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fuir

fuir [ fɥir ] v. <conjug. : 17>
Xe; lat. pop. fugire, class. fugere -fuge
I V. intr.
1S'éloigner en toute hâte pour échapper à qqn ou à qqch. de menaçant. s'enfuir, 1. partir (cf. Prendre la fuite, s'en aller). Fuir après une défaite. Fuir loin de sa patrie. se réfugier. Fuir devant qqn, devant un danger. « La chatte ne fuyait pas à mon approche » (Colette). Fuir précipitamment, à toutes jambes, sans demander son reste. décamper, détaler; fam. calter, cavaler, se débiner, se tirer. Faire fuir qqn. chasser, effrayer. Fig. Laid à faire fuir. Fuir de chez qqn sans prévenir. s'esquiver, filer (cf. aussi Brûler la politesse, filer à l'anglaise).
Fig. Chercher à échapper à quelque difficulté d'ordre moral. se dérober, éluder. Fuir devant ses responsabilités. se défiler, se récuser.
2 (Choses) S'éloigner par un mouvement rapide. « L'eau bleue où fuit la nef penchante » (Hugo). (Par l'effet d'une illusion) « Les arbres qui bordaient la route fuyaient à mes côtés » (France). « La nuque qui fuyait dans l'échancrure du corsage » (Martin du Gard).
3Littér. S'écouler rapidement. couler, se dissiper, s'écouler, passer. « Le temps m'échappe et fuit » (Lamartine). L'été, les beaux jours ont fui. s'évanouir.
4Arts Paraître s'enfoncer dans le lointain par l'effet de la perspective. fuyant. Dégradé qui fait fuir les derniers plans.
5S'échapper, s'écouler par quelque issue étroite ou cachée. Eau qui fuit d'un réservoir.
6Par ext. Présenter une issue, une fente par où s'échappe, s'écoule ce qui est contenu. Stylo qui fuit. Bouteille de gaz qui fuit. perdre. Le robinet fuit. goutter.
II V. tr.
1 Chercher à éviter (en s'éloignant, en se tenant à l'écart). Fuir qqn que l'on craint, que l'on déteste. On les fuit comme la peste. Fuir la présence de qqn. se cacher. Fuir le monde, son pays. abandonner, quitter. Fuir un danger. esquiver, éviter, se garder, se soustraire. « Le capitaine a choisi de fuir le vent, plutôt que de se résigner à attendre à Agalega » (Le Clézio). Un exemple à fuir. Fuir les responsabilités.
V. pron. (récipr.) Chercher à s'éviter. Voilà deux mois qu'ils sont brouillés et qu'ils se fuient. (Réfl.) Chercher à échapper à soi-même, à se distraire de quelque tourment intérieur. Selon Pascal, l'être humain cherche dans le divertissement un moyen de se fuir.
2(Sujet chose) Littér. Échapper à la possession de..., se refuser à... (qqn). Le sommeil me fuit. « Cette paix que je cherche et qui me fuit toujours » (Racine). « une dame dont le nom m'a fui » (Green).
⊗ CONTR. Approcher, demeurer, résister, rester, tenir. — Affronter, chercher, endurer; endosser, rechercher.

