BRUIT
Le bruit provoque, chez la plupart des gens, une sensation désagréable. Il s’agit d’un ennemi à combattre. Pourtant, sur le plan scientifique, il possède une définition très précise et représente un phénomène qui n’occasionne pas de gêne particulière. Du point de vue physiologique, le bruit est un son désagréable et gênant. Un son agréable peut toutefois devenir dangereux pour l’oreille s’il est trop intense.
Le bruit, sous-produit de la civilisation technologique et urbaine, est capable de produire deux sortes de dommages sur l’organisme. Les uns dits spécifiques portent sur l’oreille et sur les fonctions psycho-acoustiques (surdités professionnelles, brouillage des communications humaines). Les autres dits non spécifiques sont constitués par le désagrément, la gêne, la fatigue, ainsi que par des troubles nerveux et généraux. Il suffit pour s’en convaincre de se référer aux faits divers relatant des meurtres commis par des individus s’estimant «agressés» par des bruits.
La nocivité du bruit pose des problèmes plus complexes que les autres nuisances familières à l’hygiéniste du travail (concentrations tolérables des poussières ou des toxiques dans l’atmosphère, par exemple): le bruit est à la fois un agent d’information, une nuisance et un danger. Les corrélations entre la fatigue auditive temporaire et la surdité, valables pour un individu donné, ne le sont plus pour une collectivité. La durée du bruit, sa fréquence, son intensité, la forme de l’onde sonore, sa complexité et la sensibilité individuelle jouent un rôle important. La qualité sémantique du bruit intervient aussi: certains bruits intenses et dangereux peuvent avoir une valeur informative pour le travailleur. D’autres, même très faibles, ont un caractère perturbant: ainsi le bruit causé par le voisin dans l’habitat collectif. D’une manière générale, nous ne nous déclarons pas gênés par notre propre bruit, même s’il est assez intense pour détériorer insidieusement notre ouïe. Comme l’enfer de Sartre, le bruit c’est les autres.
Le bruit entraîne des réactions très différentes suivant qu’il apparaît au poste de travail ou en dehors, dans les zones industrielles, les quartiers d’affaires ou les lieux de résidence, et selon qu’il a lieu le jour ou la nuit. Le bruit constitue l’un des facteurs perturbants majeurs de la vie moderne tant par ses effets destructeurs sur l’oreille que par ses répercussions générales sur la vigilance, l’attention, le rendement au travail et la santé physique et mentale. Par son effet perturbateur sur la tâche, il augmente enfin la fréquence des accidents du travail. La lutte contre le bruit et les mesures d’insonorisation sont indispensables non seulement dans les locaux de travail et les moyens de transport, mais également dans l’habitation où elles doivent être envisagées dès la construction.
La notion de son et de bruit
Bien que souvent considérés comme différents, ces deux termes sont, en réalité, presque synonymes. Le son est un phénomène physique dû à une variation périodique de la pression atmosphérique. Dans un certain domaine de fréquence, de l’ordre de 20 à 20 000 Hz pour une jeune personne, l’oreille perçoit le son (on a affaire à un son audible). La variation de pression aux alentours de la pression atmosphérique est généralement très faible, et l’amplitude de la différence entre les pressions instantanée et atmosphérique constitue la pression acoustique. Cette dernière se déplace à une vitesse appelée célérité du son, qui est de 340 m/s dans l’air à 20 0C.
Toutefois, ce phénomène se produit rarement dans l’espace; seuls quelques instruments de musique et phénomènes physiques peuvent émettre un son possédant une seule fréquence (appelée parfois son pur). Dans la plupart des cas, plusieurs fréquences sont mélangées, produisant un son complexe ou bruit. Ce dernier recouvre alors une très large gamme de phénomènes allant de la musique harmonieuse au bruit industriel ou routier, souvent insupportable.
Le spectre du bruit permet de représenter sa composition, c’est-à-dire qu’à chaque fréquence on associe le niveau du son pur le composant. Toutefois, cette analyse ne peut être «infiniment fine» dans la pratique. Cela signifie que la décomposition est effectuée en bandes de fréquences plus ou moins larges. Une décomposition «classique» est réalisée tous les 50 Hz. Mais la variation de sensibilité de l’oreille humaine n’est pas linéaire en fréquence. Elle est d’autant plus lente que la fréquence est élevée. Aussi a-t-on imaginé de réaliser des spectres de bruits par bande de une octave (espace tel que la fréquence la plus élevée a une valeur double de celle de la fréquence la moins élevée: de 50 Hz à 100 Hz ou de 5 000 Hz à 10 000 hz par exemple). On utilise aussi très couramment l’espace de un tiers d’octave, qui est tel que la fréquence la plus élevée est égale à 3 連2 fois la fréquence la moins élevée.
Pour les mesures normalisées, les bornes des bandes d’octave ont été précisées. Mais c’est par la fréquence centrale qu’on définit, en général, celles-ci: 31,5, 63, 125, 250, 500, 1 000, 2 000, 4 000 et 8 000 Hz.
Trois catégories de bruit
Toujours dans un souci de normalisation, trois catégories de bruit ont été définies:
– le bruit blanc est tel que la densité spectrale d’énergie est constante sur toute la gamme de fréquences audibles (de 20 à 20 000 Hz), ce qui signifie que toutes les fréquences sont présentes avec la même intensité. Ce bruit ressemble à celui qui est produit par une chute d’eau à fort débit;
– le bruit rose est caractérisé par une densité égale sur chaque bande de une octave (plus généralement pour f /f constant);
– le bruit routier , en France, est décrit d’une manière précise par l’arrêté du 6 octobre 1978 relatif à l’isolement acoustique des bâtiments d’habitation contre les bruits de l’espace extérieur (fig. 1). Cette définition tient compte de la prédominance des sons graves par rapport aux sons aigus. Les normes et règlements traitant du bruit et de la manière de lutter contre la gêne qu’il peut provoquer se réfèrent à ces définitions. En revanche, les bruits agréables ne posent pas de problèmes généraux. Le traitement qu’on peut leur affecter se limite généralement à améliorer leur répartition (notamment dans une salle de spectacle: c’est le domaine de l’acoustique des salles) ou à réaliser des appareils permettant leur reproduction la plus fidèle possible ou même leur création (acoustique musicale ou électroacoustique).
La mesure du bruit
Avant d’agir sur l’émission ou la propagation du bruit, il est nécessaire de le mesurer. On doit alors non seulement connaître son niveau en divers points considérés, mais également son spectre. Les mesures destinées à contrôler la conformité des appareils ou des isolations sont en général effectuées en décibel A [dB(A)] ou en un tiers d’octave.
Une études d’amélioration des conditions acoustiques fait appel à un analyseur de spectre qui permet d’établir un spectre en bandes de fréquences constantes, appelées aussi bandes fines.
Les effets du bruit: physiopathologie et clinique
L’effet de masque produit par des sons de basse fréquence suffisamment intenses sur les sons de fréquence plus élevée s’accompagne d’une gêne dans la localisation des bruits. Ainsi le bruit industriel, qui est en général riche en sons de basse fréquence, tend à masquer l’intelligibilité de la parole et à perturber l’orientation stéréophonique du travailleur, l’exposant ainsi au danger.
La fatigue auditive est une diminution passagère et réversible de l’audition consécutive à une stimulation sonore (fig. 2). Cette fatigue est due à une vasoconstriction ralentissant les processus métaboliques et provoquant une anoxie transitoire des organes récepteurs de l’oreille interne. La fatigue perstimulatoire apparaît au cours même de la stimulation sonore; indépendante de l’intensité elle se confond avec l’adaptation , processus physiologique de protection de la cochlée (limaçon) de courte durée (une minute environ) qui porte sur la fréquence correspondant au stimulus et ne s’accompagne pas de recrutement. La fatigue auditive post-stimulatoire , plus durable, se situe à une demi-octave ou une octave au-dessus de la fréquence stimulante; elle n’apparaît qu’à partir d’un stimulus de l’ordre de 60 décibels (dB) et se prolonge considérablement pour des bruits au-delà de 90 dB. Elle est plus forte pour un son pur et une fréquence élevée.
La fatigue auditive s’accompagne de bourdonnements, sifflements et tintements ainsi que de modifications de la sensation auditive qui prend un caractère ouaté ou métallique.
La fatigue auditive peut être appréciée à l’aide de divers tests audiométriques (Peyser, Wilson, Wheeler...) après action de sons purs ou de bruits blancs d’une intensité de 80 à 100 dB. La fatigue auditive, phénomène spécifique qui siège au niveau de l’oreille et du ganglion de Corti (premier neurone de la voie auditive principale), doit être distinguée de la fatigue générale due au bruit, de nature non spécifique et qui tient à l’essaimage des influx hors des voies proprement auditives au niveau des troisième et quatrième neurones, vers des structures douées de fonctions végétatives ou émotionnelles.
