phrase [ fraz ] n. f.
• 1546; lat. phrasis, mot gr. « élocution »
1 ♦ Vx Tour, expression. « Les synonymes sont plusieurs dictions [façons de dire] ou plusieurs phrases différentes qui signifient une même chose » (La Bruyère).
2 ♦ Mod., Plur. Faire des phrases : parler de manière recherchée ou prétentieuse (⇒ phraseur) . « je ne sais pas faire de phrases, moi, je dis ce que je pense » (M. Arland ). — Phrase toute faite : formule conventionnelle. ⇒ cliché. — Sans phrases : sans commentaire, sans détour. Allus. hist. « La mort, sans phrases » (attribué à Sieyès, pour condamner Louis XVI).
3 ♦ (XVIIIe) Tout assemblage linguistique d'unités qui fait sens (mots et morphèmes grammaticaux) et que l'émetteur et le récepteur considèrent comme un énoncé complet; unité minimale de communication. Analyse logique d'une phrase en plusieurs propositions. Phrase simple, constituée d'une seule proposition; phrase complexe, composée de plusieurs propositions. Suite de phrases. ⇒ discours, texte. Phrase nominale et phrase verbale. Structure de la phrase. ⇒ syntaxe. Phrase incorrecte, mal formée, agrammaticale, asémantique, inachevée. Accent de mot et accent de phrase. Ponctuation de la phrase. Constituants, thème, prédicat d'une phrase. Phrase d'un seul mot (ex. Viens !).— Dire, prononcer une phrase. Échanger quelques phrases. ⇒ propos. — Loc. Petite phrase, extraite des propos d'un homme public et abondamment commentée par les médias. Le « jeu des petites phrases — sitôt prononcées, sitôt regrettées » (L'Express, 1983).
♢ Collect. Mouvement, rythme de la phrase. « J'aime par-dessus tout la phrase nerveuse, substantielle, claire » (Flaubert). La phrase de Saint-Simon, de Proust. ⇒ style.
4 ♦ (1742) Mus. Succession ordonnée de périodes aboutissant à une cadence (musique classique) ou constituant un tout complet. Phrase mélodique, harmonique. « Le pianiste jouait, pour eux deux, la petite phrase de Vinteuil qui était comme l'air national de leur amour » (Proust).
● phrase nom féminin (latin phrasis, mot grec) Unité grammaticale composée d'éléments ordonnés, capable de porter l'énoncé complet d'une proposition. Fragment du discours musical, indépendant du découpage en mesures et qui se termine par une cadence. ● phrase (citations) nom féminin (latin phrasis, mot grec) Frédéric Sauser, dit Blaise Cendrars La Chaux-de-Fonds 1887-Paris 1961 À l'origine n'est pas le mot, mais la phrase, une modulation. Écoutez le chant des oiseaux ! Blaise Cendrars vous parle Denoël Joseph Delteil Villar-en-Val, Aude, 1894-Grabels, Hérault, 1978 La phrase de Gustave Flaubert est une belle automobile en panne. Choléra Grasset Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Plus une idée est belle, plus la phrase est sonore. Correspondance, à Mlle Leroyer de Chantepie, 1857 Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 La vie est une phrase interrompue. Tas de pierres Éditions Milieu du monde ● phrase (expressions) nom féminin (latin phrasis, mot grec) Petite phrase, courte phrase détachée des propos tenus en public par une personnalité et censée révéler la pensée profonde de l'auteur. Phrase toute faite, forme banale et conventionnelle ; cliché.
phrase
n. f.
d1./d Assemblage de mots, énoncé, qui présente un sens complet. Phrase correcte, élégante, mal construite, boiteuse. Sujet et prédicat d'une phrase. Phrase ne comportant qu'un mot, ou mot-phrase. (Ex.: Cours!)
|| Au Plur. Faire des phrases: avoir un langage affecté, tenir des discours vains et prétentieux.
— Sans phrases: sans ambages, sans détours.
d2./d MUS Suite de notes ou d'accords présentant une certaine unité et dont la fin est marquée par un repos (cadence ou silence).
⇒PHRASE, subst. fém.
I. —LING. et lang. cour.
Rem. C'est le sens anc., le seul qu'ait le mot phrase jusqu'au XVIIIe s. Il est proche du sens étymol. (gr. , lat. phrasis «diction, élocution»). Il ne subsiste que dans qq. emplois (notamment au plur., avec valeur péj., infra 3) et dans qq. comp. (périphrase, phraséologie, phraséologique). La rubrique I A regroupe donc tous les emplois, vieillis ou non, où le mot phrase peut désigner une unité inférieure à la phrase au sens mod. I B. À la limite, il peut s'agir d'une phrase entière.
1. Tour, tournure de phrase(s). Expression, façon de s'exprimer. Je ne crois pas que l'on doive faire un mode particulier de ces tournures de phrases, Oserais-je observer? Ne pourrait-on pas essayer? (...) Par leur forme, elles sont interrogatives (...). Pour le fond de l'expression, elles signifient, je doute, je ne sais, je crois pouvoir, etc., etc. (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p.52). Il empruntait à Stephen sa démarche, sa mise, ses idées, ses inflexions de voix et jusqu'à ces tournures de phrases et ces mots que l'on affectionne sans le savoir et dont on se sert habituellement (KARR, Sous tilleuls, 1832, p.274). V. employer A 3 b ex. de Hémon.
— Phrase(s) toute(s) faite(s). (Phrase a le sens de «expression», à la limite le sens mod. B). Les parties du langage qui ont la vie la plus dure sont les phrases toutes faites, les locutions usuelles (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p.285).
— Vx. Phrase faite. ,,Façon de parler particulière, qui est consacrée par l'usage, et à laquelle il n'est pas permis de rien changer. Faire rage, faire grâce, avoir à coeur, battre monnaie, etc., sont autant de phrases faites`` (Ac. 1878).