fuir verbe intransitif (latin populaire fugire, du latin classique fugere) Quitter rapidement un lieu pour échapper à une menace, à un danger réel ou supposé : Les bêtes sauvages fuyaient à notre approche. Donner l'impression de s'éloigner, de s'étendre vers le lointain, en particulier sous l'effet de la perspective : Lignes qui fuient vers l'horizon. S'écouler rapidement, passer, disparaître, en parlant du temps : La belle saison a fui. Ne pas faire face à quelque chose, chercher à y échapper : Fuir devant ses responsabilités. En parlant d'un gaz, d'un liquide, s'échapper, s'écouler par une fêlure, une fente, etc. Laisser son contenu liquide ou gazeux s'échapper par une fêlure, une fente, etc. : Stylo qui fuit. En parlant de capitaux, être placés, investis à l'étranger. ● fuir (citations) verbe intransitif (latin populaire fugire, du latin classique fugere) Stéphane Mallarmé Paris 1842-Valvins, Seine-et-Marne, 1898 La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres. Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres D'être parmi l'écume inconnue et les cieux ! Poésies, Brise marine Stéphane Mallarmé Paris 1842-Valvins, Seine-et-Marne, 1898 Où fuir dans la révolte inutile et perverse ? Je suis hanté. L'Azur ! l'Azur ! l'Azur ! l'Azur ! Poésies, l'Azur Charles-Ferdinand Ramuz Lausanne 1878-Pully, près de Lausanne, 1947 Il ne suffit pas de fuir, il faut fuir dans le bon sens. Questions Grassetfuir (difficultés) verbe intransitif (latin populaire fugire, du latin classique fugere) Conjugaison Attention au i après le y aux première et deuxième personnes du pluriel, à l'indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous fuyions, (que) vous fuyiez. ● fuir (expressions) verbe intransitif (latin populaire fugire, du latin classique fugere) Faire fuir quelqu'un, être la cause de son départ, du fait qu'il quitte le lieu où on arrive. Regard qui fuit, qui se dérobe, ne regarde pas l'autre en face. ● fuir (homonymes) verbe intransitif (latin populaire fugire, du latin classique fugere)fuir (synonymes) verbe intransitif (latin populaire fugire, du latin classique fugere) Quitter rapidement un lieu pour échapper à une menace, à...
Synonymes :
- décamper (familier)
- déguerpir
- détaler (familier)
- filer (familier)
- se sauver
- se tailler (populaire)
- s'enfuir
- s'esquiver
Contraires :
- approcher
Ne pas faire face à quelque chose, chercher à y échapper
Synonymes :
- éluder
- esquiver
- reculer
- se défiler (familier)
- se soustraire
En parlant d'un gaz, d'un liquide, s'échapper, s'écouler par une...
Synonymes :
- filtrer
- sourdre
Laisser son contenu liquide ou gazeux s'échapper par une fêlure...
Synonymes :
- couler
- perdre
fuir verbe transitif Quitter, abandonner un lieu, s'en éloigner rapidement : Fuir son pays. Chercher à éviter quelque chose, quelqu'un, en se tenant à l'écart, en s'éloignant : Fuir les soirées mondaines. Chercher à se soustraire à quelque chose de difficile, de pénible, l'éviter : Fuir les responsabilités. Littéraire. Échapper à la possession de quelqu'un : Le sommeil me fuit.fuir (citations) verbe transitif Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je fuis, mais non pas ce que je cherche. Essais, III, 9 fuir (homonymes) verbe transitiffuir (synonymes) verbe transitif Chercher à éviter quelque chose, quelqu'un, en se tenant à l'écart...
Synonymes :
- éviter
Contraires :
- rechercher
Chercher à se soustraire à quelque chose de difficile, de pénible...
Synonymes :
- esquiver
- se dérober
- se garder de
- se soustraire à

fuir
v.
rI./r v. intr.
d1./d S'éloigner rapidement pour échapper à un danger. Fuir de son pays. Fuir devant l'ennemi.
|| Fig. Se dérober, s'esquiver. Fuir devant ses responsabilités.
d2./d Litt. (Choses) S'éloigner très vite. Les nuages fuient.
|| Par anal. S'écouler avec rapidité (temps). L'hiver a fui.
d3./d S'échapper par un trou, une fente (liquide, gaz). Vin qui fuit d'un tonneau.
|| Par ext. Laisser passer un fluide. Tuyau, toit qui fuit.
rII./r v. tr. Chercher à éviter (qqn, qqch de menaçant, de désagréable). Fuir un danger, un importun. Fuir les questions.
|| v. Pron. Refuser d'affronter ses problèmes, ses peines intérieures.

⇒FUIR, verbe.
A.— Emploi intrans.
