haine [ 'ɛn ] n. f.
• haïneXIIe; de haïr
1 ♦ Sentiment violent qui pousse à vouloir du mal à qqn et à se réjouir du mal qui lui arrive. ⇒ antipathie, aversion, détestation, exécration, hostilité, répulsion, ressentiment; -phobie. « La haine, c'est la colère des faibles » (A. Daudet). Parler sans colère et sans haine. L'amour et la haine. L'envie, la jalousie, ferments de haine. — Haine implacable, jurée, déclarée, éternelle, féroce, tenace. Fam. Une haine cordiale. Avoir, concevoir, éprouver de la haine pour qqn. ⇒ haïr. Prendre qqn en haine (cf. Prendre en grippe). Nourrir une haine contre qqn. ⇒ rancune, ressentiment. Assouvir sa haine. ⇒ vengeance. S'attirer, exciter la haine de qqn. — « Comme tous les chevaliers français, Roland a la haine et le mépris des traîtres » (Duhamel). Haine d'autrui (⇒ misanthropie) , raciale (⇒ racisme, xénophobie) , religieuse (⇒ fanatisme, intolérance) . Regards, cri de haine. ⇒ haineux. — Loc. fam. (1986) AVOIR LA HAINE : ressentir une violente haine, sans objet particulier. « Ils sont méchants, même entre eux. Ils ont la haine » (L'Express, 1990).
♢ Au plur. Fomenter, allumer, exciter, déchaîner, attiser les haines. Les haines publiques et particulières. ⇒ antagonisme, dissension, querelle, rivalité. Haines sourdes. De vieilles haines.
2 ♦ Aversion profonde pour qqch. « La haine du domicile et la passion du voyage » (Baudelaire). Sujet, motif de haine. J'ai pris la vie en haine. ⇒ horreur.
3 ♦ Loc. prép. EN HAINE DE... : à cause de la haine qu'on éprouve pour (qqn ou qqch.). Organiser la révolte en haine des oppresseurs.
♢ PAR HAINE DE... « Toutes ces vies jouées à pile ou face par haine du projet » (Sartre).
⊗ CONTR. Amour. Affection, amitié, concorde, fraternité. Culte, passion.
⊗ HOM. Aine, 1. n.
haine
n. f.
d1./d Sentiment violent qui pousse à désirer le malheur de qqn ou à lui faire du mal. éprouver, avoir, nourrir de la haine pour qqn. Prendre qqn en haine.
d2./d Aversion violente que l'on éprouve à l'égard de qqch. Avoir de la haine pour, avoir la haine de l'hypocrisie.
d3./d Loc. Prép. En haine de, par haine de: à cause de la haine ressentie à l'endroit de (qqch, qqn).
⇒HAINE, subst. fém.
A. — Sentiment de profonde antipathie à l'égard de quelqu'un, conduisant parfois à souhaiter l'abaissement ou la mort de celui-ci. Synon. exécration, ressentiment; anton. amour. Une haine invisible (...) m'enveloppe (DUMAS père, Mlle de Belle-Isle, 1839, III, 3, p. 62). Je vais enfin dire ma manière de penser, exhaler mon ressentiment, vomir ma haine, expectorer mon fiel, éjaculer ma colère, déterger mon indignation (FLAUB., Corresp., 1872, p. 57). J'ai voulu vivre ainsi sans amour et sans haine (MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p. 85). Amour engendre haine (ALAIN, Propos, 1921, p. 339). Le silence était insupportable. La haine y montait. Une haine qui avait ses profondes racines dans le passé de l'enfance (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 372) :
• 1. ... il faisait un circuit éternel, de la haine à l'amour, de l'amour à la haine : tantôt, enragé d'en finir, de porter au vif le couteau, jusqu'au fond même de sa passion, et l'instant d'après, espérant un temps moins orageux, et plus pur.
BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 271.
— Loc. verb.