La surdité professionnelle fait suite à des traumatismes auditifs prolongés qui provoquent des spasmes des fines ramifications de l’artère auditive interne. Il en résulte une hypoxie, des altérations du métabolisme et, finalement, une destruction des cellules sensorielles de la cochlée. L’action traumatique du bruit sur l’audition se fait insidieusement et lentement, et elle intervient surtout quand le processus physiologique de réparation consécutif à la fatigue se ralentit. L’intervalle entre l’intensité du son qui produit une fatigue prolongée de l’ouïe et une lésion est très étroit et variable selon les sujets. Le seuil critique moyen d’action traumatique du bruit se situe entre 80 et 90 dB. Dès le début du travail dans le bruit intense, la fatigue cause un déficit temporaire dans l’aigu qui peut atteindre 50 dB et qui se répare en trois ou quatre semaines. L’évolution très variable de la surdité traumatique d’un sujet à l’autre se vérifie à l’audiomètre et se fait en trois stades (fig. 3):
– Un déficit léger mais permanent de l’audition s’établit dans la zone des sons aigus entre 3 000 et 6 000 Hz, prenant en général la forme d’un «V» à la fréquence 4 000.
– Au stade moyen , le scotome en «V» dépasse 40 dB et s’élargit vers les sons aigus et graves, empiétant sur la zone de la conversation où le déficit peut atteindre 35 dB, ce qui correspond déjà à une gêne importante.
– Le stade grave consiste en une surdité manifeste avec abaissement du seuil jusqu’à 80 dB pour les sons aigus et plus de 35 dB pour la conversation. La surdité est complète pour une perte globale supérieure à 82 dB. Cette surdité n’est pas évolutive par elle-même et elle ne s’aggrave que si le sujet atteint reste dans une ambiance bruyante. Les modifications associées de l’audition déjà observées dans la fatigue prennent ici un caractère plus intense: sifflements, bourdonnements, acouphènes ou bruits parasites. La surdité professionnelle est une surdité de perception accompagnée du phénomène de recrutement, ce qui signe son origine cochléaire.
L’action traumatique du bruit est d’autant plus forte que le bruit est intense, prolongé, ou qu’il s’agit d’un son pur et de haute fréquence; ainsi les bandes de basse fréquence (de 75 à 150 Hz) sont moins nocives que les hautes fréquences (de 600 à 1 200 Hz) et leur intensité doit être augmentée de 15 dB pour atteindre l’effet des secondes. Un bruit bref très intense (armes à feu, explosions) peut provoquer la rupture immédiate et douloureuse du tympan, parfois suivie après cicatrisation d’une surdité permanente mixte (de perception et de conduction). Un bruit inattendu et répétitif est également traumatisant car il perturbe le réflexe acoustique de protection musculo-ossiculaire de l’oreille moyenne. L’association de sons audibles, d’ultrasons proches et d’infrasons accentue le caractère traumatisant du bruit qui pénètre littéralement dans tout l’organisme et se propage vers la cochlée par voie osseuse. Les effets extra-auditifs et généraux du bruit ont pour origine la diffusion des influx au niveau des troisième et quatrième neurones de la voie auditive. L’audition constitue en effet une fonction de guet et d’alarme dont rendent bien compte la structure complexe des voies centripètes et des aires auditives ainsi que les potentiels évoqués. Tout bruit insolite ou intense provoque un ensemble de réflexes et d’attitudes d’investigation, d’émotion, d’attente anxieuse, d’augmentation de la vigilance et de détérioration de celle-ci quand le bruit est jugé alarmant; l’état adrénergique consécutif stimule le diencéphale, le système endocrinien et les processus métaboliques en vue de la riposte ou de la fuite. Bref, c’est la réaction d’alarme du Stress de H. Selye. Ainsi le bruit agit-il non seulement sur la vision et l’équilibration, mais sur l’ensemble de l’organisme, surtout par voie sympathique: accélération du rythme cardiaque, augmentation des résistances vasculaires périphériques, hypertension artérielle, spasmes digestifs, dégradation de l’attention, fatigue psychique, diminution de la qualité et du rendement dans le travail, etc. Lehmann et Jansen ont montré à l’aide de l’électro-encéphalographie et de la pléstygmographie (mesure du volume des extrémités des membres) que les effets vasculaires du bruit s’exercent même sans éveil ni prise de conscience chez le sujet endormi. Anthony et Ackermann, Grognot, Bugard ont objectivé l’action du bruit sur le diencéphale, l’hypophyse, la surrénale, la thyroïde et les gonades. Bugard a provoqué un syndrome de choc mortel chez certains animaux et a montré chez le porc d’élevage quelle part de la réaction tient à la signification émotionnelle du bruit et quelle autre part à son intensité. Un bruit, un ultrason proche ou un infrason de très haute intensité (160 dB, soit 1 W/cm2 et à plus forte raison 170 dB, soit 10 W/cm2) mettent en œuvre une quantité d’énergie suffisante pour provoquer une destruction des tissus, un échauffement corporel et la mort rapide de l’animal.
La surdité professionnelle menace le personnel de mise au point, d’entretien et les équipages dans l’aviation, ainsi que les chaudronniers, forgerons, estampeurs, ouvriers du tissage, opérateurs de presses à découper, foreurs de galeries, utilisateurs de scies circulaires, ouvriers de chantiers navals et toutes les professions où le bruit peut atteindre 90 à 120 dB. Grings a noté chez des riveteurs une perte moyenne à 4 000 Hz de 12 dB en un an d’exposition, de 16 dB en trois ans et de 25 dB en six ans, compte tenu de la correction due à l’âge. De nombreuses enquêtes faites dans les pays
industriels précisent les risques dans la plupart des métiers bruyants.
La protection contre le bruit
L’isolation phonique
La solution la plus simple pour isoler un local d’un bruit gênant consiste à interposer une paroi entre les deux éléments. L’atténuation apportée par celle-ci peut être déduite de la loi de masse qui montre l’indice d’atténuation d’une paroi en fonction des caractéristiques mécaniques du matériau qui la constitue et de la fréquence du son. Elle s’exprime sous la forme suivante lorsque la fréquence est suffisamment élevée, c’est-à-dire supérieure à 200 Hz environ:
f c est la fréquence critique de la paroi qui est donnée par l’expression suivante:
B étant le coefficient de raideur à la flexion de la paroi:
R est appelé indice d’affaiblissement de la paroi.
Dans ces expressions, 諸 représente la pulsation du son, m est la masse par unité de surface de la paroi, celle-ci ayant l’épaisseur h , 兀 le facteur de perte du matériau constituant la paroi et E son module d’élasticité. La célérité du son dans l’air est désignée par c et la masse volumique de l’air par 福. Le coefficient de Poisson 猪 a une valeur voisine de 0,3 pour tous les solides. L’angle représente l’angle d’incidence du son sur la paroi considérée.
La représentation de cette fonction est donnée sur la figure 4 pour une cloison constituée de plâtre et ayant une épaisseur de 5 cm, le son atteignant la paroi sous une incidence de 600. On remarque une diminution importante de R au voisinage de la fréquence dite de coïncidence. Dans un local, l’incidence de son sur les parois s’effectue d’une manière aléatoire. La valeur réelle de R est donc obtenue par intégration sur et moyennage. Toutefois, les données expérimentales montrent que, pour obtenir un résultat correct, les bornes d’intégration doivent être 00 et 780. Cela provient du fait que la répartition des angles d’incidence n’est pas absolument aléatoire. En fait, la probabilité de présence des angles de valeur élevée (supérieure à 700) décroît rapidement avec l’incidence.
La différence entre les niveaux acoustiques régnant dans deux locaux séparés par une paroi représente l’isolement (D). Il est relié à l’indice d’affaiblissement par l’expression suivante:
S, 2 et V2 représentent respectivement la surface de la cloison de séparation, la durée de réverbération du local que l’on désire protéger du bruit et le volume de celui-ci.
Pour les mesures normalisées d’affaiblissement entre deux locaux, on définit aussi l’isolement normalisé:
A étant l’aire d’absorption équivalente du local à protéger.
Dans certains pays, on utilise l’expression suivante:
2 étant défini ci-dessus. Ces deux expressions donnent des résultats qui peuvent différer notablement si la valeur du volume V2 est éloignée de 30 m3.
Parois multiples
L’isolation apportée par une paroi simple peut se révéler insuffisante si la masse surfacique de celle-ci n’est pas assez importante. C’est notamment le cas pour les plaques de verre constituant la majeure partie de la surface des fenêtres. On doit alors avoir recours aux parois multiples. Cette technique consiste à utiliser deux parois séparées par une lame d’air (doubles vitrages par exemple). Les gains obtenus par cette méthode peuvent être très significatifs à condition de respecter certaines règles. En particulier, les masses surfaciques des deux cloisons doivent être différentes pour éviter une addition des défauts d’isolement constatés sur la figure 2. En outre, elles doivent être totalement désolidarisées sur le plan vibratoire afin que la transmission de l’énergie acoustique de l’une à l’autre s’effectue uniquement par voie aérienne. Par ailleurs, le choix de l’épaisseur de la lame d’air les séparant doit être fait judicieusement. En effet, ce petit volume ne peut entrer en résonance et, dans ce cas, l’affaiblissement obtenu serait inférieur à celui qui est produit par une seule paroi. La fréquence de résonance est donnée par l’expression suivante:
d est l’épaisseur de la lame d’air exprimée en mètre; m 1 et m 2 sont les masses surfaciques des deux parois.
