honte [ 'ɔ̃t ] n. f.
1 ♦ Déshonneur humiliant. ⇒ abjection, bassesse, 1. dégradation, déshonneur, humiliation, indignité, opprobre, turpitude. Essuyer la honte d'un affront, d'un démenti, d'une insulte (⇒ 2. flétrissure) . « Viens mon fils, viens mon sang, viens réparer ma honte » (P. Corneille ). — À la honte de (qqn),en lui infligeant, en lui faisant souffrir un déshonneur. À ma grande honte. — Être la honte, faire la honte de sa famille.
♢ C'est une honte ! Quelle honte ! c'est une chose honteuse. Quelle honte de voir ça !
♢ Honte à celui, à ceux qui : que le déshonneur soit sur lui, sur eux. « Honte à toi qui la première M'as appris la trahison » (Musset).
2 ♦ Sentiment pénible de son infériorité, de son indignité ou de son abaissement dans l'opinion des autres (sentiment du déshonneur). ⇒ confusion, humiliation. Le rouge de la honte. Mourir de honte. « La honte l'oppressait » (Martin du Gard). AVOIR HONTE : avoir, éprouver de la honte (de qqch., de qqn). Il a honte de sa conduite, de ce qu'il a fait. Avoir honte de ses origines, de ses parents. Tu devrais avoir honte ! Il ne faut pas (en) avoir honte. Fam. J'ai la honte. C'est la honte. — Loc. littér. Avoir TOUTE HONTE BUE : devenir inaccessible à la honte, pour avoir trop supporté d'avanies, ou avoir trop commis de méfaits. « Pour convertir l'amour en instrument de fortune, il fallait avoir bu toute honte » (Balzac).
3 ♦ FAIRE HONTE (à qqn),être pour lui un sujet de honte. Tu me fais honte. — Faire à qqn des remontrances, des reproches destinés à lui inspirer de la honte, de la confusion. — Inspirer de la honte à qqn en lui donnant conscience de son infériorité. ⇒ humilier. « Je vous gêne, je vous fais honte. Je suis restée ici, fidèle, irréprochable » (Chardonne).
4 ♦ Vx COURTE HONTE. ⇒ échec, insuccès. Il en sera pour sa courte honte.
5 ♦ FAUSSE HONTE : scrupule excessif à propos de qqch. qui n'est pas blâmable. ⇒ réserve, retenue (cf. Respect humain) . « La fausse honte, qui en est bien une très véritable » (Musset).
6 ♦ Sentiment de gêne éprouvé par scrupule de conscience, timidité, modestie, crainte du ridicule, etc. Étaler son luxe sans honte. ⇒ pudeur, scrupule, vergogne; éhonté.
⊗ CONTR. Gloire, honneur. Audace.
honte
n. f.
d1./d Sentiment pénible causé par la conscience d'avoir commis une faute, par le fait de se sentir déshonoré, inférieur ou ridicule. Avoir honte d'une mauvaise action, d'une infirmité, d'une tenue vestimentaire.
|| Faire honte à qqn, lui faire des reproches pour qu'il ait honte. Faire honte à un enfant de ses mensonges.
— être un motif de honte pour qqn. Sa mauvaise conduite me fait honte.
|| Loc. Avoir perdu toute honte, avoir toute honte bue: être insensible au déshonneur.
|| Fausse honte: honte que rien ne justifie.
d2./d Timidité, embarras. Fillette qui a honte devant ses professeurs. N'avoir pas honte de dire telle chose.
|| (Afr. subsah.) Attitude de décence, de réserve, prescrite à l'égard de certaines personnes. Avoir (de) la honte devant les anciens.
d3./d Ce qui déshonore, humilie. Couvrir qqn de honte.
|| Fait honteux, acte scandaleux. C'est une honte!
⇒HONTE, subst. fém.
A. — Effet d'opprobre entraîné par un fait, une action transgressant une norme éthique ou une convenance (d'un groupe social, d'une société) ou par une action jugée avilissante par rapport à la norme (d'un groupe social, d'une société). Synon. déshonneur; anton. honneur. Les hontes du péché, du ridicule. Effacer la honte d'une mauvaise action; couvrir quelqu'un de honte (Ac.). Essuyer la honte d'un refus, d'une disgrâce (Ac. 1835-1935). Est-ce mon déshonneur, est-ce ma honte que vous me demandez? (SAND, Lélia, 1833, p. 27). Attendez donc!... Je serai là, je promettrai d'éviter à Fernand la honte de la cour d'assises et du bagne (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 667). Mais je suis arrivé trop tard! Le déshonneur était consommé! Ah! je suis désespéré. Je ne survivrai pas à ma honte (AYMÉ, Cléramb., 1950, IV, 8, p. 231) :
• 1. ... toutes sortes de pensées, de souvenirs, de projets (...) qu'on remâche sempiternellement (...) entre deux messages attendus huit jours et qu'il faut aussitôt brûler, entre deux amis fusillés, entre les yeux des flics qui vous guettent, entre chaque station de l'interminable itinéraire (...) qui mène au grand jour de sang où seront lavées toutes les hontes...
VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 40.
1. Locutions verbales
— Vieilli. Boire toute honte; (avoir) toute honte bue; mettre bas toute honte (Ac.). Être insensible à l'opprobre, au déshonneur. Il s'était aperçu que, pour convertir l'amour en instrument de fortune, il fallait avoir bu toute honte, et renoncer aux nobles idées qui sont l'absolution des fautes de la jeunesse (BALZAC, Goriot, 1835, p. 174) :
• 2. « Tiendrai-je trois quarts d'heure sous ce soleil? Si j'ai une insolation (...)? » On se souvient que c'était pour une singulière fragilité de la tête qu'Alban avait dû interrompre ses études. (...) Alban cessait de parler, incapable de rien d'autre que guetter l'approche du moment où il devrait, toute honte bue, demander la permission de se couvrir.
MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 411.
— Vx. (Revenir, s'en retourner) avec sa courte honte. (Faire quelque chose) après avoir essuyé un affront, un refus, ou sans avoir rien fait de ce qu'on s'était promis de faire (d'apr. Ac. 1835-1935).
♦ En être pour (en sortir à) sa courte honte. En être pour ses frais. Alors ceux qui blaguent, hypocrisent ou déchirent, en seront pour leur courte honte et pour leur mauvaise action (VERLAINE, Corresp., t. 1, 1872, p. 300). Vous allez voir le revirement de l'opinion (...). Les Rastiboulois en seront pour leur courte honte. Je parie qu'avant huit jours, le préfet est obligé de demander son changement (AUGIER, Fourchambault, 1878, pp. 139-140).
— Faire honte à qqn (de qqc.). Manifester ou dire à quelqu'un qu'il devrait avoir honte (infra B 2) de quelque chose ou de faire quelque chose. V. B 1 b faire honte. Faites-lui honte de sa paresse (Ac. 1835-1935). Il avait pensé d'abord à la mettre [sa sœur] de résidence chez la Sévère, mais ses autres parents lui en firent honte (SAND, F. le Champi, 1848, p. 94). Anne-Marie décidait de faire faire honte à son cousin par quelqu'un de sensé (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 173) :
• 5. Je ne puis accepter qu'elle parle de son père avec tant d'irrespect; mais, comme je tentais de lui faire honte : « Avec ça que toi tu le prends au sérieux », m'a-t-elle jeté à la face...
GIDE, École femmes, 1929, p. 1295.
2. Expressions
— [Gén. en incise]
♦ À la honte de + subst. Pour le déshonneur (de quelqu'un, de quelque chose). À la honte de la raison, du bon sens (Ac. 1835-1935). Le supernaturalisme apparaît comme une conception dépassée. Le seul moyen de guérir de cette étrange maladie qui, à la honte de la civilisation, n'a pas encore disparu de l'humanité, c'est la culture moderne (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 48).
♦ À ma (grande) honte [S'emploie pour indiquer qu'on se sent affecté dans son honneur ou sa dignité (par qqc.)] Je l'avoue à ma honte, je ne conçois pas l'amour dans la misère (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 108). À ma grande honte, c'est moi qui gagne tout! (BERNSTEIN, Secret, 1913, II, 1, p. 17) :
• 3. ... ce matin, (...) je me suis trouvé dehors à sept heures, ce qui ne m'était pas advenu, je le crains bien, et l'avoue à ma honte, depuis les jours de Milan en novembre dernier.
DU BOS, Journal, 1926, p. 69.
— [En apostrophe]
♦ Honte à + subst. [S'emploie pour exprimer qu'on condamne et qu'on voue au mépris public qqn qui a commis une action blâmable (ou qqc. qui est source de honte)] S'ils prétendent nous faire fléchir en nous frappant, ils se trompent. Honte aux timides qui ont peur! Honte surtout aux lâches qui exploitent nos misères (RENAN, Avenir sc., 1890p. 52). J'ai dit : honte à Zola, mais jamais à Gautier (BARRÈS, Cahiers, t. 9, 1911, p. 272) :
• 4. Alors, le vieux Mouça (...)
Cria : — Honte au mensonge et silence à la haine
Qui bave sur l'honneur de mes quatre-vingts ans!
LECONTE DE LISLE, Poèmes trag., 1886, p. 7.
♦ Honte sur + subst. (vx). Même sens. À tout prix au conseil ma parole en doit compte. Si j'y manquais... sur moi malheur, ruine et honte! (LAMART., T. Louverture, 1850, IV, 6, p. 1369). Honte sur toi! Ose dire cela et considère ta sottise! (CLAUDEL, Tête d'Or, 1890, 2e part., p. 59).