1. [L'accent est mis sur la cause du déplacement (menace, difficulté); le suj. désigne une pers.]
a) Se sauver en toute hâte pour échapper à une personne, à une chose, importunes ou menaçantes. Il ne s'agit pas de nous défendre, il s'agit de fuir (DUMAS père, Tour Nesle, 1832, I, tabl. 2, 5, p. 22). Où vas-tu, que tu fuis si vite? (FLAUB., Tentation, 1849, p. 395) :
1. ... le colonel (...) un Italien, crut voir que les Français commençaient à plier. Il (...) s'écria :
— Français, vous fuyez!
FRANCE, Vie littér., t. 1, 1888, p. 203.
b) Au fig. Se dérober aux difficultés, aux devoirs qui pèsent ou indisposent. Incitant parfois à fuir devant les responsabilités (MEYNAUD, Groupes pression Fr., 1958, p. 215).
2. [L'accent est mis sur la nature du déplacement; le suj. désigne un inanimé]
a) [Le mouvement est réel] S'écouler, s'éloigner à toute vitesse. Au fil de l'an fuit la rivière! (MUSELLI, Ball. contrad., 1941, p. 116) :
2. Si les galaxies fuient avec une vitesse croissante à mesure qu'elles s'éloignent, qu'arrivera-t-il lorsque leur vitesse avoisinera celle de la lumière?
DECAUX, Mesure temps, 1959, p. 23.
Spécialement
MAR. Fuir à la lame; fuir devant le temps, devant le vent. Naviguer vent arrière avec une voilure réduite pour étaler le vent. Avec le fixe, la trinquette, un foc et la misaine de cape, en veillant pour bien prendre les coups de mer, nous fuyons sans trop sortir de notre route (CHARCOT, Expéd. antarct. fr., 1906, p. 5).
PHYS. [Le suj. désigne un fluide ou un gaz] S'échapper de son enveloppe, de son contenant :
3. Il saigne du nez tous les jours, et chaque goutte de sang qui fuit de ce corps pauvre est une torture pour sa mère.
VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 153.
P. anal.
♦ [En parlant d'une chose concr.] Sa chevelure abondante [de Méniquette], qui fuyait de tous les côtés (FABRE, J. Savignac, 1863, p. 208).
♦ [En parlant d'une chose abstr.] Ça c'est vrai, dit Françoise; si on n'est pas déjà au courant, ça [les nouvelles contenues dans les journaux] vous fuit entre les doigts (BEAUVOIR, Invitée, 1943, p. 243). Si la mémoire fuyait, la haine en revanche restait tenace (DRUON, Louve Fr., 1959, p. 234).
P. méton. [Le suj. désigne le contenant lui-même] Il raccommoda le baquet qui fuyait (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1260). Attention à l'eau. Votre radiateur fuit comme un panier (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 319).
b) [Le mouvement est fictif] Donner l'impression de s'éloigner.
) [Le suj. désigne une chose concr. relative à l'espace]
[Le suj. désigne un paysage que, par un effet d'optique, un observateur mobile voit défiler] Il regardait fuir les poteaux télégraphiques, tâchant de se rendre compte de la vitesse (ZOLA, Bête hum., 1890, p. 144).
[Le suj. désigne une ligne, un plan de l'espace] S'enfoncer, s'éloigner par un effet de perspective. Un angle de la montagne couvert de bosquets en fleur, à travers lesquels fuient des sentiers en pente rapide (SAND, Lettres voy., 1837, p. 18). Ces chaînes de montagnes qui fuyaient à l'horizon comme de grandes vagues bleues (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 319).
Spéc., PEINT. M. C... me fit remarquer que les fonds ne fuyaient pas assez loin [dans un tableau de Legros] (BAUDEL., Curios. esthét., 1867, p. 236).
[Le suj. désigne une partie du corps hum.]
♦ Disparaître, s'estomper en donnant une impression d'allongement, de profondeur. Les ventres ambrés qui fuient sous l'ombre des cuisses secrètes (FAURE, Hist. art, 1921, p. 168) :
4. Elle baissa la tête, et il aperçut, sous les frisons, la nuque qui fuyait dans l'échancrure du corsage.
MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 772.
