Akademik

éveiller

éveiller [ eveje ] v. tr. <conjug. : 1>
esveiller 1100; lat. pop. °exvigilare « veiller sur; s'éveiller » veille
I V. tr.
1Littér. Tirer du sommeil. réveiller. Ne faites pas de bruit, vous allez l'éveiller. « un enfant qu'on a éveillé en plein cauchemar » (Martin du Gard).
2Faire se manifester (ce qui était latent, virtuel). développer, révéler, stimuler. Activité qui éveille l'intelligence. « Aucune éducation ne transforme un être : elle l'éveille » (Barrès).
3(XVIIe) Faire naître ou apparaître (un sentiment, une idée). déclencher, provoquer, susciter. Éveiller une passion, un désir, l'amour chez qqn. Éveiller la défiance, les soupçons, l'attention (cf. Mettre la puce à l'oreille). Faire qqch. sans éveiller l'attention. Elle « jeta les lettres dans l'ouverture de la boîte par un geste rapide qui n'éveilla pas le moindre soupçon » (Green). Éveiller la curiosité. exciter, piquer. « Ce nom éveille, en moi, des mondes de songes ! » (Villiers). évoquer. N'éveiller aucun écho : ne déclencher aucune réaction. — Éveiller qqn à qqch., le sensibiliser à (qqch.). « Une jeune femme un peu lourde, qui avait des vapeurs, difficile à éveiller au plaisir et toujours satisfaite » (Guéhenno).
IIS'ÉVEILLERv. pron.
1Sortir du sommeil. se réveiller. « une certaine voix angélique des femmes qui s'éveillent et qui, comédiennes de race, semblent chaque matin sortir de l'au-delà » (Radiguet). Poét. (nature, objet personnifié...) « La nature s'éveille et de rayons s'enivre » (Rimbaud). « Paris comme une jeune fille S'éveille langoureusement » (Apollinaire).
♢ S'ÉVEILLER À (un sentiment) :éprouver pour la première fois. S'éveiller à l'amour, à la vie.
2Naître, se manifester (sentiments, idées). Sa curiosité s'éveille. « Une série de souvenirs s'éveillaient dans son imagination » (Barrès).
⊗ CONTR. Endormir. Apaiser, paralyser.

éveiller verbe transitif (latin populaire exvigilare, du latin classique evigilare) Littéraire. Tirer quelqu'un du sommeil : Ma mère m'éveilla au petit matin. Susciter, provoquer la manifestation, l'apparition d'un sentiment, d'une aptitude (chez quelqu'un), les faire naître : Ceci éveilla ma curiosité.éveiller (expressions) verbe transitif (latin populaire exvigilare, du latin classique evigilare) Éveiller l'attention de quelqu'un, le rendre vigilant. N'éveiller aucun écho chez quelqu'un, ne déclencher aucune réaction. ● éveiller (synonymes) verbe transitif (latin populaire exvigilare, du latin classique evigilare) Littéraire. Tirer quelqu'un du sommeil
Synonymes :
- réveiller
Contraires :
Susciter, provoquer la manifestation, l'apparition d'un sentiment, d'une aptitude (chez...
Synonymes :
Contraires :
- éteindre
- étouffer

éveiller
v.
rI./r v. tr.
d1./d Litt. Tirer du sommeil. Le bruit l'éveilla. Syn. réveiller.
|| Fig. Faire se manifester ce qui était à l'état latent, virtuel. Activités qui éveillent l'intelligence d'un enfant.
d2./d Faire naître, provoquer (un sentiment, une attitude). éveiller l'attention, la sympathie, la méfiance. Syn. susciter.
rII./r v. Pron.
d1./d (Personnes) Sortir du sommeil.
Par ext., litt. La nature s'éveille.
|| S'éveiller à: commencer à être sensible à.
d2./d Apparaître, se développer (sentiments, idées). Son attention s'éveille.

⇒ÉVEILLER, verbe trans.
A.— Faire sortir du sommeil. (Quasi-)synon. réveiller.
1. [Le suj. désigne une pers.] Il éveilla le dormeur en lui chatouillant le nez avec une paille (ZOLA, T. Raquin, 1867, p. 65). J'ai demandé qu'on m'éveille à sept heures, mais dès 5 heures et demie prends mon parti de ne plus dormir (GIDE, Journal, 1932, p. 1128). Je l'ai accompagné jusque chez lui, 21, rue du Dragon; il a dû sonner plusieurs fois avant d'éveiller le portier (MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1955, p. 81).
