ressemble pas. Thérèse Desqueyroux Grasset Antoine François Prévost d'Exiles, dit l'abbé Prévost Hesdin 1697-Courteuil, près de Chantilly, 1763 Il faut compter ses richesses par les moyens qu'on a de satisfaire ses désirs. Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 Le désir fleurit, la possession flétrit toutes choses. Les Plaisirs et les Jours Gallimard Jacques Rigaut Paris 1899-Paris 1929 On n'a qu'une chose à soi, c'est son désir. Écrits, Pensées Gallimard Marcel Schwob Chaville 1867-Paris 1905 Pour tout désir nouveau, fais des dieux nouveaux. Le Livre de Monelle Mercure de France Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Ce qui est le meilleur dans le nouveau est ce qui répond à un désir ancien. Littérature Gallimard Horace, en latin Quintus Horatius Flaccus Venusia, Apulie, 65-Rome ? 8 avant J.-C. L'avare est toujours pauvre : bornez sagement vos désirs. Semper avarus eget : certum voto pete finem. Épîtres, I, II, 55 Baruch Spinoza Amsterdam 1632-La Haye 1677 Le désir qui naît de la joie est plus fort, toutes choses égales d'ailleurs, que le désir qui naît de la tristesse. Cupiditas, quae ex Laetitia oritur, caeteris paribus, fortior est Cupiditate, quae ex Tristitia oritur. L'Éthique, Livre IV Épictète Hiérapolis, Phrygie, vers 50-Nicopolis, Épire, vers 130 après J.-C. Ne désire rien de plus que ce que Dieu désire. Entretiens, II, 17, 22 (traduction Souilhé) Ambrose Gwinnet Bierce Meigs County, Ohio, 1842-Mexico 1914 Raisonner. Peser des probabilités sur la balance du désir. To reason. To weigh probabilities in the scales of desire. The Devil's Dictionary William Blake Londres 1757-Londres 1827 Celui qui désire mais n'agit point engendre la pestilence. He who desires but acts not breeds pestilence. The Marriage of Heaven and Hell Frédéric Mistral Maillane, Bouches-du-Rhône, 1830-Maillane, Bouches-du-Rhône, 1914 Ah ! qu'il fait bon naviguer sans répit vers son désir, encore que ce ne soit qu'un songe ! Ah ! que fai bon pouja sènso relàmbi Vers soun desi, emai siegue qu'un sounge ! Le Poème du Rhône Friedrich Nietzsche Röcken, près de Lützen, 1844-Weimar 1900 J'aime celui qui aime sa vertu ; car la vertu est volonté de périr et flèche de l'infini désir. Ich liebe den, welcher seine Tugend liebt : denn Tugend ist Wille zum Untergang und ein Pfeil der Sehnsucht. Ainsi parlait Zarathoustra Jonathan Swift Dublin 1667-Dublin 1745 Cette méthode stoïque de subvenir à ses besoins en supprimant ses désirs équivaut à se couper les pieds pour n'avoir plus besoin de chaussures. The stoical scheme of supplying our wants by lopping off our desires, is like cutting off our feet when we want shoes. Thoughts on Various Subjects ● désir (synonymes) nom masculin Action de désirer, d'aspirer à avoir, à obtenir, à faire...
Synonymes :
- appétit
- besoin
- envie
- goût
- soif
- souhait
Contraires :
- appréhension
- peur
Objet du désir ; vœu
Synonymes :
- espoir
- objectif
- souhait
Élan physique conscient qui pousse quelqu'un à l'acte ou au...
Synonymes :
- passion
- sensualité
désir
n. m.
d1./d "Tendance qui a pris conscience d'elle-même" (Spinoza); tendance particulière à vouloir obtenir qqch pour satisfaire un besoin, une envie. Formuler un désir. Modérer ses désirs.
|| Désir de (+ inf.). Le désir de plaire.
|| Désir de (+ subst.). Le désir d'enfant.
d2./d Attirance sexuelle. Brûler de désir.
⇒DÉSIR, subst. masc.
Action de désirer; aspiration profonde de l'homme vers un objet qui réponde à une attente.
