puisque [ pɥisk(ə) ] conj. ♦ Conjonction de subordination à valeur causale.
1 ♦ (Introduisant une cause, en faisant reconnaître comme logique et incontestable le rapport de cause à effet) (cf. Dès l'instant où, du moment que...) « Au lieu de conclure qu'il n'y a point de vrais miracles parce qu'il y en a tant de faux, il faut dire au contraire qu'il y a certainement de vrais miracles puisqu'il y en a tant de faux » (Pascal).
2 ♦ (Servant à justifier une assertion) « Les mondes meurent, puisqu'ils naissent » (France).
♢ (Introduisant la justification d'un terme employé précédemment) Le gouvernement, puisqu'il est question du ministre,... Son départ, puisque départ il y a...
♢ (Exclam.) Puisque je vous le dis ! Mais puisque c'est trop tard !
3 ♦ (Introduisant la cause qui justifie l'énonciation) « Puisque vous désirez vous entretenir avec moi, nous serons mieux dans mon cabinet de travail » (Romains).
● puisque conjonction (de puis et que) [ne s'élide que devant il, elle, en, on, un, une] Marque le motif, la cause, la raison connue ou évidente ; attendu que, du moment que : Puisque personne ne t'attend, reste avec nous. Dans une exclamative, introduit une justification impatiente : Mais puisqu'on vous le dit ! ● puisque (difficultés) conjonction (de puis et que) [ne s'élide que devant il, elle, en, on, un, une] Orthographe Le e de puisque s'élide devant il(s), elle(s), on, en, un(e) : il ira, puisqu'il y est obligé ; puisqu'on vous le dit ! Registre L'ellipse du sujet et du verbe être après puisque appartient au registre familier : accueillant et chaleureux, puisque méridional. Recommandation Dans l'expression soignée, exprimer le sujet et le verbe être : accueillant et chaleureux, puisqu'il est méridional. Emploi Puisque / parce que. Ces deux conjonctions sont séparées par une nuance de sens. 1. Puisque introduit la justification de ce qui précède (= étant donné que, du moment que) : je viens puisqu'on m'y invite ; puisque vous êtes là, restez-y. 2. Parce que introduit une explication ou l'énoncé d'une cause objective et répond à la question « pourquoi ? », exprimée ou non : je pars parce qu'on m'attend ailleurs. ● puisque (synonymes) conjonction (de puis et que) [ne s'élide que devant il, elle, en, on, un, une] Marque le motif, la cause, la raison connue ou évidente ;...
Synonymes :
- dans la mesure où
- vu que
puisque
conj. de subordination. Du moment que, étant donné que. Puisqu'il pleut, je reste ici. (La voyelle e de puisque ne s'élide que devant il, elle, on, en, un, une.)
⇒PUISQUE, conj. de sub.
A. — [Introd. une prop. qui exprime une cause ou une justification données pour déjà connues de l'interlocuteur ou considérées comme incontestables] Synon. car, comme, dès que, dès lors que, dès l'instant où, étant donné que, du moment que, pour la (bonne) raison que, attendu que (jur.), vu que (admin., fam.). Puisque... donc; puisqu'aussi bien; puisque... c'est que; il faut bien que... puisque.
1. [La prop. introd. par puisque a une valeur causale] — Il y en a? dit Trochut. — Faut croire, puisque je suis venu (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 37):
• 1. Puisqu'il ne vient plus, ajouta-t-elle avec un soupir, (...) il est inutile de tant m'interroger moi-même pour savoir si j'aurai le courage de lui parler sur la fréquence de ses visites.
STENDHAL, L. Leuwen, t. 2, 1835, p. 168.
— P. iron. Il fera beau, puisque j'en ai envie (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 158).
— [La princ. est une question rhét., équivalente d'une affirm.] Prenez ma peau, qu'est-ce que ça fait? puisque le cœur est à vous (CLAUDEL, Corona Benignitatis, 1915, p. 410).
2. [La prop. introd. par puisque fournit l'explication, la justification d'une attitude ou d'un comportement] Elle vient s'accouder aux fauteuils, devant moi. — Puisque vous ne venez pas me voir, dit-elle, c'est moi qui vous fais une visite (RENARD, Journal, 1905, p. 957). Puisque la pauvre Françoise m'a attendue, je vais lui demander de dégrafer mon corsage pendant que tu vas te déshabiller (PROUST, Swann, 1913, p. 35):
• 2. J'aurais voulu ne pas penser aux heures d'angoisse que je passerais ce soir seul dans ma chambre sans pouvoir m'endormir; je tâchais de me persuader qu'elles n'avaient aucune importance, puisque je les aurais oubliées demain matin...