2. Vx. Tour figé. Le style de Mallarmé doit précisément son obscurité, parfois réelle, à l'absence quasi totale de clichés, de ces petites phrases ou locutions ou mots accouplés que tout le monde comprend dans un sens abstrait, c'est-à-dire unique (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p.304):
• 1. Et il écrivit une longue lettre doucement tendre, pleine de phrases et de périphrases, de métaphores et de comparaisons, de philosophie et de galanterie universitaire, un vrai chef-d'oeuvre de grâce burlesque.
MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Quest. du lat., 1886, p.570.
3. Péjoratif
a) Au plur. Expression vide sous des apparences rhétoriques (à la limite phrase entière au sens B infra) contenant des clichés. Qu'on me réponde par des raisons, et non par des phrases (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p. 331). Mais le bien ou le juste sont en fait pour Julien Benda, tout au contraire, le principe et la vérité, au prix de quoi tout le reste apparaît mots et phrases (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p.86).
♦De grandes, de belles phrases. L'étalage des grands sentiments, les belles phrases sur le peuple me font horreur chez un garçon comme Alain, qui n'a jamais cherché que son plaisir (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, III, 2, p.227).
♦Des phrases toutes faites. Il ignorait les phrases toutes faites et les rites de la politesse (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.305).
♦Aimer, détester les phrases. Le maréchal, qui détestait les phrases, d'abord parce qu'elles sont détestables, et ensuite parce qu'il ne savait pas en faire, lui avait tourné le dos (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1836, p.355). Voyons, Jenkins, vous savez bien que je n'aime pas les phrases (...) ça ne va donc pas par là? (A. DAUDET, Nabab, 1877, p.36).
♦Faire des phrases. ,,Parler d'une manière recherchée et affectée`` (Ac. 1935). Au collège, dans tes narrations, tu faisais déjà des phrases (RENARD, Journal, 1901, p.685).
♦Se payer de phrases. Se contenter de vaines paroles. Synon. plus fréq. se payer de mots. Nous en appelons à la conscience du public, lequel, dieu merci! ne se paye plus de mots ni de phrases (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.82).
♦Sans phrases. Sans rhétorique creuse. Arrivez donc, Monsieur, sans tant de phrases, à ce que vous proposez (BECQUE, Corbeaux, 1882, II, 9, p.136). Sans phrases, sans mots à effet (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.295):
• 2. ... c'est exquis de se parler sans phrases. Mais quand on écrit, quand j'écris, je ne puis faire autrement que de chercher, de solenniser pour arriver à dire la vérité.
ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1907, p.128.
♦Pas de phrases. —Le conseil d'administration m'a prié de vous dire... —Oh! pas de phrases (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p.26).
♦Enfileur, tourneur, faiseur de phrases. Assez sur ce pleurnichard. Flatteur de la populace, enfileur de phrases, hypocrite furibond (SALACROU, Terre ronde, 1938, I, 1, p.142).
Rem. Rare, sans valeur péj.: Ah! Ce Gustave Geffroy, ce joli tourneur de phrases, ce fin et délicat penseur, ce lettré artiste enfin, que j'aime pour un tas de bonnes et tendres choses que je sens en lui, il me fait de la peine (GONCOURT, Journal, 1888, p.745).
b) Au sing., rare.
) Tournure figée, qu'on ne peut prendre à la lettre:
• 3. YVONNE: Je compte sur Georges pour faire preuve de caractère une fois au moins, et pour trancher dans le vif. GEORGES: Trancher dans le vif est une phrase.
COCTEAU, Parents, 1938, I, 9, p.221.
) Rhétorique, déclamation, emphase. Pillerault, peu démonstratif, ainsi que l'indiquaient son attitude calme et sa figure arrêtée, avait une sensibilité tout intérieure, sans phrase ni emphase (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.124). Le vice moderne qui a fait le plus de mal peut-être dans ces derniers temps a été la phrase, la déclamation, les grands mots (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t.1, 1849, p.92).
B. —Assemblage de mots, grammaticalement cohérent, marqué par une intonation ou une mélodie spécifique, encadré de pauses (à l'écrit, de signes de ponctuation forte: point, point d'interrogation, point d'exclamation), que le locuteur considère comme produisant un sens complet (assertif, interrogatif ou injonctif). Phrase après phrase; un amas de phrases, un membre de phrase; la vérité tient en une phrase. J'ai frémi en tombant d'abord sur cette phrase: «Toute jeune fille qui lira ce livre est perdue» (NERVAL, Filles feu, Sylvie, 1854, p.610). Un livre n'est qu'une suite de phrases que l'auteur prononce ou fait prononcer à ses personnages (TAINE, Philos. art, t.2, 1865, p.321). [Proust] donne, selon le cliché nouveau, des «coups de sonde» à chaque détour de phrase, il nous étonne par la manière qu'il a de toucher à tout (BLANCHE, Modèles, 1928, p.152):
• 4. ... il croyait triompher de sa femme, et l'accablait alors d'une grêle de phrases qui répétaient la même idée et ressemblaient à des coups de hache rendant le même son.
BALZAC, Lys, 1836, p.177.
Rem. Ce sens corresp. à une intuition plus ou moins floue. Le découpage d'un discours en phrases (p.ex. d'un texte non ponctué) peut varier sensiblement d'un locuteur à un autre.
1. [La phrase comme acte ou comme résultat d'un acte d'énonciation]
♦Former, construire, énoncer, proférer, lancer, polir une phrase; écrire, dicter, citer une phrase; lâcher des bouts de phrase; balbutier quelques phrases; commencer, achever, finir, terminer sa phrase. Il recommença ses phrases lentes, ses tours et détours de paroles (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.204). Écrivains. Ceux pour qui une phrase n'est pas un acte inconscient, analogue à la manducation et à la déglutition d'un homme pressé qui ne sent pas ce qu'il mange (VALÉRY, Litt., 1930, p.55):
• 5. ... il affectait un dandinement de lassitude, une voix molle, avec des mots d'argot, des phrases qu'il ne se donnait pas la peine de finir.