B. — 1. Sentiment de pénible humiliation qu'on éprouve en prenant conscience de son infériorité, de son imperfection (vis-à-vis de quelqu'un ou de quelque chose). Synon. confusion. La honte le retient. Être pris de honte (Ac.) :
• 6. Christophe vit rouge : il fut tout près d'appliquer son poing sur le mufle du grand-duc; mais il était écrasé par un chaos de sentiments contradictoires : la honte, la fureur, un reste de timidité, de loyalisme germanique, de respect traditionnel...
ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 497.
♦ Au plur., rare. Non, non, pas ce morceau-là... Vous savez que Monsieur aime la tête; il suce les petits os. Mouret, diminué, mangeant avec des hontes de pique-assiette (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 1086).
— Demi-honte. Quand la femme avoue cette ignorance avec ces mines, ces sourires, ces demi-hontes, et ce petit air gauche (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 231).
a) [Dans un syntagme introd. par de] Causé par la honte.
— Subst. + de (la) honte. Tremblement, rougeur, larmes de honte. J'ai pitié (...) du sourire qu'ils ont alors que le frisson de la honte leur passe dans le dos (CLAUDEL, Tête d'Or, 1901, 2e part., p. 224). Il eut une pensée rageuse (...) et il fut pris d'un vertige de honte (AYMÉ, Mais. basse, 1934, p. 194).
— Verbe + de honte. Périr, rougir, sangloter de honte. Et l'invocation aux mânes de Caton! Il y avait là de quoi mourir de honte. Il aurait voulu renier ces phrases (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p. 134). Je suis conscient de la noirceur de mon crime. Je n'entends d'ailleurs pas le tenir secret. Dussé-je en crever de honte, je le confesserai bien haut (AYMÉ, Cléramb., 1950, III, 2, p. 150).
— Adj. + de honte. Tous les enfants éclatèrent de rire; et certains se chargèrent de préciser l'allusion, en des commentaires aussi clairs qu'énergiques. Christophe se releva, rouge de honte (ROLLAND, J.-Chr., Aube, 1904, p. 46).
b) [Dans un syntagme verbal]
— Avoir (grand) honte (à + inf./de + inf.). Éprouver un sentiment de pénible humiliation en prenant conscience de son infériorité ou de son imperfection. Il a honte; n'avoir pas honte. Je souffre de n'avoir pu m'identifier en moi-même à la figure que je fais en ce monde. J'ai honte d'être quelque chose de moins que l'écrivain dont je fais les gestes (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1935-36, p. 89). Camille resta stupide, rentrant chez lui, de ne trouver personne dans le lit conjugal, ni dans la chambre des enfants (...). Le lendemain matin, il eut grand-honte devant la vieille Marie qui venait ouvrir les persiennes (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 133) :
• 7. ... nous aussi, quand nous pensions aux déportés, nous avions honte : nous ne nous reprochions rien, mais nous n'avions pas assez souffert.
BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 70.
— Rare. Prendre honte. Même sens. Soudain le chasseur prend honte en se sentant bourreau (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1034).
— Arg. Chier la honte. Éprouver beaucoup de honte (supra B 1). Tu as été boire tout seul et un litre!!! Tu ne chies pas la honte!!! (CARABELLI, [Lang. milit.]).
— Faire honte (à qqn). Être (pour quelqu'un) une raison de prendre conscience de son infériorité, de son imperfection, et d'éprouver ainsi un sentiment d'humiliation. V. A 2 faire honte. Cet écolier fait honte à tous les autres par son application (Ac. 1835-1935). Le voilà qui me cite les noms de vingt petits spectacles et d'autant de jardins (...) dont en effet je n'avais jamais entendu parler. Pendant qu'il pérorait en me faisant honte de mon ignorance, nous fûmes (...) poussés (JOUY, Hermite, t. 3, 1813, p. 258). En cinq jours les six mille ressortissants alliés avaient été évacués. Tant d'incurie française nous faisait honte auprès d'une organisation si bien entendue (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 374).
2. Sentiment pénible, gêne qu'on éprouve à l'idée d'enfreindre certaines convenances sociales, culturelles ou morales, ou à l'idée d'agir à l'encontre de sa dignité ou de la décence. Synon. confusion, pudeur, réserve. Je fis sa toilette mortuaire (...) j'enlevai ses vêtements trempés d'eau, découvrant un peu, avec honte, comme si j'eusse commis une profanation, ses épaules et sa poitrine, et ses longs bras aussi minces que des branches (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Miss Harriet, 1883, p. 878). Elle admirait Gomar. (...) elle s'asseyait sur ses genoux, l'embrassait sans honte, sur la bouche (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 44) :
• 8. Sur les draps blancs, André aperçoit le corps de Denise, ce corps frêle, débarrassé du fardeau, redevenu tel qu'aux plus vivantes heures d'amour. Une réaction brutale ressuscite en lui la volonté. Subitement, il a honte...
MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 200.
