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PORTS MARITIMES
PORTS MARITIMES

Pendant longtemps, les ports ont été des lieux de refuge des navires, très proches de leur ville, quand ils n’étaient pas enserrés à l’intérieur de l’enceinte fortifiée qui la protégeait. Depuis le XIXe siècle, l’expansion des villes et le développement des ports les ont éloignés de plus en plus, les territoires des ports qui s’étendent dans les estuaires ou sur les parties de littoral ayant échappé à l’urbanisation.

Accompagnant cette séparation «physique», les mutations du commerce international et du transport maritime ont eu une influence sur les structures administratives des ports, les transformant de plus en plus en entreprises autonomes.

Après les profondes transformations techniques qui ont accompagné la croissance des décennies 1950 à 1970 漣 la diversification des types de navire avec l’accroissement parfois considérable de leur taille et enfin l’essor de la conteneurisation 漣, un nouveau cycle d’innovations technologiques débute. Il devrait porter surtout sur l’organisation et les pratiques du transport, notamment avec la généralisation des échanges informatisés d’informations.

1. Les conventions et les organismes internationaux

Les impératifs du commerce et de la sécurité ont conduit depuis longtemps les nations maritimes à consacrer, par diverses conventions, le caractère international des missions assurées par les ports maritimes. Les plus importantes d’entre elles sont: la Convention sur le régime international des ports maritimes (Genève, 9 déc. 1923); la Conférence sur la facilitation des voyages et du transport maritime (Londres, 9 avr. 1965); la Convention sur le transit et le commerce des pays sans rivage maritime (New York, 8 juill. 1965).

Par ailleurs, il existe une association internationale groupant plus de deux cents ports de par le monde: l’International Association of Ports and Harbors (I.A.P.H.), dont le siège est à T 拏ky 拏. Créée en 1955, elle est essentiellement constituée d’autorités portuaires, c’est-à-dire des autorités publiques responsables localement de l’exploitation des ports. Elle tient un congrès tous les deux ans. Depuis le congrès de Nagoya (1981), elle s’est structurée par la création, en son sein, de commissions permanentes capables d’appréhender au niveau mondial l’étude de tout problème intéressant les ports. Elle est, à cet égard, en relation permanente avec divers organismes internationaux dont les principaux sont les suivants:

– l’O.M.I. (Organisation maritime intergouvernementale), dont le siège est à Londres, et qui élabore notamment les projets de conventions internationales dans le domaine maritime, les projets de réglementation sur la sécurité, la pollution, les marchandises dangereuses, etc.;

– la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (C.N.U.C.E.D.), dont les bureaux se trouvent à Genève;

– l’International Chamber of Shipping (I.C.S.), qui groupe les armateurs du monde, et dont le siège est à Londres;

– l’International Chamber of Classification Societies (I.C.C.S.), au sein de laquelle, à Londres, sont rassemblées les sociétés de classification des navires;

– l’International Cargo Handling Coordination Association (I.C.H.C.A.), dont le siège est à Londres et qui réunit les entreprises de manutention du monde entier;

– l’Association internationale permanente des Congrès de navigation (A.I.P.C.N.), qui a son siège à Bruxelles et qui regroupe les ingénieurs spécialisés dans le domaine du génie civil portuaire (maritime ou fluvial).

Les six ports autonomes français métropolitains sont membres de l’I.A.P.H. En dehors de l’I.A.P.H., il existe des associations «régionales» de ports, telles l’Association des autorités portuaires américaines, l’Association des autorités portuaires australiennes, l’Association pour la gestion des ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

Sur le plan européen, les ports de l’Union européenne sont regroupés au sein de l’European Sea Ports Organisation (E.S.P.O.), créée en 1993, qui donne un cadre officiel à une organisation consultative qui existait depuis vingt ans. L’E.S.P.O. comprend les ports des onze États maritimes de l’Union et des cinq États ayant demandé leur adhésion. Elle est en relation permanente avec la Commission européenne et contribue à l’intégration et à la prise en compte des spécificités des ports européens dans la politique européenne des transports.

2. La fonction transport

Lieu d’accueil et de traitement des navires pour les opérations de chargement et de déchargement, le port a dû s’adapter à l’évolution de l’offre de transport maritime (type et taille des navires), elle-même conditionnée par l’évolution de la demande de transport (marchandises et passagers).

Évolution de la demande de transport

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les échanges internationaux ont été profondément modifiés avec le «boom» de la reconstruction des dommages de guerre et la forte croissance économique qui s’est poursuivie jusqu’au milieu des années 1970, ce qu’on appelle maintenant les Trente Glorieuses, et avec le trafic maritime mondial qui était estimé à 490 Mt en 1937 et qui atteignait déjà 550 Mt en 1950; il culminait à 3 800 Mt en 1979 et, après avoir baissé au début des années 1980, il reprenait sa progression pour atteindre environ 4 300 Mt en 1993.

Cette croissance a été soutenue par l’essor de la production pétrolière, entretenue par des prix bas à la production jusqu’au premier choc pétrolier d’octobre 1973, et par la diminution des coûts du transport, obtenue grâce aux économies d’échelle acquises par l’accroissement de la taille des pétroliers. Le port en lourd (c’est-à-dire la capacité de transport) des pétroliers est passé de 16 500 tonnes de port en lourd (tpl) en 1945 à 30 000 tpl en 1950, pour atteindre jusqu’à 550 000 tpl en 1975.

Cette croissance a aussi stimulé le développement d’industries lourdes, en particulier des usines sidérurgiques au bord de l’eau à l’image de l’industrie japonaise. Ce fut la période des Mida (Maritime Industrial Areas) durant laquelle Usinor s’installa dans le nouveau port industriel de Dunkerque, et la Solmer dans le port industriel de Fos, à proximité de Marseille. La grande zone industrielle réalisée dans le courant des années 1960 au Havre était destinée au troisième pôle sidérurgique national; mais, dès les années 1970, la montée en puissance du Japon et de nouveaux centres industriels au Brésil, au Mexique, en Inde, en Corée du Sud, etc., a conduit à une surproduction qui a été fatale aux entreprises les moins compétitives, ce qui entraîna la fermeture de nombreux sites. Comme autres exemples de sidérurgie au bord de l’eau en Europe, on peut citer: Ijmuiden aux Pays-Bas et Tarente en Italie.