ZOLA, Nana, 1880, p.1382.
♦Chercher ses phrases. Synon. plus fréq. chercher ses mots (v. mot). Il tournait de côté et d'autre, d'un air emprunté, cherchant ses phrases (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p.200).
♦Rattraper sa phrase. Lui faire dire autre chose que son début ne laissait prévoir. Elle devenait toute pâle souvent, (...) rattrapant sa phrase avec la confusion d'une vilaine pensée (ZOLA, Assommoir, 1877, p.491).
♦Rester sans phrase (rare). Rester bouche bée. Abasourdie, elle le regardait à son tour, restait sans phrase (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p.143).
— Dans le domaine pol. Petite phrase. Propos bref d'un homme politique, qui sert à frapper l'opinion. Ainsi donc, la petite phrase de Françoise Giroud n'avait pas été lancée au hasard. Dès l'ouverture, le Centre Pompidou doit s'attendre, comme une vulgaire maison de la culture ou un centre dramatique, à voir ses crédits sérieusement rognés (Le Nouvel Observateur, 4 oct. 1976, p.69, col. 2).
SYNT. Répéter une phrase; aligner des phrases; échanger quelques phrases; répondre d'une phrase, en une phrase, en deux phrases, en quelques phrases; lire, déchiffrer, comprendre une phrase; le début, le milieu, la fin d'une phrase; s'arrêter au milieu d'une phrase; s'embrouiller dans ses phrases; des bribes, des lambeaux de phrases; des amas de phrases; se rappeler une phrase de...
2. [La phrase comme contenu] Le sens, la signification d'une phrase; phrases à double sens, équivoques, ambiguës; phrase claire, obscure, embrouillée; phrase d'excuse, de compliment:
• 6. ... c'était aussi l'intonation singulièrement significative de cette voix qui me faisait encore dresser l'oreille, comme à une phrase lourde de sous-entendus.
GRACQ, Syrtes, 1951, p.36.
— Vx. Phrase botanique. ,,Description d'une plante qui en présente tous les caractères dans une phrase très courte`` (LITTRÉ).
3. [La phrase comme lieu de qualités ou de défauts grammaticaux ou stylistiques]
— Des phrases élégantes, amples, organisées, bien faites, bien construites; de longues phrases sinueuses, enchevêtrées, entortillées, interminables; des phrases brèves, courtes, rapides, hachées; des phrases gauches, maladroites, boiteuses, incohérentes, incompréhensibles; des phrases banales, sèches, piquantes; phrase oratoire.
— Le rythme, l'harmonie, l'équilibre de la phrase. Quant au style, j'ai moins sacrifié dans ce livre-là que dans l'autre à la rondeur de la phrase et à la période (FLAUB., Corresp., 1862, p.67). Autrefois —je m'en aperçois enfin —ma phrase disait une chose et le mouvement de la phrase donnait la sensation de sa présence. J'écrivais pour les sens autant que pour l'esprit (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p.72):
• 7. ... des discours incohérents transperçaient par instants les murs, des propos interrompus, scandés de «sacré nom de dieu» marquant la cadence de la phrase, où il était question de rosses, de chameaux, et d'étranges brebis égarées ramenées au bercail à coup de bottes dans les fesses.
COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 3e part., 1, p.216.
— La phrase de Chateaubriand, d'Anatole France, de Marcel Proust. La phrase de ces écrivains considérée dans sa longueur, sa complexité, son rythme... La phrase latine, française. Traiter des questions toutes modernes avec la phrase de Descartes et le vocabulaire de Bossuet, voilà le problème qu'a souvent résolu M. Brunetière (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.224). La phrase du XVIIe siècle est longue, à périodes; c'est l'époque du développement, de la dissertation (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.43). C'est dans la mesure où elle diffère de la phrase véritablement écrite, que la phrase dramatique peut paraître spontanée et vivante. (...) la phrase trop bien écrite, belle parfois dans un roman, paraît à la scène fabriquée, ce qui la rend inefficace —parce qu'elle n'obéit plus à ce postulat essentiel du genre qui implique une improvisation simulée (P. LARTHOMAS, Le Lang. dram., 1980, p.332):
• 8. J'aime les mots de Hugo, sa phrase, et, cette musique, cet éclat des couleurs, cette architecture qui est sa poésie, mais non ses thèses où je ne vois rien qui m'émeuve et m'anime.
BARRÈS, Cahiers, t.11, 1915, p.141.
C. —LINGUISTIQUE
1. [Unité ling. définie au moyen de critères variés]
a) GRAMM. CLASS. Assemblage de mots caractérisé par la complétude sémantique, la cohésion grammaticale et par les pauses qui l'entourent (à l'écrit par les signes de ponctuation forte). La phrase est soit une proposition simple, soit une réunion de propositions formant un sens complet. Elle est ordinairement comprise entre deux points (A. BRACHET, J. DUSSOUCHET, Nouv. cours de gramm. fr. à l'usage de l'enseign. second., Cours sup., 7e éd., Paris, Hachette, 1895, pp.271-272). La phrase est un ensemble de mots qui a un sens complet et qui va d'un point à un autre. Elle peut être très brève, même réduite à un seul mot. Entrez! Silence! mais bien souvent elle peut être longue (A. HAMON, Gramm. fr., Cycle d'observation, 6e, 5e, Paris, Hachette, 1964, p.28).
