charrier [ ʃarje ] v. tr. <conjug. : 7>
• 1080; de char
1 ♦ Transporter dans un chariot, une charrette. ⇒ charroyer. Charrier des pierres, du grain.
2 ♦ Par anal. Entraîner, emporter dans son cours, en parlant d'un cours d'eau. La rivière charrie des glaçons, du sable, du limon. — Par ext. ⇒ traîner, transporter. « L'air était frais; le ciel charriait des nuages » ( Hugo).
3 ♦ (1837) Fig. et fam. Charrier qqn, se moquer de lui, abuser de sa crédulité. ⇒ mystifier; fam. chambrer (cf. Faire marcher, mener en bateau, mettre en boîte). Il s'est fait charrier.
♢ Intrans. Tu charries; il commence à charrier. ⇒ attiger; exagérer, plaisanter. Loc. Charrier dans les bégonias. Il ne faut pas charrier !
● charrier verbe transitif (de char 1) Transporter en charrette, en chariot : On a charrié les gerbes jusqu'à la ferme. Entraîner, emporter dans son cours : Rivières qui charrient de l'or. Emporter en même temps : Idéologie qui charrie avec elle des utopies. Populaire. Se moquer de quelqu'un. ● charrier (homonymes) verbe transitif (de char 1) ● charrier (synonymes) verbe transitif (de char 1) Transporter en charrette , en chariot
Synonymes :
Entraîner, emporter dans son cours
Synonymes :
- emporter
Populaire. Se moquer de quelqu'un.
Synonymes :
- blaguer (familier)
- chiner (familier)
- railler
- se ficher de (familier)
- se gausser de
● charrier
verbe intransitif
Populaire. Dépasser les bornes, exagérer.
● charrier (homonymes)
verbe intransitif
charrier
v.
rI./r v. tr.
d1./d Transporter. Charrier du fumier.
d2./d Entraîner dans son courant, en parlant d'un cours d'eau. La rivière charrie des glaçons.
d3./d Fig., Fam. Charrier qqn, le tourner en dérision.
rII./r v. intr. Fam. Il charrie: il exagère. Faut pas charrier!
I.
⇒CHARRIER1, verbe trans.
A.— [Le suj. désigne une pers. ou, p. ext., un véhicule conduit par une pers.]
1. Transporter une charge
a) [La transporter] à l'aide d'un véhicule à traction animale ou d'un tout autre véhicule. Charrier des pierres dans une brouette (MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, p. 156).
b) [La transporter] seul, par ses propres moyens. Charrier des bûches sur ses épaules (T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1963, p. 327).
— Absolument :
• 1. À Hyères, au mois de février, j'entendois près d'un ruisseau qui couloit sous mes fenêtres, les blanchisseuses travailler toute la nuit. Dans presque toutes les saisons, on charrie et on va et vient de nuit comme de jour.
BONSTETTEN, L'Homme du Midi et l'homme du Nord, 1824, p. 30.
— Fig., abs. et vx. Charrier droit. ,,Se bien conduire, se gouverner comme l'on doit`` (Ac. 1932); cf. MARAT, Les Pamphlets, Marat, l'ami du peuple, aux bons Français, 1792, p. 321.
2. Transporter une personne. — Souffrant au flanc et fatigué, je me suis fait charrier chez moi en voiture (BARBEY D'AUREVILLY, 1er Memorandum, 1836, p. 18).
Rem. Noter chez ZOLA, La Bête humaine, 1890, p. 283 la constr. suiv. : ces hommes qu'on charriait au massacre.
— P. ext. [Le suj. désigne le moyen de transport lui-même] Les camions se succédaient, charriant les hautes cages de bois pleines de bourriche (ZOLA, Le Ventre de Paris, 1873, p. 622).
B.— [Le suj. désigne un autre moyen ou type de transport]
1. [Le suj. désigne un cours d'eau] Entraîner, emporter dans son cours.
a) La rivière charrie des glaces (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 106). La Seine charriait des nappes grasses, de vieux bouchons et des épluchures de légumes, un tas d'ordures (ZOLA, L'Assommoir, 1877, p. 448).
— P. méton. Des fossés puants charriant les immondices de la ville (STENDHAL, Lucien Leuwen, t. 1, 1836, p. 84).
— [Suivi d'un compl. d'obj. interne] [Le] canal (...) charriait (...) des eaux gonflées par la pluie (CENDRARS, L'Or, 1925, p. 130).
b) Abs. et vx. Entraîner des glaces. La rivière charrie (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 250) :
• 2. Nous quittons notre voiture; car il faut monter en canot pour franchir la Meuse, qui est vaste et qui charrie. À chaque vague gonflée, à chaque glaçon qui heurte nos plats-bords peu élevés, les femmes poussent des cris; ...
DU CAMP, En Hollande, 1859, p. 7.
