creuser [ krøze ] v. <conjug. : 1>
• croser 1190; de creux
I ♦ V. tr.
1 ♦ Rendre creux en enlevant de la matière. ⇒ évider, trouer. La mer creuse les falaises. ⇒ affouiller, 1. caver. — Faire un trou, des trous en profondeur dans. Creuser la terre (⇒ défoncer, excaver, forer, piocher) pour chercher (⇒ fouiller, fouir) .
♢ Loc. Se creuser la tête, la cervelle : faire un grand effort de réflexion, de mémoire. « Les idées me manquent, j'ai beau me creuser la tête, il n'en jaillit rien » (Flaubert). Absolt, fam. Se creuser : réfléchir intensément.
2 ♦ (1869) Fig. vieilli Creuser l'estomac : donner faim. Absolt, mod. Le grand air creuse.
3 ♦ Donner une forme concave à. Creuser la taille. ⇒ cambrer. Creuser un décolleté. ⇒ échancrer. Creuser puis gonfler les joues. La maladie lui a creusé les joues, les yeux. P. p. adj. Visage creusé de rides, aux rides profondes. ⇒ sillonné.
4 ♦ Fig. Approfondir. Creuser une idée; c'est une idée à creuser. « Ne creusez pas trop les consciences. Vous trouveriez souvent au fond de la sévérité l'envie, au fond de l'indulgence la corruption » (Hugo).
II ♦ V. tr.
1 ♦ Faire (qqch.) en enlevant de la matière. Creuser un trou dans la terre. Creuser une fosse, une tranchée, un sillon, un canal. Fleuve qui creuse son lit. Creuser un tunnel (⇒ ouvrir) , un puits (⇒ foncer, forer) . « Un animal paresseux, dans les bois les plus sombres, et qui s'y creuse une demeure souterraine » (Buffon).
♢ Loc. fig. Creuser sa fosse, sa tombe avec les dents : risquer sa vie en se nourrissant trop ou mal. — Creuser son sillon : poursuivre son œuvre avec persévérance.
2 ♦ Fig. Rendre plus important (ce qui sépare deux choses, deux personnes). Creuser un écart entre deux grandeurs. ⇒ accentuer. Creuser un abîme entre deux personnes. ⇒ désunir, séparer.
III ♦ SE CREUSERv. pron.
1 ♦ Affecter une forme creuse. Ses joues se creusent. Elle plonge et sa taille se creuse.
♢ Fig. Abîme qui se creuse entre deux personnes.
IV ♦ V. intr. Faire, approfondir un trou. Creuser dans la terre. Il faut creuser plus profond, plus loin. « Plus on creuse avant dans son âme, plus on ose exprimer une pensée très secrète, plus on tremble lorsqu'elle est écrite » (Stendhal). Fam. Pour la culture, il ne faut pas trop creuser : il a une culture superficielle (⇒ gratter) .
⊗ CONTR. Bomber, combler.
● creuser verbe transitif Ôter de la matière à un objet, de telle sorte qu'un creux, une cavité se forme : La mer a creusé les falaises. Obtenir, pratiquer une cavité dans quelque chose dont on ôte de la matière : Creuser un puits. Rendre quelque chose concave ou plus concave : La fatigue creusait ses yeux. Marquer un visage de quelque chose, y accentuer un sillon, une marque creuse : Les rides lui creusaient le front. Familier. Faire éprouver un grand appétit : Le grand air, ça creuse ! Reprendre un vêtement dans le dos pour mieux l'ajuster ; agrandir une emmanchure, un décolleté. ● creuser (expressions) verbe transitif Creuser la taille, les reins, le dos, se cambrer. Creuser les joues, le visage, les amaigrir, leur faire perdre leur forme pleine, rebondie. Creuser un écart, l'augmenter progressivement. Creuser une idée, approfondir une idée, ses connaissances sur quelque chose : Creuser un problème, une question. Creuser un fossé, désunir complètement deux personnes, deux groupes, accentuer très fortement les différences entre deux choses. Creuser sa tombe, être à l'origine de sa propre perte. ● creuser (homonymes) verbe transitif creuset nom masculin ● creuser (synonymes) verbe transitif Ôter de la matière à un objet, de telle sorte...
Synonymes :
- caver
- évider
- fouiller
- fouir
Obtenir, pratiquer une cavité dans quelque chose dont on ôte de...