Emploi pronom. Sortir du sommeil. (Quasi-) synon. se réveiller. Le lendemain, Laurent s'éveilla frais et dispos. Il avait bien dormi (ZOLA, T. Raquin, 1867 p. 81). Je peux me réveiller quand je veux. Je me couche, je me dis : à sept heures, et je m'éveille à sept heures (CAMUS, Possédés, 1959, 2e part., 6e tabl., p. 1001) :
1. ... je vais dormir un bout de temps; mais donnez-moi tout de même un quignon de pain, quelques fruits, du fromage. J'aurai peut-être envie de manger, cette nuit, si je m'éveille; car je m'éveille souvent, la nuit, et alors j'ai faim...
BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 235.
P. anal. [Avec un compl. prép. de] Sortir (d'un état), abandonner (une façon d'être). S'éveiller de sa colère. Déjà de très jeunes gens s'éveillent du romantisme dur codifié par Sartre (COCTEAU, Poés. crit. II, Monologues, 1960, p. 30) :
2. ... un coup (...) l'envoya rouler sur l'herbe. (...) — je puis recommencer, si tu veux. Cette phrase parvint aux oreilles de Joseph comme à travers un brouillard et il lui sembla que, lentement, il s'éveillait d'un mauvais rêve.
GREEN, Moïra, 1950, p. 30.
Rem. 1. Pour THOMAS 1956 ,,Éveiller, c'est tirer normalement du sommeil (...) Réveiller, c'est aussi éveiller, mais en faisant quelque effort inhabituel pour faire cesser le sommeil (...)``; pour COLIN 1971 éveiller est ,,moins courant et plus littéraire que réveiller (...)``. 2. On relève ds la docum. a) la remarque suiv. : « M'avait réveillé » (je mettrais : éveillé) (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 284). b) l'emploi arch. suiv. : «Pas tant de bruit, tu vas éveiller le Joseph. » (...). Joigneau ne répond pas. Il se fiche d'éveiller le gosse. Et le gosse se fiche d'être éveillé (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p. 1017).
2. P. anal., emploi pronom. réfl.
a) [Le suj. désigne une partie du corps] Elle se mit debout, réveillée en sursaut par un grand frisson d'angoisse. (...) Son estomac s'éveillait, lui aussi, et la torturait (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 753).
b) [Le suj. désigne une ville, des éléments de la nature, avec une référence au matin] Ce matin-là Paris mettait une paresse souriante à s'éveiller (ZOLA, Page amour, 1878, p. 846). Après le passage des premiers tramways, la ville s'éveille peu à peu, les premières brasseries ouvrent leur porte sur des comptoirs chargés de pancartes (CAMUS, Peste, 1947, p. 1315) :
3. Dès l'aube rougissante sur la campagne blême, entre Dôle et Pontarlier, le spectacle des champs qui s'éveillaient, le gai soleil qui se levait de la terre, — le soleil échappé comme eux de la prison des rues (...) des fumées grasses de Paris.
ROLLAND, J.-Chr., Antoinette, 1908, p. 904.
B.— Au fig.
1. Susciter la naissance de (quelque chose), ou le développement de (ce qui était latent, virtuel).
a) [Le compl. désigne un sentiment, une sensation, une faculté, une impression] Éveiller de vives douleurs. Quand un hasard éveille l'amour, tout s'ordonne dans l'homme selon cet amour, et l'amour lui apporte le sentiment de l'étendue (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 313). Le portrait du maréchal qui se trouvait à l'intérieur éveilla notre méfiance (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 133) :
4. Je me suis persuadé que la plus belle mission que se puisse proposer un homme est celle de mendier son pain et d'éveiller ainsi les sentiments d'amour de compassion, de fraternité, qui sommeillent aux cœurs de nos semblables.
AYMÉ, Cléramb., 1950, p. 177.
En partic. Éveiller des soupçons. Faire naître des soupçons. Être admis à toute heure, en tout lieu, dans l'intimité des plus jeunes et des plus jolies femmes, sans éveiller les soupçons d'un mari ou la jalousie d'un amant (JOUY, Hermite, t. 3, 1813, p. 218). Les amants tremblaient de commettre une imprudence, d'éveiller les soupçons, de montrer trop brusquement l'intérêt qu'ils avaient eu à la mort de Camille (ZOLA, T. Raquin, 1867, p. 112) :
5. ... il est mort (...) chez Marie Puech (...) Il avait installé Marie Puech rue du Cotentin, pour n'avoir pas à faire de trop grands trajets à pied. Il l'avait installée là, à deux pas de sa maison, au risque d'éveiller les soupçons de maman.
DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 122.
Emploi pronom. Se développer. Son sens critique commençait à s'éveiller (ROLLAND, J.-Chr., Antoinette, 1908 p. 840).
En partic. [Le suj. désigne une pers.] Se développer, atteindre une certaine maturité. Mais vous savez bien ce que Balthazar disait :« Il s'éveille, cet enfant, il s'éveille » (A. DAUDET, Arlésienne, 1872, III, 4, p. 433).
b) [Le compl. désigne les manifestations de ces sentiments, sensations, etc.] Un livre éveille les idées, mais il n'éveille que les idées dont on a soi-même le germe : pour être complice de toutes les idées de Montesquieu, il faudrait avoir autant de génie que lui (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1833, p. 160) :
6. ... la brusque sympathie qu'il témoignait à Renée devait faire pendant un mois l'étonnement de la concierge. La vie de Renée et de Gilbert éveillait les commérages du quartier. On ne savait s'ils étaient mariés.
ARLAND, Ordre, 1929, p. 326.
Emploi pronom. réfl. Apparaître, naître. Le mysticisme s'éveille. L'industrie s'éveille; les arts déjà connus s'étendent et se perfectionnent (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 5). L'anatomie s'éveille avec Vésale et ses élèves (Roussy ds Nouv. Traité Méd., fasc. 5, 2, 1929, p. 10).
En partic. Éveiller un écho. Déclencher, provoquer un (des) écho(s), (v. ce mot C). Elle éveillait en lui de lointains et profonds échos (ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1033). C'est curieux le nombre de gens chez qui la seule idée du nu éveille aussitôt des échos lubriques (GIDE, Journal, 1936, p. 1252).
Ne pas éveiller d'écho. Ne susciter aucune réaction :
7. La question des camps de travail en particulier va bouleverser l'opinion. Remarquez qu'elle avait été déjà soulevée avant la guerre (...) mais en ce temps nous n'éveillions guère d'écho.
BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 295.
c) P. métaph. [Le compl. désigne un son] La vue d'une note imprimée sur la partition éveille en nous le son dont elle est le signe (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 433).
Emploi pronom. Se manifester, naître. De temps en temps un carillon ravissant s'éveillait dans la grande tour (...) ce carillon me faisait l'effet de chanter à cette ville de magots flamands je ne sais quelle chanson chinoise (HUGO, Fr. et Belg., 1885, p. 87). Un grondement s'éveille et meurt. Est-il ami ou ennemi? (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 341).
2. En partic. et p. métaph. Animer, tirer de l'indiffé rence ou du silence, stimuler. La nuit n'était pas venue (...) des rouliers allant à Senlis éveillaient par intervalle la solitude du carrefour (GOZLAN, Notaire, 1836, p. 180). Si l'on considère une période longue ou très longue, l'évolution de la technique éveille ou met en sommeil des régions successives (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 264).
Emploi pronom. Être stimulé. L'attention s'éveille. Les milieux politiques locaux, longtemps muets et résignés, s'éveillaient sous la tornade (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 65).
3. Locutions
a) Éveiller un sentiment en qqn; éveiller de la déception, un espoir en qqn. Comment vous dire tout ce qu'éveille d'émotion en moi un article de vous? (HUGO, Corresp., 1872, p. 312). Son pire défaut est qu'elle n'éveille en vous aucune sympathie, qu'elle n'est femme en rien (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 27) :
8. Antoine l'écoutait, sans l'interrompre; et cette attention intimidait un peu Jacques, mais le soutenait aussi, éveillait en lui un secret sentiment d'importance qui le rendait plus loquace.
MARTIN DU G., Thib., Sorell., 1928, p. 1216.
Emploi pronom. Apparaître, s'épanouir. D'ineffables aspirations s'éveillent en lui (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 177) :
9. Elle commença de se balancer un peu du buste, selon son habitude même sur une chaise droite. Ce mouvement semblait l'aider à réfléchir. Un projet s'éveilla bientôt en elle. Toujours active à penser, dès qu'elle concevait un plan, elle le poursuivait inlassablement.
ROY, Bonheur occas., 1945, p. 110.