I.— Absolument
A.— [Le subst. est au sing., avec l'art. le] Mouvement instinctif qui traduit chez l'homme la prise de conscience d'un manque, d'une frustration. Le désir aveugle; l'appel, l'exaltation du désir. Le désir n'est point la volonté; mais seulement une passion de la volonté (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 431) :
• 1. La pauvreté garde à ceux qu'elle aime le seul bien véritable qu'il y ait au monde, le don qui fait la beauté des êtres et des choses... le Désir.
A. FRANCE, La Vie en fleur, 1922, p. 341.
— En partic., PSYCHOL. ,,Tendance spontanée et consciente vers une fin avec représentation de cette fin`` (MARCH. 1970) :
• 2. Le désir n'est pas virtualité pure. Nous le percevons encore comme sentiment qu'il a déjà mis sa griffe sur tout l'organisme, mobilisé de tous côtés les premiers gestes de sa réalisation, qui tiennent le corps et le psychisme en état d'alerte.
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 424.
B.— 1. [Le subst. est au sing. avec l'art. un, ou au plur.] Aspiration instinctive de l'être à combler le sentiment d'un manque, d'une incomplétude. Un désir confus, fugitif, profond. Je suis sans désirs, (...) et supérieure comme quelqu'un qui a mangé plus que son saoûl (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 109). Un désir haineux qu'il comptait bien assouvir un jour (AYMÉ, Travelingue, 1941, p. 187).
SYNT. Un désir constant, continuel, incessant, intense, irraisonné, sournois, vague; accéder, acquiescer à un désir; contenter, contrecarrer, exaucer, exprimer, formuler, réprimer, satisfaire un désir; au gré de ses désirs, selon ses désirs.
2. [La pers. qui désire est exprimée] Le désir de qqn; mon, ton... désir. Après avoir résisté opiniâtrement au désir de sa mère, il s'était décidé tout d'un coup (SAND, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 169). Faire la Table des désirs idiots de l'homme (VALÉRY, Suite, 1934, p. 66).
— Fam., vieilli. À ton (votre) désir. Comme tu (vous) le désires(ez). « Moi, j'f'rai à ton désir. Je n'veux pas t'faire tort » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Retour, 1884, p. 169).
Rem. Désir se substitue parfois par discrétion aux mots ordre, volonté, dans des cont. où ces termes auraient un caractère trop accusé (cf. vos désirs sont des ordres).
— Rare. [Le désir concerne plus partic. un attribut de la pers.] La tonique en cette occasion satisfait tous les désirs de l'oreille (MATHIS-LUSSY, Rythme mus., 1911, p. 50).
— En partic. Subst. + de désir.
♦ Homme, femme de désir(s). Qui désire. Homme de désir, ne laisse donc plus ébranler ta confiance par les injustices de tes semblables (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p. 41). Moi, fils par l'esprit des hommes de désirs, je n'engendrerai qu'un froid critique ou un bibliothécaire (BARRÈS, Homme libre, 1889, p. 192). Avec elle [Jeanine], vous n'aurez que la femme de désir et de mort, dont la robe, derrière elle, sème le deuil (ZOLA, Ouragan, 1901, III, 4, p. 483).
♦ Baptême de désir. Qui est désiré.
II.— [Accompagné d'un compl. désignant l'obj. désiré] Tendance consciente de l'être vers un objet ou un acte déterminé qui comble une aspiration profonde (bonne ou mauvaise) de l'âme, du cœur ou de l'esprit.
A.— [L'obj. désiré est une chose]
1. [L'objet est une chose concr.] Convoitise d'un bien matériel qui satisfasse l'instinct de possession, un appétit. Le désir du gain, de l'or, des richesses.
2. [L'objet est une chose abstr.] Désir d'éternité, désir des honneurs. Un désir de perfection absolue qui se traduit par (...) l'amour de l'ordre (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 143) :
• 3. ... il [Nerval] obéit, par juvénile désir de gloire, à l'envie de se faire une originalité, qui n'ait plus besoin des modèles classiques...