♦ [Le suj. désigne une partie de la tête (front, menton)] S'incliner, s'incurver en arrière. La partie supérieure [du visage de Joudetot] d'expression féline, grâce à un front lisse qui fuyait vers un crâne dénudé (ESTAUNIÉ, Mme Clapain, 1932, p. 229).
[Le suj. désigne une surface servant d'assise à une pers.] Se dérober, s'enfoncer sous le poids de cette personne. Le sol fuit sous nos pieds (PROUDHON, Créat. ordre, 1843, p. 51). Il regardait le sol inondé qui fuyait sous lui (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 311).
Au fig. Le monde extérieur m'échappe et fuit sous moi de toutes parts (MAINE DE BIRAN, Journal, 1817, p. 4).
) [Le suj. désigne une chose abstr. relative au temps] Je vois fuir l'été avec une sorte de désespoir (GIDE, Journal, 1948, p. 331). Le temps de l'enfance s'éternise (...) celui de la maturité fuit, et bientôt la vieillesse le précipite (ARNOUX, Zulma, 1960, p. 11).
P. anal. [Le suj. désigne une chose éphémère, fugace] Tout se transforme et fuit... Mon cœur est plus changeant qu'un ciel d'équinoxe (LOTI, Journal intime, 1878-81, p. 27). Elle était encore jolie, avec cette coquetterie éperdue, cette futilité un peu égarée des femmes qui sentent leur beauté fuir (CHARDONNE, Attach., 1943, p. 128) :
5. Toutes ont défié les folles tentatives
Des mains à saisir l'ombre inerte où fuit l'odeur
De leurs cheveux épars...
RÉGNIER, Poèmes anc., 1890, p. 34.
B.— Emploi trans.
1. [Le suj. désigne une pers.] Chercher à éviter quelqu'un ou quelque chose, à s'y soustraire ou à s'en éloigner.
a) Fuir qqn. Fuir les siens, ses semblables. Donc, fuyez les femmes! (FLAUB., Tentation, 1874, p. 54). Je n'aime point les journalistes. Ce sont des esprits brouillons et entreprenants qu'il faut fuir comme la peste (G. LEROUX, Myst. ch. jaune, 1907, p. 58) :
6. On t'aura dit souvent que j'avais fui le monde et que j'avais été lâche, que j'étais lâche, que j'avais abandonné maman; ils n'ont que ça à dire, que l'on a fui le monde, que nous fuyons le monde...
PÉGUY, Myst. charité, 1920, p. 160.
Fuir le regard de qqn. S'en détourner pour ne pas l'affronter. Mais il fuyait mon regard; il alla, la tête baissée, décrocher son manteau (SARTRE, Nausée, 1938, p. 210).
Emploi pronom. à sens réfl. ou réciproque. Se fuir les uns les autres. J'ai demandé les Mystères de Londres. On les apporte, je vais les lire pour me fuir moi-même (BALZAC, Lettres étr., t. 3, 1850, p. 160).
Rare, emploi part. passé adj. Le plus fui des hommes (LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 31).
b) Fuir qqc. Il avait fui la tyrannie, comme maintenant il fuyait la liberté! (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 473).
Rare, emploi pronom. à sens réciproque. Nos passés s'ignoraient, nos avenirs se fuyaient (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 339).
2. Vx ou littér. [Le suj. désigne une chose] Échapper, se dérober aux désirs, aux souhaits de quelqu'un. Ils dorment... et le repos me fuit (LA MARTELIÈRE, Robert, 1793, II, 1, p. 13). Beaucoup de choses qui m'avaient heureusement fui me sont revenues (GREEN, Journal, 1941, p. 171) :
7. Rire... comme s'il est de quoi, dans ce bas monde;
Ne point pleurer des jours qui ne reviendront pas,
Ses chairs qui vont mourir, sa chevelure blonde
Et tout ce qui nous fuit, bien avant le trépas.
MONTESQUIOU, Hort. bleus, 1896, p. 297.
REM. Fuyeuse, adj. fém. Hapax. Qui fuit, fuyarde. Salomé, fuyeuse de fêtes nationales, écoutait la mer familière des belles nuits (LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 173).