♦ Être un/l'objet de (la) haine. Inspirer de la haine (à quelqu'un). Le courage du désespoir me rendit redoutable, mais je fus un objet de haine (BALZAC, Lys, 1836, p. 9).
♦ Avoir/prendre qqn en haine. Haïr. Il y en avait un surtout, nommé Laurent Dupuy, qu'elle avait en grande haine (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 151).
— Au plur. Tu n'excitais ici que des haines, des jalousies (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 656) :
• 2. ... un homme trop fin pour la classe où le hasard l'a fait naître est d'abord simplement jaloux et malheureux. Mû par ces sentiments, il construit ensuite une critique véhémente de la société pour expliquer ses déboires et ses haines.
MAUROIS, Silences Bramble, 1918, p. 191.
1. [Avec un compl. déterminatif désignant la pers. ou la collectivité qui hait] La haine de l'Autriche contre le roi de Sardaigne ira toujours croissant (LAS CASES, Mémor., Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 362). On disait qu'il avait soulevé la haine de l'Allemagne contre nous (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 72). La haine de François Guillerm ne désarmait point. Il haussait les épaules de l'engouement de ses compatriotes pour Thomas (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 163) :
• 3. ... on peut être de son avis [Brunetière] quand il trouve puériles certaines manifestations de la haine de Flaubert contre les bourgeois; mais, quand il ajoute que rien précisément n'est plus bourgeois que cette haine des bourgeois, et cela pour se donner le plaisir de traiter Flaubert de bourgeois, je ne puis voir là qu'un jeu d'esprit indigne d'un esprit aussi sérieux.
LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 228.
2. [Avec un compl. déterminatif désignant la pers. haïe] Haine contre, de, pour qqn. On transforme la haine contre ses bourreaux en pitié pour ses frères d'esclavage, en patience pour ses compagnons de Lazaret (AMIEL, Journal, 1866, p. 187). Il (...) sentait naître en lui une haine mordante contre cette femme insolente, debout devant lui (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 597). La haine du bourgeois est un phénomène romantique, excessif, comme tous les phénomènes romantiques, mais très sain (FAURE, Hist. art, 1921, p. 175) :
• 4. Nous avons de l'amour pour une ou deux femmes, de l'amitié pour deux ou trois amis, de la haine pour un seul ennemi, de la pitié pour quelques pauvres; et le reste des hommes nous est indifférent.
RENARD, Journal, 1901, p. 626.
SYNT. a) Haine + adj. qualificatif : une/la haine ardente, aveugle, cordiale, déclarée, enracinée, éternelle, farouche, féroce, furieuse, immortelle, implacable, invétérée, irréconciliable, jurée, mortelle, personnelle, profonde, sanglante, satisfaite, secrète, sourde, tenace, violente. Haine + adj. de relation : haine (anti)religieuse, nationale, patriotique, raciale, universelle. b) Subst. + de + haine : accent, cri, éclair, expression, frisson, geste, mouvement, regard de haine; élan, ferment, fond, motif, sentiment de haine. Subst. et/ou haine : amertume, amour, colère, dégoût, désir, envie, horreur, indifférence, jalousie, mépris, rancune, répulsion, ressentiment, vengeance et/ou haine. c) Verbe + haine : déborder de haine, éprouver de la haine contre, vouer une haine + adj.; attirer, déchaîner, exciter, rallumer, s'attirer la/une haine.
B. — Sentiment de profonde aversion pour quelque chose. Synon. horreur, répulsion. Haine contre, de, pour qqc. Maurice (...) avait une haine grandissante contre son métier de soldat, qui le parquait à l'abri du Mont-Valérien, oisif et inutile (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 575). Les socialistes parlementaires (...) n'ont qu'une seule passion : la haine pour la violence (SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 141). Grâce à Bertrand, obsédé par la haine de l'alcoolisme, (...) notre escouade est une de celles qui sont le moins viciées par le vin et la gniole (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 200) :
• 5. Si mon vers est trop cru, si sa bouche est sans frein,
C'est qu'il sonne aujourd'hui dans un siècle d'airain.