Pour des fréquences éloignées de celle qui est critique, l’indice d’affaiblissement peut être exprimé sous la forme suivante:
諸 étant la pulsion du son et 諸0 = 2 神f 0.
Parois composites
Lorsqu’il ne s’agit pas de vitrage, on peut encore améliorer les résultats en plaçant un matériau fibreux entre les deux parois. On a alors affaire à des parois composites. Celles-ci ont pour effet de procurer une isolation phonique correcte tout en restant assez légères.
Les verres feuilletés
Cette technique consiste à interposer entre deux lames de verre une feuille de matériau plastique. En choisissant des épaisseurs de lames différentes, on peut décaler les creux dans les courbes d’isolement et parvenir à un résultat global supérieur à celui qui est obtenu avec une seule plaque de verre de même épaisseur.
Transmissions latérales
Ces lois ne se vérifient, tant pour les parois simples que pour les parois multiples, que si les joints les séparant des autres éléments sont parfaitement étanches au bruit.
En général, les résultats se révèlent toujours moins bons que ceux qui ont été calculés, du fait des fuites non seulement au niveau des joints, mais également au niveau des parois latérales. Ces dernières peuvent, en effet, transmettre des vibrations susceptibles d’engendrer des ondes sonores.
Les problèmes spécifiques au milieu industriel
Du point de vue physiologique, lors de l’évaluation du déficit de l’audition dû au travail en milieu bruyant, plusieurs éléments cliniques doivent être pris en compte:
– Le vieillissement: la presbyacousie qui est une diminution de l’acuité auditive due au vieillissement tient à des lésions dégénératives des cellules sensorielles partant de la base du limaçon – siège de la perception des sons aigus – à la partie supérieure des spires. La presbyacousie se manifeste précocement, dès trente-deux ans chez l’homme, et elle progresse ensuite par paliers, tous les quinze ans; chez la femme elle apparaît vers trente-sept ans et évolue moins vite.
– Les maladies générales : diabète, hypertension artérielle, affections vasculaires dégénératives.
– Les maladies otologiques antérieures .
– Les intoxications générales: oxyde de carbone, plomb, sulfure de carbone, solvants organiques, et, bien sûr, tabac et alcool.
– La participation à une guerre .
Le dossier médical doit comporter l’observation clinique générale, les audiogrammes à l’embauche et les suivants, les éléments d’évolution en fonction du métier, la durée journalière et totale d’exposition au bruit, sa dosimétrie et son analyse spectrale.
On doit déplacer vers un poste de travail moins bruyant tout sujet montrant une évolution rapide et évidente des troubles auditifs. Le changement de poste et la multiplication des examens s’imposent si le déficit dépasse 35 dB pour la conversation et 60 dB pour les sons aigus.
La protection générale vise à réduire les bruits à la source. Lorsqu’on a affaire à des machines de dimensions importantes comportant de nombreux organes bruyants, on isole ces derniers de l’extérieur en les plaçant dans une cabine. Dans ce cas, le servant de la machine doit pénétrer à l’intérieur de la cabine et est alors soumis à un niveau de bruit très intense. C’est pourquoi il est préférable de ne recourir à ce système que lorsque l’accès à la machine reste occasionnel.
Lorsque les sources de bruit de l’appareil sont localisables, on utilise généralement la technique du capotage: on enserre la partie bruyante dans un capot dont les parois assurent l’isolation phonique. Un des avantages de cette méthode réside dans le fait que l’utilisateur se trouve lui aussi protégé du bruit.
La surveillance du milieu bruyant se fait à l’aide de dosimètres, sonomètres et analyseurs de bruit. Des critères nationaux pour estimer l’effet nocif du bruit ont été déterminés par plusieurs études: Comittee of Hearing Acoustic Biomechanic Association (C.H.A.B.A.), American Conference of Governmental Industrial Hygiene (A.C.G.I.H.), British Occupational Hygiene Society (B.O.H.S.)... Le sévère critère français (fig. 5) comprend quatre zones pour le spectre sonore: le premier, en dessous du I, est la zone de sûreté où les lésions de l’ouïe sont exceptionnelles. La zone située entre I et II donne des surdités chez les sujets sensibles. La zone comprise entre II et III comporte un risque de surdité chez plus de la moitié des travailleurs. Au-dessus de III, le danger est absolu et les lésions graves de l’ouïe apparaissent dès les premiers mois d’exposition. D’une manière générale, on admet les niveaux sonores moyen et maximal donnés par le tableau.
La protection individuelle intervient si la protection générale se révèle insuffisante, à l’aide de moyens éprouvés scientifiquement en laboratoire d’audiologie: les bouchons auriculaires , réduisant le bruit de 8 à 30 dB et protégeant mieux l’ouïe contre les sons aigus; d’usage facile et bon marché, leur protection est limitée par leur mobilité dans le conduit auditif externe. Le serre-tête , plus efficace, réduit le bruit de 20 à 40 dB et protège contre les sons aigus et moyens: muni d’un microphone, il permet la communication verbale. Le casque réduit le bruit de 30 à 40 dB, empêche la propagation osseuse et peut admettre aussi un microphone; par contre, il est lourd, encombrant et coûteux. La surveillance de la fonction auditive est indispensable pour les métiers bruyants: examen de l’audition à l’embauche, tests de fatigue initiaux et en cours de travail après des temps de repos suffisants, tests de dépistage par audiométrie individuelle ou de groupe, examens de contrôle par le spécialiste.
Législation
Dans les pays industrialisés, l’hypoacousie et la surdité dues au bruit sont classées parmi les maladies professionnelles donnant droit à réparation. Le législateur français (décret du 10 avril 1963) a inscrit au tableau no 42 des maladies professionnelles les affections provoquées par les bruits accompagnant l’emboutissage, l’estampage, le martelage, le rivetage des métaux par percussion, le tissage sur métiers à navette battante, la mise au point des propulseurs, des réacteurs et des moteurs à piston. Il s’agit d’un déficit audiométrique bilatéral par lésion cochléaire irréversible et ne s’aggravant plus après la cessation de l’exposition au risque. Le diagnostic sera confirmé par une nouvelle audiométrie effectuée de six mois à un an après cessation de l’exposition aux bruits lésionnels. Cette audiométrie doit être tonale et vocale et faire apparaître pour la meilleure oreille un déficit minimal moyen de 35 dB calculé sur les trois fréquences conversationnelles 500, 1 000 et 2 000 Hz. Dans le calcul de cette moyenne, le déficit sur la fréquence médiane est assorti d’une valeur double.
Le 14 janvier 1958, un texte fixant les spécifications auxquelles doivent répondre les avertisseurs sonores des véhicules automobiles était déjà édité. À partir de 1972, des écrits relatifs au bruit émis par les véhicules automobiles ont été promulgués (presque tous ceux-ci concernent la C.E.E.). En ce qui concerne les installations classées, le texte le plus ancien date de 1976. Depuis lors, de nombreuses dispositions ont été prises.
Le premier texte relatif à l’isolement acoustique des bâtiments d’habitation contre les bruits de l’espace extérieur date, quant à lui, du 6 octobre 1978. Il fixe les isolements acoustiques des pièces principales et des cuisines exposées directement ou indirectement aux «nuisances» des transports terrestres, le bruit de référence étant le bruit routier défini sur la figure 1.
Depuis cette époque, les limites admissibles n’ont pas changé notablement mais, en revanche, les normes concernant les méthodes de mesure ont considérablement évolué.
Notons que, pour certains appareils comme les tondeuses à gazon, le niveau maximal de bruit émissible est limité et que le niveau de puissance acoustique de l’appareil doit être affiché sur celui-ci depuis 1984.
Pour ce qui concerne le bruit sur les lieux de travail, le Conseil des Communautés européennes a adopté, le 12 mai 1986, une directive concernant la protection des travailleurs contre les risques dus à l’exposition au bruit. Celle-ci comporte désormais trois groupes de dispositions concernant respectivement la protection des travailleurs contre le bruit, la réduction du bruit des machines neuves, l’insonorisation des locaux de travail neufs.
Le décret no 88-405 du 21 avril 1988 définit les obligations des fabricants de machines, d’appareils et d’installations utilisés en milieu du travail.
Les machines et appareils doivent être conçus, construits et équipés de telle sorte que les risques résultant de l’émission de bruit soient réduits au niveau le plus bas raisonnablement possible compte tenu de l’état des techniques.
Une information sur le bruit émis dans des conditions de fonctionnement spécifique doit être fournie lors de l’exposition, de la mise en vente ou de la vente.
bruit [ brɥi ] n. m.