Prononc. et Orth. :[], (il) fuit []. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Distinguer les deux 1res pers. du plur. de l'imp. de l'ind. et du prés. du subj. : (que) nous fuyions, (que) vous fuyiez et les 2 1res pers. du plur. du prés. de l'ind. : nous fuyons, vous fuyez. Étymol. et Hist. 1. a) Fin IXe s. trans. « chercher à éviter quelqu'un, quelque chose » ici « renoncer à quelque chose » (Eulalie, 14 ds HENRY Chrestomathie : Qued elle fuiet lo no christiien); b) 1538 « échapper à l'intelligence, à la mémoire » (EST.); 2. a) ca 1100 intrans. « s'éloigner à la hâte pour éviter quelqu'un » (Roland, éd. J. Bédier, 1255); b) 1176-81 « céder, fléchir par l'effet d'un contact, d'un poids » (CHR. DE TROYES, Chevalier Lyon, éd. M. Roques, 3512); c) 1549 « se dérober devant quelque chose » (EST.); d) 1640 « (d'une chose) s'éloigner rapidement » un jour qui fuit (CORNEILLE, Horace, III, 1); e) 1704 « se prolonger en arrière par perspective » (Trév.); 1805 « être incliné en arrière » l'arc du menton va en fuyant en arrière (CUVIER, Anat. comp., t. 3, p. 17); f) 1762 ce vase fuit (Ac.). D'un lat. pop. , class. « fuir, s'enfuir ». Fréq. abs. littér. : 6 641. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 10 469, b) 9 597; XXe s. : a) 9 583, b) 8 401. Bbg. GOHIN 1903, p. 376.

fuir [fɥiʀ] v.
CONJUG. je fuis, nous fuyons; je fuyais, nous fuyions; je fuis, nous fuîmes; je fuirai; je fuirais; fuis, fuyons; que je fuie, que nous fuyions; que je fuisse, que nous fuissions (inus.); fuyant; fui.
ÉTYM. Fin IXe, v. tr.; du lat. pop. fugire, lat. class. fugere. → -fuge.
———
I V. intr.
1 (1080). S'éloigner rapidement pour échapper à qqn ou qqch. de menaçant. Aller (s'en), enfuir (s'), fuite (prendre la), partir. || Ils ont fui. || Ils fuyaient devant le danger. || Fuir après une défaite (→ Capitolin, cit. 1; fierté, cit. 1). || Être poursuivi et fuir en courant (→ Aplatir, cit. 4; couvert, cit. 11; fuite, cit. 1). || Fuir de sa maison (→ Assurer, cit. 87), de son pays, hors de son pays, loin de sa patrie. Réfugier (se). || Fuir devant qqn (→ Brûlant, cit. 1), devant un danger (→ Briser, cit. 6). || Il a fui précipitamment, à toutes jambes, sans demander son reste. Décamper, détaler; (fam.), caleter, cavaler, débiner (se). || Fuis ! va-t'en ! (→ Éterniser, cit. 11).Faire fuir qqn. Chasser, fuite (mettre en). → Attrait, cit. 17; famille, cit. 24. || L'arrivée de ce redoutable bavard a fait fuir tous les invités. Effrayer. — ☑ Fig. Laid à faire fuir : très laid. || Fuir de chez qqn sans prévenir. Brûler (la politesse), esquiver (s'), filer (à l'anglaise).(Animaux). || Les bêtes fuyaient devant le camion. || Le chat a fui quand j'ai voulu l'attraper.
1 L'argot excelle à présenter les objets sous des aspects nouveaux : se cavaler, se tirer, prendre la poudre d'escampette, enfiler la venelle, se débiner, etc., veulent dire fuir.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 582.
2 L'homme fuit à toutes jambes, veut gagner une baraque, heurte un tonneau, tombe toujours criant au secours. Le cavalier l'atteignait, quand les gardes nationaux de Versailles ne purent plus se contenir (…)
Michelet, Hist. de la Révolution franç., II, IX.
3 Elle se jette aux pieds de Norma, la sévère prêtresse, en implorant son indulgence; car elle veut fuir, abandonner les autels d'Irmensul, sortir de l'ombre glaciale de la forêt sacrée (…)
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre…, p. 158.