PROUST, Swann, 1913, p. 24.
— [Dans une réponse, une explication péremptoire] — Ainsi vous viendrez samedi? — Puisque Mme de Morcerf m'en prie (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 128).
♦ [Pour marquer une objection irréfutable et conséquemment un refus péremptoire] — On n'a pas vu la montagne; et ils disaient tous que c'est le plus beau: en huit jours, on pourrait encore faire une fameuse virée. — Puisque je te dis que j'ai des gens à voir (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 91).
— [Ce qui est justifié est implicite] Le Lorrain: Je dors. Le soldat: Cinq sous pour la collecte. Le Lorrain: Veux-tu me laisser? Le soldat: Aboules, tu dormiras après. Le Lorrain: Puisque je n'en ai pas (VIDOCQ, Mém., t. 4, 1828-29, p. 167). Non... se mettre dans l'ennui pour les clients, après tout c'est le métier. Et puisqu'il tient à avoir ces billets de mille à portée de la main (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 110):
• 3. Vous devriez composer un opéra-comique, disait-elle au musicien. — Maman, répondait Madeline, puisque monsieur Yves t'a déjà déclaré qu'il voulait se borner aux chansons...
RICHEPIN, Braves gens, 1886, p. 100.
♦ [Dans une prop. interr.] — (...) Le Bon Dieu n'a que la vie à nous donner. Vous n'allez pas lui faire affront. — Mais puisque c'est Lui qui m'appelle? (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 114).
B. — [Justifie non pas ce qui est dit, mais, au moyen d'une raison donnée pour déjà connue ou irréfutable, le fait de le dire; porte sur l'énonciation et non sur l'énoncé]
1. [Justifie un acte de lang.]
a) [Justifie un acte d'assertion] Car, enfin, vous êtes aussi un peu artiste, dans votre genre, puisque vous êtes journaliste (RENARD, Journal, 1894, p. 197). Tout notre être (...) n'est occupé que de ce qui sera, puisqu'il ne procède que par actes, plus ou moins prompts, plus ou moins complexes. Respirer, se nourrir, se mouvoir, c'est anticiper (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 191):
• 4. L'intérêt, au contraire, est une fiction quand il est pris comme on le prend aujourd'hui, dans son sens physique et rigoureux, puisqu'il n'est plus le soir ce qu'il était le matin, puisqu'à chaque instant il change de nature, puisque fondé sur la fortune il en a la mobilité.
CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 33.
— [En cont. ell.]
♦ [Réduit à un adj.] Au loin, ne lui servant de rien dans l'instant, et comme morte puisque absente et peut-être endormie, il est une bien-aimée dont la voix, s'il lui était permis de l'entendre, serait chantante pour son cœur (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 879). Cet état purement subjectif doit pourtant, paraît-il, nous être un enseignement, c'est-à-dire, puisque transmissible, présenter quelque valeur d'objectivité (BENDA, Fr. byz., 1945, p. 134).
♦ [Réduit à un syntagme nom.] Impériale, puisque Eugénie! et très douce Puisque elle-même et très royale, puisque moi! (VERLAINE, Poèmes divers, 1896, p. 174).
♦ [Réduit à une phrase nom.] La région d'Amiens où les Allemands pourraient tenter de séparer les forces britanniques et françaises et évidemment point sensible, puisque point de liaison entre les deux armées alliées (JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 198).
b) [Justifie un acte interr.] Rantzau: (...) Le peuple se prononce toujours pour les opprimés; vous l'êtes en ce moment... grâce au ciel; c'est un avantage qu'il ne faut pas perdre et dont il faut profiter. La Reine: Et comment? puisque le peuple ne peut me secourir! (SCRIBE, Bertrand, 1833, IV, 6, p. 203).
— [La question peut être rhét.] Comment la vérité ne s'entendrait-elle pas elle-même, puisqu'elle est la source de tout entendement? (LACORD., Conf. N.-D., 1848, p. 26). Puisque nous étions si contents, tout le monde ne devait-il pas l'être? Quel raisonnement! n'est-ce pas? C'est pourtant celui des cœurs heureux (LAMART., Tailleur pierre, 1851, p. 488). Je ne croyais pas ainsi causer d'ennuis à mon oncle. Comment l'aurais-je cru, puisque je ne le désirais pas? (PROUST, Swann, 1913, p. 79):
• 5. Et puisque mes sens me prouvent la vie mortelle des hommes qui m'entourent, pourquoi mon intelligence n'aperçoit-elle pas de même la vie immortelle de ceux qui viennent d'y entrer par leur mort visible?