Synonymes :
- évider
- forer
- ouvrir
- percer
- piocher
Contraires :
- combler
creuser
v.
rI./r v. tr.
d1./d Rendre creux; faire un creux dans. Le jeûne et la fatigue lui ont creusé les joues. Creuser la terre.
d2./d Fig. Creuser l'estomac: donner un vif appétit.
|| (S. comp.) Fam. L'effort, ça creuse!
d3./d Pratiquer (une cavité). Creuser un trou, une tranchée.
d4./d Fig. Approfondir. Creuser un sujet, une question.
rII./r v. Pron.
d1./d Devenir creux. Dent qui se creuse.
d2./d Fig., Fam. Se creuser la tête, la cervelle: se donner beaucoup de peine pour résoudre un problème.
⇒CREUSER, verbe trans.
I.— Faire une cavité en enlevant de la matière.
A.— [Le compl. d'obj. désigne la chose dans laquelle on fait ou se fait une cavité]
1. Domaine phys. Une empreinte ineffaçable, semblable à la goutte d'eau forte qui creuse la planche de cuivre en y tombant (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1822, p. 114). [Il] se mit à creuser le schiste avec le crochet de la lampe (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1573) :
• 1. ... j'ai fermé mes deux malles (...) pour m'accorder le plaisir de déjeuner tranquillement, creusant le pot de miel et la motte de beurre avec une gourmandise méthodique.
COLETTE, L'Entrave, 1913, p. 113.
♦ Emploi abs. Le forgeron martelle; le mineur creuse (ALAIN, Propos, 1931, p. 998).
♦ Emploi pronom. à sens passif. Ce vieil arbre commence à se creuser (Ac.).
— P. métaph. Des remords creusaient ma conscience véreuse (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 265). Des chants de grenouilles creusaient les ténèbres jusqu'à l'invisible horizon (MALRAUX, Voie roy., 1930, p. 86) :
• 2. Dieu doit, en quelque manière, afin de pénétrer définitivement en nous, nous creuser, nous évider, se faire une place.
TEILHARD DE CHARDIN, Le Milieu divin, 1955, p. 94.
— P. méton. (hypallage), littér. [Le compl. d'obj. désigne la voix] Rendre semblable au son rendu par un objet, un espace creux. Il commence l'histoire (...) et avec une certaine passion qui creuse sa voix (H. BAZIN, Huile sur feu, 1954, p. 280).
♦ Emploi pronom. à sens passif. Les accents de sa voix se creusaient, se corsaient (ARNOUX, Zulma, 1960, p. 52).
2. Au fig., domaine de l'activité intellectuelle
a) [Le compl. d'obj. désigne le siège de l'activité de l'esprit hum.; la pers. du suj. possesseur est exprimée par un réfl. en constr. indir.] Fam. Se creuser la tête, le cerveau. Réfléchir intensément. Je me creuse le cerveau pour sortir sans la blesser de la situation ridicule où elle m'a mis (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 982).
— [Avec ell. de tête, cerveau] Ce pauvre papa (...) il ne s'était pas creusé (AYMÉ, Nain, 1934, p. 269).
b) [Le compl. d'obj. désigne une manifestation de l'activité de l'esprit hum.] Examiner avec attention et intérêt en allant plus loin qu'un examen superficiel, approfondir. Creuser une idée, un problème :
• 3. ... elle prit (...) le billet de Raoul (...); après l'avoir relu attentivement, après avoir pressuré chaque mot et creusé chaque phrase pour en faire jaillir la lumière, Mademoiselle de La Seiglière le relut encore une fois; ...
SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 286.
• 4. Pousser l'art jusqu'au sérieux, creuser, fouiller une étude, une composition, était impossible à ce garçon [Anatole] dont la cervelle légère était toujours pleine d'idées volantes.
GONCOURT, Manette Salomon, 1867, p. 46.
— [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Mon père s'arrête. Son regard me creuse (H. BAZIN, Huile sur feu, 1954 p. 180).
— Emploi abs. M. de Tocqueville qui n'avait guère jamais lu un livre qu'en creusant et en méditant, n'avait pas assez lu au hasard et en butinant (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 15, 1851-62, p. 95).
3. Domaine physiol. [Le compl. d'obj. désigne l'estomac, le ventre] Faire en sorte que l'estomac, le ventre, soit ou paraisse vide de nourriture. Une faim terrible lui creusait le ventre (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 102). L'estomac creusé par la marche, j'entrais dans une pâtisserie, je mangeais une brioche (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 229).
— Absol. Allons déjeuner, tout cela creuse (ANOUILH, Répét., 1950, V, p. 121).