— En partic. Fausse honte, mauvaise honte. Honte causée par un scrupule excessif à propos de quelque chose qui n'est guère blâmable. Éprouver une fausse honte. Manquer au devoir par fausse honte (Ac. 1935). Je ne sais plus trop ce qui me fit effacer ainsi mon nom. Dans mon premier récit, j'ai mis en avant la mauvaise honte (GIDE, Si le grain, 1924, p. 581). Dans mon portefeuille, il y a cette lettre d'Anny. Une fausse honte m'empêche de la relire (SARTRE, Nausée, 1938, p. 85).
— Expressions
♦ [Avec un compl. indiquant la cause du sentiment]
Avoir honte de/à + inf. Il a honte de se montrer (Ac. 1835-1935). Un léger frôlement de branches (...) m'indiqua bientôt que les deux petites filles arrivaient... Le Chinois qui les avait entendues aussi, se leva d'un bond (...). Soit pudeur, soit honte d'étaler au soleil d'aussi laides choses, il courut à ses vêtements (LOTI, Mariage, 1882, p. 51) :
• 9. ... un jeune bandit que votre gouvernement envoyait aux bataillons d'Afrique, pour avoir fait, un soir, le guet (...), pendant que des amis à lui étranglaient une vieille dame. Il n'avait pas la moindre honte à raconter son histoire.
THARAUD, Dingley, 1906, p. 38.
Avoir honte de + subst. Il a honte de nous; il a honte de sa conduite. Tous les plus gros Bulgares viennent perdre, dans une piscine carrée, nus absolument, un peu de leur graisse jaune (...). Ils en sortent pourpres, crachant de la sueur (...) et un garçon crasseux les soutient, les étrille devant les autres, sur l'étroit quai de pierre. Pas un n'a honte de sa graisse suante, de sa laideur! Ils les étalent cyniquement, bestialement (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 142) :
• 10. ... il avait, la veille, écrasé à coups de talon une portée de petits chiots bâtards (...). Le soir, (...) il avait eu honte de sa férocité, et, pour se punir, il s'était imposé son châtiment coutumier : dix fois de suite une longue épingle dans la cuisse.
DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 14.
♦ [Avec un compl. introd. par pour désignant la pers. qui enfreint les convenances] Avoir honte (de qqc.) pour qqn. Demain matin, les Boches en prendront livraison quand ils en auront fini avec nous. Mathieu regarda les chasseurs : il avait honte pour les copains (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 165).
♦ Faire honte (à qqn) à + inf. Être (pour quelqu'un) un motif d'avoir honte (lorsqu'on fait telle ou telle action). Il nous fait honte à pleurer ainsi.
♦ [En apostrophe; s'emploie pour signifier à qqn qu'il devrait éprouver un sentiment de gêne (pour avoir fait ou pour faire telle ou telle action)] Tu n'as pas honte/vous n'avez pas honte (de + subst. ou inf.)? N'avez-vous point honte de manquer de parole, de vous comporter avec cette indécence? (Ac. 1835-1935). Vos violences, monsieur, j'en veux plus! (...) À faire les copains cocus et puis après à frapper sur leurs femmes!... Il est culotté ce saligaud-là! Vous avez donc pas honte? (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 606). Espèce de vieille voleuse, vous n'avez pas honte! Des gens riches comme vous, voler le charbon du ravitaillement! (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 115).
C. — (Aspect de) quelque chose, raison qui fait qu'on a honte (supra B) ou qui est à l'origine d'un effet social d'opprobre. Être la honte du village. De tels hommes sont la honte de l'humanité (Ac. 1835-1935). Le roi d'Angleterre et le roi signèrent ce fameux traité de Troyes, qui fut la honte du royaume (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 293). Elle avait l'air indigné et répondit : « Non, mon cher, il y a des moments où ces choses-là ne se font pas; et puis, ici, ce serait une honte » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Boule de Suif, 1880, p. 134). Alors, cette enfant de quatorze ans apprit, comme dans un devoir, ce que l'on cache aux vierges juqu'à la nuit des noces. Elle feuilletait les planches de l'Anatomie, ces planches superbes d'une réalité saignante; elle s'arrêtait à chacun des organes, pénétrait les plus secrets, ceux dont on a fait la honte de l'homme et de la femme (ZOLA, Joie de vivre, 1884, p. 854) :
• 11. Sa foi civique était entière, sinon sa foi protestante. Il ne pouvait se tirer d'anciens mensonges que par de nouveaux mensonges et fuyait devant son passé. Il se pourrait qu'une partie du drame de sa vie tînt à la rigueur même de la loi de cette république cléricale où il était né et qui mêlait si fâcheusement le civil et le sacré. Elle faisait de toute erreur une honte...
GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1950, p. 97.