En plus des changements d’échelle intervenus dans le domaine des vracs liquides (essentiellement des produits pétroliers bruts et raffinés) et dans celui des vracs secs (principalement les charbons et les minerais), de profondes mutations ont radicalement transformé le secteur des autres marchandises non en vrac, qui se retrouve sous le vocable de marchandises diverses.

À partir des années 1970, les échanges de produits manufacturés ont pris une part de plus en plus grande dans les échanges maritimes. Deux facteurs ont favorisé cette croissance: d’une part, la baisse continue des tarifs douaniers et, d’autre part, la conteneurisation.

Alors que le niveau moyen des droits de douane se situait à un peu plus de 40 p. 100 de la valeur des produits importés pendant les années 1940, il n’était plus que de 12 p. 100 pendant les années 1970, et se situe maintenant autour de 5 p. 100, l’objectif étant d’atteindre un niveau moyen de 3 p. 100. Ces résultats sont les conséquences des huit «rounds» du G.A.T.T. (General Agreement on Tariffs and Trade) dont le premier s’est tenu à Genève en 1947 et dont le dernier, l’Uruguay Round, s’est achevé à la fin de 1993.

La conteneurisation, en faisant passer les échanges maritimes de marchandises diverses du stade artisanal au stade industriel, a permis une baisse sensible des coûts de transport avec une amélioration substantielle de la qualité de service (rapidité, fiabilité, sécurité, etc.).

Si l’on ajoute à ces facteurs les coûts salariaux élevés en Europe du Nord et aux États-Unis, on comprend l’ampleur des délocalisations, le développement du Japon et des «quatre dragons» (Hong Kong, Singapour, la Corée du Sud et Taiwan), qui eux-mêmes délocalisent maintenant en Malaisie, en Thaïlande, en Indonésie, aux Philippines et au Vietnam.

Évolution du transport maritime

Accompagnant ou soutenant le commerce mondial, le transport maritime s’est profondément modifié pour s’adapter à l’évolution des échanges, provoquant l’apparition de navires de plus en plus spécialisés pour transporter une nature particulière de produits. Cette spécialisation a pour objet d’accélérer les opérations de chargement et de déchargement.

Pendant des siècles, les marchandises diverses ont été manutentionnées sous forme de petites unités chargées à dos d’homme (paquets, sacs, cartons, etc.) ou roulées (tonneaux), jusqu’à l’utilisation, à partir de la fin du XIXe siècle, de grues de quai et de mâts de charge. Ces marchandises composées de cargaisons hétérogènes composent le «breakbulk». Le breakbulk n’a pas disparu; ces marchandises très diverses ont été conditionnées de façon uniforme, mises en boîtes ou sur remorques routières, ou dans un autre conditionnement homogène: le «néobulk». La manutention portuaire est ainsi passée de la phase artisanale à la phase industrielle. Le développement de la palette, permettant de manutentionner sous forme d’une seule unité 1, 2, voire 3 tonnes de marchandises, a constitué un premier progrès dans l’amélioration des rendements de la manutention des marchandises diverses. Mais c’est une véritable mutation qu’a provoqué, au début des années 1960, l’avènement du conteneur, grosse caisse parallélépipédique, en général métallique, dont les types normalisés I.S.O. (International Organization for Standardization) permettent de manutentionner, en une seule unité de charge, jusqu’à environ 30 tonnes de marchandises. Dès lors, les escales des navires spécialisés porte-conteneurs intégraux peuvent être très courtes. Alors qu’un cargo classique passait facilement plus de la moitié de sa vie dans les ports, les escales des porte-conteneurs ne sont plus que de quelques heures. De plus, malgré le prix élevé des énormes portiques spécialisés pour le chargement et le déchargement de ces boîtes, les coûts unitaires de la manutention du fret ont été réduits dans une proportion importante.

Le développement de la conteneurisation a été évidemment plus rapide sur les lignes maritimes reliant les pays hautement industrialisés. C’est ainsi que le port du Havre, qui traditionnellement constitue la principale fenêtre portuaire de la France sur l’Amérique du Nord, et qui ne recevait encore que quelques conteneurs en 1965, a vu, en 1993, 68 p. 100 du tonnage de son trafic de marchandises diverses acheminé par conteneurs. Dans le monde, plus de 3,75 millions de conteneurs sont en service (1993), transportés par quelque 5 200 navires spécialisés.

Une autre technique a également révolutionné le transport maritime dans le domaine de la manutention; c’est la technique du roulage (ou roll-on - roll-off , ou R.O.R.O.), qui consiste à assurer sur roues le transport des marchandises, aussi bien à terre et à bord du navire qu’aux moments du chargement et du déchargement..

La technique R.O.R.O., dont on pensait primitivement qu’elle était particulièrement bien adaptée à des lignes maritimes sur une distance ne dépassant pas 70 à 100 milles marins, s’est, en réalité, développée considérablement même sur de longs trajets. En 1993, près de 3 000 navires rouliers transportant uniquement du fret ou mixtes (passagers-fret) étaient en service sur les mers du globe. La même année, au Havre, le trafic roulier, à l’exclusion des conteneurs, a représenté 30 p. 100 du trafic des marchandises diverses. Compte tenu de la part prise par le trafic conteneurisé, il ne restait donc plus que 2 p. 100 de marchandises diverses (au lieu de pratiquement 100 p. 100 une trentaine d’années plus tôt) à être manutentionnées suivant les techniques traditionnelles.