• XIIe; de bruire; lat. brugitum, p. p. de °brugere → bruire
1 ♦ Sensation auditive produite par des vibrations irrégulières. ⇒ 2. son. Émettre, produire, faire un bruit. Écouter, entendre, percevoir un bruit. Niveau sonore du bruit. ⇒ décibel, phone. Les bruits de la nature. Le bruit du vent, du tonnerre, de la pluie, des vagues (⇒ bruitage) . « les bruits de la maison, le craquement des poutres, des planchers, ton père qui tousse, les cercles de fonte mis en place sur la cuisinière » (Perec). Bruits de vaisselle, de casseroles. Bruit de pas. Bruit de bottes. Les bruits de la rue. Bruit de moteur, de moto. Bruits de voix. ⇒ brouhaha, chuchotement, cri, gémissement, hurlement, murmure, rumeur, vagissement. Bruit assourdissant, confus, faible, intense, mat, métallique, strident; intermittent, régulier; discordant, mélodieux. Bruit léger. ⇒ bruissement, clapotis, frémissement, froissement, frôlement, gazouillement. Bruit de fond, auquel se superpose un autre bruit. Bruit retentissant. ⇒ déflagration , détonation, éclatement, explosion, fracas, pétarade. Bruit aigu ou sec. ⇒ claquement, cliquetis, craquement, crépitement, crissement, grésillement, grincement, pétillement, tintement. Bruit sourd. ⇒ bourdonnement, chuintement, gargouillement, grondement, ronflement, ronronnement, roulement, vrombissement. Onomatopées imitant des bruits. Bruits d'animaux (qui ne sont pas des cris). ⇒ ronron, sifflement, stridulation. Bruits physiologiques. Bruits respiratoires. ⇒ 2. râle, soupir, toux. Bruits digestifs. ⇒ borborygme, éructation, flatuosité, vent.
♢ (Sens collect.) Faire du bruit, trop de bruit. Ne pas supporter le bruit. Il y a un bruit d'enfer. ⇒ cacophonie, tapage, tintamarre, tumulte, vacarme. Nocivité du bruit. ⇒ nuisance, pollution. Protection contre le bruit. ⇒ antibruit; insonorisation. « trop de bruit nous assourdit » (Pascal). — Marcher sans bruit, sans faire de bruit (cf. À pas de velours, sur la pointe des pieds).
♢ Loc. fig. Faire grand bruit, du bruit : avoir un grand retentissement. L'affaire a fait grand bruit. Cette révélation va faire du bruit. Fam. Ça va faire du bruit dans Landerneau. — Faire grand bruit de (qqch.),y accorder une grande importance. — Loc. prov. Beaucoup de bruit pour rien : beaucoup d'éclat pour une chose insignifiante.
2 ♦ Nouvelle répandue, propos rapportés dans le public. ⇒ rumeur. Un bruit qui court. ⇒ on-dit. Répandre un bruit. ⇒ ébruiter. Faire courir le bruit que... « Sophie faisait encore circuler d'autres bruits particulièrement alarmants » (Mérimée). « au bruit de la chute de la Bastille » (Chateaubriand), à cette nouvelle. Des bruits de guerre. Des bruits de couloir. Un faux bruit : une fausse nouvelle. ⇒fam. bobard.
3 ♦ (mil. XXe) Phys. Phénomène aléatoire gênant qui se superpose à un signal utile et en perturbe la réception. ⇒ neige, parasite, souffle. Électron. Bruit de fond : bruit provoqué par les résistances et les éléments actifs. Bruit blanc.
4 ♦ Doc. Redondance d'information.
⊗ CONTR. Silence.
● bruit nom masculin (de bruire) Ensemble des sons produits par des vibrations plus ou moins irrégulières ; tout phénomène perceptible par l'ouïe : Écouter le bruit de la pluie. Ensemble des sons perçus comme étant sans harmonie, par opposition à la musique : Lutter contre le bruit. Son imprévu qui vient se superposer au rythme continu de quelque chose, d'un appareil : Il y a un bruit dans le moteur. Nouvelle ou opinion répandues dans le public, retentissement public d'un événement : Le bruit de son succès s'est répandu. Acoustique Vibration des particules d'un milieu présentant un caractère erratique, statistiquement aléatoire. (À la différence des sons musicaux, les bruits peuvent être considérés comme résultant de la superposition de nombreuses vibrations à des fréquences diverses, non harmoniques les unes des autres.) Cybernétique et Télécommunications Ensemble de perturbations de toute nature et de toute origine venant se superposer à un signal utile en un point quelconque de l'espace ou d'une voie de transmission. Informatique Phénomène de restitution de documents non pertinents lors de l'interrogation d'un système documentaire automatique. Phonétique Caractère des unités phoniques dont le spectre est constitué essentiellement de fréquences non périodiques. (On parle du bruit d'explosion des occlusives et du bruit de friction des constrictives.) ● bruit (citations) nom masculin (de bruire) Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 La musique, c'est du bruit qui pense. Fragments Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Tout bruit écouté longtemps devient une voix. Fragments William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 C'est un récit conté par un idiot, plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. It is a tale Told by an idiot, full of sound and fury, Signifying nothing. Macbeth, V, 5, Macbeth Commentaire Le Bruit et la Fureur, titre d'un roman de William Faulkner. ● bruit (expressions) nom masculin (de bruire) Le bruit court que, on raconte que. Bruits de couloir, nouvelles, commentaires, etc., qui circulent de manière non officielle. Faire du bruit, produire des bruits, être bruyant ; en parlant d'un événement, avoir un grand retentissement. Faire du bruit, beaucoup de bruit autour de quelque chose, en faire grand cas. Faire du bruit, beaucoup de bruit pour rien, donner beaucoup d'importance à ce qui n'en vaut pas la peine. Faire grand bruit de quelque chose, y attacher une grande importance ; s'en prévaloir. Faux bruits, fausses nouvelles, opinions infondées. Bruit blanc, bruit dont la densité d'énergie spectrale est constante, indépendante de la fréquence. Bruit du cœur, vibration sonore brève émise par le cœur. ● bruit (synonymes) nom masculin (de bruire) Ensemble des sons produits par des vibrations plus ou moins...
Synonymes :
- son
- sonorité
Ensemble des sons perçus comme étant sans harmonie, par opposition à...
Synonymes :
- boucan (familier)
- chahut (familier)
- tapage
- vacarme
Contraires :
- silence
Nouvelle ou opinion répandues dans le public, retentissement public d'un...
Synonymes :
- bobard (familier)
- cancan
- commérage
- on-dit
- potin (familier)
- racontar (familier)
- ragot (familier)
- rumeur
bruit
n. m.
rI./r
d1./d Sensation perçue par l'oreille. Le bruit du tonnerre. Les bruits de la rue. Faire du bruit.
— Cette sensation ressentie de manière désagréable. Le bruit des voitures.
|| MED Son caractéristique et révélateur entendu à l'auscultation.
|| PHYS Ensemble de sons à caractère le plus souvent accidentel. L'intensité d'un bruit se mesure en décibels.
|| TELECOM Bruit de fond: son parasite dans un récepteur.
d2./d Tumulte, agitation. Fuir le bruit du monde.
d3./d Nouvelle qui circule, rumeur. Le bruit court. Un faux bruit immédiatement démenti.
|| Faire du bruit: provoquer l'intérêt, l'émotion du public. Ce scandale a fait trop de bruit.
rII./r PHYS Fluctuations aléatoires de la lumière.
⇒BRUIT, subst. masc.
A.— Ensemble de sons, d'intensité variable, dépourvus d'harmonie, résultant de vibrations irrégulières. Bruit sourd; bruit du tonnerre; faire du bruit :
• 1. Nous cheminions en silence dans les bois et j'étais malgré moi attentif au chant des oiseaux et au murmure des arbres, à tous ces bruits qui semblaient mesurer la vie.
GREEN, L'Autre sommeil, 1931, p. 189.
SYNT. Bruit confus, continu, cristallin, éclatant, étouffé, familier, humain, insolite, léger, lointain, métallique, monotone, sec; doux, joli; grand bruit; bruit d'ailes, d'insectes; bruit de baisers, de discussion, de ferraille, de gorge, de pas, de sanglots; bruit de l'eau, des applaudissements, du vent; bruits de la maison, de vaisselle, de voix; absence de bruit; au moindre bruit; le bruit s'apaise, s'élève; entendre un bruit; faire un bruit d'enfer, de tous les diables; ne pas faire plus de bruit qu'une souris; prêter l'oreille à un bruit; sans faire de bruit. Mettre en bruit (FLAUBERT, Par les champs et par les grèves, 1848, p. 209).
— P. métaph. et au fig.
♦ P. métaph. :
• 2. Je n'ai pas étendu mon manteau sous les tentes,
Dormi dans la poussière où Dieu retournait Job,
Ni la nuit, au doux bruit d'étoiles palpitantes,
Rêvé les rêves de Jacob.
LAMARTINE, Voyage en Orient, t. 1, 1835, p. 20.
♦ Au fig. :
• 3. C'est donc vous, ô Lélia, qui devez être et qui serez, je l'espère encore, mon guide et mon appui. (...). C'est votre voix grave et calme qui doit imposer silence au bruit discordant de mes pensées, ...