SENANCOUR, Rêveries, 1799, p. 164.
c) [Justifie un ordre ou un conseil qu'on donne, une proposition qu'on fait] Il prit un fauteuil et s'assit auprès du lit. — Puisque vous ne dormez pas, causons (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 220). Puisque le ciel est plus en joie pour le repentir d'un pécheur que pour cent justes qui n'ont jamais péché, essayons de réjouir le ciel (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 26). Eh bien, Philippe (...), puisque tu tiens à t'expliquer, montons chez moi (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 123).
— [Dans des formules exclam. avec ell. de la princ.] (Mais) puisque je vous dis que. Je ne veux pas être votre complice dans la ruine des autres. — Mais puisque je vous dis, s'écria Danglars, qu'avec ces trois millions... (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 501). Il insistait avec maladresse pour qu'elle reprît du gigot: « Mais puisque je vous dis que je n'ai plus faim! » (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 175). Mais, puisque je vous dis que non, enfin, n'insistez pas! (MONTHERL., Songe, 1922, p. 39):
• 6. ÉTIENNE, paraissant et s'arc-boutant à la porte pour retenir le balayeur qui veut entrer quand même: Mais, attendez donc, mon ami! Je vais le dire à Monsieur! LE BALAYEUR, par-dessus l'épaule d'Étienne: Mais, puisque je vous dis qu'il m'attend!...
FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, I, 24, p. 27.
d) [Sert à introduire, dans le discours oral, diverses formules]
— [Formules de politesse] Puisque cela vous est égal; puisque vous avez le temps; puisque je vous vois. Il s'arrêta. — Je vous écoute comme un frère, Monsieur de Baraglioul, reprit Lafcadio enhardi, — puisque vous voulez bien m'y inviter (GIDE, Caves, 1914, p. 836). Puisque vous m'y autorisez, quand je pourrai je vous ferai chercher (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 370).
— [Formules d'enchaînement, exprimant une circonstance temp. d'à propos] Synon. au fait, à propos, comme, maintenant que, tandis que, tant que. Puisque vous êtes là; puisque vous parlez de; puisque nous y sommes; puisque le vin est tiré, il faut le boire. Puisque vous parlez d'accroissement, dit M. Herman, puis-je vous demander quels sont les progrès de votre population (...)? (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 3, 1801, p. 171). « Puisque nous en sommes à nous demander des paroles d'honneur, » commença-t-il, « je répondrai à votre question, mon cher Ernest, après que vous aurez vous-même répondu à ma question, à moi (...) » (BOURGET, Sens mort, 1915, p. 266). Panisse, outré: Eh bien, dis donc, ne vous gênez plus! Montre-lui ton jeu puisque tu y es! (PAGNOL, Marius, 1931, III, 1er tabl., 1, p. 155).
— [Formules d'affirm.] Puisqu'il en est ainsi. — Ça commence bien. Elle avait quatre enfants, à dix-huit ans? — Puisque je te le dis (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 92):
• 7. CHAMBRY: (...) Vous connaissez Thouvenin (...) Vous savez qu'il marche depuis des années avec Mercédès, la danseuse. GERMAINE: Mais non, je n'en sais rien du tout. CHAMBRY: Puisque je vous le dis...
A. FRANCE, Pt bonh., 1898, p. 5.
♦ [Répétant la princ., affirm. péremptoire] Puisque c'est comme ça, c'est comme ça. — Vous n'êtes pas bien. Je vous remplace... — Non, mon Commandant. Puisque c'est mon tour, c'est mon tour (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 274).
2. [Justifie le choix du thème] Jansénius surtout (puisqu'il s'agit de lui en ce moment), du haut de cette tour qu'il avait gravie jusqu'au dernier degré, voyait venir cette nouvelle et plus menaçante invasion de l'orgueil humain (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 157).