— [Dans une tournure exclam.] Les affaires, quelle honte! La prison est moins ignoble (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 160) :
• 12. ... il écoutait Me Laforge (...) commencer un réquisitoire contre le régime tsariste, (...) comme la salle devenait houleuse, il y eut une suspension de séance, (...) Patrick put échanger quelques paroles avec Marie-Jeanne : — « Quelle honte », disait-elle, « qu'en Europe, et en 1910, il puisse y avoir un bagne comme cet empire russe! »
BOURGET, Actes suivent, 1926, p. 103.
— En partic. Personnage source de honte. Victor Hugo aveugle, un œil sévère fermé à jamais, cela plaisait aux hontes du temps présent (HUGO, Corresp., 1865, p. 510). N'est-il pas frappant déjà, au premier abord, que nos grandes hontes, nos hontes nationales, Jaurès, Hervé, Thalamas, ne sont point juives, ne sont point des « Juifs » (PÉGUY, Notre jeun., 1910, p. 189).
— Expr. Il (n')y a (pas de) honte à qqc. Il (n')y a (rien)/qqc. de honteux à (faire) qqc. Il n'y a pas de honte à reconnaître ses torts. Il y a encore une sorte de honte à avouer publiquement qu'on ne les aime pas (NIZAN, Chiens garde, 1932, p. 69). Blaise, furieux : Je déteste que vous me rappeliez que j'ai été séminariste... Mais vous le faites exprès! Marcelle : Il n'y a pas de honte à avoir été au séminaire! (MAURIAC, Asmodée, 1938, I, 4, p. 36).
Prononc. et Orth. : [] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 hunte « déshonneur » (Roland, éd. J. Bédier, 21 et 2582); b) 1174-76 faire hunte (à qqn) « outrager » (G. DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 1674); c) ca 1223 boire honte « éprouver toutes sortes d'avanies » (G. DE COINCI, Miracles N.D., éd. V. F. Koenig, I Mir. 10, 1426); 1re moitié XVe s. avoir toutes ses hontes bues (Le jugement du povre triste amant banny, 744 ds Romania t. 34, p. 395); d) 1552 courte honte (RABELAIS, Quart Livre, éd. R. Marichal, p. 22, 263); 2. av. 1563 honte « timidité, retenue, pudeur » (LA BOÉTIE, 312 ds LITTRÉ). De l'a. b. frq. haunipa « dédain, mépris, raillerie » (v. honnir) que l'on peut restituer d'après l'a. h. all. hônida « déshonneur », le m. néerl. hoonde « id. » et la forme latinisée haunitas (?) « id. », attestée ds les Gloses de Reichenau ([ms. : haut tes] ds éd. H.-W. Klein et A. Labhardt, p. 173, s.v. ignominia). Fréq. abs. littér. : 5 546. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 6 169, b) 6 454; XXe s. : a) 9 358, b) 9 236.
honte ['ɔ̃t] n. f.
ÉTYM. 1080, hunte, Chanson de Roland; du francique haunipa, haunita, même rac. que honnir.
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1 Déshonneur humiliant. ⇒ Abaissement (cit. 5), abjection, bassesse, dégradation, déshonneur, flétrissure, humiliation, ignominie, indignité, opprobre, turpitude. || Couvrir qqn de honte publiquement. ⇒ Bafouer, dégrader, honnir. || Jeter, semer la honte et l'opprobre sur qqn (→ Calomniateur, cit. 6). || Cette action le couvre de honte (→ Gratuitement, cit. 6). || Infliger, encourir, essuyer, recevoir la honte d'un affront, d'une avanie, d'un démenti, d'une insulte (⇒ Flétrissure). || Action qui cause de la honte, couvre qqn de honte. — Vieilli. || Porter honte à qqn (⇒ Dégradant, honteux, humiliant, infamant). — Étaler sa honte (→ Accouplement, cit. 2). || Avouer, pleurer sa honte. || Cacher, enfermer (cit. 8), ensevelir (cit. 16) sa honte. || Effacer (cit. 6) sa honte. || S'éviter (cit. 45) une honte, la honte d'un affront. — La honte d'un crime, qui s'attache à un crime (→ Affreux, cit. 2). || La honte du scandale. || La honte d'une situation infamante, de l'esclavage (→ Épreuve, cit. 29). || Jours de misère et de honte (→ Arriver, cit. 42).
1 Viens mon fils, viens mon sang, viens réparer ma honte (…)
Corneille, le Cid, I, 5 (→ Honneur, cit. 1).
2 Le crime fait la honte et non pas l'échafaud.
Thomas Corneille, le Comte d'Essex, IV, 3 (→ Crime, cit. 15, Voltaire).
3 Suivons la nature, qui a donné aux hommes la honte comme leur fléau; et que la plus grande partie de la peine soit l'infamie de la souffrir. Que, s'il se trouve des pays où la honte ne soit pas une suite du supplice, cela vient de la tyrannie, qui a infligé les mêmes peines aux scélérats et aux gens de bien.
Montesquieu, l'Esprit des lois, VI, 12.