4 En effet, l'animal s'était relevé et fuyait au hasard, ensanglanté, braillant, traînant dans la poussière son train de derrière brisé (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 256.
5 La chatte ne fuyait pas à mon approche, mais elle se dérobait comme une anguille, à la seconde juste où j'allais la toucher.
Colette, la Paix chez les bêtes, « Prrou ».
6 (…) je suis descendu fuyant devant le vent qui est moins froid quand on le reçoit par derrière.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 318.
(Choses personnifiées). || Des capitaux (cit. 9) qui fuient. Fuite.
(1549). Fig. Chercher à échapper à une, des difficultés d'ordre moral. Dérober (se), éluder (cit. 7). || Dans la discussion, il fuit toujours, il fuit habituellement. || Fuir devant ses responsabilités. Défiler (se), récuser (se). || Fuir devant les assiduités, l'insistance de qqn.
7 Ah ! que ce cœur est double et sait bien l'art de feindre !
Mais tous moyens de fuir lui vont être soustraits.
Molière, Dom Garcie, II, 5.
Se livrer à un manège amoureux qui feint le refus pour mieux inspirer le désir. || « Quand elles fuient, c'est pour être atteintes » (→ Course, cit. 2, Rousseau).
8 À la chasse, trouver une belle et fraîche paysanne qui fuit dans le bois. Tout le monde connaît l'amour fondé sur ce genre de plaisirs.
Stendhal, De l'amour, I.
9 Fugax sequax, sequax fugax, reprit le Pédant; ces quatre mots latins (…) contiennent la moelle des théories amoureuses et peuvent servir de règle de conduite pour le sexe tant viril que féminin (…) On le pourrait traduire, répondit Blazius, par deux carmes ou versiculets en cette teneur : Fuyez, on vous suivra; Suivez, on vous fuira.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, t. I, VIII, p. 261.
Fuir, sous l'effet d'un besoin d'évasion spirituelle (cf. l'emploi homologue dans la construction transitive du verbe : fuir le monde, le siècle, etc.).Allus. littéraire :
10 La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir !
Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
Mallarmé, Poésies, Brise marine.
2 (1640, Corneille). Sujet n. de chose. S'éloigner par un mouvement rapide. || La voiture fuyait devant nous.
11 Quand pourrai-je, au travers d'une noble poussière,
Suivre de l'œil un char fuyant dans la carrière ?
Racine, Phèdre, I, 3.
Mar. ou poét. || Bâtiment qui fuit devant le temps, devant le vent, vent arrière, à la lame, qui court en gouvernant de manière à recevoir le vent ou la lame par l'arrière.Fuir à mâts et à cordes, toutes voiles serrées, sous la seule poussée du vent.
12 (…) les différents aspects dans lesquels se présente le navire, soit qu'il vogue penché par un autan contraire, soit qu'il fuie droit devant un aquilon favorable (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 259.
13 L'eau bleue où fuit la nef penchante (…)
Hugo, les Châtiments, « Nox », VII.
Poét. ou littér. || Le ruisseau fuit à travers les prés. || Les nuages fuient dans le ciel.
14 L'eau qui fuit en chantant nous donne des leçons;
Fuyons, mais chantons (…)
Hugo, la Légende des siècles, « L'amour ».
3 (Av. 1841, Chateaubriand). Sujet n. de chose. Sembler s'éloigner rapidement, devenir de moins en moins visible. || Il roule à vive allure et voit fuir les arbres le long de la route. || Le pilote voyait fuir la piste au-dessous de lui. || Le terrain fuyait sous nos pas.
15 Le 2 janvier 1792, je foulai de nouveau le sol natal qui devait encore fuir sous mes pas.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 342.
16 Les arbres qui bordaient la route fuyaient à mes côtés comme des ombres difformes et douloureuses dans la nuit.
France, le Livre de mon ami, Pierre, II, XII.
Par ext. Sembler disparaître et s'estomper; devenir invisible. || « La nuque qui fuyait dans l'échancrure du corsage » (Martin du Gard).