DURRY, Gérard de Nerval et le mythe, 1956, p. 30.
a) [Le compl. est un nom d'action] Portraits, paysages, (...) natures-mortes, nudités ont tout à tour sollicité son ardent désir de création [de Manet] (MAUCLAIR, Maîtres impressionn., 1904, p. 57) :
• 4. ... Joseph reçut la visite d'un journaliste (...). Comme son désir d'évasion était vif, Joseph Pasquier allait se dérober, mais il pensa qu'il ne fallait jamais refuser de la publicité gratuite.
DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 179.
b) [Le compl. est un inf.] Le désir de plaire; avoir, caresser, exciter, inspirer le désir de faire qqc. Un désir ardent de manger lui mouillait la bouche de salive (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 107). Le désir éperdu de durer et de posséder (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 323).
— [Le compl. est un vœu à caractère solennel] Votre mère a, paraît-il, exprimé souvent à ses compagnons le désir d'être enterrée religieusement (CAMUS, Étranger, 1942, p. 1127).
c) [Le compl. est une prop. complétive] J'ai ce désir qu'à l'heure ardente de ce mois Le bois frais et touffu se serre autour de moi (NOAILLES, Cœur innombr., 1901, p. 81).
— En partic.
♦ Fam. Avoir désir de + inf./que + subj. On amène el'viau autant dire à la cuillère?... et juste au moument qu'on a désir qu'i soy'e vêlé? (MARTIN DU G., Gonfle, 1928, III, 1, p. 1216). Les copains (...) avaient désir de retrouver leur libre solitude (DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 199).
♦ Rare. [L'expression de la pers. qui éprouve le désir est en concurrence avec celle de l'obj. du désir] Le désir des parents de voir leurs enfants. Je le ferai prévenir [le comte de Restaud] du désir que vous avez de le voir (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 424). Juste milieu, je t'ai toujours mal reniflé, Malgré tout mon désir de vivre mieux réglé (VERLAINE, Œuvres compl., t. 3, Invect., 1896, p. 411).
B.— [L'obj. du désir est une pers.] Instinct physique qui pousse l'homme au plaisir sexuel, aux satisfactions des ardeurs de l'amour; convoitise qui pousse à la possession charnelle. Désir amoureux, charnel, coupable, inassouvi :
• 5. Crains plutôt ce désir d'amour où je me pâme malgré mon âme. Sais-tu si nos baisers satisferaient cette agitation? Veuille ne pas jouer ainsi de mon repos; prends garde que ton haleine n'éveille mon cœur que nous ignorons.
BARRÈS, Sous l'œil des Barbares, 1888, p. 97.
— Emploi abs. Brûler de désir; être ravagé par le désir; assouvir son, ses désirs; le feu, la frénésie, le tourment du désir; péché de désir. À ce souvenir seul, loin de toi, sur ma couche, Je me tords dans l'angoisse infame du désir (VERLAINE, Prem. vers, 1858-66, p. 19). Le désir transforme l'être qui nous approche en un monstre qui ne lui ressemble pas (MAURIAC, Th. Desqueyroux, 1927, p. 196) :
• 6. Sans doute, il [Flaubert] avait ses coups de désir; c'était un gaillard solide dans sa jeunesse et qui tirait des bordées de matelot.
ZOLA, Les Romanciers naturalistes, 1881, p. 151.
♦ Rare. [En parlant d'un animal] Cerf qui de désir brame (MORÉAS, Cantilènes, 1884, p. 103).
C.— P. méton. Objet du désir. C'est (tel est) mon seul désir. Je touchais du doigt un de mes désirs les plus ardemment caressés (GAUTIER, Tra los Montes, 1843, p. 145). C'était le temps où être du monde faisait mon seul orgueil et où rester du monde était mon seul désir (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 143).
PARAD. (Quasi-)synon. contextuels. Aspiration, attrait, besoin, caprice, convoitise, concupiscence, envie, espérance, espoir, inclination, penchant, volonté.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. La forme anc. desir, avec [], en dernier lieu ds DG. Homon. le rad. nu de désirer. Étymol. et Hist. Ca 1170 « aspiration à, souhait » (B. DE STE-MAURE, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 10249). Déverbal de désirer. Fréq. abs. littér. :14 829. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 18 483, b) 14 281; XXe s. : a) 25 275, b) 24 441. Bbg. COHEN 1946, p. 50.
désir [deziʀ] n. m.