Les échanges internationaux et l’avenir

Les facteurs cités précédemment ont conduit à ce que le taux de croissance du commerce mondial soit, depuis quarante ans, constamment supérieur à l’accroissement de la production mondiale. La poursuite de la mondialisation de l’économie, l’ouverture des pays de l’ancien bloc communiste et le formidable potentiel qui existe dans ces pays sont des facteurs encourageants pour l’avenir des échanges.

Sur le plan technique, deux voies devraient améliorer l’offre de transport: en premier lieu, une meilleure approche logistique globale par une plus grande maîtrise de l’information avec l’informatisation et les échanges E.D.I. (Electronic Data Interchange) et, en second lieu, l’utilisation de nouvelles générations de navires rapides allant de 30 à 50 nœuds.

Les progrès dus à l’accroissement des volumes de marchandises, au raccourcissement spectaculaire des délais d’acheminement des conteneurs et à des coûts «physiques» de transport de plus en plus bas risquent d’être compromis si des gains de productivité ne sont pas accomplis au niveau du traitement des flux d’informations et de documentation. Le port, lieu de rupture de charge de la marchandise, est également l’endroit où s’opèrent la passation de responsabilité entre professionnels du transport, le paiement du fret, la levée des crédits documentaires et, enfin, le dédouanement de la marchandise. De nombreuses communautés portuaires, avec des succès divers, ont bâti des systèmes d’information facilitant la mise en œuvre des échanges documentaires et l’automatisation des procédures. Dans les années 1980-1990, l’intégration des procédures douanières a suscité l’émergence de communautés d’information pratiquant l’accord de place et la création de réseaux télématiques sectoriels. Les années 1990-2000 nécessiteront l’adaptation des systèmes portuaires et des procédures douanières aux nécessités de la logistique, de la maîtrise de l’information et de la généralisation prévisible des échanges de données informatisées E.D.I.

L’autre perspective qui se dessine est celle des navires rapides se déplaçant à une vitesse de l’ordre de 40 nœuds. Les unités actuellement en service sont surtout utilisés comme des ferries, mais des études sont en cours pour réaliser des navires plus gros qui ne transporteront que du fret. Sur de courtes distances, ces navires seraient une alternative aux transports terrestres (route et fer) et au transport aérien sur de plus longues distances. L’exploitation performante de ces navires ne sera concevable qu’avec des systèmes de documentation pour le suivi des marchandises performants, fondés sur les E.D.I.

Évolution du rôle des ports

Si les ports ont dû accompagner la formidable évolution des échanges maritimes, il leur a fallu s’adapter aux mutations et aux changements d’échelles intervenus tant dans le volume des échanges que dans la taille des navires.

Les ports qui ont fait les progrès les plus spectaculaires sont, en général, ceux de pays et de régions ayant obtenu des taux de croissance économique élevés. L’exploitation rationnelle de navires de plus en plus gros a été possible non seulement par l’adaptation de ports existants et la création de nouveaux ports, mais aussi grâce à un accroissement important de la productivité de la manutention.

Un bref survol de l’évolution portuaire montre quatre phases qui correspondent à des états de développement: une phase primitive qui va de l’Antiquité au Moyen Âge; une phase d’expansion au XIXe siècle; la phase moderne d’expansion et d’industrialisation de la fin de la guerre aux années 1980; la phase actuelle logistique.

Durant la phase primitive, on a assisté à un maximum d’interdépendance entre la ville et le port dans une association très étroite. Cette association, qui a laissé des traces durables dans l’organisation des ports du Nord, peut être «physiquement» observée dans les ports dont le développement s’est arrêté au XVIIe siècle (Lübeck, Bruges, Ars-en-Ré, Collioure, Antibes...) ou qui ont conservé leurs fortifications et leurs citadelles ou, au moins, les traces aisément perceptibles de celles-ci sous la forme de «Ring»: Hambourg, Rotterdam, Anvers, Dunkerque, Calais...

La phase d’expansion du XIXe siècle a été la conséquence des développements technologiques, qui ont fait éclater les cadres traditionnels. Au cours de cette période, le port s’est étendu à l’extérieur de la ville et de ses enceintes fortifiées. Les chemins de fer et les routes ont modifié les échanges avec l’arrière-pays qui, auparavant, étaient limités au trafic fluvial. Durant cette période où l’activité de négoce était importante, les fonctions portuaires étaient essentiellement l’approche maritime, le transfert de la marchandise, le stockage temporaire et la livraison. Cette période a été très créatrice d’emplois pour la construction navale, la manutention et le démarrage des activités industrielles.

La phase moderne, c’est le port industriel marqué par l’accentuation de la séparation spatiale entre la ville et le port. Cette séparation a été engendrée par la réalisation de ports pétroliers en eau profonde, situés à proximité de raffineries s’étendant sur de larges espaces. Ces zones, de plus en plus éloignées des villes, préfigurent les vastes terre-pleins en arrière-quai des terminaux à conteneurs. L’exigence de plus en plus grande de profondeur d’eau et de plans d’eau très larges alimente une croissance du port à l’aval, pour les ports situés dans des fonds d’estuaire, ou le long de la côte pour les ports directement ouverts sur la mer.

Dans la phase actuelle, trois aspects sont en pleine évolution: en premier lieu, le territoire du port; en deuxième lieu, les fonctions portuaires d’interface de modes de transport, de communications et d’échanges de données; en troisième lieu, l’impact sur l’emploi de cette mutation vers le tertiaire.

L’amplification du processus de spécialisation des installations portuaires regroupées en terminaux spécialisés conduit, sur le plan spatial, à une forte consommation d’espaces. Cela provoque l’éloignement de plus en plus grand des nouveaux terminaux spécialisés du centre de la ville (Rotterdam, Anvers, Le Havre, Marseille) et, parfois, la «poldérisation», comme à Rotterdam (Maasvlakte), à Hong Kong ou dans les grandes baies où sont concentrés les principaux ports japonais. Ces exemples ne sont pas exhaustifs mais montrent que ces problèmes d’espace portuaires sont largement répandus dans le monde.