G. SAND, Lélia, 1833, p. 226.
— P. méton. :
• 4. Dans le silence qui bourdonne, un bruit tombe goutte à goutte : c'est le ruisseau qui coule le long des chanlattes; ...
E. et J. DE GONCOURT, Charles Demailly, 1860, p. 96.
— Spécialement
1. INFORM. et LING. Tout ce qui altère ou perturbe la transmission d'un message (cf. Media 1971).
2. MÉD. Mouvement physiologique interne ou externe, perçu par le sujet ou par une autre personne. Bruits normaux, pathologiques :
• 5. Elle [Xave] abandonna à l'oreiller sa tête épuisée où sonnait, comme un bourdonnement lointain, le bruit du sang à ses tempes.
DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire? 1934, p. 530.
a) Bruit de galop. Bruit du cœur, d'origine pathologique, s'ajoutant aux deux bruits normaux, donnant ainsi à l'auscultation, un rythme à trois temps, rappelant un galop de cheval (cf. M. BARIÉTY, Ch. COURY, Hist. de la méd., 1963, p. 627).
b) Bruit de pot fêlé. Bruit obtenu en percutant la région sous-claviculaire et indiquant l'existence d'une caverne pulmonaire (cf. Ce que la France a apporté à la méd. dep. le début du XXe s., 1946, p. 100).
c) Bruit de râpe. Bruit anormal du cœur, souffle rappelant le bruit d'une râpe, dans certains cas de lésions valvulaires (cf. M. BARIÉTY, Ch. COURY, op. cit., p. 602).
d) Bruit de souffle. Bruit anormal du cœur, révélant une altération du rythme cardiaque (cf. A. TROUSSEAU, Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu, 1895, p. 173).
e) Bruit de soufflet. Souffle pulmonaire ou cardiovasculaire (cf. M. BARIÉTY, Ch. COURY, op. cit., p. 602).
f) Bruit du cœur. Bruits normaux de cet organe, perçus à l'auscultation, correspondant à la contraction (1er bruit) et au relâchement (2e bruit) des ventricules (cf. MARFANAPUD, AVIRAGNET, WEILL, H. MARIE [F. Widal, P.-J. Teissier, G.-H. Roger, Nouv. traité de méd., fasc. 2, 1920-24, p. 684]).
g) Bruit musculaire. Frémissement entendu au stéthoscope, au niveau des muscles (cf. C. BERNARD, Cahier de notes, 1860, p. 200).
3. PHONÉTIQUE
b) Accent, sonorité du langage :
• 6. ... Gide ne sait de l'anglais que ce que les livres lui en ont appris ... Gide comprend le sens des mots, mais ne saisit pas le bruit de la phrase anglaise...
GREEN, Journal, 1950-54, p. 21.
4. PHYS. Bruit blanc. Son complexe, à spectre continu (cf. P. SCHAEFFER, À la recherche d'une mus. concr., 1952, p. 209).
5. TECHN. AUDIO-VISUELLES, THÉÂTRE
a) Reconstitution ou création sonore destinée à accompagner une émission radiophonique, télévisée, une pièce de théâtre ou un film. Bruits artificiels, naturels (GITEAU 1970); bruits imitatifs (Vocabulaire radiophonique, 1933-1952); bruits de coulisses (Arts et litt. dans la société contemp., t. 1, 1935, p. 3404).
b) Spéc., RADIO. Bruit de fond. Ensemble de sons parasites se superposant à une émission et en gênant la bonne audition (cf. Hist. gén. des sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 272). Synon. bruit parasite (E. COUSTET, La T.S.F. pratique, télégraphie, téléphonie, 1924, p. 227).
♦ P. ext. Bruit faible et continu :
• 7. Nous connaissons tous ici le sens de ce bruit de fond très différent des crépitantes fureurs des débuts d'incendie.
H. BAZIN, L'Huile sur le feu, 1954, p. 59.
6. VÉN. Chasser à grand bruit. Chasser avec de grands moyens (cors, nombreux chiens, veneurs, piqueurs).
Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe s.
— P. ext. Agitation, querelle. (Se retirer) loin du bruit :
• 8. On s'attendait à du bruit [à l'Odéon] et on avait consigné deux régiments...
G. SAND, Correspondance, t. 5, 1812-76, p. 20.
♦ Fam., vieilli. Faire beau bruit. Gronder, se fâcher (attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe s.). Voir beau bruit. Voir quelqu'un se fâcher (cf. F. VIDOCQ, Mémoires de Vidocq, t. 3, 1828-29, p. 191).
B.— Nouvelle, propos concernant un événement, une personne. Au bruit de; faux bruit; bruits de guerre :
• 9. Il [Rogron] causait et demandait des nouvelles de la ville, il écoutait et colportait les commérages, les petits bruits de Provins.
BALZAC, Pierrette, 1840, p. 44.
SYNT. Un bruit circule, court; répandre, semer le bruit que; faire courir le bruit de la mort de qqn; des bruits courent sur le compte de qqn; il y a bruit de qqc. Il n'est bruit que de cela. Il en est beaucoup question. Bruits de coulisse. Nouvelles circulant sous le manteau. Les renseignements, les bruits de coulisse traversent la ville en quelques heures (MORAND, New York, 1930, p. 60).
— Spécialement
1. BOURSE. Bruit de Bourse. Nouvelle, fondée ou non, circulant à la Bourse, pour en faire varier les fonds. Le champ des bruits de Bourse et de salons était sans limite (ZOLA, L'Argent, 1891, p. 33).
2. DR. Bruit public. Opinion générale pouvant servir de preuve, en l'absence d'autres indices.
Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe s.
C.— Éclat, retentissement d'une personne, d'une chose, en bien ou en mal. Bruit de la renommée; faire grand bruit (de qqc.) dans (le monde); vain bruit :
• 10. C'étaient (...) les articles de Moïssard expédiés en Corse (...) avec des portraits, des biographies, des brochures, tout le bruit imprimé qu'il est possible de faire autour de son nom...
A. DAUDET, Le Nabab, 1877, p. 241.
— Expr. À petit bruit. Sans éclat, discrètement. Ce garçon (...) vit à petit bruit (COLETTE, La Naissance du jour, 1928, p. 21). (Faire) beaucoup de bruit pour rien. (Faire) beaucoup d'éclat pour des choses qui n'en valent pas la peine. Grandes discussions pour d'imperceptibles intérêts, fâcheries, brouilleries, beaucoup de bruit pour rien, Lilliput en colère (M. DE GUÉRIN, Correspondance, 1837, p. 329). Faire plus de bruit que de besogne. Parler plus qu'agir. Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe s. Faire plus de bruit que de mal. Avoir plus d'éclat extérieur que de conséquences fâcheuses. Ces lettres [de cachet] ont fait plus de bruit que de mal (CHATEAUBRIAND, Essai sur les Révolutions, t. 2, 1797, p. 334). Cet homme est bon cheval de trompette, il ne s'étonne pas du bruit. Il garde son sang-froid devant des cris, des menaces. Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe s. Un homme n'aime pas le bruit s'il ne le fait. Un homme condamne chez un autre ce qu'il se permet lui-même. Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe s.
— MÉD. À bas bruit. Sans se révéler extérieurement ou à l'examen. Un virus ... séjourne ... à bas bruit dans les centres nerveux (MAY ds F. WIDAL, P.-J. Teissier, G.-H. Roger, Nouv. traité de méd., fasc. 4, 1920-24, p. 57).
— Région. (lang. Ouest) [Le suj. désigne une pers.] N'être pas de bruit. Ne pas faire de coup d'éclat, vivre tranquillement, modestement (cf. J. DE LA VARENDE, Le Troisième jour, 1947, p. 117).
— Spéc. Réputation, renommée. Des liqueurs (...) qui ont le bruit d'être exquises (F. FABRE, Norine, 1889, p. 4).
♦ Expr. vieillies. Avoir bon bruit, mauvais bruit. Avoir bonne, mauvaise réputation (Ac. 1835-78). A beau se lever tard qui a bruit de se lever matin ou qui a bruit de se lever matin peut dormir jusqu'au soir. Celui qui a acquis une bonne réputation la conserve quoi qu'il fasse. Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe siècle.
PRONONC. :[]. Pour la synérèse cf. bruire. Enq. : //.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1138 « renommée, éclat » (G. GAIMAR, Hist. des Angl., éd. T. Duffus-Hardy et C.T. Martin, vers 3313-15); av. 1648 « retentissement, éclat » dans l'expr. faire du bruit (VOITURE, dans RICH. 1680); 1669 faire grand bruit de (qqc.) (MOL., Tart., préf. dans ROB.); 2. 1155 « sons de voix sans articulation distincte » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, Paris, 1938, 559); 1165-70 plus gén. « son ou assemblage de sons » (CHR. DE TROYES, Erec et Enide, 3548 dans T.-L.); 3. fin XIVe s. « nouvelle vraie ou fausse répandue dans le public » (E. Deschamp d'apr. FEW t. 10, p. 551a), cf. 1606 (NICOT).