3. [Justifie le choix de tel ou tel vocable] Puisqu'il faut l'appeler par ce mot, par son nom; puisqu'il faut employer ce mot. N'est-il pas honteux que des drôles, du fond de leur cabinet, puisque cabinet il y a, jouent aux échecs avec les hommes et prennent le sang et le fruit des travaux de toute une génération pour en faire une mise au jeu de la guerre? (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 409). Mais pourquoi ne dirons-nous pas démocratique tout court, puisque le propre des démocraties est cette précellence des valeurs sans égard aux conditions? (MONTHERL., Olymp., 1924, p. 224).
Rem. P. oppos. à parce que, assertif de la relation causale, puisque suppose admis à la fois cette relation et le contenu de la prop. de cause. Il se distingue aussi de car, qui donne pour incontestable la relation causale, mais qui est assertif du contenu de la prop. de cause. Ainsi quand cette prop. prend appui sur une donnée fournie par la situation même de discours, car ne peut commuter avec puisque: J'en profite, puisque vous êtes là, mais non: J'en profite, car vous êtes là.
Prononc. et Orth.:[], ou [-]. En cont.: puisqu'il pleut [-kil-], puisque tu viens [--]. Non élision, pour les besoins du vers, ds VERLAINE, supra: puisque Eugénie, puisque elle-même. Sans marque graph. de l'élision, CLAUDEL, Cantate, 1913, p. 329: puisque où, SAINT-EXUP., supra: puisque absente. Graph. imit. une prononc. relâchée: pisque, ds FRANCE, Crainquebille, 1905, 2e tabl., BARBUSSE, Feu, 1916, p. 38. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Fin Xe s. post que « après que » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 312); ca 1100 puis que « id. » (Roland, éd. J. Bédier, 896) — XIVe s., Troilus, p. 206 ds GDF. avec affaiblissement progr. de la notion de postériorité vers le sens de « lorsque »; b) ca 1130 « depuis que » (Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 515), supplanté au XIVe s. par depuis que qui en était un renforcement expr., v. P. IMBS, Les Propositions temporelles en a. fr., Paris, Les Belles Lettres, p. 355, sqq.; 2. a) ca 1100 valeur causale (Roland, 317: Carles respunt: « Tro avez tendre cœr. Puis quel comant, aler vus en estoet); b) 1548 puis séparé de que (NOËL DU FAIL, Propos rustiques, éd. J. Assézat, t. 1, p. 49: Et puys (disoit-il) que avez parlé de vos amours, je vous dirai la façon des antiques), surtout avec intercalation de donc, devenu class. (la tmèse se trouve antérieurement GAUTIER D'ARRAS, Ille et Galeron, éd. A. G. Cowper, 5624 avec puis ... que pris au sens de « depuis que »); c) 1557 avec ell. du verbe (O. DE MAGNY, Souspirs, éd. Courbet, p. 23: Heureux donques Brinon, qui vivant eut le mieux [...] Puis que luy mort, de mort les Muses l'affranchissent); 3. 1176-81 « si toutefois, si tant est que » (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 6648). Comp. de puis à partir de l'usage prép. qu'il avait en a. fr. et de que, par évol. sém. de la notion de postériorité à la notion de causalité (v. P. IMBS, loc. cit.). Bbg. Car, parce que, puisque par le groupe -l. R. rom. 1975, t. 10, pp. 248-280. — DUCROT (O.). Puisque: Essai de descr. polyphonique. In: Analyses gramm. du fr., publ. en l'honneur de Carl Vikner. Copenhague, 1983, pp. 166-185. — EBNETER (Th.), GESSNER (M. P.). La Causalité en fr. parlé. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1974, t. 12, n ° 1, pp. 325-345. — FAÏK (S.). Car, parce que et puisque ds les dict. de fréq. Fr. mod. 1978, t. 46, pp. 143-156. — GERBIER (Y.), ICART SÉGUY (H.). Les Marqueurs logico-discursifs: car, comme, parce que, puisque. Toulouse, 1987, 446 p. — HANSE (J.). Car, comme, parce que, puisque... B. de l'Ac. royale de lang. et de litt. fr. 1973, t. 51, pp. 195-225. — HANSÉN (I.). Qq. réflexions sur le mot puisque... St. neophilol. 1976, t. 48, pp. 152-154. — HENSCHELMANN (K.). Kausalität im Satz und im Text. Heidelberg, 1977, pp. 149-156. — LORIAN (A.). L'Ordre des prop. ds la phrase contemp. La Cause. Paris, 1966, pp. 67-88. — MARTIN (R.). Le Mot puisque... St. neophilol. 1973, t. 45, pp. 104-114. — MELIS (L.). Compl. de phrase et compl. transpropositionnels. Trav. Ling. Gand. 1979, n ° 6, pp. 14-19. — MOREL (M.-A.). Ét. sur les moy. gramm. et lex. propres à exprimer une concession en fr. contemp. Thèse, Paris, 1980, pp. 204-273.
puisque [pɥisk(ə)] conj.