4 (1673, Boileau). Littér. (En parlant du temps, de ce qui est éphémère). S'écouler rapidement. Couler, dissiper (se), écouler (s'écouler, cit. 14), passer. || « Le temps m'échappe (cit. 9) et fuit » (Lamartine). || L'été (cit. 4), les beaux jours ont fui. Évanouir (s'). || Les années fuient.
17 Hâtons-nous; le temps fuit, et nous traîne avec soi :
Le moment où je parle est déjà loin de moi.
Boileau, Épîtres, III.
18 Une chose déplorable, c'est la rapidité avec laquelle les renommées fuient aujourd'hui.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 151.
19 Le bonheur passait, — il a fui !
Nerval, Odelettes, Une allée du Luxembourg.
5 (XIIe, Chrétien de Troyes). Vx. S'enfoncer sous un poids. || Le sol fuyait sous lui. Céder.
6 (1704, Trévoux). Arts. Paraître s'enfoncer dans le lointain par l'effet de la perspective. Fuyant (aujourd'hui plus usité que le verbe). || La partie de ce tableau qui représente un horizon de montagnes ne fuit pas assez. || Dégradé qui fait fuir les derniers plans.
20 La perspective approche les parties des corps, on les fait fuir, par la seule dégradation de leurs grandeurs (…)
Diderot, Essai sur la peinture, III.
(Déb. XIXe). Par ext. (Par transfert de ce terme d'art au langage descriptif). || Front qui fuit, incliné vers l'arrière. Fuyant. || Horizons qui fuient en se contrariant (cit. 6). || L'allée fuit à perte de vue. || Montagne qui fuit vers l'est.
21 La salle est gigantesque; elle n'a qu'une porte;
Le mur fuit dans la brume et semble illimité (…)
Hugo, la Légende des siècles, « Éviradnus », VII.
7 (1872). S'échapper par une issue étroite ou cachée. || Eau qui fuit d'un réservoir (→ Écouler, cit. 1).Par anal. || Un peu de lumière fuyait hors de la pièce à travers les volets. Filtrer.
22 L'étage d'honneur des immeubles, qui est, suivant les cas, le second ou le premier, répand ses feux vers la voie publique; ou s'il les dissimule, en laisse fuir assez de rayons pour qu'un fantôme de fête fasse les cent pas sur le trottoir.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XII, p. 163.
8 (1762). Le sujet désigne un contenant. Présenter une issue, une fente par où peut s'échapper ce qui est contenu. || Tonneau, vase qui fuit. Perdre. || Le robinet fuit. || Mon veston est taché d'encre, mon stylo doit fuir. || Cette bouteille de gaz fuit.
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II V. tr.
1 (V. 1460, Villon). Chercher à éviter (qqn, un groupe, un lieu) [en s'éloignant, en se tenant à l'écart]. || Fuir quelqu'un que l'on craint, que l'on déteste (→ Absent, cit. 3; courbette, cit. 4; excitant, cit. 4; figurer, cit. 4). || « Fuyez-la, elle court après vous » (→ Courir, cit. 18, Musset). || On le fuit comme la peste.Fuir la cour, le monde, son pays, sa patrie (→ Essaimage, cit.). Abandonner, quitter. || « Je fuyais l'école » (cit. 1, Villon).(Compl. n. abstrait). || Fuir la présence de qqn (→ Égarer, cit. 24; évader, cit. 8). || Le misanthrope fuit la société des humains. Cacher (se); → Approche, cit. 9.
23 Si je la haïssais, je ne la fuirais pas.
Racine, Phèdre, I, 1.
24 Sur Titus et sur moi réglez votre conduite.
Je l'aime, je le fuis; Titus m'aime, il me quitte.
Racine, Bérénice, V, 7.
25 On a beau fuir ce qui nous est cher, son image, plus vite que la mer et les vents, nous suit au bout de l'univers (…)
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, IV, Lettre III.
26 (…) vous me fuyez aujourd'hui comme un séducteur dangereux, dont vous auriez reconnu la perfidie.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre LXXVII.