Déverbal de bruire; d'apr. part. passé de , v. bruire.
STAT. — Fréq. abs. littér. :17 679. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 22 624, b) 30 364; XXe s. : a) 28 180, b) 22 662.
BBG. — BRÜCH, 1913, p. 131. — DARM. Vie 1932, p. 167, 194. — DUCH. 1967, § 34. — GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — GOUG. Mots t. 1 1962, p. 291. — GRIMAUD (F.). Pt gloss. du jeu de boules. Vie Lang. 1968, p. 111. — MAT. Louis-Philippe 1951, p. 201. — Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 6. — TILANDER (G.). Brisier, bruisier. Romania. 1925, t. 51, p. 108.
bruit [bʀɥi] n. m.
ÉTYM. 1155; « renommée », 1138; de bruire, d'après le lat. brugitum, p. p. de brugere. → Bruire.
❖
1 Sensation perçue par l'oreille. ⇒ Son (→ Auditif, cit. 1). — REM. Bruit s'oppose à son par la complexité acoustique (non périodicité des vibrations). || Émettre, produire, faire un bruit, des bruits. || Intensité d'un bruit. ⇒ Bruyance, décibel. || Écouter, entendre, percevoir un grand bruit. || Le bruit du tonnerre, de la tempête. || Bruit de vaisselle, de ferraille. || Un bruit de crécelle. || Le bruit d'une sonnette. ⇒ Sonnerie. || Le bruit d'une montre. || Le bruit du tambour, du canon, d'une arme à feu. || Le bruit d'une armée en marche, d'une patrouille (cit. 2). || Bruits de moteurs. || Un bruit mécanique. || Le bruit d'une moto. || Les bruits de la rue. || Reconstituer des bruits pour une émission de radio. ⇒ Bruitage, bruiter. — Bruit ambiant : ensemble des bruits et des sons en un lieu donné à un moment donné, à l'exclusion du son ou du bruit auquel on s'intéresse. || Bruit d'ambiance : ensemble des bruits habituels dans un endroit donné. — Bruits harmonieux, mélodieux. ⇒ Chanson (du vent), chant, musique, souffle, soupir. || Bruits discordants. || Bruit d'une musique grossière. ⇒ Bastringue, cacophonie, charivari. — Un bruit de voix. ⇒ Chuchotement, cri, éclat (de voix), rire. || Le bruit de conversations lointaines. ⇒ Brouhaha, rumeur. || Bruits de dispute. ⇒ Bagarre (vx), barouf (fam.), boulevari (vx), chamaille, charivari, esclandre, grabuge, hourvari (→ ci-dessous, Bruits gênants). — Bruits de la nature, du vent, d'une cascade, d'un ruisseau. || « Ô bruit doux de la pluie (cit. 1) Par terre et sur les toits ». || Le bruit de la mer, des vagues, du ressac. — Le bruit de la mer : résonnement entendu en portant un coquillage vide à l'oreille. — Bruits nocturnes. || Entendre des bruits insolites, inquiétants. — Un bruit de pas, le bruit des pas de qqn. || Le bruit d'une course, d'une galopade. || Bruit d'un cheval au pas. ⇒ Battue (I., 2.). — Un bruit s'élève, s'étend, retentit, se répercute (⇒ Écho, retentissement), s'apaise, se calme, s'éteint, se tait. || Un bruit aigu, faible, mat (2. Mat, cit. 5 et 6), métallique, perçant, prolongé, retentissant, sec, sourd, strident. || Un bruit grave, profond. || Un bruit agaçant, assourdissant, crispant, énervant, pénible. — Un bruit infernal, monstrueux, terrible, formidable (très fort); anormal, inhabituel, insolite, menaçant, plaintif… || Un drôle de bruit. || Un bruit joyeux, sinistre. || Un bruit soudain, répété, régulier, saccadé. || « Le bruit des rameurs » (→ Cadence, cit. 6; 1. Rame, cit. 1).
♦ Bruits légers. ⇒ Bruissement, chuchotement, chuintement, clapotage, clapotement, clapotis, clappement, cliquetis, craquètement, crépitation, crépitement, crissement, décrépitation, froissement, frôlement, froufrou, gargouillement, gargouillis, gazouillement, grésillement, grincement, murmure, pétillement, râlement, ronron, ronronnement, tintement.
♦ Bruits forts, violents. ⇒ Brondissement, clameur, déflagration, détonation, éclat, éclatement, explosion, fracas, grondement, pétarade, roulement, stridulation, tapement, vrombissement; et aussi battement, bourdonnement, claquement, craquement, ronflement, sifflement.
♦ Bruits gênants. ⇒ Tapage, tumulte, vacarme; (fam.) barnum, boucan, bousin, chahut, chambard, foin (faire du foin), pétard, potin, raffut, ramdam, tintamarre, tintouin; et aussi bazar, bordel; → ci-dessus, Bruits de dispute, et ci-dessous (sens collectif) Le bruit, du bruit.
♦ Bruits vagues, confus. ⇒ Rumeur.
♦ Bruits du corps, de l'organisme (bruits physiologiques). || Écouter les bruits de l'organisme. ⇒ Ausculter. || Bruits anormaux du cœur (bruit de galop, bruit de souffle). || Les bruits sourds et prolongés de la pointe du cœur, les bruits secs et brefs de la base du cœur. || Bruits musculaires, vasculaires. || Bruits respiratoires. ⇒ Cornage, râle, sifflage, souffle, soupir, toux; et aussi hydatisme. — Bruits de l'estomac, de l'intestin. ⇒ Borborygme, flatuosité, gargouillement, gargouillis, pet, rot, vent. || Bruit résultant de contractions du diaphragme. ⇒ Hoquet. || Un bruit incongru : un bruit de pet, de rot (→ ci-dessous, cit. 9.1, Vallès).
♦ Bruits d'animaux. ⇒ Cri. — Interjections onomatopéiques imitant divers bruits. ⇒ Atchoum, badaboum, bang, bing, boum, broum, brrr, bzitt, bzzz…, clac, clic, crac, cric-crac, crincrin, dig, ding, drelin, froufrou, flac, floc, glouglou, paf, pan, patapouf, patatras, pif, ploc, plof, plouf, pouêt, pouf, sniff, tac, tagada, tam-tam, tic-tac, toc, tsouin-tsouin, vlan, vroum, zim boum boum, zzz… (→ aussi l'article Onomatopée).
♦ Spécialt. Sensation auditive désagréable, ressentie comme excessive. || Le bruit d'un marteau-piqueur. || Des bruits de casseroles. — Didact. || Bruit perturbateur.
♦ (Sens collectif). || Le bruit, du bruit : ensemble de bruits (considérés en général comme gênants, pénibles, fatigants). → ci-dessous, cit. 2, 3, 4 et 20.4. — (Dans l'abstrait). || Détester le bruit et le mouvement. || Craindre, redouter, ne pas supporter le bruit. || Il est jeune : il aime le bruit. || Le bruit est une nuisance. || Lutte et dispositifs de lutte contre le bruit. ⇒ Antibruit; insonorisation, isolation; amortisseur. || Surdités dues au bruit. || Se protéger du bruit par des boules de cire. || Le problème du bruit autour des aérodromes. ⇒ aussi Pollution. || Mesure du bruit. — (Concret). || Faire du bruit. ⇒ Bruire (cit. 1). || Faire beaucoup de bruit (⇒ Bruyant). || Vous faites trop de bruit. || Je n'aime pas ce quartier, cette rue : il y a trop de bruit. || Ce n'est pas de la musique qu'il fait, c'est du bruit. || Marcher sans faire de bruit. || Le bruit que font les voisins. || Niveau, intensité du bruit. || Pas de bruit. — (Exclam.). || Pas de bruit ! || Assez, plus de bruit ! ⇒ Chut !
♦ Un bruit (qualifié). || Les voisins font un bruit terrible, un bruit d'enfer, à tout casser, à crever le tympan, à rompre la cervelle, à fendre la tête, un bruit de tous les diables (→ Casser les oreilles).
1 L'air en retentissait d'un bruit épouvantable;
La frayeur saisissait les hôtes de ces bois.
La Fontaine, Fables, II, 19.
2 (…) Vous ne savez pas combien le bruit me pèse.
Molière, les Femmes savantes, II, 9.
3 Nos sens n'aperçoivent rien d'extrême; trop de bruit nous assourdit; trop de lumière éblouit (…)
Pascal, Pensées, II, 72.
4 Le goût de la solitude et de la contemplation naquit dans mon cœur avec les sentiments expansifs et tendres faits pour être son aliment. Le tumulte et le bruit les resserrent et les étouffent; le calme et la paix les raniment et les exaltent.
Rousseau, Rêveries…, 10e promenade.
5 J'entendais le braiment des ânes, le chant du coq, le bruissement des feuilles, le gémissement alternatif de la mer, au lieu de ces roulements de voitures, de ces cris aigus du peuple et de ce tonnerre incessant de tous les bruits stridents qui ne laissent dans les rues des grandes villes aucune trêve à l'oreille et aucun apaisement à la pensée (…)
Lamartine, Graziella, III, 13.