Ce processus a deux conséquences importantes: d’une part, une opposition de plus en plus forte des écologistes, qui veulent sauvegarder les rares zones humides et littorales qui ont échappé à l’urbanisation et au tourisme; d’autre part, le déclassement des vieux bassins obsolètes généralement proches des centres-villes, et que les autorités municipales cherchent à récupérer. Les Anglais ont été les pionniers dans ce domaine, avec la création, dès 1978, de l’U.R.B.E.D. (Urban and Economic Development Group), qui a eu pour mission d’étudier les cas de seize ports. Par ailleurs, les docklands de Londres sont l’exemple le plus spectaculaire de réemploi de zones portuaires, mais il y a eu aussi d’autres opérations exemplaires en Europe: Rotterdam, Anvers, Le Havre...

La fin des années 1980 a vu le démarrage d’un nouveau cycle d’innovations dans le domaine du transport. Cette nouvelle phase n’est pas caractérisée par de nouvelles innovations technologiques sur les navires et les terminaux portuaires, mais par une transformation en profondeur de l’organisation et des pratiques du transport. Ces transformations tendent à accentuer l’intégration et la coordination des différentes composantes du transport. Elles peuvent être résumées par le terme «intermodal», la conteneurisation ayant initié cette approche. L’objectif de l’intermodalité est de fournir le transport de bout en bout avec un segment maritime comme un service unique au meilleur coût et dans les meilleurs délais. L’intégration effective de tous les segments du transport, depuis le préacheminement terrestre vers le port de chargement, jusqu’au postacheminement terrestre pour la livraison, le transport maritime pouvant inclure un ou plusieurs transbordements, dépend d’une très grande maîtrise des échanges de données informatisées assortie de procédures de contrôle très efficaces.

Parallèlement à l’automatisation et à l’informatisation de l’ensemble de la branche transport et, en particulier, des places portuaires, un travail important de simplification et de standardisation a été accompli avec un effort particulier pour le développement de l’E.D.I., celui-ci pouvant être défini comme standard d’échange de données d’ordinateur à ordinateur. Le port du Havre participe activement à la mise en place d’une plate-forme E.D.I. qui permet aux différents acteurs de la place portuaire (agences maritimes, douanes, manutentionnaires, transitaires, chargeurs expéditeurs, autorité portuaire, pilotes, lamaneurs, remorqueurs...) de communiquer entre eux par l’intermédiaire de leurs ordinateurs. Ces transformations donnent une nouvelle dimension aux échanges; on parle de logistique qui, d’une part, fait entrer le transport et les ports dans le processus industriel avec la gestion en flux tendu ou juste à temps et qui, d’autre part, accroît la fonction commerciale du port en l’intégrant dans le processus de distribution.

Ces importantes mutations ont un impact quantitatif et qualitatif sur l’emploi, ce qui est en train de modifier profondément l’image de la ville portuaire. Pendant les phases précédentes, les villes portuaires étaient considérées comme populeuses, grouillantes de vie et d’activités. Maintenant, les industries se sont éloignées, et l’emploi ouvrier a fondu avec la disparition des chantiers de construction navale, qui se sont regroupés sur quelques sites spécialisés. Le plus gros de la production s’est très vite délocalisé au Japon, puis, plus récemment, en Corée du Sud. La manutention du breakbulk, qui était aussi grosse consommatrice de main-d’œuvre a presque disparu. Le trafic est maintenant sur de vastes terminaux spécialisés très mécanisés, «les petites mains ont remplacé les gros bras», et la haute productivité, encore en progression, a fait chuter les effectifs de la manutention. Dans les agences maritimes, la circulation des documents n’est plus effectuée par de nombreux coursiers, mais est de plus en plus transmise par des réseaux informatiques. Enfin, les marins ont aussi disparu des ports, leurs effectifs se sont réduits avec l’automatisation de plus en plus poussée de la conduite des navires; de plus, les séjours à quai de ces navires sont de plus en plus courts: quelques heures maintenant pour les porte-conteneurs en raison de l’accroissement de la productivité de la manutention. Que reste-t-il dans les ports après ce constat? Une gamme plus étendue de services à offrir, avec l’entrée des ports dans les fonctions de distribution et de logistique industrielle, devrait permettre la création d’emplois spécialisés. Le développement du tourisme, avec la revitalisation des vieux quais et l’arrivée des paquebots de croisière, et la croissance de la navigation de plaisance, avec les activités annexes qu’elle génère, devraient aussi fournir de nouveaux emplois.

Les fonctions portuaires actuelles

Le rôle d’interface entre le transport maritime et les transports terrestres du port génère un grand nombre de fonctions qui ont beaucoup évolué dans le temps. Les fonctions militaires, qui ont été essentielles pendant des siècles, ont maintenant presque disparu. De nos jours, les militaires ne sont plus cantonnés que dans quelques bases navales. Les fonctions de construction et de réparation navales sont, à l’exception de quelques chantiers, concentrées dans quelques ports spécialisés (les plus grands sont au Japon et en Corée du Sud). Les fonctions de port à passagers ont été captées en grande partie par le transport aérien. Il ne reste aux ports que deux créneaux spécifiques: le trafic par transbordeurs (ou car-ferries) et l’activité croisière, comme pour le port de Miami. Par ailleurs, beaucoup de petits ports de commerce, qui furent peu accessibles aux navires modernes, n’ont plus d’activités que dans la pêche ou dans la plaisance.

Pour les ports maritimes de commerce, on rencontre aujourd’hui, outre celles que nous avons citées précédemment, qui sont assurées à des degrés divers, quatre grandes fonctions: énergétique, industrielle, commerciale et de logistique-distribution.