— P. méton. (hypallage), littér.
♦ Creuser qqn. Creuser l'estomac de quelqu'un. Comme elle avait grand'faim après cette course, elle mangea beaucoup, avec ce plaisir des gens que l'exercice a creusés (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Yvette, 1884, p. 541).
♦ Creuser une faim. Creuser l'estomac de manière qu'on se sente affamé. La faim que midi creuse de ses douze coups répétés (A. DAUDET, Contes lundi, 1873, p. 188). L'odeur de l'étable erra dans l'air, creusant une faim douloureuse dans l'estomac vide de Michel (COLETTE, Duo, 1934, p. 225).
B.— Faire en creusant.
1. [Le compl. d'obj. désigne une cavité] Il creusa un trou dans la neige et s'y blottit avec son chien, sous une couverture qu'il avait apportée (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, L'Auberge, 1886, p. 1080). Une taupe qui creuse patiemment son petit tunnel (GREEN, Journal, 1934, p. 235).
— Emploi pronom. à sens passif :
• 5. On entendait des coups terribles frappés contre les murailles du navire comme par des béliers énormes. Toujours les grands trous d'eau qui se creusaient, tout béants, partout; ...
LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 136.
— Emploi pronom. réfléchi. Le renard ne se creuse pas de domicile. Il trouve son temps mieux employé à la rapine qu'à la fouille (PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 134). Le lent travail rotatoire d'un oursin pour se creuser un alvéole (GIDE, Si le grain, 1924, p. 436).
— P. métaph. L'érudit exclusif et absorbé, qui creuse sa mine avec passion (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 115). L'abîme que creusent entre les hommes la santé et les infirmités (MAURIAC, Journal 3, 1940, p. 268).
Emploi pronom. à sens passif. Un abîme se creuse entre nous (ARNOUX, Suite var., 1925, p. 172).
— Expr. fig.
♦ Creuser la tombe de (qqn). Être la cause de la mort (de quelqu'un). Celui dont l'épée au fourreau, toujours blême et glacée, a creusé maint tombeau (QUINET, Napoléon, 1836, p. 268) :
• 6. Je ne crois pas qu'il me reste un long temps à vivre : laissez-moi ces derniers jours! que je descende en paix dans le tombeau que vous m'avez creusé.
STAËL, Lettres inédites à L. de Narbonne, 1792, p. 76.
Fam. Creuser sa tombe avec ses dents. Causer sa mort par ses excès de chère.
♦ Creuser son sillon. Progresser continûment, avec persévérance.
2. [Le compl. d'obj. désigne une chose dont la cavité est la caractéristique essentielle] Creuser une pirogue dans un tronc d'arbre. Un homme (...) travaillait à creuser des sabots (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 31).
II.— P. ext. Rendre concave.
A.— [Le compl. d'obj. désigne la chose que l'on rend concave] Sa lourde tête creusait le traversin (CAMUS, Peste, 1947, p. 1449) :
• 7. ... pour ne pas travailler dans la terre ou dans la toile, elles ont préféré jaunir leur peau, creuser leur poitrine et déformer leur épaule droite : elles s'apprêtent bravement à passer trois ans dans une école normale...
COLETTE, Claudine à l'école, 1900, p. 195.
— Emploi pronom. à sens passif. Le lépreux gémissait. (...) un râle accéléré lui secouait la poitrine, et son ventre, à chacune de ses aspirations, se creusait jusqu'aux vertèbres (FLAUB., Trois contes, St Julien l'Hospitalier, 1877, p. 133). Un escalier vertigineux dont les marches commencent à se creuser au milieu sous tant de pieds (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, Mém. veuf, 1886, p. 202).
1. P. ext. Rendre ou faire paraître plus concave. Les phares de son automobile creusent les cassis de la route, accusent les bosses du macadam (ARNOUX, Suite var., 1925, p. 87). Le temps creuse les traits de ce visage; deux sillons partent des ailes du nez et rejoignent les coins de la bouche (MAUROIS, Disraëli, 1927, p. 212).
— Emploi pronom. à sens passif. Le pli que j'ai au front se creuse chaque jour davantage (RENARD, Journal, 1894, p. 250).
— Au fig. Rendre plus profond :
• 8. ... il n'est pas possible qu'un progrès intime ait pour résultat de creuser le déséquilibre qui déjà normalement est le mien, de me rendre plus insupportable encore le monde...
DU BOS, Journal, 1927, p. 241.