Rem. La ponctuation n'a rien de rigoureux. Combien faut-il voir de phrases dans un énoncé comme celui-ci: Des Chinois arrivèrent aussi. Si bien qu'au bout de quelques mois Cox-City comptait près de cinq mille habitants (APOLLINAIRE ds Gramm. Lar. 1964, p.12, § 7).
b) GRAMM. STRUCTURALE ou FONCTIONALISTE. Assemblage de mots caractérisé par son autonomie grammaticale. La structure syntaxique de la phrase. La phrase est le type par excellence du syntagme. Mais elle appartient à la parole, non à la langue (SAUSS. 1916, p.172). Ceci nous permet de définir la phrase comme l'énoncé dont tous les éléments se rattachent à un prédicat unique ou à plusieurs prédicats coordonnés (MARTINET 1969, p.131). Pour L. Bloomfield (...) la phrase est une «forme linguistique indépendante, qui n'est pas incluse dans une forme linguistique plus large en vertu d'une construction grammaticale quelconque» (...). Les travaux de Z. Harris, de C. F. Hockett, de bien d'autres, sont issus de cette définition (Ch. MARCHELLO-NIZIA, p.68, infra bbg.). La phrase est un ensemble organisé dont les éléments constituants sont les mots (...). Tout mot qui fait partie d'une phrase cesse par lui-même d'être isolé comme dans le dictionnaire. Entre lui et ses voisins, l'esprit aperçoit des connexions, dont l'ensemble forme la charpente de la phrase (TESN. 1959):
• 9. ... il importe de bien préciser ce que Harris entend par phrase. Il en donne une jolie définition: «Dans chaque langue nous trouvons que nous pouvons distinguer et classer des éléments appelés «morphèmes» (parties de mots, comme les préfixes, ou mots indécomposables) de telle sorte que les diverses classes de ces morphèmes se trouvent (dans la langue parlée et écrite) de manière régulière les unes vis-à-vis des autres. Le domaine de cette régularité est appelé une phrase».
COYAUD, Introd. ét. lang. docum., 1966, p.72.
— [Chez E. Benveniste] Unité minimale du discours. La phrase, création indéfinie, variété sans limite, est la vie même du langage en action. Nous en concluons qu'avec la phrase on quitte le domaine de la langue comme système de signes, et l'on entre dans un autre univers, celui de la langue comme instrument de communication, dont l'expression est le discours (...). Il y a d'un côté la langue, ensemble de signes formels, étagés en classes, combinés en structures et en systèmes, de l'autre, la manifestation de la langue dans la communication (...). La phrase est l'unité du discours (E. BENVENISTE, Problèmes de ling. gén., 1966, pp.129-130).
— V. morphème, syntagme, mot.
c) GRAMM. GÉNÉRATIVE, SÉM. CONTEMP. [Primitif de la théorie linguistique (et comme tel non défini)]:
• 10. La notion de phrase est, en grammaire générative, tenue pour un terme primitif, non défini, de la théorie (...) nous pouvons (...) nous contenter de nous la représenter comme une suite d'éléments syntaxiques minimaux enchaînés (...); ces éléments syntaxiques minimaux sont, approximativement, équivalents aux morphèmes des structuralistes.
N. RUWET, Introd. à la gramm. générative, 1967, p.366.
— [S'oppose à énoncé] ,,On distinguera désormais, de la façon suivante, les notions de phrase et d'énoncé: la phrase relève de la compétence, et l'énoncé de la performance. C'est ainsi que «j'ai faim» prononcé par Dupont le 5 janvier 1966 à midi, est un énoncé différent de «j'ai faim», prononcé par Durand le 15 août à 8 heures, mais ces deux énoncés sont des occurrences distinctes d'une même phrase. La notion de phrase est donc plus abstraite que celle d'énoncé`` (ID., ibid., p.368, note 10):
• 11. J'entendrai par phrase (...) une entité linguistique abstraite, purement théorique, en l'occurrence un ensemble de mots combinés selon les règles de la syntaxe, ensemble pris hors de toute situation de discours, ce que produit un locuteur, ce qu'entend un auditeur, ce n'est donc pas une phrase, mais un énoncé particulier d'une phrase.
O. DUCROT, Les Mots du discours, 1980, p.7.
2. Locutions
— Phrase simple. ,,Phrase qui ne comporte qu'une seule proposition`` (DAGN. 1965). Phrase complexe. ,,Phrase formée de plusieurs propositions (une proposition «principale» et des propositions «subordonnées»)`` (DAGN. 1965).
— Phrase nominale. Celle ,,dont le prédicat est un nom (lat. omnia praeclara rara: toutes les belles choses [sont] rares)`` (MAR. Lex. 1933):
• 12. Au cours du XIXe siècle, la phrase française a été peu à peu envahie par la construction nominale, c'est-à-dire que l'on a demandé au substantif de remplir des rôles ressortissant normalement au verbe, à l'adjectif ou à l'adverbe (...). Un cri dans la rue, un rassemblement (...). Ce n'est pas parce qu'il manque des verbes que la construction est nominale. Aurions-nous: il y eut un cri, un rassemblement se fit, qu'elle le serait encore, parce que l'essentiel de la notation est exprimé nominalement. Nominales encore, et pour la même raison, ces phrases de Flaubert et des Goncourt: Un cri se fit entendre. C'était sur les zébrures des peaux, un remuement presque invisible.
CRESSOT 1969, pp.193-194.
— Phrase interrogative, impérative, exclamative. V. interrogation, impératif, exclamation.
— Phrase-noyau. ,,1. En grammaire structurale, la phrase-noyau est la phrase déclarative active transitive réduite à ses constituants fondamentaux. L'enfant lit un livre est une phrase-noyau. 2. En grammaire générative, synon. de phrase nucléaire`` (Ling. 1972).
— Phrase nucléaire (dans la première version de la grammaire générative). Celle qui résulte de l'application des transformations obligatoires. On appellera phrase nucléaire («kernel sentence») une phrase qui est engendrée en n'appliquant à une suite S terminale que les transformations obligatoires; on appellera phrases dérivées les phrases produites en appliquant également des transformations facultatives (N. RUWET, Introd. à la gramm. générative, 1967, p.194).
— Phrase matrice; phrase constituante (MOUNIN 1974). Synon. de proposition principale et proposition subordonnée (dans la première version de la grammaire générative).