La fonction énergétique se rapporte principalement aux hydrocarbures et, dans une moindre mesure, aux charbons. Le port, dans ce domaine, subit la politique des grands groupes pétroliers, qui exploitent les raffineries de son hinterland; ils sont eux-mêmes dépendants de la politique énergétique et fiscale du pays hôte.

La fonction industrielle concerne des trafics de vracs qui sont des inputs industriels comme les minerais, les phosphates, les produits chimiques de base, etc., ou bien des trafics de néobulks tels les produits chimiques et les engrais manufacturés en sacs, les produits métallurgiques, les voitures, etc., qui sont des productions industrielles (outputs) exportées.

La fonction commerciale comprend les trafics de négoce, liés souvent aux marchés de matières premières: ce sont en général des produits d’origine agricole (céréales, produits forestiers, sucres et mélasses, fruits frais, etc.), qui sont transportés en cargaisons complètes de sacs ou de vrac. Ils peuvent, pour certains produits qui ne sont pas périssables, être stockés (thé, café, coton, etc.). À ces trafics, il faut ajouter celui des navires transbordeurs. La conteneurisation a fait exploser l’activité des lignes régulières de marchandises diverses. Cela a conduit, d’une part, à la massification des flux, avec l’exploitation de navires de plus en plus gros et performants (d’une capacité allant jusqu’à 5 000 conteneurs équivalents 20 pieds, ou evp), et avec une desserte plus régulière et plus fréquente des ports touchés et, d’autre part, à une hiérarchisation de ces dessertes selon le système du hub and spoke . Les lignes transocéaniques de gros porte-conteneurs, au lieu de faire la cueillette dans un grand nombre de ports, choisissent quelques grands ports (hubs , ou ports de transbordements) dans chacune des zones desservies. Ces main ports collectent et redistribuent en provenance ou en direction de ports secondaires par l’intermédiaire de plus petits navires porte-conteneurs appelés navettes ou feeders . Ce mode d’exploitation avec transbordements est aussi utilisé pour les vracs (essentiellement le pétrole brut et les minerais), mais dans bien moins de ports que pour les conteneurs. Rotterdam, par exemple, le premier port mondial, transborde 40 p. 100 de ses conteneurs; c’est un des rares ports qui assure aussi cette fonction pour le pétrole brut et les minerais.

La fonction logistique-distribution est le fruit de l’union de la conteneurisation, avec l’informatisation des segments du transport, alliée à la maîtrise des procédures E.D.I.

La distribution permet au port de fournir des services aux usagers qui vont au-delà du simple passage d’une boîte sur un terminal. La logistique doit permettre l’intégration du transport et, en particulier, du passage portuaire dans le processus de production, grâce à la réactivité accrue d’une gestion en temps réel du transport. L’objectif est de pouvoir s’adapter plus rapidement au marché et d’éviter les stocks. Cette fonction, qui devrait aussi permettre d’ouvrir aux P.M.E.-P.M.I. l’usage des transports internationaux par un processus appelé intermédiatisation, devrait encore diversifier les échanges.

3. L’administration des ports

De par le monde, les régimes d’administration portuaire sont extrêmement divers. En fonction de l’histoire, des traditions, de la législation, des circonstances, les ports peuvent être administrés de multiples façons. On observe généralement trois catégories de régimes juridiques portuaires (les ports à gestion centralisée, les ports autonomes et à gestion décentralisée, les ports à gestion privée).

Dans les pays du sud de l’Europe (Espagne, Italie, Grèce), à l’exception du Portugal, où tous les ports sont autonomes, les ports sont, le plus souvent, placés sous l’autorité d’un service de l’État, même si certains grands ports connaissent des régimes d’autonomie proches du système français (Barcelone, Valence, Gênes, Trieste, Naples). Il en va de même au Canada depuis la réforme de 1982.

Les pays d’Europe du Nord connaissent, en général, un régime de décentralisation dans lequel les ports sont sous l’autorité des communes et constituent un service municipal. Les exemples les plus importants sont Anvers, Rotterdam et Hambourg.

Depuis quelques années se sont, par ailleurs, développées des politiques de privatisation des ports en Grande-Bretagne, en Argentine et au Brésil notamment.

Le système français actuel présente maints traits originaux, et notamment une grande souplesse: on y trouve la juxtaposition des ports relevant de l’État, des ports autonomes et des ports décentralisés au profit des départements et des communes.

Le régime général des ports en France

La loi no 83.8 du 7 janvier 1983, complétée par la loi no 83.663 du 22 juillet 1983, relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, a eu pour effet de décentraliser les systèmes de gestion des ports français. Désormais, les ports autonomes (au nombre de sept: Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes, Saint-Nazaire, Bordeaux, Marseille et celui de la Guadeloupe) dont une présentation sera faite ci-dessous, ainsi que les ports d’intérêt national relèvent de la compétence de l’État. Sont considérés comme d’intérêt national, en raison de leur volume et de leur trafic, dix-sept ports métropolitains et six ports d’outre-mer. La liste est fixée par décret en Conseil d’État no 83.1149 du 23 décembre 1983. C’est un régime hybride dans lequel les services portuaires sont assurés par des tiers, notamment les chambres de commerce et d’industrie locales, sur la base de contrats de concessions d’outillage public. De tels contrats définissent les rapports contractuels nés d’un accord aux termes duquel l’autorité concédante (l’État) transmet un certain nombre de ses responsabilités et de ses pouvoirs à son partenaire (concessionnaire). Cette concession peut porter sur tout ou partie de l’outillage public du port. Le concessionnaire peut ainsi se voir confier la construction, l’entretien et l’exploitation d’un outillage public tel qu’une grue, un hangar, une criée de vente du poisson, une forme de radoub; il peut aussi se voir confier la réalisation, l’entretien et l’exploitation d’une partie d’un port, voire d’un port tout entier.