♦ Emploi pronom. à sens passif. Un bonheur qui s'étend et se creuse sans fond (NOAILLES, Éblouiss., 1907, p. 369).
2. P. méton. (hypallage)
a) [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Accuser les creux du visage, Henri, pâle, exténué, creusé par les veilles (SAND, Meunier d'Angib., 1845, p. 133).
b) [Le compl. d'obj. désigne une étendue solide ou liquide] Faire en sorte qu'il y ait des concavités. Visage creusé par l'insomnie, la fatigue (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1118). Elle [la mer] obéit au vent qui, depuis trois jours, la soulève et la creuse (COLETTE, Pays. et portr., 1954, p. 100).
— Emploi pronom. à sens passif. La mer se creusait tellement, que la frêle embarcation disparaissait à chaque instant (SAND, Indiana, 1832, p. 266). Le pays se creuse et s'accidente légèrement (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 948).
— Rare. [Le suj. désigne une concavité] Le pli profond qui creuse son front d'une tempe à l'autre, pareil à un sillon de charrue (GONCOURT, Journal, 1872, p. 879).
c) Situer dans une concavité. Des collines parallèles au milieu desquelles le chemin est creusé en tranchées (BARRÈS, Cahiers, t. 6, 1907-08, p. 170).
— Spéc. Creuser les yeux. Faire en sorte que les yeux soient ou semblent très enfoncés dans les orbites. Yeux noirs creusés par les austérités, et entourés d'un cercle brun (BALZAC, Curé vill., 1839, p. 42).
♦ Emploi pronom. à sens passif. Les yeux [d'Hélène] s'étaient creusés, la bouche s'était tirée, le menton aminci (BOURGET, Crime, 1886, p. 295).
B.— [Le compl. d'obj. désigne une concavité] Il remarqua sur le visage de son voisin un sourire qui creusait des fossettes dans ses joues rondes (GREEN, Moïra, 1950, p. 163).
— Emploi pronom. à sens passif. Il y avait de voluptueuses mollesses dans l'attache des joues, aux deux coins de la bouche, où se creusaient de légères fossettes (ZOLA, M. Férat, 1868, p. 9).
Rem. La plupart des dict. gén. enregistrent le subst. masc. creusoir. Outil servant à creuser la table d'un instrument de musique.
Prononc. et Orth. :[], (je) creuse []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1172 « rendre creux en vidant de sa substance » crosé (CHR. DE TROIE, Chevalier au Lion, éd. M. Roques, 437); 1685 au fig. « approfondir » (LA FONTAINE, Fables, XII, 23, 15 : creusant dans les sujets et fort d'expériences); 2. 1re moitié XIIIe s. « faire quelque chose en creusant » (PEAN GATINEAU, S. Martin, 5783 ds T.-L.); 1796 (DUSAULX, Voy. Barège, t. 1, p. 43 : Les vallées se creuserent); 3. verbe pronom. 1671 fig. (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. E. Regnier, II, p. 129 : ma tête et mon esprit se creusent). Dér. de creux; dés. -é puis -er. Fréq. abs. littér. :2 041. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 2 696, b) 3 723; XXe s. : a) 2 813, b) 2 692.
DÉR. 1. Creuseur, subst. masc. Celui qui creuse. Les assassins, creuseurs de fosses à la hâte (HUGO, Dieu, 1885, p. 132). Les creuseurs de puits (ALAIN, Propos, 1934, p. 1195). — []. — 1re attest. XIVe s. (Grandes Chroniques de France, IV, 3, P. Paris ds DG :les creuseurs qui minoient les murs); de creuser, suff. -eur2. — Fréq. abs. littér. : 3. 2. Creusure, subst. fém., technol. Creux. Dans le cas de creusure pratiquée dans une surface, on comprendra facilement que, une fois cette profondeur réglée par la longueur ou la course de l'outil, elle sera toujours la même dans le cours de ce travail (NOSBAN, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 238) — Dernière transcr. ds DG : kreú-. — 1res attest. 1547 « creux, cavité » (trad. de Vitruve, 136 ds HUG.); 1754 terme d'horlog. (Encyclop. t. 4); de creuser, suff. -ure.
BBG. — ANDRÉ (P.). Le Vocab. du violoniste. Vie Lang. 1972, p. 685; 1973, p. 51. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 134. — GOUGENHEIM (G.). Chercher et fouiller. In :[Mél. Harmer (L.C.)]. Sydney, 1970, p. 22. — QUEM. 2e s. t. 2 1971.
creuser [kʀøze] v. tr.