6 (…) le bruit de votre voix est venu frapper mes oreilles.
A. de Musset, Barberine, I, 2.
7 Le vent, qui fait un bruit d'enfer dans leurs bouquets de palmes, les rebrousse (les palmiers) entièrement comme un parapluie retourné.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, I.
8 (…) parmi des murmures d'oiseaux, des fourmillements d'insectes sous les feuilles, des bonds légers, des vols silencieux, tous ces bruits de la nuit qui dans la grande fatigue semblent des commencements de rêve (…)
Alphonse Daudet, Contes du lundi, I, 17.
9 Depuis un instant, des bruits confus venaient de derrière les coteaux (…) C'étaient comme les cahots éloignés d'un convoi de charrettes. La Viorne, d'ailleurs, couvrait de son grondement ces bruits encore indistincts. Mais peu à peu ils s'accentuèrent, ils devinrent pareils aux piétinements d'une armée en marche. Puis on distingua dans ce roulement continu et croissant, des brouhahas de foule, d'étranges souffles d'ouragan cadencés et rythmiques; on aurait dit les coups de foudre d'un orage qui s'avançait rapidement, troublant déjà de son approche l'air endormi. Silvère écoutait, ne pouvant saisir ces voix de tempête que les coteaux empêchaient d'arriver nettement jusqu'à lui. Et, tout à coup, une masse noire apparut au coude de la route; la Marseillaise chantée avec une furie vengeresse, éclata, formidable.
Zola, la Fortune des Rougon, I, p. 30.
9.1 Il faut bien qu'il ait été vraiment un bon garçon, pour que je ne lui aie pas gardé rancune de deux ou trois brûlées que mon père m'administra, parce qu'on avait entendu de notre côté un bruit comique (…)
J. Vallès, Jacques Vingtras, L'enfant, p. 109.
10 Le silence de la nuit, interrompu seulement par le bruit sourd des fiacres qui roulaient sur le boulevard (…)
France, Histoire comique, III.
11 Il est minuit et, dans la paix de la maison close, point d'autre bruit que le grincement de ma plume (…)
Loti, les Désenchantées, VI, 55, p. 253.
12 (…) il est comme un malade qui, la nuit, à l'heure où les bruits de la rue se sont tus, perçoit les battements de son cœur.
M. Barrès, la Colline inspirée, p. 44.
13 Un pigeon se posa sur ma fenêtre et s'envola avec un bruit de serviette claquante.
J. Renard, Journal, 21 mai 1894.
14 Des bruits de tambours funèbres mouraient dans les sables.
Francis Jammes, Notes sur des oasis et sur Alger, p. 236.
15 (…) je savais déjà le temps qu'il faisait. Les premiers bruits de la rue me l'avaient appris, selon qu'ils me parvenaient amortis et déviés par l'humidité ou vibrants comme des flèches dans l'aire résonnante et vide d'un matin spacieux, glacial et pur (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XI, p. 9.
16 Un bourdonnement de conversation et de rires répandit, dans ce jardin, sa ruche de bruits.
Edmond Jaloux, le Jeune Homme au masque, I, p. 1.
17 Au-dessus d'elle, le grand immeuble, déserté, était silencieux. Pas d'autre bruit que le ronflement du chien vautré sur le carrelage frais; un lointain raclement de patins à roulettes sur l'asphalte d'une cour voisine, et la modulation d'une goutte d'eau qui, de seconde en seconde, tombait du robinet avec un son cristallin.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 162.
18 Il y eut un grand moment de silence pendant lequel on entendit monter des profondeurs non plus une rumeur confuse, mais mille bruits, mille sons séparés et distincts.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VIII, 5.
19 J'entends encore ce bruit décevant, qui croît, fait naître l'espoir d'un arrêt, puis continue, décroît et s'éloigne.
A. Maurois, Climats, II, II, p. 253.
20 Un coup de vent fit gémir la toiture. Première plainte qui me bouleversa. Puis s'éleva un long soupir et des chuchotements coururent dans le couloir.
Une porte grinça sur ses gonds, très loin, du côté des communs. Le vent pénétrant dans les combles par quelque lucarne mal jointe souleva l'immense peuple des tuiles dont le cliquetis doux se propagea tout le long des greniers (…) l'antique métairie de pierre livrait enfin ses bruits secrets.
H. Bosco, Hyacinthe, p. 196.
20.1 Ils dansent et ces métaphysiciens du désordre naturel qui nous restituent chaque atome du son, chaque perception fragmentaire comme prête à retourner à son principe, ont su créer entre le mouvement et le bruit des jointures si parfaites que ces bruits de bois creux, de caisses sonores, d'instruments vides, il semble que ce soient des danseurs aux coudes vides qui les exécutent avec leurs membres de bois creux.
A. Artaud, le Théâtre et son double, Sur le théâtre balinais, Idées/Gallimard, p. 97.
20.2 Ces cris d'entrailles, ces yeux roulants, cette abstraction continue, ces bruits de branches, ces bruits de coupes et de roulements de bois, tout cela dans l'espace immense des sons répandus et que plusieurs sources dégorgent, tout cela concourt à faire se lever dans notre esprit, à cristalliser comme une conception nouvelle, et, j'oserai dire, concrète, de l'abstrait.
A. Artaud, le Théâtre et son double, Sur le théâtre balinais, Idées/Gallimard, p. 96.
20.3 (…) elle se penche (…) l'oreille guettant les bruits absents qui viendraient d'en bas : bruits de clef, bruits de porte, bruits de pas, bruits des pages d'un livre.
A. Robbe-Grillet, Projet pour une révolution à New York, p. 120.
20.4 Que nos poètes et nos chanteurs, avec harpes, guitares, bombardes, orgues, cuillères, bidules et tonitruantes sonos rassemblent des foules ferventes et en arrivent même à révolutionner l'Olympia et Bobino, je m'en réjouis d'autant plus que quelques-uns d'entre eux sont vraiment des poètes au plein sens du terme, qu'ils savent pourquoi et avec quoi ils font du bruit.
P.-J. Hélias, le Cheval d'orgueil, p. 537.
♦ ☑ (Par allus. au roman de Faulkner, reprenant une expression de Shakespeare, et traduit en français sous le titre le Bruit et la Fureur) :
20.5 Pourquoi être né au XXe siècle, dans une époque de mutation, pleine de bruit et de fureur : deux guerres mondiales, des révolutions sans nombre (…)
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 273.
♦ Mus. Effet d'un objet sonore utilisé dans la musique concrète.
20.6 L'important est tout d'abord de surprendre le chercheur, non seulement dans l'incertitude, mais dans l'ambiguïté de sa démarche. On le voit s'essayer à toutes sortes de « bruits ». Après la grenaille et les machines à vent, les tourniquets et les casseroles, il apporte au studio des corps sonores moins indignes : tiges calibrées, blocs de bois ou de métal, tuyaux d'orgue même.
Pierre Schaeffer, la Musique concrète, p. 19.
2 Fig. Vx. Retentissement, éclat. || Le bruit de son nom, de ses exploits. ⇒ Renommée.
20.7 Ils ont à soutenir le bruit de leurs exploits (…)
Racine, Bajazet, I, 1.
20.8 Tout autre que moi
Au seul bruit de ton nom pourrait trembler d'effroi.
Corneille, le Cid, II, 2.
20.9 Souviens-toi de ton livre et de son peu de bruit.
Molière, les Femmes savantes, III, 3.
♦ ☑ Loc. Faire du bruit, beaucoup de bruit : avoir un grand retentissement. ⇒ Bruire (3.). || Ce livre a fait beaucoup de bruit. || Cette affaire fera du bruit. — ☑ Vx. Faire grand bruit de (qqch.) : accorder une grande importance à (qqch.). || Faire grand bruit d'une déclaration. || Faire grand bruit d'un succès. ⇒ Prévaloir (se).
21 Voici une comédie dont on a fait beaucoup de bruit (…)
Molière, Tartuffe, Préface.
22 La Chambre établie contre les empoisonneurs a fait grand bruit, grand éclat dans la France.
Furetière, Dictionnaire, art. Bruit.
23 Cette nouvelle ne fait aucun bruit à Versailles.
Mme de Sévigné, 621, 2 juil. 1677.
24 Les États firent grand bruit, ne menaçant pas moins que d'exterminer le roi de Portugal.
Racine, Notes historiques.
♦ ☑ Loc. fam. (réflexion d'un valet de la comédie d'A. Duval [1767-1842], les Héritiers). Ça fera du bruit dans Landerneau : cette affaire, cet événement va susciter beaucoup d'intérêt, d'émotion; on en parlera abondamment.
25 Mais enfin il ne faut tout de même pas nous la faire à l'oseille, il est bien certain que les charmantes opinions de monsieur mon neveu peuvent faire assez de bruit dans Landerneau.
Proust, le Côté de Guermantes, éd. Folio, p. 286.