Rem. Noter l'emploi suiv. : des glaces (...) charrient du fond du golfe (P. GAIMARD, Voyage en Islande et au Groënland à la recherche de « La Lilloise », rédigé par L. Méquet, 1852, p. 22), où charrier a le sens passif.
c) P. anal. Dans une maladie particulière, (...) les urines charrient de petits insectes (CABANIS, Rapports du physique et du moral de l'homme, t. 2, 1808, p. 240). Des substances charriées par le sang (BERGSON, L'Évolution créatrice, 1907, p. 123).
d) P. anal. et p. métaph. Ses veines charrient de la glace (ZOLA, L'Argent, 1891, p. 407) :
• 3. Le vieux banquier ressentit une émotion terrible : le sang qui lui revenait des pieds charriait du feu à sa tête, sa tête renvoyait des flammes au cœur; la gorge se serra.
BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1844, part. 1, p. 89.
2. P. ext. [Le suj. désigne une chose, ou un groupe de pers. assimilé à un cours d'eau] Porter (quelque part), apporter, amener.
a) [Le suj. désigne le ciel, l'air, le vent, etc.] L'air charriait de grasses odeurs (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 1, 1834, p. 202). Un coup de vent passa dehors en charriant de la pluie (GIONO, Le Grand troupeau, 1931, p. 210) :
• 4. L'air était froid; le ciel charriait des nuages dont les larges lames blanches débordaient les unes sur les autres en s'écrasant par les angles, et figuraient une débâcle de fleuve en hiver.
HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 415.
b) [Le suj. désigne la rue ou la foule] Les boulevards charriant la foule (ZOLA, La Débâcle, 1892, p. 10). Les deux hommes étaient portés, charriés, au milieu de cette vague humaine, qui les jeta sur la route (ZOLA, La Débâcle, 1892 p. 292).
— P. métaph., péj. Porter en soi, emporter :
• 5. Et ces aveux il [Swann] ne pouvait plus les oublier. Son âme les charriait, les rejetait, les berçait, comme des cadavres. Et elle en était empoisonnée.
PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, p. 370.
♦ Charrier derrière soi ou à sa suite. Regardez tout ce qu'une civilisation charrie derrière elle, le bon, le mauvais (R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, p. 1237).
C.— Emplois pop.
1. Charrier qqn. Le mener en bateau, se moquer de lui. On s'était fiché de lui en douce, on l'avait charrié (...). Eh bien il n'en a voulu à personne (L. DAUDET, Les Bacchantes, 1931, p. 125).
2. Absolument
a) Plaisanter. Il charrie pas, le mec, avec sa poule (F. CARCO, Jésus-la-Caille, 1914, p. 47).
b) Exagérer. Tu charries (...) parce que ça ne sert à rien de bluffer (ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, p. 339). Sans charrier (COLETTE, Claudine en ménage, 1902, p. 288). Expr. Charrier dans les bégonias. Même sens : Exagérer.
Prononc. et Orth. :[], (je) charrie []. a) Timbre de a. Durée longue sur la 1re syll. ds FÉR. Crit. t. 1 1787, LAND. 1834 et GATTEL 1841 qui recommande de prononcer ,,r forte``. Dans la transcr. de ces dict. il y a confusion entre la durée et le timbre. Ils transcrivent en fait [] post. pour la 1re syll. À ce sujet cf. FOUCHÉ Prononc. 1959, p. 86, pour lequel [] post. a presque disparu de charrier, charroyer et charrue. Cf. aussi charrette. b) r ou rr. Ds Ac. 1694-1762 avec 1 r; ds Ac. 1798-1932 avec 2 r. Pour 1 r, cf. également FÉR. 1768. Comparer chariot avec 1 r et charrier avec 2 r. c) Conjug. Charrier prend 2 i aux 2 premières pers. du plur. de l'imp. de l'ind. et du prés. du subj. nous charriions, que vous charriiez. Étymol. et Hist. I. 1. Ca 1100 carier « transporter sur un chariot » (Roland, éd. J. Bédier, 33); 2. 1600 « entraîner dans son cours » (O. DE SERRES, Théâtre d'Agriculture, p. 266 : Des sablons qu'elles charrient). II. 1837 arg. « mystifier, duper » (VIDOCQ, Dict. argotique ds SAIN. Sources Arg. t. 2, p. 122). I de même orig. que charroyer (charroyer — il charroie), peut-être sous l'influence de verbes comme proyer (précare) — prie (précat) qui ont entraîné charroyer — charrie puis charrier — charrie (NYROP t. 3, § 196-20). Il soit directement issu de I à partir de l'idée de « mener en voiture » comparable au sens pris par l'expr. « mener en bateau » (ESN.), soit, d'apr. P. Guiraud ds Cah. Lexicol. t. 16, 1970, p. 68 et 69, issu de charrer « jaser, plaisanter » attesté ds les parlers de Normandie (v. FEW t. 13, 2e part., p. 362a) et de même orig. que le prov. charra (v. charabia et charade) par croisement avec charrier au sens de « tourmenter » attesté en m. fr. (G. Chastellain ds K. HESLEMANN, Der Wortschatz von G. Chastellain..., Leipzig, 1937, p. 92) et encore vivant au Canada au sens de « pourchasser » (Canada 1930). Fréq. abs. littér. :355. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 248, b) 428; XXe s. : a) 684, b) 654.