En partic. [Le compl. désigne une pers. ou un personnage typique] Faire naître, donner l'existence, susciter :
10. Alors elle levait son doigt d'une façon charmante (...) et elle ne savait dire que ce seul mot : « papa », ce mot qui éveillait en lui un être nouveau, et faisait surgir dans son cœur un monde inconnu de tendresses.
MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 280.
Emploi pronom. Il y eut un nouveau silence. Le médecin s'éveillait en lui. Il compta les pulsations (ZOLA, Page amour, 1878, p. 930). Le poète s'éveille dans l'homme par un événement inattendu, un incident extérieur ou intérieur : un arbre, un visage, un « sujet », une émotion, un mot (VALÉRY, Variété V, 1944, p. 160).
b) Éveiller (qqn) à (qqc.). Ouvrir à, faire s'épanouir à. Une jeune femme un peu lourde, qui avait des vapeurs, difficile à éveiller au plaisir, et toujours insatisfaite (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 69) :
11. Deux ans plus tôt, pour m'éveiller à l'humanisme, il m'avait exposé des idées dont il ne soufflait plus mot, de crainte d'encourager ma folie mais qui s'étaient gravées dans mon esprit. Elles reprirent, sans bruit, leur virulence...
SARTRE, Mots, 1964, p. 147.
Emploi pronom. S'ouvrir à quelque chose, en prendre une première connaissance. Adam s'éveille à la vie; ses yeux s'ouvrent; il ne sait d'où il sort (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 285). L'Italie s'était éveillée la première à la science et à la beauté (FRANCE, Rabelais, 1909, p. 8) :
12. Raymond, la victime, réagissait peu à peu, s'éveillait à la souffrance, au dépit, à une colère qu'il ne pouvait manifester...
ARNOUX, Crimes innoc., 1952, p. 145.
SYNT. Éveiller la convoitise, la cupidité, la défiance, le désir, l'instinct, l'intérêt; éveiller des résonances.
Prononc. et Orth. :[] ou [eveje], (il s')éveille []. Enq. : /evej/ (il) éveille. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « tirer du sommeil, ici pronom. » (Roland, éd. J. Bédier, 724); 2. 1160-70 pronom. « sortir de l'indifférence, de l'engourdissement » (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 2728). Du lat. vulg. exvigilare, réfection du lat. class. evigilare « s'éveiller ». Fréq. abs. littér. :4 183. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 349, b) 6 389; XXe s. : a) 6 749, b) 6 593. Bbg. GOHIN 1903, p. 344.

éveiller [eveje] v. tr.
ÉTYM. 1080, esveiller; lat. exvigilare « veiller sur », par ext. « s'éveiller », de ex, et vigilare « veiller », de vigil.Vigile; veille.
1 Littér. Tirer (qqn, un animal) du sommeil. Réveiller (cour.). || Ne faites pas de bruit, vous allez l'éveiller (→ Aubade, cit. 1; éconduire, cit. 4).
REM. Éveiller est moins fort que réveiller et sert plutôt à exprimer ce qui est fait involontairement, sans brusquerie. Les premières lueurs de l'aube l'éveillèrent, mais : on le réveilla en pleine nuit. Néanmoins cette nuance relève d'un usage soutenu; dans la langue courante, réveiller élimine peu à peu éveiller dans tous les emplois.
1 (…) parce que aucuns (quelques-uns) tiennent que cela trouble la cervelle tendre des enfants de les éveiller le matin en sursaut, et de les arracher du sommeil (auquel ils sont plongés beaucoup plus que nous ne sommes) tout à coup et par violence, il me faisait éveiller par le son de quelque instrument (…)
Montaigne, Essais, I, XXVI.
2 Si sur le point du jour parfois il sommeillait,
Le savetier alors en chantant l'éveillait (…)
La Fontaine, Fables, VIII, 2.
3 Jésus, les trouvant encore dormant (…) il a la bonté de ne pas les éveiller, et les laisse dans leur repos.
Pascal, Pensées, VII, 553.
4 Il fit couper la tête à son coq, de colère,
Pour l'avoir éveillé plus tard qu'à l'ordinaire (…)
Racine, les Plaideurs, I, 1.
5 (…) j'ai préféré d'éveiller avec précaution la jolie dormeuse, et suis en effet parvenu à prévenir le cri que je redoutais.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre XCVI.
6 Il dévisageait l'Anglais, avec l'expression d'un enfant qu'on a éveillé en plein cauchemar.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 68.
Prov. Il ne faut pas éveiller (réveiller) le chat qui dort.