ÉTYM. V. 1173, croser; de creux.
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1 Rendre creux en enlevant de la matière. ⇒ Évider, trouer. || Creuser le bois, la terre. || L'eau, le vent creusent les rochers. ⇒ Affouiller, caver; miner.
♦ Faire un trou, des trous dans. || Creuser la terre (⇒ Défoncer, piocher) pour faire des travaux (⇒ Terrasser), pour la cultiver (⇒ Bêcher, labourer), pour chercher qqch. (⇒ Fouir, fouiller). || Creuser en spirale une pièce qui doit recevoir une vis. ⇒ Tarauder. || Creuser une médaille (⇒ Champlever), une pierre précieuse (⇒ Chever).
♦ Absolt. || Creuser dans la terre. || Creuser pour percer. ⇒ Forer, percer. || Creuser intérieurement. ⇒ Évider.
1 Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août.
Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
La Fontaine, Fables, V, 9.
2 (…) ce pouvait tout aussi bien être l'ouvrage d'un de ces gros rats d'eau qui fourragent, creusent et rongent en pareils endroits (…)
G. Sand, la Petite Fadette, VIII, p. 55.
3 Chacun havait le lit de schiste, qu'il creusait à coups de rivelaine; puis il pratiquait deux entailles verticales dans la couche, et il détachait le bloc (…)
Zola, Germinal, t. I, IV, p. 40.
2 Donner une forme concave à… || Creuser le dos, la taille. ⇒ Cambrer, rentrer. || Creuser un décolleté. ⇒ Échancrer. || La maladie lui a creusé les joues (⇒ Amaigrir), les yeux (⇒ Enfoncer). || Visage creusé de rides, aux rides profondes.
4 Le travail ne l'avait pas creusé et flétri comme la plupart des paysans qui ont dix années de labourage sur la tête.
G. Sand, la Mare au diable, V, p. 45.
5 Le violoniste couchant la joue sur son violon, comme si sa tête se pâmait; et la pianiste qui se penche en creusant le dos, et se relève, et ondule.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XV, p. 154.
3 ☑ Loc. métaphorique. Creuser l'estomac : donner l'impression d'un vide dans l'estomac; donner faim. || La marche nous a creusé l'estomac. — Par métonymie. ☑ (Régional). Creuser une faim à qqn.
♦ (1869). Fig. Donner de l'appétit à (qqn), donner faim. || Cet exercice les a creusés. — Absolt. || Le grand air, ça creuse.
5.1 (…) moi, on m'a invité à rester à la porte…. ça me creuse !…
E. Labiche, la Chasse aux corbeaux, 1.
4 (1865). Abstrait. Approfondir. || Creuser une idée, un sujet, une question. || Creuser une science. — Creuser qqn, l'analyser en profondeur.
♦ Absolt. || Si l'on creuse un peu on s'aperçoit qu'il ne connaît rien.
6 Vouloir rendre raison de Dieu (…) c'est creuser longtemps et profondément, sans trouver les sources de la vérité.
La Bruyère, les Caractères, XVI, 23.
7 Plus on creuse avant dans son âme, plus on ose exprimer une pensée très secrète, plus on tremble lorsqu'elle est écrite.
Stendhal, Souvenirs d'égotisme, p. 187.
8 Après avoir entendu les paroles, ne creusez pas trop les consciences. Vous trouveriez souvent au fond de la sévérité l'envie, au fond de l'indulgence la corruption.
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, L'esprit, II.
9 Quel lourd aviron qu'une plume et combien l'idée quand il la faut creuser avec, est un dur courant !
Flaubert, Correspondance, t. II, p. 62.
———
II Faire, former, en enlevant de la matière. || Creuser une fosse, un sillon, une tranchée, un trou, une rigole (→ Pioche, cit. 2). || Creuser un canal, une carrière, une mine. || Fleuve qui creuse son lit. || Creuser un tunnel. ⇒ Ouvrir. || Creuser un puits. ⇒ Foncer. || Creuser la fosse d'une tombe. ⇒ Fossoyeur. — (Sujet n. de chose). → ci-dessous cit. 12, 14, 14.1.
10 Celui qui creuse une fosse y tombe,
et la pierre revient sur celui qui la roule.
Bible (Crampon), Proverbes, XXVI, 27.
11 Voyez-vous à nos pieds fouir incessamment
Cette maudite laie, et creuser une mine ?
C'est pour déraciner le chêne assurément (…)
La Fontaine, les Fables, III, 6.