4 — Un éclat !… non… mais le divorce… — Moi, publier ma honte ! Quelques lâches l'ont fait ! c'est le dernier degré de l'avilissement du siècle. Que l'opprobre soit le partage de qui donne un pareil scandale (…)
Beaumarchais, la Mère coupable, III, 9, p. 468.
5 Songe que c'est avec ignominie qu'il te chassera de sa maison; tout Verrières, tout Besançon parleront de ce scandale. On te donnera tous les torts; jamais tu ne te relèveras de cette honte (…)
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XIX.
6 (…) je n'ai pas voulu survivre à la honte d'une faillite.
Balzac, Eugénie Grandet, Pl., t. III, p. 516.
7 (…) et ce sera le frisson de l'histoire
De voir à tant de honte aboutir tant de gloire !
Hugo, l'Année terrible, Janvier 1871, XIII.
8 (…) un larcin véniel (…) attire sur son auteur immanquablement l'opprobre formel (…) le déshonneur automatique et la honte inexpiable (…)
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 66.
♦ Affront, humiliation. Vx. || Essuyer une honte, des hontes. || Faire cent hontes, mille hontes à quelqu'un. — (V. 1175). || Faire honte à qqn, l'humilier (a aujourd'hui un autre sens; → ci-dessous, 3.).
9 (…) il me ferait cent hontes, cent opprobres devant tout le monde.
Molière, le Médecin volant, 15.
10 La plus brillante fortune ne mérite point ni le tourment que je me donne (…) ni les humiliations, ni les hontes que j'essuie (…)
La Bruyère, les Caractères, VIII, 66.
♦ Il y a de la honte à (et inf.) : c'est une chose honteuse, vile.
11 (…) il y aurait de la honte à m'abandonner (…)
Fénelon, Télémaque, XII.
♦ À la honte de qqn, en lui infligeant, en lui faisant souffrir un déshonneur. || À sa honte (→ Courir, cit. 39; 2. farce, cit. 1), à sa grande honte. — Fig. || À la honte de l'humanité, de la raison… (→ Esclavage, cit. 3).
♦ (1690). || Être la honte de. || De tels hommes sont la honte de l'humanité (Académie). — (1866). || Faire la honte de… || Sa mauvaise conduite a fait la honte de sa famille.
12 Divorces et séparations si ordinaires aujourd'hui dans le monde, et que nous pouvons regarder comme la honte de notre siècle (…)
Bourdaloue, Dominicains, 2e dimanche après l'Épiphanie, I.
13 (…) enfin il (Galilée) fut condamné, à la honte de la raison (…)
Voltaire, Singularités de la nature, XXVI.
♦ C'est une honte ! || Quelle honte ! : c'est une chose honteuse, qui soulève l'indignation. ⇒ Scandale. — Par exagér. ou plais. || On n'est pas enjôleur (cit. 4) à ce point; c'est une honte, cela n'est pas permis, cela n'est pas admissible.
14 Une femme qu'on a reçue ici par charité, venir étaler ses velours et ses diamants dans une voiture armoriée ! N'est-ce pas une honte ?
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, p. 335.
♦ (1837). Littér. || Honte à celui, à ceux qui…, que le déshonneur, l'opprobre soit sur lui, sur eux. Fig. || Honte à la méchanceté, à la guerre.
15 Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle (…)
Lamartine, Recueillements poétiques, « À Némésis ».
16 Honte à toi qui la première
M'as appris la trahison (…)
A. de Musset, Poésies nouvelles, « La nuit d'octobre ».
17 (…) Honte au mensonge et silence à la haine
Qui bave sur l'honneur de mes quatre-vingts ans !
Leconte de Lisle, Poèmes tragiques, « L'apothéose de Mouça-al-Kébyr ».
2 (1611). Sentiment pénible d'infériorité, d'indignité devant sa propre conscience, ou d'humiliation devant autrui, d'abaissement dans l'opinion des autres (sentiment du déshonneur). ⇒ Confusion, dégoût (de soi), humiliation. || La souffrance, les souffrances, les douleurs de la honte (→ Aigu, cit. 11). || Honte et regret, et remords, et repentir. — Exclam. || Quelle honte ! || C'est la honte !
18 (…) il arrive que l'on ait honte simplement par crainte de l'opinion défavorable d'autrui — c'est l'aspect « vain » de la honte; la honte véritable comporte la révélation sincère de notre bassesse ou de notre incapacité; elle est l'expérience douloureuse de notre indignité.