Pour ce qui concerne les infrastructures (digues de protection, quais, plans d’eau), les décisions relatives aux investissements nouveaux sont prises par l’État (ministre ou préfet par délégation); la plupart du temps, l’État subordonne sa décision à la participation financière régionale ou locale, dont le montant est fonction à la fois des possibilités budgétaires de l’État et du plus ou moins grand intérêt national de l’opération. De telles participations, qui se situent en général entre 50 et 90 p. 100 du montant des travaux, sont généralement apportées par la région, par le département, par la ville, qui les financent à l’aide des impôts, ou bien des chambres de commerce, qui les financent sur le produit des droits de port qu’elles sont autorisées à percevoir sur les navires, les passagers et les marchandises. Interviennent également les aides communautaires (notamment grâce au Fonds européen de développement régional). Les décisions d’investissements sont prises après consultation de toutes les administrations et les collectivités.

Pour ce qui concerne les outillages publics (hangars, magasins, grues, portiques, engins de réparation navale), lesquels sont en général concédés, les investissements sont décidés par le concessionnaire sous réserve d’une autorisation de l’État (ministre ou préfet par délégation). Le concessionnaire couvre ses charges de construction, d’exploitation et d’entretien sur le produit des taxes d’outillage que l’État l’autorise à percevoir sur les usagers d’outillages.

Des études ont été entreprises pour modifier le régime des concessions d’outillage public des ports maritimes.

Pour tous les autres ports, l’État a transféré ses compétences pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes et l’intégralité de leurs équipements au département, en ce qui concerne les ports de commerce et de pêche, et à la commune pour les ports exclusivement affectés à la plaisance. Quel que soit le régime portuaire, chaque autorité compétente est autorisée à concéder l’établissement et l’exploitation des installations portuaires à des personnes publiques ou privées. Elle peut remettre, par voie de contrat, telle ou telle de ses responsabilités à un tiers; il est toujours stipulé que le cocontractant agit sous son contrôle. Ces contrats sont également des concessions le plus souvent accordées, pour les ports de commerce et de pêche, aux chambres de commerce et d’industrie par simple transfert de l’État aux collectivités locales du rôle de concédant.

Les ports autonomes maritimes français

Au début des années 1960, les pouvoirs publics ont pris conscience des avantages qui pourraient résulter, pour les ports français directement et durement concurrencés par des ports étrangers, de la mise en place d’une autorité portuaire locale autonome, c’est-à-dire moins dépendante de l’État et armée pour prendre rapidement toutes décisions imposées par les circonstances, notamment dans des buts commerciaux. Il est en effet certain que, indépendamment d’inconvénients éventuels nés de la dualité État-chambre de commerce dans le régime général précité, l’obligation de la saisine systématique de l’État constituait, du fait des délais inhérents aux procédures administratives, un lourd handicap face aux autorités portuaires de certains pays voisins bénéficiant de très larges délégations de responsabilités et de pouvoirs. Or, depuis 1920, déjà, un régime d’autonomie avait été accordé par le législateur aux ports du Havre et de Bordeaux; et les résultats s’étaient révélés très satisfaisants. Aussi, la loi du 29 juin 1965 a-t-elle, tout en modifiant passablement l’ancien régime du Havre et de Bordeaux, défini un nouveau régime d’autonomie susceptible d’être accordé «aux ports de commerce dont l’importance le justifie». Comme on le voit, ce régime a été créé dans le but d’augmenter la compétitivité des principaux établissements portuaires; le bénéfice en a été accordé aux sept ports mentionnés plus haut, qui sont donc des exceptions au régime général.

Un «port autonome» est un établissement public de l’État qui, en résumé, construit, entretient et exploite toutes les infrastructures et tous les outillages réalisés à l’intérieur d’une aire géographique appelée circonscription du port autonome (celui-ci peut, toutefois, accorder des concessions comme le ferait l’État); gère le domaine immobilier compris dans les limites de sa circonscription; arrête son budget et dispose de son propre personnel; est administré par un conseil d’administration et dirigé par un directeur nommé par décret du Conseil des ministres.

La loi du 29 juin 1965 définit les règles de participation financière de l’État dans les investissements d’infrastructures et dans les opérations d’entretien desdites infrastructures. À titre d’exemple, l’État finance la totalité des dépenses d’entretien des chenaux d’accès; il participe à 80 p. 100 dans la construction des digues de protection contre la mer et à 60 p. 100 dans la construction des quais; il n’intervient pas dans le financement des outillages publics, à l’exception des engins de réparation navale. Les recettes du port autonome sont principalement constituées du produit des droits de port, du produit des taxes d’outillage, du produit des recettes domaniales et des subventions de l’État.

Dans les six ports autonomes de la métropole, le conseil d’administration est composé de vingt-six membres, soit treize représentants des chambres de commerce et des collectivités locales de la circonscription, du personnel de l’établissement public et des ouvriers du port et treize représentants de l’État et des usagers du port ou des experts des questions portuaires et maritimes.

L’expérience a prouvé l’efficacité des ports autonomes maritimes français face à leurs concurrents étrangers; ils disposent, en effet, de la liberté nécessaire pour affronter le climat traditionnellement libéral des échanges internationaux et des investissements industriels.

La manutention portuaire

Le personnel d’entretien et le personnel d’exploitation (par exemple, affecté à la conduite des grues et des portiques ou à la surveillance des hangars) relèvent, suivant les cas, de l’État, du concessionnaire de l’outillage public ou du port autonome. Il ne faut pas confondre avec les ouvriers dockers auxquels, dans les ports français, sont réservés les opérations de chargement et de déchargement des navires et des bateaux fluviaux aux postes publics, ainsi que certaines opérations complémentaires aux chargements et déchargements lorsqu’elles sont réalisées dans les lieux à usage public.