II. —P. anal. et p.métaph.
A. —MUS. ,,Partie d'une ligne mélodique ou d'une idée musicale naturellement délimitée, significative du point de vue de la déclamation, de l'articulation et de la respiration (...). Le terme de phrase est (...) intimement lié au rythme de la respiration et au phrasé. Il se définit surtout à partir de la déclamation et de l'exécution avec lesquelles il constitue un tout naturel`` (Mus. 1976). La première phrase de la sonate du septuor, de l'allegretto; telle phrase de Beethoven. La belle phrase expressive, qui va, sur cette basse, s'élever, scandée à contre-temps par des palpitations, est fille de celle qui a déjà paru (...) comme deuxième partie du thème principal (ROLLAND, Beethoven, t.1, 1937, p.262). Le caractère le plus net de son génie [de Gounod] très divers est d'être si personnel qu'il suffit d'une phrase ou d'un thème pour le reconnaître immédiatement et sans erreur possible (DUMESNIL, Hist. théâtre lyr., 1953, p.148). V. phrasé, cristallin1 B 1 ex. de Gide:
• 13. ... quelques minutes à peine après que le petit pianiste avait commencé de jouer chez Mme Verdurin, tout d'un coup, après une note haute longuement tenue pendant deux mesures, il vit approcher, s'échappant de sous cette sonorité prolongée et tendue comme un rideau sonore pour cacher le mystère de son incubation, il reconnut, secrète, bruissante et divisée, la phrase aérienne et odorante qu'il aimait.
PROUST, Swann, 1913, p.211.
— Phrase musicale, mélodique; une phrase de musique. Synon. de phrase (au sens musical). Au son du tambour et de la même phrase musicale, reprise en coeur et inlassablement répétée, tous tournent en formant une vaste ronde (GIDE, Voy. Congo, 1927, p.787). Cette captation méthodique de toutes les énergies et de toutes les émotions encloses dans une phrase mélodique, dans un accord d'orchestre (Arts et litt., 1935, p.88-11). Une phrase de musique ronfla dans un silence relatif (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.275).
— Une phrase de + nom d'instrument de musique. Une petite musique cristalline, nette et déliée comme une phrase d'harmonica (ZOLA, Assommoir, 1877, p.420).
B. —Littér. Mais c'était surtout sur la table que les fromages s'empilaient (...). Alors, commençaient les puanteurs: (...) les neufchâtel, les limbourg, les marolles, les pont-l'évêque, carrés, mettant chacun leur note aiguë et particulière dans cette phrase rude jusqu'à la nausée (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p.827). Il ne restait plus d'eux qu'un souvenir, de roses bues par l'azur, dans la phrase interminable et doucement heurtée de la mer (JAMMES, Robinsons, 1925, p.23):
• 14. Ce qui arrêtait ces dames, c'était le spectacle prodigieux de la grande exposition de blanc (...). Elles ne se lassaient pas de cette chanson du blanc, que chantaient les étoffes de la maison entière (...). Sous l'écroulement de ces blancheurs, dans l'apparent désordre des tissus (...) il y avait une phrase harmonique, le blanc suivi et développé dans tous ses tons...
ZOLA, Bonh. dames, 1883, p.769.
C. —ESCR. Phrase d'armes. ,,Succession non interrompue des coups portés et rendus`` (EMBRY, Dict. d'escr., 1859 ds PETIOT 1982). Phrase d'armes, par comparaison avec la conversation entre deux interlocuteurs (CLÉRY, L'Escr., 1973, ds PETIOT 1982).
REM. 1. Phrasier, -ière, subst. masc. et adj. a) Rare. (Celui) qui construit des phrases. L'homme de lettres réduit à son expression pure est l'écrivain public, sorte de commis-phrasier aux gages de tout le monde, et dont la variété la plus connue est le journaliste (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p.114). b) Vx. (Celui) ,,qui parle ou qui écrit d'une manière affectée, recherchée, verbeuse et vide`` (Ac. 1835; ne figure plus ds Ac. 1878 et 1935). Synon. phraseur. (Ac. 1878 note s.v. phraseur: ,,On a dit dans le même sens phrasier``). Jamais le plus petit acte de courage, toujours la servilité la plus phrasière et la moins noble (STENDHAL, Racine et Shakspeare, t.1, 1825, p.133). 2. Mot-phrase, subst. masc., ling. a) Mot qui forme phrase à lui seul. Si (...) connaît un emploi plein de mot-phrase dans les assertions positives après un énoncé négatif (assertif, jussif ou interrogatif): Il n'est pas là? — Si!... il correspond sémantiquement à la phrase c'est ainsi (MOIGNET, Systématique de la lang. fr., 1981, p.320). b) En partic. Synon. de interjection. Puisque les interjections jouent dans le discours le même rôle que des phrases entières, nous les appellerons des mots-phrases (TESN. 1959, p.95). Rem. Phrase-mot ds Lar. encyclop.: inusité sous cette forme.