ÉTYM. Fin XIIe; déverbal de désirer.
❖
1 Prise de conscience d'une tendance particulière qui porte à vouloir obtenir un objet connu ou imaginé. ⇒ Ambition, appétence, appétit (cit. 2), aspiration (cit. 5), attente, attirance, attrait, besoin, but, convoitise (cit. 6), démangeaison, dessein, envie, espérance, espoir, exigence, faim, force, goût, impatience (→ Attente, cit. 20), inclination, intention, intérêt, passion, penchant, prétention, rêve, soif, souhait, tendance, tentation, velléité, visée, vœu; volonté. || Désir réfléchi, raisonnable, conscient, intelligent. ⇒ Volonté. || Avoir le ferme désir. ⇒ Vouloir.
1 Vouloir désigne un mouvement libre de la personnalité, auquel on se détermine d'une manière réfléchie; désirer indique un entraînement fatal et passionné qu'on subit. On dit de la volonté qu'elle est plus ou moins éclairée; du désir qu'il est plus ou moins violent.
Lafaye, Dict. des synonymes, Vouloir,… désirer.
♦ Désir fugitif, inconstant, momentané. ⇒ Caprice, curiosité, fantaisie. || Désir apaisé (cit. 30), ardent (→ Auprès, cit. 12), aveugle, avide, avivé, bas, brûlant, criminel, cuisant (→ Cuisson, cit. 2), cupide, déréglé, dominant, exaspéré, exclusif, extrême, ferme, fiévreux, fou, immodéré, impatient, impérieux, inassouvi, insatiable, insatisfait, instinctif, intense, irraisonné, naturel, passionné, physique, pressant, refoulé, satisfait, trouble, véhément, vif, violent. || Des yeux brillants de désir (→ Azuré, cit. 3). || L'ardeur, la force, l'impétuosité, l'intensité, la violence d'un désir. || Éprouver un désir irrésistible. ⇒ Séduction. || Être dévoré, éperdu, miné de désirs. || Ivre, bouillant de désirs. || Être affamé, rempli, assailli (cit. 7) de désirs. || Un cri de désir (→ Accorder, cit. 33). || Crier (cit. 2) de désir. || Brûler du désir de partir (cf. Griller d'impatience). || Exprimer, former, formuler, manifester, montrer un désir. ⇒ Appel, demande, souhait, vœu; plaire (plaise à Dieu). ☑ Prendre ses désirs pour la réalité : s'imaginer que la réalité est conforme à ce qu'on souhaite. ☑ Il y a loin du désir à la réalité (→ Il y a loin de la coupe aux lèvres). || Allumer (cit. 9), attiser (cit. 4), aviver, cingler, exciter, faire naître (→ Choc, cit. 16), fouetter, inspirer un désir. ⇒ Affriander, affrioler, allécher, attirer, tenter; → Faire venir l'eau à la bouche; mettre en goût. || Contenter, apaiser (cit. 7), réaliser, remplir, satisfaire, assouvir (→ Assouvissement, cit. 4) les désirs de qqn. || Borner, contenir (cit. 10), éteindre, limiter, modérer, refréner ses désirs. || Résister à ses désirs. || Acquiescer (cit. 1), céder, correspondre, répondre aux désirs de qqn. || Prévenir, exaucer, combler les désirs de qqn. || Le désir naît, se déclenche, croît (cit. 10), grandit, monte, s'exaspère, s'éteint, s'attiédit (cit. 11). || Le désir de l'argent, du gain, des richesses. ⇒ Cupidité (cit. 1). || Le désir du confort. || Le désir de la gloire, des honneurs, de l'immortalité. ⇒ Ambition; vanité. || Un désir de paix, de retraite, de silence (→ Cloître, cit. 3). || N'avoir aucun désir (⇒ Désintérêt, détachement). || Être sans désir. ⇒ Indifférent (→ Apaisement, cit. 2 et 5).
2 Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle,
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule (…)
Corneille, Polyeucte, I, 1.
3 Il est certain que la possession d'une chose en donne des idées plus justes que le désir (…) L'homme a plus d'ardeur pour acquérir que pour conserver.