Le cynisme des mœurs doit salir la parole,
Et la haine du mal enfante l'hyperbole.
BARBIER, Ïambes, 1840, p. 12.
— Loc. verb. Avoir/prendre qqc. en haine. Au cours d'un petit séjour à Gérardmer l'année précédente, j'avais pris les hôtels en haine (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 47).
C. — Loc. prép.
1. En haine de (vieilli). À cause de la haine qu'on éprouve pour quelqu'un/quelque chose. Bête; et intelligent de façon forcenée, soudain, comme en haine de sa bêtise (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1935-1936, p. 17). Les Espagnols préférèrent aider les révoltés en haine de la Révolution (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 322) :
• 6. Les livres que tu as écrits, en haine de moi, sont incompréhensibles pour les barbares, qui te considèrent d'un œil méfiant; mais moi, que tu hais, je me glorifie de toi, mauvais garçon, parce que tu rends témoignage à mon génie et que tu me fais honneur.
MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 147.
2. Par haine de. Même sens. Roxelane, par haine de Hasséki, les fit tuer l'un et l'autre [deux fils], et leur mère en mourut de désespoir (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 158).
Prononc. et Orth. : [] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1150 haïne « malveillance profonde pour une personne, aversion profonde pour quelque chose » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 2238); 2. 1660 en haine de (CORNEILLE, Examen de Rodogune ds Œuvres complètes, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 4, p. 419). Dér. de haïr; suff. -ine, ou peut-être du lat. pop. hatina « haine », dér. du rad. germ. hat- (de hatjan; s.v. haïr); suff. -ina (s.v. -ine). Fréq. abs. littér. : 6 069. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 9 383, b) 3 851; XXe s. : a) 8 078, b) 8 202.
haine ['ɛn] n. f.
ÉTYM. V. 1360; hayne, v. 1283; haïne, v. 1155; de haïr.
❖
1 (V. 1155). Sentiment violent qui pousse à vouloir du mal à quelqu'un et à se réjouir du mal qui lui arrive. ⇒ Abomination, aigreur, animadversion, animosité (cit. 7), antipathie, aversion, colère, dégoût, détestation, exécration, horreur, hostilité, inimitié, malignité, rancœur, rancune, répulsion, répugnance, ressentiment; suff. -phobe; préf. anti-, mis-. || Caractère, effets de la haine (→ Affectif, cit. 2; affection, cit. 1 et 3; ardeur, cit. 38; assombrir, cit. 12; dissension, cit. 2; électricité, cit. 1; éloignement, cit. 12; fermenter, cit. 4; fiel, cit. 4). || C'est plus que de l'éloignement, de l'indifférence, de l'hostilité; c'est de la haine. || La haine de qqn pour qqn, pour qqch., sa haine. || Faire qqch. par haine, avec haine. — Prendre qqn en haine, se mettre à le haïr. → Fournée, cit. 4. || L'amour et la haine. || L'envie, la jalousie, ferments (cit. 2), sources, levains de haine. || Un amour-propre blessé engendre la haine (→ Envenimer, cit. 5). || Haine, mépris et vengeance. || La haine et la calomnie (cit. 5). || Il est sans haine, incapable de haine.
1 Haine est le mot général, le nom propre de la passion excitée dans l'âme contre ce qui la blesse ou lui fait peine, comme amour est le nom de la passion produite en nous par ce qui nous agrée.
Lafaye, Dict. des synonymes, Haine.
2 La haine n'est qu'ire enracinée.
Calvin, Institution de la religion chrétienne, 302.
3 La haine a sa cristallisation; dès qu'on peut espérer de se venger, on recommence à haïr.
Stendhal, De l'amour, VI.
4 La haine est un tonique, elle fait vivre, elle inspire la vengeance; mais la pitié tue, elle affaiblit encore notre faiblesse.
Balzac, la Peau de chagrin, Pl., t. IX, p. 239.