Prononc. et Orth.:[]. PASSY 1914, BARBEAU-RODHE 1930, Pt ROB., WARN. 1968 [--]; Lar. Lang. fr. [-a-]; MARTINET-WALTER 1973 [--] (16/17), [-a-] (1/17). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1546 «arrangement des mots, façon de parler» (Palmerin d'Olive, trad. I. Maugin, a 2a ds Rom. Forsch. t.32, p.127); 1688-96 phrases toutes faites (LA BRUYÈRE, Caractères, De la cour, éd. G. Servois, t.2, p.242, 81); 1718 péj. diseur de phrases (Ac.); 1740 faiseur de phrases (Ac.); spéc. 2. 1732 «assemblage de mots formant un sens complet» (Père BUFFIER, Grammaire françoyse sur un plan nouveau, p.47 d'apr. Chr. MARCHELLO-NIZIA ds Lang. fr. 1979, n° 41, p.47); 1754 (Encyclop. t.4, p.84b, s.v. construction); pour les relations phrase/proposition, v. aussi Encyclop. t.12 1765; pour l'évol. de ce sens v. l'art. de Chr. MARCHELLO-NIZIA, loc. cit., pp.35-48; 3. 1722 mus. (Fr. COUPERIN, Préface au 3e Livre de pièces de clavecin ds Mus.: On trouvera un signe nouveau dont voicy la figure: ' c'est pour marquer la terminaison des Chants, ou de nos Phrases harmoniques). Empr. au lat. phrasis «diction, style, élocution), du gr. , - «discours», «élocution, expression, langage, diction», de «faire comprendre, indiquer». Au sens 1 l'angl. phrase est att. dep. 1530 ds PALSGR. Introd., p.XXXIX: phrasys, 1535 phrase, ibid. Fréq. abs. littér.:9910. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 8147, b) 11439; XXes.: a) 19217, b) 17506. Bbg. ALLAIRE (S.). La Phrase du fr. parlé radiophonique. Lang. fr. 1975, n° 28, pp.79-90. — Analyse de la phrase. Par B. Combettes, P. Demarolle, J. Copeaux et J. Fresson. Nancy, 1972, 69 p.—BASTUJI (J.). La Phrase. Lang. fr. 1975, n° 26, pp.6-29. — BUREAU (C.). Qu'est-ce que la phrase? Lang. Ling. 1980, n° 6, pp.1-16. — CANDELIER (M.), DELAVEAU (A.), KERLEROUX (F.). La Not. de phrase... LINX. 1983, n° 8, pp.7-52. — DELESALLE (S.). L'Ét. de la phrase. Lang. fr. 1974, n° 22, pp.45-67. — MARCHELLO-NIZIA (Ch.). Rech. sur la structuration de l'énoncé en anc. et m. fr. Thèse, Paris, 1982, pp.19-76. — SECHEHAYE (A.). Essai de classement des espèces de phrases. B. Soc. Ling. Paris. 1934, t.35, pp.58-75. — STÉFANINI (J.). Sur la not. de phrase et son hist. Rech. sur le fr. parlé. 3. Aix-en-Provence - Paris, 1981, pp.7-18.
phrase [fʀɑz] n. f.
ÉTYM. 1546; du lat. phrasis, mot grec « élocution, style ».
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1 (XVIe et XVIIe). Vx. « Manière d'expression, tour ou construction d'un petit nombre de paroles » (Furetière). ⇒ Expression, locution. — REM. Ce sens étymologique est le seul connu au XVIe et au XVIIe s., et c'est à tort que Littré cite des auteurs du XVIIe s. pour illustrer le sens actuel. — Notre langue manque d'un grand nombre de mots et de phrases (→ Appauvrir, cit. 2, Fénelon). || « Les synonymes sont plusieurs dictions (cit. 1) ou plusieurs phrases différentes qui signifient une même chose » (La Bruyère). || « Des gens pétris de phrases et de petits tours d'expression » (→ 1. Geste, cit. 2, La Bruyère). || « Lieux communs (cit. 24) et phrases proverbiales » (La Bruyère).
1 « Se louer de quelqu'un » (…) phrase délicate dans son origine (…)
La Bruyère, les Caractères, IX, 37.
2 Il nous faudrait, outre les mots simples et nouveaux, des composés et des phrases où l'art de joindre les termes qu'on n'a pas coutume de mettre ensemble fît une nouveauté gracieuse (…) C'est ainsi qu'on a dit velivolum en un seul mot composé de deux; et, en deux mots, mis l'un auprès de l'autre, remigium alarum (…)
Fénelon, Lettre à l'Académie, III.
♦ ☑ (1772). Mod. (dans quelques expressions). Faire des phrases : avoir recours à des façons de parler recherchées ou prétentieuses. || Faire des phrases et du bel esprit (→ Gouvernement, cit. 24). || Ne faites donc pas tant de phrases ! — (1762; diseur de phrases, 1718). || Faiseur de phrases (→ Estimer, cit. 18). ⇒ Bavard, phraseur. — Aimer les phrases (→ Homélie, cit. 1). — (Dans le même sens). || Faire de grandes phrases. ⇒ Emphatique, sonore. || « Les grandes phrases d'honneur et de dévouement (cit. 5) dont on abuse » (Beaumarchais). — ☑ (1688). Phrases toutes faites : expressions ou formules conventionnelles, banales (⇒ Cliché). || Ces phrases toutes faites (→ Omettre, cit. 2, La Bruyère; et aussi convention, cit. 14; formule, cit. 14; frapper, cit. 51). — ☑ (1875). Sans phrases : sans ajouter de commentaires entortillés, sans détour. ⇒ Circonlocution, circonvolution. Allus. hist. || « La mort (1. Mort, cit. 32), sans phrases ».
3 Parler par phrases (…) c'est quitter une expression courte et simple qui se présente d'elle-même, pour en prendre une plus étendue et moins naturelle, qui a je ne sais quoi de fastueux (…) Un écrivain qui aime ce qu'on appelle phrase (…) ne dira pas (…) Si vous saviez vous contenir dans de justes bornes, mais il dira : Si vous aviez soin de retenir les mouvements de votre esprit dans les bornes d'une juste modération (…) Rien n'est plus opposé à la pureté de notre style.
4 Il y a sur chaque sujet tant de phrases toutes faites en France, qu'un sot, avec leur secours, parle quelque temps assez bien, et ressemble même momentanément à un homme d'esprit.
Mme de Staël, De l'Allemagne, I, X.
5 Je n'irai pas par quatre chemins; je ne sais pas faire de phrases, moi, je dis ce que je pense.
Marcel Arland, Monique, p. 165 (éd. 1949).
♦ ☑ Expression ou phrase (au sens 2), faisant formule, et prononcée dans un contexte politique (surtout dans l'expr. petite phrase). || Les petites phrases des hommes politiques. || Les phrases politiques d'un week-end d'élections. || « (…) les dernières bisbilles provoquées par la dernière petite phrase du moment » (Libération, 17 nov. 1983).