Rivarol, Fragments et Pensées philosophiques, Des animaux.
4 Ayez soin qu'il manque toujours dans votre maison quelque chose dont la privation ne vous soit pas trop pénible, et dont le désir vous soit agréable. Il faut se maintenir en tel état qu'on ne puisse être jamais ni rassasié ni insatiable.
Joseph Joubert, Pensées, VIII, XXVII.
5 N'avons-nous pas tous, plus ou moins, pris nos désirs pour des réalités ?
Balzac, la Peau de chagrin, t. IX, p. 85.
6 Le pauvre sans désirs possède le plus grand des trésors; il se possède lui-même. Le riche qui convoite n'est qu'un esclave misérable.
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, p. 285.
7 (…) Chaque désir m'a plus enrichi que la possession toujours fausse de l'objet même de mon désir.
Gide, les Nourritures terrestres, I, I, p. 21.
8 Même l'intelligence ne fonctionne pleinement que sous l'impulsion du désir.
Claudel, Positions et Propositions, p. 97.
9 Ses désirs étaient toujours si impérieux qu'il ne doutait jamais de leur exécution; et, en fait, il avait jusqu'à présent mené à bout tout ce qu'il avait ainsi voulu avec opiniâtreté.
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 206.
9.1 Qu'est le désir ? Les psychologues et psychanalystes et autres qui posent cette question (qui posent ainsi la question) manquent de connaissances philosophiques. Le désir n'est pas. Les philosophes le savent depuis longtemps. Il « veut ». Que veut-il ? Dans la mesure où ce terme qui désigne de « l'être » a un sens, le désir se veut. Et veut sa fin : sa disparition dans un éclair de jouissance.
Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 222.
♦ Désir de…, suivi de l'inf. || Le désir de vivre, de mourir. || Désir de briller, de plaire. ⇒ Coquetterie (cit. 8). || Le désir de réussir, de commander… ⇒ Ambition. || Désir de paraître (cit. 29). || Désir de posséder. ⇒ Convoitise (→ Convoiter, cit. 6), cupidité (cit. 1), envie. || Désir de savoir. ⇒ Curiosité (cit. 2). || Désir de croire (→ Croyance, cit. 4). || Désir de jouir (⇒ Sensualité). || Le désir de voyager. || Le désir de bien faire. ⇒ Volonté (bonne volonté).
10 Quand l'infinitif précédé de de est complément d'objet d'un nom, le sens peut être général, ainsi : le désir de paraître pousse à toutes sortes de sottises. Au contraire, si le désir est attribué à une personne en particulier, l'idée exprimée par l'infinitif se rapporte également à cette personne : son désir de paraître lui a fait faire des dépenses excessives. De sorte que pour attribuer l'action exprimée par l'infinitif à un sujet différent de la personne qui exprime le désir, on a recours à une périphrase faite avec le verbe voir : le désir de voir réussir son fils. Cf. la crainte de la voir se compromettre. On arrive ainsi à l'équivalent de véritables propositions compléments d'objet qu'on peut d'ailleurs employer : le désir que son fils réussît, la crainte qu'elle se compromît.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, VIII, II, p. 230.
11 Voici l'homme qui meurt du désir de vous voir.
Molière, les Femmes savantes, III, 3.
12 Voilà qu'au bout de mes dépêches je suis saisi du désir de me vanter (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 136.
13 Je ressentis devant elle ce désir de vivre qui renaît en nous chaque fois que nous prenons de nouveau conscience de la beauté et du bonheur.
Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs.
♦ Psychan. « Dans la conception dynamique freudienne, un des pôles du conflit défensif : le désir inconscient tend à s'accomplir en rétablissant, selon les lois du processus primaire, les signes liés aux premières expériences de satisfaction » (Laplanche et Pontalis).