J. Maisonneuve, les Sentiments, p. 72.
♦ Avoir, éprouver de la honte de qqch. (→ Conte, cit. 1). — Avoir honte. || Avoir honte de qqch., d'avoir fait qqch. (→ Action, cit. 16). || Avoir honte de soi. || Il devrait avoir honte (→ Il n'y a pas de quoi se vanter). || Tu n'as pas honte ? || N'as-tu pas honte de faire, d'avoir fait (telle chose) ? → Amasser, cit. 2; conséquent, cit. 1; envi (à l'), cit. 6. || J'en ai honte pour lui. — Prendre honte de soi (→ Désavouer, cit. 9). — Baisser les yeux, le front, sous l'effet de la honte. ⇒ Baisser, cacher (se), courber (le front, la tête, les yeux), voiler (se voiler la face); → Chemin, cit. 9. ☑ Rougir de honte : être rouge, cramoisi de honte (→ Confusion, cit. 9; front, cit. 17). || Le feu (1. Feu, cit. 68), le rouge de la honte (→ Ensorceler, cit. 8). || Pleurer de honte. — Par exagér. || Mourir de dépit (cit. 1) et de honte. || De honte, il souhaitait être à cent pieds sous terre.
19 Je me ressouvins du peu d'esprit que j'avais témoigné devant la mère et la fille, et toutes les fois que cela me venait dans l'esprit, la honte me mettait le visage tout en feu.
Scarron, le Roman comique, p. 68.
20 La honte, compagne de la conscience du mal, était venue avec les années; elle avait accru ma timidité naturelle au point de la rendre invincible (…)
Rousseau, les Confessions, III.
21 Quand vous aurez lu les lettres qui y sont, vous aurez, malgré votre infamie, honte de les avoir lues; mais avez-vous encore honte de quelque chose ? demanda-t-elle après une pause.
Balzac, Une ténébreuse affaire, Pl., t. VII, p. 526.
22 Elle ne s'arrêta pas un moment à l'idée de revoir Darcy. Cela lui paraissait impossible; elle serait morte de honte en l'apercevant.
Mérimée, la Double Méprise, XIV.
23 Les prostituées (…) ont perdu la superbe et dépouillé l'orgueil (…) elles possèdent l'humilité (…) Elles sont comme nous des coupables, mais la honte coule sur leur crime comme un baume (…)
France, le Lys rouge, XVII.
24 (…) il me laissait agir à ma guise. Puis, il en avait honte. Il menaçait, plus furieux contre lui que contre moi. Ensuite, la honte de s'être mis en colère le poussait à lâcher les brides.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 160.
25 Toute sa volonté se tendait en un seul effort : ne se souvenir de rien ! La honte l'oppressait, empêchait les larmes de monter jusqu'aux yeux. Elle était dominée par un sentiment nouveau : la peur. — La peur d'elle-même.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 271.
♦ Ne pas craindre (cit. 7) la honte : être inaccessible, insensible à la honte (⇒ Éhonté). || Avoir perdu toute honte.
♦ ☑ Loc. (Déb. XVe). Avoir toute honte bue : devenir inaccessible à la honte pour avoir trop supporté d'avanies, ou avoir trop commis de méfaits. ⇒ 1. Boire (cit. 35 et supra).
26 On dit proverbialement, qu'un homme a toute honte bue (…) en parlant d'un scélérat (…) de celui qui ne se soucie pas des affronts, des mépris.
Furetière, Dict., art. Honte.
27 En l'an trentième de mon âge
Que toutes mes hontes j'eus bues (…)
Villon, Testament, I.
28 Les Ribalier et les Cogé devraient mourir de honte, s'ils n'avaient pas toute honte bue.
Voltaire, Lettre à Damilaville, 3189, 28 sept. 1767.
29 (…) il s'était aperçu que, pour convertir l'amour en instrument de fortune, il fallait avoir bu toute honte (…)
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 976.
29.1 Les assemblées n'ont pas de vergogne. Elles montrent à nu des sentiments que les particuliers éprouvent mais dissimulent. Une collectivité a toute honte bue parce qu'elle compte sur l'anonymat.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 161.
3 (Fin XIIe). || Faire honte (à qqn). a (Sujet n. de chose). Être pour lui un sujet de honte. || La conduite de ce garçon fait honte à son père. || Tu me fais honte.
30 Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois. Cela me fait honte de vous ouïr parler de la sorte (…)
Molière, les Précieuses ridicules, 4.
31 Ah ! Seigneur, songez-vous que toute autre alliance
Fera honte aux Césars, auteurs de ma naissance ?
Racine, Britannicus, II, 3.
b (Sujet n. de personne). Faire à qqn des remontrances, des reproches destinés à lui inspirer de la honte, de la confusion. || Faites-lui honte, il le mérite bien. || Faites-lui honte de sa paresse.
32 Et je consens encor que tu me fasses honte
Des faiblesses d'un cœur qui souffre qu'on le dompte.
Molière, la Princesse d'Élide, I, 1.
33 Je lui dis qu'il me fait mal au cœur aussi, je lui fais honte; je lui dis que ce n'est point là la vie d'un honnête homme (…)
Mme de Sévigné, Lettres, 159, 22 avr. 1671.
34 Un des membres perdit la tête, au point de sauter, pour se sauver, dans la tribune des femmes. Madame Roland y était, qui lui en fit honte, et l'obligea d'en sortir, comme il y était venu.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, IX.