2 Mil. XVIIIe, mais encore de façon équivoque et contradictoire, comme le montre la citation suivante :
6 (…) les propositions et les énonciations sont quelquefois appelées phrases : mais phrase est un mot générique qui se dit de tout assemblage de mots liés entre eux, soit qu'ils fassent un sens fini, ou que ce sens ne soit qu'incomplet. Ce mot phrase se dit plus particulièrement d'une façon de parler, d'un tour d'expression, en tant que les mots y sont construits et assemblés d'une manière particulière.
♦ Gramm. « Système d'articulations liées entre elles par des rapports phonétiques, grammaticaux, psychologiques, et qui, ne dépendant grammaticalement d'aucun autre ensemble, est apte à représenter pour l'auditeur l'énoncé complet d'une idée conçue par le sujet parlant » (Marouzeau). || La phrase peut consister en un terme unique ou prédicat qui est l'objet essentiel de l'énoncé (ex. : viens !), mais contient habituellement un second terme qui est le sujet de l'énoncé (ex. : tu viens). || Analyse logique de la phrase en ses diverses propositions. || La phrase du point de vue phonétique. ⇒ Accent (cit. 2), chute, coupe, membre, mot. || Son et sens d'une phrase. || Phrase simple, composée d'une seule proposition. || Phrase complexe. || Phrase et proposition (→ Démarcation, cit. 4, Brunot). || Exclamation (cit. 1) qui tient lieu d'une phrase entière. || Le mot (cit. 3, 4 et 7) et la phrase. || Phrase nominale (cit. 4) et phrase verbale. || Phrases énonciatives, assertives, interrogatives (→ Interrogation, cit. 5), impératives, exclamatives. || Phrases elliptiques (1. Elliptique, cit.; → 1. Ellipse, cit. 1). — En tant que structure syntactique (propre à chaque langue). || La phrase française (→ Assemblage, cit. 24; désinence, cit. 2), latine (→ 1. Finale, cit. 1), chinoise (→ Idéographie, cit. 2)… || Ordre (cit. 10) et construction (cit. 8) de la phrase française. ⇒ Syntaxe (→ Effet, cit. 35).
7 On peut définir la phrase la forme sous laquelle l'image verbale s'exprime et se perçoit au moyen de sons. Comme l'image verbale, la phrase est l'élément fondamental du langage (…) C'est par phrases que nous avons acquis notre langage; c'est par phrases que nous parlons, par phrases aussi que nous pensons (…) Certaines phrases se composent d'un seul mot (…) La phrase comporte tous les degrés, depuis les articulations grossières par lesquelles l'enfant formule un besoin jusqu'à l'ample période, harmonieusement balancée, dans laquelle s'enferme la pensée d'un Démosthène, d'un Cicéron ou d'un Bossuet.
J. Vendryes, le Langage, p. 82.
8 La phrase exprime évidemment d'abord une unité psychologique, autrement dit un sens complet, ou plus simplement encore une pensée (…) Mais en même temps la phrase se présente de toute nécessité comme une unité formelle faite d'une combinaison, d'un arrangement de vocables. Cet ensemble se trouve matériellement délimité par deux signes de ponctuation forts, i. e. par deux pauses entre lesquelles se déroule, dans le cas où la phrase est parlée, sa mélodie : unité phonologique par conséquent. — Mais inséparablement aussi unité stylistique, dès l'instant que les fonctions sémantiques et phoniques se teignent d'effets de sens et d'effets de mélodie et de rythme. — Enfin cet ensemble est (…) constitué de mots eux-mêmes organisés le cas échéant en groupes, voire en propositions : autrement dit la phrase est une unité syntaxique, plus ou moins complexe.
G. Antoine, la Coordination en français, t. I, p. 410-411.
8.1 Du fait que la phrase ne constitue pas une classe d'unités distinctives, qui seraient membres virtuels d'unités supérieures, comme le sont les phonèmes ou les morphèmes, elle se distingue foncièrement des autres entités linguistiques. Le fondement de cette différence est que la phrase contient des signes, mais n'est pas elle-même un signe. Une fois ceci reconnu, le contraste apparaît clairement entre les ensembles de signes que nous avons rencontrés aux niveaux inférieurs et les entités du présent niveau.
Les phonèmes, les morphèmes, les mots (lexèmes) peuvent être comptés; ils sont en nombre fini. Les phrases, non.
Les phonèmes, les morphèmes, les mots (lexèmes) ont une distribution à leur niveau respectif, un emploi au niveau supérieur. Les phrases n'ont ni distribution ni emploi.
Un inventaire des emplois d'un mot pourrait ne pas finir; un inventaire des emplois d'une phrase ne pourrait même pas commencer.
La phrase, création indéfinie, variété sans limite, est la vie même du langage en action.
E. Benveniste, Problèmes de linguistique générale, t. I, p. 129 (→ Proposition, cit. 6).
8.2 (…) la phrase se divise en deux parties (…) la cause appelle la conséquence, le thème le prédicat, la principale la subordonnée.
J.-M. G. Le Clézio, la Fièvre, p. 146.
♦ La phrase du point de vue du style. || Stylistique de la phrase. || Mouvement, rythme, cadence, harmonie (cit. 25 et 26) de la phrase. || Écrivain qui balance exactement, harmonieusement ses phrases (→ Annuler, cit. 5). || Le nombre (cit. 32) d'une phrase (→ Arrangement, cit. 6; convenance, cit. 4). || Chaque auteur (cit. 40) affectionne certaines coupes de phrase. || Les phrases courtes, coupées du dialogue (cit. 5). || Phrases longues, courtes. || La phrase de Gide suggère plus qu'elle n'affirme (→ Insinuation, cit. 2). || L'écrivain et la création des phrases (→ Assouplir, cit. 7; capter, cit. 3; écrire, cit. 6; facette, cit. 4; glisser, cit. 49; notation, cit. 3). || Phrase oratoire. ⇒ Période. || Phrase poétique (→ Mesure, cit. 35). || Tour, tournure d'une phrase (→ Nouveauté, cit. 12). || Phrase boiteuse, irrégulière, solide (→ Bloc, cit. 7; impropriété, cit. 2). || Écrivain dont on cite telle ou telle phrase célèbre. ⇒ Formule, sentence (→ 2. Coudre, cit. 4; drapeau, cit. 3; fils, cit. 4; infamie, cit. 5) — La phrase de Bossuet, de Saint-Simon, de Proust. ⇒ Style.