En France, la loi du 6 juin 1992 et les décrets et mesures diverses qui l’ont accompagnée ont profondément modifié la physionomie de la manutention portuaire. En permettant une baisse importante des effectifs (3 990 dockers au 1er mai 1994, contre 7 830 au 1er janvier 1992), une responsabilisation des entreprises, une quasi-généralisation de la mensualisation des dockers, désormais salariés au sein des entreprises (3 480 dockers mensualisés, contre 500 intermittents, dont 300 à Marseille, en cours de mensualisation), une renégociation de l’ensemble des conditions de travail et la rédaction d’une convention collective nationale sont apparues une plus grande compétitivité des ports français, une normalisation des relations entre les entreprises, leurs salariés et les représentations syndicales, et une évolution des mentalités.

Pour les quelques ports où subsistent encore une partie de dockers intermittents, c’est-à-dire embauchés par les entreprises au jour le jour, en fonction de leurs besoins, l’ancien système de contrôle de l’embauche a été maintenu, pour permettre à ces ouvriers de percevoir une «indemnité de garantie» le jour où ils n’ont pas trouvé de travail (limitée à 150 jours par an). Localement, c’est le Bureau central de la main-d’œuvre (B.C.M.O.), qui est chargé de l’identification et de la classification de ces dockers, tandis qu’au niveau national une Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers (Cainagod), organisme tripartite dans lequel siègent des représentants de l’État, des employeurs et des ouvriers dockers, contrôle la perception des sommes destinées à financer l’indemnité de garantie et le paiement de celle-ci. Ces organisations (B.C.M.O. et Cainagod) sont amenées à disparaître, puisqu’elles ne s’adressent qu’aux dockers titulaires d’une carte professionnelle au 1er janvier 1992 et que, depuis cette date, plus aucune carte professionnelle ne peut être distribuée.

À l’avenir, il ne subsistera plus, dans les ports français, que des dockers professionnels mensualisés et quelques dockers occasionnels utilisés par les entreprises pour faire face aux aléas et aux pointes de trafic, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée mais ne disposant d’aucune priorité d’embauche de quelque nature que ce soit.

La manutention portuaire, en France comme dans de nombreux pays à travers le monde, a subi une évolution profonde, rendue nécessaire par le développement de la mécanisation, l’accroissement des rendements et les enjeux économiques qui en découlent. Désormais, les entrepreneurs de manutention sont devenus des industriels au sein d’une industrie fortement capitalistique. Ils sont entièrement responsables de leurs investissements, de la gestion de leur personnel, de l’organisation du travail, alors qu’ils sortent d’une situation où ils utilisaient de la main-d’œuvre et de l’outillage, sous forme de «location», uniquement lorsqu’ils en avaient besoin. Comme dans beaucoup d’autres types d’activités, fortement utilisatrices de main-d’œuvre il y a quelques années encore (agriculture, mines, automobile, etc.), la manutention portuaire a dû s’adapter et absorber les gains de productivité imposés par la conteneurisation et l’unitisation des charges, ce qui a constitué pour elle une véritable révolution.

4. Les grands ports du monde et les ports français

Les grands ports du monde

Il n’existe pas de classement mondial officiel des ports maritimes de commerce en fonction du trafic total des marchandises qui y ont transité. Les classements que l’on trouve dans les revues ou les annuaires spécialisés risquent de ne pas être exhaustifs. Il faut noter que les modes de calcul (revenu ton , freight ton ) comme les unités (long ton et short ton ) ainsi que la période de référence (année civile ou année comptable) peuvent varier d’un pays à l’autre, et même à l’intérieur d’un même pays (les États-Unis, par exemple). Enfin, le tonnage total ne reflète pas exactement l’activité économique de chaque port, car la valeur ajoutée de la manutention et du stockage de la tonne de pétrole, de charbon ou de minerai est beaucoup plus faible que celle qui est relative à l’exécution des mêmes opérations sur une tonne de marchandises diverses. En revanche, ces comparaisons sont modifiées si, les raffineries ou les usines sidérurgiques étant installées sur place, on prend en compte la valeur ajoutée par la transformation de la marchandise.

On trouvera dans le tableau 1 un classement des ports qui ont manutentionné les plus forts tonnages de marchandises en 1992. Pour tenir compte des remarques sur l’activité des ports, on a mis le trafic conteneurisé avec le trafic total. Cela permet de distinguer les grands ports mondiaux multifonctionnels (Rotterdam, Singapour et K 拏be) des terminaux spécialisés ou des ports à fonction uniquement industrielle (Chiba, Kawasaki, Ulsan). Ce tableau n’est pas exhaustif, car on n’a, en particulier, aucune information sur le trafic des grands ports pétroliers de l’Arabie Saoudite, qui a produit 436 Mt de pétrole brut en 1992. La première chose qui frappe à la lecture de ce tableau, c’est l’importance du Japon, avec dix ports sur les dix-neuf cités. Cela tient à la géographie d’un archipel qui tire toutes ses ressources en matières premières de l’extérieur, et dont la population est concentrée sur le littoral. Aussi, le trafic maritime de ce pays est-il composé pour 70 p. 100 de trafic intérieur (cabotage et transbordeurs), pour 25 p. 100 d’importations et 5 p. 100 d’exportations.

Un autre aspect géographique du tableau 1 est que cinq de ces dix ports japonais (Chiba, Yokohama, Kawasaki, T 拏ky 拏 et K 稜saraz ) sont dans la même baie et desservent avec d’autres ports de moindre importance, l’agglomération de T 拏ky 拏. Les ports d’ 牢saka et de K 拏be ne sont séparés, dans la baie d’ 牢saka, que par un port de cabotage plus petit. Cette situation ne se rencontre pas qu’au Japon: l’ensemble Long Beach-Los Angeles, avec 130 millions de tonnes (Mt) et 4 millions d’evp, mériterait de figurer dans la liste s’ils ne se partageaient pas le trafic.

Il ne faut pas que le poids du Japon masque l’importance du reste de l’Asie représenté par les «quatre dragons». Les grands ports des décennies précédentes, New York et Londres, ont disparu de la liste des grands ports du monde; les nouvelles grandes places du commerce mondial sont celles de la diaspora chinoise d’Asie: Hong Kong, Singapour et Taiwan.