5 Ne confondez pas la haine et la vengeance, lui disait l'abbé, c'est deux sentiments bien différents, l'un est celui des petits esprits, l'autre est l'effet d'une loi à laquelle obéissent les grandes âmes. Dieu se venge et ne hait pas. La haine est le vice des âmes étroites, elles l'alimentent de toutes leurs petitesses, elles en font le prétexte de leurs basses tyrannies.
Balzac, la Muse du département, Pl., t. IV, p. 82.
6 La haine, c'est l'hiver du cœur.
Hugo, les Contemplations, II, XX.
7 La Haine est le tonneau des pâles Danaïdes (…)
La Haine est un ivrogne au fond d'une taverne,
Qui sent toujours la soif naître de la liqueur (…)
Et la Haine est vouée à ce sort lamentable
De ne pouvoir jamais s'endormir sous la table.
Baudelaire, les Fleurs du mal, Tonneau de la Haine.
8 (…) la haine est une liqueur précieuse, un poison plus cher que celui des Borgia, car il est fait avec notre sang, notre santé, notre sommeil et les deux tiers de notre amour ! Il faut en être avare !
Baudelaire, l'Art romantique, IV, III.
9 Je me mis à haïr cette Alberte, et, par haine de désir trompé, à expliquer sa conduite avec moi par les motifs qui pouvaient le plus me la faire mépriser, car la haine a soif de mépris. Le mépris, c'est son nectar à la haine !
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Rideau cramoisi ».
10 La haine, c'est la colère des faibles ! (…)
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, Dilig. de Beaucaire.
♦ De haine : qui exprime la haine. ⇒ Haineux. || Regard, cri de haine.
♦ (Qualifié ou mis en situation). || Une haine mortelle, éternelle, implacable, irréconciliable, enracinée, invétérée, jurée, déclarée, furieuse, ardente, tenace, acharnée, opiniâtre, farouche (cit. 14), venimeuse, mordante. ☑ Fam. Une haine cordiale, vive, forte. — Avoir, concevoir, éprouver de la haine pour qqn (→ Détestation, cit. 1). ⇒ Haïr. || La haine de qqn pour qqn. || Haine contre qqn. || La haine de qqn : la haine qu'on a pour qqn (rare; ambigu). || Poursuivre qqn de sa haine. || Nourrir une haine contre qqn. || Être animé, aveuglé de haine. || Cœur dévoré par la haine (→ Bassesse, cit. 20), gros de colère (cit. 7) et de haine, enivré (cit. 26) de haine. || Assouvir sa haine. ⇒ Vengeance. || Libelle où l'auteur a mis toute sa haine. ⇒ Fiel, venin. || Mots chargés de haine (→ Expressif, cit. 2). || S'attirer, exciter la haine de qqn (→ Gaucherie, cit. 3). || Inspirer de la haine. || Engendrer (cit. 7) une haine. || Être, devenir l'objet de la haine de qqn. ⇒ Odieux. || Braver la haine d'un ennemi, n'avoir pas peur de sa haine (→ Aridité, cit. 3). || Haine qui couve, qui se déclare entre deux personnes (→ Envenimer, cit. 4), entre deux peuples (→ Émule, cit. 1; envenimer, cit. 7; esprit, cit. 10; étendard, cit. 2). || Sa haine n'est pas encore éteinte (cit. 59), ne désarme (cit. 10) pas. || Leur haine devint plus âpre (cit. 10). || Garder (cit. 49) une haine. || Haine nationale, patriotique (→ Exalter, cit. 14). || Déchaîner la haine entre les classes. || Haine raciale, religieuse. ⇒ Fanatisme, intolérance. || Siècle ensanglanté par la haine (→ Aveugle, cit. 10).
11 Quelque haine qu'on ait pour un fier ennemi (…)
Racine, la Thébaïde, III, 6.
12 Lorsque notre haine est trop vive, elle nous met au-dessous de ceux que nous haïssons.
La Rochefoucauld, Maximes, 338.