ÉTYM. 1160; de puis, et que.
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♦ Conjonction de subordination à valeur causale (Causal, cit.).
1 Le changement de sens de locutions telles que puis que est très significatif (…) Puisque fait aujourd'hui entendre s. Mais on y reconnaît facilement puis et que : après (ceci) que. La locution s'est, jusqu'au XVIIe s., écrite en deux mots : Puis donc que vous trouvez la mienne inconcevable (Corn., Méd., 653)…
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 812.
1 (Introduisant une cause, en faisant reconnaître comme logique et incontestable le rapport de cause à effet). → Dès l'instant où, du moment que…
♦ REM. Entre les deux principales conjonctions de cause, parce que et puisque, la différence est sensible : parce que indique la simple énonciation de la cause de façon objective et répond tout naturellement à la question pourquoi ? Au contraire puisque a une valeur subjective d'argumentation et accentue la dépendance de cause à effet en la faisant reconnaître comme logique et incontestable : || « Au lieu de conclure qu'il n'y a point de vrais miracles parce qu'il y en a tant de faux (1. Faux, cit. 23), il faut dire au contraire qu'il y a certainement de vrais miracles puisqu'il y en a tant de faux » (Pascal). — Dans une proposition positive (→ Attarder, cit. 4; légitimation, cit. 5; mesure, cit. 1; mortification, cit. 2). — Dans une proposition négative (→ Demeurer, cit. 26; fois, cit. 11; honorable, cit. 1; indispensable, cit. 11; objet, cit. 9). — Suivi d'un conditionnel (→ Homologuer, cit. 3).
2 Puisqu'après tant d'efforts ma résistance est vaine,
Je me livre en aveugle au destin qui m'entraîne.
Racine, Andromaque, I, 1.
REM. L'ellipse du sujet et du verbe être, fréquente après parce que (cit. 8 et 9), est très rare après puisque.
3 Le commandant Esterhazy, bon catholique, puisque zouave du pape, mais déplorable Français.
2 (Servant à justifier une assertion ou une question précédente). → Du moment que…
4 J'ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs
Je marche sans trouver de bras qui me secourent,
Puisque je ris à peine aux enfants qui m'entourent,
Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs (…)
Hugo, les Contemplations, IV, XIII.
5 Les mondes meurent, puisqu'ils naissent.
France, le Jardin d'Épicure, p. 4.
♦ Spécialt. (Introduisant la justification d'un terme employé dans la principale). || Sa triomphante ascension (cit. 2), je dis triomphante puisque ce retour au ciel fut un vrai triomphe… || « La peste, puisqu'il faut l'appeler (cit. 42) par son nom » (La Fontaine). || La taille, puisqu'il faut employer ce mot affreux (→ Poitrine, cit. 16). || Une amputation (cit. 2), puisque vous parlez chirurgie. || Le gouvernement, puisqu'il est question du ministre…
♦ (Exclam.). Du moment que… || Puisque je vous le dis ! || Puisqu'il n'en saura rien ! — Mais puisque c'est trop tard ! || Mais puisque vous avez refusé !
3 (Introduisant la cause qui explique non pas le fait énoncé dans la principale, mais son énonciation). || Puisque vous désirez vous entretenir avec moi, nous serons mieux dans mon cabinet (cit. 7) de travail. || Puisque le hasard nous remet en présence, allons-nous continuer à nous regarder comme deux ennemis irréconciliables ? (cit. 5).
6 Un autre point à remarquer au sujet de puisque, c'est que la causale qu'il introduit sert parfois à expliquer, non le fait contenu dans la principale, mais l'acte intellectuel (constatation, jugement, affirmation, etc.) qui conduit à poser ce fait. Ainsi, quand l'âne de la fable déclare : « Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net » (La Font., Fabl., VII, 1), la causale n'énonce pas pourquoi l'âne n'avait aucun droit de manger l'herbe, mais elle explique pourquoi il vient de faire cet aveu.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1467 bis.
Encyclopédie Universelle. 2012.