12 L'été, on se demande où sont les rivières qui ont pu creuser de pareils lits.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 84.
13 Les terrassiers commenceraient à creuser tout de suite les fondations de l'hôtel, tracées dans la partie libre du terrain.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXVII, p. 272.
14 Les roues des ambulances avaient creusé les ornières dans l'allée, où il ne restait plus trace du gravier fin que M. Thibault faisait jadis ratisser chaque jour.
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 59.
14.1 Par instants un remous creuse un sillon profond; une gerbe d'écume bondit.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 692.
♦ ☑ Loc. fig. Creuser sa fosse, sa tombe : être cause de sa propre mort. ☑ Loc. fig. Creuser sa fosse avec ses dents : manger avec excès. — ☑ Creuser un abîme entre deux personnes. ⇒ Désunir, séparer. || Creuser un abîme devant qqn. — ☑ Creuser son sillon : poursuivre son œuvre avec persévérance.
15 Ceux qui font les révolutions à demi ne font que creuser leurs tombeaux.
16 (…) les indemnités de guerre imposées au vaincu viendront, souvent, boucher les trous que la guerre même aura creusés dans les budgets militaires.
Louis Madelin, Vers l'Empire d'Occident, V, p. 65.
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se creuser v. pron.
1 (Sens passif). Devenir creux, affecter une forme creuse.
17 (…) son front large et haut commençait à se creuser de rides (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, II, III.
18 (…) l'avenue se creusait comme une tranchée d'ombre.
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 63.
♦ Mar. || La mer se creuse, devient mauvaise. — REM. On rencontre dans le même sens un emploi intransitif : || « la mer creuse de plus en plus » (Accoce, Polonais, p. 197).
2 (Faux pron., avec un compl.). Creuser pour soi (qqch.). || Se creuser un abri.
19 Le blaireau est un animal paresseux, défiant, solitaire, qui se retire dans les lieux les plus écartés, dans les bois les plus sombres, et qui s'y creuse une demeure souterraine (…)
Buffon, Hist. nat. des animaux, Le blaireau.
20 Il se rappela le jour de son enfance où, après avoir couronné son poney, il s'était creusé aux genoux deux plaies.
Giraudoux, Bella, V, p. 115.
3 Fig. (Choses). Se former. || Abîme qui se creuse entre deux personnes. → Abîme, cit. 11 et 14.
4 Fam. (Personnes). Réfléchir intensément. || Tu ne t'es pas trop creusé ! ⇒ Casser (fam.), fatiguer.
21 (…) quand je me suis bien creusée sur ce sujet (…)
Mme de Sévigné, 222, 25 nov. 1671.
♦ (Avec un compl.). ☑ Se creuser la tête, l'esprit, la cervelle, le ciboulot (même sens).
22 (…) ne vous y creusez point trop l'esprit (…)
Mme de Sévigné, 153, 8 avr. 1672.
23 (…) les idées me manquent, j'ai beau me creuser la tête, le cœur et les sens, il n'en jaillit rien.
Flaubert, Correspondance, t. II, p. 339.
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creusé, ée p. p. adj.
♦ Rendu creux. || Sol creusé par endroits. || Visage creusé de rides. ⇒ Sillonné.
24 (…) le visage (…) creusé par la mort, se ranima, ses mains se soulevèrent.
France, Les dieux ont soif, p. 165.
25 Les traits de son visage, fins et charmants mais hâlés, creusés par la fatigue, endurcis par les soucis, avaient une expression audacieuse et mâle.
France, Les dieux ont soif, p. 185.
26 (…) un ventre spacieux, comme une vasque creusée au tour.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 18.
♦ Fait, taillé en forme de creux. || Trous creusés dans le sol. || Cannelures creusées sur une colonne.
27 La neige est partout : elle comble les mille vallées creusées dans la puissante échine des montagnes (…)
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », I, p. 69.
♦ Par métaphore :
28 Quand je monte à la tribune, je suis déjà vidé, je suis creusé, je suis épuisé par ces dévorations intérieures, je suis exténué d'avance.
REM. Le participe présent creusant est parfois adjectivé :
29 (…) ni par la plus creusante tempête tournant des paquets de feuilles à la fois.
Francis Ponge, le Parti pris des choses, p. 60.
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CONTR. Arrondir, bomber, bouffer, bouffir, boursoufler, combler, remplir, ressortir.
DÉR. Creusage, creuseur, creusoir, creusure.
HOM. Creuset.
Encyclopédie Universelle. 2012.