13 De la dispute, Calvin passa aux injures, et des injures à cette haine théologique qui est la plus implacable de toutes les haines.
Voltaire, Essai sur les mœurs, CXXXIV.
14 On partage avec plaisir l'amitié de ses amis pour des personnes auxquelles on s'intéresse peu soi-même; mais la haine, même celle qui est la plus juste, a de la peine à se faire respecter.
Chamfort, Maximes, S. les sentiments, XXIII.
15 Son accent trahissait une haine réfléchie comme celle d'un Corse, implacable comme sont les jugements de ceux qui, n'ayant pas étudié la vie, n'admettent aucune atténuation aux fautes commises contre les lois du cœur.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 1011.
16 Dans ce cabaret, vrai nid de vipères, s'entretenait donc, vivace et venimeuse, chaude et agissante, la haine du prolétaire et du paysan contre le maître et le riche.
Balzac, les Paysans, Pl., t. VIII, p. 55.
17 Aujourd'hui encore, entre Nîmes et la montagne de Nîmes, il y a une haine traditionnelle, qui, il est vrai, tient de moins en moins à la religion : ce sont les Guelfes et les Gibelins.
Michelet, Hist. de France, III, Languedoc.
18 Je conçus pour lui une haine qui n'est pas éteinte encore.
Th. Gautier, Portraits contemporains, p. 5.
19 Parce que j'étais le plus beau des deux, et le plus intelligent, mon frère me prit en haine (…)
Lautréamont, les Chants de Maldoror, IV, p. 181.
20 Tant qu'ils sont pauvres, ils nourrissent contre la dureté et l'avarice de leurs maîtres une haine recuite et renfermée, et, s'ils ont à leur tour des valets, ils profitent de l'expérience de la servitude pour surpasser la dureté et l'avarice dont ils ont souffert.
Maeterlinck, Vie des abeilles, V, XI.
21 De la haine qu'elle m'inspirait, rien ne s'exprima dans mes paroles. Pourtant ma belle-mère dut en sentir le souffle dès ce soir-là (…)
F. Mauriac, la Pharisienne, XIII.
22 On voulait avoir l'au-delà avec soi contre ceux qu'on haïssait; la haine qu'on éprouvait était si entière, si pure de tout mélange qu'elle trouvait pour s'exprimer des accents religieux qui ressemblaient aux incantations et partageaient le Ciel et l'Enfer.
M. Jouhandeau, Tite-le-Long, XVII.
♦ Au plur. || S'attirer des haines implacables (→ Garde, cit. 37). || Fomenter, allumer, exciter, déchaîner, attiser (cit. 8) les haines. || On voit tant de haines éclater (cit. 20). || Assoupir (cit. 20) les haines publiques et particulières. ⇒ Antagonisme, dissension, querelle, rivalité. || La bassesse (cit. 17) des haines. || Longue chaîne de violences et de haines (→ Contre-révolution, cit.). || Épouser (cit. 12) les haines de qqn. || Haines sourdes (→ Expier, cit. 10). || Haines vigoureuses d'un misanthrope (→ Complaisant, cit. 1). || Les plus fortes haines (→ Familiarité, cit. 4). || Les haines les plus injustifiées (→ Fomentation, cit. 2). || De vieilles haines. || Des haines politiques, partisanes (cit. 6).
23 Combien je vais sur moi faire éclater de haines.
Racine, Andromaque, III, 7.
24 (…) une de ces haines sourdes et capitales, comme il s'en rencontre en province.
Balzac, le Cabinet des antiques, Pl., t. IV, p. 339.
25 Les haines entre classiques et romantiques étaient aussi vives que celles des guelfes et des gibelins, des gluckistes et des piccinistes (sic).
Th. Gautier, Portraits contemporains, p. 7.
26 (…) homme bon sous son écorce rude, loyal avec sa finesse, ami sincère des études et de ceux qui les cultivent, éloigné de toute brigue, et sachant se préserver des haines et des colères qui empoisonnent et déshonorent trop souvent l'érudition.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 6 oct. 1851, t. V, p. 19.