♦ Vx. Agitation, trouble. || Se retirer loin des bruits du monde. — Absolt. || Loin du bruit, de l'agitation du monde.
26 Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais,
Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais ?
La Fontaine, Fables, XI, 4.
27 (…) le vain bruit de ma vie augmente à mesure que le silence réel de cette vie s'accroît.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, IV, 7.
3 ☑ Loc. Sans bruit : sans faire de bruit (concrètement, au sens 1), et, par métaphore, discrètement, doucement. || Marcher, travailler sans bruit.
28 Les vents sont assoupis, les bois dorment sans bruit.
29 Il travaillait sans bruit, avec beaucoup d'adresse (…)
La Fontaine, Fables, VII, 6.
30 L'auto filait, sans bruit.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 151.
30.1 La clef néanmoins a tourné sans bruit dans la serrure, les gonds n'ont pas grincé, la porte s'est refermée en silence.
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 214.
♦ ☑ À grand bruit (vieilli au sens concret). || Appeler à grand bruit (→ Appeler, cit. 11). — Fig. Avec un grand retentissement. ⇒ Bruyamment. || Manifester à grand bruit.
♦ ☑ À petit bruit (vx) : en faisant peu de bruit. — Fig. Sans se faire remarquer. ⇒ Subrepticement.
31 J'aurai soin de me cacher et me divertirai à petit bruit.
Molière, Dom Juan, V, 2.
♦ ☑ À bas bruit (vx) : à petit bruit. — Fig. (Méd.). Sans se manifester de manière observable. || Une évolution à bas bruit. || Évoluer à bas bruit.
♦ ☑ Loc. prov. Faire beaucoup de bruit pour rien : donner de l'importance, de l'éclat à ce qui ne le mérite pas. || Beaucoup de bruit pour rien, trad. française du titre d'une comédie de Shakespeare Much ado about nothing.
♦ ☑ Vieilli. Faire plus de bruit que de besogne : parler beaucoup et travailler peu (⇒ Bavard). — ☑ Faire plus de bruit que de mal (→ Plus de peur que de mal). — ☑ Il n'aime pas le bruit s'il ne le fait : il critique chez les autres ce qu'il se permet à lui-même.
4 (Fin XIVe). || Un, des bruits. Nouvelle répandue, propos rapportés dans le public. ⇒ Rumeur. || Faire courir, circuler, répandre, semer un bruit. || Un bruit qui court. || Se faire l'écho d'un bruit. ⇒ Ébruiter, répéter. || Le bruit court que… || Des bruits de guerre. ⇒ Botte (bruit de bottes). || Les bruits de Bourse. || Des bruits en l'air. || Les bruits de la ville. ⇒ Chronique; bavardage, commérage, conte, dire, jacasserie, potin (fam.), rumeur (→ On-dit). || Un faux bruit : une fausse nouvelle. ⇒ Bobard. || Accréditer un faux bruit. || Démentir un faux bruit.
♦ Vx ou littér. || Au bruit de : à la nouvelle de. || Au bruit de sa mort, le peuple se réjouit.
♦ ☑ Vx ou littér. Il n'est bruit que de cela : tout le monde en parle (→ ci-dessous, cit. 36).
32 Tout autre aventurier, au bruit de ces alarmes,
Aurait fui.
La Fontaine, Fables, X, 14.
33 Il court un bruit sourd de peste, mais c'est un faux bruit. Un bruit confus nous apprend qu'il y a eu une grande affaire, mais c'est un bruit de ville, on n'en dit rien à la cour.
Furetière, Dictionnaire, art. Bruit.
34 Crains-tu si peu le blâme et si peu les faux bruits ?
La Fontaine, Fables, III, 4.
35 (…) Faire courir le bruit que j'ai chez moi de l'argent caché ?
Molière, l'Avare, I, 3.
36 Il n'est bruit que de l'excès de notre bonne intelligence.
Mme de Sévigné, 350, 24 nov. 1673.
37 Vous avez cru des bruits que j'ai semés moi-même (…)
Racine, Mithridate, II, 3.
38 Quels petits bruits ne dissipent-ils pas (les gens d'esprit) ? Quelles histoires ne réduisent-ils pas à la fable et à la fiction ?
La Bruyère, les Caractères, IX, 34.
39 Réveillé au bruit de la chute de la Bastille comme au bruit avant-coureur de la chute du trône, Versailles avait passé de la jactance à l'abattement.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, I, 6.
40 Sophie faisait encore circuler d'autres bruits particulièrement alarmants pour les Strélitz.
Mérimée, Hist. du règne de Pierre le Grand, p. 11.
41 Et quelquefois aussi ce bruit de la prédilection du maître était le résultat d'une erreur, née on ne sait où et colportée dans l'école.
Proust, Sodome et Gomorrhe, éd. Folio, p. 247.
5 Sc. et techn. a (Opposé à 2. son, à 2. ton). Phénomène acoustique dû à la superposition de vibrations diverses non harmoniques. || Amplitude, phase, polarisation, à variation aléatoire, des ondes sonores qui composent un bruit.
41.1 Acoustique des consonnes. — Contrairement aux tons — qui sont des vibrations périodiques — les bruits consistent en vibrations non périodiques. Tout comme les tons, les bruits peuvent être analysés (selon le théorème de Fourier) en un certain nombre de courbes sinusoïdales. Mais tandis que, dans les tons, les partiels supérieurs sont par définition des multiples entiers d'un fondamental (la fréquence la plus basse), il n'y a aucun rapport semblable entre les partiels du bruit, d'où l'impression désagréable qu'il fait sur l'oreille humaine. Le caractère acoustique du bruit est déterminé, comme celui du ton, par le nombre, la fréquence et l'intensité des partiels qui le composent. Un bruit avec prédominance de fréquences hautes a un caractère aigu, tandis que la prédominance de fréquences basses lui donne un caractère grave. Les bruits utilisés dans le langage humain sont produits par différentes modifications du courant d'air venant des poumons, qui est ou bien rétréci de façon à produire une friction, ou bien arrêté momentanément avec ouverture brusque subséquente.
Bertil Malmberg, la Phonétique, p. 18-19.
♦ Techn. || Bruit impulsif, bouffée de bruit, pulsion de bruit : bruits de durée brève. || Bruit pulsé : suite de pulsions de bruit. || Bruit blanc ou d'agitation thermique. || Bruit rose : bruit à spectre continu dont la densité spectrale est inversement proportionnelle à la fréquence.
b (Mil. XXe). Tout phénomène qui se superpose à un signal et limite la transmission de l'information. — REM. Bruit dans ce sens, désigne aussi des phénomènes non auditifs, notamment visuels. || Bruits sur un écran radar. || Bruit radio-électrique. || Rapport signal-bruit. — (Didact. et cour.). || Bruit de fond : ensemble des phénomènes parasites accompagnant la transmission, l'amplification ou la reproduction des sons, de la musique ou de la voix. ⇒ Brouillage, parasite, souffle. (Didact.). Impressions lumineuses dues à des décharges spontanées d'influx dans les fibres optiques. — Bruit de ronfle : bruit de fond de basse fréquence dû à la présence de traces de secteur. || Bruit de surface, provoqué par les irrégularités de la surface du sillon d'enregistrement d'un disque. — Spécialt. Ling., sémiotique. || Bruit de canal, qui gêne la transmission du signal, est extérieur au code. || Bruit de code : divergence de deux codes qui gêne le décodage.
42 Pour la théorie moderne l'évolution n'est nullement une propriété des êtres vivants puisqu'elle a sa racine dans les imperfections mêmes du mécanisme conservateur qui, lui, constitue bien leur unique privilège. Il faut donc dire que la même source de perturbations, de « bruit » qui, dans un système non vivant, c'est-à-dire non réplicatif, abolirait peu à peu toute structure, est à l'origine de l'évolution dans la biosphère, et rend compte de sa totale liberté créatrice, grâce à ce conservatoire du hasard, sourd au bruit autant qu'à la musique : la structure réplicative de l'ADN.
Jacques Monod, le Hasard et la Nécessité, p. 152.
43 (…) la modulation artificielle (de l'énergie qui sert de porteuse à l'information) se confond alors avec cette modulation essentielle, avec ce bruit blanc ou ce brouillard de fond qui se surimpose à la transmission; il ne s'agit pas ici d'une distorsion harmonique, car c'est une modulation indépendante de celle du signal, et non une déformation ou un appauvrissement du signal. Or, pour diminuer le bruit de fond, on peut diminuer la bande passante, ce qui diminue aussi le rendement en information du canal envisagé. Un compromis doit être adopté qui conserve un rendement d'information suffisant pour les besoins pratiques et un rendement énergétique assez élevé pour maintenir le bruit de fond à un niveau où il ne trouble pas la réception du signal.
Gilbert Simondon, Du mode d'existence des objets techniques, p. 134.
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CONTR. Calme, paix, silence, tranquillité.
DÉR. Bruital, bruiter.
COMP. Ébruiter, antibruit, bruitophone.
HOM. P. p. de bruir.
Encyclopédie Universelle. 2012.