27 (…) c'est un homme qu'on fait fuir dans les temps calmes, et qui fuit dans les temps d'orage.
Rivarol, Rivaroliana, II.
28 Ô ! fuir, partir ! fuir les lieux connus, les hommes, les mouvements pareils aux mêmes heures, et les mêmes pensées, surtout !
Maupassant, Au soleil, I.
Fuir un danger, un châtiment. || Fuir le combat (cit. 13). || Fuir le mal, les occasions de péché, le vice (→ Capable, cit. 13). || Fuir l'excès en toute chose (→ Extrémité, cit. 14). Garder (se garder de). || Défauts, erreurs que doit fuir un écrivain, un art. Éviter (cit. 30); → Abondance, cit. 12; effacement, cit. 3; étendue, cit. 16. || Un exemple (cit. 4) à fuir. Esquiver, éviter, soustraire (se). || Fuir les ennuis, les contraintes, les responsabilités (→ Ambition, cit. 19).
29 Mon sentiment n'est pas qu'on prenne la méthode
De ceux qu'on voit toujours renchérir sur la mode (…)
Mais je tiens qu'il est mal, sur quoi que l'on se fonde,
De fuir obstinément ce que suit tout le monde (…)
Molière, l'École des maris, I, 1.
30 (…) et votre nature a deux choses à fuir : l'erreur et la misère.
Pascal, Pensées, III, 233.
31 La grande beauté me paraît plutôt à fuir qu'à rechercher dans le mariage.
Rousseau, Émile, V.
32 Je voudrais que le lecteur sentît toute la répugnance que j'éprouve à écrire ces choses, où il apparaît bien que je raconte une histoire dont rien n'est inventé : car un romancier fuit d'instinct ces sortes de sujets qui font horreur.
F. Mauriac, la Pharisienne, X.
(1610). Vx. || Fuir de (et inf.). Éviter (de).(1651). Vx. || Fuir à (et inf.). || « Une façon que j'ai (…) de fuir à me justifier » (→ Excuser, cit. 18, Montaigne).
2 (1538). Vx ou littér. (Sujet n. de chose; compl. n. de personne). Échapper à la possession de…, se refuser à… (qqn). || Le sommeil me fuit (→ Appeler, cit. 20). || L'homme cherche des plaisirs qui le fuient (→ Avidité, cit. 2). || Le sceptique croit que la vérité nous fuit.
33 Je trouve au coin d'un bois le mot qui m'avait fui (…)
Boileau, Épîtres, VI.
34 Cette paix que je cherche et qui me fuit toujours.
Racine, Athalie, II, 3.
34.1 (…) eh bien ! me répondit-elle, deviens ce que tu voudras, je t'abandonne à ton mauvais sort; mais si jamais tu te fais pendre, ce qui ne peut te fuir, par la fatalité qui sauve inévitablement le crime en immolant la vertu (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 38.
tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
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se fuir v. pron.
(Récipr.). || Voilà deux mois qu'ils sont brouillés et qu'ils se fuient.
35 Les tourterelles se fuyaient (…)
La Fontaine, Fables, VII, 1.
(Réfl.). Chercher à échapper à soi-même, à se distraire de quelque tourment intérieur et spirituel. || L'homme, selon Pascal, cherche dans le divertissement un moyen de se fuir.
36 Au milieu des rues étroites, pleines de poussière et de silence, il pressait le pas pour se fuir soi-même, afin de se dérober à ses mortelles obsessions.
M. Barrès, Un jardin sur l'Oronte, p. 118.
37 Tu me regardes et tout espoir s'enfuit : je suis las de me fuir. Mais je sais sous ton œil que je ne peux plus me fuir.
Sartre, le Sursis, p. 158.
CONTR. Approcher, demeurer, faire (face, front), foncer, résister, rester, tenir. — Durer, prolonger (se). — Saillir. — Affronter, braver, chercher, endurer; accepter, endosser, rechercher.
DÉR. Fuyant, fuyard.
COMP. Enfuir (s'), faux-fuyant.

Encyclopédie Universelle. 2012.