27 Ainsi les rares énergies qui échappaient au paludisme, à la soif, au soleil, se consumaient en haines si mordantes, si insistantes, que beaucoup de colons finissaient par en crever sur place, empoisonnés d'eux-mêmes, comme des scorpions.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 118.
♦ La haine de…, pour… (avec un compl. d'origine, on emploie pour : la haine de qqn pour…). || Avoir la haine de l'étranger (cit. 38. ⇒ Xénophobie et suff. -phobe, -phobie), de l'envahisseur, des tyrans, des persécuteurs (→ Âpre, cit. 10). || Avoir la haine et le mépris des traîtres (→ Félon, cit. 6). || Une haine atroce (cit. 8) de soi-même. || Haine du prochain, des hommes, de la femme. ⇒ Misanthropie, misogynie.
28 Cette haine des rois, que depuis cinq cents ans
Avec le premier lait sucent tous ses enfants (…)
Corneille, Cinna, II, 1.
29 (…) une de ces grosses prostituées qui font des livres, entre Paris et Nice, avec leur haine de l'homme, en se léchant elles-mêmes dans un miroir.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », IV.
2 (V. 1155). Aversion profonde (pour qqch.). || Avoir de la haine pour le vice, pour le péché (→ Acharnement, cit. 1), le mensonge. || Le bourgeois (cit. 12) a la haine du gratuit, du désintéressé. || J'ai pris la vie en haine (→ Crime, cit. 4). || Sa haine contre le grec (→ Épigramme, cit. 8), contre le régime (→ Explosion, cit. 9). || C'est un sujet de haine pour lui.
30 Nous avons pris chacun une haine mortelle
Pour un nombre de mots (…)
Molière, les Femmes savantes, III, 2.
31 (…) ce qui domine chez lui (Rancé), est une haine passionnée de la vie (…)
Chateaubriand, Vie de Rancé, III, p. 197.
32 (…) la haine du domicile et la passion du voyage.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XII.
33 Le point de départ comme le point d'arrivée de toutes ses pensées était la haine de la loi humaine; cette haine qui, si elle n'est arrêtée dans son développement par quelque incident providentiel, devient, dans un temps donné, la haine de la société, puis la haine du genre humain, puis la haine de la création, et se traduit par un vague et incessant et brutal désir de nuire, n'importe à qui, à un être vivant quelconque.
Hugo, les Misérables, I, II, VII.
34 Dans l'âme de Pascal, il y avait une passion brûlante pour le bien. La haine du mal, le goût de la vérité, le mépris du mensonge et de l'imposture, l'horreur de toute impureté ne peut guère aller plus loin.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », IV.
35 La haine de la sottise ne suffit pas à faire une philosophie.
G. Duhamel, les Refuges de la lecture, VI, p. 198.
3 ☑ (1644, Corneille). Loc. prép. En haine de… Vieilli. À cause de la haine qu'on éprouve pour (qqn ou qqch.). || Organiser la révolte en haine des oppresseurs. || Ouvrage écrit en haine de la religion, de la société.
36 (…) nouveau roi de France, Philippe-Auguste. Celui-ci affectait, en haine du roi d'Angleterre, une intimité fraternelle avec son fils révolté.
Michelet, Hist. de France, IV, V.
♦ ☑ (XXe). Par haine de… || Par haine du gouvernement français (→ Agissements, cit.). || Par haine d'un principe, d'une idée (→ Face, cit. 26). || Il agit ainsi par haine de tout ce qui est beau, grand… — REM. Cette tournure tend à supplanter la précédente.
❖
CONTR. Amour. — Affection, amitié, commisération, concorde, entente, faible, faiblesse, fraternisation, fraternité, tendresse. — Culte, passion.
DÉR. Haineux.
HOM. Aine, N.
Encyclopédie Universelle. 2012.