DÉR. Charriement, subst. masc. a) Fait d'être charrié. [Le] charriement de la malle par les couloirs (A. DAUDET, Immortel, 1888, p. 280). b) Fait d'avoir été charrié (quelque part) (cf. charriage C). Qu'on se figure un charriement de rochers, un chaos, une mêlée de blocs culbutés, entassés là par une mer en débâcle (CLAUDEL, Connaissance de l'Est, Jardins, 1907, p. 35). — 1re attest. 1888, supra; du rad. du verbe charrier, suff. -ement (cf. -ment2).
BBG. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 270. — GUIRAUD (P.). Mél. d'étymol. arg. Cah. Lexicol. 1970, t. 16, p. 68. — SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 122. — SAIN. Lang. par. 1920, p. 216.
II.
⇒CHARRIER2, subst. masc.
Vx. Pièce de grosse toile que l'on étend sur le cuvier et qui reçoit la charrée. Ce drap servira de charrier (Ac. 1835-1878).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1390 (Pièces Relatives à la vie de Louis Ier, éd. F. M. Graves, 41 ds IGLF : Charriers pour faire la lessive). Dér. de charrée par substitution de suff. (-ier). Bbg. QUEM. 2e s. t. 1 1970.
1. charrier [ʃaʀje] v.
ÉTYM. V. 1100, carier; de char. → Charroyer.
❖
———
1 (V. 1100). Transporter (qqch., qqn, une charge) dans un chariot, dans une charrette. ⇒ Charroyer. || Charrier des pierres, du grain, des gerbes.
1 La campagne (…) est couverte d'hommes (…) qui roulent ou qui charrient le bois du Liban.
La Bruyère, les Caractères, VI, 78.
♦ Transporter par ses propres moyens. || Charrier du bois sur ses épaules.
♦ ☑ Fig., vx. Absolt. Charrier droit : bien se conduire.
2 (1600). Sujet n. de chose : cours d'eau. Entraîner, emporter dans son cours, en parlant d'une rivière. || Charrier des glaçons, du sable, du limon. — (En parlant d'un canal; le compl. désigne un liquide ou ce qu'il emporte) :
1.1 A la seule idée qu'on pourrait me priver de cette satisfaction, il me semble que mes veines charrient de la bile au lieu de sang, mon pauvre ami !
Villiers de L'Isle-Adam, Tribulat Bonhomet, p. 112.
♦ Absolt. Entraîner des glaces. || Le fleuve charrie. (Le sujet désigne un courant, un mouvement concret ou abstrait). ⇒ Transporter; chasser. || Charrier qqch. avec soi, derrière soi.
2 L'air était frais; le ciel charriait des nuages (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, IX, 1.
3 (…) une bise aigre s'était levée, qui charriait de la neige fondue.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 67.
4 L'humeur est bien nommée, car ce sont nos humeurs balancées, avec tout ce qu'elles charrient, selon ce qu'elles lavent, ou obstruent, ou irritent, ce sont nos humeurs qui nous font instables en dépit de nos résolutions.
Alain, les Aventures du cœur, p. 107.
4.1 Regardez tout ce qu'une civilisation charrie derrière elle, le bon, le mauvais.
Martin du Gard, les Thibault, La Sorellina, 1928, p. 1237, in T. L. F.
➪ tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
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II (1877; altér. de cherrer, sous l'infl. de charrier, I.). Pop. puis fam.
1 V. tr. Se moquer de (qqn) en lui faisant accroire. ⇒ Mystifier; blaguer, chambrer, taquiner; → Faire marcher, mener en bateau, mettre en boîte.
2 V. intr. Exagérer, soit en paroles (en se moquant, en mentant, en trompant), soit en actes.
♦ Plaisanter. || Tu charries, non ? → Sans blague. || Non, sans charrier ? ⇒ 2. Char.
4.2 On peut charrier tant qu'on veut, mais quand on voit des types comme ça mourir, ça fait vraiment quelque chose.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 821.
5 — Tu sais qu'il charrie pas, le mec.
Francis Carco, Jésus-la-Caille, IV, p. 43.
♦ Il commence à charrier. ⇒ Exagérer. || Faut pas charrier. || Tu charries ! — ☑ Loc. Charrier dans les bégonias (⇒ vx Cherrer).
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2. charrier [ʃaʀje] n. m.
ÉTYM. 1390; de charrée, par substitution du suff. -ier.
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♦ Vx. Grosse toile sur laquelle on place la charrée, dans un cuvier.
Encyclopédie Universelle. 2012.