Par métaphore. || Éveiller le genre humain de l'assoupissement (cit. 8). || Les cris (cit. 4) n'éveillent point les morts.
7 Moi, j'entre ici, où, par la force de mon art, je vais, d'un seul coup de baguette, endormir la vigilance, éveiller l'amour, égarer la jalousie, fourvoyer l'intrigue, et renverser tous les obstacles.
Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, VI.
Poét. Animer.
8 (…) l'aube d'été éveille les feuilles et les vapeurs et les bruits de ce coin du parc (…)
Rimbaud, les Illuminations, « Ornières ».
2 Fig. (vieilli). Tirer (qqn) de l'indifférence.
9 Il faut que sa douceur (de l'idylle) flatte, chatouille, éveille (…)
Boileau, l'Art poétique, II.
3 Faire se manifester (ce qui était latent). Développer, révéler, stimuler. || L'étude des mathématiques éveille l'intelligence.
10 Aucune éducation ne transforme un être : elle l'éveille.
M. Barrès, Leurs figures, p. 24.
11 Ceux que la littérature a tués, je pense qu'ils portaient déjà la mort en eux; ceux qui se sont faits chrétiens étaient admirablement prêts pour l'être; l'influence, disais-je, ne crée rien : elle éveille.
Gide, Prétextes, p. 28.
4 (XVIIe). Faire naître ou apparaître (un sentiment, une idée…). Déclencher, provoquer, susciter. || Éveiller une passion, un désir (→ Caprice, cit. 17). || Éveiller l'amour chez qqn (→ Baguette, cit. 5; coquetterie, cit. 9). || Éveiller la haine. Attirer (s'). || Éveiller la défiance (cit. 6), les soupçons de qqn (→ Mettre la puce à l'oreille, ouvrir les yeux à qqn). || Faire qqch. sans éveiller l'attention. || Éveiller la curiosité (cit. 10). Exciter, piquer. || Éveiller l'idée de qqch. Évoquer (→ Bordj, cit. 1; cambriolage, cit.; consumer, cit. 11). || Ce mot éveillait en lui des images différentes. || Éveiller qqn à qqch., le sensibiliser à (quelque chose).
12 Quelle foule d'idées j'éveille dans son cerveau par ce peu de mots (…)
Rousseau, Émile, III.
13 Ce nom éveille, en moi, des mondes de songes !
Villiers de L'Isle-Adam, Axel, III, 1.
14 (…) si ce beau mot de politique, très séduisant et excitant pour l'esprit, n'éveillait de grands scrupules et de grandes répugnances dans l'esprit de l'auteur.
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 11.
15 Le thème du sacrifice à la beauté éveillait en moi des résonances si profondes que (…)
A. Maurois, Climats, I, II.
16 (…) la vue de Jenny éveillait en lui, à tout instant, la nostalgie de sa propre jeunesse.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 278.
17 (Elle) jeta les lettres dans l'ouverture de la boîte par un geste rapide qui n'éveilla pas le moindre soupçon.
J. Green, Adrienne Mesurat, p. 93.
18 (ce parfum) qu'elle connaissait si bien et qui à cette minute éveillait en elle tant de souvenirs (…)
J. Green, Adrienne Mesurat, p. 261.
Loc. Éveiller un écho (→ Amplifier, cit. 5). || N'éveiller aucun écho, ne pas éveiller d'écho : ne susciter aucune réaction.
19 Mes yeux noyés de pleurs ne voyaient que le vide,
Mes sanglots étouffés n'éveillaient point d'échos.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Lettre à Lamartine ».
5 (1870). Techn. || Éveiller le poil (d'une peau), le redresser pour le remettre dans sa position d'origine.
——————
s'éveiller v. pron.
1 Sortir du sommeil. Réveiller (se); ouvrir (les yeux). || Dormeur (cit. 1) qui s'éveille (→ Courir, cit. 23; dormir, cit. 17).
20 Le chat cria d'un miauleux effroi;
Je m'éveillai comme tout hors de moi,
Et en sursaut mes serviteurs j'appelle (…)
Ronsard, Poèmes, I, « Le chat ».
21 Le malade, qui visiblement venait de s'éveiller en sursaut, s'était dressé sur son coude valide, et il écarquillait les yeux, en souriant sans timidité.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 198.
22 Je redoutais aussi l'agacement que donne une certaine voix angélique des femmes qui s'éveillent et qui, comédiennes de race, semblent chaque matin sortir de l'au-delà.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 116.