♦ Inspirer de la honte (à qqn), en donnant conscience d'une infériorité, en invitant à une comparaison pénible. || Cet élève fait honte à tous les autres par son travail. ⇒ Humilier.
35 Je vous gêne. Je vous fais honte. Je suis restée ici, fidèle, irréprochable, j'ai gardé le foyer.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 474.
♦ Poét. Éclipser.
36 À quelles roses ne fait honte
De son teint la vive fraîcheur (…)
37 La belle enfin découvre un pied dont la blancheur
Aurait fait honte à Galatée (…)
La Fontaine, Contes, « Le fleuve Scamandre ».
4 ☑ (1552, Rabelais). Courte honte. ⇒ Échec, insuccès. || Il en sera pour sa courte honte. || S'en revenir, s'en retourner avec sa courte honte.
REM. Littré cite à l'art. Court une phrase de Pasquier : « (…) je n'oserais dire avec notre courte honte; car elle n'a été que trop grande (…) » d'après laquelle courte honte signifierait « honte de petite dimension, sans gravité; confusion ».
38 (…) la coterie holbachique, qui prédisait hautement que je ne supporterais pas trois mois de solitude, et qu'on me verrait dans peu revenir, avec ma courte honte, vivre comme eux à Paris.
Rousseau, les Confessions, IX.
5 ☑ Fausse honte (1735), mauvaise honte (1660) : honte éprouvée, par un scrupule excessif ou par timidité, à propos d'une chose qui n'est pas blâmable. ⇒ Réserve, respect (humain), retenue.
39 (…) si tu as besoin de ma bourse, viens hardiment à moi : qu'une mauvaise honte ne te prive point d'un secours infaillible, et ne me ravisse point le plaisir de t'obliger.
A. R. Lesage, Gil Blas, XII, VII.
40 De tous les obstacles qui nuisent à l'amour, l'un des plus grands est sans contredit ce qu'on appelle la fausse honte, qui en est bien une très véritable. Croisilles n'avait pas ce triste défaut que donnent l'orgueil et la timidité (…)
A. de Musset, Nouvelles, Croisilles, IV.
41 (…) gens distingués, sympathiques, vivant renfermés chez eux, surtout par fausse honte de leur situation gênée.
R. Rolland, Jean-Christophe, Dans la maison, I, p. 964.
42 Mais nous ne savons plus nous assouvir; quelque fausse honte nous retient toujours.
J. Romains, Lucienne, p. 173.
6 (Sens affaibli). a Sentiment de gêne éprouvé par scrupule de conscience, par timidité, modestie, humilité, crainte du ridicule. || La honte qui l'empêche d'être naturel. ⇒ Contrainte (cit. 6), embarras, gêne, réserve, respect, retenue, timidité (→ Cynique, cit. 4; effaroucher, cit. 3 et 5). — Avoir honte de parler (→ Attention, cit. 10), d'avancer (cit. 8) certains arguments, de se trouver dans une certaine compagnie (→ Dégoûter, cit. 3). — Pleurer sans honte. || Jouir sans honte de sa tranquillité (→ Allégement, cit. 3). || Étaler son luxe sans honte. ⇒ Pudeur, scrupule, vergogne. || La honte le retient (→ Église, cit. 15).
43 La même honte qui me retint m'a souvent empêché de faire de bonnes actions, qui m'auraient comblé de joie, et dont je ne me suis abstenu qu'en déplorant mon imbécillité.
Rousseau, Rêveries…, 9e promenade.
44 (…) le vague sentiment de honte que l'on a en présence de gens humiliés au delà de ce qu'ils méritent.
J. Green, Adrienne Mesurat, I, X.
b Gêne, retenue qu'inspire la pudeur (→ Aiguillette, cit. 3; auréole, cit. 8). Vx. || « Une honte virginale » (Montaigne, Essais, II, XV). — Avoir honte de sa nudité, de son corps (→ Fixer, cit. 14).
45 La bru de Pythagoras disait que la femme qui se couche avec un homme doit avec la cotte laisser aussi la honte, et la reprendre avec le cotillon.
Montaigne, Essais, I, XXI.
46 Ils étaient nus tous deux, l'homme et sa femme, sans en avoir honte.
Bible (Crampon), Genèse, II, 25.
47 (…) ce n'est que samedi qu'on est venu tourner autour de moi, et me balbutier quelques mots; encore prononcés si bas et tellement étouffés par la honte, qu'il était impossible de les entendre. Mais la rougeur qu'ils causèrent m'en fit deviner le sens.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre CX.
48 En un instant, Salavin fut complètement nu et vit emporter ses vêtements. La nuit était chaude, il se mit pourtant à grelotter de honte.
G. Duhamel, Salavin, V, XVII.
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CONTR. Gloire, honneur. — Audace, effronterie, impudeur, indécence.
DÉR. Honteux.
COMP. Ahonter.
Encyclopédie Universelle. 2012.