9 Quelquefois une phrase seule occupait toute une veille; elle était prise, reprise, tordue, pétrie, martelée, allongée, raccourcie, écrite de cent façons différentes, et, chose bizarre ! la forme nécessaire, absolue, ne se présentait qu'après l'épuisement des formes approximatives (…)
Th. Gautier, Portraits contemporains, « Balzac », III.
10 J'aime par-dessus tout la phrase nerveuse, substantielle, claire, au muscle saillant, à la peau bistrée : j'aime les phrases mâles et non les phrases femelles, comme celles de Lamartine (…)
Flaubert, Correspondance, 87, 7 juin 1844.
11 Alors, je ruminerai mon plan qui est fait et je m'y mettrai ! Et les affres de la phrase commenceront les supplices de l'assonance, les tortures de la période !
Flaubert, Correspondance, 551, août 1857.
12 (…) la petite phrase nette a le ton impérieux ou sautillant (…) la longue phrase périodique a le souffle oratoire et l'emphase majestueuse (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 323.
13 La phrase de Rabelais est un orchestre où chaque mot éclate et se fond comme un instrument qui fait sa partie.
Gustave Lanson, l'Art de la prose, p. 33.
14 (…) la première phrase apparut, sûre de son élan, de sa courbe et de son but, heureuse de sa longueur promise, avec les anneaux coruscants de ses qui et de ses que, avec ses parenthèses, ses fautes de grammaire (voulues), ses virgules et ses points et virgules (il la scandait tout haut : « virgule… point et virgule… »)
Montherlant, le Démon du bien, p. 275.
♦ Les phrases dans la langue parlée, la conversation (→ Aiguiser, cit. 13; couper, cit. 10; éluder, cit. 5; former, cit. 19; gêner, cit. 27; incident, cit. 15; insistance, cit. 1). — (Dans un sens moins précis). Énoncé. || Dire, prononcer une phrase. ⇒ Parole (→ Croire, cit. 38; dictionnaire, cit. 13; gamme, cit. 3). || Hacher (cit. 12.1 et 13) ses phrases. || Chercher ses phrases (→ Bredouiller, cit. 1). || Échanger quelques phrases. ⇒ Propos (→ Échange, cit. 14). || Phrases d'un discours. ⇒ Tirade (→ Ânonner, cit. 2; cadence, cit. 8). || Achever sa phrase (→ Flou, cit. 6). || Il ne finit jamais ses phrases. || Faire sonner la fin (cit. 12) de ses phrases. — (Quant au sens, à l'effet). || Phrases menteuses (→ Arrêter, cit. 64), réticentes (→ Contenir, cit. 14), mielleuses (→ Cordial, cit. 6), passionnées (→ Légèreté, cit. 8). || Phrase longuement préparée (→ Neutre, cit. 10). || Phrases d'excuse, de compliment (→ Passionné, cit. 12). || Phrases creuses. ⇒ Phraséologie, 2.
15 Marivaux disait que le style a un sexe, et qu'on reconnaissait les femmes à une phrase.
Chamfort, Caractères et Anecdotes, « Sexe du style », p. 999.
16 Il commençait à ne pas mal se tirer de la phrase sentimentale et pittoresque qu'on appelle esprit dans certains salons.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XXV.
♦ Spécialt (par oppos. aux actes). ⇒ Discours, mot. || Des actes, et non des phrases !
3 (1742). Mus. Succession ordonnée de périodes venant aboutir à une cadence (mus. class.; → Arpège, cit.; effet, cit. 32; exercer, cit. 43; fioriture, cit. 2; mélodie, cit. 3 et 4; partition, cit. 2), ou constituant un tout complet. || Phrase mélodique, harmonique. || Phrase principale et contrechant. || Une phrase de Beethoven (→ Émouvoir, cit. 24). Allus. littér. || La « petite phrase » de la sonate de Vinteuil dans Proust, les phrases de la musique de Vinteuil (→ Architecture, cit. 10; banal, cit. 3; → infra, cit. 18, Proust).
17 C'est dans l'invention des phrases musicales, dans leurs proportions, dans leur entrelacement, que consistent les véritables beautés de la musique (…)
Rousseau, Dict. de musique, Phrase.
18 À son entrée, tandis que Mme Verdurin (…) lui indiquait une place à côté d'Odette, le pianiste jouait, pour eux deux, la petite phrase de Vinteuil qui était comme l'air national de leur amour. Il commençait par la tenue des trémolos de violon que pendant quelques mesures on entend seuls, occupant tout le premier plan, puis tout d'un coup ils semblaient s'écarter et (…) tout au loin, d'une couleur autre, dans le velouté d'une lumière interposée, la petite phrase apparaissait, dansante, pastorale, intercalée, épisodique, appartenant à un autre monde.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. I, p. 294.
19 Alors vers la droite, du côté où sont les sources, des rossignols se mirent à chanter, lançant d'abord trois appels virils, puis déroulant leur phrase festonnée et brodée, qu'ils répètent trois fois, dans trois tons voisins.
Alain, Propos, 11 juin 1910, Prairial.
20 L'une des phrases de ce choral (de Bach) me touche toujours au plus secret de l'âme. C'est la phrase du courage retrouvé. C'est la phrase de l'espoir renaissant.
G. Duhamel, l'Inventaire de l'abîme, II.
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DÉR. Phraséologie, phraser, phrastique.
COMP. (Du même rad.) Antiphrase, métaphrase, paraphrase, périphrase.
Encyclopédie Universelle. 2012.