Poét. (Nature, objet personnifié…). || La nature s'éveille. || Paris s'éveilla au son des cloches (→ Bourdon, cit. 4; endormir, cit. 20).
23 La nature s'éveille et de rayons s'enivre (…)
Rimbaud, Poésies, « Les étrennes des orphelins », V.
24 Paris comme une jeune fille
S'éveille langoureusement
Secoue sa longue chevelure
Et chante sa belle chanson.
Apollinaire, Calligrammes, « Les collines ».
2 (V. 1160). Vx. Sortir de l'indifférence, de l'illusion.
25 Il n'est pas mauvais que le peuple s'éveille de temps en temps (…)
Retz, Mémoires, IV, 128.
S'éveiller à : éprouver pour la première fois. || S'éveiller à l'amour, à la souffrance (→ 2. Charme, cit. 5).
Naître, se manifester (sentiments, idées…). || Sa curiosité s'éveille (→ Attention, cit. 23).
26 (…) dans plus d'une âme s'éveillait le repentir (…)
Michelet, Extraits historiques, p. 165.
27 Une série de souvenirs s'éveillaient dans son imagination, coupés par ces grands élans qu'excitent dans une âme les approches de la mort.
M. Barrès, la Colline inspirée, p. 314.
——————
éveillé, ée p. p. adj.
ÉTYM. (XIIIe, avoillez.)
1 Qui ne dort pas. || Il resta éveillé toute la nuit. Veiller. || Ce tintamarre m'a tenu éveillé jusqu'au matin (→ Cri, cit. 11).
28 (…) Je n'ai point sommeillé (…)
Je vous parle bien éveillé (…)
Molière, Amphitryon, II, 1.
29 Cet affreux tourment-là me tint éveillé jusqu'au matin (…) Jacques non plus ne dormit pas. Je l'entendis se virer de droite et de gauche sur son oreiller (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, XIV.
N. m. :
29.1 Bonheur de l'éveillé quand il détruit pièce à pièce la réalité du cauchemar et le pousse dans la catégorie étrange de l'être non-être, de l'erreur.
Valéry, Cahiers, t. II, Pl., p. 103.
Par ext. Que l'on a sans dormir. || Un rêve, un songe, un sommeil éveillé.
30 L'amour est un repos pour la femme. C'est un refuge, un oubli, une consolation, une sorte de sommeil éveillé.
Edmond Jaloux, le Jeune Homme au masque, X.
31 Hugo aussi a ses moments non de sommeil, mais de rêve éveillé, où l'on ne discerne plus très bien ce qu'il énonce (…)
Émile Henriot, les Romantiques, p. 16.
2 (Personnes). Plein de vie, de vivacité. || Un enfant éveillé. Alerte, décidé, déluré; dégourdi, espiègle, gai, intelligent, malicieux, vif. → Un lutin, un diable. — ☑ Loc. Être éveillé comme une potée de souris, très éveillé.N. || Un éveillé, une éveillée, vx. || Éveillé à : ouvert à. || Élève tout à fait éveillé au calcul, à l'histoire.Par ext. || Un esprit éveillé. Dispos, ouvert, vif. || Avoir l'œil, la mine, l'air éveillé. Futé; fripon, mutin. || Un minois éveillé (→ Chiffonné, cit. 5).
32 Des lapins, qui sur la bruyère,
L'œil éveillé, l'oreille au guet,
S'égayaient et de thym parfumaient leur banquet.
La Fontaine, Fables, X, 14.
33 Je leur fis voir à tous les petites de Valançay, qui sont fort éveillées (…)
Mme de Sévigné, 657, 29 sept. 1677.
34 Lorsqu'il était petit, il n'a jamais été ce qu'on appelle mièvre et éveillé.
Molière, le Malade imaginaire, II, 5.
35 Certes, il n'a rien de ce qui s'appelle un enfant éveillé. On le croirait même tout à fait sot.
Louis Bertrand, Louis XIV, I, I.
36 Elle (l'enfant) est embusquée là-dessous (sous la capote de sa voiture) comme un petit douanier dans sa guérite, et plus éveillée qu'une potée de souris.
Colette, la Paix chez les bêtes, Bel-Gazou et Buck.
CONTR. Assoupir, endormir. — Abêtir, apaiser, étouffer, paralyser, tuer. — Endormi, somnolent. — Abruti, indolent, lourd, mou, pesant, sot.
DÉR. Éveil, éveilleur.

Encyclopédie Universelle. 2012.