Les ports français

Pour 1993, le classement des principaux ports français, classés les uns en fonction du tonnage de marchandises débarquées ou embarquées, les autres en fonction du nombre de passagers débarqués ou embarqués, est fourni dans le tableau 2.

Ainsi, le trafic total de marchandises (entrées et sorties) assuré par les dix-neuf principaux ports métropolitains, dont le trafic dépasse 1,5 Mt, a atteint 300 Mt en 1993, soit un peu plus que le seul port de Rotterdam.

Chaque port a ses particularités propres, tant du point de vue du trafic des marchandises que de leur quantité relative. Citons-en quelques-unes (les chiffres donnés sont relatifs à l’année 1993).

La principale composante du trafic maritime, les vracs liquides, a atteint 159 Mt. Il s’agit principalement d’hydrocarbures (pétrole brut, produits pétroliers raffinés et gaz liquéfiés), avec 149 Mt, le reste étant surtout des produits chimiques et, en faibles quantités, des liquides divers (mélasse, vins, huiles alimentaires).

Marseille (63 Mt) et Le Havre (37 Mt) constituent les deux principaux pôles d’approvisionnement en pétrole brut, de la France pour le Havre, de la France et du sud de l’Allemagne via le pipeline sud-européen pour Marseille.

Les vracs solides, avec 70 Mt, constituent la deuxième composante du trafic des ports français. Trois ports se distinguent pour ces trafics: d’abord Dunkerque, avec 19 Mt, puis Rouen, avec 12 Mt, et Marseille, avec 11 Mt. Les 19 Mt du port de Dunkerque se décomposent comme suit: 10 Mt de minerais et 5 Mt de charbons importés, 2 Mt de céréales exportées et 2 Mt de vracs divers. Pour Rouen, les trafics ont porté sur 1 Mt de charbons et 1 Mt d’engrais importés, sur 1 Mt de vracs divers et, surtout, sur 9 Mt de céréales exportées. Pour Marseille, les 11 Mt se composent de 6 Mt de minerais et de 3 Mt de charbons importés, ainsi que de 2 Mt de vracs divers.

Une considération importante concerne les marchandises diverses, tous vracs liquides ou solides exclus. Ces marchandises sont celles qui ont le plus d’impact sur l’emploi local, car elles reçoivent, dans les ports, la plus grande valeur ajoutée. Dans ce domaine, le trafic total pour les dix-neuf principaux ports français s’est élevé, en 1993, à 69,4 Mt. Calais en a assuré 20,1 Mt, Le Havre 12,3 Mt, Marseille 10,2 Mt, Dunkerque 10,1 Mt, et Cherbourg 2,9 Mt. Les résultats de Calais et de Cherbourg se rapportent au trafic transmanche, assuré par des navires transbordeurs. Ceux du Havre, de Marseille et de Dunkerque sont plus diversifiés, avec, surtout, des conteneurs pour Le Havre (68 p. 100 du trafic des marchandises diverses), des conteneurs et des produits sidérurgiques pour Marseille et Dunkerque. Ces chiffres sont à comparer avec ceux de Rotterdam (63,9 Mt), d’Anvers (46,8 Mt) et de Hambourg (32,3 Mt). On voit quelle est, dans ce domaine essentiel, la faiblesse des ports français vis-à-vis de leurs grands concurrents du nord-ouest de l’Europe, où les départs de lignes régulières sont beaucoup plus nombreux, et qui drainent chaque année à leur profit plusieurs millions de tonnes de trafic français détourné.

Un peu moins du quart (15,6 Mt) du trafic français de marchandises diverses est conteneurisé. La quasi-totalité des conteneurs se sont répartis entre Le Havre, qui assure à lui seul un peu plus de la moitié (8,4 Mt) du tonnage français en conteneurs, Marseille (4,7 Mt), Rouen (0,9 Mt) et Dunkerque (0,8 Mt). Si l’on compare ces résultats avec ceux des grands ports européens (résultats de 1993), l’écart est très grand: Rotterdam 45,7 Mt, Hambourg 25,3 Mt et Anvers 19,6 Mt. Les trois premiers ports à conteneurs européens font chacun plus de trafic que l’ensemble des ports français.

Le trafic total des passagers (embarqués ou débarqués) s’est élevé, en 1993, à 28,7 millions. Il s’agit dans une large mesure, depuis la disparition quasi totale des paquebots, de passagers transmanche (25,4 millions de passagers) et de passagers en provenance ou à destination de la Corse et, dans une plus faible mesure, d’Afrique du Nord (3,3 millions de passagers, [tabl. 2]).

C’est l’essor du transport aérien durant les décennies 1950-1970 qui a fait disparaître les lignes de paquebots, jusqu’aux plus prestigieuses qui opéraient sur l’Atlantique nord. Maintenant la majorité des passagers qui traversent la Manche ou qui vont en Corse sur des navires transbordeurs utilisent ce mode de transport de préférence à l’avion parce qu’ils voyagent avec leur voiture et parfois leur caravane. Le gros du trafic maritime de passagers est actuellement concentré sur le pas de Calais; les deux principaux ports français de passagers sont Calais, avec 16 millions, suivi de Dunkerque, avec 2 millions; ils vont être sensiblement affectés par l’ouverture du tunnel sous la Manche.

Quant aux ports de pêche français, ils ont débarqué, en 1993, un total de 416 000 tonnes de poissons, crustacés, coquillages et mollusques contre 655 000 tonnes en 1984. En tonnage, Boulogne-sur-Mer domine tous les autres ports avec 61 000 tonnes, suivi par Brest (43 000 t), Guilvinec (39 000 t), Lorient (36 000 t) et Concarneau (30 000 t). En valeur, Guilvinec l’emporte (632 MF), suivi de Boulogne (492 MF), Lorient (392 MF) et Concarneau (384 MF).

Encyclopédie Universelle. 2012.