2 Tendance consciente aux plaisirs charnels. — (Qualifié). || Le désir charnel. || Un, des désirs, les désirs charnels (→ Chair, cit. 45 et 58), sensuels, sexuels, voluptueux (→ Convoitise, cit. 6). || Le désir physique (→ Aiguillonner, cit. 3). || Excitant des désirs vénériens. ⇒ Aphrodisiaque. || Exagération des désirs sexuels. ⇒ Aphrodisie, nymphomanie, satyriasis; érotomanie. — (Non qualifié). || Le désir; un, des désirs. ⇒ Amour (infra cit. 15), appétit (3.), concupiscence, instinct (sexuel), libido; aiguillon (de la chair). || Languir de désir. || Le désir de qqn, qu'il ou elle éprouve. || La fièvre, l'ardeur (cit. 33), la fougue, la rage, la violence de son désir. || Le coup de fouet du désir. || Jouer la comédie (cit. 14) du désir. || La bassesse (cit. 18) du désir. || Désir insatisfait; assouvi. || Absence de désir. ⇒ Anaphrodisie, et aussi frigidité (3., par ext.). — Les désirs amoureux. ⇒ Ardeur (→ infra cit. 10), feu, flamme, passion. || Poursuivre une femme de ses désirs.
14 Que vous connaissez mal les violents désirs
D'un amour qui vers vous porte tous mes soupirs !
Racine, Alexandre, III, 6.
15 Le pouvoir immédiat des sens est faible et borné : c'est par l'entremise de l'imagination qu'ils font leurs plus grands ravages; c'est elle qui prend soin d'irriter les désirs, en prêtant à leurs objets encore plus d'attraits que ne leur en donna la nature (…)
Rousseau, Lettre à d'Alembert.
16 Elle chantait : la nuit s'emplissait d'harmonies;
Les grands lions errants rugissaient de plaisir;
Les hommes accouraient sous le fouet du désir,
Tels que des meurtriers devant les Érinnyes (…)
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Ekhidna ».
16.1 L'aimait-il ? Certes, il la désirait à peine, n'ayant pas réfléchi à la possibilité d'une possession. Jusqu'ici, dès qu'une femme lui avait plu, le désir l'avait aussitôt envahi, lui faisant tendre les mains vers elle, comme pour cueillir un fruit, sans que sa pensée intime eût été jamais profondément troublée par son absence ou par sa présence.
Maupassant, Fort comme la mort, p. 31.
17 (…) l'ondée fiévreuse du désir courait dans mes veines, et il me fallait détourner mes yeux qui lui auraient fait peur.
Paul Bourget, le Disciple, IV, IV, p. 221.
18 (…) chacune recèle quelque chose qui n'est pas dans une autre et qui empêchera que nous puissions contenter avec ses pareilles le désir qu'elle a fait naître en nous (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. IV, p. 138.
19 Qu'est-ce que le désir, la volupté, les histoires de possession physique, à côté de ça, à côté de ces tendres et vertigineux abîmes ? (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, p. 222.
20 Le miracle de l'amour humain, c'est que, sur un instinct très simple, le désir, il construit les édifices de sentiments les plus complexes et les plus délicats.
A. Maurois, Un art de vivre, I, p. 49.
21 Gilieth se leva. Le désir de cette femme commençait à l'obséder.
P. Mac Orlan, la Bandera, XI, p. 129.
3 Désir conforme à la volonté de Dieu. — Les désirs de l'âme. || Un saint désir. || Le désir du Ciel. ⇒ Espérance.
22 Les saints désirs de la mort le pressent tellement, qu'il en a précipité tous les sacrements.
Mme de Sévigné, Lettres, 1089, 17 nov. 1688.
23 Il est recommandé aux chrétiens de désirer le Ciel, et ce désir, comme tout autre, doit intéresser non pas la raison seulement, mais l'être tout entier qui est de l'âme avec un corps.
Claudel, Positions et Propositions, p. 172.
4 Objet du désir. || Quel est votre désir ? || L'épouser est son seul désir. || Mon désir est de partir sur l'heure.
24 Léon seul est ma joie, il est mon seul désir.
Corneille, Pulchérie, III, 2.
25 Tous vos désirs, Esther, vous seront accordés (…)
Racine, Esther, III, 4.
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CONTR. Apathie, appréhension, aversion (cit. 5), crainte, dédain, dégoût (cit. 9), effroi, frayeur, inappétence, indifférence, inquiétude, mépris, peur, regret, répugnance, répulsion, satiété.
Encyclopédie Universelle. 2012.